Marbrume


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 L'extrémité du crime a des délires de joie

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MessageSujet: L'extrémité du crime a des délires de joie   L'extrémité du crime a des délires de joie EmptyVen 12 Avr 2019 - 13:43
De toutes les missions auxquelles un milicien pouvait être assigné, celle que Jehanne préférait était probablement la patrouille. On se moquait d’ailleurs souvent d’elle d’aimer des tâches aussi rébarbatives consistant principalement à surveiller les rues, recadrer un voleur qui chaparde du pain ou séparer deux soulards qui se castagnent. Mais pour elle, c’était s'imprégner de l’essence de Marbrume, de sa vie et d’en faire partie. Assurer aux plus vulnérables un quotidien plus serein, souvent en faisant fit de leurs égards parfois un peu ingrats, était son but principal. Témoigner chaque jour des histoires se déroulant dans cette ville meurtrie mais toujours sur pieds était fascinant, surtout après des années d’isolement dans une grande demeure ostentatoire. Toutefois sans non plus se mêler entièrement à la foule, car leur statut les élevait un peu. En gardien salvateur ou en cible de choix, ceci dépendant des desseins des citoyens.

Néanmoins, la naïve Jehanne avait été jusqu’alors assez épargnée. Elle avait vadrouillé surtout dans la Hanse et le Labourg, quartiers mouvementés et pourtant où subsistait encore un semblant d’ordre. Elle avait surveillé Bourg-Levant, où les objectifs étaient bien moins nobles puisqu’ils visaient à décourager les gueux de s’y aventurer, tous considérés comme de potentiels pillards. Elle avait témoigné de beaucoup de détresse dans le quartier du temple, car tout le duché y venait étendre sa misère en suppliant la trinité de les sauver, rampant sans honneur aux pieds des prêtres, couvrant les statues de baisers larmoyants.
Au final il ne restait que trois quartiers qu’elle n’avait jamais foulé. L’Esplanade, évidemment parce qu’une bleue comme elle ne méritait pas encore l’honneur de servir cet auguste territoire. Le port, par pur hasard. Et le Goulot. Car tout le monde détestait se rendre au Goulot, même la milice. Il y’avait peu de rondes organisées dans ce trou à rat, car c’était pratiquement aussi utile que de vaporiser du parfum sur une fosse commune. Mais évidemment, il restait des gens là bas. Des gens pas toujours considérés comme des êtres humains, certes, mais parmi la multitude de malfrats qui y séjournaient, il y restait encore des familles et une poignée de commerçants ne versant pas encore dans les activités illégales. Et si il se passait plusieurs semaines sans que l’ombre d’un milicien ne soit aperçue, des émeutes commençaient à voir le jour.

C’était un peu le baptême du feu pour les jeunes recrues. Beaucoup disaient “Si tu t’es pas tapé le Goulot, t’es pas encore un vrai.”. Nombreux étaient les soldats qui essayaient de se faire remplacer ou y étaient assignés en guise de punition. Jehanne énervait ses supérieurs comme ses camarades avec son excès d’assiduité et de motivation, il était donc évident qu’elle finirait pas y passer pour se faire calmer. Très bien, elle se sentait prête.
Il pleuvait des cordes, la journée était plus froide que les précédentes, et pourtant elle attendait ses compagnons dans la cour, patiente et stoïque sous un auvent, enroulée dans sa cape. Elle devait intégrer une équipe de six mélangeant vétérans et novices. La majorité des soldats arrivèrent rapidement, suivis du coutilier Michard, qu’elle salua respectueusement et en silence. Deux retardataires se pointèrent enfin, se confondant en excuses sous le regard blasé de leur chef. L’effectif au complet, ils se mirent en route sans plus attendre, pressés d’en terminer avec cette plaie.

La proximité de la caserne avec le Goulot était déroutante. Elle se sentait étrangère dans sa propre cité, à découvrir une zone aussi proche de son lieu de vie. Au début, les environs se confondaient aisément avec celui de n’importe quelles autres rues populaires. Très vite le paysage changea. L’architecture se faisait de plus en plus chaotique, les matières éclectiques, les matériaux de fortune. Les pavés se déchaussaient presque autant que les dents de la gueule fétide d’un de ces mendiants qui croupissaient en ronflant près d’un tas d’ordures. Le stuc jaunâtre s’émaillait des bâtisses, leurs charpentes humides et vermoulues s’effritaient comme de la mie de pain. Les devantures hideuses de commerces fermés depuis des lustres tombaient en ruines sous les assauts des moisissures et des termites. De nombreuses maisons s’enlisaient et se mettaient à pencher comme des âmes en peine. Ils avaient beau tenter de les redresser avec des poutres épaisses, les fondations marécageuses de la ville auraient tôt ou tard raison de leurs bicoques. L’odeur qui émanait des rigoles de détritus, vomissures et excréments devenaient asphyxiants. Il fallait se méfier des pots de chambres jetés sans avertissement par-dessus les fenêtres, dans des rues parfois si étroites que deux hommes peinaient à y passer côte à côte. Mais l’environnement n’était rien comparé aux habitants. Elle comprit alors avec horreur la différence notoire entre le Labourg et le Goulot. Dans le premier, les misères étaient sporadiques, entrecoupées par un quotidien éprouvant, restant encore structuré par une société branlante et pourtant bien établie. La mort était courante mais elle n’était pas acceptée, la pauvreté avait toujours été là mais personne ne voulait se complaire dans le malheur. Ici, les gens se roulaient dans leurs vices et leurs difformités, tels des porcs dans la fange. Dès lors qu’ils avaient été repérés, une masse informe, comme des tumeurs humaines grimaçantes, s’était regroupée autour d’eux. Des gamins à moitié nus tendant la main pour une pièce, un cul de jatte s’étouffant dans ses glaires, une prostituée crasseuse exposant une poitrine flasque. Chaque individu était marqué par la souillure, la débauche, ou le chancre. C’en fut un peu trop pour le coutilier qui sortit à moitié son arme pour postillonner:

-Dispersez vous bande de chiens scrofuleux ! On est pas ici pour faire l’aumône, donc vous allez retourner à vos activités de sacs à merdes inutiles sans faire de vagues !

Jehanne se tourna vers lui en haussant un sourcil. Certes le spectacle de miséreux se traînant à leurs bottes n’était pas agréable, mais elle était tout aussi dérangée par la populace que par ses propos. Elle n’était pas certaine que ce genre de discours aiderait beaucoup à leur mission. Son expression incrédule ne passa pas inaperçue et elle fut reprise de volée sans aucune délicatesse:

-Qu’est ce que tu regardes la gonzesse ? Tu veux les materner c’est ça ? Tu sais comment tu peux leur rendre service ? On va te laisser quinze minutes seule dans trou à rats en manque de chair fraîche, tu te feras tellement défourailler par ces clochards que tu devras avancer avec des fers à repasser comme l’autre abruti tuberculeux là bas ! Bon allez, trêve de conneries, on est pas au cirque. Je vais vous coller en bînomes pour qu’on en finisse avec ce merdier, on a pas que ça à foutre, compris ? Horville avec Rousseau à l’est. Lorren avec Lefranc au nord. Thuillier et Motte vous ramenez vous miches avec moi, et maintenant on se remue la couenne !


