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 Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]

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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyDim 30 Oct 2016 - 22:39
- Eh bien, si mes propos ne manquaient pas de justesse, il aurait fallu me le préciser un peu plus tôt, peut-être, répliqua la comtesse avec le même ton sarcastique, sourcil haussé.

Au lieu de quoi était-elle restée face à un homme qui lui avait balancé que ses propos étaient aveuglés par sa propre rancœur contre la Rocheclaire, et qui n’avait nullement laissé l’impression de pouvoir changer d’avis. Une dispute qui était devenue stérile, pour, finalement, se rendre compte qu’elle avait été inutile, au vu du brusque revirement du comte. Mais, soit. Ambre n’allait pas raviver les braises. Leur dispute était enterrée depuis plus d’une semaine déjà, et entre temps, ils avaient assassiné une femme innocente. La futilité d’un tel conflit n’était que plus visible après ces évènements, et surtout… elle ne voulait pas pousser le bouchon trop loin. Elle se surprenait parfois à répliquer à son époux, beaucoup trop, beaucoup plus qu’au début de leur relation, sortant des limites de son statut. La jeune femme savait très bien qu’abuser de sa tolérance serait néfaste à long terme. De plus, les propos de son époux, à propos de l’importance supérieur de sa femme concernant ses décisions, l’attendrirent quelque peu, même si une moue de circonstance apparut sur son visage, réticente à se faire amadouer si vite. (:v) Bref, en cette soirée, tout était disposé pour qu’elle ne reparte pas dans une colère difficilement contrôlable.

Ambre observa son mari s’éloigner pour se poster à la fenêtre. Dos à elle, légèrement penché en avant, appuyé contre le rebord de l’ouverture, l’homme apparaissait en contre-jour face aux rayons enflammés du coucher de soleil. C’était une vision… agréable, malgré le sujet qui était le leur. Une scène digne d’être peinte sur une toile, et qui le serait sûrement un jour d’ailleurs.
La question de Morion la prit au dépourvu. Comment gérait-elle une ennemie ? Elle entrouvrit légèrement les lèvres, laissant les paroles de son mari se perdre au-dessus du cloître tandis qu’il exposait son point de vue. Ce ne fut pas sa façon de faire ni la question en elle-même qui surprit la comtesse. Non, ce qui la bloqua durant de longues secondes, presque sceptique… c’était que cela concernait Cassandre de Rocheclaire.
Sa robe bruissa alors qu’elle s’approchait dans le dos de son mari, sans le rejoindre tout à fait à la fenêtre cependant.

- Une ennemie, Morion ? Pas plus tard que la semaine passée, tu évoquais cette femme en tant qu’amie d’enfance, espionne et alliée précieuse, contre laquelle mes griefs n’avaient aucune source tangible. L’estime que tu lui portes n’a pas pu se volatiliser en une semaine, n’est-ce pas ? A moins qu’il ne se soit passé quelque chose que tu m’aies tu ?

Un léger pli barrait l’espace entre ses sourcils. Ambre ne savait pas que penser. Son mari avait-il étouffé les propres doutes qu’il possédait contre son amie d’enfance, éludant sciemment le sujet avec son épouse pour éviter que cette dernière ne soit renforcée dans des idées qui étaient peut-être fausses ? Ou était-il en train de l’amadouer, d’enrober l’ego de sa femme, faisant croire qu’il soupçonnait la Rocheclaire tout autant qu’elle, mais que, ô grand malheur, il fallait tout de même la garder dans les pattes pour mieux la contrôler ?

Ambre déposa une main contre le dos molletonné d’un fauteuil, caressant la surface du tissu en s’avançant un peu plus vers la fenêtre, pour arriver un peu plus près de Morion.

- Je n’ai donc – ou avais, je ne sais plus que penser avec toi – aucune marge de manœuvre ni de surveillance contre cette « ennemie ». Toutes vos entrevues vous sont personnelles, j’ignore ce qu’elle te dit ou ce que tu lui demandes de faire, qui sont ses cibles ou jusqu’où vont ses moyens. Je me sens incapable de gérer quoi que ce soit, tu la protèges trop. Quant à mes ennemis, rajouta-t-elle avec un regard éloquent, je les tue. Bien avant qu’ils ne puissent agir.

Elle savait parfaitement que c’était simple pour elle de dire cela. Cassandre n’était pas un élément sensible lié aux Mirail depuis trois décennies ; elle n’avait que faire si elle venait à trépasser. Mais même pour le comte… risquer la vie de sa famille, pour de simples privilèges diplomatiques, cela en valait-il réellement la chandelle ?
Quand Morion se retourna, Ambre croisa ses mains contre son ventre. Elle détailla longuement le visage de son mari. Jouer ? Aimait-il jouer à ce point ? Son regard glissa doucement sur leur tableau de mariage, désormais modifié.

- Le projet contre Sigfroi est assez grand, assez noble, pour que je puisse y risquer ma vie, et celle de notre enfant – même si j’ai déjà de grands scrupules. Jouer pour une simple histoire de jalousie en revanche… Excuse-moi, mais j’ai moins d’enthousiasme que toi. En temps normal, je n’aurais pas accordé grande attention à cette vassale. Là, elle devient gênante, et me contrarie plus qu’elle ne m’amuse. J’aimerais pouvoir rester indifférente mais… j’ai terminé par prendre ses menaces au sérieux, souffla Ambre dans la pénombre qui terminait de s’installer dans l’atelier. Si ses espoirs de t’avoir sont définitivement brisés, Morion, alors elle m’attaquera, un jour ou l’autre. Ou toi, peut-être, appuya-t-elle en haussant le sourcil, lâchant le tableau des yeux pour contempler le comte. Et je n’attendrai pas, impuissante, que la dague vienne se ficher dans ma gorge, le poison se glisser dans mon verre, ou dans le tien. Elle n’évoqua pas ses actions déjà entreprises, et les fruits de ses espions déjà au chaud, rangés dans les bureaux d’Evan de Mirail. Surtout pas. Alors, il va falloir me laisser un peu plus de vision sur cette femme et ses actions.

Morion évoquait leur entreprise, les risques encourus, et là-dessus, la comtesse n’avait rien à y redire. Cela n’avait cependant aucun rapport avec Cassandre. Le jeu était dangereux, mais nécessaire, oui. Aux yeux d’Ambre, celui concernant la Rocheclaire ne l’était pas. Elle serait plus utile morte que vive. Trois fois plus.

- Mais j’aimerais pouvoir t’aider en cette tâche, mon amour, termina-t-elle face aux dernière paroles du comte. Seulement, tu es trop secret. Tu agis toujours en solitaire, tu éludes de nombreuses choses en ma présence, ou considères qu’elles ne me sont pas utiles, je l’ignore. Je sais bien qu’on n’efface pas tant d’années à agir ainsi en quelques semaines mais… comment veux-tu que je t’aide si tu gardes tout pour toi, et ne me donne accès qu’à une fraction de ce qui m’est nécessaire pour apporter mon concert ? Mes appréciations en deviennent forcément biaisées, et mon aide ridicule. Ambre battit légèrement les yeux. Il est peut-être trop tôt pour certaines choses, mais en cas, tu ne peux point me reprocher d’avoir des conclusions erronées ou des décisions qui vont à l’encontre des tiennes.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyLun 31 Oct 2016 - 4:18
Morion eut un faible sourire, teinté d’ironie, à l’adresse de sa femme. Il n’avait pas à changer d’avis, juste à constater les faits. Il peinerait sûrement à lui expliquer la subtilité de son raisonnement. Elle était sûrement apte à le comprendre, peut-être moins à le cautionner, mais dans tous les cas, trouver des mots à mettre sur ce qu’il avait en tête… Il lâcha un petit soupir, et hocha la tête à la négative. Il n’aimait pas du tout se retrouver ainsi dans l’embarras. Réfléchissant quelques secondes, il tâcha néanmoins de bien choisir ses mots, lorsqu’il répondit.

«Hum… Pour l’heure, et je dis bien pour l’heure, elle n’est pas mon ennemie. J’ai beau faire des analogies avec mon propre comportement, elle ne fera rien contre moi pour l’instant. C’est après toi qu’elle en a. Malgré l’entrevue que je viens d’avoir avec elle, elle continuera de me servir. Des courants autres qu’une simple… Rivalité sentimentale, son visage arbora tous les traits du sarcasmes en prononçant cette locution, entrent en jeu. Pour elle, comme pour moi. La rejeter maintenant reviendrait à piétiner sans ménagement le lien de ma famille avec les Rocheclaire. Et c’est le cas pour elle aussi.»

Sa main s’égara quelques secondes parmi les poils de sa barbe, qu’il frotta un moment. Ce n’était pas simple à expliquer, et encore plus difficile à justifier. Il n’aurait probablement pas fait un tel effort de clarification s’il n’accordait pas tant de valeur à Ambr, et à la confiance qui régnait entre eux.

«Elle est mon amie, oui. C’est un fait indéniable, je ne peux guère effacer d’un simple geste de la main, d’une simple lubie, quinze ans d’existence avec une femme qui à de nombreux égards, fut plus proche et plus présente que ma propre famille. Néanmoins, il n’est pas si rare d’avoir des amis dangereux. C’est le cas. Simplement… Ceux qui sont tes ennemis deviennent par défaut les miens. C’est ainsi. Lorsque ces ennemis sont mes amis en revanche, je dois composer avec cela. J’espère que tu comprends.»


Il croisa les bras sur sa poitrine, quelque peu amusé, il fallait le dire, par les propos de sa femme. Elle tuait ses ennemis ? Non, pas vraiment. Elle les faisait tuer, oui. Et le comte pariait qu’Ambre et ses ennemis devaient être fermement opposés pour qu’elle en vienne à prendre ce genre de décision. Elle ne rechignait pas au devoir, il le savait. Mais elle n’en était pas à mésestimer la valeur d’une vie pour autant. Ces derniers mois l’avaient fortement endurcie, c’était indéniable. Peut-être pas au point d’en faire une meurtrière sans scrupule, de ça il était certain.

«Et ferais-tu assassiner avec autant de légèreté une personne que tu connais depuis si longtemps, qui t’est si utile, et qui a un nombre incalculable de moyens de te faire tomber, quand bien même tu le mettrais à mort ? Moi pas.»


Et, effectivement, il ne lui disait pas tout. Les deux bâtards… ils étaient déjà une belle écharde dans son pied, ils allaient devenir encore plus problématiques. Il le pressentait. Si Cassandre se mettait en tête de pourrir la vie d’Ambre, user des deux enfants illégitimes de Morion, même si l’acte serait probablement suicidaire pour la vicomtesse, était une prédiction assez logique, quand on y pensait. Il doutait qu’elle le fasse maintenant, mais tôt ou tard… C’était rageant. Parce que Cassandre n’arrivait pas à gérer ses émotions et possédait une ambition bien trop déplacée, voilà qu’il se retrouvait à naviguer au milieu de courants qui pouvaient les couler tous à tout moment. Et ce n’était malheureusement pas le seul problème, tout de même assez trivial, s’il en était. Mais il y avait également les sombres desseins des époux Ventfroid, ou encore les derniers événéments avec Saurell… bref, sa femme avait tenté de le rassurer, mais il doutait que les choses aillent mieux. Certainement pas dans l’immédiat.

Il fronça légèrement les sourcils.

«Je n’avais pas prévu de me marier.
La phrase sortait de nulle part, peut-être même un peu brutale tout compte fait, mais… Je ne le regrette en rien, mais je l’ai prise de court. Je n’aurais jamais épousé Cassandre mais la cérémonie fut le coup de grâce, je présume. Quoi qu’il en soit… Il leva un regard distrait vers le plafond de la pièce. A quel point les histoires puisant leur complexité dans les sentiments pouvaient-elles leur torturer l’esprit, sérieusement ? Je ne te demande pas d’attendre. Mais je vais me voir contraint, le temps de stabiliser tout ça, de te demander une confiance aveugle. Je dis qu’il ne t’arrivera rien, et ce sera le cas. Mais j’ai, on a besoin de temps. Ces temps-ci le cours des événements nous force à nous disperser sur trop de fronts.»

Il s’arrêta de parler quelques secondes, et tendit ses bras vers l’avant, pour qu’elle les saisisse, et vienne se lover contre lui, dos contre son torse.

«Si jamais je dois l’éloigner définitivement de nous…
Il soupira, l’idée lui plaisait assez peu mais il s’était déjà exprimé sur ses choix, de toute façon. Je vais devoir remettre les pieds dans ses relations, l’évincer petit à petit dans les endroits où je ne vais plus, faute de temps. C’est un travail qui prend du temps. Et tant que cela ne sera fait, je ne peux la tenir trop à distance ou la bannir définitivement. Je sais ce qu’elle est, mais je lui dois tout de même beaucoup. Si je consens à me séparer d’elle, eh bien… Il resserra ses bras autour de ceux d’Ambre. Je vais devoir jouer très finement, et faire en sorte qu’elle ne se doute de rien. La tâche sera colossale pour de nombreuses raisons, qui ne concernent pas que Cassandre elle-même. Pour cela, j’ai besoin en premier lieu de temps, et en second lieu, de ta confiance, et d’un peu d’abnégation supplémentaire de ta part. S’il te plaît.»

La demande était sérieuse. S’il choisissait de façon irrévocable son foyer et sa femme, au détriment de la vicomtesse, le jeu dont il parlait plus tôt allait s’annoncer éminemment plus complexe que prévu. C’était quelque chose qu’il était prêt à faire, sans aucun doute, il ne l’aurait même pas évoqué, autrement. Il n’était pas homme à revenir sur ses choix, de toute façon. Cassandre était son amie, oui. Et elle possédait par ce fait même beaucoup de choses qui mettaient Morion, en dehors de toute considération amoureuse ou familiale, en grave danger. Si elle se mettait en travers de la route d’Ambre - elle l’avait déjà fait pendant l’absence du comte - alors il serait de toute façon obligé de s’en séparer. Et quinze ans d’amitié, aux yeux de Morion, n’était guère que broutille face à ce qu’il prévoyait pour l’avenir, ou ce qu’il essayait de construire aujourd’hui. Et il n’avait pas assez de scrupules pour laisser un vassal parasiter éternellement la vie de son épouse.

Un fin sourire étira ses lèvres à sa dernière remarque.

«Je vais tâcher d’être plus vigilant à ce propos. Mais ces choses là vont prendre du temps, j’espère que tu en es consciente. Et du temps, nous en avons assez peu, trop de choses passent en priorité. Néanmoins j’entends ce que tu me dis, mon amour. Je ne peux garantir un partage parfait de ce que je fais, pense ou dis, mais cela n’ira qu’en s’améliorant. Il te faudra juste être patiente. Le secret est une seconde nature chez les Ventfroid, et je n’ai jamais été marié, jusqu’à preuve du contraire. L’adaptation n’est pas aussi rapide que je ne le pensais, mais elle se fera.»
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyLun 31 Oct 2016 - 19:42
La comtesse de Ventfroid avait croisé les bras, posant les mains au-dessus de ses coudes, pianotant de ses doigts sur sa propre peau tandis que la conversation continuait. Elle leva les yeux au ciel en faisant quelques pas, aimant difficilement rester immobile.

- Bien sûr qu’elle n’est pas ton ennemie. Elle évincerait sûrement quiconque voudrait attenter à ta vie. Elle ne veut pas briser les liens entre vos familles, mieux, elle aimerait les lier bien davantage. Ce faisant, elle oscilla ostensiblement, et avec ironie, l’annulaire portant sa propre alliance. Son ambition lui fait défaut. Seulement, je n’ai pas encore réussi à déterminer si elle est prête à risquer ton estime pour obtenir ce qu’elle souhaite. C’est sûrement la seule barrière qui lui reste encore.

La jeune femme soupira en continuant à faire quelques pas, passant autour de son chevalet, jetant un œil à la peinture en cours. Cela faisait quelques temps déjà qu’elle n’avait pas pu finaliser l’œuvre, avec tous les imprévus, et son travail de dernière minute sur l’œuvre de leur mariage. Il s’agissait là de la scène de départ pour l’exode vers le Labret. La toile était bien entamée, mais pas tout à fait terminée.
Tu as bien effacé trois siècles d’histoire des Ventfroid, quinze ans ne devraient pas te paraître insurmontables. Ce fut la pensée, mesquine, cruelle, qui s’imposa à l’esprit de la jeune femme, à la nouvelle réponse de Morion. Ses mâchoires se serrèrent, retenant les mots dans sa gorge. Cette réplique serait de mauvaise foi, en plus d’agir comme un soufflet sur des braises tièdes. Aussi, elle resta silencieuse, jusqu’à ce que la conversation dévie sur un sujet moins conflictuel.
Ambre haussa ensuite le sourcil. Bras croisé, expression amusée lorsqu’elle avait évoqué de tuer… Morion se gaussait-il d’elle ? Ne la croyait-il pas capable ? Parce qu’elle était une femme, peut-être ?

