Marbrume


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 Le Monopole

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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Le Monopole   Le Monopole EmptyLun 25 Sep 2017 - 23:44
Waldelène est en train de nouer ses cheveux. Sans son dos, au-dessus du manteau, il se retrouve à mêler ses cheveux si longs en une queue qui se retrouve au-dessus de la capuche. Il peut m’entendre grogner de rire au fond de la gorge ; Il ne se retourne pas bien sûr, mais il ne peut pas s’empêcher de réagir, sur un ton de fausset.

« Qu’est-ce, Lucain ?
– J’ai jamais cru que c’était ton genre, les cheveux longs. D’où tu viens, les hommes les coupent courts, et même les femmes d’ailleurs. »

Il ne me répond pas, et se contente de hausser les épaules. Son temps à fricoter avec des riches et des huppés l’a vraiment changé. Je le remarque à son odeur, surtout ; Waldelène a cessé de puer le chacal. De mes longues chevauchées adolescentes avec lui, au temps où il était encore mon valet d’armes, Waldelène a toujours schlingué. Non pas par état, mais simplement par son emploi. Quand on passe sa vie à se balader à cheval, à porter une armure, à dormir dans des écuries, au bout d’un moment on renifle, hein. Moi aussi j’étais dans son cas-là. Simplement, j’avais jamais imaginé qu’un jour nos rôles puissent s’inverser.

« T’es devenu le bellâtre. Je suis devenu la vérole. »

Waldelène se retourne en fronçant les sourcils et en montrant les lèvres. Il me provoque du regard.

« T’es en train d’insinuer que j’en étais une, de vérole ?
– Pourquoi insinuer ? Je te le dis à voix haute.
– Enculé. »

Je vous ai déjà raconté ma vie mille fois, cher lecteur. Mais je sais que c’est jamais les mêmes qui m’écoutent. À chaque fois mes interlocuteurs changent, hormis quelques discrets qui épient les conversations des autres. C’est agaçant à la fin, de me répéter, quand bien même j’aime m’entendre parler ! Mais je suppose, pour la bonté de tous, que je résume la situation.
Mon nom est Lucain d’Agrance. Je suis un chevalier de l’aristocratie langroise. Je baisais des meufs, je combattais lors de tournois, j’ai voyagé aux quatre coins du monde. Et depuis je me torche avec des feuilles et je me fais des bains de bouche à l’urine. Mais un mauvais miracle m’est arrivé ; Banni, je suis parvenu à rentrer dans Marbrume. Mais je garde gravé sur mon bras une marque rouge, qui pourrait m’envoyer être bouilli vivant si l’on me découvrait. Comme mes seuls talents sont ceux de manier l’épée et d’avoir des mauvaises fréquentations, on m’a chargé de faire un emploi vil, mais le seul moyen que j’ai d’encore gagner des piécettes.
On m’a chargé d’être un coupe-jarret.

Waldelène est un ami de longue date. Fut un temps où il était mon valet d’armes ; Mais il a eu une vie avant moi, il en a eut une après moi. Il n’est pas un rejeton de noble, et n’a jamais aspiré à passer sa vie à aider des chevaliers à revêtir leurs slips et leurs corsets de maille. S’il me suivait, c’était par intérêt, parce que je vagabondais dans des cloaques infâmes et que j’avais perdu tout semblant de morale chevaleresque. Peut-être aussi qu’il était avec moi un peu par amitié, même si c’était une amitié glauque et à couteaux tirés. On a baisé ensemble une fois, mais ni lui ni moi sommes pédés. Je pense que vous imaginez un peu mieux le portrait, là ?
En tout cas, Waldelène fait tâche avec ses bottes flambantes neuves, vernies, qui scintillent parfois quand nous marchons au reflet d’une bougie ou d’un lampadaire public. Mais malgré sa belle dégaine, il n’est nullement gêné par les odeurs d’urines, par le sol boueux, par la très fine pluie qui s’abat sur nous, si douce qu’on n’a en réalité pas besoin de couvrir nos cheveux. Il a les frusques d’un patrice ; En réalité, c’est un enfant de la nuit. Il n’est pas né à Marbrume, il ne connaît pas par cœur ses allées et ses ruelles, ses cul-de-sac et ses raccourcis, mais il s’en sort bien mieux que moi, et son emploi fait qu’il a bien dû acquérir quelques notions d’urbanisme.

« Tu es sûr que ton type est fiable ? Je demande alors que nous marchons en pleine nuit entre deux maisons de bois qui ne sont pas accolées pour une raison que j’ignore totalement, probablement un conflit de voisinage, ce qui fait qu’on y laisse un état sanitaire exécrable, avec de la merde en décomposition balancée des deux fenêtres opposées au-dessus de nos têtes, et des rats qui couinent en fuyant sur notre passage en-dessous de nos pieds.
– C’est un miraculé, répond Waldelène en tournant un peu la tête pour porter sa douce voix jusqu’à moi, sans aller jusqu’à me regarder. Tu connais, les miraculés ?
– J’ai déjà entendu le mot... Une bande d’informateurs, oui. Mais je n’en sais pas plus.
– Les miraculés sont les éclopés de la ville. Des borgnes, des amputés, des hommes-troncs, des aveugles, des sourds... Certains le sont véritablement, d’autres font semblant d’être malades pour attiser la pitié des patients. Ce sont d’anciens soldats, des accidentés du travail, des rescapés de maladies. Toute une bande d’indésirables qui s’étalent le long des trottoirs. Généralement, on les ignore, si ce n’est pour leur filer quelques piécettes sans les regarder dans le blanc des yeux si on se sent généreux.
Ils font partie des murs. Et comme tu le sais si bien, monseigneur Lucain, les murs ont des oreilles très très affûtées... »

C’est intelligent. Je suis impressionné. Est-ce que les miraculés sont toute une organisation bien établie ? Ou juste une sorte de modèle qu’on peut croiser dans les villes, établis parce que les éclopés sont les mêmes partout ? C’est un sujet qui m’intéressait si seulement je n’avais pas mon esprit occupé avec d’autres choses en ce moment. Dans quelle merde je me retrouve, encore ? Mais je suis payé, voilà tout. Il y a des gens qui font des choses pour de l’argent dans le monde, c’est ainsi. En tant que noble, et noble jusque dans mon sang, je suis incapable d’avoir l’envie de faire un travail honnête, c’est-à-dire un travail difficile et dégradant. Je préfère dégrader mon âme que mon corps, vous voyez la logique ? On a déjà eu ce genre de discussion avec Waldelène. Mais Waldelène c’est autre chose. Waldelène c’est... Putain, disons que...
Le mec a un grain. Je sais pas comment le dire autrement. Il est beau, il est agréable, il parle bien. Il est très intelligent. Et pourtant il est célibataire à trente ans et nomade. Et il est pas nomade parce que c’est un artiste ou un original, hein. Non c’est autre chose.
Comment le dire simplement et sans diffamation ?
Il adore la violence. Il a la pupille qui brille quand il voit du sang.

