Marbrume


Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal

Partagez

 

 Dissidence [Isaure & Joséphine]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Joséphine ClaircombeMilicienne
Joséphine Claircombe



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyLun 13 Mai 2019 - 8:48
Ne jamais voyager de nuit et ne jamais voyager seul, voilà deux règles d'or à respecter lorsque l'on souhaitait revenir en un seul morceau d'un voyage dans le Labret. Joséphine n'avait pas pris de risques jusqu'à Najac, elle avait soit voyagé en compagnie d'autres miliciens venus relever leurs camarades, soit en compagnie de fermiers faisant la navette entre les villages. Aucun visage ne lui avait paru familier et elle se sentait maintenant comme un étrangère sur ces terres qui pourtant l'avaient vue naître. Une petite heure de marche l'attendait avant d'atteindre sa destination finale et, bien qu'elle ne sut pas à quoi s'attendre à l'arrivée, elle avait préféré faire le reste du chemin en solitaire, avec pour seules compagnie ses pensées confuses.

Le soleil était bien haut dans le ciel, il devait être à peine midi lorsqu'elle atteint finalement l'ancienne ferme des Claircombe. Elle était là, abandonnée et usée par les intempéries, comme tant d'autres fermes du Labret. C'était à la fois triste de la voir en si mauvais état mais rassurant de savoir qu'aucune autre personne n'avait investi les lieux et balayé les souvenirs de son enfance. Enfin, du moins en apparence. La porte d'entrée émit un grincement sinistre lorsqu'elle la poussa. Un frisson lui parcourut le corps mais le froid et l'humidité de la pièce n'étaient que partiellement responsables. Sur le sol, près de la cuisine, une tâche sombre semblait s'être incrustée dans la pierre elle-même. Et les images se bousculèrent dans sa tête...

Elle revoyait son père au sol, se débattant avec une créature tout droit sortie de ses pires cauchemars, prête à refermer sa gueule sur lui. Sa mère était déjà morte et la bête avait délaissé le reste de son repas pour s'attaquer à lui ; ses mouvements erratiques, les pulsations de son cœur, tout cela semblait éveiller davantage son excitation. Et Joséphine avait compris ce jour-là qu'elle n'avait pas affaire à un prédateur ordinaire, elle aurait juré qu'il était plus animé par le plaisir malsain de voir sa victime souffrir que par la nécessité de se nourrir. La peur l'avait empêchée de porter secours à son père, et sa mort lui avait laissé le temps de s'enfuir avec ses soeurs.

Même si les corps de ses parents n'étaient plus là, tout le reste était tel qu'elle l'avait laissé ce soir-là. C'était irréel, et oppressant. Ses pas hésitants la menèrent à l'étage où elle trouva la chambre qu'elle partageait avec ses sœurs sens dessus dessous. Des pilleurs, probablement. Ils avaient vidé tiroirs et commodes, emportant tout ce qu'elle-même n'avait pas pu emmener dans sa fuite. Il ne restait plus rien de valeur, hormis ses souvenirs. L'envie de mettre le plus de distance possible entre elle et cet endroit la saisit soudain, comme un besoin impérieux. Elle étouffait ici. Ce n'est qu'une fois revenue dans la pièce principal qu'elle l'aperçut, au milieu des débris qui jonchaient le sol : un petit bouquet de fleurs séchées. Pas n'importe quelles fleurs, des violettes.

Elle passa la prochaine heure à fouiller la maison en quête d'un autre indice, n'importe quoi, puis elle quitta la maison pour s'aventurer dans la grange, dans les champs. Elle n'osa pas appeler son nom, de peur d'attirer une attention indésirable, mais elle mourrait d'envie de le faire. Sa petite sœur était venue ici. Tout comme elle, ses pas l'avaient naturellement menée vers le seul endroit qu'elle pouvait appeler « chez elle ». Depuis combien de temps était-elle venue ici ? Elle chercha une réponse dans le bouquet de fleurs qu'elle serrait entre ses doigts comme si elle avait peur de le voir s'envoler. Et au bout d'un moment, elle dut se rendre à l'évidence : cet endroit était vide de toute présence, et Violette n'avait probablement pas pu rester là, la proximité de Najac était bien trop dangereuse pour quelqu'un comme elle.

Le chemin du retour fut morose. La joie qu'elle avait ressenti en découvrant que sa sœur était bien vivante laissa place à une grande indécision quant à la suite qu'elle voulait donner ou non à cette histoire. Allait-elle vraiment poursuivre ce mirage alors qu'elle risquait de la mettre en danger en la retrouvant ? D'un autre côté, ce bouquet laissé là n'était pas anodin. Elle voulait qu'on sache qu'elle était en vie et peut-être avait-elle besoin d'aide. Le pire, c'était de ne pas savoir.


