Le grand jour. [Ethaïs]

Fenrir se réveilla juste avant l’aube. Couvert de sueur et le Coeur palpitant, il avait réussit à ne pas crier dans son cauchemar. Depuis qu’il était petit, il était victime de terreur nocturne, surement dû aux mauvais traitements qu’il avait subi.
La bâtisse était calme, paisible… Silencieuse. Les filles dormaient encore et c’était tant mieux. Très bientôt le ”Plat du Jour” fourmillait d’activité… Le tenancier sorti de sous les couvertures et entreprit de mettre ses braies dans l'obscurité la plus totale. Sur sa table de nuit, il tâtonna pour trouver sa chandelle de suif et son briquet à amadou. La petite flamme vacilla quelques minutes avant de se stabiliser et de grandir jusqu'à donner une lumière suffisante pour mettre un pied devant l’autre.
Fenrir s’installa à son bureau et chercha du vélin vierge, ce qui devenait de plus en plus rare.
Il en trouva quelque morceau et sépara la feuille en trois colonnes. Une pour le nom de sa future employée, une pour son surnom et la dernière pour son âge.
Sur un autre morceau, il noterait d’autres informations comme si elle savait lire et compte, si elle avait des enfants, si elle avait des compétences spécifiques comme la couture ou la cuisine. Après avoir laissé l’encre sécher il prit ses papiers, un encrier et une plume qu’il descendi dans la grande salle. Il entreprit alors d’aménager la salle.

La grande table se placerait devant les portes afin d’y noter le nom des jeunes filles et de faire une première sélection uniquement basée sur les traits de leur visage. Il serait assis là, étant le seul qui savait écrire. Derrière lui, Satine et Iris partageraient le groupe en deux afin de vérifier que les filles n’aient pas de maladie ou de blessures pouvant nuire à leur futur métier. Elles même feraient une sélection parmi ce groupe. Quand le flot de candidates aura cessé, Fenrir viendrait lui-même faire un choix, appuyé par une discussion brève avec les intéressées et surtout en accord avec ses deux employées actuelles. Fenrir donnerait d’ailleurs le rôle de madonne à Satine. Plus âgée qu’Iris, elle en devenait moins “rentable” et avec son expérience elle pourrait former le jeune plus facilement. Elle serait leur nouvelle maman pour ainsi dire.

Le jour commençait à poindre quand Fenrir eu fini d’agencer la pièce a sa guise. La table en chêne barrait le passage aux candidates, des canapés les attendaient derrière, prêts à recevoir leur assise…

Fenrir profitait ainsi de son moment de solitude, observant le soleil à travers la fenêtre. Il ne sentait pas le froid et n’y avait jamais été sensible… Un bruit de pas feutrés dans les escaliers le fit se retourner. Il y vit un visage familier et un demi sourire illumina son visage quelque instant tandis que sa voix caverneuse résonnait dans le silence.

- Ah, c’est toi.

Avachie sur son lit, la jeune femme réfléchissait. Le grand recrutement commencerait demain. Il n’y avait plus de vie depuis quelques jours ici et cela la peinait énormément. Les filles indésirables avaient été virées, en bref il ne restait qu’elle et Satine. Sans compter sur le gérant, mais ce dernier ne vivait pas avec elles. Les journées étaient donc interminables, en dehors des tâches ménagères, il n’y avait pas grand-chose à faire. Qui plus est, Iris avait encore mal au niveau des épaules depuis son dernier client et ses gestes étaient limités.

« Je peux entrer » fit une voix au seuil de la porte.

D’un signe de tête, la jeune femme lui indiqua oui. Elle se retourna pour scruter le plafond. Elle était anxieuse des filles qui se présenterait. Faire un choix, et peut-être les voir voler les clients les plus fortunés grâce à une autre beauté et fraicheur que la sienne. Après tout, depuis le temps ils étaient habitués à voir son minois. Certains l’avaient même connu enfant et l’avait observé grandir de loin.

« Tu te tracasses pour rien. Vois le bon côté de cette situation, Fenrir te fait confiance pour l’aider dans cette tâche. Puis tu verras, je suis sûre que nous nous amuserons bien ! Des nouvelles têtes, des histoires à raconter, nos journées seront à nouveau bien remplies. Puis, les tâches ménagères iront aussi plus vite. » Termina-t-elle avec un clin d’œil avant de s’asseoir sur le lit et de caresser la chevelure d’Iris.

