Marbrume


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 Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]

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MessageSujet: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyDim 18 Nov 2018 - 18:45
Louise était plutôt menue pour son âge, sans toutefois être chétive. Aussi, bien malgré elle, elle faisait plus jeune qu’elle ne l’était vraiment. Outre ses magnifiques cheveux blonds, son petit nez rond et ses mains délicates et blanches, l’enfant attirait les regards par ses grands yeux noirs, si profonds que l’on pouvait aisément s’y noyer. Son teint de lys, moucheté de discrètes taches de rousseur, apportait à son visage quelque chose de fragile, presque limpide.

A l’image de son père, curieuse dans tout ce qu’elle voyait ou entendait, Louise, neuf ans, n’attendait pas longtemps avant de demander la signification d’un mot dont elle ne comprenait pas le sens, ou de réclamer l’explication d’un événement qui la dépassait, comme la “Fange”, par exemple.

D’un tempérament plutôt réservé, triste et silencieuse, la placidité qu’elle affichait au domaine avait quelque chose d’inquiétant, qu’aucun précepteur n’avait su gommer. Elle aimait la solitude, plus qu’une enfant ordinaire de son âge en tout cas. Elle passait beaucoup de temps à lire, ou à coiffer ses poupées. Intelligente, cultivée, Louise faisait le bonheur de son père. Son vieux précepteur lui disait souvent qu’il serait bon que sa fille évolue loin de l’isolement. Qu’il serait préférable qu’elle se fasse des amies, et non qu’elle passe ses journées enfermée dans sa chambre, à parler à ses poupées ou à lire des livres “populaires”. Mais jusqu’à ce jour, aucun précepteur, aucune demoiselle de compagnie, n’avait su donner confiance à Louise.

Lorsqu’elle quittait la sécurité de sa chambre, et plus particulièrement celle du domaine, des inquiétudes incontrôlées s’emparaient de LOuise et lui donnaient l’occasion d’imaginer les pires scénarios. Elle avait constamment peur de mourir, de se perdre ou de perdre son père. Dans ces moments là, lorsqu’il était présent au domaine, elle lui répétait combien elle l’aimait et l’attendrissait à tous les coups, ou presque. Aussitôt après, elle réclamait une étreinte, ce qui avait pour conséquence de pondérer ses peurs et de la rassurer. Jusqu’à l'apparition de ses prochaines angoisses.

- Louise, hurla Gabriel, le vieux précepteur. Louise, où êtes-vous ?

- Laisse-moi tranquille, vieille branche, marmonna la petite fille, cachée dans l’une des imposantes armoires du domaine.

Louise faisait des caprices depuis son plus jeune âge. Et aujourd’hui, elle avait décidé de se dispenser de l’éducation conventionnelle qui seyait aux fillettes de son rang. Elle n’avait nulle honte à s’absenter de longues journées loin de la surveillance de ses nombreux geôliers ; elle préférait de loin le petit jardin, le potager et la compagnie de son gros chien aux cours soporifiques du vieux Gabriel, qui n’avait de cesse de vanter les faits de guerre des de Madrite. Malgré les avertissements répétés de son père, la petite fille n’avait jamais acquis le moindre sens de la prudence, ni vis à vis des animaux, ni d’ailleurs vis à vis des inconnus. Alors, pour échapper à l’entêtement de Gabriel, Louise prit la folle décision de quitter la sécurité du domaine, accompagnée de fidèle compagnon : Baccus.

A plusieurs reprises, la petite fille se perdit parmi les ruelles de la cité de Mabrume. Elle était dans l’endroit le plus chaotique qu’elle n’ait jamais vu. L’air était chargé d’un curieux mélange d’odeurs déplaisantes. La puanteur lui inspirait une profond dégoût. Louise détestait cette journée. Elle détestait la boue noire et collantes qui alourdissait ses chausses. Elle détestait l’humidité qui glissait le long de son dos et le froid qui raidissait ses petits doigts menus. Soudain, elle aperçut des malheureux assis comme des mendiants, vêtus comme des mendiants. Maires, chétifs, chiasseux, ils posèrent sur la petite fille un regard inquiétant.

- Je veux rentrer à la maison...chouina Louise, accrochée aux poils humides de son chien.
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Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyLun 19 Nov 2018 - 14:33
Peu de choses et un abîme séparaient les deux enfants. A elles deux, elles possédaient en commun une jolie chevelure blonde et des yeux noirs profonds, tout comme le sang bleu qui coulait dans leurs veines. Et si tout le reste les séparait, Alix fut tout de suite fascinée par cette jolie petite fille, aux vêtements travaillés et à l'aspect si délicat.

La journée avait été comme à l'ordinaire désormais. Laissée seule à la maison de Barral et de Xandra, elle y avait fait du ménage, avait vérifié les provisions, l'eau et le bois ; avant de sortir à l'extérieur, bien au chaud dans sa petite cape de laine élimée. Elle savait où se procurer du bois contre un peu de travail, et la perspective de croiser le regard fier du milicien lui suffisait pour la convaincre de faire l'effort de sortir dans le froid. C'est ainsi qu'elle se dirigea en direction du quartier du Goulot, qu'elle connaissait si bien qu'elle pouvait y circuler les yeux fermés. Elle rêvait ensuite d'une bonne brochette de poisson brûlante vendue sur le port - mais à Marbrume, rien n'était gratuit. Elle avait déjà un toit ; il fallait mériter tout ce qu'elle avait, maintenant.

