Il est inutile de se cacher [Théo]

Depuis quelque temps, la jolie blonde au teint pâle n’était pas très en forme, son comportement avait changé, son sourire avait disparu et la douceur qui parcouraient si souvent ses traits n’étaient plus. Diana, n’était plus que l’ombre d’elle-même, s’enfermant dans de faux semblants, refusant toute visite ou encore toute sorte de sorties de secours. Non, l’ancienne prostituée, la femme d’écuviel, vivait de la plus violente des manières son renvoi de la cité. C’est qu’elle avait été naïve la peintre, bien trop pour pouvoir se pardonner, comment avait-elle pu à ce point fermer les yeux sur tous les agissements de l’écu rouge. Non. La jeune femme avait fini par s’enfermer dans un silence, renvoyant un à un ces domestiques, non pas par acquit de conscience ou par la crainte de ne pas pouvoir les payer, mais bien parce qu’elle refusait de vivre avec des personnes ayant connu son époux, non, elle devait changer. Seule sa domestique personnelle avait survécu à cette série de licenciement, Gondemar et son fils également. Sa relation avec l’homme de main de son désormais inconnu de mari, n’était pas au plus haut, en effet, la jolie blonde tenait tout le monde coupable de mensonges, allant jusqu’à même parler parfois de trahison. Les mots qu’elle employait été dur et dépassait souvent largement sa pensée. Elle en avait besoin la belle, sincèrement besoin d’exprimer cette colère, cette rancœur qui la rongeait, qui la tué à petit feu.

L’unique engagement qu’elle avait décidé de maintenir était le fait de mener à bien ses ventes de peintures, d’honorer ses engagements, ses clients, mais pour autant cela ne signifiait pas qu’avec eux, elle était aussi agréable que par le passé. La dame Ecuviel ne se levait plus aux aurores, non, elle traînait et se lever toujours à contrecœur. Le fils de Gondemar s’inquiétait de son bien-être, si bien qu’il avait fait venir un médecin, médecin qui avait annoncé qui ne s’agissait que d’une blessure morale. Les jours passaient, rien ne semblait tendre vers une évolution positive, si bien que c’est finalement la domestique personnelle de la blonde qui vint remettre les choses à leurs places.

- « Levez-vous, nous partons. »
- « Je n’ai pas de client aujourd’hui, Constance, tu devrais le savoir, c’est toi qui prends les rendez-vous. »
- « Nous n’allons pas voir un client ma dame, nous allons voir votre époux. Levez-vous. »

Diana, c’était redressé, lentement mais sûrement, les yeux écarquillés aussi grands que des ballons, la fatigue était parfaitement lisible sur son visage, les traits tirés. L’écuviel ne semblait pas l’entendre de cette oreille. Telle une enfant, elle secoua la tête de droite à gauche, s’enroula dans les draps qu’elle ne partageait désormais plus et se recoucha, hurlant à la domestique de décamper. L’idée avait quand même fait lentement son chemin dans l’esprit de la jeune femme, si bien, qu’elle avait fini par se lever, par enfiler une tenue plus légèrement moins impressionnante qu’à son habitude. Elle avait ouvert la porte de sa chambre, descendu doucement les grandes marches devant la stupeur de constance qui s’empressa de la rejoindre.

- « Constance allait engager un mercenaire pour nous accompagner. Nous partons immédiatement pour le Labret. Ne prévenez pas Gondemar.»
- « Bien, bien… Ma dame… »

Constance, c’était précipité vers les bas quartiers, à la recherche d’un mercenaire qu’elle avait précédemment rencontré et qui était prêt à faire le voyage avec les deux femmes. Les deux individus étaient rapidement revenus jusqu’au domicile des Écuviel, la blonde avait longuement regardé les deux personnes, secouant doucement la tête.

- « Bien, nous pouvons y aller ? »
- « Ma dame… Vous, vous ne pouvez ma sortir ainsi jusqu’au labret… Je vous ai acheté une tenue en cuir… Je sais que… Mais.. »
- « Mh.. Donnez-moi ça. »

Diana avait récupéré les vêtements, remonté les marches pour retourner ce changer à l’étage. Elle ne put cacher sa surprise, devant le pantalon en cuir, le haut à manche longue en cuir, la capuche et la petite dague que la domestique avait glissés entre les vêtements. Prenant une longue respiration, la blonde avait abandonné sa robe pour se glisser dans une tenue digne des grands mercenaires… Elle avait rabattu la capuche sur sa tête, glissé la lame au niveau de sa ceinture, puis avait rejoint les deux jeunes gens, qui la regardaient avec des yeux pleins de surprises. Il est vrai qu’il était très rare, pour ne pas dire, impossible de voir Diana vêtue ainsi. Elle devait pourtant s’y faire, avec le comportement inconscient de son époux, sa vie allait devoir désormais changer.

