La Souche, surnom donné non sans raisons. Curieux mélange entre chair, muscles et gras. Un tronc large, fiché sur deux racines noueuses, planté de deux larges branches mal élagués. Voila à quoi ressemble Sepianos, simplement. Bien sûr, imaginez vous en suite une couverture de peau tannés, de paillasses de poils et de veinures, jeté sans douceur sur le four-tout premier. Voila à quoi ressemble Sepianos, grossièrement. L'on pourrait alors croire que la nature l'a peu gâté jusqu'ici, mais uniquement avant d'avoir toisé pour la première , trogne qui lui sert de faciès. Un tableau taillé à la gouge, anguleux, saillant, sévère. Ajoutez y la barbante de broussaille qui lui en mange la moitié et vous obtiendrez parfait mélange du rustre repoussant qu'il est.
Ses mises quand à elles sont de loques et de morceau de cuir rapiécé. Plumes, colifichets et trésors de blots improvisés constituent ses uniques fards. Sommaire en somme.
Si l'on devrait noter dernière particularité, c'est bien la rouge tâche qui lui balafre bras droit. Très peu caché, à tord il le sait.

Laid d'apparence, il l'est moins d'esprit. On le jugera bien vite rustre et mal dégrossit, des manières déplorables, taciturne et râleur, un franc parler tachant et d'une sympathie à rendre jaloux un rocher. Pourtant, sous cet amas premier de crasse, le luron pourrait se targuer de filer droit. Un sens de l'honneur développé, l'honneur rural, le vrai, celui de la parole d'un homme, loin du faste pompeux qu'il juge être celui de l'élite guindé. Sepianos est un homme du peuple, tout aussi conscient que fier de son rang, du moins l'était t'il encore il y a peut. Mais ce brusque changement de statut n'a en rien modifié sa façon de penser, si ce n'est une légère accentuation de la bile coléreuse et de l'humeur d’irritabilités. Forcé de s'adapter à un nouvel environnement plus qu'hostile, l'homme choisit pourtant de respecter des règles, plus précisément : les siennes. Et, celles ci ne donnent que peut crédit aux torsions de nuques et aux surrinages de lardons, néanmoins il lui arrive de faire entorse si survie y contraint. Bonne âme dans le fond, il viendra en aide à ceux qu'ils jugent en avoir réellement besoin, autrement dit, pas si souvent que cela. L'injustice auquel il dût faire face l'aigrie pourtant profondément, il est de ceux qui pense qu'une bonne vengeance se mange froide. Aussi peut on dire qu'il fait acte de foi, privilégiant une relation avec le Dieu Cornu.

« Sep, mez bon tote s'ra Sep ! Tote s'ra comme ton vioc, un vrai d'la vrai. La bienve dans l'clan marmot »
Meleanos Geidi

Premier mot, première phrase, bien sûr pour lui point souvenance, mais on lui compta mille fois la joie qui transfigurait le visage de son géniteur à ce moment précis. Quand il citait le clan, il entendait alors la fédération familiales constitué des membres Geidi, à savoir, l'Ancien et la défunte et très regretté, Matrone, renvoyé aux royaumes de Rikni bien avant l'arrivé de la Fange, ses trois fils, à savoir par ordre de primo-nativité, Chafouan, Anos et Meleanos, d'on le susse dernier nommé était, vous l'aurez comprit, son père. Avec eux bien sûr, femmes, enfants , quelques soeurs et cousines sans foyer et leurs propres progéniture. Tout un monde en soit encastré les uns sur les autres dans une des bâtisses d'un petit hameau construit dans le sillage sud-ouest de Conques. Les Geidis vivaient de la forêt et des marais . Ils entretenaient quelques ruches pour en troquer le miel et s'en délecter, collectaient la sève de certaines arbres dans les mêmes buts, profitaient des quelques tubercules assez brave pour survivre dans la terre humide des lisières de forêts, de temps à autre braconnaient quelques dodues gorce des forêts ou laissaient traîner dans les eaux boueuses, lignes et filets. Jouant avec la ligne sans jamais trop la dépassé, c'était ainsi la vie des vilains des forêts. Néanmoins, clan Geidi s'en sortait bien, disposant d'une moindre notoriété dans leur malingre communauté, on disait les remèdes de l'Ancien capable de faire taire la malegueule des lendemains brumeux, chasser flegme en tout genre, calmer bile et renforcer humeur. Certains caquetaient par les rumeuses d'une curieuse poudre d'écorce de chauffebraque.
Rumeurs ou non, on venez régulièrement consulter l'Ancien et par tout temps.
A cet âge l'enfant point ne savait, que c'était de lui qu'il apprendrait.

