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 Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent]

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Louise OchaisonErudite
Louise Ochaison



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MessageSujet: Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent]   Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent] EmptyMer 13 Sep 2017 - 17:05
En cendres. Le petit immeuble n’était aujourd’hui qu’un immense tat de débris balayé par le vent et oublié des badauds. Rien ne restait du petit repère douillet où la mère et l’enfant avait terminé leur exil. Tout s’était envolé dans un grand orchestre de flammes. De l’enfer, ils n’avaient pu sauver d’un gros baluchon de toile. Leurs économies, des habits et les vieux grimoires qui étaient ceux de l’érudite s’y entassaient et le tissu sentait encore la brûlure à laquelle ils avaient échappés.

Un grand chevalier au cœur tendre et sans pantalon était venu à leur secours en temps voulu. Et puis des solutions temporaires s’étaient multipliées afin de les reloger. Pendant deux semaines, la jeune étrangère s’était démenée pour trouver chaque soir un toit pour les accueillir. Et, sa bourse se faisant de plus en plus légère, petit à petit, en ricochant de vieilles mansardes en chambres douteuses, elle s’était éloignée progressivement du Temple et de la somptueuse Bibliothèque. Bientôt, malgré tous ses efforts et ses journées sans fin, elle avait finalement atterri dans un quartier fort populaire et malfamé : Le Goulot.

Non loin du Lion d’Or, un ami lui avait proposé d’occuper une chambre de bonne, dans les combles d’un petit immeuble miteux. Aux premières vues, il était raisonnable de penser que la chambre de bonne avait été reconverti un temps en chambre de passes. Jamais, la fille de l’Ouest n’avait cru un jour tomber aussi bas et quelque chose s’était brisé en elle lorsqu’elle avait soulevé tous les vêtements qui jonchaient le sol du minuscule espace. En plus d’être peu riche en quantité d’étoffes, ils étaient si étroits que seule une enfançonne aurait pu y glisser. La catin était morte. Son lit était vacant. Et il planait une odeur d’horreur lorsqu’elle était rentrée la première fois ici.

Pas le choix. Le prix était très raisonnable puisqu’il fallait risquer sa vie en montant les escaliers qui monter jusque dans le nid de l’ancienne colombe tachée. Et puis, on ne devait guère craindre la morsure de la gelure : pas d’âtre ni de fenêtres dignes de ce nom. Le vent pouvait s’engouffrer à tout moment entre les quatre murs brinquebalants. Le bois bougeait dans la structure de la bâtisse précaire en même temps qu’il craquait comme pour hurler sa peine.

Pas le temps de tergiverser. Elle paya pour cette misère.

Pendant une semaine, armée d’un vieux marteau et récupérant de vieilles planches qui n’avaient pas correctement brûlées, elle se démena pour consolider l’escalier et la toiture sous laquelle l’enfant dormirait. Les outils qu’elle utilisait paraissait trop lourds dans sa main aussi malingre que maladroite. Qui eût cru qu’elle aille une telle force pour soulever tout cela ?

Personne ne l’aida et le vieil ivrogne qui vivait sous ses pieds vient même l’insulter. Il préférait la petite pute qui officiait là avant à ces dires. Elle était jolie, au moins, elle, pas sèche comme une corde pour se pendre. Et parfois, elle faisait quelques tarifs plutôt commodes en plus.

Pas de ritournelle de la part de la jeune mère. Pas de compassion pour elle non plus. De tous ce fut le regard de cet homme qui la blessa le plus. Trois jours de suite, ils s’étaient croisé alors qu’elle sciait un nouvel encadrement pour la petite fenêtre de toit, tellement délabré que même l’orage devait stagner là, ou alors lorsqu’elle essayait de pousser la porte, encombrée du matelas de paille miteux, les nerfs de ses bras saillants et tendu comme des ficelles. A chaque fois, il avait posé un œil sur elle ni concerné par sa détresse et sa misère. Lui, c’était un homme haut sur pattes, un peu hirsute et au moins aussi maigre qu’elle. Ses vêtements n’inspiraient pas confiance non plus. L’érudite ignorait pourquoi son regard infusé comme un thé trop brun se posait sa carcasse de survivante. Elle n’était pas bien épaisse et elle aurait voulu devenir transparente. Et, à chaque fois, l’homme rentrait dans la bâtisse à quelque mètre. Celle qui faisait quasiment face au Lion d’Or.

En deux semaines de travail, l’appartement fut aménagé bien plus douillettement. Il étant temps de quitter les repères provisoires. L’enfant devait venir, maintenant. Et pour qu’il vienne, il faudrait braver le couvre-feu.

L’érudite qui aimait les étoiles attendit la pleine lune. Ce soir-là, elle prit le sac de toile et l’enfant se cramponna à sa main. Elle connaissait le cadrant des patrouilles nocturnes et su les éviter soigneusement avant de s’aventurer dans le quartier qui les accueillerait désormais. Là, malgré les interdit, la nuit était plus vivante. Malgré les interdictions, des putains appelaient les hommes qui passaient en bas et roucoulaient leurs jolies promesses, des gens avinés et des enfants des rues bougeaient encore comme des ombres. La peur au ventre, elle avançait, tenant la main du petit autant pour se rassurer elle-même que pour l’encourager lui. Sur son dos, le sac improvisé pesait comme tout l’or du monde.

Enfin, ils se trouvèrent enfin tous deux devant la petite habitation. La nuit vient ricocher dans le sourire de la jeune femme. Elle posa le sac par terre et donna la petite clef à l’enfant comme on offre la plus douce des sucreries. Et il monta à toute vitesse découvrir son nouveau petit monde.

