Aout 1165 - Marbrume
Voilà presque un an que Magnus était arrivé dans la capitale du duché, et le jeune homme n'en était encore qu'à effectuer de maigres travaux. Bien sûr, le baron avait effectué ses différentes missions avec zèle : défense de la Hanse, reprise du Labret, protection de la suite du Duc lors de la mutinerie... Autant de missions où les armoiries des Bois-Pénates furent présentes, mais aucunes où le jeune garçon n'ai pu se faire un nom parmi les plus puissants ou les plus modestes.
Et c'est pourtant bien de gloire dont rêvait Magnus. Pas la gloire que les légendes racontent, non, mais celle qui lui permettrait de s'élever un jour au sein de cette ville assiégée, celle qui lui permettrait, un jour, de récupérer son héritage au sein d'une région putride et maudite des trois Dieux.
Pour accomplir ce destin, le jeune homme avait lors de son arrivée envisagé de travailler pour la milice, mais les différents événements ne lui ont pas permis de s'accorder le moindre répit. Pourtant, en cette fin d'après-midi, il était temps pour lui de prendre son destin en main. Le couvre-feu était imposé dans toutes la ville, les interrogatoires étaient légions, et la milice était à cran. La rumeur courait que cette dernière recherché des renforts pour permettre à ses hommes de se reposer un minimum. Il faut croire que dans ce climat tendu, la moindre bavure n'était pas admise.
A travers les fenêtres de son manoir, l'astre solaire commençait sa longue descente vers l'horizon. Il était temps de se rendre à la caserne.
Magnus commença par adresser une prière à Anür et enfila le pendentif de la déesse autour de son cou. Il endossa ensuite son harnois de cuir épais, aux armoiries des Bois-Pénates, et enfin, resserra le ceinturon de son épée autour de sa taille. Pas d'équipement lourd pour ce soir, le baron voulait patrouiller léger dans les rues de Marbrume.
Récitant une dernière prière à Rikni, Magnus sortit du manoir et descendit vers la caserne d'un pas sûr, la main sur la garde de son épée.
Même un aveugle aurait remarqué le climat pesant qui s'était abattu sur Marbrume. Telle une chape de plomb, cette atmosphère hantait la ville depuis plusieurs semaines, depuis la tentative d'assassinat du Duc. Le peuple était méfiant. Envers les nobles bien sûr, mais aussi envers lui-même. Le doute rongeait la ville et l'ambiance générale, qui était loin d'être au beau fixe depuis l'attaque de la Hanse, n'avait fait qu'empirer.
En arrivant dans la ville-basse, le baron voyait déjà certain habitants se rendre chez eux, en prévision du couvre-feu. La lumière caressait les toits des bâtisses les plus basses indiquant qu'il ne restait plus que quelques heures avant que plus aucunes âmes ne soient autorisées à arpenter les pavés.
C'est après quelques minutes de marche que Magnus arriva devant les portes de la caserne. Les cordes de la place des pendus venaient d'être remplacées. C'était bien les seuls instruments du Duc qui avaient droit à un repos quotidien...
le baron alla vers le coutilier le plus proche.
"
Je viens pour ce soir " indiqua t'il au milicien en tapotant la garde de son épée.
Le milicien lui indiqua une porte, au fond de la cour centrale. Son sourire en coin ne laissait aucun doute quant à son estime du baron mais Magnus ne lui en voulait pas. Nombreux étaient les nobles qui voulaient "s’encanailler" dans la milice et qui voulaient connaitre l'adrénaline des combats. Ce n'était plus son cas. Son service dans les différentes batailles de ces derniers mois l'avaient assagies. C'est donc sans broncher qu'il traversa la grande cours pavée.
Le cliquetis des armes d'entrainement retentissait violemment. Les bâtiments alentours répercutés l'échos, donnant ainsi un bourdonnement constant sur la place. Tout en marchant vers la porte, Magnus observait les échanges. Si certain étaient de toutes évidences des novices dans le maniement des armes, d'autres étaient en revanche de véritables vétérans. Ainsi, certaines passes d'armes étaient impressionnantes de précision et l'acier virevoltait dans une danse macabre pour les adversaires du Duc.
Magnus poussa la porte et se retrouva dans une petite pièce qui était vraisemblablement un bureau. Il déclina simplement son identité.
"
Baron Magnus de Bois-Pénates, vassal du Duc. Je viens prêter main-forte à la milice dans sa tache quotidienne. "
Le baron s'en tenait là au protocole. Il était impensable qu'un noble salue de manière trop officiel un membre de la milice, fut-il gradé. L'homme, qui se trouvait de l'autre cotés du bureau en bois massif se leva.
"
Bonjour Messire. Votre aide sera la bienvenu en ces temps troubles " Il s'inclina légèrement "
Si vous voulez bien me suivre "
Magnus traversa de nouveau la cours en compagnie du gradé. Ceci ne fut l'affaire que de quelques pas, le temps de se rendre dans une grande salle qui disposait, en son centre, d'une carte de la ville.
Il n'y avait qu'une petite dizaine de personne à l'intérieur dont quelques-un qui, manifestement, ne partaient pas en patrouille ce soir.
Le baron se positionna dans un coin de la salle, attendant que le gradé transmette ses ordres à ses officiers. Magnus en profitait pour observer les visages marqués des miliciens. La fatigue se ressentait dans les effectifs et son aide, bien que modeste, ne serait pas de trop ce soir. Étrangement, une femme était présente.
Le gradé quitta la salle, gratifiant le baron d'un bref signe de tête, et l'attribution des missions continua.
«
Messire de Bois-Pénates, vous patrouillerez au Goulot avec ces deux miliciens. »
Magnus observa le gradé et réprima un rictus. L'antipathie entre noblesse et milice venait encore de frapper. Le milicien venait de lui attribuer le quartier le plus infâme de Marbrume. A n'en pas douter, la présence d'un noble et d'une femme allait faire de ce groupe une cible de choix pour les vautours du quartier.
Le baron ne se laissa toutefois pas submerger, il acquiesça en ajoutant :
"
Parfait. Je m’acquitterais de ma tâche avec mes deux camarades de ce soir "
Il sortit en premier de la caserne, s'en piper mot. La nuit venait d'emporter les derniers rayons de soleil... le couvre-feu commençait dès maintenant et sa mission également.
Lorsque ces compagnons le rejoignirent, le baron ne put s’empêcher de préciser.
"
Je suis malheureusement la cause de cette affectation. Sachez que je suis désolé de vous avoir entraîné contre mon gré dans cette situation " Le baron resserra son ceinturon. "
Tachons de passer la nuit vivant... et pour ce faire, je m'en remet à votre expérience. "
Il esquissa un sourire vers la femme du groupe.
"
A qui ai-je l'honneur ? "