Marbrume


Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal
Le deal à ne pas rater :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : où l’acheter ?
Voir le deal

Partagez

 

 [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
InvitéInvité
avatar



[Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] Empty
MessageSujet: [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods]   [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] EmptyLun 3 Juil 2017 - 13:50
Octobre 1165

L’incendie de l’Albatros, c’était l’occasion de mettre un peu de beurre dans les épinards. Elle le pensait sans honte, persuadée de partager cette avidité avec tous ses concurrents.
Bon, son établissement ne valait pas celui qui s’étendait jusqu’à peu sur la Grande Rue, c’était avant tout un repère de bons gars qui avaient plus ou moins encaissé la Fange. A ceux-là c’étaient ajoutés les réfugiés, un brin désespérés, quand ils avaient trouvé – ou pas – une situation qui leur permette de se rafraîchir le gosier. Mais, de ce point de vue-là, elle s’estimait chanceuse : sa faune d’habitués avait su rester accroché au Sourire de Serus comme une foule de coquillages et d’algues, filtrant le bon grain de l’ivraie en décourageant les trouble-fêtes de venir semer la zizanie dans leur dernier repère pendant la fin du monde.
Une sorte de milice, pur produit du Labourg celle-là, qui sans lui éviter de charrier de la vermine, lui permettait de toujours prononcé le nom de son établissement la tête haute. Ou de toujours le prononcer tout court, quand on songeait aux ruines du bar deux rues plus loin.

Ce soir, à peu près une semaine après l’incident de l’Albatros, elle avait en plus la chance de produire un artiste ambulant moins mauvais que les autres fois, un nouveau qu’elle avait dégotté sur une place de marché et qui avait accepté pour presque rien de jouer sous un toit, pour changer. Elle lui avait fait miroiter d’autres soirs s’il faisait bonne impression, alors elle était sûre qu’il ne ménagerait pas sa peine. De quoi, avec l’affluence récente de clients échoués, la convaincre de prendre une aide pour soutenir le petit monde qui faisait tourner son établissement.
Elle avait fait courir le bruit auprès de ses connaissances, pour faire travailler les méritants, mais elle ne savait comment des imbéciles et des filous avaient eu vent de ses besoins, et elle avait reçu en début d’après-midi un représentant de chaque sorte qu’elle avait congédié en moins de temps qu’il ne leur en avait fallu pour lorgner sur sa bourse.
Cette gamine, c’était la première un peu sérieuse, et peut-être bien la dernière si l’on comptait avec l’angle du soleil. Grisregard, c’était un nom qui lui avait chatouillé l’oreille, mais elle ne savait d’où. Elle ne présentait pas trop mal, était polie et avait vraiment l’air de vouloir bien faire, en plus d’aligner plus de neurones que les deux gigolos précédents réunis.
Sauf que c’était une gamine. Même pas sûre qu’Anür l’ait déjà vue. Volontaire mais frêle : elle se ferait rouler dessus sans parler de porter un plateau avec deux ou trois pintes. Il y avait toujours à faire pour les petites mains décidées, mais lui serait-elle vraiment utile ? Et tiendrait-elle la nuit si elle devait se prolonger ? Le couvre-feu de cet été avait été quelque peu douloureux pour la populace nocturne qui retrouvait avec une volonté revancharde ses marques sous l’œil de Rikni. Et avec le temps coulait l’alcool – il y en allait de sa bourse alors elle y comptait bien ! – et avec l’alcool les mains baladeuses et les accidents. Elle doutait qu’on aille la tripoter mais un coup mal parti et elle serait un poids plus qu’une aide…

Elle hésitait, détournant le fil de la conversation pour que la petite Grisregard continue à vendre ses compétences – cuisiner, c’était utile mais il fallait encore voir ce qu’elle savait faire – utilisant à cet effet ses années d’expérience à tenir un bar et quatre conversations en même temps sans trop étaler sa vie. Mais elle ne pouvait plus tergiverser, il lui fallait prendre une décision.
Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



[Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] Empty
MessageSujet: Re: [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods]   [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] EmptyMar 4 Juil 2017 - 12:46


S'en aller, main dans la main
S'en aller, bien avant que l'heure
Oublier qu'ici on n'est rien
Oublier qu'ici on a peur