Et, au moment où elle voulut le rejoindre, où elle chargea l’immense baluchon sur son dos, un grimoire tomba lourdement sur le pavé. Un bruit qui dans le silence obscur aurait pu réveiller les morts. Elle s’accroupit, le ramassa, le serrant contre sa poitrine pour vérifier qu’il n’était guère endommagé. Et en levant les yeux, elle reconnut tout de suite la longue silhouette qui la dévisageait. Elle se releva, lentement.

Qui était cet homme ? Que lui voulait-il ? Avait-il vu l’enfant ? Aurait-il pu trahir son secret ? Il sentait le vin… Etait-il ivre ? Devait-elle simplement l’ignorer ? Trop tard, il avait déjà croisé le regard terrifié de la jeune femme.

Elle ouvrit la bouche mais pas même un murmure ne se faufila entre ses lèvres stupéfaites.
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MessageSujet: Re: Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent]   Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent] EmptyMer 13 Sep 2017 - 21:46
La nuit est belle, il faut se le dire. N'importe qui qui vous dira le contraire n'est qu'un menteur invétéré, et certainement un cul serré aigri couplé d'un frustré sexuel en mal de puissance. Lors d'un débat entamé avec des connaissances de comptoir où on ingurgite son 8ème demi de bière, les bon arguments vont la plupart du temps à celui qui défend la cause.

"-Je te dis la nuit ça pue, y'a des gardes partout et il fait froid."

"-Tant mieux Gaumont, le froid ça te fait décuver en temps normal, ça t'évitera de continuer à raconter des conneries."

Je me sens jaloux, je bois très souvent et en quantités excessives, mais pour évacuer les 6 grammes d'alcool par litre de vermeil qui stationnent dans mon corps à raison de 3 fois en moyenne par semaine, il faudrait que je tue tout les Fangeux de la forêt, que je fasse danser le Duc en culotte sale devant les escaliers de L'Esplanade et qu'après tout ça je récupère une thèse en fabrication fromagère.

Je me rend compte que ça doit bien faire 2 semaines que je n'ai pas acheté de livre de cuisine, le derniers en date traitant des différentes manières de rôtir le bœuf ou le poulet et étant relativement peu intéressé à mémoriser des recettes de cuisines, mon régime alimentaire commence à s'étriquer dangereusement. Mais la magie de mon travail, c'est qu'on me paie à lire des livres de recettes et que l'argent que j'y gagne va aller à payer quelqu'un pour cuisiner à ma place. L'est pas belle la vie?

Je marche vraiment pas droit, j'ai honte. Le pavé humide reflète la douce lueur de la pleine lune sur mon chemin et mes bottes usée et râpées manquent d'essayer de s'échapper dans le caniveau afin d'aller piquer une tête, elle doivent en avoir marre que je les nourrisse au vin. Remarque, le vin ça donne une jolie couleur bordeaux au cuir, et puis c'est pas comme si j'avais le choix de renverser mon vin ou pas non? Comment-ça boire autre chose? Je ne veux même pas écouter vos ignominies.

Donc. Je suis avec Gaumont et Enguerrand, et je suis incapable de savoir lequel de nous trois est le plus propre à allumer un incendie au contact d'une torche. Nous avons profité ce soir, heureusement tant que j'y pense, j'en ai connu des soirées au Lion d'Or où la bouffe était mauvaise et/ou avariée si vous avez de la chance, où le vin était vraiment trop épicé (J'ai assaisonné la viande moisie avec ça, quand on est intelligent et ingénieur on le montre môdame) et où les femmes étaient soit trop épicées comme le vin ou trop avariées comme la viande. Les champignons j'aime ça avec mon porc rôti, et seulement avec. Pour avoir déjà pratiqué des biopsies dans le but de sauver le peau de peau encore en état de l'être et de trouver quel vinaigre permettrait de nettoyer entre chaque client chez une fille de joie, autant vous dire que je ne souhaite pas réitérer de si tôt.

Je suis en train de penser à plein de choses à la fois, et je ne remarque pas Enguerrand en train de vomir dans le caniveau. C'est drôle, il est à quatre pattes en train de se vider dans des bruits qui feraient perdre toute libido à un lapin enragé. Mes neurones se déconnectent petit à petit, et je me glisse derrière lui, glisse tout court avec mes torchons au pieds, et lui donne un petit coup de pied dans le bassin. Puis je me marre un bon coup avec Gaumont pendant qu'on le regarde agiter les bras pour essayer de se relever du caniveau.

"-Ptain... l'gars j'glisse... broooodeuul."

"-Hey guégué, tu feras gaffe t'es allongé dans ta gerbe, tu vas attraper un gastro-rhume!"

"J'yarrive pas... aide..."

Ses bras s'agitent, mais la bile qu'il a vomi glisse trop, du coup tout ses efforts sont vains et il continue d'imbiber sa peau du visage avec de l'alcool prédigéré. On se remet en route avec Gaumont. Le couvre-feu tient toujours et il ne faudrait pas que je me fasse attraper, j'ai déjà fait jouer mon sang-bleu les 13 dernières fois, si je retombe sur le même garde je suis cuit. C'pas comme si je l'était déjà.

"-Allez à plus Ferdidi, je te..."

C'est bien le genre de Gaumont ça, de parler en marchant et ne laisser entendre que le début de ses phrases. M'enfin bref. Je me retrouve seul avec pour seules amies mon alcoolémie et la pleine lune qui doit franchement rire de tout ça de là où elle est. C'est vrai quoi, imaginez vous êtes toute puissante et au dessus de tout -littéralement- au point que le seul qui puisse vous engueuler est un énorme boule de feu qui aveugle n'importe qui qui le regarde trop longtemps (un noble tyran de L'Esplanade), ça doit être sincèrement hilarant de voir tout s'agiter en dessous de soi. Entre les ivrognes, les recueils à MST -ou armoire à verges comme vous préférez- et les grimoires qui tombent... Qui tombent?