L’important du coup c’est pas tellement les gens qui bossent pour de l’argent, mais qui détient l’argent. Et comme d’habitude dans les affaires louches, il faut que ce soit un politicien. Toujours des connards ces gens-là. Vous savez de qui je parle si vous avez entendu mes précédentes histoires. Ferrand Degrelle, maître des maréchaux-ferrants, possesseur d’entrepôts qui sont censés garder du cuir et du textile, mais qui en réalité gardent des lingots de fer, d’argent, et surtout de la nourriture achetée au marché noir. Le type est intelligent, bon avec ses employés, populaire, avec des relations auprès de nobles influents, de patrices respectables, et de prêtres auxquels il fait des dons pour qu’ils fassent la soupe populaire.
C’est aussi un être sans scrupule qui envoie son homme de main, Waldelène, et sa nouvelle recrue, Votre Serviteur, pour stalker – pardon, je n’aime pas ce mot d’Oultreterre – prendre en filature un ami de quinze ans avec qui il vient de passer la soirée à dîner. C’est ça qui est marrant avec la politique. Tous ces types qui veulent s’entre-égorger, s’entre-étrangler, et s’entre-empoisonner, c’est des voisins de paliers qui oublient pas de se faire des réceptions entre eux. Quelle chienlit.

Enfin du coup, nous on était un peu au courant de l’agenda de maître Alof Lys. C’est pour ça qu’on a passé la soirée à l’attendre, sur la terrasse d’une auberge plutôt bien famée pour le Labourg. Le Labourg c’est le quartier paysan de Marbrume ; Mais imaginez tous les défauts du village paysan, sans aucun des avantages. Les avantages pour rappel, c’est la solidarité, l’esprit de groupe, les communaux, le terroir. Ici c’est simplement rempli de gueux, de vauriens, de rapaces, et de gens d’autant plus maladifs et miséreux que la crise et l’immigration font qu’ils se referment encore plus sur eux-même. Les migrants étaient encore bien vus en été, puisqu’ils servaient d’ouvriers agricoles, une main d’œuvre pas chère et accessible. Mais la moisson c’est passé. Et maintenant, les gens du cru, mauvais et cruels, ils crachent et jettent des cailloux sur les squatteurs qui dérangent ; Mais ne prenez pas en pitié ces réfugiés. Ils ont aussi mérité leur sort. Car il y a des bandes de pickpockets qui effectivement volent ou rackettent les malhonnêtes gens du quartier. D’ailleurs beaucoup de réfugiés ce sont engagés dans la milice, et vous voyez vite le genre de bordel auquel ça peut mener ?
Dans ce genre de situation, Waldelène et moi, avec nos tenues magnifiques et luxueuses, on ressemble à des sapins illuminés. Mais il ne faut pas se méprendre sur nos apparences. On est pas des mignons qui se sont perdus. Nos doublets sont rivetés de fer, et derrière la jolie laine que les filles s’amusent à caresser tant c’est doux, il y a du fer dur et froid qui ne peut être transpercé. Sous nos manches en lin se trouvent des anneaux de maille. Sous nos gants en cuir se cachent des couteaux très fins qu’on peut tirer. Et à notre flanc, discrète, se balladent tenue à la ceinture une épée. L’édit somptuaire interdit le port de l’épée aux roturiers. Mais bien sûr les miliciens en portent une. Mais bien sûr les gardes du corps de patrices le font aussi. C’est une obligation peu respectée, mais de toute façon nous n’enfrenons aucune règle.
Après tout, je suis noble. Héhé.
Avec nos têtes de méchants garçons et notre arme dont on n’hésite pas à tirer un peu pour montrer l’acier, on ne nous fait pas chier le long du trajet. Et c’est ainsi que, devant nous, se découvre finalement le bâtiment qui est notre objectif.
Il est tellement discret qu’en réalité je ne le remarque pas. C’est à Waldelène de s’arrêter et de l’indiquer très discrètement en levant son doigt.

« C’est ça. »

Je me poste à côté de mon collègue.

« On dirait un entrepôt de blé. Ou une usine.
– Et alors ? Tu t’attendais à un palace ? Peut-être un mur en pierre, des statues et des fontaines ?
– Non, mais... Selon Maître Degrelle, c’est là où tous les gens riches de Marbrume se rendent. Et maître Lys est un homme très, très, très riche.
D’un autre côté, cela me semble logique. Les endroits discrets cachent souvent quelque chose...
– Ouf, tu m’as fais peur, monseigneur Luc. Pendant un moment, j’ai imaginé que tu avais perdu toute intelligence. Bien sûr que l’intérieur doit être luxueux ! Mais je n’y suis jamais entré. Et si j’ai beaucoup d’informations sur l’extérieur, sur les sorties, sur les rondes des miliciens dans le coin... J’ignore à quoi ressemble l’intérieur.
Pour ça qu’on part en éclaireur. »

Finalement, car il serait suspect d’attendre bêtement au bout de la rue, en plein milieu, nous nous avançons à pas de chat. Dans le ciel la lune nous fait enfin de la lumière. Nous avons bien choisi notre horaire ; Nous savons que le taulier du quartier graisse la pâte de la milice, et il faut s’attendre, toutes les dix minutes, à voir des miliciens déambuler dehors, piques au ciel, pour bien s’assurer qu’il n’y ait pas de fauteurs de trouble. Si une alarme était donnée, on pourrait s’attendre à un duo de milicien qui déboulerait en cinq minutes ; Puis une douzaine en un quart d’heures.
On dirait pas comme ça, avec cette modeste bâtisse, mais c’est une forteresse. Une très mauvaise idée d’entrer à l’intérieur, d’égorger quelqu’un, puis de s’enfuir en courant. Du moins, faudrait le faire en prenant en compte les éventuels garde du corps à l’intérieur, les videurs, puis les toits qui seraient truffés d’archers et les rues barrées. On a déjà imaginé ce scénario.
Ça fait quand même deux semaines qu’on tente de régler un petit différent politique.