***

Gregor n'était pas un mauvais bougre. Sa mère n'avait pas cessé de lui répéter qu'il était le plus beau et le plus merveilleux des fils, qu'il faisait sa fierté et qu'il était destiné à accomplir de grandes choses. C'était difficile de savoir ce qu'elle entendait pas « de grandes choses » alors qu'il passait la plupart de ses journées les deux pieds dans la merde. Il n'était pas très heureux de sa nouvelle affectation dans le Labret, les femmes d'ici n'arrêtaient pas de lui lancer des regards assassins ou d'avoir l'air incommodé dès qu'il posait les yeux sur elles. A croire qu'elles arrivaient à discerner les pensées qui agitaient son petit esprit pervers.

Mais aujourd'hui tout allait changer. Il gagnerait enfin un peu de respect de ses pairs et de cette plèbe qu'il était censé protéger. Il jeta un regard sur la prise qu'ils venaient de faire, lui et les gars. Elle était là, étendue sur le sol, pieds et poings liés, un morceau de linge dans la bouche, alors que son vêtement arraché jusqu'à l'avant bras droit dévoilait une marque faite au fer rouge, profondément ancrée dans sa chair. Un sourire satisfait étira ses lèvres alors qu'un sentiment de toute-puissante l'envahit.


- Allez chercher de quoi faire brûler son corps au village.
- On la tue pas d'abord ? demanda Jeanjean, un air benêt figé sur son visage de poupon.
- Si on la tue maintenant et qu'on brûle pas tout derrière, on va se retrouver une saloperie bien plus grosse sur les bras, triple buse.

Usson n'était qu'à un petit quart d'heure de marche, ce n'était pas la mer à boire de faire simplement l'aller-retour. Et puis ce serait tellement dommage de la tuer maintenant. Il n'avait pas pu se tenir aussi près d'une femme depuis bien longtemps, du moins pas sans la payer avant. Ses deux camarades partirent en traînant les pieds, ce qui agaça fortement Gregor ; il hésita même un moment à leur jeter des gadins pour les faire avancer plus vite. Une fois seul avec sa captive, il lui offrit son plus beau sourire, et écarta une mèche de son joli visage.


- Tu sais ce que c'est, le mot d'ordre ? Tuez-les tous. Mais personne n'a dit qu'on avait pas le droit de s'amuser un peu avant.

L'air lubrique sur son visage ne laissait pas tellement de place à l'imagination, ni la bosse qui se devinait dans son pantalon d'ailleurs. Gregor n'avait jamais été un homme subtil après tout. Il aurait tant aimé lui ôter le linge qu'elle avait dans la bouche, pour l'entendre crier, mais il avait bien trop peur d'y laisser un doigt. Tant pis, il devrait se contenter de ses gémissements étouffés, c'était bien assez excitant comme ça.

Il déboucla sa ceinture d'un geste rapide et son pantalon se retrouva bien vite sur ses genoux. Il passa fébrilement ses mains dans ses cheveux puis tenta de maîtriser sa captive qui se débattait furieusement au sol.


- Arrête de bouger, j'ai pas envie d'avoir à t'amocher. Et puis, si tu te laisses faire, ça passera plus vite.

Il n'avait vraiment pas envie que ses camarades reviennent dans un moment d'intimité pareil et de passer pour un vieux pervers. Sûr que cette réputation allait lui coller à la peau pour le restant de ses jours, déjà que ladite réputation n'était pas bien glorieuse. Il sentit soudain un choc à l'arrière de son crâne, assez violent, et la surprise laissa place à une terrible douleur. Sa main droite tâta l'endroit où le coup lui avait été donné et un liquide poisseux coula le long de ses doigts. Alors qu'il amorçait un mouvement pour voir derrière lui, un second coup fut porté cette fois à la tempe, et ce fut le trou noir.

Gregor s'affaissa lamentablement sur le sol, le pantalon toujours baissé jusqu'aux genoux.


***


Joséphine resta un moment sans rien faire, la pierre tâchée de sang toujours fermement tenue dans ses mains. Qu'avait-elle fait ? Et pourquoi ? Ses yeux se posèrent sur le visage de la victime et ce dernier lui était étranger. Lorsqu'elle avait entendu ces deux miliciens parler d'une bannie capturée près d'Usson, elle avait cru que c'était sa sœur. Et voilà qu'elle venait d'agresser et de blesser gravement l'un de ses collègues -une raclure finie mais un collègue tout de même- pour sauver une inconnue. Pire que ça, une bannie. Elle laissa retomber la pierre au sol et se mit à réfléchir à toute vitesse. Déjà, il fallait qu'elle parte, vite ; les deux autres allaient sûrement arriver d'un instant à l'autre.

D'un geste vif, elle trancha les liens qui entravaient les pieds de la bannie, sans toucher au reste.


- Lève-toi, on s'en va.