Je suis tiré de ma philosophie de comptoir par un gros splaff de cuir bien étouffé suivi d'un clap d'eau qui perle, et enfin d'un oh de damoiselle. Je m'approche lentement de la scène, dès qu'on parle de savoir, de nature ou de dames je me sens concerné. Croyez bien que je ne vais pas manquer une occasion de mixer les trois!

Mes pas marquent la nuit de clapotis aquatiques, et de loin contrastent par une noirceur mate et infinie par rapport au pavé qui reflète les rayons lunaires avec l'eau de la nuit. Mes pas se font insistant, et certain Plop se font entendre de sous mes semelles lorsque je lève le pied. Je manque plusieurs fois de tomber dans une flaque trop profonde, mais j'arrive quand même devant la scène. Je suis complètement bourré, donc voir une femme courbée pour ramasser un grimoire par terre à côté d'un fantôme endrapé de noir me paraît absolument normal en pleine nuit. J'aperçois vite fait un baluchon à côté de tout ce raffut, et les dorures du titre brillent lettre par lettre quand la mégère le prend dans ses mains pour le ranger.

E, I, M, O, N, O, R, T, S, A.

Je suis devant une vraie perle, un petit bout de femme qui sait lire, se faire discrète et qui s'intéresse au mouvement perpétuel qui se déroule au dessus de nos têtes. Je le regarde dans un les yeux avec ce qui me reste de vue claire et m'adresse à elle.

"-Vous devriez pas rester là, les gros paquets de muscles vont arriver et essayer de vous dégommer vu l'heure."... Je me rend compte que je suis complètement niqué du cerveau avec l'alcool et que je de viens de sortir un truc aussi ambigu que...

"-Surtout que on peut parler de plusieurs épées dans ce cas-là, faut le savoir hein."

Putain Ferdinand t'est con.

Je me relève et lève les yeux. Devant moi se tient une baraque immonde dont je vous passerais la description car j'ai très envie d'aller me coucher.

"-Vous habitez là-dedans? La vache, pour quelqu'un qui sait lire c'est vraiment le comble. V'nez avec moi, avec un peu de chance la VRAIE cheminée qui trône à côté de ma bibliothèque doit encore être allumée."

Je me met ainsi en marche vers mon échoppe. Difficilement mais quand même. Je repasse la discussion dans ma tête, j'ai vraiment mais genre complètement merdé, et je vais devoir déboucher une bonne bouteille pour me faire pardonner.
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Louise OchaisonErudite
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MessageSujet: Re: Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent]   Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent] EmptyMer 13 Sep 2017 - 21:54
Quand il ouvrit la gueule, aucun doute n’était possible. L’homme empestait un mélange de piquette et d’eau de vie passée. Il tanguait d’une jambe sur l’autre. Seul dans la nuit.

Vous devriez pas rester là, les gros paquets de muscles vont arriver et essayer de vous dégommer vu l'heure, il lâcha.

Et ses syllabes s’embourbaient sur sa langue au moins autant que ses pensées devant la situation. Son haleine échauffée colorait d’une claire fumée le froidure de l’automne. Il voulut persister tout de même :

Surtout que on peut parler de plusieurs épées dans ce cas-là, faut le savoir hein, il ajouta essayant de se donner un certain aplomb que ses jambes vacillantes lui retiraient.

L’enfant était redescendu. Il se tenait derrière sa mère, figée, tétanisée. Elle ne savait pas comment prendre les paroles de l’inconnu. Même si l’homme ne paraissait pas plus menaçant qu’un chien bipolaire, elle aurait voulu disparaître. Comme pour ce jeu d’enfants où faire la statue dispense de recommencer la course depuis le début.

L’enfant glissa sa petite main dans celle de l’érudite. L’ivrogne avait raison. Il fallait partir. Et ses doigts à la peau épaisse comme du papier pressaient avec détresse la paume de sa protectrice. Dans son autre bras, elle tenait le plus gros et le plus vieil ouvrage d’astronomie qu’elle détenait. Ecrasé contre sa poitrine, contre son cœur. Il y avait dans ce portrait trop de causes à défendre et à mépriser.

L’inconnu les détailla tous deux, de haut en bas, relevant assez le visage pour qu’elle remarque combien sa barbe était hirsute, ses traits étaient tirés et que ses pupilles étaient rondes comme les yeux des chats fous. Il remarqua sans prêter attention la petite silhouette sombre du petit. Et puis il tourna les yeux vers l’immeuble misérable devant lequel ils se tenaient. Même de l’extérieur, on pouvait imaginer toutes les vermines qui y grouillaient.

Vous habitez là-dedans? La vache, pour quelqu'un qui sait lire c'est vraiment le comble. V'nez avec moi, avec un peu de chance la VRAIE cheminée qui trône à côté de ma bibliothèque doit encore être allumée

Il se détourna faisant un geste qui paraissait presque charitable et hospitalier si son corps ivre ne s’était pas balancé dangereusement.

Le cœur de la jeune femme tremblait littéralement. De peur. Et de curiosité.

Depuis qu’elle était à Marbrume, bien peu l’avait remarquée, elle, le rat de bibliothèque, ses vieux livres d’ailleurs et son accent imparfait. Son éducation n’avait plus d’importance. Les sciences en général n’importaient plus personne. Ce qui importait c’est qu’elle n’était pas affutée pour survivre ici. Et sa maigreur, sa carnation cadavérique et le petit rejeton dans ses jupons -si ce n’était pas plutôt un démon- finissaient de dresser l’ampleur de ses afflictions.