Personne ne discuta les ordres brouillons de Michard, et tous prirent leur direction avec le zèle d’une abeille travailleuse. Jehanne et son collègue, eux, se regardaient muets dans le blanc des yeux, tous deux ayant l’air aussi perdus l’un que l’autre. Une vieille bossue essaya de profiter de leur immobilité leur vendre de la camelote, mais leur manque de réaction la lassa bien vite. La jeune milicienne haussa les épaules et lança avec un sourire au dénommé Lorren:

-Bon et bien on a qu’à faire comme d’habitude, hein !
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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: L'extrémité du crime a des délires de joie   L'extrémité du crime a des délires de joie EmptySam 13 Avr 2019 - 0:19
-''Bonsoir, Lorren !''

Par-dessus tout, c'était la voix qu'il ne voulait pas entendre aujourd'hui. Bien que la lente et amère agonie de l'hiver continuait à péricliter, jusqu'à se pérenniser dans les mois à venir, le mauvais temps restait encore de la partie. En cette froide journée, le vent balayait les ruelles et venelles de la cité de Marbrume, mordant lâchement de son étreinte tout quidam qui se risquait dehors. En outre, une pluie diluvienne et torrentielle s'abattait dans un rythme aussi effréné qu'effarant. Dès lors, Lorren ne voulait en aucun cas s'attarder en dessous de ces cieux qui n'étaient guère cléments. De fait, c'est littéralement caché sous sa cape que l'homme d'armes avait tenté de se soustraire de la caserne pour se rendre dans un lieu de perdition, où le perfide venin du houblon lui permettrait de laisser ses tourments et les affres du temps à l'extérieur. Or, cela était sans compter sur la présence de son coutilier.


-''Je plaide non coupable, Arthur.''
Tenta bien évasivement Merrick, offrant un sourire en coin à l'homme. Pour une rare fois, son supérieur ne pouvait rien lui imputer comme faute. Généralement, le gradé le vrillait de maux à cause de son manque de volonté et une tendance au laxisme aussi avéré que sévère. Or aujourd'hui, cela avait été l'une de ses journées de repos qui étaient aussi rares que précieuses. Dès lors, qu'aurait-il eu la malchance de mal faire ?

-''Je sais bien que tu n'as rien fait de mal, Lorren...''
Lorsque l'ivrogne entendit le début de la phrase, il ne put s'empêcher de souffler, content d'éviter une remontrance ou une punition qui le priverait de l'enivrement dont il s'apprêtait à partir en quête. ''...Aujourd'hui''. Le dernier mot de son coutilier sonna le glas sur la joie qui l'avait étreint de ne pas être fautif d'une quelconque mésaventure ou mésentente. Se mordant la lèvre inférieure, les yeux lançant des éclairs, le milicien écouta la suite en gardant le silence. '' Le coutilier Michard à besoin de renfort pour sa patrouille dans le goulot. J'ai eu l'obligeance de proposer ton nom. Tu ne seras pas contre des heures supplémentaires, au vu du peu d'effort que tu fais généralement, non ?'' Sans attendre une réponse, Arthur se détourna, s'en retournant au chaud à l'intérieur, laissant Merrick avec la mort dans l'âme. Le milicien ne put s'empêcher de voir le sourire satisfait du gradé.

-----

C'est ainsi la belle flambée d'un débit de boisson, qui avait été désiré, s'évanouit au profit de la froide amertume d'une patrouille indésirable. C'est la mort dans l'âme, tandis qu'il n'était que ressentiment à l'égard d'Arthur, que Merrick attendit que la troupe se forme. Offrant un bref hochement de tête ici et là aux quelques miliciens qu'il connaissait, le jeune homme resta pour autant silencieux, enfermé dans un mutisme qui ne lui ressemblait guère. De fait, Lorren se sentait comme un marin ballotté en tout sens, juché sur un frêle esquif étant aux prises avec les vagues éparses et houleuses d'une mer agitée. Entre la colère, la déception et l'incompréhension de sa situation qui l'étreignait, l'ivrogne n'arrivait plus à rester à flot, coulant et croulant sous le poids de ses tourments. C'est alors qu'il était engoncé dans les maux de ses sentiments, que la troupe se mit en mouvement.

Ce n'était pas la première fois que Merrick Lorren se rendait dans le goulot. Or, à chaque expédition, la patrouille n'avait guère été une partie de plaisir. Non pas que le jeune homme avait souvent eu à agir ou sévir. En outre, il s'était gardé de le faire le plus souvent possible. Mais, le climat dangereux et instable du quartier avait de quoi mettre les nerfs à vif. Oui, les différents brigands et bandits qui peuplaient cette zone attendaient généralement que les bien trop rares déploiements de la milice se soient éclipsés pour recommencer et continuer leurs messes basses. Or, les regards avides et infernaux qui se plantaient comme des dagues entre les omoplates des représentants du bras armé du Duc avaient de quoi faire frémir même le plus courageux des miliciens. Et pour tout vous dire, la vaillance n'était clairement pas un trait de caractère propre au beau salopard de Merrick Lorren...

Par ailleurs, l'homme d'armes pouvait le sentir et le dire; la grogne et la tension qui habitait le goulot semblaient plus fortes que d'habitude. La météo devait être un facteur aggravant de ce marasme ambiant qui semblait peser continuellement et perpétuellement sur le secteur. Les immondices qui traînaient et marquaient de leurs traces la chaussée étaient rendues humides par le passage de l'eau. La boue supplantait les pavés inégaux du chemin, venant embourber et ralentir de son étreinte le mouvement de la patrouille. Les flaques d'eau formées par l'averse et le sol inégal des lieux forçaient Merrick à surveiller aussi bien les badauds aux alentours que l'endroit où il déposerait ses pieds. Silencieux, morne, maussade et pour certains blême, la milice avançait, complètement cernée et entourée par une meute de loup avide ou affamé. Pour le moment regroupé en une équipe de six, avec les armes qui battaient leur flanc, et ne se trouvant guère au plus profond de l'enfer, ils n'avaient rien à craindre.

Pour autant, le mouvement de la foule qui les étreignit de supplication et de demande eu le mérite de faire grogner de doute Merrick Lorren. Ce n'était guère normal que les nécessiteux et la lie de Marbrume se regroupent pour quêter de l'or et quémander une quelconque aide. Généralement, ceux-ci se gardaient de s'approcher des hommes d'armes, trop conscients de l'emportement qui étreignait certains représentants de la ''justice''. Or, aujourd'hui, cela semblait différent. Était-ce la conséquence du climat plus tendu que Merrick avait ressentie et pressentie, où était-ce simplement que la plèbe éplorée avait reniflé le peu d'expérience de certains miliciens et milicienne de la troupe ?