- « Allons-y, Constance, vous, vous restez ici. Vous occupez de la demeure. » Ordonna Diana.

Les négociations de la domestique n’avaient pas suffi à faire changer d’avis la dame écuviel qui déjà, partait avec le mercenaire. Elle monta derrière lui sur ce qui semblait être sa monture. Le trajet c’était fait dans le silence, Diana ignorant ce qu’elle allait bien pouvoir bien dire à son cher et moins tendre époux, son esprit était tourmenté par tout ceci. Faisait-elle le bon choix ? Diana n’avait pas vu le temps passer, elle était même incapable de donner le temps qu’il avait duré. Cependant, elle avait trouvé cela rapide, trop même. Le mercenaire l’accompagna dans un endroit plus ou moins isolé, lui demanda de rester là pendant que lui, allait visiblement chercher son époux. Diana avait simplement opiné, plus angoissé que jamais, son mari allait-il être encore là ? N’était-il pas déjà mort ? La vie ici était-elle si compliquée que ça ? Tant de questions et si peu de réponses…

Cela faisait des mois que Théodemar était à Genevrey, qu'il travaillait la terre à écouter les railleries des miliciens. Cela leur faisaient plaisir de l'avoir attraper, lui, l'écu rouge. Il en connaissait certain. C'était des pourris, des corrompus pour certains. Le soir où il était arrivé, un des leurs avait essayé de frapper le bourgeois déchu. Il avait réussi, évidemment mais ... il s'était retrouvé avec une boule remontée dans la gorge, vous avez saisi ? Et bien sûr, Ecuviel s'était retrouvé en conditionnement dans un bâtiment à part.

Il avait alors élu domicile dans une maison où les prisonniers étaient entassés. L'odeur de sueur y était omniprésente mais pour quelqu'un qui avait vécu 18 ans dans la rue, ce n'était rien. Il avait était habitué même si il aurait préféré un lit douillet au côté de ... Diana. Hmpf. Diana, elle se remariera certainement, il lui avait laissé une lettre, il ne voulait pas qu'elle le voit ainsi, ça aurait insupportable pour lui. Il s'était conduit en lâche mais tout de même, c'était pour son bien.

Durant des mois, il avait travaillé pour purger sa peine. Il repensait au Marin qu'il avait tué le soir où Grim l'avait espionné. Il repensait à la coucherie avec Célestine Olsen ... après cela, elle était partie et il ne savait même pas où elle se trouvait maintenant. Louise Ochaison, la jeune femme qu'il avait mis à son service pour étudier la Fange. Tellement de fautes commise par l'Ecu Rouge, qui aurait pu penser que Théodemar avait une conscience ? Lui même n'y avait jamais pensé et ne pensé pas que c'était possible.

Il avait changé de nom pour éviter que certains des prisonniers ne pensent que ce dernier avait préféré parler plutôt que finir sur le piloris par l'honneur mais cet honneur aurait pu coûter la vie à son entourage. Il s'était raser la barbe et ses cheveux n'était plus que des longs filins filasses bruns. Pas très ragoutant, hein.

Il finissait sa journée de corvée, lorsqu'un homme apparut lorsqu'il allait entrer dans son baraquement.

"Marcus !"

Il se tourna vers lui et soupira. Son nom était maintenant Marcus Adamless, un petit nom qu'il avait trouvé sympa sur le moment mais chiant sur le long terme .. Marcus brr.

"Quoi ?" Demanda la voix froide de Théodemar qui n'était pas réchauffée après ces mois d'exil.

"Un gars qui veut t'voir, un balaise. S'rement un mercenaire, il m'a donné ta description et v'la."

"Et alors ? M'en tamponne." Il allait rentrer dans le bâtiment lorsqu'il fût interrompu par le mercenaire en question.

"On vous demande, Marcus .

Qui pouvait bien avoir à faire avec un mercenaire pour venir jusqu'ici pour le voir. Personne ici ne connaissait sa véritable identité à part les miliciens et les gens de la Cité ... Gondemar ? Diana ? Anatole ? Célestine ? Il était intrigué et décida de le suivre en demandant à Ivan de le couvrir pour l'appel du soir.

Arrivé au lieu de rendez vous, il allait tomber à cause du choc ... une belle blonde en cuir l'attendait, était-ce vraiment elle ? Diana, ici ?! Il s'approcha alors doucement et dit quand il fût sûr....