Qui était-il pour la juger sur son alphabétisation ? Et pourquoi n’avait-il encore une bibliothèque ?

L’érudite avait entendu que dans les maisons bourgeoises, on se chauffait avec depuis que l’hivers revenait. Son cœur se fendait un peu plus chaque jour sous le poids de ces rumeurs et de ces pans d’humanité perdue pour quelques nuits tièdes.

Et lui il parlait de bibliothèque. Et lui il parlait de cheminée. Bourré. Ils étaient hors du temps et hors des âges.

Maman…

L’enfant la tira par la manche.

Il y avait ça aussi. Le petit. Elle ne pouvait pas l’emmener avec elle, comme ça, accostée par un ivrogne dans la rue. Elle ne voulait pas non plus passer sa nuit comme toutes les autres à tenter de le réchauffer en le tenant contre sa peau nue. Il était déjà malade. Pour un feu de bois. Il fallait faire ça pour le feu de bois. Et dans le pire des cas, ils couraient ici pour se mettre à l’abris. Elle savait où habitait l’homme. Et pourtant, elle ne pouvait décemment pas emmener le petit chez un inconnu. Plein comme un tonneau, de surcroît.

L’homme eut un petit signe d’agacement, sûrement parce que la réponse de la jeune femme tardait à venir. Tout de suite, elle prit l’enfant dans les bras et posa le sac à ses pieds, comme si elle était prête à le suivre. Ou à déguerpir, tout dépend.

A l’instant, une troupe de milicien débarquer à l’improviste. Elle était devant son triste et nouveau chez elle. Et avec ce petit corps emmitouflé de noir contre sa peau, elle n’avait rien d’agressif. Rien à reprocher. Sauf une discussion dans la nuit avec un étrange voisin.

Qui êtes-vous ? souffla la réfugiée.

Et la nuit avala ses mots tout ronds.
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MessageSujet: Re: Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent]   Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent] EmptyVen 15 Sep 2017 - 0:19
J'aime bien ce moment de pause dans ma promenade nocturne, rester debout ça limite drastiquement mes risques de m'écraser par terre -même si le risque zéro n'existe pas bien entendu, on est ingénieur ou on ne l'est pas - mais en revanche commence à salement faire baisser ma température corporelle ressentie. Alors je fais le pingouin, ou du moins j'essaie d'imiter comment je me les représente à travers mes lectures, je ne sais même pas si les pingouins existent, c'pour dire. Je danse sur mes jambes -ça au moins tout le monde sait ce que c'est- pour essayer vainement de me réchauffer. Ça fonctionne moyen, l'effort physique commence à atténuer ma sensation de froid, mais si je continue comme ça je vais me ramasser sous les jupons de la Dame devant moi, qui d'ailleurs apprête sa besace pour me suivre si j'ai bien compris.

Que voulez-vous? C'est ça la science et le développement, on est face à un dilemme d'ingénierie.

Soit je bouge les jambes, et fait augmenter de manière exponentielle selon une formule A*(B+C) mes chances de me viander par terre. Avec A comme nombre de balancements minutes, B comme angle d'étendue entre mes deux jambes au point culminant du balancement et C mon taux d'alcoolémie qui parcourt actuellement mes veines. Mais bon, si ça me fait sentir un peu moins refroidi par la nuit qui commence à nous prendre par la gorge avec son froid glacial, ses patrouilles angoissantes et son obscurité plutôt chiante, je prend le risque moi môdame. Ma vie est palpitante z'avez vu? Soit je ne bouge pas et...

Qui êtes-vous ?

Oh. Pourquoi les gens m'interrompent-ils tout le temps alors que je fais des maths? En plus c'est pas comme si la situation nous demandais de nous presser quoi.

Utilisez vos neurones trente-cinq secondes s'il vous plaît. Il fait nuit, j'suis probablement en état de me faire arrêter par la garde soit pour l'éthanol pur que je suis en train de suer à grosse goutte ou pour le fait que je me trimballe en plein milieu d'une rue passante alors qu'un couvre feu est décrété par le plus grand trou du cul jamais vu posé sur le pouvoir Marbrumesque. Pensez vous juste une infime fraction de secondes que mon esprit est pleinement disposé et préparé à passer un entretien d'embauche ou à faire une quelconque réunion de club de lecture?

Vu que vous m'avez probablement pas suivi car j'me suis même plus tout seul, j'vais résumer.

Non

Je me regarde de haut en bas, en prenant bien soin de noter chaque trace de vin ou de bière présent sur mon haut, sur mes frusques et mes usée (et pourtant jolies) bottes. Comment pourrais-je me décrire, moi, maintenant ici tout de suite, en essayant de montrer autre chose que je suis un alcoolo et en faisant vite car des gardes peuvent passer?

-Personne:

"-Personne, absolument personne"

Je regarde la femme dans les yeux un long instant, comme si je cherchais dans son regard une quelconque réponse qu'elle aurait voulu entendre, ou que je pourrais comprendre. Je suis complètement largué, il faut que je rentre chez moi.

"-Suivez-moi, pas de temps à perdre. La maison est pas loin. Il y fait chaud et il y a de quoi manger.