« Tu as raison. » Lâcha Ethaïs en se laissant dorloter.

« Repose-toi et profites d’une bonne nuit de sommeil. La journée de demain risque d’être longue »

Un sourire se dessina sur le visage de la blonde. Les bras de Morphée m’étaient bien du temps pour l’accueillir en ce moment. Elle était très anxieuse pour de nombreuses raisons, autre que le recrutement. De temps à autre, elle se demandait si son avenir lui réservait de bonnes choses comme connaitre l’identité de son paternel ou apprendre à lire pour sortir de ce milieu.
Au fil de ses pensées et des caresses de Satine elle sombra dans un profond songe. Toujours le même qui la tourmente chaque nuit. Elle ne sentit même pas la future madonne quitter sa chambre.

*
**

Le soleil avait envahi la pièce. Les rayons chatouillèrent les pieds dévêtus de la jeune femme. Bouillonnante et transpirante, cette dernière se réveilla avec difficultés. La tête lui tournait énormément. « C’est un comble d’attraper quelques choses alors que nous sommes seulement en automne. » s’insurgea-t-elle tout en se redressant dans le lit. Ses cheveux étaient plaqués contre ses tempes ainsi que sa chemise de nuit. Elle dévoilait ainsi toutes ses formes, même les plus intimes.

Iris posa un pied, puis l’autre avec prudence. Elle avait peur de perdre connaissance ou de tomber brusquement. Cela lui était déjà arrivée par le passé quand elle avait attrapé froid. En effet, la jeune femme était de constitution fragile et le moindre microbe qui passait était pour elle.

Ethaïs s’approcha de la commode où trônait une bassine d’eau. Avec déception, elle constata que cette dernière était à moitié vide. Il n’y avait pas de quoi se laver correctement. Bougonnant, elle ne prit pas la peine de mettre un châle, pensant que tout le monde dormait encore, et se dirigea avec les escaliers pour rejoindre les cuisines.

A peine eut-elle commencé à descendre les escaliers qu’elle aperçut le gérant de la maison close. Avec pudeur, elle décolla le tissu tant bien que mal et croisa les bras sous sa poitrine d’un air gêné.

« Désolé, je ne souhaitais pas te déranger. » Répondit-elle d’une voix tremblante.

Iris se passa une main dans sa chevelure et ramena les longueurs sur le devant de son torse. Elle termina sa descente pour arriver à la hauteur de Fenrir.

« Quand est-ce que commence le recrutement exactement ? » s’hasarda-t-elle espérant cacher son état de santé.

Malgré son teint craie, les pommettes de la jeune femme se poudrèrent de roses, cachant ainsi les rares tâches de rousseurs qu’elle possédait. Ces couleurs lui donnèrent une toute autre mine que celle d’un cadavre. Elle baissa les yeux, fuyant son regard. Non par impolitesse, mais elle était gênée de la situation, d’autant plus que Fenrir ne l’avait jamais laissé indifférente.

« Désolé, je ne souhaitais pas te déranger. »

Un nouveau sourir apparut sur les lèvres du jeune homme. Il n’avait jamais vraiment eu de temps pour lui et à chaque tentative une événement impromptue gâchait tout cela. Il s’était résigné à n’avoir la paix que lorsqu’il dormait et encore. Quand les chambres était encore occupé, certaines filles faisaient des cauchemars et venait le réveiller pour avoir une épaule sur laquelle pleurer. Étant donné son mutisme, il ne disait rien et ne faisait qu’écouter. Et puis ses propres cauchemars ne le laissaient pas en paix non plus.
Il se tourna complètement vers elle pour l’observé, sa voix n’étant pas aussi énergique qu’à l’habitude. Il la trouva frigorifié et plus pâle encore que la journée. Il fronça les sourcils et mit un petit tempes avant de répondre a sa question.

- Peu avant midi.

Il y eu un autre silence puis Fen le brisa à nouveau.

- Tu devrais remonter et te recoucher. Tu vas attraper froid. Tu sera encore plus malade qu'à l’instant.