Encore une de ces journées grisantes. J'ai beau vivre dans les bas quartiers de la ville, et qui plus est, dans un décor des plus miséreux, il y a toujours quelque chose à se mettre sous la dent pour se remonter le moral. Et mon boulot me donne quelques bottins qui me font rire quelques fois. Ce jour-là, c'était le tour du vieux Jim, un ivrogne au caractère revêche, que peu de gens osent aborder quand il vient se remplir la panse à l'auberge. Il s'était ramené à moitié ivre de bon matin, criant à tue tête qu'il avait perdu son cheval. Ceux qui le connaissent un temps soi peu, savent très bien qu'il n'en possède guère. Ce n'était pas avec un salaire de marchand de breloque ambulant qu'il saurait s'en acheter un. Il s'était ensuite mis à chanter une chanson qui n'avait ni queue ni tête avant de supplier sa mère de revenir et de s’effondrer sur sa chaise. Ce gars-là, c'est le genre de type qui ne ferait pas de mal à une mouche. Personne ne le craint, pas même les enfants qui quémandent le pain. C'est plutôt le genre de personne sur qui on chuchote ou qu'on rit. Je ne sais pas ce qui est pire, que certains se moquent ouvertement de lui, ou que d'autres préfèrent rire dans son dos. Bref, il m'avait bien fait rire. Au fond, je l'aime bien, il est bizarre et complètement cinglé, mais il me fais toujours autant rire.

Après ce petit moment à part, j'ai vécu une journée plutôt chargée. Avec l'auberge qui avait cramé il y a une semaine, les clients se faisaient plus nombreux et plus insistants. Il fallait courir dans tous le sens, à toute heure de la journée comme de la nuit. J'étais épuisée, comme les autres filles de l'auberge. La patronne s'était donc mise en tête d'embaucher quelqu'un de plus dans l'équipe. Et voilà qu'elle enchaînait-elle aussi les candidats qui ne manquaient pas en nombre. Je soupire, assise sur un tonneau, je prends quelques minutes de pauses pour souffler un peu. De la cuisine, j'ai une vue directe sur la patronne qui parle avec une jeune fille frêle. Elle semble si jeune, et pourtant, à lire ses traits sur le visage, elle semble déterminée à prendre la place. Je souris, elle me fait un peu pense à moi quand je suis venue chercher une place ici. Cette même détermination que je lis en elle se lisait aussi sur mes traits. Je me lève en esquissant une grimace, avant de placer derrière Elda. Celle-ci semble réfléchir, hésitante. Étrange, d'habitude, elle sait ce qu'elle veut la matrone. Ce qui ne semble pas être le cas cette fois-ci. La jeune fille continue à déblatérer ses compétences, je pense que je devrais lui donner un petit coup de pouce. Je sais ce que c'est de se retrouver dans la galère, et je ne compte pas la laisser tomber...

Je chuchote à l’oreille d'Elda, un léger sourire aux lèvres :

« Je pense que tu devrais la prendre à l’essai, elle a l'air droite dans ses bottes. Et puis, t'as vu la gueule des autres ? Elles ne pourraient même pas tenir un plateau sans tout foutre à terre par la même occasion. »

Pour appuyer mes dires, je lui montre l'une des femmes mise à l’essai pour la soirée, qui faisait tomber pour l'énième fois une autre pinte de vin.



© By Halloween sur Never-Utopia

Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



[Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] Empty
MessageSujet: Re: [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods]   [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] EmptyVen 7 Juil 2017 - 21:48
Cette offre temporaire, c’était l’occasion de pouvoir décrocher un métier plus stable. Elle le pensait avec une certaine forme d’amertume, peu persuadée que le métier de serveuse soit vraiment fait pour elle.
Bon, sa situation ne lui permettait pas vraiment de faire la difficile, et elle n’était pas du genre à rechigner à la tâche même si elle ne la trouvait pas particulièrement passionnante : un travail c’était sacré. A ces considération s’était ajoutés les tensions, plutôt inhabituelles, qui avait agité son foyer ces derniers jours, et qu’elle cherchait à éviter au moins pour ce soir. Noyer quelques soucis dans un bon lot de d’efforts était une recette qui avait déjà porté ces fruits, même si elle savait que le remède n’était que temporaire. Elle haussa les épaules et les remua pour en chasser les tensions, tirant sur les plis de sa tunique et se passant une main dans les cheveux pour faire bonne figure : de toute façon ce n’était pas elle qui allait arranger quoi que ce soit, autant se tenir à l’écart de la tempête le temps qu’elle passe. Juste l’affaire de quelques jours.
Une sorte de refuge, et qui rapportait celle-là, lui évitant de s’enfoncer dans des zones d’ombre que sa morale personnelle réprouvait et qui ne pourrait lui apporter que des ennuis. Ou pire, si l’on songeait à toutes les histoires qui circulaient depuis que les externes s’étaient réfugiés dans Marbrume.