Je me met en marche, je ne titubes absolument plus et mes idées sont de plus en plus claires à chaque pas, si bien que je perds mon regard dans le vide blanc et creux de la lumière lunaire qui se reflète dans l'eau qui jonche le pavé. Qui sont ces gens? Des réfugiés, probablement, car ils savent lire ce qui est réservé à la noblesse (pas toujours ceux qui le méritent... m'enfin bref) mais vivent dans une sorte de... taudis. Je ne sais même pas si un fermier voudrait habiter dedans, c'pour dire. Ça doit être un sacré palais de l'infection là-bas, faudrait que je m'y rende demain pour voir si je ne peux pas gratter un quelconque artéfact de moisissure qui me permettrait de peaufiner mes projets... Mais sinon, pour ce qui est de ces gens, je suis intrigué, si bien que je lance relativement souvent des regards derrière moi pour voir si je suis toujours suivi par les deux objets de mon attention. Le petit est totalement couvert de noir, et le tissu semblait bien trop fin pour protéger du froid. De plus, on ne se couvre pas la tête pour se protéger du froid, ça va de soi, les portes manteaux ne sont pas ce qu'il y a de plus chaud, ça tombe sous le sens. Je continue de marché, mes pensées pulsant avec le rythme de mes semelles percées sur la pierre immuable de la voie piétonne. Je m'évade avant de me rendre compte que je passé devant chez moi il y à facilement 30 mètres. Retour en arrière

"-Retour en arrière je vous prie. C'est ma faute."

Je ponctue cette phrase avec un sourire en coin, ça me détache de la prison que commençaient à ériger mes pensées quant-à ces deux jeunes gens. Je passe entre la femme et son petit spectre personnel. Je sens que quelque chose ne vas-pas, dans chacun d'eux.

Une fois devant l'énorme porte bleue à double battants (la même que celle que j'avais à ma chambre lorsque j'étais adolescent) qui constitue le seul accès à l'étage au dessus de ma boutique, et donc le seul accès à mes quartiers, je me décide à tenter un petit tour de magie.

Je vous jure sur mon cortex préfrontal que je ne fais pas ça souvent, évitez de m'envoyer au bûcher je vous prie, laissez moi finir. Je fais ça pour à la fois essayer de détendre l'atmosphère, mais également un peu pour... sonder les nouveaux "amis" et découvrir ce qui ne va pas. Les gens ne réfléchissent pas quand ils réagissent à l'inconnu surprenant et abrupte, c'est un réflexe à priori inhérent à notre condition de mammifère évolué. Je cache la clé de chez moi dans ma manche. La réaction de mes hôtes en dira long, très long, non pas sur qui ils pensent être, mais sur qui ils sont.

Je fais mine de regarder la femme directement dans mon dos et je feinte un air de surprise aussi habilement que mes mouvements vacillants me le permettent. Et je plies légèrement les genoux pour caler mon visage à quelques centimètres de celui de la femme et palier à la hauteur que j'ai pris en montant sur les deux marches précédant les portes. Je met ma mains derrière l'oreille de celle-ci, mais ne la touche surtout pas, surtout surtout pas.

"-Vous avez quelque chose... s'cuzez moi

Je fais claquer mes doigts, et fait habilement sortir la clé de ma manche, pour enfin la regarder avec l'air étonné et sourire en coin à l'étrange bout de femme.

"Oh, curieux!"

Je prend bien le temps de noter tout ce qui se présente à mon regard, à mon ouïe et à mon toucher. Pour ensuite enfourner la clé dans le petit trou de bronze vissé aux quatre coins sur le bois verni, et tourner le morceau d'acier afin de dégager le cadre de porte et monter chez moi.

Je monte les escaliers, derrière moi mes invités referment la porte qui grince sur toute sa course et claque de manière monstrueusement monstrueuse une fois retournée contre l'autre battant. Mes pas résonnent maintenant quand ils impactent le bois ciré et quelque peu poussiéreux de mes escaliers. J'arrive dans mon salon, enlève mon drap que je portais au coup et le remet bien à sa place, plié en deux sur un crochet planté dans une planche de bois. Planche de bois qui est enfaite une des parois de ma bibliothèque! Malin non? C'est ça d'être ingénieur. On arrive à inventer des trucs tellement simples que personne, ô grand personne n'y pense! J'esquisse un sourire, je dirige vers la table qui siège au milieu du salon et en écarte trois grandes chaises aux dossiers rembourrés de paille arborant des motifs finement tricotés.

"-Allez-y, c'est fait pour."

Je m'éloigne de la scène, et pars me réfugier dans l'ombre du coin de ma pièce de vie, là où stationne une échelle que j'utilise pour aller décrocher un énorme traité d'astronomie que j'avais presque oublié. Cette brique de facilement trente centimètres de longueur pour cinq d'épaisseur pèse lourd dans mes bras, si bien que je manque de renverser ma bibliothèque pleine à craquer de livres tous entassés par manque de place. Je le pose devant la femme maintenant assise à table.

"-Un grand classique. J'ai jamais trouvé le titre car c'est une compilation faite main de plusieurs autres petits bouquins relativement basiques d'astronomie. Si vous voulez de l'information de pointe, et découvrir certaines théories qui n'attendent que d'être affirmées ou infirmées, il va falloir que vous recroisiez les chapitres du recueil.

Je me met en marche avant même d'avoir fini ma phrase vers le cheminée pour y remettre une bûche qui va venir remplacer l'autre crépitante. Je débouchonne une bouteille de liqueur et la pose sur la table au même titre que 3 verres, puis m'en vais chercher un choux dans le débarras. Je prend également une grande marmite que je porte à bout de bras, mes mains étant prises par une pièce de bœuf salée qu'il allait bientôt falloir manger.
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Louise OchaisonErudite
Louise Ochaison



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MessageSujet: Re: Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent]   Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent] EmptyMar 19 Sep 2017 - 12:10
Personne, absolument personne.