Fenrir se dirigea vers les cuisines afin d’aller l’âtre. Pour le petit déjeuné, ils se contenteront de pain dur et d’un bouillon d’herbes. Fenrir soupira et rempli de le chaudron d’eau glacée avant de le placé au dessus des flammes vacillantes pour le moment. Il retourna dans la grande salle pour vérifier que tout était en ordre puis voyant que la jeune fille n’aillait pas l'écouter, une fois de plus, il alla chercher une couverture en laine dans un des coffres caché derrière le bar. Il s’affala sur un des canapés usé et tapota l’assise à côté de lui pour lui indiquer son intention. Il savait qu’il aurait trop chaud sous cette couverture mais cela conviendrait surement plus à Iris. Elle semblait encore plus fragile dans cette lumière grisâtre, plus frêle et malade.
Ce qu’elle était surement. Il faudrait la ménager pour ne pas empirer son mal, mais il avait désespérément besoin d’elle et de son expertise.
Le tenancier réfléchit à ça en attendant que la jeune fille ne daigne s’asseoir à ses côtés afin qu’il lui prête un peu de sa chaleur.
Cette pensé le fit sourire, c’est une expression qu'utilisaient beaucoup leurs clients mais pour cette fois c’est pour son sens littéral qu’il l’avait utilisé...

Fenrir hésitait beaucoup a fermé le bordel quelques jours afin que les nouvelles prennent leurs marques et qu’elles puissent être formées tranquillement par Satine et conseillées par Iris. La maladie de la seconde serait également un bon prétexte et l’argent du Comte compenserait surement le manque à gagner.
Fenrir avait également l’intention de lui faire part de certaines choses. D’abord il voulait rénover le bâtiment et pour cela il avait besoin de l’accord de son associé puis le Comte de Rougelac avait aussi un mot à dire à propos des filles même si il avait refusé d’avoir le dernier mot. Il faudrait le prévenir une fois le recrutement terminé afin qu’il puisse venir jeter un oeil.

Un long silence s’était installé à cause des réflexions en chaîne du tenancier. Il se releva rapidement pour aller ajouter les herbes donc le bouillon avait besoin et y ajouta un peu de graisse animal afin qu’il tienne un peu plus au corps. En revenant il s’arrêta un moment pour observer à nouveau la jeune femme, immobile et à moitié nu. La situation ne le gênait pas le moins du monde. Après tout ils avaient élevés ensemble et les bains avait été partagés plus d’une fois jusqu'à la puberté des deux jeunes gens.

Fenrir était bien silencieux. S’inquiétait-il de son état ? Il fallait bien le croire et elle en était touchée. « Avant midi… J’ai encore quelques heures devant moi pour me remettre sur pied ! » Songea-t-elle en esquissant un léger sourire pour le convaincre que son état n’était pas si catastrophique que cela.

Le silence régna en maitre, angoissant la jeune femme qui ne savait que dire pour le briser. Elle se sentait fébrile, mais avait juste besoin d’un peu d’eau, de nourritures ainsi qu’un bon lavage. Ethaïs était d’ailleurs en bas pour cette raison et tenta d’échapper à la situation avant de se faire sermonner sur son état. Et cela ne manqua point d’arriver. Elle ferma les poings et fronça les sourcils. Il pouvait être très protecteur, mais elle n’était pas d’humeur à entendre ces paroles.

Iris manqua d’ouvrir ses lèvres pour laisser échapper quelques mots mais s’en avisa bien. Elle scruta Fenrir et ne bougea pas d’un iota, le défiant presque du regard de la remettre au lit de force. Il partit alors. Ethaïs poussa un soupire à peine audible et se détendit légèrement. Elle ne pensait pas avoir une forte fièvre, mais avec les courants d’air et les allées et venues de nombreuses personnes les maladies entraient ici sans y être invitées.

La jeune femme le regarda revenir et s’approcha un peu pour tenter de détendre une atmosphère qu’elle avait rendu un peu glaciale sans le souhaiter. Elle lui était reconnaissante de lui donner une once d’importance ici ainsi qu’un brin d’amour qu’on aurait pu qualifier de fraternel ou amical. Ils se connaissaient depuis tellement longtemps.