- Tout dépend. Tu ne devrais pas faire l’erreur de remettre en cause ce dont je suis capable pour ma famille. S’il y a bien une chose qui est toujours passée devant chez moi, et chez les Mirail de manière générale, c’est ça. En effet. Si les Mirail avaient toujours été pacifiques, lorsque l’on s’attaquait à des membres de leur famille, quand bien même ils se trouvaient à des lieues de là, ils réagissaient toujours. La jeune rousse ne faisait pas exception à la règle sur ce plan-là, et pourtant avait-elle déjà acquis une part sombre qui n’était que rarement retrouvée chez la famille d’artistes. Tu me demandes si je serais capable de faire tuer une amie chère ? Si c’est pour toi ou notre descendance à venir, sans aucune hésitation. Ambre n’était pas encore mère mais son instinct maternel promettait d’être particulièrement tenace. Des scrupules, de l’amertume, j’en aurais sûrement, oui… mais jamais d’hésitation, jamais de retard dans la prise de décision, quand bien même elle m’est désagréable, sans quoi c’est mettre la vie de ceux que j’aime en danger. Je ne crois pas avoir besoin de te rappeler qui a perdu la vie entre nos murs récemment. Appelle cela de la légèreté si tu le souhaites, conclut Ambre en haussant les épaules.

La veuve de Saurell ne se serait jamais trouvée entre les mains de Morion si Ambre ne l’avait pas considéré nécessaire, après tout. Le comte n’aurait jamais eu vent du savoir de cette voyante sans l’intervention de sa femme. Avait-elle tu les révélations de la blonde pour éviter un bain de sang ? Non pas. Elle avait prévenu son époux en parfaite connaissance de cause, et très rapidement. Elle avait voulu que cette femme disparaisse. Cette dernière n’avait pas été une amie proche, mais la comtesse se connaissait assez pour le reste. Personne ne toucherait au fruit de ses entrailles. Pas même une espionne qui avait partagé quinze ans de sa vie avec le comte. Si l’ancienne Mirail n’avait pour l’instant envoyé que des espions aux trousses de la Rocheclaire, c’était bien parce que Morion l’estimait. En d’autres circonstances, peut-être la vicomtesse pourrirait déjà dans la vase des marais pour l’avoir menacée de mort. Désormais qu’une petite vie grandissait entre ses chairs, mourir lui était inenvisageable, et la jeune femme accordait une importance accrue à sa survie.
Heureusement pour la vicomtesse cela dit, Ambre n’en était encore qu’au stade de désagréables soupçons, tenaces. Qui nécessitaient des actions, mais pas encore de actions, puisque Cassandre n’avait – jusqu’à présent – rien fait d’autre que vomir son venin à son visage. Cela insupportait Ambre de justement devoir attendre une tentative pour l’évincer, mais Morion était trop… fermé à cette idée. Et la jeune Ventfroid n’était pas encore prête à attenter à la vie de cette espionne dans le dos de son époux. La balance bénéfices-risques était trop désavantageuse. Néanmoins, cela changerait un jour. Très vite, l’espérait-elle.

Ambre se laissa aller à l’étreinte de son mari lorsqu’elle fut revenue plus près de lui et qu’il tendit les bras. Serrant les bras de son homme contre son ventre, elle pencha légèrement la tête en arrière et sur le côté, pour que sa tête vienne s’imbriquer parfaitement dans le creux du cou du comte. Elle n’avait pas prévu de se marier non plus. En fait, après la mort d’Armand, envisager se lier à un autre lui avait été impossible, au début. Sans ses projets contre le Duc, elle n’aurait pas pu accéder à une telle demande. Ironiquement, après avoir cédé sa vie de femme pour des idées politiques, elle était tombée amoureuse, contre toute attente. Et désormais, elle était lovée entre les bras du père de son futur enfant.

Ambre fronça les sourcils lorsque Morion évoqua de remettre un pied dans les relations de Cassandre. Il ne pouvait pas le voir, dans la position qui était la leur, mais il put très bien sentir la désapprobation dans sa voix.

- Ou tu pourrais investir quelqu’un d’autre à cette tâche. Un autre espion, plutôt que t’exposer directement. Ou un autre représentant de ton nom. Nous avons Talen. J’ai même cru comprendre que le récent banneret qui s’est lié à toi est très dévoué. Ou moi, tout simplement. Disons que tu n’es pas réputé pour tes relations, sûrement pour cela qu’une femme s’en occupe à ta place depuis quinze ans.

La jeune femme soupira, de nouveau.

- Je gage que je suis obligée de t’accorder une confiance aveugle. Seulement, ne tarde pas trop. Je t’en voudrais, si l’on finissait par réussir à nous toucher par simple négligence de ta part.

Le laisser gérer… C’était ce qu’elle était en train de lui accorder, en effet, mais un peu à moitié, il fallait l’avouer. L’espionnage déjà lancé n’était pas prêt d’être avorté.
Ambre termina par pouffer un peu cela dit à la fin, malgré tout le morbide de leur conversation actuelle.

- Etre patiente ? Grâce aux Trois, tu as de la chance, je crois que c’est une de mes qualités.

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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyLun 31 Oct 2016 - 23:37
A l’heure actuelle Morion tablait encore sur la peur de Cassandre à s’attirer la colère et le mépris de Morion. Il ne l’avait pas encore totalement bottée en touche, et surtout, il n’était marié que depuis quelques mois. Quant au changement des conditions de visites, il venait seulement de se faire. Il ne se faisait néanmoins pas d’illusion, cet état ne durerait pas. Mais il gageait sérieusement pouvoir évincer Cassandre et lui saper son influence, au profit de la sienne, avant qu’elle n’en arrive aux pires extrémités. De cela il était sûr, au moins. A défaut de pouvoir totalement anticiper les actions de la vicomtesse, il la connaissait très bien. Son… aveuglement, comme le disait si bien son épouse, en avait pris un coup quelques heures plus tôt. La haine de Cassandre s’était montrée de façon très nette, il ne l’avait pas ratée. Il avait cependant décidé de prendre la voie la plus longue, et la plus retorse, surtout. S’il fallait démultiplier les mesures visant à protéger sa femme, et plus tard ses enfants si le problème n’était pas réglé d’ici là, alors il le ferait. Ne possédait-il pas des hommes non seulement en ville, mais également à son domaine, après tout ? Si le manoir avait besoin d’une garde permanente, il ne se priverait pas.

«Ne t’inquiète pas trop. Cette barrière est pour l’instant solide, et je vais m’arranger pour en maintenir la rigidité le plus longtemps possible. Il haussa légèrement les épaules. Je sais que ce ne sera pas éternel. Mais au moins cela me laissera le temps de ponctionner tout ce dont j’aurai besoin pour assurer nôtre sécurité avant de passer… Aux choses sérieuses, disons.»

C’est cette partie là, très probablement, qui serait amusante. Très souvent, lorsqu’il dépêchait Cassandre pour une tâche particulière, il s’arrangeait également de son côté pour se mettre au courant de ses faits et gestes. De fait, lorsqu’elle lui confiait un compte-rendu, il savait ce qui était tout à fait vrai, ou les histoires qui étaient modifiées. Ses propres espions lui remettaient des rapports similaires. Sauf que ceux qu’il dépêchait à la suite de Cassandre, pour ne pas dire à sa surveillance, produisaient des rapports très nets, concis, et surtout sans aucune déformation des faits. S’il n’avait pas agi avant, la raison en était très simple. Car il aurait pu le faire, et ce bien avant de rencontrer Ambre. Cassandre, malgré ses petits écarts avait toujours été une femme fidèle au poste, qui aurait donné sa vie pour les Ventfroid. En cela elle respectait à la lettre le serment de sa famille la liant à celle de Morion. Mais cela n’en faisait pas une entité dépendante du comte pour autant. Au contraire, rester dans l’ombre des Ventfroid pouvait agacer, irriter, surtout quand sa propre ambition était dévorante. Cela le comte l’avait déjà compris il y a longtemps. Il pensait même, peut-être à juste titre, que le mariage qu’elle aurait aimé devait mettre une sorte de point final à cette quête stupide de pouvoir. Passer de vassale à maîtresse, au fond, qui n’en rêvait pas ? Quand il était seul c’était très facilement gérable, il n’avait qu’à lui faire miroiter l’impossible, et le faire paraître crédible. Il ne s’en était pas privé. Néanmoins les choses étaient différentes, aujourd’hui. Mais la brutalité, qu’elle soit active ou décisionnelle, était à exclure impérativement. A sa manière, Cassandre était aussi puissante qu’il ne l’était, il ne fallait ni la sous-estimer, ni tenter des folies. C’était le genre de gros morceaux que l’on usait à petit feu, et non en tentant de brûler la totalité sans avoir assez de combustible. Et pour l’heure, ils en manquaient.

Son sourire un peu railleur se mua cependant en une moue plus légère, quand elle répliqua. Il était loin de douter de ses capacités, au contraire. Il avait pu se rendre compte de sa détermination et de sa verve ces derniers mois. Et il avait connu des mères, il savait qu’il était complètement idiot de sous-estimer l’instinct protecteur de ces femmes.

«En ce point nous sommes différents. A toujours vivre dans le danger, j’ai très probablement acquis une meilleure tolérance à celui-ci que toi. Et il peut même s’avérer être une force. Se laisser paraître, ou même être, en danger, peut attirer des cibles que l’on n’aurait jamais pu attraper autrement. L’important est surtout de savoir anticiper pour agir au moment opportun. Il est facile, en effet, il pencha la tête en avant pour appuyer son propos, de tuer directement, sans “retard” comme tu le dis. Néanmoins, le gain n’est pas toujours suffisant. L’on élimine une menace, et doit recommencer le processus entier pour la prochaine, là où l’on peut se renforcer si l’on est patient, ou en éliminer plusieurs d’un coup.»

La référence à Saurell était claire, mais hors de propos. Tout du moins à ses yeux. Certes, elle était comme Cassandre : en possession de renseignements dangereux, et donc par ce fait, dangereuse. Mais Saurell ne servait à rien, était pour le moins inconnue. La tuer, c’était comme de jeter un parchemin gravé de textes compromettants au feu. Une broutille. Sans aimer ce qu’il avait fait, il s’en moquait. Le réel problème pour lui venait du lien évident, après session de brutalité, de Saurell avec Rikni. Ça, ça pouvait l’empêcher de dormir. Cassandre c’était autre chose. A ses yeux en tout cas, d’où tout le conflit d’ailleurs.

Les mains sur le ventre de sa femme, il passa ses doigts sur le tissu de la robe, encore plat pour le moment. Mais il finirait par se renfler, il le savait, et avait hâte de voir se dessiner les premières formes de la grossesse sur le corps de son épouse. Elle était enceinte, oui, mais l’avoir sous les yeux… C’était un sentiment totalement différent. Ces pensées étaient néanmoins diffuses, tout comme ses caresses, distraites, presque instinctives, l’esprit accaparé par d’autres réflexions.

«Il est évident que je ne vais pas pouvoir faire cela seul, Ambre. En revanche, cela va me demander de nombreux efforts, et de m’y intéresser de très près. Je l’ai formée moi-même, et il ne me surprendrait pas que mon père ait également participé. Sans compter l’éducation des Rocheclaire. Sitôt qu’elle fut vouée à être mon associée, il lui ont appris à se conduire en servante d’un Ventfroid. Talen a déjà une masse considérable de travail, et toi… Il recourba les doigts sur son ventre. Toi, tu vas prendre soin de toi, surtout. Les événements s’enchaînent, des événements qui ne confinent guère au bien-être ou à la détente. Sans être hors du coup, il faut que tu te ménages. J’y tiens. Un mince sourire étira ses lèvres, et il vint planter un baiser léger au coin de la mâchoire de sa femme. Je ne suis pas du genre à tarder, quand je m’attèle à une tâche, elle est vite réglée. Il releva brièvement la tête, songeur. Encore que cela dépend de la tâche en question.»



Espionnage


— La Maison. —


La maison est, sinon grande, de bonne taille, située idéalement proche de nombreux commerces, et sa façade donne en plein sur la rue, toujours très fréquentée. Aucune décoration particulière, elle fait partie de ces bâtiments résidentiels nichés entre plusieurs commerces auxquels on ne prête guère attention d’ordinaire. Quant à savoir ce que ces personnes sont, et pourquoi ils seraient invités chez des vicomtes…

Citation :
Test de Surveillance

♦ Espion affilié à la surveillance de la demeure
Jet : 17. Raté.
Pas mal de gens rentrent ici. Des gens de toutes castes, c’est un fait qui par contre mérite d’être noté. L’on a même vu un prêtre venir ici. Cependant, les propriétaires de la maison, eux, ne semblent pas vouloir quitter leur demeure. Les rideaux aux fenêtres sont la plupart du temps tirés.

♦ Espion numéro deux, envoyé en enquête auprès du voisinage après l’échec du premier
Jet : 15. Moyen moins.
L’enquête n’a malheureusement pas révélé grand chose. L’on sait, en fait, que les propriétaires ici semblent posséder quelques moyens et qu’ils ont, de fait des accès réguliers à l’Esplanade. Ils vivent là depuis très longtemps - la maison n’a jamais été rachetée. Mais ils ne sont guère communicatifs ni très présent, et le trafic quotidien dans la rue n’aide pas à savoir qui ils sont. Des renseignements peu consistants, en réalité.

— Rapport de Mission : Grande Rue des Hytres.

«Après enquête, il s’avère que peu de gens semblent savoir qui ils sont. Les commerçants semblent ne pas les avoir régulièrement comme clients. Peut-être choisissent-ils des commerces dans des rues plus prisées de la Hanse, mais dans la rue des Hytres, nous avons fait chou blanc. De nombreuses personnes viennent ici, mais la plupart sont des quidams dont l’identité est dérisoire. Nous les avons suivis, interrogés certains, ils ne connaissent même pas le nom de ces personnes. Ils viennent essentiellement pour faire réparer des bijoux, il semblerait. Nous devrions peut-être orienter nos recherches sur la Hanse, où ils pourraient s’avérer plus présents. Les salles d’enchères, éventuellement. A deux nous sommes trop peu cependant. Nous continuerons la surveillance de la demeure jusqu’à nouvel ordre.»


— Le Manoir de l’Esplanade —


Citation :
Test d’Identification

Connaissance des lieux des espions
Jet : 11, 5, 15, 6. Réussi.

«A la lumière du jour, il fut bien plus facile de retourner sur les lieux. Nous… Nous attendons des ordres précis à ce propos, monseigneur. Car la demeure en question n’est autre que celle du baron de Puylmont. Nous allons continuer à surveiller les allées et venues de Cassandre dans cette demeure, si elle vient à y revenir.»
[/quote]

Cassandre ne reviendra cependant pas cette semaine à la demeure de Puylmont.

— Cassandre de Rocheclaire —



Durée de l’espionnage
: 7 jours.
Excursions de Cassandre : 2.
Visite chez les Rocheclaire : 1.

— Première Excursion de Cassandre : 20 Avril, en début de matinée.


Citation :
Test de discrétion des espions Mirail

Jet : 2. Très bonne réussite.

Réussite suffisante pour qu’ils échappent à la vigilance de ceux de Cassandre, pour le coup.

Citation :
Test Filature

Jet : 1. Réussite Critique.

Les espions ne pourront être repérés par quiconque.

— «Rapport de Mission - Journée du 20 Avril. Cassandre s’est rendue, seule, grande rue des Hytres. Nous pensions qu’elle se rendrait chez les invités de la fois précédente, mais il n’en fut rien. Elle est allée chez une tisserande assez connue de l’avenue, dans laquelle elle est restée peu de temps, une dizaine de minutes tout au plus. En revanche, elle a parlé à une personne, durant son trajet. Un vieillard visiblement en quête d’argent ou d’attention. Elle n’a prononcé que quelques mots visant à le renvoyer à sa crasse.»

Citation :
Test : Renseignement

Jet : 7. Réussi.

— «Suite du rapport - Journée du 20 Avril. Après enquête, Cassandre a passé commande pour deux robes. L’une de soirée, l’autre de confort. La gêne visible de la tisserande n’a pas interrompu notre investigation, et elle a fini par avouer qu’elle même n’oserait jamais porter quelque chose d’aussi fin et court. Elle a cependant, au vu de l’insistance, refusé de donner plus de renseignements.»

— Visite chez les Rocheclaire - 21 Avril, début de soirée.

Citation :
Test : Vigilance des espions Rocheclaire

Jet : 12. Moyen moins.

Les espions des Mirail gagnent +1 de bonus à leur jet de discrétion.

Citation :
Test : Discrétion des espions Mirail.

Jet : 8. Soit 7, bonne réussite.

La visite chez les Rocheclaire devait probablement être prévue, néanmoins leurs espions, au courant des tentatives des jours précédents, ont démontré une grande vigilance. Bien qu’ils ne fussent pas assez habiles pour détecter les espions cette fois là, ils demeurent attentif à tout comportement suspect. (Ce qui implique un malus (2) aux tests d’observation, faute de pouvoir s’approcher.

Citation :
Test d’Observation global

Jet : 11. Soit 13. Moyen moins.

— «Rapport de surveillance de la demeure des Rocheclaire. Le 21 avril un homme s’est présenté seul à la demeure. Les Rocheclaire ayant délayé une visite par nôtre présence l’autre fois, nous avons joué la carte de la prudence. Bien qu’ils ne semblent pas nous avoir détectés, il était difficile de s’approcher sans connaître leurs positions, que nous n’avons pas réussi à déterminer. En revanche, en ce qui concerne l’invité, il s’agit du même homme accompagné par sa femme, celui avec la canne au pommeau d’argent. Un homme a été dépêché à sa filature, une fois qu’il a quitté le manoir. Il sera resté environ trois heures avant de repartir, seul une fois encore.»