D’accord. Très bien. Elle n’en tirerait pas plus ample réponse.

Ils s’apprêtaient à se réfugier dans sa nouvelle et misérable demeure quand l’inconnu lui demanda de se presser, voulant les amener tout deux chez lui. Il promit des mots magiques : de la chaleur d’un feu et surtout de la nourriture.

L’érudite et l’enfant échangèrent un regard. La faim justifiait les moyens. Il était risqué de marcher dans les pas de l’ivrogne. Et tout autant de monter le ventre vide dans cette immeuble percé de trous. Généralement, ce qu’un homme est capable de dépenser en bière, il l’use pour garnir d’avance son garde-manger.

Alors, ils le suivirent.

L’homme tanguait moins sur ses jambes. Comme s’il était revenu sur terre pour s’y affairer. Avec un air préoccupé. A chaque fois qu’il jetait un œil par-dessus son épaule, elle baissait les yeux, mal à l’aise. Nom d’un chien ! Qui était ce type ? Qui dilapidait son avoir en vieille eau de vie alors que les petites gens se battaient pour un bout de pain ? Un marchand ? Les marchands ne savaient pas lire. Au plus, certains savaient poser des calculs et encore… Un prêtre défroqué ? Un banni ? Un pédagogue ? Un philosophe ? Un noble en perdition ? Ce n’était ni le l’endroit ni le moment où elle aurait pensé trouver le moindre de ces individus.

Un étourdis, ça, pour sûr, c’en était un. Parce qu’il s’arrêta d’un coup. Fit volteface. Revint sur ses pas. Ils avaient dépassé leur destination.

Quand la mère et l’enfant se tinrent devant la haute porte aux immenses battant bleus, sa mâchoire se décrocha presque de surprise. Elle n’imaginait pas trouver ça ici. Pas dans le Goulot. Jamais elle n’était passé devant et se demandé ce que ce bout de prestige faisait près de la vermine.

L’étonnement est de courte durée : l’inconnu s’approche alors d’elle. Ignorant ses intentions, elle veut faire un pas en arrière même si elle ne le croit pas menaçant. Sa main s’approche du visage de la femme. Elle serre les doigts de l’enfant et son visage devient de marbre. Elle a peur. Qu’il la touche, qu’il l’effleure, qu’il la blesse, qu’il la brise. Elle est prête à lâcher son sac qui contient toute sa vie et voudrait prendre ses jambes à son cou. Tout ça en moins d’une seconde.

Et l’homme fait apparaître la clef qui ouvre la porte bleue. Il la sort de derrière son oreille. Les poumons de la jeune femme se remplissent. Elle a oublié qu’elle avait cesser de respirer.

Le tour elle le connait. C’est celui des charlatans et des beaux parleurs. Alors elle sourit. Un brin crispée. L’enfant, lui, est bien plus respectif et cherche le truc. Sa jeune âme croit encore à la beauté du monde et en la magie.

L’étranger ouvre enfin la porte. Ils montent. Le visage de la réfugiée est figée sur une prière. Comme son hôte passe devant et grimpe déjà les escaliers devant elle, elle ne ferme pas complètement la porte. On ne sait jamais.

En haut, il y a un morceau d’autrefois. Un salon. L’âtre crépitant. Des fauteuils. Pas des chaises à l’assise en osier, non. De vrais fauteuils. La poussière est partout dans la tapisserie alors c’est comme si cet endroit n’avait pas bougé dans le temps. C’est un caveau lumineux rempli de ce qu’il avait été beau dans le passé de la jeune mère. La bibliothèque prenait une place monstrueuse dans la pièce. Et déjà les yeux de la jeune femme épiait les rayons.

Elle savait que ce n’était pas au Temple qu’on trouvait les ouvrages les plus riches en innovation. Même si les savants s’étaient organisés pour faire disparaître dans la masse, des livres fort pertinents, recopiés dans d’autres langages pour ne pas s’attirer les mauvaises grâces de la Trinité, il n’y avait guère de théorie novatrices là-dedans. Les meilleurs livres, ceux qui renferme la véritable nouveauté, c’était dans ce genre de bibliothèque qu’on les sauvait : les étagères personnelles, souvent peu classée, sorte de bric à brac de connaissances annotées, retournées, suffisamment tergiversé pour en tirer les plus intenses des réflexions. Ce qu’il y a avait ici, c’était un nouveau monde.

Il montre la table et les chaises et souffle :

Allez-y, c’est fait pour.

Et la savante tombe sur la chaise au moins aussi brutalement qu’elle tombe des nues : de tout son maigre poids. Ah ça non, elle ne s’attendait pas à ça. L’enfant ne comprend pas. Il la regarde sans un mot, sous les couches de ses vêtements. Il a chaud ici. Et comme il se contente des choses simple, il sourit. Parce que ça fait du bien de sourire. Pas seulement sourire pour sourire, comme pour saluer, pour faire un geste social, pour être bien reçu. Sourire avec les yeux aussi. Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas vu sa mère sourire comme ça, du moins.

L’enfant réalisa que sa mère était belle comme ça. La ride inquiète entre ses sourcils avait disparu. C’était peut-être ça qui la rendait bien plus jolie.

Le petit suivit des yeux l’homme qui s’était perché sur une longue échelle. Sur un pied, il se penchait pour atteindre un bouquin large comme le poing. Un recueil énorme, un peu écorné. La couleur du papier à l’intérieur variait du tout au tout. La bibliothèque vacille au moins tout autant que les jambes de l’ivrogne lettré. Et puis il réussit à le prendre dans ses bras, à le serrer contre son cœur pour le descendre prudemment. Il le pose sur la table et, tout de suite, l’érudite se lève, impatiente de tourner les pages. Ses yeux sont bons : même dans la pénombre, elle a lu le nom sur la tranche. « De l’astronomie », même si les lettrine sur le cuir n’étaient pas de première jeunesse.