Ce soir, elle l’avait appris quelques minutes plus tôt en assistant par hasard à un entretien, la patronne cherchait du monde pour mettre la main à la pâte, et elle avait bon espoir que l’offre cache en réalité une mise à l’essai pour une période plus longue. Elle avait passé la journée à trotter d’un bout à l’autre de la ville pour proposer ses bras en échange de quoi la faire tenir un jour de plus, en vain, et avait saisi à la volée cette opportunité. Elle avait frappé avec force mais sans brutalité à la porte, habituée maintenant à vendre ses services de façon convaincante en le moins de temps possible : tout était affaire pour elle de contrats négociés sur place. Quand la porte s’était ouverte, elle était prête, attentive aux expressions de son vis-à-vis, sentant qu’elle hésitait et devinant non sans amertume ses motifs. Mais elle devait jouer le tout pour le tout.

Elle composait ses plus belles phrases lorsque, de derrière l’imposante matrone, surgit une silhouette qu’elle ne discerna qu’à moitié et qui lui lança un murmure qu’Adélaïde ne put saisir. Elle espérait juste qu’il soit en sa faveur. Des boucles blondes encadraient un visage bien découpé aux lèvres charnues, étirées en un mince sourire qui faisait ressortir les pommettes de la demoiselle. Elle était belle. Cette observation de la nouvelle venue, sans faire perdre de vue à la jeune fille son objectif, la distrait suffisamment pour qu’elle en oublie de se tendre en sentant le regard de la tavernière couler une nouvelle fois sur elle, heureuse coïncidence qui peut-être acheva de faire pencher la balance en sa faveur.
Elle était prise, à l’essai. Si elle savait moins bien se tenir elle en aurait sauté de joie, mais elle attendit prudemment que sa patronne provisoire se retourne pour adresser un petit sourire et un signe de tête à celle qui était intervenue en sa faveur.
Elle ne dut qu’à ses réflexes de ramasser avant qu’il ne tombe le torchon que lui lança par-dessus son épaule la tenancière qui invectivait une maladroite à l’intérieur. Elle se retourna et la jeune fille put voir dans son regard une sorte d’approbation à la voir alerte et équipée, avant de lui désigner la table et le sol maculés d’un vin d’une qualité douteuse.

Tu me nettoies ça et tu t’occupes de débarrasser les tables. Tu seras aussi au service de la cuisine s’ils ont besoin d’aide pour la plonge, mais je veux te voir à l’œuvre avant de te laisser un couteau entre les doigts. Et toi, je t’avais dit la prochaine c’est la dernière, je vois que tu ne m’auras pas fait attendre ! Allez dehors, je n’ai pas besoin de m’encombrer d’incapables j’ai assez de travail pour ça ! Je ne veux rien entendre, ce que tu as flanqué par terre valait nettement ce que tu aurais pu recevoir alors ne me fait pas perdre mon temps !