En cette matinée d'hiver, il faisait incroyablement beau. Le soleil semblait rire sur la crasse et la boue qui parsemait tout le quartier, et le ciel bleu, sans un nuage, ressemblait au plus doux des tissus de velours de la robe d'une Dame de haut parage.
La façade du bordel attirait l’œil par sa peinture rouge vive qui faisait penser au premier sang d'une pucelle couchée entre les bras d'un homme ; mais l'attention d'Alix fut rapidement attirée ailleurs, alors qu'elle allait frapper doucement à la porte de service pour leur quémander quelques services contre un peu de bois.
Des pleurs d'enfant résonnaient dans l'air glacé, juste derrière elle.

C'était comme si sa petite Leanne s'était échappée du Temple. Aussitôt les muscles de son estomac se nouèrent, et ce fut presque par réflexe qu'Alix se retourna. Avant de rester immobile quelques secondes devant le spectacle. Une petite déesse habillée comme une princesse sanglotait, seule, accrochée à un gros chien, dans l'indifférence générale, comme si le temps s'arrêtait sur ce tableau étrange. Seul un homme assit par terre la regardait avec intensité, comme s'il allait la dépouiller - mais l'enfant ne réagit que lorsqu'elle le vit se lever. Immédiatement, avec la vivacité née de l'habitude, elle comprit ses intentions. Vite, Alix s'approcha de la petite fille qui devait avoir à peu près son âge, pour prendre sa main d'autorité.

- "Vite, viens avec moi ! C'est pas sûr ici, pour une d'moiselle !"

Sans lui laisser le temps de réagir, elle tenta de l’entraîner dans une ruelle adjacente, avant de dégrafer sa cape élimée, pour la lui tendre rapidement.

- "Mets-ça, ta robe attire l'attention. Tu risques d'te faire tout voler. ...Au fait, moi, c'est Alix ! Tu viens d'où ?"

Un grand sourire rassurant. Elle ne lui voulait aucun mal, bien au contraire - elle savait ce qui arrivait à ceux qui ne faisait pas parti du quartier à ce point. Tout ce qu'elle espérait, c'était que le gros chien ne l'attaque pas !


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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptySam 24 Nov 2018 - 11:19
Cette innocente question prit Louise par surprise. Une autre à sa place se serait très certainement contentée de lui répondre que cela ne la regardait pas, ou aurait invité une histoire. Mais l’enfant n’aimait pas mentir. Dans sa situation, elle n’avait d’autre choix que de lui dire la vérité.

- Je viens du domaine des Madrite...souffla Louise. Je me suis perdue.

Elle était loin de chez elle, loin de toute sécurité.
De grosses larmes coulèrent le long des joues de la petite fille. Ce n’étaient pas les sanglots d’une enfant à qui l’on refusait un caprice, mais de véritables larmes de détresse et de peur. La petite fille éprouvait un malaise si difficile à contenir qu’elle cacha inconsciemment son visage derrière sa longue chevelure dorée. Tous ses membres étaient maintenant secoués d’incontrôlables tremblements. Son coeur battait la chamade et elle éprouvait de plus en plus de difficultés à se contenir, les yeux rougis et les traits défaits par le chagrin.

Alerté par la détresse de Louise, le grand chien s’approcha lentement pour venir lécher la joue de sa jeune maîtresse. C’était un grand chien de chasse, rapide, puissant, le pelage lisse comme la lame d’une épée. Son père le lui avait ramené à la suite d’un voyage d’affaires trois ans plus tôt. Tancrède avait eu l’intention de dresser le chien à protéger sa fille, mais cela avait été inutile. Baccus et Louise s’étaient immédiatement attachés l’un à l’autre.

- Je déteste cet endroit. Les gens me regardent étrangement. Je veux rentrer chez moi, insista l’enfant en frottant son nez morveux et ses yeux humides.

Louise, qui n’avait pas prêté beaucoup d’attention à Alix jusqu’à présent, remarqua pour la première fois leur étrange ressemblance. Elle était vêtue d’une simple robe usée et d’un chemisier sale. Sous ses cils longs et épais, ses yeux étaient d’un noir saisissant, à mi-chemin entre un ciel d’orage et la couleur du charbon. Elle était belle, belle comme le soleil ; si l’on faisait abstraction de sa crasse, de son odeur et de son parler. En fait, elle était aussi ravissante que grossière.

- Tu es bizarre. Mais l’homme de tout à l’heure était encore plus bizarre que toi.

Laissant Baccus renifler Alix de toute part, elle ajouta.

- Je veux que tu me ramènes chez moi. Tu es une “crève-la-faim”, tu dois connaître Marbrume sur le bout des doigts. Ramène-moi chez moi, et je te donnerai une de mes poupées pour te récompenser.
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Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyVen 30 Nov 2018 - 9:47
La virulence de ses larmes étonna un peu l'enfant, qui lui prit la main, par simple instinct empathique, avant de lui donner des petites tapes maladroites. La belle demoiselle était toute chagrinée d'avoir été laissée à elle-même ici, au Goulot - il fallait dire qu'elle était un peu comme une poupée dans une vitrine dans ses rues sales : magnifique et tentante, avec son joli teint pâle et ses habits précieux.

Alix avait eu raison de penser que c'était une noble, et elle se crispa un peu, assez effrayée, alors que le chien commençait à la renifler sous toutes les coutures. A vrai dire, elle ne savait plus trop si c'était une bonne idée de secourir ce double étrange d'elle-même. Avec cette petite fille, elle qui était invisible dans les rues devenait directement une cible, et elle serra fort dans sa main le manche du petit couteau qu'elle avait subtilisé chez Barral au cas où il lui serait nécessaire de se défendre.