"Diana ?" Sa voix avait repris une teinte de chaleur mais il se reprit aussitôt. "Que fais-tu ici ?!"

Le visage de Diana était emprunt au stress, à l’angoisse que la situation engendrée. Elle était venue ici sur un coup de sang, elle était venue sans prendre le temps d’y réfléchir, sans se demander si elle allait être capable de lui faire face, de lui pardonner. Elle avait fermé les yeux sur bon nombre de choses, les tromperies, le délaissement, son goût prononcé pour l’alcool. Pouvait-elle à présent oublier, passer outre le fait qu’il lui avait menti, qu’il l’avait manipulé, qu’il avait fait des choses pas respectables pour une personne de son titre, son ancien titre. Les dents Diana étaient venues mordiller sa lèvre inférieure, alors qu’elle se retournait au moment où une voix –bien que un peu différente que celle qu’elle laissait- l’interpella. Pivotant légèrement, elle fit finalement face à un individu qu’elle avait du mal à reconnaître : Théodemar. Les lèvres de la blonde s’étaient entrouvris sous la surprise, ses yeux s’étaient écarquillé et un léger souffle avait fui la protection de sa bouche. Qu’est-ce qui avait bien pu lui arriver… Plus de barbe, plus de chevelure mi-longue, plus de propreté ou d’image irréprochables, plus de Théo, tout simplement, plus rien. Les réactions auraient pu être nombreuses, la jeune femme aurait pu choisir de le gifler, elle aurait pu s’effondrer, relâcher enfin la pression et la tristesse qu’elle avait conservées en sont fort entièrement, mais rien de tout ça ne s’était produit. Elle avait fait un pas vers, lui anéantissant la distance qui les séparait encore. Sa main froide et non gantée était venue se déposer avec délicatesse sur le bas de son visage, remontant jusqu’à sa joue, jusqu’à venir se perdre dans sa chevelure.

Diana n’avait pas envie de parler, pas envie d’exprimer les sentiments qui étaient en train de la submerger, son visage vibrait d’une intensité que peu avait eu l’occasion de voir. Elle avait fait autant de chemin, elle avait abandonné son confort, ses robes et rien qu’en le voyant, malgré tout ce qu’il avait pu lui faire, elle n’avait qu’une envie, restée ici à ses côtés, recommencer à zéro. Aurait-elle seulement suffisamment de courage pour l’admettre, pour lui murmurer à quel point toutes les trahisons qu’il avait pu commettre ne comptaient pas. Malgré les apparences, malgré l’odeur, la blonde avait cette agréable sensation de retrouver celle dont elle était éperdument tombée amoureuse, cet homme simple qui ne se dressait pas encore à ce destin, cet avenir tragique. Lentement, la jeune femme avait laissé glisser ses mains dans le dos de l’ancien ecu rouge, l’attirant vers elle pour l’enlacer dans une certaine tendresse. Elle avait déposé sa tête contre son épaule, se hissant sur la pointe des pieds pour être certaine d’être à la hauteur, à sa hauteur. Fermant les yeux, la blonde savourait ce moment, mémorisait cette nouvelle odeur, qui aurait pu croire qu’elle allait le retrouver après tout ce temps ?

Lentement, elle avait fini par se défaire, sans pour autant laisser ses lèvres entrelacer celle de l’homme qu’elle aimait pourtant d’un amour sincère et profond. Son cœur était plein d’amertume, de rancœur et malgré les battements qui s’emballaient, malgré cette irrésistible envie de ne plus le quitter, c’était bien cette fois, la raison qui prenait le dessus sur toute cette situation. Il lui devait des explications, elle en avait besoin pour avancer, pour prendre une décision. Il n’avait plus le droit de s’extraire, de ne pas assumer tous ces agissements. Cependant, aussi surprenant que cela puisse paraître, la première phrase qu’elle avait prononcée été des excuses sincères, incompréhensible :

- « Je suis désolée de ne pas avoir pu te protéger de tout ça… Je n’avais pas conscience de l’étendue de la situation… Pardonne-moi Théodemar, je n’ai pas réussi à redorer notre blason… Je n’ai pas la force de le faire. Je suis désolée, sincèrement. »

Le visage de la blonde s’était plus ou moins baisé, son regard fixait le sol, plus perplexe que jamais la dame Écuviel ne savait pas quoi dire de plus, quoi faire. Était-ce réellement à elle d’apporter des explications sur sa présence ici, n’était-il pas question de lui, ne devait-il pas justifier son comportement, lui dire enfin toute la vérité. Lentement, elle avait relevé le visage, observant non pas sans une certaine tendresse celui qui l’avait lâchement abandonné, celui qui l’avait trahi et humilié. Elle ne comprenait pas son propre comportement, ne comprenait pas comment elle était encore en mesure de ressentir autant de choses pour un homme tel que lui. Lentement, elle avait fini par froncer les sourcils, tout en l’avisant, elle ne devait plus se laisser aveugler par cette multitude de sentiments, c’était LUI le coupable LUI le responsable de tout ça. LUI.