Le voyant revenir avec une couverture, elle le laissa faire avant de se mettre à ses côtés et de s’engouffrer dans une chaleur tant humaine que réelle. Ses muscles se décontractant, elle le laissa porter son poids sans plus s’en soucier et se blottit contre son torse. Ces moments étaient tellement rares avec son métier qu’elle en profitait au maximum.

D’un coup d’œil discret, la prostituée scruta le visage de son tenancier et fronça les sourcils. Il semblait être préoccupé par le recrutement ou autre chose. Néanmoins, elle n’eut le temps de l’interroger que le voilà reparti, certainement vers les cuisines pour préparer un semblant de repas. La couverture sur les épaules, elle se redressa dans le canapé et attendit son retour.

« Tu as l’air soucieux. Si cela provient de mon état et du recrutement, dans quelles heures je me sentirai bien mieux. Si cela est autre chose, dans ce cas je suis une oreille attentive et si mes conseils peuvent être utiles, j’en serai plus que ravie. »

Elle marqua une pause avant de se lever emmitouflée dans la couverture de laine.

« Avant que Satine n’arrive pour le repas, peut-être pourrais-tu m’aider dans ma toilette et à ressembler à quelque chose de présentable pour nos futurs filles ? » Demanda-t-elle avec une pointe de gêne. Néanmoins, elle ne se sentait pas vraiment en état pour faire chauffer la marmite et verser le contenu dans la bassine qui leur servait de baignoire.

Elle dévisagea Fenrir et s’approcha de lui pour arriver à sa hauteur malgré sa petite taille.

« Et si tu me parlais davantage de tes attentes envers moi par la suite, du bordel et du recrutement. Sur quelle base dois-je partie avec Satine pour choisir les filles ? Les préfères-tu vierges ? Expérimentées ? Un minimum intelligente ? Sans ses indications, cela sera difficile de faire un choix qui nous plaira à tous ! »

Fenrir la regarda encore. Elle semblait bien trop faible pour pouvoir supporter une journée comme celle qui s’annoncait. Sans s’en rendre compte il fronça les sourcils. Il ressemblait à un lien sans crinière dans cette lumière faiblarde. Fen s’approcha d’elle et prit son menton entre son pouce et son index pour qu’elle ne bouge pas la tête. Les sourcils toujours froncés, il la délaissa quelque secondes avant de poser ses lèvres sur le front de la jeune femme. Il claqua ensuite de la langue signe de désapprobation. Sa voix brisa a nouveau le silence qui s’était installé.

Tu n’as pas trop de fièvre mais tu as intérêt à te reposer avant qu’on ne commence.

Il se souvint alors que Satine l’avait prévenu de ne pas l’attendre pour le petit déjeuné et il indiqua alors à Iris de se diriger vers la cuisine avant d’aller à la salle d’eau. Arrivé au chaud, il lui tira sa chaise et lui servit un bol de bouillon avec du pain un peu dur. Fenrir s’assit en face d’elle et entreprit de ramollir le pain en le trempant dans le liquide bouillant.

Je ferrais bouillir ton bain quand tu auras fini de manger.

Il la regarde manger en mastiquant lui même sa miche de pain sans grand appétit. Il repensa à leur enfance. Elle avait bénéficié de l’amour d’une mère et d’un père au moins les deux premières années de sa vie. Fenrir avait revu cet homme il y’a quelques jours mais n’avait pas voulu le laisser entrer. D’une part parce qu’il ne savait pas si Iris désirait le revoir et d’une autre part parce qu’il ne lui faisait pas confiance. En même temps, il ne faisait confiance qu’au deux personnes vivant sous son toit.
Cela lui rappelait une histoire. Le jeune Fenrir avait encore fait le mur pour aller retrouver sa donzelle et les petits yeux d’Iris l’avaient remarqués. Il avait du lui donner ses desserts pendant une semaine pour qu’elle n’aille pas raconte son escapade au vieux.
Un sourire se dessina sur ses lèvres. D’une voix un peu plus enjoué il entreprit de lui expliquer son rôle future.

Je vais choisir les filles aux premiers regards, ton rôle à toi sera de discuter avec elle pour savoir si elles auront le courage et le sang froid pour faire ce métier Iris. Tu l’es et je m’étonne encore que tu ne sois pas tombée gravement malade. Ensuite, il faudra voir si physiquement elles pourront satisfaire nos clients.