« Pose poque la pale l'a d'ssus marmot ! Quoiqu'tote crois ? Qu'ça fait tout seul la poudrâsse d'arrête de truiton ? Qu'c'est cassant, tote touche poque !»
L'Ancien Geidi

Ces trois derniers mots furent sûrement ceux qu'il entendit le plus au long de sa jeunesse. On ne sût dire comment, de bambin fragile, il devient pataud de garcouillion. Pourtant il fût nourrit du même régime que les autres, mais sembla t'il que jamais son appétit rassasié ne soit. Le temps des langes passa, celui des premières découvertes et de la confrontation avec le monde réel aussi, l'énergie dégobillant de maladroitesse fût bientôt difficile à contenir, tant petit Sepi avait grandit. Quand sa quinzaine d'adulte arriva, c'est d'une toise qu'il dépassait ceux des siens. On en incomba la faute à l'Ancien, qui avait sûrement dut se tromper de breuvage en octroyant la Première Rinçade. Pour Sepianos en ces temps, il était difficile de se mouvoir sans prendre linteau et porteuse dans le frontard à répétition. A vrai dire, tout semblait se révéler difficile pour Sepianos en ces temps. Toutes tâches confiés au cour de ces années se transformèrent pour majorité en échec. Ainsi, une ruche, cinq métrons de topinambour, une auge à chèvre et une cinquantaine de collet, trônait à son tableau des méfaits. On lui confiait à peine la hache ou la bêche, mais fallait t'il concéder tout de même, que sa carrure s'y prêtait bien. Aussi, on décida de le fourrer dans les pattes de l'Ancien, c'était de sa faute, à lui maintenant de former le garçonnet.

Sepianos suivit un long et fastidieux apprentissage, principalement basé sur l'observation si l'on peut dire. Trop maladroit pour manipuler les poudres d'écorces et d'herbes, trop maladroit pour effectuer les mélanges bien dosé, ses seuls réels activités consistaient à remplir le foyer de bûche pour chauffer les drouillions et agiter le pilon. Malgré tout, l'Ancien veilla à tout lui inculquer quitte à lui faire répéter cents fois.
Patience devenait son maître mot et il fut satisfait d'apprécier l'expérience.

« C'est l'paque du Chianlit ? Hein Sep ? Hein diz diz Sep allez ! Tote va à la Mare de Brume pour lui fourge dans Labourg ? Allez soit poque mimide, diz !»
Knefes Geidi

Avec un peu de recul, montrer au gamin le contenu du dit paquet qui changea l'existence de Sepianos n'aurait pas était dramatique. Pourtant, on ne sait pourquoi, l'Ancien tenait à ce que cela reste secret. En cette époque Sepianos était le seul à faire régulier aller et retour en direction de la cité côtière. Bien formé maintenant, les trente hivers derrière, il n'en restait pas moins l'apprenti de l'Ancien, qui pour ça part, ne se mouvait que rarement hors de la masure. La goutte des marais et les rouilles-os l'en empêchant, c'était à Sep que revenait l'importante charge d'aller sélectionner herbe, écorce et fougères pour les préparations du vieil homme. Celui ci ne le laissait toujours pas manier autre chose que le pilon, pourtant à force de mirance, il en connaissait les moindres gestes par cœur. Mais la situation ne semblait pas lui déplaire, il appréciait cette vie à parcourir bosquets et tourbières.
Quelques fois, il se faisait convoyeur de paquet.
Chianlit était un margoulin du Labourg habité à une livraison bien spécifique -Du selrocher mélangé à de la salsepaille -, mais néanmoins on ne peut plus banal.
On ne sait comme l'Ancien avait réussit à charmer le loucheux marchand si loin de ses terres, le bouchard à oreille ou la rumeuse, pour sûr disait t'on. En réalité, c'était le vieil homme qui avait entendu parler du luron des venelles et de la contrebande de liqueur de morue qu'il avait mit en place. Le vieil homme en raffolait. Et c'est sûrement pour préserver son image de samaritain grisonnant qu'il préférait éviter que s'ébruite l'existence de son troque d'alcool sur longue distance.