Adélaïde fila à sa tâche sans attendre la suite, savourant sans honte cet échec qui lui offrait une place en plus d’une chance de se faire remarquer en bien. Elle profita de cette première tâche et du calme relatif de cette fin d’après-midi pour repérer les lieux alors qu’elle épongeait les dégâts, se gardant de froncer le nez sous l’odeur de vinasse bon marché.
Distraitement, elle observait aussi celle grâce à laquelle elle avait pu passer la porte. Le portrait n’était pas le seul atout de la créature qui alignait une silhouette féminine qu’elle promenait avec grâce et assurance entre les tables : visiblement celle-ci avait un peu plus d’expérience.
En tout.
Son premier devoir accompli, elle s'équipa d'un plateau, grimaçant sous son poids, et entreprit de circuler entre les tables et les clients en tentant d'imiter sinon l'aura au moins l'efficacité de la femme blonde, sans y arriver vraiment. Elle persévérait néanmoins en prenant grand soin de ne rien renverser pour s'éviter les foudres de la maitresse de l'établissement, souriant au passage aux clients qu'elle croisait bien qu'ils ne lui portent qu'une attention vague. Juste de quoi ne pas remarquer que son sourire était crispé par les douleurs qui naissaient dans ses épaules à chaque fois qu'elle chargeait son plateau, et contre lesquelles elle luttait avec une volonté farouche.
Un mérite qui ne l'épargnait guère.
Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



[Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] Empty
MessageSujet: Re: [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods]   [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] EmptyLun 10 Juil 2017 - 12:45


S'en aller, main dans la main
S'en aller, bien avant que l'heure
Oublier qu'ici on n'est rien
Oublier qu'ici on a peur

J'observe un moment la jeune recrue s'affairer aux diverses tâches ménagères. Elle semblait un peu maladroite dans ses gestes, mais méticuleuse. On voyait bien qu'elle voulait faire de son mieux, montrer ce dont elle était capable. Je souris, elle me fait penser à moi quelques années plus jeune. Combative et déterminée, voila ce qu'elle est cette jeune femme. J'entends la matrone lui crier sans cesse des ordres, aboyant de mieux nettoyer les tables, d'aller plus vite resservir d'autres clients. Je sais très bien pourquoi Elda fait cela. C'est une façon à elle de la tester, de voir si elle a des tripes, et surtout de voir si elle abandonne vite ou non. Ce qui ne semble guère être le cas. Sans broncher, elle écoute les ordres, obéis et agit avec une rapidité déconcertante pour une bleu. Je pose une main sur mon menton, pensive, avant de débarrasser une nouvelle table ou les verres ont été renfermés sans vergognes. Je soupire, encore deux types pas nets qui étaient venus se remplir la panse d'alcools et d'assortiments de viandes. Ils n'avaient pas pris la peine de remettre en place les verres. Comme tous les autres, ils se montraient irrespectueux. En même temps à quoi je m'attends quand je travaille dans une auberge miteuse comme celle-ci ? Je regarde la petite Grisregard qui s'assit un instant sur un tonneau, visiblement fatiguée. Je décide de m'approcher d'elle et de lui tendre une serviette trempée dans un seau d'eau pour la soulager. Je lui souris d'un air franc avant de prendre la parole :

« Tu n'as pas beaucoup de muscles, et tu trembles beaucoup trop quand tu portes ton plateau. »

J'avais pris un air faussement sévère, avant de faire tomber le masque et de lui sourire chaleureusement, comme pour lui faire signifier que je la taquinais plus qu'autre chose :

« Mais tu es dynamique et surtout, tu as l'air motivé, je peux te donner des conseils si tu veux. »

Je jette un regard vers les autres serveuses, qui semblent un peu hostiles à la vue de la nouvelle recrue d'Elda. Elles sont toujours ainsi avec les nouvelles. Elles aiment se moquer d'elles, les embêter. Il n'y avait qu'une solution pour en venir à bout rapidement : les remettre un bon coup à leur place, et le tour est joué. Elles ont essayé de faire cela avec moi, mais elles ont déjanté bien vite. Je remarque qu'elle a vue les filles, avant de lui murmurer à l'oreille :

« Ne t'en fais pas pour elles... Elles sont casse pied au début, suffit que tu ne te laisses pas faire et elles te laisseront tranquille. »

Je me lève, lavant le comptoir histoire qu'Elda ne remarque pas notre «petite pause improvisée ».



© By Halloween sur Never-Utopia

Revenir en haut Aller en bas
InvitéInvité
avatar



[Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] Empty
MessageSujet: Re: [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods]   [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] EmptyDim 16 Juil 2017 - 13:20
[pas sûre que ça ne te soit vraiment utile, Adélaïde ne se montre pas un exemple de sociabilité ce soir...]


