La survie au quotidien [Lily Celey]

Le soleil s'était levé depuis un moment déjà, mais les rayons de l'astre parvenaient difficilement à traverser la dense forêt de Sombrebois, à certains endroits elle est dans une pénombre constante. C'est ici que se trouvait Chris, suspendu à plusieurs mètres du sol dans un pin solide dont il a brisé plusieurs branches en tentant d'y grimper la veille. Chaque soir et chaque matin, ça devait être son rituel, tout comme une grande partie des bannis qui avaient survécus jusqu'ici, se disait-il. En tout cas, c'était la meilleure façon de dormir sans être trop alarmé par les dangers de l'extérieur, même si c'était certainement pas la plus confortable. Une fois réveillé, le vieil homme jeta au sol son cordage qu'il avait utilisé dans la nuit, et descendu ensuite lentement, ne prenant pas le risque de casser d'autres branches et de tomber. Mais il appréciait justement ce genre de forêt, portant les meilleurs arbres en son sein, il pouvait y dormir et les couper pour en tirer le meilleur des bois.

Une fois arrivé à terre, Chris jeta un coup d’œil pour vérifier qu'il n'y avait aucune ombre dangereuse dans le coin, avant de pouvoir empaqueter ses affaires dans son sac de cuir et se préparer à se mettre en route. Depuis un jour, il marchait de Marbrume à la recherche du domaine de Sombrebois. Anciennement bûcheron, il savait d'une part qu'il trouverait un bois de qualité ic, et d'autre part, il pourrait tenter d'explorer le bourg ravagé par la fange, sans doute il pourrait y trouver une meilleure hache voire une nouvelle épée. Tout l'équipement qu'il avait sur lui avait été récupéré dans des camps détruits par les créatures de la nuit, et n'était pas de la meilleure qualité, mais ça faisait l'affaire.

L'homme portait plusieurs couches de vêtements sur lui, le rendant encore plus costaud qu'il était, elles étaient surtout pour le protéger du froid et des attaques possibles. Dans cette tenue, l'homme pourrait probablement passer pour un animal sauvage, en particulier lorsqu'il porte son capuchon. Un accoutrement qui effraie la plupart des animaux et des hommes d'ailleurs.
Christopher se mit alors en marche dans la direction où il se dirigeait depuis un jour déjà, mais avant, il fit un petit détour. En quelques minutes, il fit le tour de la futaie où il se trouvait, et récoltait sur son chemin, de petits pièges à rongeurs qu'il avait déposé la veille. Une fois sa patrouille terminée, il revint sur ses pas pour se diriger vers Sombrebois.

L'homme portait maintenant son repas sur lui, attachés au niveau de sa taille, se trouvaient un jeune lapin et un écureuil tous avaient évidemment été tués, et leur cadavre pendaient à sa ceinture. A vrai dire, l'homme se fichait clairement des apparences, il ne vivait plus en société depuis quelques temps déjà. Et peu lui importait si on le trouvait sauvage ou dégoûtant, un homme doit se nourrir. Et si ça le rendait plus menaçant qu'avant, c'était tant mieux, la solitude lui va à merveille de toute façon, devait-il se convaincre.

Après une longue marche, alors que le soleil avait presque rejoint le haut du ciel et que les petites proies à sa taille s'étaient vidées de leur sang, il atteignit sa destination. Au loin, entre quelques pins, il apercevait la présence du fameux château de Sombrebois, ce qui lui décrocha un sourire. Il était déjà venu ici, et l'instant de quelques secondes, il se rappelait de ses dernières visites, l'endroit était bien plus animés. Mais la mort s'était installé à la place ici, et un calme plat y régnait, c'était en quelque sorte une bonne chose pour lui, il n'avait pas particulièrement envie d'être interrompu pendant son pillage des lieux. Mais avant, il devait se nourrir, pendant son trajet, son estomac s'était réveillé plus d'une fois à en alerter les morts. Il se dépêcha alors de rejoindre le bourg de Sombrebois qui était désolé maintenant, premièrement, tout ce dont il avait besoin était d'une cabane qui tenait debout. Le lieu était dépeuplé, désert, mort, l'ambiance que dégageait le bourg jetait plusieurs frissons dans l'échine du banni. Malheureusement, une grande partie avaient été saccagés par les attaques des créatures, éventuellement, il finit par trouver une maisonnette ni brûlée, ni effondrée sur elle-même.

A l'intérieur, ça n'était pas vraiment mieux que le reste des maisons, l'endroit avait été pillé, les meubles étaient presque tous détruits ou dans un sale état. Mais tout ce qui importait actuellement Chris était la présence du foyer au milieu de la petite maison. Il se décida alors à rester ici pour un petit temps, et déposa ses affaires contre un mur proche du foyer avant de fermer la porte. Il portait toujours cependant sa hache dans son dos, elle le protégerait s'il venait à se faire attaquer ici, il ne restait jamais sans défense. Mais l'heure n'était pas à la défense, mais à la cuisine, il saisit tout d'abord de quoi faire son feu dans son sac. Rien de plus simple, un briquet à silex qu'il avait eu la chance de "trouver", de la daldinie concentrique ainsi que du quelques morceaux de bois morts pour tenir le feu. Chris réussit rapidement à allumer son feu, et commença à l'entretenir, tout en préparant la viande sur les animaux qu'il dépeçait grossement avec sa hache. Le feu du foyer illuminait largement la pièce, et rendait au bourg une étincelle de sa vie passée.

L'homme était appuyé sur l'un de ses genoux au milieu de la pièce, il finissait de dépecer les deux animaux morts avec le tranchant de sa hache avant de les préparer sur le feu. Il embrocha les deux morceaux de viande encore sanguinolant sur une branche et les déposa dans les braises. Alors qu'il n'était même pas encore complètement installé, la porte claqua devant lui. Immédiatement, il serra sa hache entre ses doigts et se redressa, son arme transpirait toujours du sang des petits animaux dans le feu. Tout comme ses poings, son visage se contractait, prêt à affronter un ennemi, il posait un pied devant lui résolu à bondir. Mais rapidement, il comprit que l'étranger n'avait même pas fait attention à lui, ce qui était presque insultant pour un homme de sa carrure.

Chris gardait son arme en main tout de même, la personne ne l'avait peut-être pas vue, mais le danger pouvait toujours être présent. L'homme, au milieu de la salle ne bougeait pas, derrière les braises, il attendait quelques secondes pour qu'on le remarque. Et aussitôt dit, aussitôt fait, un cri strident provenant de la femme éclata aux oreilles du bûcheron. Il dévisagea la femme, approchant son visage au dessus du feu qui crachait de petites flammes, puis grogna. En se reculant, comme à l'abri derrière son feu, il n'avait aucune idée de ce qui se passait. Par précaution, il éteignit son feu avec ses bottes après avoir compris qu'elle n'était qu'elle ne représentait pas un très grand danger. La menace venait peut-être de dehors, ce qu'elle fuyait, il n'avait vu aucun bandit plus tôt pourtant, aucune trace de présence humaine dans les bois où il avait passé la nuit. Il brandit sa main libre vers elle, comme pour lui dire de se taire, sa silhouette imposante laissait ce geste sonner comme un ordre.

Une fois le feu éteint, il fit quelques pas sur le côté, ne s'approchant pas d'elle, visiblement, il ne lui cherchait aucun mal, mais gardait une allure toujours sauvage depuis son arrivée. Écarté du feu, il regarda par la fenêtre discrètement, assez loin d'elle pour ne pas qu'elle lui saute dessus. Il n'y avait rien dehors si ce n'est la morosité et la mort qu'inspirait le village enr ruine, de ce qu'il pouvait voir, pourtant elle fuyait bien quelque chose. Il se tourna de nouveau vers elle, il était toujours sur ses gardes vraisemblablement, ne laissant rien passer, il n'avait pas le choix après tout, étant complètement seul.

—«Vous êtes qui ? Vous fuyez quoi ? Et vous avez pas intérêt à me tendre un piège, sinon je me retiendrais pas, on me l'a déjà faite.»

Chris laissa échapper sa voix pesante pour l'assaillir de plusieurs questions, il ne voulait rien laisser au hasard. A l'intérieur, les rideaux étaient tirés, et le feu, éteint, il ne restait que quelques rayons de soleils qui traversaient la maison laissant les deux personnes dans la pénombre. L'obscurité de l'endroit redonnait alors son teint terne au bourg.

—«Désolé si c'est pas l'cas, je suis un peu rouillé avec tout ces trucs.. euh.. les relations humaines et tout ça, mais il s'agit d'être prudent avant tout.»

Après avoir vérifié qu'il ne risquait rien dans l'instant, il baissa enfin sa main qui était dirigé vers elle, comme s'il lui redonnait la parole. Chris se redirigeait ensuite vers le feu, là où se trouvaient toutes ses affaires, à chacun de ses pas, il laissait deux voire presque trois mètres entre lui et elle. Malgré sa taille d'ours menaçante, il semblait respectueux et ne cherchait pas à la faire paniquer plus qu'elle ne l'était, toute tremblante comme feuille au vent. Lui au contraire était calme, sûr de lui, presque trop certains diraient, mais il s'était bien assuré d'être en sécurité pour les prochaines minutes à venir.
Enfin, il s'arrêta, se replaçant près de son sac, l'homme s'appuya au mur, à ses pieds, se trouvait son épée ce qui n'était probablement pas une coïncidence. On n'est jamais trop prudent, même une hache à la main.