Une ombre passa dans son regarde et son ton se rafermi.

Satine et toi savez ce qui leur plait, il faudra que vous m’en fassiez part et que l’on décide qui l’on garde. Je pense que Satine saura donner les chambres et les rôles a jouer sans notre aide.

Il posa un regard triste sur la jeune femme assise en face de lui. Il n’avait plus faim et après un long silence, sa voix se brisa.

Je suis tellement désolé que tu sois obligée de faire ça pour vivre Ethaïs. J’aurais voulu que tu trouves un mari et qu’il t’enlève a cet endroit. Quitte à ne plus de te voir …

Ethaïs appréciait ses rares moments intimes qu’ils avaient. Depuis que Fenrir avait grandi et avait pris une place importante au sein de la maison close, ces moments étaient devenus rares. Elle le considérait comme un frère, un père, et parfois plus mais ses sentiments devaient se taire et rester discret pour ne pas rendre leur relation étrange ou froide.

« Oui je me reposerai, juste après ma toilette et le déjeuner. Sinon je risque de m’effondrer avant la fin de la journée. » Dit-elle avec un faible sourire.

Les lèvres de la catin étaient blanches, la faim régnait dans son être tout comme la fatigue. Elle croisa son regard dans le grand miroir entreposé au-dessus. « En effet, je fais peur à voir » Pensa-t-elle avant de poser ses yeux sur Fenrir qui partait déjà vers la cuisine. Emmitouflée dans la couverture, elle le suivit et prit place sur le banc.

La chaleur était devenue étouffante. La couverture chut alors sur le banc, tandis que la jeune femme bascula la totalité de sa chevelure en arrière pour ne pas être embêtée lors de son repas. De temps à autre, elle croisait le regard du tenancier, ses joues s’empourprant à chaque fois.

Le pain était si dur, qu’Iris le fit tremper plusieurs minutes dans le bouillon avant de pouvoir le mâcher correctement. D’un air amusé, elle vit qu’elle n’était pas la seule à galérer pour avaler ce maigre repas. Le silence s’installa en maître, les oiseaux chantaient dans la petite cour. Ethais se laissa bercer tandis qu’elle terminait son bol, légèrement pressée de prendre un bon bain.

Iris reposa sa gamelle avec presque un air triomphal sur le visage. Elle zieuta son interlocuteur tout en se redressant sur le banc.

« Satine devient une sorte de gouvernante, si je comprends bien. » Demanda-t-elle sous la forme d’une question indirecte avec une petite pointe de jalousie.

Elle se leva alors pour étudier les propos de Fenrir et déambula presque nerveusement dans la cuisine. Au passage, elle récupéra les bols pour les mettre dans la bassine et préparer la prochaine vaisselle s’il lui restait de l’eau après son bain. Après tout, le puit était relativement loin et la journée s’annonçait très longue.

« Je fais attention aux clients avec lesquels j’offre mes services, voilà tout. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas attrapé la syphilis ou autres maladies » Dit-elle en brisant le silence avant de s’asseoir juste à côté de Fenrir.

Elle prit le gobelet posé non loin d’elle et le remplit d’eau. Elle se désaltéra avant de le reposer un peu trop violemment sur la table.

« Tu sais… Quel homme voudrait d’une femme telle que moi ? Je ne suis plus vierge, je n’ai aucune éducation, aucune dote, rien à apporter en dehors de l’amour et de la douceur. »

Iris était néanmoins touchée par sa dernière phrase.

« Puis même si cela arrivait, tu sais très bien que tu comptes énormément à mes yeux et les occasions sont toujours bonnes pour te voir. » Reprit-elle en lui déposant un baiser sur la joue.

Elle quitta le banc pour s’emparer d’une marmite propre et la remplir du peu d’eau potable qu’ils leur restaient. Elle retira du feu le bouillon pour y installer la sienne. Tout en gardant un œil sur Fenrir, elle se débarrassa de sa chemise de nuit et la laissa choir dans la corbeille de linge commune avec Satine. En effet à tour de rôle, les filles s’occupaient de la lessive de l’autre depuis que le bordel était vide.