Qu'importe. Ceux-ci furent repoussés par le manque de tact du coutilier Michard. Pour le peu qu'il le connaissait, l'ivrogne n'aimait guère ledit gradé. Pour autant, il ne put que saluer les propos dudit homme, d'un bref hochement de tête à son encontre. Oui, cela avait été fait de manière bien drastique et autoritaire. Mais en ce lieu ou un simple attroupement pouvait être synonyme de larcin, ou pire, de meurtre, mieux valait disperser rapidement les quidams en question. Lorsque le supérieur apostropha l'unique femme de leur troupe, Lorren porta son attention sur cette dernière.

Celle-ci semblait jeune. Il n'en était pas certain, mais le milicien pensait qu'elle manquait probablement d'expérience. Potentiellement une nouvelle recrue ? Les mots de son coutilier eurent le mérite d'être vilipendant. Lorren n'était pas d'accord avec les paroles dudit homme, n'arrivant pas à cerner le besoin de ces remontrances. N'aurait-il pas été plus simple d'expliquer les tenants et aboutissants de la manœuvre ? Évidemment, il resta muet. Il n'était pas le défenseur de la veuve et de l'orphelin. Et puis, la jeune femme devrait apprendre d'elle-même à entendre continuellement ce genre de quolibet. Être une femme dans la milice signifiait cela, après tout. Cette dernière resta muette et Merrick ne put que saluer sa retenue. Rentrer la tête dans les épaules et avancer. C'est comme ça qu'elle se ferait peu à peu accepter, même par les plus intransigeants miliciens de la caserne.

Puis, la patrouille fut séparée en trois groupes, laissant Merrick Lorren seul avec la milicienne qu'il avait analysée. Pris sur le fait de sa contemplation, alors que leur regard se croisa pour ne plus se lâcher durant quelques instants, l'ivrogne resta silencieux et dressa un sourire en coin à celle qui répondait au nom de Lefranc. Sans la moindre gêne, il continua quelques instants, comme s'il la jugeait, avant de lui répondre. '' Comme d'habitude, hein ?'' Répéta-t-il calmement et lentement, avant de se passer une main dans les cheveux. '' Et que fais-tu d'habitude, Lefranc ? Ménages et tâches avilissantes, je présume ?'' Continua-t-il, tandis que son sourire s'agrandissait sur une moue taquine. Ses mots n'étaient pas articulés autour d'une volonté de la blesser. Ce n'était qu'un potentiel constat qu'il dressait, tandis que sa condition de femme pouvait rimer avec des punitions et remontrances supplémentaires de la part de la gent masculine. Voulant éviter qu'elle ne le prenne mal, il décida d'ajouter quelques mots à sa précédente prise de parole, additionnant cela avec l'apport d'un clin d'œil. ''Si tel est le cas, tu n'es pas la seule !'' Stricte vérité, tandis que le milicien était généralement puni pour ses frasques et son manque d'effort.

-''Heureux d'être en votre compagnie, mademoiselle Lefranc. Je me nomme Merrick Lorren. Que diriez-vous de faire quelques pas avec moi ?'' Continua-t-il sur le ton de l'amusement, en offrant une brève révérence à celle qui avait la même profession que lui. Se redressant, et perdant un peu de son bagout et du baratin habituel qui l'habitait, Lorren regarda autour de lui. '' En route ?'' Lui laissant le temps de répondre à ses élucubrations, mais n'attendant pas réellement une réponse formelle pour se mouvoir si le silence devenait trop long, l'homme d'armes prit la tête de la marche. Il pressentait le manque d'expérience de la jeune femme. Dès lors, il pourrait en abuser quelque peu, pensa-t-il...

-''Nouvelle dans la milice ?'' Demanda-t-il pour s'assurer que ses perceptions sur la chose n'étaient pas erronées, lançant un coup d'œil sur la démarche de sa partenaire. Si tel était le cas, Merrick pourrait probablement la guider vers les limites du quartier. En l'occurrence, en direction des quelques rues qui séparaient la délimitation du goulot et du quartier de la milice. Ainsi, ils se retrouveraient au plus loin des ruelles et venelles qui étaient de véritable coupe-gorge au nord. Or, en faisant cela, Lorren se hissait contre les ordres de Michard, alors que celui-ci avait pointé le nord à leur binôme. Est-ce que la milicienne se rendrait compte de la manœuvre du couard ? Tenterait-elle de corriger leur direction ? Si tel était le cas, Merrick lui emboîterait le pas, le regard morne. ''C'est ta première visite du goulot ? Heureuse du spectacle ?'' le jeune homme n'était pas capable de la vouvoyer. Celle-ci semblait si jeune, après tout. Le reprendrait-elle pour ce manque de civilité ? Elle devait tout de même être habituée à plus grave en se retrouvant dans la milice... Et puis, elle pouvait tenter de l'admonester si cela lui chantait. Or, Merrick Lorren continuerait à la tutoyer. Pour la forme et par amusement de la possible rebuffade.

-''Stop !'' Dressant un bras sur sa gauche, pour couper la marche de la jeune femme, Merrick Lorren tendit l'oreille... avait-il bien entendu ? Est-ce que ses sens l'avaient trompé ? ''Silence... tu entends ?'' Interdit et indécis pendant quelques instants, à la recherche d'un son qu'il venait d'entendre, l'ivrogne hocha la tête, alors qu'une mine sérieuse et inexpressive avait pris le contrôle de ses traits qui avait été livré, jusqu'à l'instant, à l'amusement. ''...Je n'ai pas rêvé.'' Soupirant lourdement et fronçant les sourcils, il reporta son attention sur sa partenaire. ''Allons-y. C'est tout proche.'' Accélérant sa démarche, il repartit en ligne droite, ne répondant à aucune des questions de Lefranc -si celle-ci en posait- et ne lui offrant aucun regard. Après tout, des interrogations pouvaient germer dans l'esprit de la milicienne, tandis qu'aucun bruit perceptible n'avait de quoi être alarmant. Pourtant, les mots et la démarche de Merrick Lorren avaient de quoi laisser penser à une situation à risque...

-'' Ah, j'avais raison !'' Dit-il au bout de quelques instants, en aval de leur précédente position d'une quinzaine de mètres. Devant un débit de boisson pourrissant, dont le nom n'était même pas perceptible sur sa devanture aussi sale que vacillante, Merrick déposa ses deux mains sur ses hanches, se retournant pour faire face à Lefranc. Dressant un grand sourire et penchant sa tête sur le côté, le jeune homme prit la parole. ''Nous devrions peut-être nous assurer que rien de fâcheux ne se passe à l'intérieur, non ? Rien qu'une très brève surveillance de la place, évidemment ! Qu'en penses-tu ?''