- « Je pense que c’est toi qui me dois des explications Théodemar, pas moi. Une lettre, c’est tout ce que tu m’as laissé, crois-tu que c’est suffisant, ne crois-tu que j’ai besoin d’entendre la vérité de ta bouche… Je pensais t’oublier Théodemar, mais tu me hantes, toi, tes maîtresses, ton ivresse, tu me hantes… Tout me hante… Comment pourrais-je avancer sans comprendre de quoi je suis coupable, qu’est-ce que j’ai loupé ? »

Oui, aux yeux de Diana, elle était responsable de beaucoup de choses, elle n’avait pas dû être une bonne épouse pour qu’il en arrive à la tromper, pas dû être une femme suffisamment forte pour qu’il partage avec elle ses secrets. A présent, il était temps de parler, il était temps pour le couple d’échanger, pour qu’il puisse l’un comme l’autre, avancer.

Théodemar -ou Marcus comme vous voulez- était surpris de l'arrivée de la belle et fragile blonde qu'étais Diana mais ... il était tellement heureux de la voir ici. Tellement heureux qu'il s'en voulait d'un coup de l'avoir laisser dans la total ignorance de son exil jusqu'à ce que Gondemar lui dise certainement. Qu'est ce que Théodemar aurait dû faire ? L'avertir de tous ses méfaits ? La mettre en danger ? A cause de lui, elle aurait pu mourir ou pire ... bon sang, il s'en voulait tellement.

Il pensait que la jeune femme allait s'évanouir tellement qu'elle était apparemment surprise ... en même temps même Ecuviel était surpris de sa nouvelle apparence, bon sang qu'est ce qu'il donnerait pas pour un peu de parfum, peut être que la belle blonde en avait ramené ?!

C'est alors que la distance qui les séparait fût anéanti par Diana qui était nettement plus courageuse que Théodemar on dirait, la femme qu'il avait épousé comme simple prostituée était devenu une forte jeune femme ... il n'en avait jamais douté, elle qui avait supporté ses humeurs, son alcoolisme ... ses tromperies. Puis un silence se fit pesant pendant un temps. Les retrouvailles fûrent silencieuses comme l'était d'ailleurs les dix ans de mariage du couple, tiens d'ailleurs, étaient-ils toujours mariés ? Il mit alors sa main droite sur l'arrière de sa tête tout en laissant le temps faire. Il n'y avait rien d'autre à faire, ils se comprennaient.

Le mercenaire, lui, devait certainement être en train de compter les fleurs parce qu'on le voyait plus, ah bah au moins, voilà un homme civilisé dans ce village de rustres.

Les retrouvailles fûrent bien trop courtes pour Théodemar mais toute bonne choses à une fin et voilà que les reproches, les explications allaient arrivées, il le sentait gros comme une maison. Mais il fallait bien passer par là, le marchand déchu l'avait bien trop repoussé.

"Me protéger ? Mais c'est moi qui aurait dû, Diana. Tu n'avais aucunement à voir avec cela. J'ai failli à mon devoir d'ami, de marchand et même de mari. Qui sait si nous avions eu une descendance, j'aurais étais un mauvais père, également." Dit-il tout en lui mettant une main sur sa joue.

Théodemar reçut alors en pleine face enfin les reproches de la Blonde. La lettre ... la lettre qu'il avait écrit peu avant qu'il ne parte ... quelques mots seulement pour faire ses adieux et il lui avait demandé de ne pas venir et pourtant elle était là.Des explications. Théodemar devait-il en donner ? Bien sûr, beaucoup même mais avait-il envie ? Non, pas tellement.

Il enleva alors sa main puis dit :

"Je sais que je t'ai fais du tort. Je sais que je n'aurais pas dû faire tout cela mais ... tu n'y est pour rien. C'est moi, j'ai étais aveuglé par le pouvoir, l'argent. Je me suis laissé corrompre par l'avidité. Je me suis cru surpuissant, invincible. Vivre 18 ans dans la rue m'a suffit, je ne voulais pas y retourner, je voulais profiter pleinement de ma vie. Je t'ai fais mal et je m'en rend compte mais j'étais dirigé par mon esprit et non mon coeur. J'en suis désolé ..."

Diana observait l’homme qu’elle ne reconnaissait désormais plus, non pas sans une certaine tendresse dans le regard. La jeune femme essayait de comprendre, d’encaisser des paroles qui semblaient bien trop complexe, bien trop réelles pour sa personne. La blonde avait fait des choix dans sa vie, des choix qu’aujourd’hui elle regrettait, elle avait elle-même froissé les divinités en refusant de devenir mère, en prenant ce qui devait être pris pour ne pas offrir de descendance à un homme qu’elle voyait s’assombrir de jour en jour. Pourrait-il seulement lui pardonner, Théodemar pourrait-il entendre cette action, sans le lui reprocher par la suite ? La jeune femme se redressa légèrement, détournant le regard quand il évoquait le fait de ne pas avoir été en mesure d’être un bon père, elle ne jugea alors pas nécessaire de lui avouer son lourd secret, préférant rester silencieusement, pour le moment.

Étrangement les mots de son époux ne la touchèrent pas, peut-être avait-elle conscience au fond d’elle, qui n’en pensait peut-être pas un mot. Diana n’était pas une femme idiote, au contraire, elle n’était pas certaine que beaucoup d’autres épouses auraient supporté ce qu’elle a enduré. Maintenant qu’elle se trouvait face à son bourreau de mari, elle ignorait ce qu’elle pouvait lui dire. Aucun reproche n’acceptait de sortir de ses lèvres, aucun mot affectueux non plus. Elle restait là, devant lui, sans réelle réaction à se demander ce qui lui avait pris de venir ici. Théodemar, exprimait pourtant enfin ce qu’elle avait toujours voulu entendre, mais ce n’était pas suffisant, pas à ses yeux.

La belle avait imaginé cette rencontre un bon nombre de fois, l’imaginant hurler, le gifler, le quitter, mais maintenant qu’elle le vivait enfin, elle était incapable de faire tout ça. Elle se contenta d’hausser les épaules, bien trop consciente qu’ils allaient devoir prendre une décision, une décision concernant leur couple, une décision concernant leur nom, le domaine… Devait-elle essayer coûte que coûte de redorer le blason, devait-elle lâchement abandonner ? Son époux lui cachait-il d’autres choses, allait-elle découvrir d’autre maîtresse ? Autant de questions dont la jolie blonde avait besoin d’obtenir des réponses.

- « Je sais… » murmura la jeune femme particulièrement doucement.

Oui, Diana savait qu’il était désolé, au fond, Théodemar l’était toujours. Il était cependant impossible de savoir si il était sincère ou si cherchait simplement à soulager sa consciente. La jeune femme glissa une main dans sa propre chevelure dorée, jouant avec une de ses mèches de cheveux. Geste qu’elle effectuait à chaque fois qu’elle semblait empreinte à la réflexion. Théodemar attendait sûrement un geste d’affection, mais Diana n’en fit rien. Elle ne lui avouait pas lui pardonner, elle n’essayait pas de soulager sa conscience, non, la jeune femme donnait l’impression de simplement observer, de refuser de se positionner.

- « Est-ce qu’il y a des choses que je ne sais pas encore Théodemar ? Vais-je découvrir des éléments en rangeant tes papiers ou en écoutant les diverses rumeurs à ton sujet ? » Elle fit une pause, simple, mais efficace. « Je suis ton épouse, tu es mon mari, jusqu’à que la mort nous sépare. Alors, maintenant, dis-moi ce que tu attends de moi, dis-moi ce que tu as l’intention de faire ? »

Lentement, elle avait affiché un semblant de sourire sur ses lèvres. Relevant les yeux vers son tendre, elle n’attendait plus que des réponses à ses questions, Diana avait besoin de savoir, de connaître la vérité, le moindre secret encore présent entre eux…. La blonde semblait avoir encore envie d’avancer à ces côtés, elle n’était cependant pas certaine que son mari ressente le même besoin

Théodemar n’aimait guère se retrouver dans pareille situation. Elle était venu ainsi à l’improviste dans ce village, dangereux, mortel. Ce village avait était au centre d’une triste histoire de cannibale … c’était mortellement dangereux et savoir qu’elle était ici, sans défense … si un Fangeux ou un banni attaquait pourrait-il la sauver ? Rah ! Elle aurait dû rester à l’abri dans la Cité !


Le bourgeois déchu était sincère dans ses paroles mais il savait que cela ne suffisait pas pour Diana, il l’avait déçu. Il l’avait trompé, battu parfois … c’était clair qu’il n’était guère un bon mari, ni même un bon ami et il n’avait su être un bon marchand … Bon sang, Ecuviel devenait-il sensible après dix années de servage à l’argent ? Après dix années dans l’esclavage du pouvoir ? C’était peine à le croire. Finalement l’ex seigneur du crime avait un cœur.


Elle savait. Qu’est ce qu’elle savait ? Que Théodemar ne méritait pas pareille épouse ? Une autre femme aurait dû partir depuis des années, depuis la première cuite qu’il avait prit, depuis le premier excès de violence. Théodemar, savait quelque chose aussi. Il savait aussi que ses paroles ne suffiraient pas. Il savait que Diana avait la rancune tenace. Il savait que cette femme n’était pas une personne qui pardonnait facilement … elle avait vécu l’enfer avec lui … dans son ombre. Il aurait dû arrêter ses activités illégales quand il avait su que sa famille était en danger mais un homme aveuglé par les ténèbres du pouvoir et de l’argent peut-il être illuminé par l’amour ? La jeune femme ne semblait pas prête à lui pardonner, pas pour le moment et Théodemar ne lui en voulait guère.

« Des choses que tu ne sais pas encore ? »

Il regarda alors autour de lui et soupira. Devait-il lui dire que son père et ses deux frères étaient vivants ? Qu’il les avait sauvés de la potence et cachés à la vue du Duc. Devait-il lui dire qu’il avait crée un laboratoire dans un de ses entrepôts pour étudier la Fange ? Sûrement pas … elle n’était pas encore prête pour ces révélations et il n’était pas sûr que les Haddon étaient encore en vie… quand il retournera à la Cité, il verra bien.

« Tu découvriras certainement mes activités de contrebande dans le Goulot et le Labourg. Ce chien de Gunof a infiltré mon réseau et l’a détruit de l’intérieur. Tu découvrira sûrement mon trafic de substance illégales à travers la Cité… ma guerre des territoire avec la guilde des voleurs et tant d’autres que je préfère taire, Diana. Je sais que je suis un monstre, j’ai profité de mon statut. »

Ce qu’il avait l’intention de faire ? Il n’en savait rien … il ne comptait pas revenir à la Cité avant d’avoir purgé sa peine, mais que deviendrait-il sitôt rentrer à Marbrume ? Il pourrait redevenir un marchand loyal et honnête… Diana pour l’y aider mais résistera t-il à l’envie de la mégalomanie ? Il regarda alors le sourire de Diana. Quand il était arrivé, il n’avait eu envie que d’une chose : s’enfuir et vite mais la menace fangeuse ou bannie l’en empêché, il n’avait pas envie de crever ici.

« Je vais purger ma peine, voilà ce que je vais faire. Quant à toi … ne fais rien. Ou si, fais quelque chose. Il doit me rester quelques provisions dans un de mes souterrains sous la maison, un entrepôt que j’ai omis de signaler. Il me reste des produits … tu peux en faire ce que tu veux mais commence petit.
Redore l’honneur de notre famille que j’ai entaché. Ou alors, tu peux faire une chose … restons ici, Diana. Refaisons-nous une vie dans ce village loin de l’agitation de la Cité, loin des mondanités, loin de la richesse. Soyons le couple que nous aurions dû être, soyons unis. »

Il s’était rapproché de la belle blonde et lui avait prit le visage avec ses deux mains tout en la regardant dans le blanc des yeux avec le regard qu’il avait utilisé dix ans auparavant pour séduire la jeune femme dans son bordel.

Au fur à mesure que la liste des méfaits s’agrandissait le visage de la blonde palissait. Elle avait du mal à le croire, à prendre en considération que l’homme qu’elle aimait été un monstre, qu’il avait fait tant de choses, sans que jamais elle ne se doute de rien. La blonde n’arrivait pas à déterminer l’aveuglement dont elle avait fait preuve, ou la naïveté de croire que son époux n’avait pas changé, du moins juste avec elle. Le sujet de la tromperie, dame Écuviel arrivait encore à l’entendre, cela ne la concernait qu’elle seule et puis elle était persuadée que l’amour d’un mari peut se regagner… La confiance, c’est différent. Le mot trahison n’était plus suffisamment fort, le mot douleur pas suffisamment intense pour exprimer ce qu’elle ressentait en son for intérieur. Difficile, de pardonner, difficile de rester là à l’écouter s’exprimer, à se cacher derrière sa possible perte de contrôle. Les lèvres de la blonde s’étaient entrouvertes, puis c’était refermé, ses yeux avaient vibrés d’une nouvelle intensité, un flot de tristesse bien trop fort la submergeant. Elle essayait de rester forte Diana, elle essayait de ne rien montrer, de ne pas s’effondrer, de ne pas exploser dans une rage folle…. Il lui avait tout donné et maintenant, avec son comportement il lui avait tout repris. Pouvait-il s’imaginer comment les sangs bleus la regardaient à présent, pouvait-il seulement prendre en considération à quel point la vie à Marbrume est devenue difficile pour elle ? Non, bien sûr que non… Son époux avait toujours été centré sur sa petite personne, ce n’était pas près de changer.