Le prévôté des marchands de Marbrume est la fonction la plus digne et la plus importante de la cité. Elle a été établie en l’an 804 après la Révolte des Pêcheurs face à l’autorité du duc. Les ducs de Marbrume ont une longue histoire de décadence, d’opulence, et de mauvaise gestion de leur domaine ; Le fait qu’il y ait un marais puant et géant juste à l’extérieur de leur cité le prouve. Mais les marchands de la ville ont obtenu que la gestion de leurs affaires soit confiée non à un homme nommé par le duc, qui avaient gardé la grande tradition d’être corrompus et inefficaces, mais à un homme élu. Le prévôt des marchands est chargé de l’approvisionnement de la ville en nourriture et en eau, de l’assiette des impôts, des travaux publics, de la salubrité de la voirie. En soi, tous ces objectifs sont extrêmement difficiles à atteindre dans un contexte de fange. Mais être prévôt, ça vient avec quelques avantages ; Pas tellement le salaire, qui n’est absolument pas attractif, ni les possibilités de corruption, car le duc sait punir atrocement ceux qui volent de l’argent qui auraient dû lui parvenir. Mais simplement par la préséance juridique d’un patrice sur tous les autres.
Le prévôt des marchands est chargé de la garde des entrepôts à grain qui gardent toutes les ressources importées du Labret. Le prévôt des marchands peut décider d’allouer ce grain à un quartier, à des corporations, à des personnes en particulier. En gros, l’homme qui sera élu aura le droit de vie ou de mort sur tout un tas de gens.
Depuis maintenant des mois, deux hommes se font concurrence pour prouver à toute la ville qu’ils sont les plus dignes de confiance pour ne surtout pas abuser de leurs privilèges. En fait il y en avait d’autres des concurrents en lice, mais Marcus Roussel est empêtré dans une affaire de délit d’initié qui remonte a avant la Fange (Mais c’est le genre de trucs important pour l’électorat), Régis Rouge est moqué par des troubadours et il se tape la honte dans tous les repas de famille marbrumoises (Puisqu’il a épousé une forgeronne, et qu’on imagine donc qu’elle porte la culotte), Bérenger Lebrac est trop extrémiste, et enfin Armande Valienne est une femme, ce qui réduit à néant ses chances d’être élue. Bien sûr, il va sans dire que quelqu’un paye les troubadours, que les rumeurs de délit d’initié ne sont pas sorties toutes seules, et que la vindicte envers Armande est entretenue durant les banquets ; Et tout ça, on peut le remonter à deux personnes qui sont encore en lice et très très influentes. Ferrand Degrelle et Alof Lys. Leurs noms ne sont pas des noms de noble, mais leurs familles sont assez âgées ; Du moins, la famille Lys existe depuis le IXe siècle, celle de la famille Degrelle au Xe. Ah, petite précision pour la blague : Le grand-père de Ferrand Degrelle était un paysan, alors Degrelle arrête pas de se vanter partout qu’il est un exemple de méritocratie et d’ascension sociale. Ce qu’il aime pas préciser, c’est que « paysan » dans son cas veut pas dire métayer, mais céréalier vilain et propriétaire ; Son père était paysan, mais il avait trois cents hectares de terre en propre réparties un peu partout dans le Royaume, si on rassemblait le tout ça aurait été assez large pour faire une grosse ville. Ça fait relativiser, hein ?
Enfin je vais pas maudire mon patron. Ces trois cents hectares de crasse c’est ce qui l’a rendu riche, et c’est donc ce qui va expliquer ma pitance. Ça et d’autre chose, mais c’est pas le sujet.

Le sujet d’aujourd’hui c’est Alof Lys. Et franchement, Alof Lys, c’est pas un concurrent facile pour Ferrand. Maître Degrelle est habitué à manipuler son monde, à avoir un coup d’avance, à prévoir tout ce que son adversaire va faire ; Mais Lys est pas seulement son égal, il a su prouver être capable de le dépasser. C’est un sacré orateur, il a des relations, il est malin et futé. Lors d’un débat public, il y a cinq semaines, il a réussit à complètement mettre Ferrand dans l’embarras, jusqu’à le faire bégayer devant une foule de plus d’une centaine de plébéiens. Ferrand a réussi à se dépêtrer et à noyer le poisson, ce qui marche toujours chez la plèbe, mais tout de même, ce genre de choses marque. En plus, Lys a réussi à sécuriser le vote d’un homme, ou plutôt une femme très influente, sœur Zoé Grégeois, une moniale qui tient un chapitre qui fournit des soins auprès de la populace du goulot ; Autant vous dire que ça l’a rendu très vite très populaire auprès des migrants, parce qu’il y a des migrants riches. En même temps il sécurise le vote national, parce que sa famille est très installée, là où Degrelle est un « petit-fils de paysan ». Il ne dit pas ça, bien sûr, mais des gens le pensent ; Et voyez comment il retourne l’argument de Degrelle contre lui.
Enfin bref. Y a trois semaines y a eut un attentat à Marbrume. Une sombre affaire ; Une bande de flagellants, des fous furieux qui se fouettent entre eux, ont essayé d’empoisonner un aqueduc qui fournit l’Esplanade en eau propre. Les terroristes voulaient purifier la ville en massacrant les profiteurs. Ils ont été arrêtés au dernier moment, mais certains conspirateurs sont encore en fuite, et maintenant il y a la paranoïa et la crainte. En tous les cas, l’actuel prévôt des marchands, qui n'a pas voulu briguer un cinquième mandat et explique à lui seul toute cette folie, a mis un terme à la campagne, et tous les candidats ont décidé d’envoyer un message de solidarité en arrêtant de se tirer dans les pattes ou de faire des banquets et des réceptions pour récupérer des votes ; Le moment est venu de faire bloc, union, de soutenir notre duc qui a été lui victime d’une tentative d’assassinat. C’est la trêve, et maintenant Ferrand et Alof mangent ensemble et on les applaudit.
Mais en privé, Ferrand est ulcéré. C’est pour ça qu’on est là.