Il était évident que Merrick Lorren ne voulait qu'une raison pour rentrer dans l'établissement et s'épancher dans le venin d'un quelconque spiritueux. Est-ce que la jeune femme se laisserait guider, ou s'offusquerait-elle de la proposition qui était clairement contraire à leurs ordres ? Derrière le milicien, le brouhaha coutumier des fêtards se faisait entendre. Si celle-ci se rebiffait à l'idée, Lorren hausserait les épaules avec amusement et la suivrait, la laissant reprendre leur patrouille. Après tout, le fieffé salopard n'était pas assez courageux pour désobéir aux ordres seul. Mais si la milicienne lui emboîtait le pas dans cette mauvaise idée et vers le vice... qui sait ce qu'il pouvait arriver ?
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MessageSujet: Re: L'extrémité du crime a des délires de joie   L'extrémité du crime a des délires de joie EmptySam 13 Avr 2019 - 21:21
Le dénommé Merrick Lorren se présenta avec une grande élégance. Un peu de politesse dans cet univers brutal et crasseux lui fit le plus grand bien. Ses manières de bourgeoises lui revinrent vite et elle lui rendit sa révérence avec un incontrôlable petit rougissement, un peu déstabilisée par ses jolis yeux bleus. Le peu de badauds qui restait les regardèrent un peu suspicieux, ces deux étranges miliciens qui se faisaient des courbettes au beau milieu du Goulot. Le spectacle était effectivement cocasse, on aurait cru une piètre pièce de théatre galante transposée dans le mauvais décor. Elle lui donna à son tour son nom et il lui posa de nombreuses questions, visiblement soucieux de son entrée récente dans les rangs et de sa condition particulière. C’était bien rare, un homme aussi curieux de son histoire, alors elle ne se fit pas prier plus longtemps pour faire part de ses impressions sur sa carrière, tout en le suivant, confiante. Elle était drôlement bien tombée, avec ce charmant coéquipier !


-Oh, et bien comme je ne me suis engagée il n’y a que deux mois, c’est encore assez difficile mais je m’y fais ! J’assume mes handicaps, je tiens le niveau, je suppose. J’y travaille avec acharnement en tout cas. Effectivement, on aime bien me mettre de corvée de latrines et de vaisselle. Alors je passe beaucoup de mon temps personnel à essayer de rattraper mon retard en matière de combat, mais les efforts paient. Bientôt on me prendra peut-être un peu plus au sérieux. Je commence à bien me débrouiller à l’épée ! On verra bien ça si j’ai besoin de m’en servir aujourd’hui. J’ai beaucoup entendu parler du Goulot, j’ai quelques appréhensions, même si tout va bien se passer, je le sens.

Le plus important avait été dit, elle leva fièrement le menton avec un petit sourire satisfait. Avant de remarquer qu’il n’avait pas vraiment écouté la réponse. Elle tomba une première fois de haut. Pire encore, il ne partait pas du tout dans la bonne direction. Pourtant il semblait très bien savoir où est-ce qu’il allait. Elle lui laissait encore quelques minutes le bénéfice du doute, même si son attitude devenait de plus en plus suspecte. Jehanne se rendit compte de sa brève mais fatale naïveté, quand elle percuta que le bougre l’avait fait parler pour détourner son attention. Et il avait bien réussi son coup. Se repérant aux hauts murs du quartier de la milice qui s’étaient rapprochés, elle évalua approximativement où ils devraient se diriger pour rectifier le tir. Il la stoppa, visiblement alerte, et elle tendit l’oreille, mais ne perçut rien du tout. Un peu inquiète, elle ne comprit pas tout de suite quel était son intention. Au début, elle croyait qu’il tentait de les faire dériver vers des zones sans danger pour éviter toute altercation. Jusqu’à ce qu’ils se retrouvent face à une taverne aussi miteuse qu’animée pour faire semblant de l’inspecter.
La vue de la gargote lui provoqua une grimace de dégoût. Seul un ivrogne fini pouvait avoir envie de s’arrêter dans un tel taudis. Ça sentait l’urine et la bière de mauvaise qualité à plein nez. Comme si les effluves n’étaient pas suffisantes, un homme se précipita dehors pour dégueuler tout le contenu de son estomac. La porte grande ouverte, on percevait sans encombre l’ambiance graveleuse de l’établissement. On entendait à l’intérieur rires gras et chansons paillardes. Jehanne aurait pu être assoiffée, elle aurait préféré ouvrir la bouche au ciel pour gober des gouttes de pluie plutôt que de mettre un pied dans cette horreur. Le soûlard, qui avait encore du vomi aux coins de la bouche entama un air vulgaire, de sa plus belle voix éraillée:

-ET LA FERMIÈRE DU LABRET, LA FERMIÈRE DU LABRET. OUVRIT BIEN GRAND SON CORSET, BIEN GRAND SON CORSET. SES JOLIS TÉTONS ROSES POINTAIENT…

La suite leur fut épargnée puisqu’il retourna dans son antre fétide. Jehanne fit aussitôt volte face vers Merrick, furieuse. La belle image du milicien gentilhomme venait de s’effondrer brutalement, au profit de celle d’un véritable petit enfoiré. Elle se massa les tempes, essayant de choisir ses mots avec soin pour ne pas être trop véhémente. L’affront était tel que cela allait être un exercice de diplomatie bien difficile. Et pour cause, il la prenait vraiment pour une petite écervelée et cela lui hérissait le poil plus que tout au monde. Certes ça ne changeait pas vraiment des égards habituels auxquels elle avait droit, pourtant elle avait eu une faible espérance, de par ses airs un peu plus courtois que la moyenne. Qu’est ce qu’elle avait pu être crédule ! Jehanne était terriblement déçue par ce milicien d’apparence assuré et expérimenté, qui ne se révélait être qu’un tire-au-flanc de première. Néanmoins, sa visible absence de malveillance rendait les choses plus supportables, car son sale coup ne semblait cacher rien de plus qu’un égoïsme idiot. Elle avait simplement affaire à un paresseux qui voulait en faire le moins possible et l’entraîner dans ses sottises. Des comme lui, elle en avait déjà vu des dizaines à la caserne. Des petits malins qui te font croire qu’ils ont des bons plans pour tout, pour te laisser ensuite faire tout le boulot à leur place ! Bien, elle allait lui faire une petite leçon d’humilité ! La jeune recrue sera plus raisonnable et professionnelle que son aîné !

-Tu es complètement inconscient de déroger aux ordres de Michard ! Ca se voit que ce n’est pas ton coutilier habituel. Faut filer droit avec lui, parce qu’il ne lésigne pas sur les sanctions. La dernière fois il a pendu par les chausses à un mât de la cour un novice qui lui avait posé une question stupide. Non vraiment, je veux pas imaginer sa colère si on s’arrête dans un bouge ! Les contrôles de commerces et habitations nécessitent un flagrant délit ou un mandat. On sera en dehors de nos fonctions si on se lance là dedans et c’est extrêmement grave. Je ne poserai pas un seul pied là-dedans et tu ne me feras pas changer d’avis.