Citation :
Test : Filature

Jet : 2. Réussi.

— «Rapport de filature - Invité des Rocheclaire, 21 avril au soir. L’homme est effectivement le même que celui venu précédemment. Sitôt le manoir quitté, il est directement rentré chez lui. Comme l’autre fois, les lumières sont restées un moment allumées, puis se sont éteintes sans qu’aucun mouvement ne soit visible depuis l’extérieur. Je recommande, si je peux me permettre, une plus grande surveillance de ce lieu. Je ne sais pourquoi, mais je sens que cet homme sait qu’il est suivi. Peut-être pas par nous, mais il a l’air d’être rompu aux techniques pour semer ses suiveurs, et met un point d’honneur à n’interagir avec personne, ni même à les regarder. Il est suspect.»

— Deuxième Excursion de Cassandre - 23 Avril, fin de soirée.

Citation :
Test : Vigilance des Espions Rocheclaire.

Jet : 17. Raté.

Les espions ne remarqueront rien.

Citation :
Test : Filature

Jet : 19. Très mauvais. Ah putain, vraiment dommage sur ce coup.


— «Rapport de Filature du 23 Avril au soir. Nous sommes navrés monseigneur de vous apprendre que Cassandre est bel et bien sortie, malheureusement nous avons perdu sa trace presque aussitôt après avoir franchi la porte des anges. Nos agents de l’autre côté du mur ont eu beau cherché, ils l’ont aperçue un moment allant dans la direction du temple, après quoi nous avons définitivement perdu sa trace. Nous savons qu’elle y a déjà été lors d’une excursion, sans avoir pu définir l’endroit exact. Cela recommence, et nous pensons qu’elle sait être suivie.»
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMar 1 Nov 2016 - 0:36
Blottie entre les bras de son homme, Ambre se sentait progressivement se détendre. Morion avait passé les doigts sur sa robe, au-niveau du ventre, et réveillait chez elle un attendrissement particulier, ainsi qu’une envie charnelle qui doucement pointait à force de caresses pourtant innocentes.

- Ne me relègue pas encore au rang de boulet à ménager, trésor. J’ai quelques mois devant moi avant de devenir effectivement complètement inutile pour ce genre d’affaire. Mais je sais me reposer quand il le faut, promis. Cette affaire avec Saurell, déjà… elle m’a épuisée, je vais prendre du temps pour moi, pour une fois. Elle se laissa glisser entre les bras de son mari, pour doucement lui faire face, caressant la surface d’une joue de son pouce droit. Pouffant doucement à la dernière réplique, elle renchérit. Et si tu venais donc me montrer en quelles tâches tu peux te montrer long et patient, là, tout de suite ? Je suis curieuse.

--

20 avril 1165

Une lueur mauvaise dans le regard, Ambre souriait. Ses canines avaient reflété un instant les lueurs des bougies tandis que ses prunelles sautaient de lignes en lignes, lisant en détails les rapports de ses espions. Les sorties de Cassandre avaient été un échec cette semaine, toutes ratées ou inutiles, comme la commande d’une robe censée être séductrice – même si Ambre voyait mal comment l’on pouvait séduire convenablement avec une vêture qui progressivement prenait la longueur de celles des catins, surtout pour une femme de son rang. Quant à l’invité mystère, toujours… eh bien, toujours un mystère. Ambre allait suivre les conseils de ses espions et renforcer la surveillance sur lui.
Non, le détail juteux cette semaine était l’identification du noble chez qui elle avait passé une nuit. Joscelin de Puylmont. Sincèrement ? En lisant ce nom, Ambre avait lâché un ricanement. Cette femme avait le chic pour viser les hommes qui voulaient d’une autre qu’elle. Elle faisait pitié.

Bizarrement, cette information rasséréna Ambre. Cela ne pouvait que la conforter dans ses soupçons. Jamais les Puylmont n’avaient eu de lien avec les Rocheclaire. Après l’esclandre provoqué par le baron à leur mariage, la présence de Cassandre ne pouvait pas être une coïncidence. Tentait-elle de se lier à quelqu’un qui possédait des griefs contre les Mirail ? Etait-ce pour lui qu’elle faisait confectionner ces robes, qu’elle avait apporté le vin ? Ou était-ce un coup de Morion, usant de son espionne comme une catin pour atteindre un homme pour lequel il avait conservé des envies de meurtre ? Non… cela serait trop subtil pour le Ventfroid. Face à la provocation déjà effectuée par le Puylmont, si Morion avait décidé de le tuer, il l’aurait fait lui-même. Ambre, pour le coup, partait plus sur la première hypothèse. Et celle-ci servait énormément sa cause. Cassandre commençait à faire des erreurs. Lorsque Morion apprendrait qu’elle frayait avec quelqu’un qui avait ouvertement provoqué le Ventfroid et bafoué l’honneur de sa femme… Cela n’était pas encore suffisant, mais c’était en bonne voie. Ce duo de comiques n’effrayait pas la comtesse. Cela dit, le rapport avait réveillé en elle un doux sentiment d’amusement morbide. Morion avait parlé de jeu… Peut-être y prenait-elle goût, finalement.

Citation :
Actions d’Ambre :

- Continuer à faire surveiller la maison bourgeoise des invités étant passés chez les Rocheclaire et trouver leur identité ainsi que leurs activités/leur métier dans la vie, l’état de leur famille, arbre généalogique si possible, etc – augmenté à 4 hommes

- Faire surveiller le manoir de Puylmont pour toute activité suspecte concernant l’homme – diminué à 2 hommes seulement, supposant que le combo 2 + les 4 censés suivre Cassandre en permanence seront suffisant pour repérer toute visite chez lui.
Evan approuve peu la diminution de sa soeur concernant cette cible qui, contrairement à elle, le rend extrêmement méfiant. Il consent à abaisser les espions à deux, mais place deux de ses meilleurs éléments sur le coup.

- Continuer à surveiller les déplacements de Cassandre – 4 hommes

Surveillance constante, tous les jours.

Maintien de la surveillance générale à propos de morts inexpliquées, insolites, qui surviendraient après l’achat de belladone, dans la sphère mondaine de la cité ou toute autre sphère assez importante pour être notée.

--

28 avril 1165

Les dix derniers jours avaient été… salvateurs. Ambre avait eu besoin de repos, beaucoup de repos, après l’explosion du cas de la folle aux chats, et de sa résolution. Folle aux chats qui, visiblement, avait si peu d’amis et de relations que sa disparition, après bientôt deux semaines, n’avait pas encore été notée. Une aubaine pour les ravisseurs, qui plus le délai augmentait, plus ils étaient protégés, le temps empêchant aux autorités de déterminer quand exactement l’on n’avait plus eu aucune nouvelle de la veuve. Plus le temps passait et moins les enquêteurs pourraient faire le lien entre Saurell et sa visiter au manoir Restellis, si d’aventure il avait été remarqué. C’était parfait.
Cette affaire déjà avait donc beaucoup fatiguée Ambre, sans oublier les tracas quotidiens – les missives étranges, le rétablissement de Morion depuis le Labret, sa grossesse, et une affaire avec ses vassaux qu’elle avait dû régler en compagnie de son frère. Une fois n’est pas coutume, Talen avait fait une pause dans ses entraînements quotidiens à la dague pour la jeune femme, et le temps qu’elle ait récupéré une nouvelle forme, sûrement Morion serait assez remis pour reprendre lui-même les séances.

En attendant, la comtesse avait donc pu vider son esprit et son cœur de ses inquiétudes, en dix jours. La domestique Anne avait redoublé d’efforts dans l’entretien de sa supérieure, dénouant les muscles de son dos régulièrement – lorsque ça n’était pas Morion qui s’en occupait personnellement durant leurs moments intimes. Pour le coup, si cette période de quiétude pouvait durer longtemps… la comtesse en remercierait les dieux. Seulement, ils n’en avaient pas encore décidé ainsi.

En cet après-midi du vingt-huit avril, le temps était particulièrement clément. Le soleil brillait, effleurant les peaux de ses rayons chauds. Les journées ne permettaient pas tout à fait d’arborer ses vêtures d’été, mais le changement de température progressif se ressentait, en même temps que les journées se rallongeait, repoussant chaque jour un peu plus l’horaire où les fangeux venaient gratter aux remparts de la cité. La comtesse avait noté le beau temps, bien entendu, et, quand elle apprit que sa domestique Anne se préparait pour aller acheter quelques affaires qui manquaient au manoir pour le couple, elle proposa spontanément de l’accompagner. Il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas fait de sortie, pour simplement profiter du temps, de l’air, de l’ambiance d’un marché. Elle prévint son époux de son échappée, enfila son bracelet de cuir pour dissimuler sa dague sous la robe, et partit donc en compagnie de la jeune Anne.

L’Esplanade était propre et agréable, quoiqu’un peu vide. En sept mois, le Fléau avait raflé de nombreuses vies, de nombreuses familles, et les deux femmes passèrent devant quelques manoirs désormais déserts, dont les propriétaires étaient morts ou disparus. Les façades doucement commençaient à noircir, les jardins à se flétrir, mais plus que cela, l’impression de nostalgie qui s’en dégageait était poignante. Quand elle passa devant, Ambre détourna les yeux du château ducal, vestiges d’un temps et d’une puissance qui ne seraient bientôt plus. Pointait çà et là quelques marques de vie, cela dit. Du linge accroché aux fenêtres, des domestiques affairés traversant les ruelles, des hobereaux saluant ces dames, des femmes accompagnant leurs enfants dans une balade. La comtesse se demanda si, un jour, elle pourrait faire de même.
Le marché se trouvait le long de la grande rue des Hytres – de sa partie qui traversait le quartier noble pour monter jusqu’au château. Cette rue devait son nom à un pan joyeux, même un peu épique, de l’Histoire de Marbrume, mais ce conte ne nous intéresse pas en ce jour. Les étals étaient divers et variés, les vendeurs beaucoup plus détendus que dans la basse-ville. Ils avaient rarement besoin de se prémunir d’un vol, ici, quoique certains nobles soient parfois pingres.

- Sarah a besoin de savon, ma dame, ce me semble, intervint Anne en passant devant quelques boutiques, les yeux occupés.

- Mmh mmh, va donc, répondit la comtesse tranquillement, son attention accaparée par quelques babioles. Des épingles à cheveux, notamment. Qui, d’après son regard intéressé, pouvaient s’avérer d’excellentes armes en cas d’urgence.

Dans une petite virevolte de cheveux bruns, Anne s’éloigna à l’étal juste en face tandis qu’Ambre continuait ses observations, souriant et saluant les commerçants ainsi que les nobles qu’elle pouvait croiser. On la félicita à de nombreuses reprises pour sa grossesse pour ceux qui ne l’avaient pas croisée depuis le déferlement de la nouvelle, et les sujets de conversations tournaient globalement autour des enfants et de « l’espoir qu’ils apportaient en ces temps sombres ». Cette sortie faisait beaucoup de bien à la comtesse, jusqu’à ce qu’une voix connue et désaimée s’impose aux oreilles de la rousse.

Une voix un peu sèche, exhortant un enfant à rester près d’elle plutôt que s’éparpiller. Cassandre de Rocheclaire venait de rejoindre le marché depuis une venelle perpendiculaire, accompagnée de deux enfants aussi blonds que les blés, et se retrouva presque nez-à-nez avec Ambre, toujours légèrement penchée au-dessus des épingles à cheveux qui brillaient au soleil.
Là-dessus, la comtesse se redressa, tandis que Cassandre arrêtait brusquement sa progression, retenant par l’épaule le garçon à ses côtés, qui ne devait pas dépasser les cinq années. Une petite fille, peut-être âgée d’un ou deux ans de plus, suivait avec une peluche dans les mains.

- Oh. Visiblement, l’espionne parut aussi désagréablement surprise de sa rencontre que la comtesse. Néanmoins, les salutations d’usage s’imposaient, surtout en public comme elles l’étaient actuellement, quoique les politesses furent un peu… rêches ? Comtesse de Ventfroid. Je gage que le temps propice vous a poussée à sortir, vous aussi.

- Vicomtesse. Effectivement. J’imagine que c’est la même chose pour vous et vos… neveux… ?

Ambre avait eu une hésitation, attendant confirmation sur l’identité des enfants, qu’elle n’avait jamais vus. Mais elle savait que la fratrie Rocheclaire possédait de jeunes enfants, dont la mère avait été emportée par le fléau.

- En effet. Nous rentrions justement.

De manière un peu étrange, Cassandre paraissait raide, peu à son aise, elle qui pourtant était rodée aux relations diplomatiques. Elle plaquait la tête de son neveu contre sa robe, le gênant un peu visiblement, car il lutta, relevant un regard bleu comme l’océan vers Ambre, curieux et timide à la fois.

- Vent-froid ? C’est la dame de maître Morion ?

A l’entente du nom, même la petite fille avait ouvert des yeux intéressés. Le terme était visiblement synonyme de respect, déjà, même pour ces enfants encore trop jeunes pour saisir toutes les subtilités du monde adulte et du serment de vassalité.

- C’est cela, Jaden. N’importune pas la comtesse, grinça Cassandre, arborant toujours sa raideur inexpliquée, et rattrapant l’enfant par l’épaule, qui avait esquissé un geste pour se rapprocher et mieux observer la rousse.

- Vous êtes belle, souffla Léa à l’intention d’Ambre, visiblement fascinée par la femme portant le nom de la famille qu’elle devrait servir, à l’avenir.

L’innocence des enfants aurait pu faire sourire la comtesse. Ce ne fut pas le cas. Quelque chose la gênait terriblement. Une sensation sourde était née dans son ventre, une torsion d’appréhension, tandis que son cœur avait observé un raté.
Ambre était restée bloquée sur ce regard bleu que lui avait lancé l’enfant. De grands yeux juvéniles, qui pourtant lui parurent terriblement familiers. L’espace d’une seconde, elle avait senti le regard de Morion de Ventfroid se poser sur elle. Et que dire de la forme de cette petite bouche, dont la moue également paraissait posséder des traits connus ? Et cette petite fille, qui si elle possédait de manière évidente les traits des Rocheclaire, avait aussi une mâchoire anguleuse, et ces mêmes mimiques au coin des yeux, qui rappelaient une toute autre personne ?

La comtesse ne sut pas combien de temps elle resta bloquée sur sa contemplation des enfants. Son regard, perturbé, avait glissé de l’un à l’autre, revenant et s’attardant surtout sur le garçon, sur laquelle la ressemblance était plus frappante. Et quand ses yeux décelèrent le mélange ignoble, les traits qui se mouvaient à la fois pour prendre un peu du Ventfroid, un peu de la Rocheclaire, un goût de bile lui monta dans la bouche.
De longues secondes étaient passées, silencieuses, durant lesquelles Cassandre avait de toute évidence senti le malaise d’Ambre. Elle avait plaqué en vain l’enfant contre sa robe, comme pour faire échapper son visage au regard inquisiteur de la jeune Ventfroid, mais beaucoup trop tard. Lorsqu’Ambre releva les yeux, et que leurs regards se croisèrent, les deux nobles restèrent de longs instants ainsi, à fixer les prunelles l’une de l’autre. Cassandre savait qu’elle avait compris. Ambre savait qu’elle savait. La blonde, alors qu’elle aurait pu se targuer d’un sourire goguenard, ou toute autre forme de moquerie, n’en fit rien. Elle se souvenait les menaces de Morion à ce sujet, et savait qu’il n’augurait rien de bon pour elle s’il venait à croire qu’elle avait vendu la mèche d’elle-même.

- Eh bien, je vais vous souhaiter une bonne fin de journée, comtesse. Je ne puis m’attarder plus longtemps.

L’allure raide, Cassandre salua quelques hobereaux qui l’interpellaient, avant de s’éloigner définitivement, laissant Ambre debout devant son étal d’épingles, comme une sotte. La comtesse resta quelques minutes hébétée, incapable de percuter plus à même l’information, dans le déni. Elle resta ainsi jusqu’à ce qu’Anne ne revienne, après cinq longues minutes.

- Ils n’avaient plus le savon que prend Sarah habituellement, mais je suis parvenue à… ma dame ? Que vous arrive-t-il ?

Elle avait noté le visage de sa supérieure, blanc comme le linge.

- J’ai vu quelque chose qui n’aurait jamais dû être, souffla Ambre, toujours sous le choc.

--

30 avril 1165

Les deux jours suivants furent un calvaire. Un véritable calvaire. Aussitôt rentrée de son expédition au marché, Ambre rentra pour s’enfermer dans son atelier, et n’en sortit plus, à part pour rejoindre la chambre tard le soir. Elle prétexta une volonté puissante de peindre, y passant ses journées, mais qui se penchait sérieusement sur sa toile pouvait noter qu’elle n’avait pas avancée d’un chouia en deux jours. Quant à ses nuits avec Morion, une fatigue subite justifia la chute drastique de sa libido, et s’il tenta quelque chose ces nuits-là, il fut rapidement éconduit, la jeune femme se tournant de l’autre côté du lit, dos à l’homme, prétextant dormir, alors qu’elle gardait les yeux grands ouverts fixés dans le vide.
Elle avait passé les deux jours suivants assise sur le canapé de son atelier, face à son miroir, observant son petit reflet ridicule, comme pour tenter d’effacer de sa rétine les images impies d’un mélange entre Morion et Cassandre. Elle n’y parvenait pas. A chaque seconde, à chaque mouvement de pupille, elle revoyait le regard bleu de l’enfant, l’expression de son mari sur son visage, tandis qu’une jolie tignasse blonde lui tombait sur le front. Tignasse blonde évoquant fortement la « tante » du petit.
Une rancœur noire avait commencé à prendre le cœur de la comtesse, tel un venin qui doucement s’emparait de son être, infiltrant, brisant les convictions qu’elle avait en son mariage. Et pourtant étaient-elles profondes, jusqu’à ce jour.

Au début, elle avait voulu nier l’évidence. Elle avait refusé d’admettre ce qui était pourtant presque sûr, même sans preuve aucune. Après tout, les Rocheclaire et les Ventfroid étaient liés depuis bien des années. Qu’est-ce qui lui disait que le frère de Morion, de son vivant, ou l’un de leurs cousins, n’ait pas pu copuler avec une Rocheclaire, amenant à l’existence de ces enfants qui mêlaient horriblement les traits des deux familles ? Mais pourquoi Morion ne lui en aurait-il jamais parlé ? Et surtout, surtout… c’était bien le regard de son époux qu’elle avait vu sur le visage de cet enfant. Le regard de l’homme qui la bordait chaque nuit, le regard de celui qui avait juré devant les dieux de l’honorer jusqu’à sa mort, de celui qui, à peine deux semaines plus tôt, lui avait demandé une confiance aveugle. Morion lui avait menti. Ou, plutôt – car il n’avait jamais affirmé ne pas avoir eu d’enfants avec Cassandre, le sujet n’étant jamais venu sur la table –, il avait menti par omission.
Une amie précieuse, n’est-il pas ? Ah. Ah. Ah. Aussitôt, des visions abjectes avaient investi l’esprit de la comtesse. Les lèvres de Morion dans le cou de cette vipère, sur sa bouche, descendant entre ses seins, liant leurs corps d’un coup de rein. Les mains de cette catin sur ses épaules, caressant ses cicatrices, sa langue offrant des baisers indécents. Cette simple vision lui avait fait briser une tasse, qui avait volé à travers l’atelier, s’écrasant au pied d’une fenêtre. Ambre était sous le choc. Et pourtant… et pourtant.

D’une certaine manière, au-delà de l’hébétude, au-delà du dégoût que ces enfants avaient soulevé chez elle, il y avait comme une confirmation de soupçons profonds, refoulés depuis longtemps. Pourquoi les provocations de Cassandre l’avaient toujours affectée plus que de raison ? Pourquoi une femme aigrie, jalouse, réussissait à lui faire perdre son calme alors que c’était elle, la comtesse de Ventfroid ? Au fond d’elle, sûrement ses neurones avaient-ils déjà fait quelques connexions. Son esprit avait toujours su ce qu’était cette femme. Une amante. Une amante d’autant plus aigrie qu’on lui avait retiré un jouet qu’elle avait déjà possédé, et qu’elle n’aimait pas partager. Voilà donc la réelle raison pour laquelle Morion la gardait près d’elle, constamment. L’envie d’une nuit n’était même pas justifiable. Il y avait deux belles preuves, là. L’on ne faisait pas un enfant en une fois, les essais étaient souvent nombreux, alors deux ? Leur relation avait été longue ; peut-être durait-elle encore ? Pourquoi Morion ne lui avait-il rien dit ?
Mille et une questions se bousculaient dans la tête de la comtesse. Elles lui dévoraient l’esprit, minaient sa santé. Sa colère et son dégoût prêt à la faire vomir l’empêchaient pour l’instant de lâcher les larmes. Petit à petit, sa rancœur grandissait, son état empirait, les pires théories s’emmagasinaient dans sa tête, et bientôt, elle fut arrivée à un point de non-retour. Cela devait forcément éclater, de toute façon. Ambre ne pouvait pas continuer à vivre en cachant à Morion un tel fait. Il était impossible pour elle de faire comme si elle n’avait rien vu. Elle avait besoin d’explications.

Ce fut d’ailleurs un passage de Cassandre qui motiva la comtesse. Deux jours après leur rencontre malencontreuse au marché, il était prévu qu’elle passe voir Morion, pour leurs affaires habituelles. A l’intérieur de son atelier, Ambre guetta les bruits de pas qui notifiaient de la présence de la vicomtesse. Elle entendit la porte du bureau de son menteur d’époux s’ouvrir, au loin, et la jeune femme, stupidement, se demanda ce qu’ils étaient en train d’y faire. Un simple échange d’informations, réellement ? Des bouts de parchemins, des discussions sur leurs cibles actuelles ? Ou plutôt des regards enfiévrés, des mains baladeuses et des baisers, tandis que la comtesse de Ventfroid faisait l’erreur d’avoir confiance en son mari ?
Lorsque le bruit de porte se répéta après un temps qui parut terriblement long, de façon exagérée alors qu’Ambre avait guetté chaque seconde, le départ de Cassandre fut sûr. Fébrile, une colère sourde couvant dans tout son corps, la jeune femme se dirigea à son tour vers le bureau de son époux.

Elle y frappa deux coups, sèchement. Elle entra, fermant la porte derrière elle, puis resta là. Debout, à observer Morion qui relevait les yeux vers elle, se demandant sûrement les raisons pour lesquelles elle venait le déranger tandis qu’il travaillait. Les yeux de la jeune rousse se baissèrent sur le col de sa chemise, guettant des traces, des boutons mal refermés, des marques de maquillage qui n’avaient pas leur place, ou un quelconque air déchevelé. Enfin, la phrase tomba, rude, claquante, soudaine.

- Depuis combien de temps couches-tu avec cette femme ?
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMar 1 Nov 2016 - 13:09
Longue, très longue journée que ce fut. Et elle était loin d’être terminée. Ces temps-ci, les sources de préoccupation étaient nombreuses. Etonnamment, cela dit, malgré les histoires avec Saurell, Cassandre et consorts, il n’avait pas reçu de nouvelle missive de la part des espions anonymes.C’était peut-être le seul soulagement. Et encore, il se demandait ce qu’ils pouvaient bien être en train de préparer, car les Venfroid n’avaient pas été inactifs, durant tout ce temps. Gageant qu’ils avaient été occupés ailleurs, ou l’espérant en tout cas, il avait temporairement mis ce problème de côté. Il s’était donc intéressé à des problèmes plus urgents. Tout d’abord, il avait mobilisé un certain nombre de ses espions, malgré ses demandes formulées à Grâce, à divers endroits de l’Esplanade, pour se rasséréner sur le silence entourant la voyante. Il ne lâcherait pas l’affaire une longue période durant. Plusieurs mois, probablement. Les rapports des espions étaient quotidiens, et s’ils ne faisaient jamais cas de présence suspecte, ils préférait demeurer méfiant. Il sortait aussi régulièrement en ville, en parallèle de cela, afin de prier au Temple, pour le pardon de Rikni, et des deux Autres également. Il ne regrettait pas ce qu’il avait fait, mais connaissait parfaitement la gravité de son acte. Comme si les Dieux n’étaient déjà pas assez facétieux à son égard, l’envoyant plus souvent que de raison danser près des voiles délétère de la faucheuse, voilà qu’il se les mettait directement à dos en torturant, assassinant, puis débitant un de leur messager. A y repenser, il trouvait cela presque risible, tout compte fait. Lui qui était si pieux, lui qui quelques années plus tôt aurait tué pour un mot de travers prononcé à l’égard d’un Dieu, il les attaquait frontalement et les défiait la tête haute. Il n’avait pas parlé de ça à Marianne ou Estrée. Ni à Edric. Elles se seraient fait du souci inutilement. Elles savaient que quelque chose clochait quand le peintre avait été enfermé sur son ordre, mais guère plus. Il n’avait pas été jusqu’à leur dire qu’une messagère de Rikni avait largement bavé sur nombre de choses qui auraient du rester tues jusqu’après sa mort, voire même bien longtemps après.

Il y avait eu du nouveau concernant le domaine, cela dit. Estrée se remettait, petit à petit, de sa blessure. Elle n’était pas encore capable de sortir du château, mais avec un peu d’aide, elle pouvait se déplacer. Cependant tout n’était pas tout rose. A l’instar de Morion, lorsque son état s’était plus ou moins stabilisé, elle restait extrêmement faible, et l’on ne connaissait pas encore les dégâts sur le long terme qu’avait provoqué sa blessure. C’était une source d’inquiétude pour tout le monde, mais l’on essayait avant tout de se réjouir de sa survie. Morion n’aurait pas supporté de perdre sa soeur. Quant à Marianne, il n’osait même pas se projeter en ce sens, sa sensibilité ordinaire parlait déjà pour elle, qu’elle perde le seul membre de sa famille sur qui elle pouvait compter au quotidien aurait probablement eu raison de sa santé mentale. Elle se débrouillait cependant admirablement bien. Durant toute la période d’inaptitude de la jeune femme, elle et Edric avaient maintenu le domaine comme si elle n’avait pas été blessée du tout. Même le vieux chevalier avait fini par prendre goût à son rôle de régent, et craignait maintenant que la petite, comme il disait, vienne lui voler cette place si durement acquise. Si Morion restait tout de même inquiet - lui même avait expérimenté les rechutes de la santé après une blessure grave - il se sentait néanmoins soulagé. Moins exposée que lui aux affres du temps et du combat, elle s’était remise plus vite, et à moins d’un autre drame. Restait un sujet qu’ils n’évoquaient guère, même s’ils y pensaient. Si Estrée avait été touchée au ventre… Quid de sa capacité à enfanter ? Elles ne pouvaient guère penser à ce moment, à l’heure actuelle. Une place particulière, de trop nombreuses tâches à accomplir, elles n’avaient pas la liberté d’y penser. Mais un jour peut-être le temps viendrait de prendre époux et d’assurer une descendance. Et ce serait d’une gravité extrême et surtout douloureux, si elle était dans l’incapacité d’avoir des enfants. Pour l’heure, ils ne préféraient pas penser à ce genre de choses, c’était… Se faire du souci pour peut-être rien.

Un autre sujet l’inquiétait, ou tout du moins le préoccupait. C’était plus diffus que les craintes liées à sa soeur ou aux récentes affaires, cependant. Ambre avait été… bizarre, ces derniers jours. Il mettait ça sur le compte de la récente affaire de Saurell, même si cela commençait à dater, ou peut-être d’une fatigue ou nervosité liée à sa grossesse. Quoi qu’il en soit, il avait tout de même noté un certain éloignement. Même si cela ne faisait que deux jours, il n’avait pas pu passer à côté de cela. Elle passait la journée enfermée dans son atelier, et le soir, ils ne parlaient presque pas, quand bien même il pouvait essayer de lancer la conversation. Il ne se formalisait pas de leur inactivité une fois dans le lit conjugal, même si cela aurait pu constituer une preuve supplémentaire d’un éventuel problème. Être enceinte devait jouer sur ses humeurs, tout comme les dernières semaines passées. Et il n’était pas du genre à faire cas de ce genre de choses après si peu de temps. Et le travail qu’il avait à abattre l’empêchait de trop penser à tout cela, ce qui s’avérerait dans peu de temps être une extraordinaire erreur.

Dans l’après midi, Cassandre était passée pour affaires. Depuis leur dernière entrevue, leurs échanges étaient devenus… Auparavant, malgré une très légère tension - Cassandre n’aimait pas savoir Ambre dans cette maison, Morion percevait cette tension et s’en agaçait - ils pouvaient discuter tout à fait normalement des différentes cibles à acquérir afin de ponctionner le Duc de ressources en provenance de la basse-ville par exemple, ou encore de l’espionnage des diverses personnalités de l’Esplanade qui représentaient un soutien solide, mais destructible de la famille du duc. Morion recevait ses comptes rendus, lui donnait de nouvelles instructions si besoin, écoutait ses conseils en matière stratégiques, puis après quelques débats, se mettait d’accord sur la conduite à adopter. Cassandre essayait souvent, à ces moments, de se montrer mielleuse, affable, afin, peut-être, de provoquer chez le comte un peu plus qu’une simple conduite purement professionnelle, comme c’était le cas depuis qu’ils avaient arrêté de se fréquenter. Ce qui s’avérait d’une incroyable inefficacité, d’autant plus depuis son mariage. La vicomtesse était tenace, mais Morion purement et simplement inflexible. Depuis leur entrevue en revanche, leurs échanges étaient secs, la plupart du temps. Morion ne changeait pas, lui. Après tout, pourquoi l’aurait-il fait ? Il avait fait des choix, pris des décisions en conséquences, et n’avait aucun remords quand à ce qu’il avait décidé, bien au contraire. Cassandre en revanche ne l’entendait pas de cette oreille, et cette petite tension s’était muée en une frustration palpable. Elle ne cessait de rappeler les efforts qu’elle mobilisait pour lui fournir les documents dont il avait besoin, se mettre en avant, sûrement dans l’idée de faire culpabiliser le comte. En vain.

Aujourd’hui en revanche, elle s’était montrée… Passablement irritée, ou inquiète, alors même que les rapports qu’elle lui avait remis étaient pour le moins triviaux, sinon tout à fait banals. Il lui avait assez rarement connu un tel état de tension, mis à part les jours suivant son mariage, à dire vrai. Il s’était vaguement posé la question d’une telle tension, avant de se rendre compte que la réponse ne l’intéressait même pas. Elle était là pour une seule raison, la même que d’ordinaire. Lui montrer plus d’intérêt que celui qu’il avait décidé de lui accorder, en réponse aux demandes de sa femme n’était pas dans ses objectifs.

Sitôt qu’elle fut partie, il se replongea dans la missive qu’il écrivait à Estrée. Désormais qu’elle pouvait parfaitement les réceptionner et les lire, il pouvait s’en donner à coeur joie, comme qui dirait. D’ordinaire il prenait des nouvelles essentiellement par Edric et Marianne, qui avaient souvent bien autre chose à faire, limitant un peu les interactions qu’il pouvait avoir. Il lui contait, dans ses écrits, la bonne résolution, quoique sinistre, des événements ayant conduit à l’enfermement du prêtre. Il racontait aussi la rémission de ses blessures, en excellente voie, et quelques détails de leur vie quotidienne. Il n’annonçait encore aucune visite au domaine, mais promettait de réfléchir sérieusement à sélectionner quelques jours, pour qu’Ambre et lui puissent venir. Si les choses se tassaient, il serait bon qu’elle finisse par rencontrer, finalement, toute la fratrie, ainsi que les gens qui le servaient, où ceux qui vivaient sur son domaine. Un visuel était nettement mieux que les quelques descriptions épistolaires qu’il avait pu lui fournir. Et d’une autre part, cela confirmerait et scellerait pour de bon l’entrée définitive d’Ambre dans son monde, chose dont il avait hâte. Pour l’heure, bien qu’il la considère comme partie plus qu’intégrante de son univers, elle n’avait vu que le manoir et sa vie quotidienne en tant que comte de la cour ducale, et non en tant que chef avéré de sa famille. Il espérait que cela lui plairait.

Pensée qui fut balayée comme par une tornade lorsque, après quelques secondes seulement que Cassandre ait quitté son antre, Ambre entrât dans la pièce, visiblement… furibarde.

Sa question claqua comme un coup de fouet, et prit tellement Morion au dépourvu, qui n’avait consenti qu’un lever de regard, s’interrogeant innocemment sur la présence de sa femme supposée travailler comme une forcenée, qu’il brisa sa plume d’une contraction réflexe de ses doigts. Depuis combien de temps il… Ses sourcils se froncèrent au point de pratiquement se rejoindre entre ses yeux, et son regard s’assombrit. Cette question, en plus d’être déplacée, était carrément insultante. Elle recommençait.

«… Si cette question est une farce, elle est d’un mauvais goût extrême. Coucher avec Cassandre ? Je te signale que je suis marié, au cas où l’événement ait déjà quitté ta mémoire. Te rends-tu compte seulement de ce que tu me demandes, Ambre ?»

Sa voix restait plus ou moins calme mais l’on entendait déjà la vibration de son ire dans sa gorge, appuyée par son teint pâlissant de colère.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMar 1 Nov 2016 - 13:59
Le craquement de la plume brisée résonna agréablement aux oreilles de la comtesse. Son intervention avait été assez soudaine, assez rageuse, pour prendre le comte au dépourvu. Il n’en laisserait que paraître davantage des pensées ou des mensonges qu’il voulait cacher, quand bien même les avait-il cachés avec brio depuis… eh bien, depuis qu’ils se connaissaient.
Les sourcils froncés de Morion, son regard sombre, sa voix suintante de surprise et de colère pour l’instant contenue, tout participa à attiser la rancœur d’Ambre. Elle était lésée et il s’offusquait ? Il lui demandait de se rendre compte l’impact de ses mots, tandis qu’il n’avait eu que faire de ce genre de considérations, en cachant des êtres vivants qui étaient le fruit de ses actes ?
Ambre fit quelques pas devant le bureau, s’éloignant de Morion, regardant sans les voir les étagères remplies de livres et documents nécessaires au travail quotidien de l’homme, avant de se retourner brusquement, d’une traite, pour de nouveau embrasser la vision de son époux.

- Ai-je l’air de faire une farce ? répliqua Ambre, tranchante, gardant difficilement son calme. Elle en était incapable, en fait, et au fur à mesure qu’elle parla, son ton prit quelques décibels. Je me rends parfaitement compte des tenants et aboutissants de ma question, contrairement à ce que tu penses croire, tu n’as pas épousé une sotte. Malheureusement pour toi, claqua-t-elle, devenant méprisante, tout à coup. Et jamais elle n’avait méprisé Morion jusqu’à ce jour. Jamais.

Elle avait l’impression de découvrir un autre homme. Etait-il différent ? Non. C’était elle, désormais, qui le voyait avec un filtre en moins sur la prunelle de ses yeux. Et Morion paraissait beaucoup moins exemplaire tout à coup, beaucoup moins respectable. Toutes ces occasions, toutes ces conversations durant lesquelles Cassandre avait été évoquée. Pas une seule fois il n’aurait pu évoquer le sujet de sa relation bien plus qu’amicale avec la concernée ? Pas une, vraiment ?

- J’ai vu tes… bâtards. Le mot fut craché avec un dégoût évident, une puissance telle qu’il en devint une insulte dans la bouche de la comtesse. Indifférente à la stupeur ou toute autre forme d’émotion qui se dessinait sur le visage de son mari à cette locution, Ambre enchaîna. Il se trouve qu’en sortant au marché il y a deux jours, je suis tombée sur ton espionne. Disant cela, Ambre revint en arrière, ravalant les quelques pas qu’elle avait fait un peu plus tôt, pour se retrouver de nouveau devant l’entrée, mais toujours face à son mari. Elle ne tenait pas en place. Elle tentait de se calmer pour conter le fil de l’histoire sans perdre définitivement les pédales. Accompagnée de ses deux neveux. Pourtant, par le plus graaand des hasards, ce sont tes traits que l’on retrouve sur le visage de ces gamins. Elle fit une pause, brutale. Est-ce pour cela qu’ils sont presque constamment cloîtrés au manoir ? Est-ce pour cela que je ne les avais jamais vus ?

Au vu de l’âge de la petite fille, la plus âgée, cela faisait déjà des années qu’ils existaient, et pourtant leur existence était presque inconnue au Morguestanc. Enfants d’une Rocheclaire morte durant le Fléau, sans plus de détails. Etaient-ils ceux qui allaient hériter du titre ? Un étrange silence tournait autour d’eux, silence qui prenait tout son sens, tout à coup. Ambre se remémora même la visite inopinée de Cassandre avant le départ de Morion pour le Labret. Elle avait fait mention de Léa et Jaden, et Ambre se souvenait à présent la manière dont la comte avait tiqué. Depuis le début, elle avait les éléments sous le nez, et jamais elle n’avait pu envisager un tel scénario. Pourquoi jamais ? Diantre, elle avait fait une chose ignoble : faire confiance à son mari.

- Oseras-tu nier, oseras-tu affirmer que ce ne sont pas les tiens ?! Comment… comment peux-tu me demander une confiance aveugle, lorsque tu me caches de telles choses ? Qui me dit désormais que tu ne continues pas à culbuter cette pute sur ton bureau lors de vos affaires, et qu’elle ne portera pas bientôt une autre engeance prête à faire de l’ombre à l’enfant que je porte céans-même ?!

Ce disant, elle se planta, raide, face à Morion. Sa confiance avait été mise à rude épreuve. Pour l’instant, sa rage lui permettait d’échapper aux conséquences et aléas de la peine et du chagrin, à la sensation d’avoir été trahie, blessée.

- Tu vas tout m’expliquer, Morion de Ventfroid. Et tu as intérêt à te montrer loquace, cette fois. Sans mensonges, sans promesses que tu ne tiendras pas.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMar 1 Nov 2016 - 14:40
L’instant redouté. A vrai dire, aussi ahuri que concentré sur d’autres affaires, pas une seconde il n’avait pensé que la question pouvait être liée à ses… enfants. Qu’il les considérât comme tels ou non n’avait là aucune importance, ils étaient de lui, inutile de tergiverser. Ils auraient du rester à leur place, une erreur du passé, un mauvais souvenir. Les deux petits n’étaient pas en âge de faire du mal, ils étaient même tous deux très gentils, chose très surprenante lorsque l’on connaissait leur mère. Néanmoins, il ne pouvait que les haïr, ils étaient le symbole vivant de son propre échec, de son propre parjure. Leur seule vue le révulsait, quant à Cassandre, il ne supportait plus son contact physique, preuve en avait été faite lorsqu’elle lui avait rendu les clés de la demeure.

Ils auraient dû rester à leur place. La rage qui tenaillait Morion à ce moment était extrême, elle suait par tous les pores de sa peau. Non pas contre sa femm uniquement, mais Cassandre également. A les trimballer partout dès qu’elle sortait faire une course, voilà ce qu’elle risquait. Et encore, lui-même ne savait pas ce qu’elle en faisait, de ces foutus mômes. Il lui avait pourtant laissé des instructions strictes. Et évidemment, elle n’avait pas pu se retenir d’en faire qu’à sa tête. Quand il l’aurait sous le nez celle-là…

Il resta immobile, au début. Seulement au début. Quand le calme qu’il s’efforçait de maintenir, le peu de maintien qu’il avait encore, était encore intact. Ce qui ne dura pas longtemps. Réagissant autant au ton qu’à ses paroles, il se leva, laissant tomber la plume brisée au sol, et d’une manière si brusque que l’encrier finit par la rejoindre, accompagné de quelques documents qui plongèrent dans l’encre étalée sur le sol. Il n’en avait cure.

Il suivait le trajet d’Ambre, sans rien dire. A vrai dire il était bien incapable de prononcer le moindre mot, pour l’instant.

Il ne pouvait dire qu’il ne comprenait pas son attitude, même si elle était intolérable.

Lorsqu’elle revint face à lui, une fois la totalité de sa tirade venimeuse intégrée, alimentant plus encore son ire désormais ni sourde, ni simplement couvante, mais ouverte et déclarée, il se rapprocha d’elle, baissant son visage déformé par la rage vers elle, si près que l’on pouvait compter les poils de sa barbe. Son main s’empara sans douceur du bras d’Ambre, le serrant à l’en briser.

«J’ai déjà évoqué une fois, estimant que cela serait suffisant, le ton que tu n’avais pas le droit d’adopter en ma présence, femme, éructa-t-il, presque avec difficulté, tant la colère était intense. Chaque syllabe, chaque mot était hachée et ils semblaient peiner à franchir ses lèvres qui bougeaient à peine. Sa voix quant à elle, était prompte à arracher la chair de son palais. Plus sotte que je ne le pensais visiblement, incapable de te contrôler.»

Enchaînant sans pause, il avançait, presque par réflexe. A vrai dire ses efforts étaient surtout concentrés sur ses mains, qu’il empêchait de bouger pour ne point asséner à Ambre la gifle qu’elle méritait sur l’instant. Ses yeux étaient en soi une indication claire. Ils n’avaient jamais été aussi écartés de colère, n’avaient jamais exprimé une telle violence à l’encontre de sa femme. Voilà qui était fait, désormais.

Le sang brûlant en lui, les tempes battantes comme deux tambours de guerre massacrés par les massues, il continua son avancée en parlant jusqu’à l’acculer contre la porte.

«Oui, ils sont de moi. Oui ! Des erreurs, voilà ce qu’ils sont, et rien d’autre ! Sa prise se resserra autour de son bras, si c’était encore possible. Tu les as vus, tu dis ? Quel âge ont-ils, à ton avis ? Datent-ils de la semaine dernière ?! Ne penses-tu pas un seul instant que si je n’en ai pas parlé, c’est parce que ce ne sont que des erreurs, aussi anciennes que dégoûtantes ? Comment oses-tu penser que j’entretiens encore un quelconque lien de… Sa phrase se coupa en cours de route, il n’arrivait même pas à finir d’évoquer le sujet. Il finit par la repousser, sans ménagement, la toisant de toute sa hauteur. Tu recommences. Tu parles sans savoir, en ignorant cette fois absolument tout de cela, et cette fois tu ne te prives même pas de m’insulter directement.»

Il recula de quelques pas pour l’observer de haut en bas, juge méprisant, les poings serrés tremblant de la tête a pied.

«J’ai commis une erreur. Une erreur ancienne. Et cette erreur, je l’ai condamnée bien avant d’avoir seulement connaissance de ton existence, lâcha-t-il d’un ton aussi écoeuré qu’irrité. Ces choses n’auraient jamais dû se savoir et tu ne fais que le confirmer. Et je suis censé être moins secret ?!»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMar 1 Nov 2016 - 16:15
Les propos de la comtesse avaient fait mouche. Pile au bon endroit, pile là où il fallait, ou là où il ne fallait pas, selon les points de vue. Morion avait laissé Ambre parler, sans interruption, peut-être à cause de la surprise, mais quoi qu’il en soit, sa fureur montante était parfaitement visible. Ses pupilles s’étaient étrécies, ses mains tremblaient légèrement, et bientôt, il fut levé, renversant son encrier sans en avoir cure. Il fit le tour de son bureau, s’approchant de sa femme pour la regarder droit dans les yeux, la menacer de sa hauteur. Elle ne détourna pas les yeux, jusqu’à ce qu’il vienne lui attraper le bras, subitement.
Ambre esquissa un geste pour se dérober, mais ce fut impossible, et ne décupla que plus encore la poigne de son époux. L’étau réveillait une douleur brutale dans le bras de la comtesse ; elle grimaça légèrement, fronçant les sourcils, serrant les dents, mais refusant encore de lui demander de la lâcher, et ne poussant pas les tentatives pour y échapper. Par ego peut-être, ou parce qu’elle savait déjà qu’il n’accèderait pas à sa requête ?

Si l’étreinte de son homme était douloureuse et mettait à mal sa tolérance, ce ne fut rien, rien, comparé à la gifle verbale qu’il lui assena. Elle se recroquevilla légèrement, comme s’il avait pris un réel coup physique. « Femme ». N’était-elle que cela, finalement ? Une femme, tout juste là pour lui enfanter de beaux héritiers, et se taire. Oui, visiblement, c’était ce qu’elle était. Avoir cru être un peu plus que ça n’était que douce illusion, visiblement, et elle fut tout à coup douchée, incapable de répliquer quoi que ce soit sur l’instant. Cette réplique venait de lui faire mal, très mal, bousculant le mur de rage qu’elle avait monté pour se protéger. Le chagrin lui prit le cœur, ses iris tremblèrent un instant, menaçant de lui faire baisser les yeux. Elle resta stupéfaite, hébétée, et un peu prostrée à mesure que Morion lui assenait le reste de ses paroles. Il avait pour lui l’avantage de sa condition d’homme, de la prestance de son rang, la capacité de la faire taire d’un geste, tandis qu’elle ne pouvait que s’époumoner et lui donner des coups qui auraient faire rire le plus faible des hommes.

Il parla, cria plus fort qu’elle, s’accrochant à son bras, lui déclenchant une douleur toujours plus vive, faisant pression de façon telle qu’elle termina par être obligée de reculer, petit à petit, jusqu’au battant de la porte de son bureau. Là, il put la dominer de toute sa hauteur, lui supprimant tout espace de sortie. Etait-il en train de tenter de lui faire peur ? Voulait-il réellement qu’elle vienne à le craindre, elle, sa femme ? Voulait-il sincèrement qu’une telle ambiance d’épouvante persiste entre eux, au point qu’elle ne prendrait plus jamais la parole pour afficher un avis un peu différent ? Allait-il lever la main sur elle, peut-être, pour lui apprendre la vie ? Elle n’était peut-être qu’une femme, s’était peut-être laissée trop emporter par la nouvelle, mais comment pouvait-il attendre qu’elle reste de marbre ?
Rageusement, Ambre effaça une larme qui s’était échappée sur une joue, vilaine traîtresse. Hors de question de paraître faible. Hors de question que son corps la trahisse maintenant, que son mur de rage s’effrite si vite, même s’il venait d’être salement secoué, de larges fissures s’étendant comme une toile à sa surface. Incapable de répliquer quoi que ce soit à sa supposée sottise, à son statut de femme, la gorge nouée, elle se concentra plutôt sur la suite.

Quand l’homme la repoussa, elle resta dos au battant de la porte, immobile, se massant le bras machinalement, les dents serrées, le cœur au galop dans sa poitrine.

- Finalement, tu es comme ton père, souffla-t-elle, se remettant de l’accès de violence de son mari.

Elle faisait référence, de toute évidence, aux écarts physiques que ce dernier n’avait pas hésité à faire subir à ses proches. Les mots tombèrent doucement, une simple constatation, une forme de déception parfaitement perceptible dans le souffle de la comtesse.

- Bien sûr que je parle sans savoir, grinça-t-elle entre ses dents. Encore une fois, l’on ne me dit rien. Comment oses-tu attendre de moi que je tire les bonnes conclusions ou que je sois omnisciente ? Aurais-je peut-être dû hausser les épaules en faisant semblant de n’avoir rien vu ? Ambre esquissa un geste pour se détacher du panneau de bois, comme pour s’approcher elle-même de son mari, comme pour venir le bousculer, mais elle se ravisa au dernier moment dans un sursaut, restant contre sa porte. Se remettre à parler, à expliquer, attisait de nouveau sa colère. Tu aurais pu m'en parler par toi-même, n'importe quand. Des erreurs, des erreurs. Tu as eu le temps d’en faire deux pourtant avant de t’en rendre compte. Ces choses qui mêlent de façon ignoble tes traits et les siens…

Ambre, à cet instant, mit le doigt sur ses propres émotions. Elle était jalouse. Oui, tout simplement jalouse. Cela pouvait paraître stupide, mais c’était le cas, et elle s’insupporta elle-même de s’en rendre compte. Jalouse de cette saleté de vipère qui n’était rien, rien, rien. Et cette jalousie ne concernait pas le fait que Morion ait eu une amante, ou même des bâtards, avant elle. Oh non, elle n’avait certainement pas attendu que son mari soit vierge pour leurs noces, et savait très bien qu’il avait dû avoir des aventures au cours de sa vie. C’était même normal, elle se contrefichait de ça. Qu’il ait eu des bâtards, si elle l’avait su de la bonne des manières, l’aurait sûrement légèrement embêtée, mais c’était tout. Là, il lui avait caché sciemment l’information, ce qui donnait une importance toute particulière à ces enfants, comme s’il avait quelque chose à se reprocher, encore aujourd’hui, comme s’il fallait qu’elle ne comprenne jamais. De plus, là, le problème évident, c’est que cette amante continuait à faire partie de sa vie, qu’il la gardait près d’elle, au quotidien, alors qu’ils avaient partagé bien plus que des échanges professionnels durant des années. C’était malsain, et même s’il lui affirmait que tout était terminé, qu’il était fidèle depuis son mariage, qu’est-ce qui prouvait, qu’un jour, la passion pour cette femme ne revienne pas ? Elle avait visiblement été assez forte pour le faire sortir de ses préceptes. C’était ça qui déchainait une jalousie morbide dans les entrailles d’Ambre. Cassandre avait été assez attirante pour le pousser à sortir de ses principes, à désobéir à son propre père qu’il craignait tant, même, car la jeune Ventfroid savait parfaitement que tout lien marital entre Ventfroid et Rocheclaire était prohibé, en-dehors des traditions. Les Rocheclaire devaient rester des vassaux et servir leurs maîtres, sans jamais outrepasser leur rang. Visiblement, Cassandre avait été assez forte pour non seulement lui donner envie de balayer ces interdits, mais recommencer, même après la naissance d’un premier bâtard, preuve pourtant quotidienne de son dérapage. Alors qu’avec Ambre, Morion était… Morion n’avait jamais dépassé les bornes, jamais été passionné au point d’en oublier ses devoirs. Si cela pouvait témoigner d’une plus grande maturité qu’à l’époque, cela soulevait quand même en Ambre une jalousie terrible, la sensation de ne pas même déchaîner la moitié des passions qu’il avait pu ressentir pour une autre. Elle se sentait terriblement moins désirable, tout à coup.

- Toi aussi tu parles sans rien savoir. Tu préjuges de mes réactions, de ce que je devrais penser. Si Armand était toujours en vie, me laisserais-tu l’approcher, alors que tu connais notre passion passée ?! Aurais-tu aimé que je cache le fait d’avoir déjà donné naissance, en-dehors de toute considération divine et de devoir de pureté avant les noces ?! Moi, tout ce que je vois, c’est que tu caches des bâtards et garde leur mère à tes côtés, avec un zèle tout particulier. C’est une insulte quotidienne à ta femme et ta descendance légitime. C’est tout.

Ambre fit une pause, reprenant son souffle, se retenant de façon évidente de venir gifler son propre mari. Ses yeux lançaient des éclairs, et pourtant, malgré toute sa colère, l’on pouvait déceler dans ses yeux la femme blessée, malheureuse, dans l’incompréhension la plus totale.

- L’aimes-tu ?

Elle avait soudain composé un visage lisse, posant une question dont elle redoutait la réponse. Finalement, s’il n’avait pas épousé Cassandre, n’était-ce que parce que les Ventfroid interdisaient de se lier à une Rocheclaire ? Lui aurait-il passé la bague au doigt si son père n’avait pas renié un tel acte ? Ambre n’était-elle qu’une femme de rechange, là pour assumer un devoir officiel, tandis que son véritable amour allait à une autre ?

La comtesse était prête à craquer, dans un sens comme dans l’autre. Son chagrin et son mal-être pouvaient exploser à tout instant, comme de derniers accès de colère pouvaient lui faire assener une gifle sur le visage de son mari, quitte à recevoir sanction, ès qualité de femme.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMar 1 Nov 2016 - 16:50
Comme son… L’esprit et la verve de Morion se brisèrent un moment, avec une netteté et une brutalité qui l’étonnèrent. Il en aurait presque oublié de respirer. Comme son père, il n’avait pas rêvé un seul mot. C’est ainsi qu’elle le voyait ? Savait-elle seulement qui était Isidore de Ventfroid pour ainsi comparer Morion au monument qu’était son père ? Le prenait-elle donc pour l’homme qui allait brutaliser son fils des années pour en faire un héritier digne de ce nom ? Ignorer pratiquement tout le reste de la fratrie, dans le seul but de concentrer toute son attention sur son nom, et uniquement celui-ci ? Il eut un petit rire nerveux, mentalement. Il prenait l’énervement de sa femme comme de la simple démesure, il se trompait visiblement lourdement. Si elle en arrivait à ce stade-là de mépris, il ne voyait même pas quoi répliquer. Elle ne connaissait pas son père, n’avait même pas eu le temps de le connaître, au mieux l’apercevoir, avant sa disparition. S’il avait été comme son père, il n’aurait probablement jamais enfanté ces bâtards, justement. Il aurait pris femme sitôt sa vingtième année atteinte, et se serait reclus dans l’ombre et le silence jusqu’à ce que son fils soit en âge de prendre la gouvernance de leur maison. Rien de plus. Tout au plus serait-il parti en voyage pour établir et maintenir les relations que les Ventfroid entretenaient avec de nombreuses familles. Et de ce fait aurait probablement été emporté par le Fléau loin de chez lui. Comme son père ? S’il avait été comme lui ses os seraient déjà brisés, pour lui avoir parlé ainsi. Comme son père. Morion découvrait la violente douleur que pouvaient provoquer des mots, ironiquement juste après l’avoir fait lui-même.

«Si tu avais connu mon père ne serait-ce que l’espace tu n’aurais pas l’audace de t’abaisser à m’insulter, et insulter sa mémoire de cette façon, lâcha d’un ton glacial le comte, encore sous le choc de la pique.»

Pas eu le temps de s’en rendre compte ? Combien de temps était-elle restée murée dans le silence après la mort d’Armand ? Ne savait-elle donc pas ce qu’étaient les sentiments ? N’en possédait-elle finalement si peu pour s’autoriser une pareille réflexion ? Savait-elle seulement ce qu’elle disait à cet instant ? La colère de Morion, brûlante jusqu’à présent, prit une température aussi froide que la mort. Il n’était pas moins furieux, mais envahi par un profond dégoût. Il ne comprenait pas qu’elle puisse à ce point manquer de clairvoyance. Elle savait qu’il ferait tout pour sa femme, et il pensait qu’il en était de même pour elle. Quelques jours plus tôt elle avait elle-même dit qu’elle n’aurait que peu de scrupules à briser des lois morales élémentaires en vertu de son amour et de la famille qu’elle voulait protéger. Ne pouvait-elle ainsi pas comprendre que noyé par les sentiments, hommes et femmes étaient capables du pire ? Ou alors… ou alors elle avait menti, purement et simplement. Son visage se lissa au fur et à mesure que les pensées cheminaient insidieusement dans son esprit.

«Les sentiments aveuglent et poussent au pire. Regarde-toi. Aurais-tu seulement envisagé de supprimer Sigfroi, une folie à tous les niveaux, s’il n’avait pas enfermé les Sarosse dehors ? J’en doute fortement.»

A la mention d’Armand, son bras agrippa le dossier du fauteuil, juste derrière lui. Ses doigts s’enfoncèrent si profondément dans le bois qui le composait qu’il sentit ses phalanges craquer, et une forte douleur lui irradier le bout des doigts, dont les ongles n’avaient pas accepté la pression infligée par ses muscles. Il serra les dents avec violence, se retenant de hurler, sans forcément quelque chose à dire.

Sa voix gronda avec force dans la pièce, dont l’écho fut renvoyé par les murs du lieu chargé d’histoire et de secrets.

«Ta question n’a pas le moindre sens. Strictement aucun. Si cet homme était encore en vie, tu n’aurais même pas posé un seul oeil sur moi. Tu serais restée dans ta bulle de passion sans un seul regard pour le monde qui t’entoure. Ta volonté de supprimer Sigfroi n’aurait jamais existé, tu n’aurais pas peint ce tableau, et j’aurais fait un simple achat, ce jour-là. N’inverse pas les rôles. S’il était en vie tu ne serais pas là.»

Arrachant sa poigne du fauteuil sentant des échardes déchirer légèrement la chair pulpeuse de ses doigts, la douleur atténuée par la surcharge d’adrénaline, il s’approcha d’elle juste après sa question, le regard embrasé par la fureur. Elle osait poser cette maudite question. Il rêvait, c’était impossible autrement.

«Je n’aime qu’une seule femme. Une seule. Et jusqu’il y a quelques secondes, je pensais qu’il en était de même pour elle. Je suis plus faillible que ce que je pensais, semble-t-il.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMar 1 Nov 2016 - 18:22
Ambre sentit qu’elle l’avait blessé en évoquant son père. Ce sujet était et resterait toujours délicat chez Morion. Si son père avait été un homme honorable et respectable sur bien des aspects, il avait été aussi un homme terrible qu’on ne voulait pas imiter dans bien des domaines. La pique avait choqué le comte, mais au moins restait-il à distance, sans sa main douloureuse refermée sur son bras, au point de lui faire un bleu qui s’épanouirait bientôt sur la peau blanche. A lui d’assumer ses actes. Au lieu de tenter d’expliquer à sa femme tout ce qu’elle ne comprenait pas, il répliquait avec autant de colère si ce n’était plus, rendant l’échange stérile, venimeux, mortel pour leur couple. Ambre avait-elle fait une erreur ? Aurait-elle dû s’effondrer dans un coin de leur chambre, pleurant lorsqu’il avait le dos tourné, n’expliquant jamais la raison subite de sa peine et de sa colère, gardant tout au fond de son cœur pour finir par devenir une épouse aigrie ? Devait-elle plonger dans le secret, elle aussi, devenir une Ventfroid jusqu’au bout des ongles, si indifférente que la supposition d’une potentielle amante ne lui aurait rien fait ?
« Les sentiments aveuglent et poussent au pire ». Là encore, le coup fut dur. Ambre ferma les yeux pendant quelques secondes, se retenant d’abandonner la lutte.

- Ainsi, tu l’as aimée.

Cassandre n’avait pas été juste une femme de passage, juste une femme désirée, mais une femme pour laquelle il avait réellement eu des sentiments. A partir de là, l’on comprenait le zèle et l’espoir de l’espionne. Si Morion avait été si épris… si l’obstacle à un mariage avec une Rocheclaire n’avait été que son père et les lois des Ventfroid, nul doute que la Fange aurait tôt fait de balayer ces barrières. Elle serait sûrement devenue comtesse, par défaut, un jour ou l’autre. Ou peut-être pas. Elle tirait ses propres conclusions, encore et encore, parce que Morion refusait de lui conter sa version, refusait d’expliquer un point de vue qu’elle ne voyait pas. Pourtant, qu’y avait-il de plus simple ? Pourquoi ne la soulageait-il pas de ses doutes, de sa peine ?
Une douleur sourde courrait dans le ventre de la comtesse, comme si le petit être qui grandissait en elle protestait de toute la tension actuelle. Par Serus, Morion abordait-il réellement un tel sujet ? Les raisons de sa lutte contre Sigfroi, ou ce que serait leur couple si Armand était toujours en vie ?

- Et toi, aurais-tu réellement épousé une femme que tu considères instable au point de vouloir tuer un homme par passion ? Le déclencheur de mes griefs contre cet homme est clair, je n’ai pas à le nier, en revanche ma raison est toujours là, ainsi que mon esprit critique. Les Sarosse n’ont pas été les seules victimes de ce massacre, et les Sylvrur devront payer, quoi qu’il arrive. Tant que je vivrai, un tel homme ne deviendra pas Roi ni n’insultera nos dieux. Si la cause avait été illégitime, ma simple rancœur n’aurait pas suffi à maintenir mes décisions. Mais est-ce là ce que tu veux ? Que j’abandonne tout pour te prouver que mon cœur est tien ?

Ambre ricana nerveusement.

- Non, non, non.

C’était une plaisanterie, maintenant c’était à elle d’évoquer ses sentiments ? Cela n’était pas elle qui se pavanait constamment aux côtés d’un espion amoureux d’elle et père d’enfants illégitimes. Cela n’était strictement pas elle qui devait prouver la réelle valeur de ses sentiments. Elle n’avait rien fait qui manque de respect à Morion. N’avait jamais regardé un seul autre homme depuis leur mariage, n’avait jamais envisagé pouvoir vivre autrement que parmi les Ventfroid. Il continuait à ne rien expliquer du tout, à ne pas développer les convictions qui l’avaient forcé à garder le silence sur Jaden et Léa. Il ne se justifiait pas, il considérait que les demandes de sa femme étaient illégitimes, et pire, il retournait la situation contre elle, lui reprochant soudain des choses qui n’avaient pas lieu d’être.
Armand n’aurait pas fait un bon mari. Ambre possédait le recul nécessaire pour s’en rendre compte désormais. Elle n’avait jamais choisi cet homme à la base et sa passion aurait fondu telle neige au soleil avec le temps. Elle était jeune, encore naïve, incapable de voir au-delà des mots doux et des cadeaux. Armand l’avait aimée, sincèrement, et elle l’avait aimé aussi. Elle l’avait pleuré. C’était fini, désormais. Son cœur s’était ouvert à un autre sans qu’elle ne le force.

Quand Morion s’approcha de nouveau, Ambre recula, mais l’obstacle du mur derrière la stoppa bientôt. Lorsqu’il fut trop près, elle le repoussa de ses deux mains, sèchement, refusant toute proximité. Quand les dernières paroles du comte tombèrent, elle entrouvrit les lèvres et écarquilla les yeux. La tension fut à son paroxysme, alors qu’ils étaient tous près l’un de l’autre, en rage, avec une tous deux une sévère envie de se défouler quelque part. Ce fut automatique. La gifle partit. Du moins, le mouvement pour en donner une, car dans une telle situation, Morion l’avait sentie venir, et ses doigts s’étaient refermés par réflexe sur le poignet de sa femme, sans difficulté aucune. Ambre tira sur son bras pour récupérer sa main et tenter une nouvelle fois, mais la poigne de l’homme était trop forte. Cette fois-ci cela dit, cela lui fut égal d’avoir mal.

- Ne fais pas ça, gronda-t-elle tout près de lui, la colère mêlée à des sanglots naissants dans sa gorge. Surtout pas. M’accuses-tu de mentir ? D’être en train de te jouer une fausse scène ? Tu crois vraiment que je suis en train de simuler ma colère et ma peine, que l’existence de tes bâtards ne m’évoque qu’indifférence, parce que je pense encore à un mort ? C’est ça que tu crois ? Que je me sois parjurée devant les dieux le jour où j’ai répondu à tes sentiments ?

Il la faisait passer pour un phénomène de foire, pour une femme qui ne savait pas ce qu’elle voulait. Pourtant, c’était clair, non ? Elle voulait des réponses, elle voulait panser sa confiance brisée, elle lui donnait les occasions de le faire, et il ne lui retournait en écho que des attaques remettant en cause son propre investissement dans leur couple. Ça n’était pas elle qui avait des bâtards. Cela ne serait jamais elle.

- Lâche-moi. Tu refuses de t’expliquer, pire, tu m'accuses de torts abjects. Ma présence ne sert donc à rien. Lâche-moi.

Un sanglot fut retenu à grand peine dans sa gorge alors qu’elle luttait vainement contre l’homme, tirant sur son bras pour lui échapper, le poussant pour qu’il s’écarte. Elle était sur le point de craquer.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMar 1 Nov 2016 - 20:00
Oui, il l’avait aimée. Evidemment, qu’il l’avait aimée, sans quoi ces enfants n’auraient jamais vu le jour. Etait-ce si difficile à comprendre, pour à ce point insister pour qu’il formule lui-même des mots dont il avait aujourd’hui honte ? Un grognement rageur quitta sa gorge sans que lui-même n’y prête attention, ainsi qu’un rictus de mépris. Autant de sentiments vindicatifs qui ne servaient là qu’à masquer les réminiscences cuisantes que l’affirmation d’Ambre provoquait.

«Oui. A une époque révolue depuis bien des années.»

Une remembrance traversa fugitivement son esprit. Il se souvint de ce moment, où effectivement, son coeur avait été ravi par la vicomtesse. Elle provoqua une vague de remords et de dégoût telle qu’il n’en avait encore jamais connu. Même à l’époque où il voyait encore régulièrement ces.. engeances, le sentiment n’était pas aussi fort, alors même que la manifestation physique de sa bêtise et de son crime se trouvait sous ses yeux. Simplement… Il s’en voulait, peut-être. Il avait été assez facile durant ces dernières années de faire comme si rien n’était arrivé. S’il n’allait pas chez les Rocheclaire, c’était aussi pour cette raison. Il avait chassé le problème d’un revers de main, comme l’on chasse une poussière ou un insecte importun, décidant de l’ignorer, de l’oublier. La culpabilité d’avoir fauté, la colère que cela avait provoqué envers lui-même, tout ceci avait été si puissant que les sentiments qu’il avait eu pour Cassandre avaient été méthodiquement détruits, sans aucun espoir de rémission. Et cela lui allait parfaitement ainsi; il pouvait se recentrer sur le droit chemin, et ne plus jamais s’en écarter, peu importe les tentatives de Cassandre, même avant son mariage, pour l’en détourner. Et elles avaient été nombreuses.

Epouser une femme instable, si le choix avait été le seul, si elle n’avait été motivée que par la passion déchaînée de la perte d’un être cher, mue par une haine pure, dénuée de toute raison… Il en aurait été capable. Il était capable de tout, pour arriver à ses fins. Y compris vivre dans une atmosphère aussi malsaine que cela.

«J’aurais fait tout, absolument tout ce qui aurait été en mon pouvoir, dans mes capacités, pour pouvoir arriver à mes fins. Parce qu’elles justifient les moyens, et si ceux-là impliquaient de se marier à une dégénérée mentale, je l’aurais fait. Rien ne se met en travers de la route d’un Ventfroid, jamais.»

Et à vrai dire la réplique valait aussi pour Cassandre. S’il n’avait pas agi contre elle, s’il avait tu tout cela, c’était aussi pour cela. Il ne la voulait pas en travers de sa route, encore moins une fois marié. S’il avait mis Ambre au courant… Non. Non c’était juste impossible. Elle refusait de le voir, ou n’y arrivait tout simplement pas. Quant à lui… Il était terriblement difficile d’expliquer ce qui pour lui était une évidence qui coulait de source. C’était comme expliquer la couleur du ciel, n’importe qui devait être au courant, comment l’expliquer ?

Et comme si cela ne suffisait pas, elle tentait de le gifler. Malgré tous les avertissements qu’il lui avait donné quant à son comportement, malgré la menace qui émanait de son corps depuis que la dispute avait commencé, tandis qu’il se contenait à grand peine pour ne pas, justement, esquisser le geste qu’il venait, par réflexe, de stopper. Il se faisait agresser sous son propre toit, une fois de plus, prenait insulte sur insulte, mépris sur mépris, et elle osait ? Il blanchit brutalement, alors que la colère avait fait rosir ses pommettes, et son regard perdit tout éclat. L’espace d’un instant, il ressemblait à un corps vidé de toute sa substance, de toute sa vitalité. Sa poigne, étreinte autour du poignet de son épouse, ne vacilla pas pour autant, mais c’était un geste purement mécanique. Il la fixa froidement. Deux semaines plus tôt, il avait observé Saurell de la même façon, avant de lui briser les doigts. Avant de mettre fin à ses jours, aussi. Non, il ne lâcherait pas. Il ne lâcherait jamais. Si sa présence avait été inutile, il n’aurait même pas pris la peine de discuter. Il l’aurait renvoyée séance tenante chez sa mère. Sans un seul mot. Sa voix finit par résonner, plus froide et tranchante encore que les murmures de Rikni.

«Je ne lâcherai rien, tu entends. Tu n’as aucun ordre à me donner, encore moins dans ma propre maison, c’est la deuxième fois que je le dis, et c’est une fois de trop. Ses pupilles s’étrécirent, et pour appuyer ses paroles, plaqua sa main, et le poignet d’Ambre avec, contre le mur derrière elle, les immobilisant tous les deux. Regarde-moi. Regarde-moi. Sa main vint la cueillir au menton, la forçant à lever la tête pour qu’elle l’observe. Je t’ai déjà dit pourquoi elle restait à mes côtés. Et il n’y a aucune autre raison. Ces… bâtards, ils ont eu de la chance de survivre à leur naissance. Ne peux-tu donc entendre les choses quand elles sont simples ? Tu sais à quel point je tiens à mon nom, et à honorer mes serments. Et j’ai dehors, là bas chez eux, deux preuves vivantes d’avoir failli à ma mission. Il y a six ans, j’ai failli. Brutalement. Nous étions plus jeunes, plus innocents, plus immatures. Je sortais tout juste d’une adolescence particulièrement difficile où il m’était presque interdit de fréquenter ma famille dans ma propre maison. Elle était toujours là pour discuter, apporter un peu de réconfort, quand mes soeurs et ma mère ne le pouvaient pas. J’ai cédé. C’est honteux, mais j’ai cédé, oui. La passion m’a emporté. Les sentiments ont suivi. Sentiments qui sont morts dès lors que j’ai compris mon erreur, malgré le temps que j’ai mis.»

Il prit une pause, le souffle court. Parler autant, en étant furieux à ce point, lâcher, avec un goût acide sur le palais, ces paroles… répugnantes, il avait du mal à le supporter, réellement. Il ne sentait même plus sa main, serrée autour du poignet de sa femme, il ne voyait que ses yeux. Ses yeux qui le forçaient à faire remonter ces choses qui auraient dû être tues et mourir un jour sans être jamais évoquées. Il reprit une inspiration et poursuivit, puisqu’elle voulait des explications, elle en aurait.

«Pourquoi ai-je tu leur existence ? Que penses-tu qu’il se serait passé si mon père avait appris l’existence de ces enfants ? Que penses-tu que je serais devenu ? Peu importe le respect qu’il inspirait, peu importe sa droiture. Il n’aurait pas hésité à me faire subir le même sort qu’à son frère. Je suis un homme dur, doté de peu de scrupules, et ce depuis l’enfance. Mais je n’ignore pas la peur pour autant. Ni la honte. Un pli de révulsion plissa légèrement l’arête de son nez. De fil en aiguille, c’est devenu une habitude, au point d’en oublier leur existence. Et c’était parfait ainsi. Que sont-ils, dis-moi ? Une menace tu crois ? Non, juste une défaveur de Serus pour avoir fauté. Penses-tu que je l’aime encore, ou que j’ai une seule fois songé, une fois l’erreur comprise, à me rapprocher d’elle à nouveau ? Non, jamais. D’autant moins depuis que je suis marié, amoureux, et heureux

Sans lâcher sa prise, il recula légèrement le buste.

«J’ai pris la décision, trois semaines plus tôt, de mettre fin aux libertés de Cassandre, pour toi. J’ai accepté d’en faire une ennemie, pour toi. J’ai accepté de détruire son réseau et son influence construits sur plus d’une décennie, pour toi. Je sais que j’aurai probablement à la tuer un jour, et je le ferai pour toi. Et malgré tout cela, tu persistes à penser que j’estime cette femme au delà de ce qu’elle est actuellement, alors qu’elle symbolise ma honte ? Je t’ai pourtant déjà dit qu’elle était apte à me faire tomber aussi sûrement que l’on abat un arbre, non ? Tu penses que je laisse cette menace peser simplement parce que j’ai encore quelque chose, au fond de moi, qui me pousse à l’épargner ? Le jour où je prendrai les armes contre elle, ses enfants y passeront aussi, et tu sais très bien que leur âge ne rendra pas ma main moins brutale. Alors dis-moi pourquoi tu doutes. Dis-le moi. Ose me dire que tu me crois capable d’en aimer une autre que toi. Je t’écoute.»

Son regard s’immobilisa sur le sien, toujours immobile, attendant la sentence.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMar 1 Nov 2016 - 22:09
La confirmation força Ambre à prendre une longue confirmation. Il l’avait aimée… Pour lui, c’était une époque révolue, mais pour elle, elle venait tout juste de découvrir, tout juste de réaliser. Alors qu’on lui avoir toujours parlé « d’amie d’enfance », « d’espionne », de « femme utile ». Jamais le mot amante n’avait percé. Elle avait toujours su que Cassandre était profondément éprise de son mari, mais que l’inverse eut été vrai un jour, jamais. Et elle aurait aimé le savoir.
Déjà, parce que c’était une partie de la vie de son mari qu’elle ne connaissait pas, et qu’elle voulait tout savoir de lui, dans son entier, ses bonnes facettes comme les mauvaises. Le mariage ne servait-il pas à cela ? Quelle douce déception de remarquer, après six mois de fréquentations assidues, qu’elle apprenait encore des choses sur son époux dont elle ne se serait jamais doutée, surtout des choses d’un tel calibre.
Ensuite, des enfants, même s’il voulait les oublier, restaient des éléments particulièrement importants. On ne pouvait décemment pas décider de les caser dans un coin en espérant que cela passe. Qu’avait-il cru ? Que ses noces avec Ambre auraient été compromises si elle l’avait su avant ? Certainement pas. Elle aurait peut-être montré sa forte désapprobation de la présence persistante de Cassandre, du coup, oui. Cela aurait été inévitable, et une dispute similaire aurait sûrement éclaté. Mais au moins aurait-elle compris, dès le début. Au moins n’aurait-elle pas vécu six mois avec l’ombre de cette femme dans le dos, si agrippée à Morion qu’elle avait terminé par douter de la propre sincérité de son époux, en qui elle avait accordé une confiance entière au début. C’était comme… C’était comme si Ambre n’avait jamais voulu expliciter son passé avec Joscelin de Puylmont, refusant de se souvenirs d’éléments désagréables. Morion se serait forcément imaginé des choses, n’est-ce pas ? Aurait-il pu imaginer que le baron eut été un parasite malpoli qui avait mis la jeune femme mal à l’aise avant de soupçonner qu’une liaison avait pu les lier ? Tout le principe était là. Le manque d’informations poussait à imaginer le pire.
Enfin, raison la plus simple mais probablement la plus effectrice… Ambre était jalouse. Cette femme avait porté deux de ses enfants, quand elle ne ressentait pas encore elle-même les effets du premier sur son propre corps. Cassandre aurait à jamais des petits morceaux de Morion à chérir, même s’il était désormais lié à une autre. Elle avait été aimée passionnément, et même si c’était fini, pour Ambre c’était presque comme si c’était encore actuel, tout était trop frais pour elle. Comment pouvait-il continuer à la fréquenter avec le passé qui était le leur ? La comtesse n’était plus étonnée que Cassandre continue à s’accrocher, après tout ce qu’elle avait vécu avec le comte. Ils en avaient vécu assez pour qu’elle ait pu se construire de solides convictions, même si Morion lui affirmait que sa vie était désormais ailleurs.

- Une dégénérée mentale.

Ambre répéta simplement ces mots, sans émotion, d’une voix blanche. Belle image d’elle que voilà. La jeune rousse n’ignorait pas que Morion l’avait choisie pour des raisons de pouvoir. Elle avait fait de même, c’était bien après que les sentiments étaient venus, progressivement. De là à simplement la considérer comme un outil à moitié écervelé… Ne l’avait-il pas estimée un peu, au moins un tout petit peu, pour la choisir elle ? A l’entendre, si épouser un chien avait été nécessaire pour atteindre Sigfroi, il l’aurait fait. C’en devenait insultant, blessant, pour elle.

Alors, quand Ambre tenta la gifle, ce fut presque en désespoir de cause. Peut-être qu’inconsciemment, elle le poussait dans ses retranchements, pour lui faire montrer ses plus noires pensées. Dans un accès de rage, peut-être lâcherait-il tout ce qu’il pensait, toute la vérité, même si cela devait briser le cœur de sa femme ? Ambre avait dépassé les bornes, elle le savait bien. Une femme n’avait pas à tant se révolter, encore moins en telle opposition face à l’homme qu’elle avait juré d’aimer devant les dieux. Elle méritait une sanction physique, et aucune loi de leur cité n’en voudrait à Morion s’il s’y pliait. Mais, par les Trois… après toutes les paroles et les conversations qui avaient déjà tourné autour de la vicomtesse, elle s’était sentie trahie. La confiance qu’elle possédait en son couple en avait pris un coup. Tout simplement. Et une conviction si puissante, brutalement mise à mal, cela faisait des dégâts sur sa capacité à se contenir.

Le regard de Morion n’était que mépris quand il arrêta son geste, il était blanc de colère, se retenant de faire de même, elle le savait. Ce regard la fit frissonner, pas de peur, mais de douleur. Elle n’aurait jamais pensé voir un tel regard se poser sur elle, à son attention. Paraissait-elle si méprisable ? Etait-ce si difficile à comprendre, qu’elle puisse être blessée d’apprendre que l’homme qu’elle aimait avait déjà un semblant de famille ailleurs ?

- Je ne le ferai plus, répondit Ambre, comme absente, gênée, refusant de croiser son regard, de peur que les larmes n’investissent définitivement ses yeux.

Elle répondait à ses remontrances, aux ordres qu’elle lui avait assenés. Promis, elle ne sortirait plus jamais de ses petites chaussures et de son rôle par défaut. Là, il força son menton à se relever, et ses yeux céruléens, mélange de chagrin et de fureur croisèrent ceux, adamantins et tout aussi coléreux, de son mari.

- Tu as… failli. Elle cligna des yeux. Diantre, mais que racontait-il ? Le mot était puissant, beaucoup trop sévère. Grands dieux, mais cesserez-vous un jour d’être aussi fanatiques dans cette foutue famille ! Ambre avait le bras plaqué contre le mur derrière elle, dans une position fort désagréable, mais elle ne demanda pas à ce qu’il la lâche. Elle avait dit qu’elle ne le ferait plus. Elle tremblait sous l’étreinte de son époux cependant. Tu ne comprends pas. Je ne t’en veux pas d’avoir eu une aventure avec cette femme. J’en suis bien malheureuse, mais elle est agréable à l’œil, et possède probablement certaines qualités même si je n’en vois aucune. Les dieux ne demandent pureté qu’aux femmes, et fidélité aux hommes durant le mariage. Etais-tu marié ? Non. En quoi est-ce une faute, donc ? Tu aurais pu en avoir culbuté une centaine avant moi et fondé une cour de nobles entière que cela me serait complètement égal ! C’est normal pour un homme. Il n’y a bien que les Ventfroid pour s’inventer de telles barrières morales.

Machinalement, elle forçait sur son bras pour échapper à sa prise. Il lui faisait mal, il l’étouffait, à susurrer ainsi près d’elle tant de mots suintant de rage. Les doigts de son autre main crochetèrent le tissu recouvrant le torse de l’homme, tentant de lui faire mal avec ses ongles taillés, pour le forcer à diminuer sa proximité. C’était bien la première fois qu’elle ne le voulait pas contre elle.

- Si je t’en veux, c’est parce que tu ne m’as pas fait confiance. C’était devenu une habitude d’ignorer leur existence ? Enfin, ne me dis pas que tu n’y as pas pensé une seule fois lorsqu’il a fallu prendre épouse, ou même quand Cassandre les a évoqués devant ta propre femme. Le savoir, c’est le pouvoir. En me tenant dans l’ignorance, tu me forces à évoluer dans un univers que je ne maîtrise pas. Et, accessoirement, que mon époux ait déjà des enfants est une information que j’aurais voulu apprendre de sa propre bouche, pas au détour d’un étal de poireaux ! Peux-tu seulement imaginer mon état quand j’ai vu ce garçon ? La honte que j'ai pu ressentir, l'humiliation qui était la mienne, de découvrir cela ainsi ?

Sa voix faiblit l’espace d’un instant, elle était devenue pâle, bien plus pâle que son teint habituel pourtant déjà très clair au naturel. Elle était terriblement secouée.

- Pourquoi je doute ? Parce que tu ne m’as rien dit. Si tu me caches des choses de ton passé, comment puis-je être sûre que tu ne me dissimules pas des choses du présent ? Comment avoir confiance en notre mariage ? En ayant compris l’existence de ces enfants, comment pouvais-je savoir que le secret était gardé par volonté d’oubli, par honte, plutôt que pour protéger cette partie de ta vie, protéger ces enfants ainsi que leur mère ? Je n’ai pas don de double vue. Tu es lié à cette femme depuis deux décennies, il existe des choses logiques contre lesquelles je ne peux lutter, alors, la présence d’une descendance entre vous deux a bousculé la confiance que j’avais en nous, c’est simple à comprendre, non ? Ses doigts crochetés se refermèrent en un poing contre le torse. Je pensais connaître l’homme avec lequel je vis depuis des semaines. Maintenant, je ne sais plus… Des évènements aussi importants pourraient tout à fait m’être encore cachés, après tout. Je suis… déçue. Elle baissa le visage. Tu as une manière bien étrange de me prouver que tu m’aimes.

Ses doigts commençaient à manquer de circulation sanguine tellement il serrait fort son poignet contre le mur. Elle tira dessus, encore, la respiration courte.

- S’il te plait. Je demande la permission de récupérer mon bras.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMer 2 Nov 2016 - 3:23
Au ton de sa voix il sut qu’elle n’avait même pas compris ce qu’il avait dit. Qu’il ne l’avait jamais considéré comme étant effectivement une dégénérée. Il en aurait épousée une, oui, s’il n’avait eu le choix, où cela s’était avéré sa seule chance de pouvoir atteindre Sigfroi. Mais à aucun moment par le passé, ni même maintenant, il ne l’avait considéré ainsi. Cela s’était vu dans son attitude, du premier jour, de leur toute première rencontre, jusqu’à aujourd’hui. Si elle suscitait un tel déchaînement d’émotions en elle, n’était-ce pas parce qu’il était affecté ? Cela n’avait rien à voir avec un simple orgueil blessé. Bien sûr qu’il y avait de cela, Ambre venait de savater avec une force et une précision exceptionnelles sa fierté. Mais par-dessus tout, il était tout aussi affecté de la voir nourrir une telle rancoeur à son égard. Et cela l’affligeait car justement, son jugement lui importait. Plus que celui de n’importe qui. Mais évidemment, elle le prit pour elle. Il ne prit même pas la peine de corriger le tir, son regard se contenta de s’assombrir un peu plus.

Sa manière d’obtempérer, cette soumission résignée, abattue, perturba légèrement le comte. Il n’était pas moins furieux, non. Mais il sentit que quelque chose venait de casser. Peut-être était-ce son expression, l’absence de timbre de sa voix, sa façon de fuir son regard. Il tiqua. La tirade suivant cette scène, qui ne dura que quelques brèves secondes, fit remonter son irritation, mais cette désagréable impression resta tout de même gravée en lui. Elle le resterait très longtemps, à vrai dire, même bien après cette dispute. Ces quelques petites secondes de rien du tout, poussière d’étoile au milieu de leur vie, il n’était pas prêt de les oublier, et il les détesterait. Enormément.

«Ces barrières, lâcha-t-il, d’un ton légèrement moins brutal, au fur et à mesure qu’un venin à la saveur différente se frayait au sein de son organisme, ont fait qu’aujourd’hui, mon nom est un nom vieux de plus de mille ans, qui a vu naître les premiers Rois, et peut-être mourir le dernier. Penses-tu que l’on crache aisément sur autant d’histoire, juste parce ce sont des barrières dispensables, que nous nous autoriserions à faire ces choses que tu considères comme normales ? Un éclat terne, désabusé, passa dans son regard à ce moment. Toi et moi portons peut-être le même nom, mais ni toi ni moi ne sommes grand chose face à ce qu’il représente. C’est un poids immense que je peine moi-même à appréhender dans sa totalité. Oui, c’est une faute. Car elle contrevient à tout ce qui m’a été appris, tout ce qui a été enseigné pendant un nombre de jours pour être énuméré. Est-ce que tu peux seulement le comprendre ?»

La question, pour une fois, ne visait même pas à l’agresser, à mettre en doute sa capacité à saisir les choses. Elle était parfaitement sérieuse, au contraire.

Il ignora sa poigne, quand bien même la sensation des ongles solides vint brûler la peau de son torse. Il était encore trop soumis au torrent d’adrénaline qui courrait en lui pour y faire attention. Il ne bougea pas d’un iota, ne la lâchant pas une seule seconde des yeux. Il ignora également les tentatives instinctives pour échapper à son étreintes. Elle qui lui avait toujours reproché, ouvertement ou non, les oeillères qu’il pouvait porter, voilà qu’il en avait de si opaques qu’il ne voyait que son visage et n’entendait que ses mots. Le reste de l’univers avait disparu au moment où elle avait commencé à parler, en entrant dans la pièce.

Et pourtant… La voix de la raison n’était pas totalement morte. Elle s’exprimait par bribes, avait du mal à surnager dans ce magma de colère et de violence, mais persistait. Un petit éclat pâle dans l’obscurité, presque invisible, mais bel et bien présent. Et elle trouvait un écho dans les paroles d’Ambre. A vrai dire, si Cassandre ne lui avait pas rappelé ouvertement les erreurs qu’il avait fait, et le pouvoir qu’elle détenait, installé bien au chaud chez elle, il serait probablement passé outre ces pensées. Car l’instant était trop précieux pour qu’il ait la bêtise de penser à ce genre de choses. L’autre fois, effectivement, avait été lors d’une des visites de Cassandre, ou par pure provocation, elle avait énoncé les noms des deux enfants. Et par ego peut-être, il refusait d’admettre la véracité des propos de son épouse. Car oui, il fallait être logique. Il vivait lui-même dans un univers dangereux, remplis de remous sombres, discrets, mais violents. Il l’avait invité, lui-même encore une fois, à l’y rejoindre complètement, à évoluer avec lui, à ses côtés dans celui-ci. Sauf qu’il avait omis de lui donner les clés pour s’y déplacer sans risques. De ce point de vue là il échouait en tant que mari. Il le savait, la vérité était aussi cruelle que visible, et c’était peut-être ce qui l’énervait le plus, plus encore que les propos tenus par sa femme, dont la toxicité avaient laissé place à la réalité simple des choses. Ironiquement, cette simplicité était encore plus dure à encaisser.

«La confiance n’a rien à voir là-dedans.»

Non c’était même pire que ça, bien qu’il ne le dirait probablement jamais. C’était de l’égoïsme. Face à ce qu’il considérait comme un échec, un parjure, une erreur colossale, il avait choisi de détourner le dos et les yeux, interdisant à tous la mention seulement de ce sujet. Ce n’était pas par manque de confiance qu’il n’avait rien dit. Au contraire, la confiance qu’il accordait à Ambre était sans bornes. C’était de l’égoïsme, pur et simple. Il ne voulait pas être mis une fois de plus face à ces ratés. Il avait fait ce qu’il avait pu pour réparer cette erreur, s’était désolidarisé de Cassandre, sans pouvoir la laisser complètement pour compte, faute de la pression qu’elle pouvait exercer, faute de l’efficacité qu’elle démontrait malgré tout, faute de l’influence qu’elle avait, et dont il avait cruellement besoin. Mais il ne voulait plus jamais entendre parler de ces deux têtes blondes immondes.

Il lâcha son bras, à sa demande. Il nota le ton employé, mais n’eut pas l’envie de s’en formaliser. Il ne lâcha pas son menton, néanmoins. La contrariété était toujours là, certains mots prononcés avaient laissé des blessures cuisantes dans son cerveau comme dans sa fierté, mais, il commençait à comprendre. Enfin comprendre… le constat était simple : il avait merdé. Tout ceci n’aurait jamais dû se savoir. Il avait fait confiance à Cassandre sur ce point, et ça avait été une erreur. Une de plus. Et maintenant que c’était su, il avait répondu à une pique verbale par un véritable mangonneau furieux. Il était difficile au quotidien de l’énerver, c’était un fait. Néanmoins, lorsque les mots justes étaient trouvés, le faire sortir de ses gonds était d’une confondante facilité, comme Ambre venait de l’expérimenter. Et elle avait eu la chance, si l’on pouvait oser utiliser ce mot, de ne pas le mettre totalement hors de lui.

Les sourcils toujours aussi durement froncés, il releva une fois de plus son visage. Son regard s’était… adouci. De la violence qu’il exprimait plus tôt, il ne restait que des vestiges orageux, menaçants, mais sans vindicte.

«C’est la seule chose que j’ai sciemment refusé de te dire, Ambre. La seule. Il n’existe pas d’événements aussi importants que je pourrais te cacher. Et quand bien même, je n’en aurais pas envie. Je… Il ferma les yeux quelques secondes et poussa un long soupir, mêlant l’exaspération, la colère, la contrition, l’amertume, mais aussi la gêne. Il les rouvrit une fois le souffle passé. Je n’ai pas pu en parler. C’était au-dessus de mes forces, il n’y a rien à dire de plus pour expliquer mon silence. Appelle ça de la lâcheté, si tu le souhaites. Mais ces deux engeances sont pour moi deux marques au fer rouge que je ne peux pas effacer d’un simple revers de main.»

L’estomac encore torpillé par son ire, il l’observa, en silence, pendant encore un moment. Il ne lui cachait pas tant de choses que cela. Il avait déjà dit deux semaines plus tôt que ce qu’elle ne savait pas encore serait petit à petit mis en lumière. Le reste… elle le savait. Elle en savait plus à son sujet que ses soeurs, que Talen, qu’Edric. Ce qu’ils savaient de plus qu’elle se résumait en anecdote, auxquelles, étrangère à sa famille qu’elle était alors, elle n’avait pas pu assister. C’était normal. Le reste, l’homme qu’était Morion, elle pouvait se targuer d’être la seule à vraiment le connaître, en revanche. Plus encore que Cassandre, contrairement à ce qu’elle pouvait penser.

Il posa sa main désormais libre contre le panneau de bois, à plat contre ce dernier, sans cesser son observation. La pensée martelait comme sur une enclume dans sa tête; il avait merdé. Et il pouvait bien reprocher la conduite intolérable de sa femme, il ne pouvait pas masquer sa source : ses frasques, et le secret qu’il avait laissé planer dessus trop longtemps, jusqu’à ce que Cassandre le fasse voler en éclat. Encore une très lourde erreur de la vicomtesse, là aussi.

Et en même temps que la vérité s’imposait à lui, aussi implacable qu’inévitable, la colère montait, redescendait, revenait. Parfois contre Ambre, qui n’aurait jamais dû user de certains mots à son encontre, parfois contre lui-même pour les raisons déjà évoquées.

Son teint pâle, ses traits durcis, la verve qu’elle mettait dans ses mots, et malgré tout, hormis quelques écarts, la justesse dont ils étaient porteurs… Ses dents se serrèrent. Il ne s’en voulait pas - pas encore plutôt, il n’était pas assez calme - mais devait bien reconnaître, au moins en pensée, qu’elle avait raison. Le mélange de culpabilité, de colère encore vivante, l’adrénaline encore généreusement sécrétée par son corps, provoquèrent un fort cocktail en lui. Une bouffée de désir violent pour ce petit bout de femme, outré, énervé, vindicatif, déçu, abattu, et pourtant, de ce qu’il pouvait encore voir, amoureux, s’imposa à lui, et eut le même effet qu’un puissant coup de poing dans les tripes. Sa main trembla légèrement contre le bois, tout comme celle qui maintenait encore la tête levée face à lui. Après une valse-hésitation de quelques secondes seulement, le temps que l’information monte au cerveau pour finir de le saccager, il plongea la tête en avant pour s’emparer, sans douceur, se ses lèvres, appuyant les siennes avec force dessus. Cela dura quelques secondes, ses doigts autour de sa mâchoire resserrant sensiblement leur prise. Le sang battait encore à ses tempes et cette simple action suffit à redonner du rythme à sa circulation, et à accélérer le tempo. Il finit par reculer, le souffle légèrement rauque, les sourcils froncés.

«Combien de fois, je vais devoir le prouver ?»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 10 EmptyMer 2 Nov 2016 - 19:11
Un sourire cruel, qui montra durant quelques instants l’éclat blanc de ses dents, fleurit sur le visage d’Ambre, bien que le cœur n’y soit pas. Ah, le nom, le nom, et encore le nom. L’arrogance des Ventfroid, à son paroxysme. Qu’il se mette donc des barrières si cela lui chantait, et en toute franchise, la majorité de celles qu’il se mettait convenaient parfaitement à la comtesse, la confortant au quotidien sur la droiture de l’homme. Seulement, cette fois-ci, cette droiture tombant parfois un peu trop souvent dans le fanatisme, venait de faire obstacle à un savoir que la jeune femme aurait dû connaître depuis des semaines, des mois. De la même manière qu’elle ne pouvait approuver les cicatrices qui déformaient le dos de son mari, elle ne pouvait cautionner ce silence qui venait de bouleverser toutes ses certitudes en un temps incroyablement court.

Ambre fronça les sourcils, secouant la tête à l’entente du mot « engeances ». Une petite partie d’elle se satisfaisait d’un tel terme, d’un tel mépris accordé à ces enfants produits hors mariage, car apprendre qu’il les chérissait aurait été un coup dur pire encore. Mais elle ne pouvait pas s’en satisfaire, sa rancœur ne pouvait tout simplement pas être balayée d’un geste. Quelle que soit la justification de son époux, même si elle trouvait écho au fond d’elle, même si la jeune femme parvenait à déceler à travers les ombres de son ressentiment une raison compréhensible, pour l’instant… elle ne pouvait tout simplement pas l’accepter. Cette nouvelle allait assombrir son humeur durant de longues journées, voire semaines, et que dire du mot femme qui résonnait encore à ses oreilles, avec tout le mépris coulant de la bouche de Morion, qui l’avait rabaissée loin, très loin, malgré toute sa vie à avoir été élevée en tant que femme. Elle l’avait déçu, poussé à sortir de ses gonds, à faire ressortir l’éducation de son rang au galop pour mater une personne qui avait dépassé les bornes que la décence acceptait. Malheureusement pour eux deux, cette personne était sa femme, et en plus de la douleur cuisante qu’une telle réplique venimeuse avait envoyé dans son corps, plus que son propre petit ego blessé, c’était de se savoir si mésestimée par l’homme qu’elle aimait qui faisait le plus mal. Comment pourrait-elle de nouveau avoir confiance en elle après ça ?

- J’espère que le temps te donnera raison, termina par conclure la comtesse. C’était tout ce qu’elle pouvait dire. Seul le temps désormais pourrait prouver qu’il ne cachait plus rien d’autre, et seul le temps pourrait parvenir à refermer les fissures, brutales, qui s’étaient installées deux jours plus tôt.

Ses épaules s’étaient détendues instinctivement lorsque le ton de Morion s’était progressivement calmé, devenant plus explicatif que colérique, même si la fureur se sentait encore dans son être, dans les doigts qui serraient son bras et son menton, dans les courbes de son visage.
Morion termina par lâcher son bras, diminuant la prison dans laquelle la comtesse se sentait. Sa main lui picota durant quelques instants, le temps que la circulation réinvestisse correctement les tissus, et elle put abaisser le bras, sans trop savoir où le mettre. L’homme était toujours proche, trop proche dans un tel contexte de dispute, de colère. Le voir et l’entendre l’admonester de si près était une expérience particulièrement désagréable, qu’elle n’oublierait pas. Elle voulait courber le visage, se délester de sa présence qui la surplombait, s’évader, vaincue ; en même temps qu’elle voulait lutter, frapper contre son torse, le faire reculer et tituber, lui faire mal, lui montrer combien il venait de lui faire mal à elle, en frappant de toutes ses forces, comme si la douleur physique aurait pu traduire quoi que ce soit, ou la soulager elle-même.

Leur conflit était parti trop loin, avait débordé sur des sujets complètement hors-sujets mais pas moins blessants. Pourquoi se déchiraient-ils ainsi ? Eux, deux des rares nobles qui vivaient encore, engagés dans des projets mortels, dans un mariage bientôt productif, se quereller sans savoir maîtriser leur sang-froid… Grands dieux ce que cela pouvait paraître ridicule, mais Ambre n’avait pas encore le recul pour voir cela. Elle était actuellement aveuglée par sa fierté blessée, sa colère, sa peine, et ne réussissait pas à tarir le flot d’émotions qui s’imposaient à son cœur.

Une espèce de statu quo s’installa soudain entre eux un moment qui parut long. Soudain, ce fut le silence. Leurs respirations, échaudées par la dureté de leurs mots, étaient profondes, légèrement précipitées. Le magma d’émotion bouillait encore dans chacun de leur corps. Chez Ambre, cela se manifestait par un visage dur, fermé, des joues échauffées par tous ces cris qui lui avaient donné très chaud, même si en l’instant actuel, paradoxalement, elle avait froid. De légers tremblements la parcouraient de la tête au pied, d’autant plus visibles désormais qu’ils avaient arrêté de parler, et que Morion la jugeait de haut. A quoi pensait-il ? Ambre le regardait, là, de son petit regard énervé, outré, à la pupille humide, et il la dévisageait comme s’il venait seulement de se rendre compte qu’elle était sous son nez depuis plusieurs minutes, emprisonnée contre la porte de son bureau. La bouffée subite de désir qui investit le corps de l’homme, elle ne put pas en prendre la pleine mesure, mais elle sentit une tension nouvelle dans l’air entre eux deux, une tension qui était en train de s’étirer jusqu’à la rupture, luisant dans les yeux du comte, et le temps qu’elle puisse comprendre ce qui se déroulait dans son esprit, il avait fondu sur ses lèvres.

Le baiser fut brutal, violent, sans aucun ménagement. Les doigts de Morion se refermèrent sur le menton de la comtesse, en étau, laissant la peau blanchir sous le contact, indifférent à la gêne qu’il pouvait causer. La tête de la jeune femme partit de quelques millimètres en arrière sous l’assaut. L’homme déchainait son ire, sa frustration, son ressentiment, au travers d’un baiser qui se voulait dominant, imposé, comme pour reprendre possession de cette femme qui avait osé le défier, la ramener à ce qu’elle était : une femme que l’on pouvait sauter. Ah, ça non. Croyait-il l’avoir comme ça ? Lui faire oublier les mots abjects qu’il avait eus pour elle, par un baiser, par du désir ? Non, non, non. Elle refusait de se laisser faire, de le laisser remporter cette partie, si tant est qu’on pouvait parler de partie. En réaction, donc, la jeune femme fronça les sourcils et oscilla le visage de droite à gauche pour dérober son visage, mais puisque la fermeté de la main de l’homme maintenait son menton immobile, elle termina par le mordre. Aucune volonté taquine contrairement aux nombreux ébats qu’ils avaient pu avoir. Cette fois, elle avait mordu pour faire mal. Etait-ce l’effet de son imagination ou sentait-elle le léger goût métallique qui prouvait qu’elle avait mordu assez fort pour entailler la peau ?
Quand Morion se recula, elle le toisa, défiante et craintive à la fois, le souffle court. Ses deux poings étaient refermés contre le torse de l’homme, le maintenant à distance, poussant, même, un accès de rage renouvelé prenant possession de son corps alors qu’elle avait réussi à se détendre à peine quelques instants plus tôt. Elle refusait de lui donner cette satisfaction, outrée qu’il fasse ce geste après les horreurs qu’ils s’étaient dites, mais en même temps… En même temps une tension soudaine vibrait entre eux deux, une tension qui ne demandait qu’une pression pour exploser, et Ambre avertissait l’homme d’un regard. Il n’avait pas envie de la défier sur ce plan-là. Le geste du comte avait réveillé son ego, son envie de vaincre, et une soif animale couvait, soif qu’elle n’avait pas envie de laisser s’épanouir.

- Toujours.

Elle répondit, en retard, le même avertissement dans sa voix que celui qui courait dans ses yeux. Il avait demandé combien de fois il devait prouver qu’il l’aimait ? Mais, ça n’était pas une question de nombre ou de quantité. C’était quelque chose qui devait être quotidien, au long terme, pour toujours, ou au moins jusqu’à ce que ses sentiments finissent par se tarir. Sa question n’avait aucun sens. Il ne suffisait pas de le prouver un jour et de le considérer ensuite acquis.

Elle le vit : la douleur provoquée par son coup de dent avait ranimé un éclat de fureur dans les prunelles de l’homme. Une seconde passa, peut-être deux, grand maximum. La pression qu’elle faisait contre son torse ne fut rien, lorsqu’il força, fondit de nouveau sur elle, la plaquant contre le panneau de bois sans ménagement, brutalement, au point qu’un coup sourd retentit contre la porte, faisant trembler le mur. Leurs lèvres se rejoignirent, encore, et Ambre lutta, encore, ses doigts redevenant des crochets qui se plantaient dans le torse de l’homme, pour lui faire mal, là encore, pour le dissuader.
C’était à double-tranchant. Plus elle luttait, plus elle faisait tout pour qu’il libère ses lèvres et son corps de cette foutue porte, plus la rage montait dans son ventre, un type de rage qui demandait cependant assouvissement. Bientôt, plutôt que tenter inutilement d’échapper à ses baisers, elle contre-attaqua sans même s’en rendre compte, ouvrant les hostilités, attaquant ses lèvres à son tour puisque la défense s’avérait inutile. Elle mordit, encore, indifférente à toute possibilité de lui faire mal : c’était même le but, au travers du désir ardent qui la consumait subitement, contagieux, tordant son ventre brutalement et puissamment.
S’attraper, se repousser, s’attraper, se repousser. La cadence avait commencé, chacun tentant de prendre l’ascendant sur l’autre, chacun voulant écouler sa fureur en imposant ses désirs à l’autre sans subir les foucades de l’autre. Ambre forçait sur les lèvres de Morion, mordait, et quand c’était lui qui reprenait la domination de l’échange, elle luttait, refermait des poings serrés à la racine de ses cheveux pour le forcer à reculer, pour qu’elle reprenne sa propre supériorité, ses propres baisers, ses propres morsures, ses volontés.

Ambre ne supportait plus de rester cloîtrée entre la porte et son mari, elle se sentait trop vulnérable, trop facilement maîtrisable, trop dominable, et la sensation augmentait alors qu’il la surplombait de sa hauteur, l’entravait dans ses mouvements. Si la porte s’ouvrait de l’extérieur, elle aurait pu atteindre la poignée et le déstabiliser avec l’ouverture, le faire chuter avec elle dans la pression qu’il mettait contre ce panneau de bois, lui offrant une porte de sortie. Mais ça n’était pas le cas, elle était définitivement prise au piège, autant de son homme que de son désir, traître, irrationnel, et elle manifesta sa rage de dents plantées droit dans le gras de la peau, au-niveau du creux du cou, avec une pression suffisante pour faire mal, là encore.
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