N’empêche que le type est rusé et malin. Autant vous dire que je vois d’un très mauvais œil notre venue ici. Je ne suis pas vraiment un espion de profession, j’ai appris sur le tas. Et si le type est vraiment aussi intelligent que ça, je vois pas comment moi et Waldelène on arriverait à mettre fin à sa carrière en visitant un bordel qu’un éclopé borgne voire aveugle a repéré.
D’autant que lorsque nous approchons, nous ne voyons aucune trace de son passage. Pas de voiture. Pas de gardes du corps devant. Personne. Le bâtiment on peut s’en approcher ; Il y a une lanterne rouge devant la porte, le simple signe, discret, qu’il s’agit bien d’une maison de délice et pas d’une manufacture où on fabrique du papier ou des tonneaux. Il n’empêche que la porte d’entrée est lourde, fortifiée, en acier. Il faut toquer très fort avec le poing, et un judas coulisse pour dévoiler une paire d’yeux derrière des barreaux.
Je vous l’ai dis. On peut pas juste venir masqués, défoncer la porte et massacrer Lys.

« Bonsoir à toi, dit Waldelène au videur qui attend derrière.
– Entrée sur invitation uniquement.
– Nous entrons avec la recommandation de maître Ferrand Degrelle. »

Waldelène fait passer une lettre par les barreaux, que le videur attrape. Un papier signé par lui. C’est risqué. Très risqué. Risqué parce qu’on est en période de campagne, et que ça ferait mauvais genre qu’une rumeur est lancée comme quoi un homme qui passe son temps à faire des largesses au clergé et qui a participé à une procession publique recommande des amis auprès du bordel. Risqué parce que les types derrière nous connaissent pas, et qu’ils peuvent découvrir qu’on est juste des employés et pas des gens influents. Risqué parce que Lys est à l’intérieur, et que si le taulier est un gars qui fait son métier, il va vouloir nous présenter, puisqu’on est en période d’union sacrée et qui y a rien de mieux pour renforcer les liens que baiser une pute ensemble.
Risqué parce que je suis un sale banni.
Risqué parce que Waldelène est un tueur violent et impulsif.
Risqué parce que, même s’ils ne sont pas là, j’imagine déjà le quartier illuminé de flammes et envahi de miliciens ramenant leurs chiens hurlant à la nuit, à la recherche de l’odeur de nos doux parfums qui masquent nos odeurs de trouille.

J’ai besoin de me défoncer. Je veux de la drogue et de l’alcool.
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Fenrir Leblanc
Fenrir Leblanc



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MessageSujet: Re: Le Monopole   Le Monopole EmptyMar 26 Sep 2017 - 22:37
Fenrir se frotta les yeux. cela faisait maintenant plus d’une heure qu’il examinait scrupuleusement les chiffres qu’il avait soigneusement reporté sur son vélin. Son écriture serrée recouvrait entièrement la surface de la feuille et lui donnait maintenant mal au crâne. La bougie qu’il avait allumé se consumait doucement, éclairant la pièce d’une chaude lueur orangée. Le tenancier se laissa aller sur le dossier de son fauteuil maintenant rembourré. Tout avait changé depuis quelques semaines.
Le recrutement s’était bien passé et il avait maintenant assez de filles pour pouvoir combler le moindre désir de l’Homme, même le plus étrange et dégoûtant. La rénovation du bâtiment avait été mené à bien. Profitant de la formation des nouvelles venues pour fermer les portes du bordel, Fenrir avait fait une pierre deux coups et avait ainsi réduit la perte d’argent que ces deux événement auraient pu engendrer.
Sa chambre lui servait toujours de bureau mais les meubles avaient un peu plus fière allure, le parquet avait cessé de grincer et les rideaux neufs cachait enfin les rayons de lunes qui venaient sans cesse le réveiller.

Le jeune homme prit son verre à la main et bu une longue rasade de vin. La aussi l’argent du Comte lui avait bien servi. Il faisait affaire avec un petit producteur épargné par la fange, faisant ainsi fleurir ses affaires et sauvant quelque peu l’économie locale. Grâce à ce changement de gamme une nouvelle clientèle ne cessait d’arriver, Fenrir en était ravi mais il ne laisserait pas ses vieux habitués en reste. Il avait donc divisé la salle commune en deux partie. L'habitué d’un côté, se rassemblait la les ouvriers, les fermiers, les artisans et autre producteurs et travailleurs. De l’autre côté venait les marchant, les notables et parfois même quelques nobles ne voulant pas être aperçu dans un lupanar. Évidemment le mutisme du tenancier et sa “mauvaise” réputation les rassurait quant à la pérennité de leur secret.

Fenrir se leva lentement, délaissant sa comptabilité, et sortit de sa chambre. Se trouvait devant lui la pièce de bain et le stockage des vêtements des filles. Les vieilles robes avait été vendues ou données par celles-ci et leur garde robe avait été refaite à neuf … La encore avec l’argent du Comte. Un sourire narquois se dessina sur le visage du jeune homme. Il aurait bientôt assez d’argent pour pouvoir rompre le contrat et être enfin le seul maître à bord. même si Victor de Rougelac ne mettait pas trop le nez dans ses magouilles, Fenrir préférait largement ne dépendre de personne et il préférerait garder tous les bénéfices pour lui. Les filles bien sûr étaient bien lottie. Le tenancier faisait venir un guérisseur régulièrement pour vérifier que tout soit en ordre et interrompre les grossesses éventuelles. En parlant d’enfant Arianna avait encore disparue …

Fenrir haussa les épaules. Tant pis pour elle.
Alors qu’il descendait la porte d’une des chambres s’ouvrit avec fracas. Fenrir s’accouda à la rambarde de l'escalier attendant de savoir si il aurait à intervenir. Un homme rondouillard tentait vainement de corriger une des nouvelles qui s’était réfugié sur le palier. Elle se précipita vers son patron en le voyant. Le client lui s’arrêta et blêmit. La nouvelle règle primordiale du Plat du Jour : Tout client violentant une employées devra payer une prime sou peine de se voir radier de la clientèle et le cas échéant voir sa vie extra-conjugale étalée sur la place publique. Un nouveau sourire s’afficha sur les lèvres roses du jeune homme. Le client se rhabilla rapidement et lança lui lança une bourse lors de sa descente. Fenrir l’ouvrit et en sortit une piécette qu’il tendit à la jeune femme toujours agrippée à sa chemise. Celle-ci était une employée disons … normale.

