Des retrouvailles avec des arrières pensées [Ethaïs]

Voilà longtemps ... 'fin "longtemps" mais depuis quelque temps qu'il était revenu à Marbrume qu'il pensait rendre visite à ses anciens contacts ... ou du moins, ceux à qui il avait encore un quelconque lien d'affinité et le jeune trentenaire pensa bizarrement à une ancienne "amie" dont il visitait souvent lorsqu'il avait récupéré la fortune de son père avant de se marier avec la prostituée qu'était Diana Haddon, certes elle était jeune à ce moment là mais ... qui cela choquait qu'un homme plus vieux (même de quatre années) se fasse une catin plus jeune mais derrière les coucheries s'était caché un début d'amitié car oui, Théodemar n'était pas alcoolique,violent et insociable avant de rentrer une bonne fois pour toute dans le monde des affaires ... il était même ... hm ... attentionné, aimant, "gentil' ? Oui, on pouvait dire que le marchand s'était métamorphosé  en un quelconque monstre qui avait dévoré l'ancien Théodemar.

La prostitué avait était une confidente pour l'ancien marchand et même quand il s'était marié, il rejoignait souvent la jeune demoiselle ... aussi bien pour coucher que pour parler, pour décompresser mais au fil du temps même si Théodemar lui laissait des cadeaux (bourse, bijoux), il l'avait délaissé. Il ne venait plus la voir uniquement pour des services ou encore pour récolter la somme que le bordel lui devait car, il avait racheté ce dernier avant d'être envoyé au Labret.

Il se disait que cela serait hypocrite d'aller la voir surtout que le Marchand était censé être dans les champs du Labret et qu'il n'avait prévenu aucun de ses proches mis à Gondemar et Hélène Tyur, la vieille tisserand de la Hanse mais qu'importe. Il avait besoin de se refaire un réseau d'espionnage pour son projet. Il avait besoin de connaître les secrets des nobles voire des bourgeois de la Cité et quoi de mieux que de recruter des catins ?

Il s'était donc dirigé vers le Bordel "les Trois fleurs" dans le Labourg, ce lieu qu'il n'avait jamais aimé ... ce lieu de désespoir. Il s'en souvenait, il était dans cet état quand il était dans la rue, 20 ans plus tôt. Ce lieu où on jetait les pauvres gens de cette Cité mais aussi les pires raclures ... mais qu'importe, il n'était pas là pour faire de l'assistance sociale.

Il demanda la rouquine à la mère maquerelle quand il entra dans le lieu de débauche et elle ne reconnu pas Théodemar ... en fait, peu de gens aurait pu le reconnaître car à part sa voix, tout avait changé : de longs cheveux filasses autrefois coupés court, sa moustache et son bouc autrefois taillé était devenu une barbe qui avait longuement poussée et il était également habillé d'une tunique crade noire ... tout avait changé chez lui et le marchand d'autrefois n'était plus qu'un vulgaire clochard qui passerait inaperçu.

Il attendit donc dans les quartiers de la demoiselle qui semblait absente et pendant son absence, il s'était assis avec son poignard dans la main en attendant la demoiselle. Il entendit alors la porte s'ouvrit et un sourire se dessina sur ses lèvres pendant que la jeune rouquine la referma.

"Bonsoir, Ethaïs."

« Iris, tu ne vas pas recommencer ! Comment comptes-tu payer ta pension à Fenrir si tu refuses de travailler. C’est le troisième soir. » Explosa Marion dans la salle qui contenait une baignoire où la rouquine se lavait tranquillement.

« Marion, crois-tu que je sois en état ? Je n’ai pas envie de compagnie en ce moment. Je ne veux pas me joindre aux festivités. Puis je quitte bientôt cet endroit. » Dit-elle d’une voix détachée.

« Comment ça tu quittes cet endroit ? »

Ethais lui répondit en un sourire espiègle, en y ajoutant un clin d’œil. Elle se leva pour sortir de la bassine et s’enroula d’un linge pour ne pas attraper la mort malgré le feu qui crépitait dans l’âtre.

« Iris… »

La jeune femme quitta alors la pièce, mettant fin à la conversation houleuse. Elle ne souhaitait pas se trahir sur ses prochains desseins. Cependant, les paroles du Comte raisonnaient dans sa tête en boucle. Un sourire flatta son visage. Elle n’aurait jamais cru pouvoir y arriver avec autant de facilité et d’adresses. N’ayant pas la culture pour ce milieu.

Mélancolique, elle referma la porte de ses appartements et se posa sur le lit, vidée par les émotions qui la transportaient depuis quatre jours. Néanmoins, Marion avait raison, elle ne pouvait rester ici pour la soirée, sans quoi Fenrir ne manquerait pas de la réprimander. Elle ne devait pas craquer. Du moins, pas maintenant.



La soirée battait son plein. Le salon était rempli. Des pauvres et quelques soldats, aucun au gout de la catin qui décida de s’éclipser pour profiter d’un moment de solitude. Un moment d’évasion de ce monde qui l’horripilait. Elle grimpa discrètement les marches de l’escalier principal, évitant la maquerelle de l’entrée et le gérant, dont la porte de bureau était ouverte et lui assis sur le grand fauteuil en cuir, plongé dans ses comptes.

Elle poussa la porte de sa chambre dans un soupire raisonnant. D’un geste las, elle la claqua, avant de se passer la main dans les cheveux pour retirer les quelques épingles qui tenaient ces derniers.

« Enfin tranquille. » Lâcha-t-elle presque joyeuse.

Cependant, un parfum chatouilla ses narines. Il lui avait été familier, fut un temps. Puis une voix. Elle sursauta, portant une de ses mains à la poitrine. D’abord apeurée, la jeune femme fut transportée d’une certaine colère.

« Bonsoir » Dit-elle d’une voix sèche. « Qui vous a laissé entrer ? »

Ne laissant son invité répondre, elle se saisit du bougeoir posé sur le petit guéridon près de l’entrée et s’approcha alors de la forme humanoïde avant d’y éclairer le visage.

« Théodemar ? » Demanda-t-elle surprise des changements physiques.

"Tu sembles ne pas avoir perdu ton sens d'observation." Dit-il avec un grand sourire à l'encontre de son ancienne amante et confidente.

Il se leva alors de son siège et s'étira puis craqua ses cervicales. Il garda son poignard dans la main, il jouait avec lui ... tout en regardant la demoiselle face à lui. Il remarqua son étonnement dans ses yeux, ou plutôt de la surprise, oui c'était ça, la pensait-il mort ? Disparu au fond des marais ? Ou alors, pendu par la milice. Beaucoup de gens se demandaient ce qu'il était advenu de Théodemar après qu'il ce soit fait avoir lors de la distribution de nourriture et apparemment la jeune Ethaïs se l'était demandé aussi.

"Pour le commun des mortels, je ne suis plus Théodemar Ecuviel mais Marcus Adamless, mais bientôt ... le Phénix renaîtra de ses cendres." Dit-il tout en tournant autour de la demoiselle pour revenir à sa position initiale, il regarda la pièce et eut un léger sourire.

"Tu n'as pas changé, contrairement à moi ma chère Iris."

Iris, surprise et méfiante, recula de quelques pas, avant de heurter le bas d’un meuble. Le bougeoir à la main, la rouquine le scrutait, attendant de connaitre ses intentions. Elle ne comprenait guère la raison de venue. Etait-ce simplement pour renouer une ancienne passion ? Ou juste revoir une ancienne amie, abandonnée avec une lâcheté sans nom ? Elle se mordilla la lèvre, ses yeux se posèrent sur le parquet poussiéreux.

Un craquement la ramena à la réalité. Légèrement tremblante, la jeune femme posa la flamme derrière elle, s’adossant complétement à la commode. Le poignard ne la rassurait guère, bien au contraire. Les tics nerveux se manifestèrent de façon beaucoup plus nombreuse. Elle clignait des paupières rapidement, son cou devenait moite, ses mordillements intempestifs. Que se passait-il donc chez la jeune femme au peu de vertu ? Avait-elle peur de Théo’ ?

L’atmosphère s’alourdit d’un trait encore. Crispée, Ethais ne le quitta pas du regard, suivant ses moindre faits et gestes. Elle toussa, avant de prendre la parole, quelque peu flattée par les délicats compliments de son intrus.

« Renaitre de tes cendres ? Tout le monde te croyait mort ! » S’exclama-t-elle, laissant ainsi ses angoisses la submerger. « Aucun signe de vie depuis un très long moment… Et tu te repointes ici, comme si de rien était, sans même te faire annoncer ? Sans même avoir le respect de m’envoyer un seul signe ? » Continua-t-elle sur sa lancée, se décollant du meuble pour avancer vers son interlocuteur.

Les larmes lui montaient. Elle ne sut les retenir et ses dernières perlèrent sur sa joue, s’écrasant sur sa poitrine et le sol.

« Que veux-tu de moi ? »

''J'étais au Labret, comment veux-tu que je donne signe de vie ? Seuls quelques miliciens sont au courant de mon retour dans cette ville pourrie jusqu'à la moelle."

Théodemar se mit à sourire quand il vit la réaction de la jeune prostituée, apparemment son absence ne lui avait pas était si indifférent que cela mais qu'importe, les sentiments de Théodemar envers elle était aujourd'hui différent depuis le Labret, l'ancien seigneur du crime n'avait plus de sentiments amoureux envers qui que ce soit, cette cité lui avait enlevé cette lubie ... seule la jalousie et l'avarice avait remplacé ce dernier.

Il jouait avec son poignard et observa la demoiselle avec un certain intérêt.

"Ce que je veux de toi ? C'est simple ... je veux que tu m'arranges une entrevue avec ton patron, Victor de Rougelac. Je veux le voir."

Iris se mordit la lèvre. Théo avait visé juste. Cependant, elle était tellement anxieuse de sa disparition qu’elle ne pouvait s’empêcher de penser à tous ces moments de perdus ainsi qu’aux moments de peur intense. Une dernière larme roula sur ses joues pourpres avant de s’écraser sur sa poitrine. Le sourire de son interlocuteur lui étira un petit rictus, tandis qu’elle se sécha les yeux d’un revers de la main. Pourtant, la jeune rouquine ne s’avança pas pour autant, préférant garder une certaine distance. Après tout, il semblait avoir réellement changé…

Ethais ouvrit la bouche pour l’interroger, cependant, elle n’eut le temps de sortir un son qu’il reprit la parole. Quelle ne fut pas sa stupeur ! « Comment peut-il savoir ? » S’interrogea-t-elle, le regard dans le vide, sous le choc. « C’est impossible… »

« Comment es-tu seulement au courant ? Cela est si récent ! Et pourquoi crois-tu qu’il souhaitera te voir ? Pourquoi ne pas lui faire directement porter une missive ? » Dit-elle d’un ton inquisitrice, regardant le poignard. « Tu as bien changé mon jeune ami… » Reprit-elle d’un murmure à peine audible.
Elle fit le tour du lit pour s’asseoir sur un pouffe.

« Que trafiques-tu encore ? »

HRP:

Théodemar observait la jeune femme de son regard sans émotion … elle lui demandait comment il savait cela ? Oh, il savait bien que tout ça était récent mais le Déchu avait encore quelques contacts dans les bas-quartiers qui lui avait murmuré que le Sire de Rougelac avait sauté sur l'occasion lors de l'exil de l'Ecuviel pour racheter certains commerces… oh, il ne lui en voulait pas, il voulait juste lui parler.


 « Me crois-tu si démunis, Ethaïs ? J'ai étais exilé, pas banni … et même si j'ai perdu mon réseau j'ai encore des oisillons qui me murmure à l'oreille. »


Il eut alors un grand rire cristallin qui fit écho dans la pièce. Lui écrire ! Oui ! Bien sûr ! Il ne s'en remit que quelques instant plus tard, il tenait toujours son poignard dans la main et ne semblait pas vouloir le lâcher.


 « La milice me surveille, Ethaïs … j'ai eu un mal de chien pour venir jusqu'ici … crois-tu que si je fais parvenir une missive à Victor, elle ne sera pas aussitôt intercepté ? Moi, je le pense sincérement. »


Il n'avait pas tort mais qu'importe, il avait assez perdu de temps comme cela … et puis voilà qu'elle voulait savoir ce qu'il trafiquait … avait-il vraiment besoin de lui dire ? Il se mit à soupirer et lui sourit.


 « Je ne suis pas un mauvais méchant des contes de fées, je vais pas te raconter mon plan en détails, tout ce que tu as à faire c'est de prévenir Victor que je veux le voir … sache juste que cette Cité va payer par les flammes et tel le Phénix je renaîtrais. »