Une. Le nombre de chance que me laissait la terrible cheftaine des lieux : un seul essai pour montrer ce que j’avais dans le ventre et dans les bras. Et pour cela, elle ne se privait pas de me harceler d’ordres comme un loup affamé un lapin gras. Elle n’était pas la première à utiliser cette stratégie sur la jeunette que j’étais pour les autres : deux avant elle avaient tenté de me faire plier de la sorte, un boulanger et une bourgeoise en manque de lavandière pour préparer une fête. Mais Elda, contrairement à cette grasse mégère, avait le mérite de ne pas se monter cruelle bien qu’elle put être aussi tatillonne que Père ou impressionnante que ce boulanger et ne ménageait pas sa peine, s’attirant peu à peu mon respect.
Deux. Le nombre de mains dont les Trois m’avait pourvue, une offre que je chérissais tant chacun de mes doigts était mis à contribution pour assurer mes tâches. Des mains aux doigts fins et à la peau crevassée par la force des éléments que je côtoyais quotidiennement, écrasés par le poids d’un plateau de bois couvert de chopes vides ou perdus dans les plis d’un torchon que je passais rapidement sur une table à peine vidée. La soirée ne faisait que commencer mais déjà mes muscles me lançaient et j’implorais la Trinité de me donner la force de manier les membres que j’avais s’Ils ne pouvaient m’en accorder d’autres qui puissent relayer ceux que je maniais.
Trois. Le nombre d’autres serveuses qui partageaient mon fardeau. Plus grandes, plus âgées, plus expérimentées puisque celle qui m’avait précédée s’était vu désigner la porte, elles louvoyaient dans la salle comme des serpents. Vives, précises et aussi retorses pour deux d’entre elles. Je commençais à me dire que l’âme qui s’était vue chassée avait peut-être dû son sort autant à sa maladresse qu’aux crasses que ces concurrentes ne manquaient pas de me faire, m’obligeant à des détours dans des passages étroits ou me surprenant en me dépassant à toute vitesse.
Quatre. Le nombre de fois où, déjà, je n’avais dû qu’à mes réflexes et une bonne dose de chance de ne pas renverser une cruche pleine ou une pile d’assiettes. L’inexpérience, la foule, la fatigue, la pression, les coups bas : je me sentais en alerte permanente. Mais je me refusais à croire les doutes de la tenancière, les remarques alcoolisées des clients, les regards que tous mes lançaient pour me dire que j’étais trop jeune et trop faible pour faire ce travail. Si le monde avait décidé d’être un loup, j’avais accepté d’entrer dans la chasse et c’est en me concentrant sur cette pensée que je continuais à servir, débarrasser, nettoyer.
Cinq. Le nombre de respirations pantelantes que je pus prendre, assise sur un tonneau au bout du bar, avant que l’on ne vienne m’accoster. C’est encore la belle blonde qui avait intercédé en ma faveur, la seule qui ne me semblait pas hostile bien que je n’arrive pas à déchiffrer son regard lorsque je le croisais. Elle m’observait souvent, croyais-je, sentais-je, alors même que je savais la chose impossible avec la masse de travail qui nous abrutissait. Je l’enviais autant pour sa beauté que pour le dynamisme qui se lisait dans ses mouvements alors même que la chaleur et le brouhaha de l’endroit me plongeaient dans une sorte de torpeur.

« Tu n'as pas beaucoup de muscles, et tu trembles beaucoup trop quand tu portes ton plateau. »

Je suspendis un instant mon geste, la main à mi-chemin du torchon humide qu’elle me tendait. J’achevais de le saisir sans la quitter du regard, voyant son expression ouverte mais figée dans un air de reproche s’adoucir. J’attendis qu’elle reprit la parole pour tester la propreté du tissu, juste afin d’être sûre que je n’allais pas m’étaler une pâte colorée sur le visage et signer du sceau du ridicule mon renvoi de l’établissement ou le début de ma carrière de saltimbanque.