Fenrir avait encore du mal à retenir les noms des ses employées. Seule la guerrière au teint d’ébène et les jumelles lui restaient en tête. Elvira, Adélaïde et Aliénor.
Elles étaient d’ailleurs toutes trois présente au rez-de-chaussée. Les jumelles dévoilaient leur grâce en dansant tandis qu’Elvira jouait d’un instrument étrange dont Fenrir avait encore oublié le nom. Les cinq autres filles bavardaient gaiement avec les clients. Un grand videur musculeux et balafré gardait les bras croisés près de la porte. Elle avait été renforcée et un judas permettait de vérifier l'identité des nouveaux venus sans pour autant les faire entrer.
Iris était de congé et c’est Satine qui s’approcha doucement de lui. Il lui sourit chaleureusement en voyant son ventre rebondi. La matronne avait enfin trouvé un mari et celui-ci lui permettait de venir travailler tant que sa maison était entretenue. Satine excellait dans la gestion d’un maison et n’avait donc aucun soucis à concilier les deux aspects de sa vie, et puis le maraud ne crachait pas sur un salaire de plus.

Elle lui prit le bras et l'entraîna vers le bar ou elle lui servit un autre verre. D’ici il pouvait voir tout ce qui se passait. Les nouveaux canapés étaient rempli de clients attendant leur tours. Il y avait même quelques jeunes venus courtiser ses filles. Le parquet ciré brillait sous l’effet des flammes, les rideaux n’avaient plus aucun trous et les tables n’avaient pas été cassées une seule fois … Du moins pas encore. Les murs avaient été enduit de chaux et rendaient le bâtiment beaucoup plus propre qu'auparavant. Les lampes à huile avaient remplacé les bougies de suif étouffantes … Tout était propre et à sa place. Un sentiment de plénitude avait assaillit le jeune homme, tout cela lui appartenait et il n’avait même pas trente ans.

Un événement le tira de sa rêverie. Gauthier s’était tourné vers lui en tenant une lettre. Fenrir fit signe à Clervie, qui ne s’éloignait jamais vraiment de lui, d’aller lui chercher.
Une fois le bout de parchemin en main Fenrir fronça le sourcils. Une recommandation étrange venant d’un homme des plus Important. Ferrand Degrelle …
Aurait-il vraiment prit le risque que quelqu’un s’empare de cette missive ? Ou alors il avait pleinement confiance dans la capacité de défense du porteur de la lettre … En tout cas Fenrir avait un mauvais pressentiment. Il se leva prestement de sa chaise pour aller à la rencontre des … deux individus, d'après le signe de Gauthier.
Le tenancier fit signe au videur de les laisser entrer. Il prit ensuite Clervie par le bras et lui murmura quelques instructions. Que Degrelle lui recommande deux personnes alors que son concurrent se trouvait au moment même dans la chambre des Lys, comme il l’aimait à l’appeler … Cela le troublait et ne lui disait rien qui vaille. La jeune Clervie se dirigea donc timidement à l’étage, passant inaperçue pour la plupart des gens présents dans la pièce.

Fenrir alla donc à la rencontre de ces nouveaux clients, un masque impassible sur le visage.
S’avançant vers eux dans le vestibule il pu les détailler à loisir. Une impression étrange émanait des deux individus, renforçant le malaise que ressentait le jeune homme. Les vestibule en lui même était une petite pièce ou le sol en pierre ne craignait nullement les souliers crottés pas la boue. Les murs blancs étaient couverts de paterre afin que les nouveaux venus puissent pendre leur habits en attendant qu’ils sèche ou seulement pour s libérer les mains et se mettre à l’aise. Un tapis épais servait de paillasson juste devant la porte avant de laisser place à des ouvrages plus complexes et surtout plus chers.
Les deux hommes semblaient dépareillés. Physiquement ils ressemblaient à des gens propres sur eux, ayant de quoi se payer une nuit de plaisir mais quelque chose dans leur attitude faisait tiquer le propriétaire. Il avait bien fait d’envoyer Clervie a Alof.
Le jeune homme se présenta alors aux deux arrivants.

- Messieurs, Bienvenue au Plat du Jour.

Il fit une pause de quelques seconde, mal à l’aise de devoir leur parler.

- Je vous en prie. Il s’effaça pour indiquer la salle de la main. Allons nous installer tranquillement pour que je puisse vous conseiller. Ici chacun de vos désirs peut être comblé.


Il attendit que les deux hommes soient entrés dans la salle pour prendre les devant et leur indiquer une table dans un coin assez reculé des activités ambiantes. Il suffit d’un regard vers Satine pour qu’elle se mette frénétiquement au travaille, cherchant tant bien que mal une bouteille de vin non entamée. Fenrir attendit à nouveaux que ses clients soient assis avant de s’asseoir lui même en face d’eux. Il se racla la gorge et regretta de n’avoir pas fini son verre de vin.

- Alors, dites-moi pourquoi vous êtes ici … et surtout pourquoi notre cher M.Degrelle vous recommande.


Le jeune homme les regarda à tour de rôle. Il avait insisté sur le “pourquoi” et sur le mot “cher” en espérant qu’on lui réponde sans mensonge sans pour autant y croire vraiment.


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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Re: Le Monopole   Le Monopole EmptyMar 26 Sep 2017 - 23:29
Sitôt la lettre donnée, le judas coulisse à nouveau. L’on entend alors quatre cliquetis de fer distincts, des tambourinements ou bien des claquements de cadenas, de chaînes ou de verrous qui protègent le bâtiment d’éventuels assaillants. Waldelène attend debout sur la marche en pierre, les deux mains sur ses hanches, un grand sourire satisfait qu’il me montre en pivotant sa tête. Moi je reste renfermé plus en arrière, la main gauche sur la garde de mon épée, pas le meilleur moyen pour la tirer, mais le but n’est pas réellement de menacer quiconque ; C’est juste marrant comment nos positions se sont effectivement inversées. Nous avons adopté l’ethos de l’un et de l’autre, et c’est assez normal puisque l’homme est le produit de son environnement. Fut un temps où c’est moi qui me tenais tout fier devant, et lui qui restait en retrait avec sa bouille inquisitrice.
La porte s’ouvrit, et le videur nous fîmes entrer. Une espèce de bonhomme grand et large, rasé et racé, au pif au milieu d’un visage parfaitement Jacques se mit à nous parler avec une voix de rustre qui feignait de connaître les bonnes manières.