« Peux-tu m’installer la grande bassine en cuivre avec un linge à l’intérieur, ainsi qu’y mettre un peu d’eau froide et d’y verser l’eau chaude au fur et à mesure ? » Demanda-t-elle avec le sourire, ayant repris quelques couleurs.

Fen attendit quelques instants avant de briser le silence qui s'était à nouveau installé.

- Moi. quelques secondes s'écoulèrent avant qu'il ne reprenne. Si je n'étais pas ton parton je t'épouserais surement.
Le métier que tu pratiques ne reflète pas le femme que tu es. Il démontre aussi que tu es forte et courageuse, prête a tout pour t'en sortir. Et puis tu sais tenir une maison ...

Ses joues se colorèrent intensément et le jeune homme détourna la tête avant de se racler la gorge et de murmurer.

- Et puis ... Tu es sublime.

Il lui jeta un petit coup d'oeil timide, prenant une nouvelle cuillère de bouillon pour ne pas avoir à la regarder dans les yeux. Le rouge toujours aux joues il reprit.

- Tu serais toujours la bienvenue ici, quelle que soit la raison de ton retour. Tu le sais.

Elle s'approcha de lui et lui déposa un baiser sur la joue. C'était si doux que le jeune homme frissonna sans le vouloir. Cela faisait des semaine qu'il n'avait eu aucun contact humain, restant enfermé dans sa chambre afin que ce jour soit aussi bien organisé que possible et que rien ne vienne le déranger. Rien. Pas même une poignée de main. Il ne ce nourrissait que de pain et d'eau et avait un peu maigri, ses joues se creusait légèrement et lui donnait un air plus maladif qu'à l'habitude. La jeune femme se leva et il la suivit des yeux, admiratif tant sa façon d'être était gracieuse. Chacun de ses gestes étaient emplis de grâce et de féminité. Le tenancier comprenait aisément pourquoi ses clients revenaient sans cesse, ne serait-ce que pour la voir chanter et danser. Quand elle fit tomber sa chemise devant lui, Fenrir ne détourna pas les yeux cette fois. La nudité n'était pus taboue depuis longtemps, la séduction un peu plus. Le fait qu'Iris se retrouve nue devant lui n'avait plus rien d'anormal, ils avaient grandi ensemble et il l'avait vu devenir une femme bien avant les autres. Mais cela ne l’empêcha pas de rosir quand même.

La voix douce de la jeune femme le tira de sa contemplation et il s’exécuta sans discuter. La bassine de cuivre avait été reléguée dans un établi dans la cours du bâtiment. Le froid matinal ne gênait pas le gérant et c'est en caleçon qu'il sorti la chercher. Le jeune homme ramena le baquet dans la cuisine, la salle de bain de l'étage étant aménager pour recevoir les futures travailleuses à moitié nues ...
Il se dirigeât ensuite vers le coffre de bain, sortant un drap propre de ses entrailles ainsi qu'un pain de savon. Il déposa doucement le drap dans le baquet et sorti chercher un sceau d'eau au puits. L'eau glacée tomba au fond du récipient dans un bruit fort agréable. Fenrir prendrait surement un bain après la jeune femme ... Il en avait besoin. De l'eau bouillante de la marmite vint réchauffer le tout. Il regarda a nouveau son amie et sourit à la vue des couleurs qu'elle avait repris rien qu'en mangeant un peu. Il avait toujours peur qu'elle se casse une jambe, c'est pourquoi il lui tendit la main pur qu'elle puisse s'y accrocher en entrant dans l'eau. Une fois assise, le tenancier approchât le banc du foyer afin de pouvoir verser l'eau chaude dans la baignoire. Il avait au passage attraper un linge et l'avait imprégné d'eau pour qu'elle puisse se laver plus facilement, il lui tendis doucement avec un sourire avant de s'asseoir. Docilement, il verserait de l'eau dans la baignoire à la moindre demande de la demoiselle. Après quelques minutes de silence, sa voix rauque emplie a nouveau la pièce, le sourire aux lèvres.

- D'ailleurs, on en a jamais parler mais ... Tu as un type d'homme toi ?