Mais la dernière phrase de son interlocutrice lui fit aussitôt changer d'avis, battre son petit coeur un peu avide. Mettre dans ses étincelles d'envie dans ses yeux sombres. Une poupée, une jolie poupée, juste pour elle ! Juste pour les petits !
Alors Alix ne prêta même pas attention à l'insulte, oublia le froid qui pénétrait directement dans ses os, dans ses petits bras qui commençaient déjà à s'engourdir sous le vent perçant, et afficha un grand sourire à sa nouvelle amie.

- "Je vais te ramener chez toi. T'inquiète pas."

A vrai dire, la fillette des rues l'aurait quand même fait pour rien. Mais si elle pouvait en avoir une poupée et du bois de chauffage pour la maison, alors ça pouvait pas faire de mal supplémentaire !

- "Couvre-toi bien avec ma cape. Cache aussi tes beaux ch'veux, faut pas qu'on d'vine que t'es noble ici. Y'en a ici, aussi, mais y'en a qui s'sont transformés en brigands. Tu vois s'que j'veux dire. Ton.. ton chien va pas m'faire de mal, n'est-ce pas ?"

Sa proximité la rendait nerveuse tant il lui semblait solide et lourd. Il semblait bien soigné, lui aussi, mais elle ne voyait pas la beauté de la race, et devinait seulement sous son beau pelage les muscles roulant, saillant de la bête, ceux qui pouvaient l'écraser sous la simple pression de ses dents.

- "Calme-toi, d'accord ? On va s'en sortir. La plupart, c'est des réfugiés. C'est comment, ton nom ?"

Le domaine des Madrite, ça devait être un de ses jolis manoirs qui fleurissaient sur l'Esplanade ; peut-être même un voisin de celui de sa maman. Juliette. C'était un beau prénom, qu'elle ne pouvait de chérir et de maudire tout à la fois dans le secret de ses pensées.
Doucement, elle saisit la main de la petite noble, et effectua une révérence maladroite, avec un gentil sourire qui s'étirait sur ses petites dents encore blanches.
Elle lui donna son bonnet, qu'elle enfonça sur ses cheveux soyeux, d'autorité, avant de l'entrainer par la main dans une ruelle.

- "Il y a quelques rues calmes, loin du marché aux poissons. On va passer par là, et ensuite, on va éviter la taverne. Y'a souvent des bagarres là-bas. Ensuite, on remontera sur le Labourg, et on devra passer les points où les miliciens contrôlent les gens pour éviter à la racaille d'monter vers l'Esplanade. Comment t'es passée, toi ?"

Alix commença à remonter les pavés crasseux, à petits pas déterminés. Elle avait l'impression d'être un grand chevalier sur son grand destrier blanc, à sauver la jolie princesse des griffes du vil sorcier. Une histoire qu'elle avait entendu au Temple, et qui s'était gravée en elle, toujours prompte à rêver ; et qu'elle revivait éveillée, tout en grelottant violemment.

- "Dis...? Pourquoi t'es v'nue ici ? Tu voulais aller voir le p..."

Sa question fut interrompue nette par la silhouette imposante d'un homme à bonnet noir et aux vêtements élimés qui leur barra la route, avant de faire un pas dans leur direction.

- "Alors, les tourterelles ? On est perdue ? J'ai entendu des choses intéressantes, tout à l'heure...? Comme ça, les p'tites nobliotes sont d'sorties ? Filez-moi vot'fric, et j'vous découpe pas en morceaux, les morveuses !
- Dégage, c'est pas tes affaires !"

Son ton était devenue celui d'une petite furie. Elle était le chevalier étincelant, et pas question qu'on lui vole sa précieuse princesse !

- "Ah, tu vas voir..."

Alix retint son souffle, toute rouge. Elle maintenait maladroitement Louise derrière elle, bien consciente de leur faiblesse, de leur vulnérabilité. Et du couteau dans sa poche. Elle se sentit happée par le col, et elle hurla de terreur, alors qu'elle donnait presque instinctivement un gros coup de pied dans le ventre du mastodonte. La gamine dégaina son couteau, et l'abattit dans la chair tendre de l'épaule de son adversaire, qui la lâcha aussitôt à terre, où elle s'écrasa sans douceur. Pas le temps de réfléchir, il fallait fuir, et ce fut en agrippant la main de sa demoiselle qu'elle fonça droit devant elle, loin du danger, loin de la menace, sans se soucier du sort de leur agresseur.

Tout s'était passé si vite ; et elle jeta Louise dans l'ombre d'une courette déserte, espérant que leur cachette les soustrairait à la fureur du géant qui avait voulu les molester. La respiration haletante, elle fixa la petite fille dans l'ombre, avec une grimace. Et si la milice l'apprenait...?
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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyDim 30 Déc 2018 - 16:12
- Il est mort ? N’est-ce pas ? Tu l’as tué ?

Louise était terrorisée. Jamais de sa courte vie elle n’avait eu aussi peur. Neuf ans, n’était-ce pas trop tôt pour être témoin de tant d’horreurs ? N’était-ce pas trop tôt pour mourir ? Selon le père de Léopold, habitant la demeure voisine à la sienne, la famine poussait les hommes non seulement à manger des choses ignobles, mais aussi à manger d’autres hommes. La misère, la privation étaient telles que, fait jusque là inconnu ou tout du moins peu répandu à Marbrume, les gens des quartiers les plus précaires se pourchassaient pour s’entre-dévorer, tuant leurs semblables avec le fer, se repaissant de viande humaine à la manière des loups.