« Bonsoir à vous, messeigneurs. Si vous permettez un instant, l’un de mes collègues est parti prévenir le propriétaire de cet établissement, qui vous recevra. Vous pouvez malgré tout vous dévêtir et attendre dans ce vestibule. Ce ne sera pas long, je ne vous proposerait donc pas de rafraîchissement, si vos seigneuries le permettent.
– C’est bien aimable à vous, bon frère, répondit Waldelène en lui donnant une petite tape sur l’épaule, ce qui me fit ricaner. Sitôt que j’avais franchis la porte, elle s’était refermée derrière nous par un jeune adolescent bien plus petit que le brigand qui servait d’armoire à glace, et je pus observer avec détail la manière dont la porte était bien protégée, tandis que Waldelène discutait.
– En revanche, messeigneurs, je vais devoir vous demander de bien vouloir remettre vos épées... Il faut que vous compreniez, je ne souhaite aucune insulte à vos rangs. Simplement, il peut arriver, avec la boisson, et l’ambiance, que les choses dérapent, et il ne vaut mieux pas avoir dans ce genre de situation une quelconque lame à sa portée.
– Seriez-vous en train d’accuser mon ami et moi d’être impulsifs, bon frère ?
– Je ne souhaite rien présager sur vos seigneuries ; Mais je ne peux pas parler pour tous les habitués de cet établissement. Il existe de nombreuses personnes qui risqueraient de vous importuner, et même si vous êtes sans doute bien assez valeureux pour les corriger, il n’est pas véritablement dans notre intérêt que vous malmeniez des clients...
– Ah ah ! Se mit à ricaner Waldelène en donnant une seconde tape condescendante au videur. Vous avez déjà prévu ce genre de réponse, hein ? Ne t’inquiète pas bon frère, bien sûr qu’on va te remettre nos épées, et bien sûr qu’on va attendre sans faire d’histoires. Tu nous guides ?
– Si cela plaît à vos seigneuries. »

Lui et moi tirons sur les boucles de nos ceintures, et nous les tendons au petit adolescent qui a verrouillé la porte dans notre dos. Il se presse de placer les fourreaux sous le bras, et alors Waldelène et moi retirons nos gros manteaux que nous jetons sur le dos du garçon, pour rester dans nos doublets. Pour autant nous ne sommes absolument pas désarmés ; Je ressens encore le froid glacial d’un couteau dans ma botte, d’une dague sous mon aisselle, et d’une pointe dans mon gant. Tout l’attirail nécessaire d’un vaurien des rues, du moins la version premium, mais que voulez-vous que je dise ? On m’a demandé de sortir couvert, j’ai fais qu’obéir.
De toute façon Waldelène et moi n’avons pas de temps à perdre à sortir les armes. Ce serait dangereux, et nous n’avons pas apporté suffisamment de matériel pour résister à un assaut. Alors, nous nous contentons d’obéir au videur et de rester dans ce vestibule, bien décoré de tapis, bien illuminé de jolies bougies. Mais ni moi ni Waldelène ne sommes distraits par la beauté du lieu, par une fille peu vêtue qui passe en baissant la tête et en murmurant un « bonsoir », par les rires et la musique qui résonnent dans une autre pièce. Waldelène et moi, nous regardons plutôt tout autour, comme des poules dans une basse-cour qui ne peuvent s’empêcher de zieuter le moindre petit détail.
J’essaye de me graver le lieu en tête. Me graver les portes, les pièces, à deviner le nombre de truands, les petites échappées possibles, les escaliers. Je tente de me fabriquer un labyrinthe mental, que j’irai dessiner au fusain sitôt que je serai rentré au manoir de maître Degrelle. Jusqu’ici, j’utilisais mon petit talent peu développé de dessinateur pour recréer des gonzesses, surtout leurs corps nus. On dirait bien que finalement, ça va me servir à autre chose que de me pogner.
Et pendant que je détaille tout ce bâtiment, du moins, tout ce qu’on offre à notre regard, c’est-à-dire la porte d’entrée, celle du petit bureau dans lequel les videurs doivent attendre, et le couloir qui mène au salon, me laissant encore beaucoup de pièces à ma curiosité (C’est comme essayer de deviner la tenue d’une poitrine relâchée et dénudée quand on n’a même pas pu apercevoir un décolleté, et parfois l’on triche en y mettant du coton ou des oranges), Waldelène entretient une petite conversation avec le videur.

« Nuit agitée ?
– Il y a des nuits plus remplies que d’autres. Celle-ci en fait partie, répond le videur d’un ton poli mais sans nous regarder, marchant toujours tout droit.
– Un événement en particulier ? C’est l’élection à la prévôté qui fait soudain se démanger les pantalons des gens du crû ?
– Ils perdent rarement une occasion de se démanger, votre seigneurie ; Aujourd’hui est jour de paye, et férié en plus.
– Tout se perd ; Le jour férié, on est censé le passer à l’église puis avec sa famille, certainement pas ici.
Qu’est-ce que tu en dis, Godefroi ? »

Godefroi c’est mon nom d’emprunt. Godefroi de Sylens c’est le nom du fils de mon oncle, mon cousin, un mec qui m’a toujours été très sympathique même si je l’ai assez peu connu. L’avantage, c’est qu’on a souvent dit que je lui ressemblais, mais les filles disent que je suis plus beau que lui ; Peut-être qu’elles mentent d’ailleurs, et qu’elles disent au contraire à ce bon vieux God’ que c’est lui qui est plus attirant. Toujours est-il que l’avantage de Godefroi, c’est qu’il n’est pas banni. Et c’est un prénom commun.
Je crois que s’il était au courant de mon usurpation d’identité, il prendrait immédiatement son cheval, rassemblerait sa mesnie, et irait courir au fond des marais pour me défier en duel. Et il est bon en duel.

« J’en dis que je suis bien heureux de ne pas être marié et de ne point avoir d’enfants ; La fange a eu au moins le mériter d’éloigner les velléités nuptiales de mes parents.
– Nyeheheh ! Tu ne parviendras pas à y échapper !
– Nous ne pouvons pas tous être comme toi, Waldelène ; Tu mourras célibataire, et pas parce que tu as fais vœux de chasteté, maudit incroyant.
– Je ne suis pas incroyant, je crois fermement aux Dieux et aux dogmes.
C’est juste que moi je refuse l’hypocrisie. Je n’arrive pas à m’y tenir, alors je ne cherche pas à mettre les pieds dedans ! »

Le videur arrête soudain notre conversation en faisant un court mouvement de tête.

« Si cela ne dérange pas trop vos seigneuries, vous pouvez attendre ici ; Mon patron ne saurait se faire tarder.
– Cela ira mon brave. Nous n’allons pas nous échapper. »

Le videur s’éloigna. Probablement que, sitôt de retour avec ses collègues, il va hurler et se plaindre, parce que même s’il n’a rien laissé paraître, il doit être ulcéré qu’un sale enfoiré de nanti ait osé poser sa patte de scélérat sur son épaule.
Mais Waldelène ne fait que jouir de cette idée. Être une gale auprès des autres, le ver dans la soupe, l’inconvenant qui ruine tout mais ambiance la fête, c’est un petit plaisir que lui et moi partageons. Et qui dit qu’on ne peut pas lier l’utile à l’agréable ? Et là, l’utile, c’est de nous avoir débarrassé de cette compagnie.
Lui et moi nous nous tenons donc dans ce vestibule, et nous profitons de quelques secondes à peine pour s’échanger à voix basse, et avec une familiarité professionnelle, quelques mots.