Un grand classique, il lance en cherchant le regard de la jeune femme. J'ai jamais trouvé le titre car c'est une compilation faite main de plusieurs autres petits bouquins relativement basiques d'astronomie. Si vous voulez de l'information de pointe, et découvrir certaines théories qui n'attendent que d'être affirmées ou infirmées, il va falloir que vous recroisiez les chapitres du recueil.

Elle hocha la tête. Prête à vérifier ça par elle-même.

Et il va jeter une bûche dans la cheminée monumentale qui occupe le centre de la pièce. Elle ouvre le livre, baisse les yeux pour lire la première phrase : «Astronomie, astrométrie, révolution et rotations ne sont pas des mots qui doivent révolter et être craints des serviteurs d’Anür : en cherchant à comprendre les mouvements du ciel, la science ne cherche qu’à offrir aux hommes les lois mathématiques qui régissent l’univers. Comprendre les étoiles, c’est peut-être apprendre de l’humanité. Aucune corrélations n’est impossible. Aucune théorie n’est abjecte. Ici, nos efforts seront conciliés sans vocations de contredire les lois divine. ».

Et quand elle releva ses yeux clairs, la table s’était rempli de vin, de charcuteries et de pain comme par l’intervention d’un esprit saint. Une grande marmite prenait de la place. Ca sentait quelque chose entre le ragoût et la soupe.

Avec son air malicieux, l’enfant lorgnait sur toute cette nourriture. Manifestement, il retenait ses mains d’aller chiper un bout pour fourrer goulument quelque chose dans sa bouche. Il trépignait. Et il avait été trop bien élevé pour cela.

Sa mère quant à elle ne savait pas trop où donner de la tête. Son regard passait de la pièce de bœuf salé au livre et du livre à la pièce de bœuf salé inlassablement. Par les Trois… Ca avait quel goût la viande déjà ?

Elle prit une grande inspiration et se permit de demander avec un calme incroyable :

Donc, vous travaillez sur les étoiles, c’est bien ça ?

Son hypothèse était loin d’être fondée. C’était la première qui venait et elle n’avait pas la prétention de croire que c’était la bonne. Elle essayait de comprendre. Pour elle, tout ce qu’il y avait dans cette pièce n’avait pas de raison d’y être. C’était du désordre : toute cette façon de faire appartenait à un autre temps. Une autre vie. D’il y a longtemps.

L’enfant trépignait sur sa chaise et écouter les adultes alors que ses yeux ne lâchaient pas le pain. Il l’avait reconnu, ce n’était pas un de ces pains plein de cendre qu’on vend à la sauvette et que sa mère avait de la peine à trouver. C’était du pain, ça. Du vrai. Avec de la farine. Rien que de la farine. Et peut-être même du sel. S’il avait eu une pièce, il l’aurait peut-être pariée. C’est qu’il avait du flair le petit.

Quand sa mère chercha son regard, elle sut qu’il était perdu, en pleine négociation avec son estomac et toutes les règles de politesse qu’on lui avait inculqué pour son bien. Le bien c’était de rester sagement sur sa chaise. Le mal c’était de se servir là, vite, discrètement. Et mettre un gros bout sous ses petites quenottes avant qu’on l’ait remarqué. Il pouvait faire ça vite. On ne l’aurait peut-être pas vu.

Ça perturbait l’érudite. Ça lui fendait le cœur de voir son bébé ainsi. Plus que tout, elle se sentait misérable, invitée à la table d’un bon prince. Et, elle tournait les pages du livres, trouvant des mots clef à toute vitesse et des pans entiers qu’elle avait déjà lu.

Vous… Vous avez vraiment lu tout ça monsieur ?

Des passages n’avait même pas été traduit dans leur langue. C’était déconcertant. Tout chez cet homme était étrange au fond. Elle nageait en plein surréalisme.

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MessageSujet: Re: Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent]   Les mains savamment sales [Ferdinand Beauvent] EmptyMer 20 Sep 2017 - 16:02
Je remue la bûche noircie par les flammes dans l'âtre de pierre durci par les âges, le tisonnier froid et maigre manque de me glisser des mains plusieurs fois. Dans ma main droite, pendant ce temps, tient en équilibre un morceau plutôt beau de bœuf. La pièce noire et faisandée dans le sel promet de nous offrir un chouette moment de dégustations. Du moment que les mouches n'ont pas chié dedans j'ai envie de dire. Personne n'a envie de manger des larves pour éponger... Quoique. Avec la chaleur de l'âtre, les bébêtes vont sûrement passer l'arme à gauche en deux-deux, c'est quand même vachement pratique le feu pour préparer sa nourriture.

M'enfin, revenons au tisonnier. Je remue les bûches qui sont au nombre d'une dizaine maintenant, parfaitement alignées dans le même sens, remplissant parfaitement mon super âtre ultra-long de la mort qui tue. Je repose le tisonnier et sors une de mes inventions inutiles mais vachement classes quand même. Il s'agit de tubes en acier vraiment très fins mis côte à côte dans un cadre lui même en acier comportant plusieurs accroches. Le tout résulte à une presque plaque de métal comportant uniquement des tiges espacées pour nous donner une impression de remplissage, chaque tige est espacée de trois centimètres, héhé. Le but de cet objet miracle est de permettre de me cuire ma viande sans la bouillir, juste en la posant sur cet ustensile lui même pendu au dessus du feu. L'idée m'est venue en me brûlant un jour lorsque par fainéantise j'eus essayé de tripoter mes bûches flambantes à mains nues. L'odeur de brûlé et ma peau cuite, tout ceci me donna une petite idée pas piquée des hannetons pour résoudre mon plus gros problème de l'époque, comment cuire la viande sans la faire cuire.


