Tourné vers l'extérieur.

Plusieurs mois s’étaient écoulés depuis sa dernière aventure à l’extérieur de la ville fortifiée. Dante n’avait toujours pas eu de nouvelle affectation, il avait beau passer ses journées à s’entrainer, le temps passait de plus en plus lentement. Au début il harcelait ses supérieurs afin d’intégrer au plus vite une nouvelle unité mais pour l’instant les coutiliers n’étaient pas enclins à accueillir un homme qu’ils considéraient comme dangereux au sein de leurs troupes. Ce qui était ironique vu le manque de soldat se portant volontaire pour aller en patrouille dans les marais. Cette situation agaçait au plus au point le jeune soldat. Un de ces supérieurs qui avait suivi l’affaire depuis le début était venu voir le jeune homme alors que celui-ci prenait son repas, une courte discussion s’engagea entre les deux, Dante lui expliqua son mécontentement, qui était tout à fait justifié selon l’homme, à son tour celui-ci fit part de son expérience vécue, enfin il termina en donnant un conseil au jeune soldat, il était simple, montrer sa bonne volonté et laisser le temps remettre les choses en place.

Dans un premier temps Dante trouva un moyen de s’occuper, glanant par si par-là, la moindre information concernant la provenance de l’ordre de mission qui avait envoyé son sergent à la mort, certains que tout cela était une conspiration, il ne savait pas vraiment dans quoi il s’engageait. Au début il partit sur la piste du soldat qui avait amené la lettre de mission au sergent, ce qui le mena à un officier qui avait validé le bout de papier, mais à partir de là ce fut compliqué. Les officiers vivants dans un autre monde, si on peut dire, que les simples soldats, les approcher et leur soutirer des informations était mission impossible, ainsi Dante se heurta à des complications insurmontables dues à son rang. Il se résolu en fin de compte à abandonner l’affaire, du moins la remettant à plus tard, espérant un jour avoir les moyens de la résoudre.

Après cette petite aventure infructueuse mais qui avait eu au moins le mérite de l’occuper, le soldat se porta volontaire pour toutes sortes de mission dans la ville, rien de très intéressant, mais il n’était pas habitué à se tourner les pousses. Il eut quand même droit à une soirée mouvementé.

Dante s’était souvent porté volontaire pour faire la ronde de nuit sur les remparts de la ville, cela lui permettait de voir l’extérieur, de moins ce qu’il pouvait apercevoir de ses yeux aiguisés sous la lumière de la lune, mais c’était toujours cela. Il pouvait parcourir les remparts de long en large toute la nuit sans faiblir, il faut dire que les grognements, les cris et les mouvements informes au pied des remparts ne pouvaient que l’empêcher de baisser sa garde. Les miliciens étaient habitués à croiser les ombres des trafiquants et brigands de tous genres, qui prenaient place sur les remparts afin de faire passer de la marchandise en toute discrétion et souvent, dut à l’immensité et à l’obscurité, les soldats ne pouvaient que les faire fuir en criant. Certaines fois, par chance, on arrivait à en attraper un ou deux, ils étaient passés à tabac par un coutilier qui les interrogeait afin de connaitre les noms de leurs complices, mais cela ne donnait rien et au final les cachots se remplissaient.

Une nuit alors qu’il déambulait sur le chemin de ronde tel un fantôme, il aperçut un loin sur les remparts une torche s’éteindre, plissant les yeux pour mieux voir ce qui se passait, il vit un autre veilleur s’approcher de la torche pour la rallumer mais à ce moment un bruit de métal raisonna. Dante se précipita à tout enjambé, arrivé sur place il dégaina aussitôt son épée, trois personnes avaient réussi à escalader les remparts, s’aidant d’une petite corde. Surement des bannies, pensa le soldat. L’un d’entre eux tenait le milicien qui était passé par là, une main sur sa bouche pour l’empêcher d’appeler à l’aide et un couteau pointé sous sa gorge. Les deux autres fugitifs avaient encerclé Dante, chacun muni d’une épée courte émoussée, personne ne passa à l’attaque, ne voulant pas se faire remarquer en faisant du bruit. Dante en profita pour planifier son intervention, après quelques secondes il comprit que les deux assaillants attendaient les ordres de leur chef qui tenait toujours le milicien à sa merci. Le jeune soldat pensa tout de suite, *Couper la tête du serpent….*. L’heure du combat était arrivée, d’un geste souple et rapide Dante s’accroupit prenant sa dague dans sa botte gauche, il élança son bras, la dague fendit l’air et vint se loger dans l’œil droit du preneur d’otages, celui-ci tomba raide, laissant le milicien libre de tous mouvements. Maintenant les assaillants n’avaient plus l’avantage du nombre. Dante fit signe à son compagnon de mauvaise fortune d’attaquer l’homme sur sa droite, ce qu’il fit aussitôt. Le combat fut assez rapide, l’ancien forgeron avait paré un coup de lame en faisant un tour sur lui-même avant de planter son épée dans le ventre de son adversaire, l’autre milicien s’était aussi débarrassé facilement de son tête à tête, et pour cause son adversaire n’était qu’un jeune garçon.

Les trois corps des malfrats jonchaient le sol, leur sang commençant à se répandre sur les pierres humides et froides des remparts. Dante les décapita avant de ranger son épée et de récupérer sa dague toujours plantée dans l’œil de sa victime, au passage il releva la manche du mort afin de vérifier que celui-ci avait bien la marque des bannis incrustée au fer rouge sur l’avant-bras, et ce fut le cas.

- Allez aides moi à jeter les corps !
- Avec plaisir.

Les deux hommes s’exécutèrent jetant à tour de rôle les trois corps mutilés qui firent un bruit sourd en s’écrasant sur le sol de l’autre côté des remparts. Les deux soldats restèrent là un petit moment guettant l’arrivée des Fangeux, mais aucun bruit n’était perceptible. Le second homme posa sa main sur l’épaule de Dante.

- Bon je vais aller faire un rapport, peut-être que d’autres assauts de ce type ont eu lieu plus à l’est. Et au passage, merci de ton secours Sang-Froid, j’ai une dette envers toi !

Une dette ? En aucun cas Dante avait pensé à sauver le milicien, tout n’avait été que stratégie, afin de s’assurer de la finalité du combat. Mort ou vivant, la vie du soldat ne l’importait guère, et se fut même un miracle que sa dague ne se soit pas logé dans la tête du milicien tellement l’obscurité avait gêné sa vision lors de son tir.
Le milicien parti laissant Dante seul, scrutant le moindre mouvement dans l’ombre, mais rien ne se fit percevoir. Il reprit sa ronde faisant le tour de son secteur, la fin de nuit fut tranquille. Quand l’aube fit son apparition le soldat repassa par l’endroit où avait eu lieu le combat, se penchant pour jeter un coup d’œil aux corps jetés plutôt dans la nuit, il fut surpris de s’apercevoir que ceux-ci avaient disparu, surement des bêtes ignobles étaient passées par là, mais bizarrement il n’y avait pas de trainée de sang, pas de morceau de corps éparpillé, comme si on avait soigneusement enlevé les corps en prennent soin de ne laisser aucune trace.

Dante descendit des remparts alors que la relève était arrivée, quand un coutilier l’appela. Le soldat dut à son tour faire un rapport sur les évènements de la nuit, après une discussion vive et précise, il emmena son supérieur sur les lieux, lui montrant par la même occasion ce qu’il avait pu déduire sur la disparition des corps, trop propre à son gout. Une fois les formalités terminées, le jeune homme fut libre de vaquer à ses occupations, à ce moment précis Dante n’avait qu’une chose en tête, manger.