Sujet: Re: Le grand jour. [Ethaïs] Dim 3 Sep 2017 - 14:39

Du coin de l’œil, Iris n’avait perdu une miette des réactions de son patron et ami. Elle rougissait de son côté également. Elle n’avait jamais su quels sentiments éprouvait-il à son égard. Et à vrai dire, cela la rongeait quelque peu. De nature très curieuse, elle avait un besoin constant de connaitre, de savoir et de se l’approprier. Cela passait par des observations, longues et silencieuses, ou des questionnements incessants. Concernant Fenrir, elle ne savait comment l’appréhender pour creuser davantage ce sujet.

Du regard, la catin suivit les moindres faits et gestes du mâle qui lui faisait face. Elle ne l’avait guère vu ces derniers jours et s’inquiétait de son état de santé. Les joues creusées, le teint blafard. Un mort. Rien de plus, rien de moins. « Les affaires tournent si mal que cela ? Ou est-ce le recrutement ? » S’interrogea-t-elle, sa lèvre inférieur sauvagement attaquée par sa canine.

D’un geste délicat, elle attrapa les casseroles en étain, entreposées sur le rebord de l’évier pour les suspendre aux crochets situés sur la cheminée. Les traces d’usure étaient visibles, mais elles étaient encore fonctionnelles bien qu’elles accrochaient facilement, poussant ainsi les filles à les graisser régulièrement. Néanmoins, les départs, Ethaïs ne s’en était pas occupée. Et à vrai dire, rien qu’à cette pensée, elle haussa les épaules. Cela n’avait guère d’importance en ce moment. En dehors des légumes en bouillon, avec le pain ranci, donné généreusement par la boulangère lorsque la jeune femme déambule tôt le matin dans les ruelles du marché. Elles n’avaient donc pas servi depuis un bon mois.

Tandis que le tenancier revenait, la bassine de cuivre, fraiche en raison des températures descendantes, Iris avait pris place sur les bancs, scrutant la marmite où l’on pouvait entendre l’eau bouillonné. Elle aimait cette mélodie, rompant le silence, apaisante. Elle se laissa bercer, ne quittant du regard son ami d’enfance. Il avait toujours été aux petits soins. Elle avait beaucoup d’admiration à son égard, malgré qu’elle ne fasse peu paraitre, de peur de se trahir également sur ses sentiments pour sa personne.

Alors qu’Ethaïs s’apprêtait à se lever pour l’aider à installer la baignoire, une vive douleur la prit de court. Elle en eut le souffle coupé. « Satanés clients ! » Pesta-t-elle, composant un visage paisible pour ne point alarmer davantage Fenrir.

Lorsque tout fut mis en place, la belle s’avança pour y plonger les jambes. L’eau était chaude, tandis que le cuivre d’une fraicheur incroyable. L’air, tout aussi frais, lui donna la chair de poule. Aider du tenancier, elle plongea dans le bain, heureuse d’être à nouveau en sa présence, comme au bon vieux temps. Elle lui fit signe de continuer à verser l’eau chaude. Sa poitrine, cachée à présent dans l’eau turquoise, Iris lui demanda d’arrêter avant que la baignoire ne déborde.

Elle attrapa le tissu et le pain de savon. L’odeur de lavande lui titilla les narines. Elle éternua avant de le frotter énergiquement sur ses bras et de frotter avec le linge. Manqua-t-elle de s’étrangler à la question de son ami. « Où souhaite-t-il en venir ? » Se demanda-t-elle en fronçant les sourcils. La pièce se replongea dans un silence pesant. Seul le clapotis de l’eau sur les rebords de la baignoire était perceptible.

« Euh… » Dit-elle, les joues rougies par les émotions.

Ses prunelles se posèrent sur Fenrir, tandis qu’elle se tournait légèrement pour lui faire face.

« Tu as toujours des questions embarrassantes, je dois le reconnaitre. » Continua-t-elle, essayant de gagner du temps pour lui offrir une réponse convenable.

Elle n’osa le faire et lui donner une réelle réponse. Ainsi, se contenta-t-elle d’une simple explication, tandis qu’elle lui fit signe d’approcher.