- « J’espère que ça en valait le coup… Que tu as bien profité Théodemar. » Lâcha-t-elle, toujours dans une certaine douceur pleine d’amertume.

Diana avait imaginé mille et une explications, argumentation, raison, mais jamais elle n’avait jamais pris en ligne de compte que Théodemar avait pu apprécier cette vie, jamais. Elle s’était contentée de hausser les épaules, de le regarder avec ce regard plein de rancune et de mal être. Comment, comment il avait pu en arriver là, comment avait-il plus détruire la vie qu’il avait construit, comment pouvait-il ne s’intéresser qu’à lui, sans jamais lui demander comment elle, elle se sentait ? Les dernières paroles d’Écuviel viennent finir d’achever l’ancienne bourgeoise, dont les yeux s’étaient écarquillés sous le flot des émotions. Pas une larme ne dévalait sa joue, juste des mains tremblantes, des lèvres qui se pincent, une mâchoire qui se serre. Les mains de son époux sur son visage la firent frissonner et c’est les yeux dans les yeux, qu’elle en venait à se demander, si Théodemar avait seulement une once de conscience sur la réalité ou s’il n’était resté qu’un naïf, un enfant. D’un battement de cil, la jeune femme fit taire sa souffrance, pour venir faire ce que son époux attendait d’elle, elle déposa ses lèvres contre les siennes et l’embrassa avec une tendresse infinie. L’échangea ne dura pas, rapidement la jolie blonde était venue retrouver sa position initiale. Elle avait simplement fait, ce qu’elle avait toujours fait, contenter son époux, réaliser les gestes qu’il attendait.

- « Je ne sais pas, je ne sais plus. » Elle fit une pause, se pinça la lèvre puis reprit « Il est hors de question que je redore notre blason en profitant des ressources de ton trafic. Si nous remontons notre réputation, cela doit être fait dans les règles, mon cher époux. »

Elle avait pris le temps de réfléchir, de peser le pour et le contrôle, oui, elle avait vraiment essayé d’être neutre. Pour l’heure elle ne voyait qu’un homme ayant trahi son épouse, n’ayant pas fait qu’uniquement la trahir non, il s’était appliqué à la détruire, à faire tout ce qui était dans sa mesure pour la réduire en miette. La jolie blonde haussa lentement les épaules, avant de reprendre la parole :

- « Pourquoi maintenant ? Tu souhaites que je vienne vivre ici, il faut pouvoir acheter une maison... » une nouvelle pause « Je ne dis pas non, j’ai juste besoin d’y réfléchir. » Diana prit le temps de réfléchir, puis décida de changer de sujet, ou plutôt de revenir sur la réalité que Théodemar semblait oublier : « Savais-tu que Gondemar allait rejoindre la milice de Marbrume ? »

Le reproche a peine masqué fit mal à Théodemar, bon c’est vrai qu’il avait était un crétin, un abruti fini. Un marchand qui n’en avait plus était un mais bien un Seigneur du Crime. Il avait profité de la Fange pour se faire de nouveaux revenus et puis … quand elle s’achetait des vêtements la jeune femme ne regardait pas d’où l’argent venait et elle ne demandait pas non plus.

Il savait que la confiance de la belle blonde était perdue mais il allait peut être la regagner, que devait-il faire ? Partir de la Cité et se faire une nouvelle vie ici.
Il aimait la vie rurale … bon avec les Fangeux et les bannis qui rôdaient un peu partout ce n’était pas l’idéal mais après sa peine, le couple pourrait travailler la terre, se faire une nouvelle vie loin des rumeurs de la Cité… vendre leurs produits au marché.

Bon sang, l’Ecuviel était-il tombé sur la tête ? Jamais, ils ne pourront faire ça ! C’était des hommes de la ville et non des citadins quoique … bon sang, les pensées de Théodemar étaient trop confuses et avec le baiser que lui et Diana avaient partagé n’allait pas arranger les choses, il avait oublié à quel point ces lèvres étaient si douce, son odeur … cela lui avait manqué surtout après des mois en exil … dans un baraquement remplit d’hommes… bref !

Il la laissa parler, le bourgeois déchu ne lui en voulait pas … Théodemar avait fait d’énormes erreurs et il la comprenait. Il avait était condamné à l’exil justement parce qu’il avait lâchement profité de la situation en faisant du trafic, de la contrebande … il devait tout faire pour réussir à la loyale comme avant cette fange. Bon, les meurtres des concurrents c’était à la loyale hein, on est au Moyen Age ! Tu veux vivre, tu dois te montrer le plus fort. Un peu comme aujourd’hui avec les Fangeux.

« Nous avons encore de l’argent … nous pouvons acheter une bicoque et travailler la terre … et maintenant, parce que je ne souhaite pas te perdre… encore. »

Quand la jeune femme expliqua à l’exilé que Gondemar allait rentrer dans la milice de Marbrume, il n’en était pas étonné. Le jeune homme avait toujours eu envie de passer sa vie dans un métier d’armes et non au service d’un pourri comme Exécuteur. Il hocha la tête de gauche à droite avec un petit sourire et dit :

« Cela ne m’étonne même pas. Il se débrouillera bien, la milice à besoin d’un gaillard comme lui. »

Trop tard, oui c’est bien les deux mots que Diana aurait souhaité prononcer comme unique réponse. C’est trop tard, il fallait y réfléchir avant, il fallait, il fallait… Oui, mais non, les lèvres de la dame Écuviel restait parfaitement fermée, ne laissant échapper ni souffle, ni respiration, ni mot. Elle se contentait de regarder avec une certaine intensité l’homme qui se trouvait devant elle, cherchant derrière la crasse, la coiffure non entretenue, celui qu’elle aimait. Pas celui qui l’avait abandonné à Marbrume, pas le marchand peu scrupuleux qui n’avait fait qu’enchaîner erreur sur erreur, non, elle cherchait celui qui l’avait fait sortir du bordel, celui qui avait fait battre son cœur. Une fois la réponse à l’esprit, une fois qu’elle comprit elle-même à quel point elle avait été dévouée, à quel point elle avait été droite, fidèle, qu’elle s’était autorisée à étirer un sourire sur ses lèvres.

- « Ainsi tu veux travailler la terre, tu veux vendre fruits et légumes que tu seras peut-être capable un jour de faire pousser ? C’est ça ton aspiration du moment, ta vision de ton futur, de notre futur ? »

Faisant une légère pause, la jeune femme avait cru bon d’étirer un nouveau sourire, d’essayer d’alterner entre son envie de le provoquer et celle de le rassurer. Elle avait déposé une main sur son épaule, tournant lentement autour de lui, laissant sa paume glisser de partie en partie. La blonde faisait le tour du propriétaire, oui, la jeune femme, semblait enfin véritablement s’intéresser aux blessures que Théodemar avait pu subir, à sa corpulence, aux traits marqués de son visage. Le premier tour effectué, elle avait stoppé ses pas, une seconde, avant de recommencer le même agissement. Stoppant cette fois-ci définitivement sa boucle dans le dos de son interlocuteur, Diana avait finalement repris la parole :

- « Notre relation a toujours été plus ou moins chaotique n’est-ce pas. Sauf au début. Oui à nos débuts, elle était belle idyllique, mais les belles histoires ont toujours une fin critique. C’est ce que tu aimes, toi, les fins critiquent non ? » Elle ne bougeait pas, restait dans son dos, appuyant volontairement plus sur certain mot que sur d’autre « Et maintenant, toi à l’ambition généralement démesurée, tu me dis que tu veux vivre dans une vulgaire bicoque à attendre sagement la mort ? »

Croisant les bras sous sa poitrine, la belle essayait de comprendre le raisonnement de son tendre, faisait son possible pour envisager la possibilité qu’il soit sincère, qu’il soit réellement revenu dans le droit chemin. Oui elle devait accepter le fait, qu’il était probable que Théodemar change, ou plutôt redevienne celui qu’il était. Ainsi, elle avait fini par hausser les épaules, attendant sagement qu’il se retourne pour lui faire face.

- « Gondemar à raison, nous savons de toute manière tous les deux qu’il sera bien mieux dans la milice que chez nous. Enfin, il continue de vivre dans notre demeure avec moi, il m’aide dans les gestes du quotidien…. Je crois.. D’ailleurs, il ne sait pas que je suis ici, je suis venue de mon propre chef, je me suis dit que je n’avais pas grand-chose à perdre de toute façon. »