Pour vous resituer le bordel, j'aime beaucoup, mais vraiment beaucoup le goût de la viande crue tout juste préparée avec un petit peau de sauce aux champignons. J'aime probablement autant ça que les femmes (toujours crue mais sans sauce aux champignons, faut pas déconner non plus), c'était donc un terrible dilemme à mes yeux, mais maintenant ce n'en est plus un! Grâce à ce bibelot, je peux dorénavant approcher et faire cuire mes morceaux de chair suffisamment proche des flammes pour que le tour cuise, mais pas t'intérieur qui lui chauffe juste! C'est quand même pas fantastique? Cuit autour, cru dedans! Je m'extasie devant mon machin et commence à saliver à la vue de mon morceau de viande gros comme un jambon que je vais bientôt m'enfiler.

Enfin, m'enfiler pas trop, j'ai des invités ce soir. Et quels invités... Je pose la pièce de bœuf sur mon truc et me relève en dépliant mes genoux engourdis par la réflexion, puis époussette ma chemise noire...

J'ai chaud. Très chaud. J'aurais du mettre ma chemise blanche, car oui, le blanc chauffe moins que le noir... D'ailleurs le gamin doit avoir chaud là dessous. J'ai pas oublié d'allumer le chauffage pourtant! J'transpire comme un porc, et c'est vraiment de la sueur, pas du vin cette fois... Le pauvre mioche, il doit vraiment étouffer là dessous, ça doit cuire au soleil. En plus si c'est un immigré, j'ai même pas envie d'imaginer les ballades en charrue qu'il à dû se taper. Mais pourquoi se protège-t-il ainsi du froid avec ce drap noir, c'est complètement incongru. Je regarde les flammes fixement, et commence à agiter les lèvres dans un silence malaisant. Je me souviens d'un gusse qui disait dans son bouquin aussi petit que son chibre que la lumière pourrait porter toutes les couleurs en elle, il en déduisait aussi que c'était la constitution chimique ou structurelle d'un bibelot qui retenait prisonnières les couleurs qui ne s'affichaient pas, et ce tri permettait de faire la teinte des objets... Ce qui expliquerait pourquoi le noir chauffe plus que le blanc : les peintres mélangent toutes les couleurs pour faire du noir, et doivent un composant chimique pur pour faire du blanc... "MAIS OUI C'EST CLAIR!"

Je cours vers ma planche à dessiner, je retourne sur mes pas pour retourner vite fait ma pièce de viande divine avec les mains, je me brûle les doigts, je me remet à courir en agitant les mains en l'air pour les refroidir, je me casse la gueule, m'explose la tête contre le parquet, me relève et me laisse tomber sur mon fauteuil de travail. Toujours sous les yeux ébahis de la foule en délire que représente mes deux invités, s'il vous plaît.

Une fois le derrière posé sur le cuir de plutôt bonne facture quoi qu'usée et limé par mon postérieur de noble, je prend la plume dans ma main gauche et tremblante. Une ébauche, puis ensuite un dessin plutôt bien fini, un triangle équilatéral apparaît sur le papier jauni et déchiré. S'ensuit une ligne de peinture blanche rentrant par une face du triangle, de manière perpendiculaire au bord de la feuille. Je remue mon pinceau dans un bol d'eau pour... "OH MAIS PUTAIN MAIS OUI, J'EN AI LES FRUSQUES QUI REMUENT!"

Peut-être que la lumière se tord de la même manière et se décomposerait de la même façon sur les objets! Quelle putain de théorie quand même. Je retire ce que j'ai dit sur ce gusse, j'lui baiserait les pieds s'il le fallait.

Je remet la plume dans l'encrier, le pinceau dans le bol maintenant trouble de colorants.

Le dessin:

Encore une idée mise sur le papier Ferdidi! Maintenant faut que j'aille découper la viande, elle va être trop cuite si je continue à faire des conneries par centaines.

Je me lève de mon siège, le cuir colle à mon cul malgré le pantalon et je suis obligé de le chasser avec ma main pour le faire retomber par terre dans un vacarme assourdissant relevant des petits nuages de poussière au passage. Une fois arrivé dans le salon l'excitation redescend et je me recoiffe vite fait pour faire bonne figure devant mes hôtes qui doivent déjà probablement me prendre pour un dingue. Je fais fi du sang coulant de mon crâne, j'ai simplement dû me beugner en tombant tout à l'heure, rien de bien grave.

Je ramasse la pièce de viande en sortant directement mon truc de la cheminée, puis pose le tout bien trop lourd sur la table correctement napée, pour une fois. Je virevolte ensuite devant la servante bien trop petite pour contenir tout mes couverts, je retrouve mon maillet égaré depuis 3 semaines au passage, et apporte le tout sur la table.

Je fais ce que je sais faire le mieux, me poser le boule sur une chaise. Ma main se tend, plat de la main vers le ciel, pointée vers les feuilles de choux en salade et le bœuf, pour signifier à mes hôtes que tout est prêt et qu'ils peuvent se servir.

"-Pour répondre à vos questions, si elles tiennent encore. Je travaille sur vraiment tout et n'importe quoi. Et oui, j'ai tout lu cette bibliothèque relativement succincte, vous m'en pardonnerez."
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