« Ne veux-tu pas me rejoindre dans la bassine, elle est assez grande pour deux… » Commença-t-elle avec une timide proposition. « C’est vrai que la question ne s’est jamais posée. Mais pourquoi se pose-t-elle aujourd’hui ? Aurais-tu quelqu’un à me proposer ? » Continua-t-elle sur le ton de la rigolade, pour détendre l’atmosphère et éviter de rentrer dans le vif du sujet.

Néanmoins, elle comprit rapidement que la question était des plus sérieuses et se stoppa net. Elle prit une grande inspiration, avant de délaisser le linge et le pain de savon sur le sol de la cuisine.

« Mince, légèrement musclé, brun avec une barbe de quelques jours, pas trop âgé, mais pas trop jeune non plus. Dans notre tranche à nous quoi… Après, les qualités qui me font fondre sont : la gentillesse, la serviabilité, sa franchise… » Finit-elle par répondre, dérobant son regard pour ne point que la gêne se fasse lire. « Quelqu’un comme toi. » Termina-t-elle dans un souffle à peine audible.

Sujet: Re: Le grand jour. [Ethaïs] Jeu 28 Sep 2017 - 23:31

Son éternuement le fit fondre.
A la lumière du feu elle semblait plus fragile encore et une envie protectrice envahit le jeune homme tout entier.
En réalité, il ne voulait pas la voir partir. Il voulait la garder pour lui, pour lui seul. Mais cela aurait été égoïste et surtout, il avait peur qu’elle disparaisse comme l’avait fait la fille du boulanger après qu’il lui ait avoué ses sentiments. Il avait poser cette question pour être sûr que rien en serait possible … Qui pourrait aimer un homme comme lui ? Il n’était pas beau, pas musclé et encore moins riche. Il était muet et irascible …
Il n’avait que des défauts à ses yeux alors qui pourrait lui trouver des qualités. Si Iris était gentille avec lui c'était surement parce qu’ils avaient été élevés ensemble, rien de plus.

« Tu as toujours des questions embarrassantes, je dois le reconnaître. “

Il lui sourit. L’un de ses rares vrais sourire. C’est vrai qu’il avait le chic pour poser les mauvaises questions aux mauvais moment. Ca serait toujours le cas, même quand il aurai des cheveux blancs et des dents en moins.

A son invitation le jeune homme hésita … Et si son corps s'emballait au contact du sien et …
Fenrir rougit rien qu'à l’idée mais ne se démonta pas et se leva doucement. Il alla rapidement chercher un linge pour lui et se dévêtit rapidement. Il se glissa dans la bassine face à Iris, essayant de ne pas l’écraser. Plus facile à dire qu'à faire. C’était plus facile quand ils étaient enfants !
La réponse à sa question en vint que plus tard et pendant se laps de temps, son coeur cognait fort dans sa poitrine. Il voulait une confirmation qu’elle ne l’aimait pas mais il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir un minimum d’espoir.
Elle avait tenté de faire de l’humour mais le jeune homme était resté si sérieux qu’elle prit une grande inspiration avant de lui répondre.

« Mince, légèrement musclé, brun avec une barbe de quelques jours, pas trop âgé, mais pas trop jeune non plus. Dans notre tranche à nous quoi… Après, les qualités qui me font fondre sont : la gentillesse, la serviabilité, sa franchise… Quelqu’un comme toi. »

Quelques secondes passèrent avant qu’il ne réalise la fin de la phrase … Puis il piqua un phare monumentale en se redressant soudainement dans le baquet. Tellement soudainement il le fit déborder et que de l’eau se répandit partout dans la cuisine …
Il regarde fixement la jeune femme sans mot dire, trop abasourdi pour sortir le moindre son.
Alors elle aussi … Son coeur s’était emballé, il se sentait plus léger et en même temps tellement lourds. Des papillons voletaient dans son estomac … Alors elle aussi !
Il avala difficilement sa salive, oubliant totalement le fait qu’ils soient tous les deux nus dans l’eau, et lui demandant de sa voix grave devenue chevrotante.

- Tu ne dis pas ça juste pour me faire plaisir hein ?

Un sourire, il attendait juste un sourire.
Quand celui-ci vint, le jeune homme se pencha vers Iris, pris son visage délicatement dans ses main et poser le plus doux des baisers sur les lèvres roses de la jeune femme.