« Mais tu es dynamique et surtout, tu as l'air motivé, je peux te donner des conseils si tu veux. »

Je la remerciais du bout des lèvres, incertaine de la conduite à adopter. Je pourrais lui dire qu’une femme de sa prestance et de son habileté n’avait pas besoin de se pencher sur une gamine chétive dans mon genre mais ma fierté me retint. Ce même sentiment qui m’empêchait de distinguer si elle était sincère ou n’en avait que l’air.
Que passait le tissu rafraichissant sur mon visage et ma nuque, n’osant m’essuyer le front de peur de couvrir mes yeux. Je jette un regard sur les autres filles, cherchant dans leur attitude à discerner si elles étaient de mèche ou non mais ne lisait rien d’autre qu’une sorte de raillerie : elle n’attendait que de voir la matrone arriver et me trouver assise à ne rien faire alors que tout autour réclamait mon attention et mes services.
C’était peut-être cela aussi que cherchait celle qui s’était approchée. Mon regard passa sur elle avant de plonger sur le bois de la porte des cuisines, redoutant de la voir s’ouvrir, revint sur la silhouette qui me faisait face en la sentant approcher.

« Ne t'en fais pas pour elles... Elles sont casse-pieds au début, suffit que tu ne te laisses pas faire et elles te laisseront tranquille. »

Elle parlait bien des vautours qui planaient entre les tables. Je me levais alors qu’elle s’écartait : message reçu. C’était à la tavernière et non à ses sous-fifres de décider si ma place était, ou non, ici. Je ne m’aperçus qu’en la voyant s’éloigner que je n’avais au final répondu que par des regards plus ou moins méfiants et rougis de mon impolitesse : la fatigue n’excusait pas la grossièreté. Je faisais bien d’être sur mes deux jambes car la voix précéda de peu l’arrivée de mon employeuse, me coupant toute possibilité de corriger cette erreur. Apparemment, quelqu’un était arrivé par derrière et avait besoin d’aide : celle qui se pressentait pour le rôle d’ange gardien se porta au-devant de la tâche et me laissa finir d’éponger avec le tissu offert la bière renversée qui menaçait de tremper le sol. Ce petit aparté m’avait fait du bien, et il ne me suffit que d’une minute pour faire sauter les chopes aux trois-quarts vides sur mon plateau – j’avais fini par prendre le coup de main finalement – et effacer toute trace de l’incident de la tablée avant de m’effacer pour laisser s’installer une paire de couples qui dans le même temps de chargèrent de leur apporter un repas. Je leur répondis d’un sourire – c’était inouï, même mes joues me faisaient mal – avant de me diriger vers l’ouverture qui menait aux cuisines. Ma commande passée, je n’eus que le temps de décharger mon plateau avant que quatre assiettes fumantes ne remplissent entièrement le bois.

Pas le temps de m’apitoyer sur le sort de mes bras, je me baissais pour partager le poids avec mon épaule avant de me diriger vers la table fort heureusement proche ! Concentrée sur l’équilibre précaire des plats et le contrôle drastique de mon estomac qui criait grâce sous l’assaut des odeurs de légumes et de pain qui en émanaient, je ne pus prévoir la catastrophe.
Alors que je déchargeais précautionneusement les assiettes, veillant à ne pas perdre une seule goutte sur précieux jus que je devrais sinon gâcher sur un torchon, un des serpents emprunta l’espace derrière moi et posa brutalement sur mon plateau à peine vide quelques services sales qui me surprirent. Je sauvais la vaisselle plutôt que l’honneur, me retrouvant par terre et le pouce couvert de sauce jusqu’au poignet mais l’assiette pleine posée sur la table et le plateau encore garni à terre à côté de moi. Omoplates endoloris et souffle coupé, je me redressais au milieu de géants assis me lançant des regards qui courroucés, qui vaguement inquiets, cernée je souris alors qu’une remarque acerbe m’était jetée par la serveuse qui blâmait ma maladresse.
Mes propres injures se perdirent dans un sifflement suraigu que les sujets de Rikni auraient sans mal interprété, et me relevait en ramassant mon chargement pour découvrir que ma chute n’avait pas manqué d’interpelé la tenancière. Un regard noir, une voix grondante, je me hâtais vers les dessous de la scène où, disait-elle, la plonge m’attendait. Que cette énergumène ne s’étonne pas si ses chopes se révélaient glissantes et lui échappaient des mains : elle verrait bien alors qui était la maladroite.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



[Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] Empty
MessageSujet: Re: [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods]   [Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods] Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
[Oct 1165] Tables rondes et rondes de chopes [Rose McLeods]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - Quartiers populaires ⚜ :: Bas-Quartiers :: Le Labourg-
Sauter vers: