(F-B) Déboires de banni / PV Turian

▬ Février 1165

Banni. Ce nouveau statut avait quelque peu modifié les priorités du nain : ainsi les fangeux avaient pris le pas sur la question de comment se nourrir, du toit sous lequel dormir. Survivant tant bien que mal lors des premières nuits, guettant les mauvaises surprises, Sig' s'était dirigé, le Grand sur ses talons, vers la mer... Sitôt un fil d'eau trouvé pour le suivre jusqu'au rivage.
Parvenir jusqu'à destination lui procura un sentiment de soulagement comme il en avait rarement connu, à la hauteur de l'horreur qu'avait fait naître en lui son bannissement.

Un point positif à sa nouvelle situation : les efforts demandés pour se maintenir en vie avait proprement empêché son esprit de s'appesantir sur ses problèmes. Avancer, trouver des solutions, éviter ou fuir les fangeux, réconforter le Grand Sig' qui n'en revenait toujours pas du nombre de cicatrices, dues à la torture comme aux créatures, qui parsemaient désormais sa peau. Sig' avait aussi son lot, dont deux doigts manquant qui le démangeaient sans cesse, mais murmurer des paroles de réconfort au géant lui interdisait de s'énerver sur son propre sort. Faire la peau à des fangeux aussi d'ailleurs, mais il ne le faisait qu'à la faveur de ses rêves où il les dominait de ses sept pieds de plate rutilante, une épée gigantesque mais incroyablement légère en main. Le retour à la réalité le laissait nain et seulement armé d'une fronde fabriquée en chemin et d'une dague de jet qu'il avait préservé du zèle des miliciens.

Cependant, Sigismond considérait que le plus dur - dans le sens, la période où ils avaient le plus de chance de crever - était passé. Ils avaient atteint le littoral où les créatures ne brillaient pas par leur présence, l'air marin leur changeait grandement des marrais - et des égouts aussi, bien qu'ils appartiennent à une époque plus "heureuse" -, le Grand Sig' avait arrêté de pleurnicher à la moindre halte. Tel un enfant, il faisait désormais montre d'un enthousiasme sans pareil à ramasser des coquillages. Dans sa grande intelligence, le P'tit avait dirigé sa force et son entrain vers les moules noircissant les rochers que découvre la marée basse : la récolte n'avait pas tardé à leur permettre de rendre un peu moins vide leur estomac gargouillant.
Pour ce qui était des poissons... Sigismond n'avait jamais développé son talent pour la pêche, et sa taille ne lui permettait guère d'aller chercher sa proie directement dans son environnement, à coup de harpon improvisé. Il eut dû apprendre à respirer sous l'eau d'abord. Ainsi, rechignant encore à retourner dans les marais trouver une pitance plus consistante, le nain s'initiait à la chasse aux crustacés. A rester dans les parages, qui sait, peut-être que la déesse Anür jugerait bon de donner un coup de nageoire à un humble porte-malédiction...

Tout à son affaire, Sigismond ne prêta pas attention aux bruits de pas dans le sable... Jusqu'à ce qu'une poigne peu amène ne l'extrait violemment de sous son rocher.

- Tient, c'te drôle d'bestio' que v'là ! crachota une grande asperge, à l'haleine aussi douce que ses chicots étaient noires.
- J'peux savoir c'que tu crois faire ? maugréa un Sig' suspendu, cherchant des yeux son grand benêt à lui. Invisible.

Pour toute réponse, le gaillard prit un air goguenard et fit mine de le soulever plus haut, dans un but que le nain n'eut pas à coeur de découvrir : placé à la bonne hauteur, il lui asséna une droite dans le pif sans sommation. Grognant de douleur, le guss lâcha prise. Avec une grâce toute féline, Sig' s'écrasa rudement sur le sable. Les douleurs réveillées ne l'empêchèrent pas de se relever et de filer avec toutes la vigueur de ses courtes jambes.

- SIG' ! SIIIIG' ! BORDEL ET QUEUE, OU QU'T'ES ?!

Il crut bon d'accélérer quand il entendit son agresseur se lancer à sa poursuite, un flot ininterrompu de jurons parvenant aux oreilles du nain... Et il put constater tandis qu'il faisait volte-face avec un grand sourire sur la figure, que son coup avait fait fleurir en rouge le nez du gars.Ce dernier pâlit à en rendre jalouse l'écume quand il se retrouva confronté à la stature massive du Sig' 2ème du nom, sortie de la Trinité savait où - le gros roc couvert de moules -. Les excuses du bonhomme se perdirent dans le tranquille bruit du ressac et de ses pieds foulant précipitamment le sable en sens inverse.

- S'même pas présenté, l'enfant d'salaud. souffla un P'tit Sig' soulagé.

Se retournant vers son comparse, il ouvrit la bouche afin de le remercier et lui reprocher d'avoir commencer une partie de cache-contrebandier sans le prévenir... Mais un cri, écourté par un bruit sourd capta son attention. Qu'est-ce qu'il... Les quelques mètres qu'il parcourut lui permirent de se faire à l'idée : la grande asperge avait trépassé. Sans même qu'il ait sorti sa fronde en signe de représailles. Un mauvais pas, suivi d'une chute, avaient mené à la rencontre mortelle entre son crâne aux maigres restes capillaires et un roc en parti enseveli, à la surface adoucie par les caresses des marées et du sable. Il n'en avait pas moins fait craqué le crâne comme un œuf. Même pas une seule chance d'lui poser que'ques questions, par Rikni ! Éberlué, le nain jeta un regard aux alentours, des fois qu'une sirène soit en train de s'en payer une tranche à son insu. Mais non. Adressant un haussement d'épaules au Grand Sig', dont la perplexité faisait se contracter méchamment les sourcils, le P'tit entreprit ensuite de dépouiller comme il le devait le cadavre tout frais.

L'était d'humeur joviale le Turian, comme souvent d'ailleurs. Un peu trop souvent pour un banni, peut-être. La besogne du jour ne lui déplaisait pas, puisqu'il s'agissait de couper du bois pour le camp. Quelques petits groupes avaient été formés et ils s'étaient alors enfoncés dans la forêt, armés de grandes haches en plus de leurs armes habituelles. Turian avait pris pour lui tenir compagnie un jeune d'à peine vingt ans qu'il semble s'être pris d'affection depuis quelques jours, ne lui en déplaise. Raph, lui, n'appréciait guère l'homme à crête, mais il savait bien qu'il devait obéir. Alors il le suivait partout et ce, bien contre son gré.

Ça commençait à faire un moment qu'il tournait dans les bois. À vrai dire, Turian était complètement paumé. Le sens de l'orientation n'était vraiment pas son fort, et il avait suffit qu'il s'éloigne de quelques mètres du chemin initial pour que les deux hommes se retrouvent perdu. Raphaël avait bien tenté de rattraper le coup en essayant de convaincre son supérieur que le chemin à prendre n'était pas là où il allait, rien à faire. Turian n'en faisait, comme d'habitude, qu'à sa tête, et cela commençait à doucement échauffer le jeune banni qui se mordillait les lèvres jusqu'aux sangs pour ne rien dire.

Ce fut lorsqu'ils rejoignirent finalement le littoral que Turian daigna s'arrêter pour regarder autour de lui, un sourire flottant sur son visage. Bienheureux les imbéciles, il n'avait que faire de tout ce qui tourmentait la population. La Fange, les bêtes sauvages, les agressions, c'était un peu comme s'il vivait dans un monde parallèle. Il connaissait, bien sûr, les risques. Mais il aimait jouer avec le feu, et ne pensait pas au jour où il se brûlerait.

- Woh on s'est bien éloigné. T'aurais dû me dire que c'était pas le bon chemin !

Raph écarquilla les yeux, ébahi par tant de mauvaise foi, mais préféra garder le silence.
À la place, ce fut d'autres éclats de voix qui répondirent à Turian. C'était pas loin, à même pas une centaine de mètres à vrai dire, plus proche du rivage encore. Eux étaient à la lisière avec la forêt, mais s'ils se déplaçaient un peu, il était simple pour eux de suivre la scène. Ce qu'ils firent bien évidemment, non sans une pointe de curiosité un brin malsaine.

Et ils ne perdirent pas une miette du spectacle. Silencieux, attentifs, c'était déjà rare de croiser d'autres personnes qui ne faisaient pas parti de la Discorde, alors en plus, que ces personnes soient carrément en train de se foutre sur la gueule, c'était une chance ! Enfin un peu d'animation ! Turian était d'ailleurs très bon public, il s'était approché malgré les avertissements de Raph qui lui, méfiant, préférait rester en retrait.
Lorsque l'agresseur, cette grande perche pas vraiment impressionnante, se retrouva face contre terre, un grand éclat de rire jaillit de la gorge du banni à crête. Cette chute fut si soudaine et si surprenante que Turian n'en revenait pas. Et, alors que les deux autres types, visiblement l'agressé et son ami, se ruait sur la fraîche dépouille pour le dépouiller fraîchement, c'est un vrai fou rire qui secouait notre homme. Il s'approcha d'eux sans retenir son rire, poussant même l'exagération jusqu'à se taper la main sur la cuisse et se tordre en avant.

- Ca, alors … ! Ca ! Articulait-il entre deux hoquets douloureux.

Au risque de leur faire peur, il n'avait pas pu s'empêcher d'aller les voir.

- J'sais pas c'qu'il s'est passé mais bordel à cul c'était du grand art !

Il administra une grande claque sur l'épaule du plus petit avant de repartir de plus belle. Derrière lui, Raphaël guettait, prêt à réagir à la moindre alerte. Lui n'avait sur son visage même pas l'ombre d'un sourire et toisait les deux inconnus avec froideur.

Il termina son fou rire avant un splendide 'pfiooou !' suivit de l'extraction d'une larme au coin de son œil. Son regard s'abaissa vers le corps encore chaud de l'agresseur, et il se fit violence pour ne pas repartir aussi sec.

- L'a cou'u, pas C'AC, l'est mou'u !

Du coup, Turian pouffa encore un peu, bouche cachée derrière sa main bandée, tant par l'explication on-ne-peut-plus intéressante du type que par sa manière de parler. Le p'tit gars qu'il avait si amicalement bousculé daigna prendre la parole à son tour. Pour un peu, on aurait pu croire que les trois personnes se connaissaient déjà. Il n'y avait aucune timidité dans leur parole, presque pas de retenue ou de méfiance. Du côté de notre banni à nous, il n'y en avait aucune. Il était parfaitement confiant et était loin de s'imaginer se faire attaquer, juste là, maintenant.

- Y'a d'la sale gueule de détraqué dans l'coin, c'est sûr, affirma-t-il en grattant l'une des piqûres de moustique qu'il avait sur son avant-bras.

Le plus petit, et visiblement le plus futé des deux daigna finalement se présenter, lui et son comparse. Sig le P'tit et Sig le Grand, alors. Au moins était-il simple de les reconnaître.

- Turian, et lui c'est Raph. Il fait le p'tit sauvage mais il est même pas capable d'abattre un homme. J'le forme. J'l'aime bien, on dirait un chien errant qui montre les dents pour se défendre mais qu'est pas foutu de mordre. Raph, hé, Raph, viens donc voir ! 'Sont pas des monstres, t'sais, fais pas ta mijaurée !

Il s'approcha donc, sans pour autant baisser sa garde. La comparaison de Turian avec l'animal était tout à fait juste. Son regard, à la fois glacial et craintif, était bien là pour le prouver. Les doigts de chacun de ses mains étaient solidement refermés sur deux lames de jet qu'il savait parfaitement utiliser. En tant qu'enfant de la rue, il avait eu le temps de se faire la main. C'était utile pour blesser et immobiliser quelqu'un. Pour tuer … comme l'avait si gentiment fait remarquer son supérieur, il n'en était même pas à son coup d'essai.

Il se contenta de les saluer d'un semblant de mouvement de tête, mais demeura à distance raisonnable. S'il n'en avait rien à faire de Turian, lui ne comptait pas mourir. Et il savait que hors des remparts de Marbrume, la mort rôdait derrière chaque arbre. Déjà qu'en ville, il avait pu constater certains dangers que les moins miséreux ne soupçonnaient même pas, il était clair qu'il ne dormait maintenant plus vraiment.

- Même pas fichu d'faire que'que chose qu'pourrait tuer un lapin, lâcha le p'tit Sig, apparemment déçu de cette mauvaise pioche.

Turian écarta les bras en signe d'impuissance, avant de se mettre à genoux à son tour pour observer le cadavre. Il palpa le corps à son tour sans trouver plus, et arrivé au visage, il lui ouvrit la bouche de ses deux mains et approcha sa face pour observer à l'intérieur, peu déstabilisé par l'haleine fétide du mort. Pour un peu on aurait pu croire qu'il était déjà mort de l'intérieur depuis pas mal de lune tant le doux fumet qui s'échappait de sa gueule donnait la nausée. À coup sûr qu'il pouvait buter des p'tits animaux rien qu'en leur soufflant sur le pif.

- Ah ! Lâcha-t-il avec satisfaction.

Il farfouilla dans les diverses sacoches de tailles différents qui pendaient à sa ceinture et en extirpa l'un des outils qu'il trimballait toujours partout. C'était simple : Turian était une boîte à outils à lui tout seul.

La pince se fourra dans la bouche du macchabée. Concentré, notre banni à crête se tordit la tête pour mieux voir.

- Alors alors … làààà …. là !

Il se redressa légèrement, l'ustensile toujours en place, et se stabilisa sur ses appuis. Puis, bandant ses muscles, il fit un brusque mouvement de poignet. Un craquement suivit, qui arracha une petite grimace à Raph qui, curieux malgré tout, s'était plus avancé encore. Il tira ensuite, et tomba en arrière, sur le cul, emporté par l'élan. Son bras se leva, pince toujours entre ses doigts, et entre celle-ci, une petite dent en or brillait fièrement.

- Tiens p'tite tête, tu f'ras du troc avec.

Il la tendit à Sig le p'tit, se mit sur ses jambes et épousseta son pantalon – qui n'allait sûrement pas redevenir propre avec deux caresses -.

- On est pas si loin d'là, nous.

Raphaël eut une expression qui disait le contraire.

- La Discorde, ami. La Dis-corde.

Turian accompagna ces deux syllabes en battant la mesure dans les airs. Sûrement qu'les deux inconnus en avait déjà entendu parler.

- Et vous alors ?

La rumeur, au sein de la cité, selon laquelle un village hors des remparts aurait vu le jour depuis un moment maintenant et sèmerait autant la terreur que la Fange, glissait sinistrement sur les lèvres sonnait agressivement aux oreilles. Certains même de ses bannis parviendraient parfois, d'une manière que les autorités ignoraient, à s'infiltrer à l'intérieur de la ville. Pour la plupart des gens qui pensaient qu'une fois dehors, survivre n'était même pas envisageable, c'était terrible, et il arrivait même que l'on compare ses hommes rejetés à des envoyés des Dieux afin d'apporter une menace en plus, comme si les fangeux ne suffisaient pas.

- L'or, ouais, c't'une bonne chose, fit distraitement remarquer Turian, qui prenait sans gène part à l'échange entre les deux frères.

Sig le P'tit annonça qu'il ne connaissait pas du tout la Discorde, ce qui eut pour mérite de vexer un peu notre banni à crête. Il aimait bien, lui, être reconnu, et le fait que son clan soit craint et quelque peu respecté était pour lui une grande fierté. Alors, que ce type n'en ait même pas entendu parler, c'était quelque peu rabaissant. Il exprima d'ailleurs sa déception d'une petite moue boudeuse.
On lui apprit ensuite que les deux inconnus étaient de nouveaux bannis, ce qui était, pour Turian, une explication tout à fait suffisante pour les excuser quant à leur ignorance.