Elle reprit un visage plus détendu, pour lui tapoter l’épaule, de la même manière un peu infantilisante que ses collègues utilisaient habituellement sur elle. La jeune femme ne le montra pas, mais elle éprouvait une grande satisfaction à renverser les rôles de la sorte. Pour adoucir son refus, elle joua la carte de la récompense, profitant pour se tenter à un petit sourire angélique qui avait un toujours son effet quitte ou double:

-Allez, va ne sois pas déçu ! Quand on aura fini la mission, je t’offre un verre dans une des plus jolies tavernes de Bourg-Levant ! Ça sera bien mieux que ce coupe-gorge qui ne sert probablement que de l’alcool frelaté. Haut les coeurs, Lorren ! Ce quartier vicieux a besoin qu’on lui rappelle que l’autorité du Duc fait toujours effet même dans ses rues puantes !

Les œillades répétées de son compagnon d’infortune vers la taverne qui visaient à la décourager glissaient sur elle comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Jehanne lui lança un dernier coup d’œil qui se voulait sévère et commença à le tirer par le bras vers la bonne direction. La milicienne insista une fois. Deux fois. Trois fois. Mais il ne semblait pas vouloir se plier à ses ordres. Bien, une autre tête de mule, qu’à cela ne tienne. Elle ne cédera pas non plus et elle préférait continuer la patrouille seule au dépend de sa vie plutôt que de faire preuve de rébellion. Elle lui laissait encore une chance de changer d’avis, commençant à s’enfoncer doucement dans les sombres rues du Goulot. Si il devait y avoir des morts pour qu’il réalise à quel point son attitude était indigne d’un milicien, elle était volontaire ! Ça servira d’exemple aux autres aussi !

-Quel bruit cela va faire dans les couloirs de la caserne, quand on dira que Merrick Lorren a laissé une pauvre novice se faire étriper dans le Goulot ! Une frêle jeune fille, à la merci des pire brigands ! Sait-elle au moins se servir de son arme ? Quel triste destin l’attend dans ces ténébreuses ruelles ? Seule… Abandonnée par son coéquipier sans honneur...

La soldate avait crié à toute la cantonade son feuilleton dramatique digne des pires torchons qu’elle avait pu lire. Cela avait eu le mérite d'interpeller un peu mieux Merrick, ainsi que bien de regards malveillants. Maintenant, elle espérait qu’elle n'en avait pas trop fait et que les conséquences de ses vociférations ne seraient pas trop cuisantes. Dans le pire des cas, elle pourrait au moins mettre en pratique ses dernières techniques d’épéistes apprises.
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MessageSujet: Re: L'extrémité du crime a des délires de joie   L'extrémité du crime a des délires de joie EmptyDim 14 Avr 2019 - 0:05
Merrick Lorren ne put empêcher son sourire, à l'égard de Jehanne Lefranc, de prendre de l'ampleur lorsque cette dernière lui rendit sa révérence. Haussant un sourcil, croisant les bras, mais n'exprimant pas le fond de ses pensées, l'ivrogne remarqua que l'ensemble de la manœuvre venait d'être fomenté sans arrière-pensée et avec une parfaite maîtrise. De fait, l'homme d'armes s'était gaussé intérieurement de sa propre salutation toute en finesse, digne des plus grandes pontes de l'esplanade. Or, la jeune milicienne semblait y répondre de bon cœur et avec tout le sérieux que nécessitait ce genre de grandiloquente marque de politesse. Ainsi, le fieffé quidam comprit qu'elle n'avait pas perçu sa gestuelle comme une marque d'amusement et de facétie. Lorsqu'elle découvrirait le beau salopard qui se cachait derrière l'allant et le baratin qu'il déblatérait continuellement, la combattante en formation tomberait de son piédestal de noblesse et de pureté. Du moins, si le goulot ne la faisait point chuter avant...

En outre, Merrick remarqua qu'une certaine rougeur vint peinturer le visage de sa partenaire. Voyant sa candeur et son innocence, le milicien se sentit presque mal de la suite des truculences qu'il s'apprêtait à fomenter sous l'égide et les auspices d'un plan machiavélique. Presque, car cette bouffée de remord fondit aussi vite que neige au soleil. Après tout, il ne lui forçait pas véritablement la main, et puis la pluie qui tambourinait contre sa cape venait raffermir ses ardeurs de se retrouver dans un débit de boisson. Infâme bouge ou établissement de grande qualité, qu'importe. La flambée promise dans ce genre de lieu, en plus l'épanchement de ses malheurs dans une chope, suffisait à gommer la possible apprêté des remords.

C'est ainsi que le duo se mit à se mouvoir. En tête, Lorren usa de sa prestance des premiers instants pour dicter leur pérégrination. S'éloignant de la zone qui leur avait été déléguée et qui était le plus à risque, Merrick enchaîna question sur question à l'attention de la blonde. À dire vrai, ces interrogations ne faisaient en aucun cas partie de son stratagème pour éviter de faire son devoir. À l'aune de ses nombreux défauts et carences, dont le laxisme était l'une des plus importantes, le jeune homme restait avant tout un bon vivant. Amical -parfois à outrance- et réellement intéressé à nouer des liens avec autrui, l'homme d'armes n'usait pas de son bagout pour circoncire de réflexion l'esprit de celle qui se faisait encore guider malhonnêtement.

-'' Ce n'est guère facile la situation d'une femme dans la milice...'' Commença-t-il tout d'abord en hochant la tête, glissant un coup d'œil de haut en bas à Jehanne. Toutefois, Merrick se retint de souligner que cela devait encore être plus dur alors qu'elle était aussi jeune... et attrayante. Si tout ce qu'elle avait eu comme affront c'était la vaisselle et les latrines, elle était choyée. Pour le moment... Puis, entendant les mots ''acharnements'', ''travail'' et ''efforts'', Lorren grimaça tour à tour. Par chance, positionnée devant la milicienne, celle-ci ne put voir les simagrées prendre racine sur sa trogne. Lorsqu'elle présenta que c'était sa première sortie dans le goulot, et qu'elle sentait que tout se passerait bien, l'ivrogne renifla et secoua la tête de gauche à droite, sans se retourner. ''Jamais rien ne se passe bien dans le goulot.'' Il n'en dit pas plus, n'ajoutant pas à cet état de fait le mauvais pressentiment qui le vrillait. Merrick ne voulait pas l'inquiéter. Après tout, en cette heure, il était assez effrayé pour deux !

C'est autour de cette pensée que son plan digne des plus grands mécréants entra dans sa seconde phase. Actant d'entendre un bruit louche, il poussa l'empressement de leur marche jusqu'au-devant d'une auberge. Satisfait de son jeu d'acteur, désirant réussir à convaincre celle qui se drapait encore dans une innocence bien attrayante et amusante pour le salopard qu'il était, Lorren attendit la suite et la repartie qui ne tarderait pas à pleuvoir sur lui. La grimace de dégoût qu'il perçut ne lui enleva point son allant et le sourire qu'il dressait vaillamment. Le doux son de l'établissement se rendait jusqu'à ses oreilles. Il lui était dès lors impossible de regretter son choix. L'endroit semblait très animé et excellent ! Du moins, à ses yeux...