Le père de Léopold était connu au sein de la noblesse pour se faire une montagne de tout, penser toujours au pire ou exagérer tout ce qui pouvait lui faire honneur. Il rougirait de laisser la vérité toute nue, il faut qu’il l’embellisse, qu’il la brode. Il ment par amour propre ; et comme il n’a besoin de mentir que parce que la vérité ne lui suffit pas, il ne faut pas plus compter sur sa sincérité que sur sa loyauté. Malgré tout, ses mots avaient éveillé un écho particulier dans son esprit.

Un homme qui en dévore un autre. Quelle idée saugrenue, et pourtant si terrifiante !

- Je m’appelle Louise...souffla l’enfant, le coeur battant la chamade.

Accablée de fatigue, tremblante de froid, Louise s’aperçut qu’elle était crottée et mouillée de haut en bas. Justement, elle portait ce jour là une toilette digne d’une petite princesse, que cette escapade peu indiquée venait de mettre en piteux état. Pour le moment, le mal était irréparable, et la pauvre enfant se demanda un instant si elle oserait rentrer au domaine, faite comme elle était ; mais elle n’avait pas d’autres choix et, les yeux larmoyants, elle attrapa la main de sa nouvelle amie. Il ne s’agissait plus, désormais, que de prendre le large et d’éviter les mauvaises rencontres.

A peine sortie de la courette dans laquelle Alix l’avait abrité, Louise fut interpellée par les grognements de son compagnon à quatre pattes. C’était un gros chien, puissant et rapide, au pelage aussi luisant que la lame d’une épée. Pourtant, quelque chose, dans l’ombre des hautes maisons, semblait l’effrayer. Se retournant, Louise découvrit rapidement l’origine de l’inquiétude de Baccus. L’homme que Louise croyait mort, l’homme qu’Alix avait poignardé sans ménagement, sortit soudainement de l’ombre, la main fermement appuyée sur une plaie béante d’où suintait un épais filet de sang.

- Espèce de sales petites morveuses ! Je vais vous arracher vos petites têtes de gnards !

Fou de rage, ivre de sang, sans laisser le temps aux fillettes de s’enfuir, il se jeta sur elles tel un prédateur. Attrapant Alix à la gorge, il la plaqua sans ménagement contre un mur, après quoi il approcha son visage rouge de colère près de son oreille. Une odeur d’alcool et d’haleine fétide empestait.

- Petit trou du cul, je vais te faire la peau ! Tu vas hurler et me supplier de te tuer tellement tu auras mal.

Il frappa la fillette au creux de l’estomac, la pliant en deux et vidant ses poumons de tout leur air.

- Laissez là ! Vous allez la tuer ! hurla Louise en attrapant le bras de leur agresseur.

Soudain, en une seconde, Baccus bondit sur l’homme, la gueule ouverte, le faisant tomber à la renverse et plantant ses crocs dans le bras que sa victime qui avait instinctivement plié devant son visage pour se protéger. Un abominable hurlement de frustration et de douleur s’échappa de la gorge de l’homme. Il tenta de frapper le chien mais sa position sur le sol ne lui donnait pas suffisamment de recul pour se défendre. Le chien, lui, loin de vouloir lâcher sa prise, enfonça ses crocs de plus en plus profondément dans sa chair. Ses grands yeux bleus, emplis d’une fureur incontrôlable, ne se trouvaient qu’à quelques centimètres de ceux de sa proie. Agitant en vain le bras, le pauvre homme ouvrit la voie au chien qui se jeta à sa gorge, lui ouvrant le cou jusqu’à l’os. Un seul cri déchira l’immobilité de la ruelle. L’homme s’affaissa, les mains sur la gorge, le regard vide.

Le chien avait la gueule trempée de sang, tachant de rouge les dents découvertes.
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Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyMer 2 Jan 2019 - 12:40
- "Je-je crois pas qu'il soit mort ! Je crois pas !"

L'éventualité de la mort de cet homme l'emplissait de terreur, d'effroi. La mort d'un homme conduisait directement à la corde, aux flammes terribles qui réduiraient son corps en cendre, pour éviter qu'elle ne se transforme en fangeux. Le nom d'Alix serait balayé à jamais - cette perspective effrayante, horrible, lui donnait envie de pleurer, lui faisait oublier la faim, le froid.

Mais il fallait réfléchir. Elle devait assurer comme elle pouvait la protection de Louise, et l'emmener au plus vite en lieu sûr ; car jamais de sa vie elle ne s'était sentie aussi près de mourir, aussi près de perdre ce qu'il lui restait encore.
Doucement, elle serra la main de sa nouvelle amie, en essayant de rassembler ses esprits. Il faudrait bientôt quitter leur cachette, mais pour cela, elle devait se calmer. Établir un itinéraire mental, pour ne pas hésiter dans le noir ; et surtout, bien cacher les jolis vêtements de sa jeune compagne. Elle lui avait déjà donné sa cape, mais ne faudrait-il pas lui donner ses sabots également ? Ses belles chaussures ne pouvaient passer inaperçues, et pouvaient encore leur causer des ennuis.

Néanmoins, la noble la prit de court. En effet, elle s'était levée avant elle - et Alix, en courant, tâcha de la rattraper à l'entrée de la courette.

- "Attends-moi, surtout. On ne doit pas se faire remarquer, Louise. C'est plus dangereux, la nuit."

Le molosse de sa compagne commença à gronder. Son estomac se noua. Les ombres, autour d'elles, étaient profondes, aussi hautes que le ciel et aussi déformées que des monstres ; et elle retint son souffle quelques secondes. Elle allait suggérer à son interlocutrice de se mettre à courir, lorsqu'une voix tonitruante déchira l'épais silence environnant.
Alix sursauta, la bouche sèche, se retournant comme par réflexe. Le visage blanc comme du papier, elle fixa quelques secondes la terrible blessure qu'elle lui avait infligé ; et poussa un hurlement de peur lorsque, de son énorme paluche, il la plaqua contre un mur, en la maintenant au niveau de la gorge. Des larmes brillaient dans ses yeux noirs, et elle poussa un nouveau cri perçant, alors que la douleur lui coupait le souffle. Oubliée, l'atroce haleine de son agresseur, oubliée, les cris de Louise, et même sa propre existence. Tout son ventre, ses cuisses, son cou, n'étaient que douleur. Elle avait glissé au sol, mais Alix ne s'en était même pas rendue compte. N'avait-elle pas des côtes cassées ? Elle sanglotait lamentablement, prostrée au sol, mais l'ombre d'un chien immense la fit revenir vaguement à la réalité. Une seconde, elle crut qu'il allait l'attaquer ; mais c'était en fait le géant qu'il s'était mis en tête de chasser. Le sang gicla sur elle, et, les yeux écarquillés, le souffle court, l'enfant compris qu'il était mort. Bel et bien mort.

Doucement, agitée de tremblements irrépressibles, Alix se remit sur ses pieds.
Tout son corps gémissait de souffrance, mais il fallait partir. L'urgence de la situation faisait battre son cœur de manière effrénée, car si un milicien venait à passer, ils devraient faire leur devoir. Bien sûr, ils ne s'en prendraient pas à la fillette d'un noble ; mais la va-nu-pieds servirait facilement d'exemple.

- "On doit y aller. Main-maintenant. La milice.. la milice ne doit pas nous trouver près du cadavre. Vite.. Nous devons partir..."

Elle prit la main de Louise. Ses gestes lui semblaient saccadés, tremblants, presque convulsifs, mais seul l'instinct de préservation la guidait. Il fallait s'enfuir, et vite, et elle entraina Louise derrière elle, dans une nouvelle rue. Puis dans une autre, sans jamais se retourner, sans s'approcher des torchères. Elle avait presque oublié le froid, malgré ses doigts glacés et gourds, et finit par s'appuyer contre un mur. Son ventre gargouillait étrangement, et elle se plia en deux, pour éloigner la douleur.

- "Nous sommes dans le quartier de la Hanse. Ici, c'est plus calme, Louise. c'est assez proche de... de l'Esplanade. Mais j'ai besoin de cacher... le sang. J'en ai ... sur mes vêtements. Le problème est qu'il y a beaucoup de torches pour éclairer les rues. On va me mettre dans les geôles si on me voit pleine de sang, Louise. Il faut que tu me rendes ma cape."

Elle fit une pause pour renifler. Il fallait se reprendre. Et se concentrer sur ce qui les séparait de leur but.

- "Nous devons encore passer la porte de l'Esplanade. J'ai peur qu'à cette heure, elle soit fermée. Elle va rouvrir au petit matin, mais ... je ne sais pas comment la passer la nuit."
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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyDim 27 Jan 2019 - 22:29
- Par les Trois, père va entrer dans une colère noire si je ne rentre pas.

Malgré le froid, malgré la peur, Louise resta immobile sous la pluie battante, les pans de sa jolie robe entourés autour de ses chevilles boueuses. Elle n’avait même plus la force de se tenir debout. Ses petites jambes graciles tremblaient, désespérément raidies par des muscles pourtant cotonneux. Une sueur graisseuse, mêlée à l’eau fraîche de la pluie, inondaient son visage pâlichon et morne.

- Je n’aurais jamais dû quitter la sécurité du Domaine. Ils doivent être fous d’inquiétude. Ils sont peut-être à ma recherche. Ils sont peut-être à quelques rues d’ici, à implorer mon retour. Alix, je veux rentrer à la maison. Je t’en supplie, ramène-moi à la maison.

Gagnée par mille et une angoisses amères, la fillette brailla comme un nouveau-né. Impuissante et désespérée. Secouée de sanglots étouffés. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois qu’elle avait pleuré pour une bonne raison. Jamais, peut-être. Mais aujourd’hui, il ne s’agissait pas d’un simple caprice d’enfant. La douleur et la peur accumulées au cours de ces dernières heures, peut-être même plus, s’écoulaient de ses yeux fatigués comme le flot redoutable d’une rivière en crue.
Louise regrettait le Domaine. Les doux sourires de son père. Les pénibles leçons d’histoire. Les jeux avec Baccus dans le grand jardin fleuri. Mais au fond d’elle, elle aspirait aussi à connaître le monde, à voir de plus près cette Cité dont les réçits merveilleux avaient tant de fois excité sa curiosité. Milles pensées contraires se croisaient dans sa tête, alors qu’elle couvrait de sa cape les épaules affaissées d’Alix.

- J’aspirais à rencontrer de preux Chevaliers, et non pas des larrons, chouina l’enfant en essuyant ses joues avec les manches de sa robe. Je voulais voir les beautés de cette Cité, suivre ses légendes, manger les spécialités de la Choppe Sucrée, et non pas mourir.

Cherchant un réconfort qu’elle ne pouvait trouver dans l’immédiat auprès de son père, Louise se jeta dans les bras d’Alix, faisant fi du sang, de la sueur, de la crasse et de la pluie.

- Tu es mon amie. S’il te plait, aide-moi à rentrer à la maison, avant que je ne me fasse trop gronder. Je ne veux pas passer la nuit dehors. Dehors, il n’y a que la mort.

Malgré le vent et la pluie, Louise entendit un chant a loin. Ou qui paraît loin sans l’être. Un chant que l’on entend sans que l’on voie le lieu d’où il émane. Un écho plaisant dans la sinistre obscurité. Le chant nocturne d’un troubadour au sein d’une rayonnante auberge.
En s’approchant, suivie de près par Baccus, Louise entendit le battement sourd de la musique et le grondement des gens à l’intérieur d’une taverne, qui se superposaient peu à peu au bruit continu, épuisant et puissant de l’averse. Un homme se tenait à l’entrée, un grand type avec une barbe de quelques jours, en toques, couvert de suie, un forgeron sans aucun doute. Il toisa les deux gamines et leur cabot, puis ouvrit la porte un instant pour rentrer se mettre au chaud. Il y avait des gens partout, des hommes et des gamins de fermes et commerces du coin, des vieux blottis sur leurs banquettes, des femmes chantant et dansant. La porte se referma sèchement sur le grand homme, et de nouveau, la musique s’estompa.

- J’adore ce chant, chuchota l’enfant.
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Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyJeu 31 Jan 2019 - 9:32
La petite noble pleurait désespérément à côté d'elle. Louise se lamentait désormais de son escapade, la suppliait désormais de la ramener chez elle ; ce à quoi elle répondit d'un hochement de tête silencieux.
Il était normal maintenant que ses parents se soient mis à sa recherche. Il fallait réfléchir sagement et vite, parce que sa compagne avait raison sur un point : elle ne pouvait pas laisser Louise dormir dehors. La pauvre petite était habituée au confort, à la chaleur d'un foyer - tandis qu'elle, elle était une dure à cuire. Pas du tout aussi délicate, même s'il était infiniment agréable de dormir au chaud.

Le glissement du tissu de sa cape sur ses épaules sortit Alix de sa torpeur réflexive. Ses idées s'enchainent vite, trop vite - elle était un peu dépassée par les évènements de la nuit, elle aussi. Jamais encore elle ne s'était trouvé responsable de la mort de quelqu'un auparavant, mais c'était surtout le spectre glacé de la corde qui l'effrayait. Au fond d'elle, l'enfant pensait que l'adulte l'avait bien cherché - il était mort de sa cupidité et d'avoir voulu les dépouiller - mais elle savait que la garde punissait tous les écarts de chacun avec la même sévérité, et que pour eux, tout le monde était coupable dans ses cas-là. Ce ne serait qu'un peu de place en plus pour les vertueux dans la ville surpeuplée.

Louise se jeta dans ses bras, et l'enfant la serra en retour, caressant ses beaux cheveux blonds un peu emmêlés.
Enfin, Alix retrouvait un peu de sa voix. La pauvre, elle imaginait tellement de jolies choses qui avaient dû se briser cette nuit...

- "Louise... tout va bien, d'accord ? Le Goulot est comme ça, Louise, c'est tout. C'est là où vont tout ceux qui ont pas d'endroits où dormir, où vont ceux qui ont pas d'argent comme les gens qu'en ont encore, là-haut, sur l'Esplanade. Tu ne mourras pas cette nuit, d'accord ? Ça fait des lunes que j'avais pas d'endroits où dormir, et r'garde, je suis toujours vivante. Il n'y a pas que des voleurs. Il y a des assassins, mais des gens paisibles aussi, des fermiers, des familles. Et même un esprit des bois que j'ai rencontré dans un arbre ! Tout va bien, maintenant. Tu es en sécurité. Si tu veux, on peut dormir dans la paille de l'écurie de la taverne. Ou si tu as de l'argent, on peut aller manger un truc, près de la musique. Mais j'crois qu'il vaut mieux qu'on rentre. La prochaine fois, tu viendras me voir, on ira ici, on passera la soirée à chanter et à manger. D'accord ? Ici, tu seras en sécurité. Et puis j'te protège. Écoute, à s't'heure-ci, on va... il y a sûrement des boulangers ou des artistes qui vont chez les nobles. On va se glisser dans un chariot et passer en douce."

Avec une agilité dont elle n'avait pas consciente, l'enfant laça sa cape très haut, pour cacher ses vêtements.

- "Si on nous surprend, tu diras que j'suis ta servante. La garde me tap'ra un peu sur les doigts, c'est tout. Tout va bien. Ce sale type l'avait mérité. Personne n'est au courant. Il faut juste rien dire. C'est toi qui décide s'qu'on fait, mais te ramener chez toi, c'est plus sûr. Si tu veux, on ira ici une prochaine fois."

La petite fille fit quelques pas, se retrouvant à la lueur dorée des torches qui enfumaient la rue. Ses cheveux scintillèrent de reflets d'or, et sa peau pâle prenait des lueurs d'incendie. Elle désigna du menton un étal de brochettes de poissons grillées, dont la simple vue lui soulagea un peu le cœur.

Tout revenait lentement à la normale, à mesure que son corps se remettait des coups reçus. A mesure aussi que l'épais tissu de laine la réchauffait un peu. Tout irait bien.

- "Si tu as de l'argent, on peut prendre une brochette. Ca nous fera un bon diner."

L'enfant tenta un sourire. Tout irait bien. Et elle aurait une poupée, et peut-être même le bois pour le feu, avec un peu de chance.

- "Tout ira bien maintenant."
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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyLun 25 Fév 2019 - 18:07
Le doux visage de Louise s’assombrit brusquement.
A sa manière, Alix était belle, intelligente et sensible. Tous devaient beaucoup l’admirer parmi son entourage, sa famille, si elle en avait une. Louise elle-même l’admirait, et l’apparante amitié dont la gratifiait cette enfant des rues lui était source de fierté. Elle serai sans doute la première de ses amies à clamer à haute et intelligible voix que son courage était la moindre de ses qualités. Hélas, la nature humaine est ainsi faite qu’elle nous amène souvent à détruire ce que nous chérissons le plus. Une perfection innaccessible est la pire offense qu’un être puisse infliger à autrui, d’autant plus dans le monde exigeant de la noblesse.
En vérité, Louise jalousait Alix autant qu’elle l’appréciait. Et la jalousie est, dit-on, le premier pas sur la voie de la haine. La petite fille s’échappa des bras de sa jeune amie aussi soudainement qu’une proie de la gueule de son impitoyable chasseur. Elle ne détestait pas vraiment Alix. Elle ne voulait pas non plus qu’il lui arrive malheur. Il n’empêche, un soupçon de mauvaise conscience tracassa Louise.

- Tous les matins, le boulanger nous apporte un peu de pain frais et quelques vennoiseries. Il y a aussi le fermier, qui vient déposer un peu de lait, des oeufs et quelques légumes du potager à notre porte, pour le repas du midi, souffla l’enfant, les joues rougies par les larmes et la honte.

Louise saisit la main de son amie et la pressa avec force.

- Je n’ai pas faim. Je veux juste rentrer. On va prendre un chariot, comme tu as dit.

Soudainement, Baccus aboya, faisant sursauter la petite fille. L’enfant regarda autour d’elle, mais ne vit aucune menace. L’agita du chien qui allait et venait, l’inquiéta. Puis il démarra, truffe au sol et queue en l’air. Il était sur une piste. Il prit la direction de l’Esplanade, sans même prêter attention aux deux petites filles qui le suivaient non sans peine. Bientôt, il se mit à gémir. Puis à tourner en rond. La piste s’arrêter non loin des remparts. Louise prit alors l’animal dans ses bras et, en lui déposant un bisou sur le museau, lui dit :

- Tu as tout d’un grand, mon chien. Je suis fière de toi.

Le rempart de l’Esplanade.
Il venait séparer la ville en deux, offrant de son cordon pierreux la sécurité et la séparation des classes auxquelles aspiraient encore les sangs-bleus. Un corps de garde filtrait nuit et jour le passage entre la partie pauvre de la ville, située au Sud, et la partie Nord, appartenant aux mondains. Nobles, aristocrates, conseillers, commerçants et domestiques étaient les seuls à pouvoir circuler sous la surveillance sévère de quelques gardes attitrés. En résumé, si Louise tentait d’entrer en compagnie d’Alix, elle serait immédiatement raccompagnée chez elle et s’attirera davantage d’ennuis.

Mais en passant par les égoûts, sans doute n’aura-t-elle à se confronter qu’à la colère de son père.

- Si on passage par là, les gardes ne me trouveront pas. Ils doivent être déjà informés de ma disparition. S’ils me trouvent, ma famille sera humiliée et je me ferai davantage sermonner. Tu sens un peu comme les égoûts. Je suis sûre que tu les connais ! N’est-ce pas ?
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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyMar 26 Fév 2019 - 9:39
La gamine se gratta les cheveux. Elle se sentait fatiguée, très fatiguée. Elle avait froid et faim. Mal au ventre, de manière aiguë. Et quand la petite noble lui décrit tout ce qui lui était donné chaque jour, Alix ne pouvait s'empêcher de saliver devant ces délicieuses promesses de repas.
Intérieurement, elle se promit d'avoir une ferme, un jour. Ou de travailler dans une ferme. Tant pis pour le danger des fangeux, il y aurait des miliciens de toute manière ; et surtout, elle aurait à manger autant qu'elle voulait. Un jour, elle goberait un œuf entier dans sa bouche ! Miam !

Mais la perspective de la poupée lui redonna du courage, autant que la main qui serrait la sienne. Et l'enfant comprit qu'elle ne pouvait pas abandonner une autre gamine, parce que celle-là était sans défense dans la rue, et qu'elle ne souhaitait à personne d'avoir faim et froid.

Alors, un peu plus doucement que Louise, la bâtarde suivit le chien, qui les mena finalement jusqu'au rempart qui les séparait de l'Esplanade. Elle avait tout d'abord cru à un nouveau danger, comme sa compagne ; mais ce n'était que la voie de la sécurité.
Pendant un bref instant, la gamine des rues respira mieux.
Mais son interlocutrice reprit la parole, et Alix pâlit un peu. Passer par les égouts pour un sermon ? Elle se prendrait sûrement des coups de bâton et une bonne paire de taloches pour avoir courut un tel danger, de toute manière ! C'était normal d'être sacrément punie - et la petite allait vertement répliquer lorsqu'elle pensa à tout ce que la noble possédait. De la nourriture, des vêtements, et sûrement du bois ...

Elle regarda le trou béant des égouts, puis Louise. L'insulte lui passa un peu au-dessus de la tête, car elle se trouvait en pleine réflexion.

- "C'est dangereux, en dessous. J'connais un peu, mais j'y vais pas souvent. Si on y va, tu me donneras une poupée, et aussi du bois et quelques légumes. J'ai besoin de bois. Si tu promets que tu me laisses prendre du bois, je te conduirais. Marché conclu ?"

Avec conviction, l'enfant cracha dans sa main sale, et montra sa paume à son amie.

- "Tu dois faire pareil pour promettre."

Puis, aussitôt que sa nouvelle amie eut juré, elle se dirigea vers le trou dans le sol. En retira le couvercle de bois en grimaçant de douleur, traina le couvercle dans la rue.
Et s'engouffra dedans, cherchant à tâtons les barreaux de l'échelle de bois qui descendaient dans les ténèbres, seulement troublés par la lumière vacillante de quelques torches mourantes à cette heure de la soirée. A dire vrai, elle commençait à avoir peur, peut-être encore plus que tout à l'heure - mais pour avoir du bois et de la nourriture, elle imaginait bien qu'il fallait les mériter.

- "Fais attention, Louise. Va lentement."

L'enfant regarda autour d'elle. Six ou sept rats passèrent en courant entre ses pieds, dérangés par sa présence, et elle songea brièvement qu'elle pourrait venir là pour en attraper et s'en faire un bon diner.

- "T'inquiète pas. A la prochaine échelle, on remontera et on sera à l'Esplanade. Il faut toujours monter, même si les chemins se séparent. Si on descend, on va vers le port et la mer."

Une grosse goutte d'humidité tomba sur sa tête. L'odeur d'excréments la prit à la gorge, et elle s'aperçut, un peu tard, que ses sabots pataugeaient dans un mélange noirâtre. Cela ne serait pas très long, de toute façon...
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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] EmptyLun 25 Mar 2019 - 9:06
Louise détestait cet endroit. Ce n’était pas sa place.
Il y avait des odeurs d’escréments et d’urine fermentée, et les rats apparaîssaient et disparaîssaient avec une rapidité inquiétante au milieu des odeurs et des déchets qui jonchaient le sol. C’était absurde et jamais elle ne l’aurait reconnue en public, pas même à sa jeune nouvelle amie, mais Louise était terrorisée par ces bestioles depuis que, toute petite, l’un de ses domestiques s’était réveillé avec une douleur intense à l’oreille et avait vu un énorme rat qui la lui dévorait méthodiquement. Il en avait parlé pendant des jours entiers aux cuisines.
Mais que valaient quelques rats, en comparaison aux froides colères du Vicomte de Madrite ?

- J’ai hâte d’être à la maison, souffla la petite fille, gagnée par le froid et le sommeil.

Le coeur de Louise se noua. Elle agrippa fermement la petite main de son amie, comme si sa vie en dépendait. Elle n’était plus très sûre de ce qu’elle faisait. Elle n’était pas à son aise ici. En tant que digne fille du Vicomte de Madrite, connu pour sa force d’esprit, elle aurait pu tout endurer sans ne jamais se plaindre. C’est pourtant ce qu’elle avait passé son temps à faire depuis le début de leur folle aventure dans les ruelles du Goulot. Elle n’était pas comme lui.

Elle était juste le fruit d’un amour éphémère. Elle était riche et belle. Ses toilettes resplendissaient toujours. N’importe quelle petite fille, à sa place, aurait été bien plus sûre de son pouvoir et de ses privilèges. Pourquoi n’aurait-elle donc pas davantage confiance en elle, quand elle était jolie, aisée, titrée et pouvait aisément posséder toute l’assurance qui allait avec les privilèges reçus en héritage ? Dans ses magnifiques robes de soie et de dentelles, elle était aussi gracieuse et élégante qu’avait pu l’être sa mère, avec une classe innée qui indiquait sa haute naissance.

Pourtant, Louise paraissait toujours manquer d’assurance lorsqu’elle sortait dans le monde. Elle avait pris des leçons de maintien et de danse, elle savait converser, jouer aux cartes et se conduire en tout comme une vraie héritière débutante, mais elle était consciente en permanence des coups d’oeils en coin et des commentaires chuchotés sur son passage. Et elle pensait qu’il en serait toujours ainsi, quoi qu’elle fasse. Tout du moins, jusqu’à ce qu’elle croise le chemin d’Alix.

- C’est là, non ? questionna la petite fille en désignant une grande échelle de bois. J’espère que Baccus parviendra à nous rejoindre. Je n’aime pas le laisser tout seul, mais il ne pouvait pas descendre avec nous dans les égoûts.

Louise feignit n’éprouver aucun malaise. Pourtant, l’absence de son compagnon, de son protecteur, l’angoissait terriblement. Elles étaient toutes les deux très fatiguées, épuisées. Elles ne pourraient pas faire face à un nouveau danger sans y laisser des plumes.

Lorsqu’enfin elle sortit des égoûts, un faible rayon de soleil lui chatouilla le visage. A ses pieds, se dessinaient de longues et larges allées de pierres brossées, sous l’harmonieuses voûtes de marbre blanc. A quelques pas seulement, de resplendissantes, mais vieillissantes demeures, bien ordonnées, élégamment séparées par des clôtures de fer ouvragé et de paisibles jardins. Il n’y avait aucun doute à présent : Louise était enfin rentrée chez elle.

- Mademoiselle ! hurla une voix au loin. Mademoiselle !
- Oh non, c’est mon vieux précepteur, souffla la petite fille, en poussant Alix dans les haies. Cache-toi ! Il n’aime pas les petites filles comme toi ! Il n’aime rien d’ailleurs !

Le vieil homme courut. Il perdit très vite son joli chapeau, son bâton. Il courut. Il courut sans aucune hâte. Un pas régulier qui le mena à Louise, qu’il gifla avec sévérité.

- Oh non, ne me regardez pas comme ça ! J’ai l’autorisation de votre père de vous frapper autant que je le jugerai nécessaire ! Nous nous sommes fait un sang d’encre !
- Espèce de vieux...marmonna Louise. J'ai le droit de faire ce que je veux ! Vous vous êtes inquiété pour rien, comme toujours ! Je n'ai rien fait de mal !
- Je vous propose donc d'aller expliquer tout cela à votre père.
- Non...non, s'il vous plait. Je dois d'abord faire quelque chose. Il y a une fille...je dois d'abord lui donner quelque chose.
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MessageSujet: Re: Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle]   Sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas [PV Alix l'Espiègle] Empty
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