Alors qu'il parlait, Turian rejoignit Raph en sifflotant, comme s'il n'écoutait plus les paroles, attrapa son coéquipier par le bras et le tira un peu pour qu'il s'approche plus encore. Ce dernier bougonna un peu, sourcils froncés, pas vraiment enclin à briser les barrières de la méfiance.

- Bordel Turian, mais comment t'as fais pour survivre aussi longtemps …
- J'ai une tête sympatoche, mon frère. En un regard on m'fait confiance et on veut pas m'faire de mal.

Un petit gloussement lui échappa.

- Ouais. Donc au d'là des Faubourds on connait pas trop. Quand on y nous a jeté dehors, on est v'nu là, puisqu'j'avais compris qu'les fangeux aimaient pas trop l'territoire d'Anür.

Turian hocha plusieurs fois la tête en souriant pour approuver ses propos. Il avait fait le test, un beau jour, d'attacher un fangeux de manière à ce qu'il soit forcé de rester dans la flotte. À quelques bons mètres, il avait fait de même avec un homme qu'il avait pris soin d'exécuter plus tôt, et avait patiemment observer ce qu'il se passait. Qui, des deux, se décomposeraient en premier ? Est-ce que le fangeux allait mourir à force d'être rongé, ou continuerait-il à geindre jusqu'à ce qu'il ne reste plus que la tête ? Tant de questions, et malheureusement une mémoire si sélective ! Il avait suffit d'une nuit de sommeil pour que Turian oublie totalement son expérience. Il était revenu sur les lieux du crime deux semaines plus tard, et avait pu constater avec grande déception que le courant avait finalement eu raison de ses deux sujets. À moins qu'une petite bête sous-marine ait décidé d'en faire son repas. Quoiqu'il en était, ses questions, pourtant intéressantes, étaient restées sans réponse. Et à ce jour, il était totalement passé à autre chose.

- Du coup, c'quoi cette histoire de Discorde ?
- Il connaît pas la Discorde, adressa Turian à Raph en prenant un air ahuri. Heureusement qu'vous êtes tombés sur moi alors, on vous aurait dévoré autrement !

Il éclata de rire et se tapa la cuisse, comme s'il venait de dire là une blague affreusement drôle.

- La Discorde, mes frères, reprit-il une fois de nouveau sérieux. C'est les survivants. Les vengeurs. Ceux qu'on un compte à régler, une colère à calmer, ou tout simplement envie d'en foutre plein la gueule. C'est ceux, comme toi ou ton grand copain, qu'on été jeté hors de Marbrume mais qui refusent d'obéir à leur dernier ordre : mourir. C'est ceux qui sont animés par cette même férocité qui les a conduit à leur perte.

Il passa son bras autour des épaules du grand Sid, ce qui était légèrement inconfortable vu la taille du gus, et se mit en position de confidence, ce qui fit rouler Raph des yeux.

- Tout le monde peut entrer dans la Discorde. Mais la Discorde ne fait pas entrer tout le monde. Y'a certains critères à respecter. C'est même pas une obligation, seulement, une fois parmi nous, vous comprendrez qu'il est en effet important de les respecter. Tu piges, pote ?

Le relâchant, il se pencha distraitement sur le cadavre, donna un discret coup de pied dans sa carcasse et enchaîna, un sourire lui fendant la face :

- Vous avez survécu quelques jours seuls, et vous avez pas l'air à l'article de la mort. Bravo. J'applaudis. Non, vraiment, regardez, j'applaudis.

Il applaudit.

- Vous avez fais comment ? Vous pensez faire ça encore longtemps ou vous avez commencé à réfléchir à une solution ?

'Réfléchir', comme ce mot sonnait étrangement dans la bouche de Turian ! Il n'était pas spécialement intelligent, mais il avait quelque chose que beaucoup n'avaient pas et qui lui permettait de se faire obéir : une grande gueule, et un grand talent pour convaincre. À cet instant, les deux Sig devaient avoir l'impression d'être soumis à un interrogatoire, comme s'ils avaient eux-même décidés d'entrer dans la Discorde alors même qu'ils n'avaient rien voulu connaître d'autre qu'en savoir un peu plus à ce sujet.