Comme pour lui donner raison, un ivrogne à la démarche chaloupée et vacillante vint passer devant eux. Hochant la tête devant cette apparition, bien vite englouti par l'ouverture de la bâtisse décrépie, Merrick redoubla d'ardeur et de bonhomie lorsqu'il entendit le chant de l'improbable et ô combien odieux personnage. ''Je dois dire que ce n'est clairement pas ma chanson préférée...'' Dit-il en se retournant et offrant une moue désolée à Jehanne. '' Vous excuserez ce manque de respect odieux à votre égard, madame.'' Dit-il le regard pétillant en réitérant la même courbette dont il l'avait affligé à leur rencontre. Verrait-il, cette fois-ci, la différence et le manque de sérieux de la manœuvre ? Probablement...

Voyant que la répartie de Lefranc venait enfin à sa rencontre, Merrick Lorren croisa les bras en s'appuyant à l'auberge qui lui offrait un support agréable. La laissant s'épancher dans sa prise de parole, le sourire taquin et malicieux ne disparut pas le moins du monde. ''Crois-tu que c'est le seul salopard à être gradé ? Les sanctions ne se présentent qu'une fois que nous nous faisons prendre sur le fait. Crois-tu que le bon et noble Michard n'est pas occupé en patrouille ? Que viendrait-il faire par ici, et encore pire, dans cette auberge ?'' La voyant tapoter son épaule, le milicien n'esquiva pas le geste qui était quelque peu discordant et dissonant par rapport à son monologue.

''Veux-tu un conseil, Lefranc ? Apprends à lâcher prise et à avoir un peu moins de zèle dans tout ce que tu entreprends. À te démarquer, tu risques de tomber de bien haut et éveiller la jalousie. Et puis, ton sexe ne risque guère de t'accorder beaucoup d'appui... si j’étais à ta place, j'éviterais le moindre effort et j'empocherais mon maigre salaire en silence.'' C'était peut-être une véritable désillusion qu'il lui offrait, alors que tous deux étaient complètement différents sur leur façon de penser. Or, cela n'était pas fait avec violence ou excès. L'ivrogne ne la critiquait pas, tentait-il plutôt de l'aider à sa manière avec l'expérience qu'il avait lui-même acquise. Bien que celle-ci ne soit pas en adéquation avec la façon d'agir de la blonde, Lorren pouvait au moins parler en connaissance de cause. Par ailleurs, il adjoint ses mots à une simagrée à la fois moqueuse et amusée. De fait, il se permit la même gestuelle qu'elle avait eue à son encontre. En l'occurrence de venir tapoter son épaule. Elle voulait l'infantiliser ? Lui-même se targuait d'être capable de faire la même chose.

Or, bien qu'il soit un beau salopard, Merrick n'était pas un crétin. Il savait pertinemment que la farouche milicienne ne changerait point d'avis. Mais pour la tester, et pour voir jusqu'où elle tiendrait avant de se rebiffer et d'arrêter sa tentative de l'amadouer, il perdura le petit jeu, lançant des œillades pleines de dérision en direction du lieu de perdition. La tentative bien vaine de la milicienne de le tirer fut sur le point de lui arracher un éclat de rire, qu'il réussit à contenir pour conserver son masque d'ambivalence qui lui permettait de voir jusqu'où elle irait pour le faire changer d'avis. Or, la suite eut le mérite de le faire déchanter complètement. Ce fut une véritable douche froide. Par peur, de ce qu'elle prétendait qui lui arriverait ? Aucunement. Plutôt à cause de la folie de ses mots en un tel lieu.

Ce fut à son tour de la rattraper un peu plus loin et de l'attraper par le bras, et de tenter de l'adjoindre au silence d'un regard farouche et inquiet. Toute trace d'amusement avait déserté son visage. D'ailleurs, c'était la première fois qu'il n'avait pas un sourire pour la jeune femme. La différence n'en devait être que plus détonante. ''Lefranc, tais-toi.'' En proférant ces mots, il regarda autour d'eux, sans percevoir un éclat d'acier meurtrier. Soupirant il lâcha l'emprise qu'il avait. ''Pardon pour cette potentielle brusquerie, mais laisse-moi te dire une chose; évitons de faire du remous par ici, alors que nous ne sommes que deux.'' Il ne mit pas l'accent sur sa qualité de recrue. Il aurait pu être plus vilipendant, mais cela ne lui ressemblait guère.

S'appuyant à nouveau à la façade d'une bâtisse, il prit la parole, levant une main pour couper toute potentielle réponse. ''Avant de l'ouvrir, écoute-moi bien. Ton coutilier ce n’est pas un doux, ça au moins tu as eu le mérite de le comprendre. Mais, ne te demandes-tu pas pourquoi il nous envoie au nord ? C'est simple, Jehanne. C'est à cause des risques. C'est là que ceux-ci sont les plus grands. Quoi de mieux que de mettre à l'amende et d'effrayer une jeune milicienne qu'il ne porte guère dans son cœur ?'' Lorren resta silencieux quant à la raison qui expliquait pourquoi tous deux étaient potentiellement en binôme. De fait, l'ivrogne laxiste et la femme milicienne formaient le duo parfait des non désirés dans le petit groupe du gradé... ''Tu veux t'enfoncer dans la gueule du loup ? Je vais te suivre. Mais par la Trinité, garde le silence et essaie d'avoir l'air un peu moins...'' Débutante, détonante, attrayante ?

Soupirant, Lorren laissa tomber la capuche de sa cape vers l'arrière, se passant les deux mains dans la chevelure, puis se secouant. '' Bon, si c'est ce que vous voulez, pouvons-nous nous mettre en route, mademoiselle Lefranc ?'' Ne lui laissant pas réellement le temps de répondre, Merrick s'enfonça vers le nord, vers l'endroit qui leur avait réellement été assigné. Il avait un mauvais pressentiment. Un très mauvais pressentiment...
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MessageSujet: Re: L'extrémité du crime a des délires de joie   L'extrémité du crime a des délires de joie EmptyMer 17 Avr 2019 - 18:59
Par les trois, qu’il était exaspérant ! Elle était tombée sur un champion en termes de mauvaise foi et son horripilant pessimisme lui avait donné envie de jouer les sales gosses. C’était une maladie chez elle, dès lors que l’on n’allait pas dans son sens ou qu’on froissait un peu trop son égo, il fallait qu’elle fasse une bêtise. Et là, il lui avait donné de nombreuses raisons de jouer les enquiquineuses. De si longs discours pour de si pitoyables excuses, c’était indigne d’un milicien. Il pouvait étaler toute son éloquence, certes remarquable, tant que le fond n’était pas noble, il était pratiquement impossible de faire plier Jehanne. Jamais elle ne se laisserait de répit tant qu’elle ne sera pas respectée et se faire toute petite ne donnerait que plus de terrain pour être écrasée. Briller ou échouer en beauté, voilà sa devise ! Qu’importe les gradés malveillants, les collègues jaloux ou la populace ingrate. Aucun obstacle, aucune personnalité négative ne pourrait la détourner de sa ligne de conduite. Marbrume avait besoin de gens dévoués et honnête. Seules des personnes de bonne volonté pourraient ramener un peu de lumière dans cette bien terne cité. Si elle le peut, elle tentera de convertir tous ses comparses à son exaltation et alors ils pourraient bien tous enfin accomplir quelque chose de bon. Même si pour en arriver là, il fallait jouer la comédie au milieu d’une place malfamée. Oui, sa façon de le ramener sur le droit chemin était puérile, elle en avait conscience. Et pourtant, ses gesticulations finirent par payer et il accepta, bien malgré lui, de la suivre. Agaçante mais pas folle, elle se radoucit de suite, s’enroulant un peu plus dans sa cape qui commençait quelque peu à sentir le chien mouillé. Il avait peur. Et si elle le sentait, les potentiels malandrins qui rôdaient l’avaient probablement perçu avant elle. Revenue au calme elle le suivit docilement. Voilà, là il avait l’air d’un soldat qui savait où il allait ! La demoiselle corrigea sa posture pour lui donner l’exemple. La tête haute, les épaules en arrière, la mine fière. Jehanne en faisait beaucoup trop. Car sa main crispée sur la poignée de son épée trahissait les restes d’attitude craintives qu’elle essayait de dompter. La curiosité, la hâte et la peur se mêlaient en elle sans se diluer, chaos intérieur qui lui provoquait une fièvre l’enivrant comme un picrate infect. Elle s'exclama avec un dernier petit sourire malicieux, dans une ultime boutade pour nourrir sa bravoure:

-Très bien, je serais muette comme une tombe. Tu as gagné mon silence en résistant à cette affreuse tentation !

Elle s'y tint, et par conséquent, la patrouille s'avéra pour le moment bien monotone Tout du moins vue de l’extérieur, puisque les deux miliciens étaient loin d’être aussi tranquilles et assurés que ce qu’ils n’en transparaissaient. Ils déambulèrent bien quinze minutes sans se dire un mot, attentifs au moindre marcheur, à la moindre anomalie. Mais au fur et à mesure de leurs pérégrinations, semblait à Jehanne que les badauds se raréfiaient, jusqu’à disparaître. Pourtant la pluie s’amenuisant aurait dû encourager des promeneurs, et l’effet était totalement inverse. Jehanne ne comprenait pas. Où étaient passés les gueux aperçus à leur entrée dans le Goulot ? Plus personne pour réclamer, mendier, implorer, larmoyer ! Ce silence la gênait, le quartier était beaucoup trop calme pour cette heure de la journée qui aurait du être bruyante et vibrante partout ailleurs. Elle entendait de temps à autres des bruissements furtifs, des murmures éloignés. Rien ne lui parvenait aux yeux alors que ses oreilles étaient alertes. Pas un indigent, pas un vagabond, pas l’ombre d’un passant. Et pourtant par ici et par là, le fracas d’une bouteille dans une ruelle perpendiculaire, un tonneau bousculé plus loin derrière, un rire gras étouffé venant d’une impasse attenante. La jeune femme sentait la paranoïa monter en elle. C’était un combat de chaque seconde pour garder la face, car l’inconnu qu’elle arpentait était d’autant plus terrifiant quand elle se rappelait des réticences de son collègue. Personne n’aimait le Goulot et tous les bruits de couloirs lui revinrent en tête. Beaucoup étaient morts de manière idiote dans ce lieu sinistre. Poignardés par une gamine, égorgés pour une bague en or, lynchés par des ivrognes, les yeux crevés par une vieille folle. Les histoires ne manquaient pas, toutes différentes, mais toutes ayant aussi pour origine une négligence ou un hasard malheureux. Sa raison et son instinct se confrontaient. Quelle partie d’elle même, quelle théorie se devait-elle de suivre ? Est-ce que tout le monde s’était barricadé pour éviter d’être injustement interpellé, ou quelque chose de plus sombre se tramait ?

Jehanne se rendit compte qu’elle s’était mise à trembler. Elle était trempée jusqu’aux os et pourtant elle savait bien que ce n’était pas le froid qui la faisait frissonner. Son pas se fit plus lent et hésitant. Ses mains allaient et venaient vers sa ceinture, vers son épée. Elle ne pouvait plus laisser tout cela à leur bonne fortune. La soldate finit par se pencher vers son comparse pour lui glisser un murmure nerveux, la voix étranglée par la peur:

-Merrick. Ca fait cinq minutes qu’on nous suit. Cinq de plus et je ne sais pas ce qu’il va advenir de nous. Si je dégaine seule je suis fichue.
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Merrick LorrenCoutilier
Merrick Lorren



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MessageSujet: Re: L'extrémité du crime a des délires de joie   L'extrémité du crime a des délires de joie EmptyMer 17 Avr 2019 - 20:58
C'est ainsi que Merrick Lorren et Jehanne Lefranc commencèrent leur lente descente en direction du plus profond de l'enfer. En silence, enfermé et cloîtré dans un mutisme teinté des relents d'angoisse et de rancœur qui les liaient, le duo parti faire leur devoir. En l'occurrence, patrouiller dans un secteur qui n'était pas assujetti aux contrôles de la milice, mais bien aux différents criminels et forbans qui formaient une pègre aussi bien éclectique, terrible, que meurtrière. L'homme d'armes avait un mauvais pressentiment, comme si le goulot en lui-même était un nid de vipères. À ses yeux, tous les badauds et manants qui croisaient leur route pouvaient être un scélérat prêt à faire sonner et chanter l'acier. De fait, bien que Lorren voit des ennemis en tout les quidams qui croisaient leur passage, à cause de sa couardise naturelle, il n'était guère loin de la réalité. Après tout, la lie de la société qu'était la plèbe de ce quartier était quasiment tous et chacune coupable et capable d'un méfait quelconque. Car, il était évident que les péchés et les crimes étaient le seul luxe que pouvait s'offrir ces nécessiteux en manque de tout...

Toujours est-il que bien que Merrick soit complètement révulsé à l'idée de s'enfoncer dans les profondeurs infâmes et abjectes du Goulot, le beau salopard n'en ressentait pas moins une douce amertume. En effet, bien qu'il n'ait point trouvé une once de courage en lui et qu'il soit toujours aussi réfractaire à leur mission, l'ivrogne ne pouvait qu'imaginer que la réalité aussi âpre et dure de ce lieu pourrait faire tomber de son piédestal la jeune milicienne qui semblait se complaire dans un rôle teinté d'un héroïsme aussi crade que puéril. Se voyait-elle réellement comme une vertueuse guerrière en armure venant à la rescousse des nécessiteux ? Car pour Merrick Lorren, c'était une évidence. Les nécessiteux du goulot ne lui tendraient pas la main pour quémander une quelconque aumône, ils étireraient plutôt leurs griffes pour lui arracher ses lippes et s'en prendre à sa vertu qu'elle dressait pour le moment comme un étendard et le parangon de sa noblesse d'âme.

Elle déchanterait bien assez vite. L'homme d'armes espérait simplement et seulement que ce soit à cause du tableau crasse de la réalité, plutôt qu'à cause d'une quelconque attaque à leur encontre. Cette pensée lui fit pousser un soupir parfaitement audible. Était-ce le premier qu'il proférait depuis leur marche qui les menait directement à leur condamnation et damnation ? Sûrement pas !

Voyant les mimiques de la jeune femme, le vertueux couard se fendit d'un sourire empreint et empli d'une dérision hautement perceptible. Croyait-elle que son allant et son allure les préserveraient ? Au contraire de cette dernière, Lorren rentrait la tête dans les épaules, lançaient des regards par en dessous, agissant comme l'ensemble des gens de ce milieu. Sur ses gardes, se mouvant à même les flots et suivant la houle de cette foule bigarrée et hétéroclite. Or comme susmentionné, Jehanne était différente et agissait différemment. Celle-ci tentait de se présenter comme un roc qui traversait le ressac salin d'un océan tumultueux, de mettre de l'avant et aux yeux de tous qu'elle était au-dessus de cette oppression silencieuse et de ce climat tendu. Qui avait raison dans sa façon d'agir et de se mouvoir ? Dur à dire...

Les manants devinrent de moins en moins nombreux, au même titre que la pluie qui commençait à perdre en force et diminuer. Ce terrible constat arracha un horrible sourire à Lorren. Ce n'était pas catastrophique et cela ne voulait pas véritablement dire qu'ils allaient souffrir d'une quelconque situation conflictuelle. Or, cela signifiait aussi qu'ils arrivaient au pire du Goulot. Si quelques choses devaient leur arriver, ce serait maintenant. S'humidifiant les lèvres de sa langue asséchées, il offrit un coup d'œil à sa partenaire. Cette dernière semblait s'être rendu compte de la lourdeur et de la pesanteur de l'instant. Merrick n'avait rien besoin d'ajouter. Et puis, qu'aurait-il pu dire ? L'erreur avait été commise en se frayant un chemin jusqu’ici. Son pas s'alourdit, son souffle accéléra. Une sueur froide vint mouiller les parties de son corps que la pluie n'avait pas encore détrempées. Ses paumes étaient moites et la garde de son arme était à la fois dure comme le marbre et glissante comme la glace.

Prenant de profondes respirations, l'ivrogne se força à un calme tout relatif. Rien n'était encore entre eux et la possibilité d'une retraite rapide. La jeune femme devait s'être rendu compte de la stupidité crasse qui s'articulait autour de cette patrouille, non ? Elle ne pourrait plus lui refuser de s'en retourner, pas après avoir goûté au même sentiment de malais que lui ! Ouvrant la bouche pour exprimer l'idée d'un repli vers une zone moins à risque, Jehanne Lefranc le coupa dans sa prise de parole, proférant sa propre tirade.

-''Si tu mets ta lame au clair, on est surtout mort. On ne sait pas combien ils sont.'' Dit-il rapidement tentant un coup d'œil par-dessus son épaule, sans rien voir de particulier. Merrick n'avait rien perçu, mais il faisait confiance à la milicienne. Après tout, mieux valait prévenir que guérir. ''Écoute, il faut qu...''

-''Êtes-vous perdu, en cette belle journée ?''

Un homme encapuchonné se dressait dorénavant sur leur chemin. Replié en dessous sa cape, la silhouette du nouvel arrivant était indéfinissable. Bien que la pluie pouvait être une explication adéquate pour expliquer cet accoutrement, la présence des deux morceaux d'acier qui se trouvait accroché à sa ceinture ne mentait guère sur le possible de sa profession. En outre, ces deux bouts de ferraille n'étaient pas d'une si piètre qualité, pas loin de la qualité des armes de la milice. Ils n'avaient pas à faire à un simple va-nu-pieds...

-''Aucunement. Nous allions rebrousser chemin.'' Tenta évasivement Merrick, d'une voie un peu trop craintive à son goût, levant ses deux mains pour les dégagés de son ceinturon.

-''Je ne crois pas, non.''

Cette fois-ci, les mots provenaient de derrière eux. Là, deux hommes étaient apparus au coin d'une ruelle, leur coupant toute possible retraite. L'un était massif et tenait un gourdin qui semblait avoir souvent été utilisé. La couleur sombre du bois pouvait aussi bien être à cause du temps pluvieux qu'à cause des stigmates de l'hémoglobine de derniers affrontements. L'autre ressemblait plutôt à une fouine, dont ses yeux perceptibles en dessous de sa capuche brillaient comme un ardent brasier. C'était ce dernier qui avait pris la parole.

Le duo semblait être en très fâcheuse posture. Les intentions des criminels, car c'est ce qu'ils devaient être, semblaient assez explicites aux yeux de Merrick. Était-ce pour leur bourse, leur sang, ou plutôt pour le corps de la jeune femme qu'ils leur barraient le passage ? En un sens, le couard ne voulait et ne cherchait pas à le savoir. Déjà, il était sur le bord de la crise de panique et de nerf. Merrick Lorren n'était pas un mauvais combattant lorsqu'il y mettait du sien, bien que ce soit rare. Après tout, ses victoires à l'entraînement le prouvaient. Or, avec la frayeur de l'instant, ce n'était aucunement une solution envisageable pour le beau salopard. Dès lors, il devait tenter de les convaincre de les laisser passer. ''Écoutez, je ne sais pas ce que vous désirez ou ce que vous faisiez, mais cela ne m'intéresse guère. Nous ne faisions que passer, et nous y allons maintenant partir, sans nous retourner. Le reste de notre coutelerie nous attend au tournant.'' Ni menace, ni imploration, ses mots n'étaient qu'un simple juste milieu équivoque et adéquat. Mais pour autant, est-ce que cela serait suffisant ?

-''La milice ?! D'habitude, vous ne vous risquez jamais à...'' Celui qui se trouvait devant eux semblait hésitant. Il avait probablement voulu dire que les hommes d'armes ne se risquaient jamais en si petit nombre aussi loin dans le goulot. Fronçant les sourcils, ce dernier semblait réfléchir à la suite. '' Poussez-vous les gars.'' Poursuivit-il en direction de ses deux hommes. ''Nous ne vous retenons pas plus longtemps. Vous pouvez partir retrouver vos compatriotes. Nous ne voulons pas de problème avec la milice.'' Termina-t-il. Dès lors, bien que les malfrats ne les laissaient pas avancés plus profondément dans le secteur, ceux-ci ne les empêchaient plus de rebrousser chemin.


-''Merci à vous, l'ami. Bonne journée !'' Tenta un Merrick Lorren soulagé, laissant Jehanne maître de ses mouvements pour la suite...
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