« Sacrée porte...
– Je connais un alchimiste qui peut créer un acide pour la démolir ; Mais le temps que cela fasse effet, il faudrait quelques minutes, et une large quantité.
– Oublie donc toute idée de passer par là. Il vaudrait mieux trouver une fenêtre, voire le toit.
Tu es sûr que Lys est ici ?
– Absolument pas. Mais s’il l’est, il doit avoir ses gardes du corps à l’intérieur, qui ne sont pas occupés avec les filles. Ils pourraient me reconnaître, mais pas toi. Faut rester à l’affût.
– Merde. »

Quand d’autres bruits de pas se font entendre, nous nous redressons. Et je me retrouve face au taulier de bordel le plus faiblard et que je puisse le moins prendre au sérieux au monde. Je m’attendais ou bien à une matronne dégueulasse, la face toute maquillée de blanc, ou bien à un truand qui, s’il allait avoir l’épaisseur d’un papier-peint, serait au moins notable par une moustache de maquereau, ou des cicatrices de vaurien. Je ne m’attendais certainement pas à ça ! Le type qui se met à nous accueillir, il a une tête de bon garçon. Moi et Waldelène nous échangeons un court regard à son arrivée, les yeux rieurs.
Le type il ressemble à un jeune moine ou à un compagnon d’une corporation. Qu’est-ce qu’il fout ici ?

« Merci de votre accueil... Leblanc », se mit à dire Waldelène, sans préciser le moindre titre de courtoisie. Quel titre de courtoisie voulez-vous donc donner à cet homme ? « Sire » c’est pour les nobles. « Maître » pour les bourgeois. « Frère » aux paysans ou aux roturiers honnêtes. Généralement, les tauliers de ce genre d’établissement ont le chic de s’attribuer un surnom, et ils s’attachent à ce qu’on le dise à voix haute. Mais ici je ne me moque pas ; Les nobles font exactement la même chose.
On m’appelle Lucain l’Irascible.

On se retrouve donc à suivre un petit couloir et à nouveau j’essaye de noter les accès, les escaliers, les mouvements de peuplade, tout autour, pour savoir d’où est-ce que les filles, l’alcool et les clients apparaissent et disparaissent, car il n’y a pas de magie dans ce bordel, simplement un labyrinthe dans lequel il va vite falloir que je me repère si je souhaite entrer par effraction ici une nuit ou l’autre.
Mais je n’ai absolument pas le temps ou l’occasion de le faire. Voilà qu’on nous fait entrer dans une espèce de salon et qu’on nous assoit, côte à côte. Une dame qui commence à se faire âge et qui a le ventre rond (Un petit détail si étrange qu’il me fait avoir, l’espace d’un instant, un tic de dégoût que je crois qu’elle a remarqué) nous sert deux godets de vin, que nous levons vers Leblanc pour indiquer qu’on trinque avant d’en boire une gorgée, et de le reposer.
Je dis pas qu’on va pas se saouler de la soirée, mais au moins maintenant, avoir un petit peu toute notre tête ce sera utile.

Et voilà que Leblanc nous parle. Et pas très très gentiment. Ça fait me donner un sourire crispé, alors que Waldelène lui ricane à la question du taulier.

« Ce qu’on vient fiche ici ? Merde. Godefroi, qu’est-ce qu’on vient faire ici ?
– Je sais pas. Vous vendez des lampes à huile ? La mienne est méchamment brisée.
– Rah, je rigole, loin de moi de critiquer votre accroche commerciale, Leblanc ; Je pensais juste un peu de jugeote de votre part. »

Bordel de merde. Waldelène entre parfaitement dans son rôle. Je suis impressionné. Il est hautain, condescendant, chiant à souhait. On dirait véritablement un petit noble, et pas un simple truand à la solde d’un gueux embourgeoisé. Il ne fait aucun doute ; Il a du sang bleu.
Il faut que je le rattrape. Il me vole la vedette. C’est donc moi qui reprends donc.

« Je crains que le fautif à l’origine de cette recommandation, ce soit moi, Leblanc. En effet, je suis un bon habitué de bordels, une sorte de... Testeur, et critique. Simplement, il semblerait que j’épuise un peu trop la marchandise qui m’est proposée ! C’est compliqué pour ceux qui passent après, voyez-vous ?
D’où le fait que maître Degrelle, un ami de ma famille, m’a recommandé cet établissement. Il m’a vanté le choix des produits et la qualité du service. J’ose espérer que le futur prévôt des marchands ne s’est pas trompé ? »

J’aurais aimé dire que je suis le routard de la baise, mais je crains que la blague ait fait trop gueux et pas assez prout-prout. Je la réserve pour les videurs.
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Fenrir Leblanc
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MessageSujet: Re: Le Monopole   Le Monopole EmptyJeu 28 Sep 2017 - 22:53
Fenrir se contenta de les regarder silencieusement. Il ne croyait pas un traître mot de ce qu’avait baver ces deux zigotos mais il n’en tirerait alors autant leur soutirer autant d’argent qu’il le pouvait.
Il examina cependant plus attentivement le “fautif” de cette affaire. Godefroi d’après ses dire, là aussi Fenrir n’avait pas avaler la pilule. Il haussa les épaules et se contenta de regarder les filles tour à tour.

- Et bien Monsieur Godefroi, si vous me permettez cette familiarité. Que venez vous cherchez ce soir ?


Le jeune homme lança un regard vers l’escalier. A l’étage le Lys aurait déjà dû se rhabiller et être sorti par l’arrière mais l’absence de Clervie indiquait tout le contraire. Fenrir craignait qu’il ne fasse sa tête de mule et qu’il ne tienne pas compte de son conseil. Clervie n’était pas franchement d’une autorité extrême et Alof était plus têtu qu’un troupeau de mules. L’angoisse montait petit à petit, les rires et les bavardages devenaient plus fort au contraire de la musique. Le jeune homme eu de plus en plus chaud, il sentait que quelques chose allait mal se passer.
Il du cependant attendre la réponse de son “invité” pour plus ou moins clore la conversation avant de se précipité à l’étage. Mais cela était sans compter sur le moulin a parole qui accompagnait Godefroi.
L'archétype du noble insupportable qui pense que tout lui ai du. La façon dont il regardait les filles qui passaient ne plaisait absolument pas au tenancier. S’il avait pu, il l’aurait viré de chez lui avant même qu’il pose le pied dans son vestibule.
Le visage toujours impassible Fenrir faisait semblant d’écouter les bavardages des deux hommes en face de lui.
Il fit signe à Satine de s’approcher et à Gauthier de rester vigilant. Soudainement son expression changea et un grand sourire apparut sur son visage, il se leva de sa chaise et s’inclina légèrement.


- Veuillez m’excusez quelques instants, j’ai une affaire urgente sur le feu. Il fit une pause et se tourna vers la matrone qui arrivait. Mais vous pouvez exposer vos envie a Satine, elle connait mieux le filles que moi et saura vous conseiller sagement.

Sans attendre une minute de plus Fenrir déguerpi vers les escaliers les montant presques quatre à quatre. Sur le palier il se dirigea vers une porte couverte des fleur de Lys dorées. Clervie se tenait devant, incapable de dire un mot. Fenrir fronça les sourcils et lui mit une pichenette entre les deux yeux avant de lui faire signe de descendre. La jeune fille s'exécuta sans attendre.
Fenrir frappa à la porte. Un grognement lui répondi.
Sans gêne, il ouvrit grand la porte, interrompant le client à l’intérieur de la pièce. Celui-ci maugréa avant de cracher.

- Fen, laisse moi tranquille ! Je vais te redire ce que j’ai dit à la gamine …

Fenrir entra dans la pièce et attrapa l’homme par le bras, le forçant à se lever. Alof tenta de parler plus fort mais la seconde main du tenancier vint se plaquer sur ses lèvres.

- Ecoute moi bien Alof. Je ne te le répéterais pas. Je t’aime bien, tu payes bien et tu es doux avec elles. Mais, parce qu’il y’a un mais, les deux hommes qui viennent chez moi ne sont pas nets. Ils viennent de la part de Degrelle et c’est surement à cause de toi !

Fenrir s’arrêta, regarda son employée et lui fit signe de sortir. Elle obtempéra sans un mot, se précipitant vers la sortie, soulagée de ne pas être témoin d’un bagarre. Fenrir, lui, tenait toujours Lys par le bras et n’était en rien gêné par sa nudité. Au contraire du second qui n’arrêtait pas de se tortiller.

- Tu t’habilles, tu sors et tu oublis le bordel pendant quelques jours. Peut être même jusqu’à l’élection. Je ne veux pas de problème !

Devant la mine déconfite de l’homme, Fenrir ajouta.

- Et oui, ça veut dire que tu devras baiser ta femme !

Le jeune homme le regarda dans les yeux quelques secondes avant de le lâcher et de le sortir de la pièce. Il descendit doucement les escaliers avant de rejoindre Satine et les deux inconnus. Cette dernière le regarda avec une gratitude immense et parti sans un mot, rouge de colère. Il la suivit du regard quelques instants avant de reprendre sa chaise et son verre de vin.

- Nous disions donc ?

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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Re: Le Monopole   Le Monopole EmptyVen 29 Sep 2017 - 1:46
Fenrir Leblanc ne semble pas être l'archétype de la discrétion ou de la subtilité. Le taulier du bordel, alors que moi et Waldelène parlions, parlions de tout et de rien, avec un ton agréable et en se faisant servir du vin, s'enfuit comme un voleur et quitta la pièce un moment.
Un long moment.

Un long moment lors duquel l'autre grognasse, celle engrossée, se mit à essayer de reprendre la tâche de discuter de nos soi-disant "goûts" avec une suffisance étrange et inutile. Comme si je n'avais que ça à faire de me mettre à parler des mensurations de la garce qu'on allait bien m'offrir, comme si je devais dire avec flegme et distinction à quel niveau sonore je souhaitais que la belle hurle quand je lui ouvrirai le portillon. Mais en réalité, l'échappée de Fenrir m'avait tout de suite refroidi, et si je continuais à donner le change, je me mis à tourner la tête pour regarder Waldelène dans les yeux.
Une conversation silencieuse eut lieu entre lui et moi. En trois secondes, et uniquement en ayant observé nos pupilles mutuelles, on s'était mis d'accord. C'est ça l'avantage quand on partage une âme avec quelqu'un, et Waldelène et moi avons partagé beaucoup de chose : Nous sommes frères de sang, camarades de viol, complices de meurtre, collègues de misère, partageurs de cartes, on a même été amants une nuit, un souvenir impie et inverti dont je n'ai cesse de vouloir me faire pardonner d'Anür.

- Il est parti prévenir Alof.
- Bien sûr. Il n'est véritablement pas fort pour le cacher. N'aurait-il pas pu envoyer quelqu'un le faire à sa place ?
- Peu importe. Monsieur Lys ne reviendra plus ici avant un moment. On a plus d'intérêt à rester ici.


On ponctue la conversation par un mouvement de tête.
Fenrir revient avec un seul mot : "Nous disions donc ?"

Mode Lucain activé.

Je me lève de mon fauteuil, avec grâce, en m'étirant, comme un chat qui a été dérangé pendant la sieste. Je prend mon gobelet de vin encore plein, cessant immédiatement ma discussion et mon rire que je venais de commencer avec Satine, pour me donner un air mortifère et hautain. Je tourne le godet. Et je renverse le contenu du vin sur le tapis en velours juste sous mes pieds.

« Vaurien impoli... Je ne m'attendais pas à un tel traitement de la clientèle. Savez-vous donc le périple que nous avons dû franchir pour venir ici ? Au Labourg ? J'en ai les bottes crottées et le manteau mouillé. J'ai été importuné par quelques rufians horribles et sentant l'alcool, qui ont osé quémander leur pitance, ces mendiants. Et alors que j'entre dans votre bordel, vous décidez de soudainement me quitter, sans mot d'excuse, et de revenir ensuite, sans la moindre politesse ?
Ce manque de courtoisie est inacceptable. Je reprends mon épée et quitte immédiatement cet endroit. »

Et parce qu'il faut être un Lucain jusqu'au bout, je me retourne vers Waldelène. Et les vieilles habitudes reviennent.

« Viens, damoiseau ! Nous partons !
- Oui sire. De suite, sire. »

Il fait la gueule. Moi ça me fait sourire.
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