Sepianos, au courant depuis longtemps après avoir cédé à la curiosité, ne vendit jamais la mèche. Et en ce jour d'avril de l'an 1164, alors qu'il venait de dépasser Conques, il s'arrêta un instant pour étudier un bosquet de Champerelle qui fleurissait au pied d'un chêne. S'il appréciait les plantes, il préférait les fonges, leurs vertues différentes et souvent puissante. En consommait t'il de temps en temps au effets curieux, mais avec partimonie, toujours.
Ceux qu'ils toisaient en cet instant était de simple agrémenteur de bouillion à la chaire ferme. Un met privilégié du peuple et des gorets. Il lui fallut d'ailleurs un temps considérable à remarquer la laie et la bête noire qui patientaient dans l'ombre des ronces, tout autant pour distinguer la nuée de bête rousse qui s'enfuyaient dans ses pattes. La charge fut brutal, de sa position il ne put que soulever un bras pour éviter d'être embroché dans le grallion. Cela le sauva pour un temps du moins. En cet instant, il était encore peu conscient des conséquences de cette rencontre porcine. Aussi remplit t'il sa mission blessé, mais point pertubé pour autant.

« Eh toi ! Le Grand ! Oh ! Le Gros ! Foutre d'huître recul d'un pas, deux ! Ouais la Souche, c'est à toi que j'cause. On bouge plus viandard. Ramm'nez vos miches les ferailleux, y en na un qu'essaye de rentrer ! »
Garde des portes

Une bonne clinquante qui résonna à jamais dans son esprit comme le jour ou il perdit ses droits. Peu après sa dernière visite en Marbrume, il avait regagné son hameau et la chaleur de son foyer. Meurtrit certe, l'entaille mit un temps considérable à cicatriser, surement dût aux mélanges de boue stagnante qui tapissait les défenses des gorces. Quoi qu'il en soit, quand les premières rumeurs commençaient à arriver de l'Est, Sepianos n'était toujours pas guérit. Il se fit réprimander nombres fois par l'Ancien qui le jugea coupable d'avoir mal jugé. Et c'est sur ces dernières remontrances que le vieil homme rejoignit sa femme une matinée d'août. Comme s'il avait décidé qu'il était temps de changer d'air avant l'arrivé du bousin sur terre. Sacré Ancien.

Les Geidis n'eurent pas le temps de le pleurer, Sepianos non plus. De toute part on affluait avec des sombres nouvelles. La Fange était en route et elle bouleverserait le quotidien de chacun. Les premiers moment furent synonyme de travail intense, on en venait à réclamer à leurs portes des remèdes contre les maux sans discontinuer. Cette manne providentielle passa rapidement, bientôt les étrangers furent plus désireux de sécurité et amenèrent avec eux l'avidité et la colère. Des tensions naquirent partout et bientôt et l'hiver venant, ils durent fuir pour préserver leurs vies des surins des bandits qui convoyaient leur demeure.

Loin de la cité, les Geidis n'eurent pas vent de l'affaire de Sarosse. Aussi, quand ils se présentèrent en octobre aux portes de la cité, la sanction tomba. Sepianos fût prit pour un banni, la marque qu'il portait sans honte sur le bras le trahis. On ne fit pas grand cas de son cas à lui et il doit la vie à la surprise qu'il créa en projetant le garde dans les taillis avant de fuir sans demander du reste. Ainsi, il scella sa fausse culpabilité et devint un des non admis.
L'année qui suivit lui demanda de nombreux efforts, il frôla mainte fois la mort, que ça soit sous les crocs des morts ou des fripons. La sécurité relative que lui offrait le village des gens qui partageaient son sort ne lui plaisait guère. Les fortes têtes qui y imposaient leurs lois ne représentaient pour lui que la lie de ce monde, néanmoins il prit son rôle à cœur, celui de l'herborateur qui répare s'il le peut en troquant savoir contre frileux repas.