C'était un ordre qu'elle n'aurait pas de mal à suivre si elle voulait survivre elle aussi.
Revenir en haut Aller en bas
Isaure HildegardeBannie
Isaure Hildegarde



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyLun 13 Mai 2019 - 17:15
-- Début Avril 1166 --

-- Attention, certains passages peuvent heurter la sensibilité, même si cela reste léger --


Courir. Depuis combien de temps n’avais-je pas ressentis ce besoin, cet objectif ? Trop longtemps, beaucoup trop longtemps, en avais-je oublié les règles principales : LA règle principale : se méfier de tout et tout le monde tout le temps. Démasquée, ma vie venait de se terminer, je le savais, je le sentais et j’étais incapable de m’enfuir, je ne pouvais m’empêcher de penser à Lance, je ne pouvais pas l’oublier lui et mocheté, partir sans dire au revoir, partir sans expliquer. Le panier que je tenais entre les mains c’était écroulé sur le sol, déversant les quelques fruits et quelques achats qu’il contenait. Les hurlements qui écharpèrent de l’homme d’armes n’avait même plus de secret, entendais-je déjà le murmure que j’avais oublié : meurtrière, catin, bannie, meurtrière. Fuite, ma respiration avait fait un bon dans ma poitrine sans que je me l’explique, mon cœur s’était retrouvée au bord de mes lèvres, menaçant d’être expulsé dans une nausée alors que mes pas dévalés les petits sentiers que je connaissais sur le bout des doigts. Glisser aurait été fatale, sans aucun doute, mais la chance était avec moi, cette chance si particulière qui n’allait pas tarder à me quitter, à m’abandonner, à me rejeter. Il n’était plus qu’à quelques pas, quelques mètres, non loin de la charrette qui nous ramènerait chez nous, percevais-je déjà le rire d’Aurore, oui, le percevais-je encore en voulant m’y accrocher, y croire encore.

Ce fut la chute, non loin de lui, de cet homme qui m’avait fait oublier ma condition, de cette enfant que je voulais protéger et ce regard d’incompréhension, d’inquiétude alors que je lui hurlais de ne pas s’approcher. Monstre. Voilà un mot qu’on m’avait longtemps attribué, mais à ce moment précis, alors que je me redressais, je me questionnais sur qui était les véritables monstres. Le milicien m’avait sauté dessus et on avait roulé ensemble sur une courte distance, jusqu’à ce qu’il se retrouve sur moi, jusqu’à que je me débatte, que je grogne, mais j’étais faible. De nouveau faible. Il avait suffi d’un mois pour perdre mes habitudes, un mois pour m’imaginer être normale et il avait fallu moins de temps qu’il ne fallait pour respirer pour que je me retrouver réduite à cet état de nuisible, de merde, de rien. Un excrément qu’on ose même enterrer ou regarder. Je lui avais cracher au visage alors que mon front venait de rencontrer son nez, alors que finalement dans un élan de survie, je parvenais à le repousser, c’était sans oublier les deux autres, ouais, les deux autres, qui alors que je rampais dans cette terre que j’avais pourtant un temps aimé, m’avait attrapé par les pieds.

Je n’hurlais pas, jamais. Ma respiration se faisait de plus en plus forte, de plus en plus imposante alors que j’essayais de faire lâcher celui qui m’agrippait les chevilles, me tirant vers une fin à laquelle je ne pensais même plus. Puis mon regard croisa le sien, à lui, alors qu’il tentait de s’approcher, alors que ses pas s’étaient faits plus rapides et qu’Aurore hurlait à l’arrière de la charrette et j’avais cessé de combattre, m’immobilisant soudainement, alors que les coups faisaient trembloter mon corps, alors qu’il m’allongeait sur le ventre pour me ligoter les mains et les pieds. M’attrapant par les cheveux, j’avais senti ma tête partir vers l’arrière, je m’étais retrouvée dans la même ligne que celui qui s’était mis à courir et qui s’arrêta alors que l’un des miliciens beuglait qu’il ne devait pas s’approcher. Il arracha ma manche, dévoilant la marque. Me rejetant plus loin sur le sol, avant de me mettre un coup dans le ventre, puis un autre, sans que le moindre couinement de s’échappe de mes lèvres.


- « Chienne de bannie » fit-il « Dernière parole avant qu’on ne te fasse taire à jamais ? »
- « Casse-toi et merci »

J’avais hurlé cette fois, je voulais m’assurer qu’ils m’entendent, j’avais toujours été claire et les hurlements que je percevais d’Aurore ne faisait que mon confronté dans ce choix. L’homme d’armes n’avait pas dû comprendre non, cet idiot devait croire que je m’adressais à lui et son regard coulant sur ma lèvre ensanglantée ne semblait que l’exciter davantage. Fais ordure. Fais. J’ai connu pire. Ce fut un coup de coude violent dans la tempe et le trou noir, complet, entier. J’étais morte. Il allait vivre. Elle allait vivre. N’était-ce pas tout ce qui devait compter ?

◈ ◈ ◈

Ce fut une première douleur à la tête, puis une seconde, alors que je sentais un tissu entre mes lèvres, alors que j’avais la sensation de suffoquer douloureusement, d’étouffer. Incapable de bouger, peut-être à peine de rouler. J’avais sentie un pied se déposer sur mes côtes, retenant le moindre de mes mouvements alors que j’émergeais petit à petit. Le goût du sang dans la bouche, le regard flou, le cœur tambourinant avec une force que je reconnaissais. J’avais la sensation d’être de nouveau dans ma cellule, recroquevillée dans un coin alors qu’on me tirait par les pieds, alors qu’on m’écartait les cuisses pour venir prendre ce qui semblait appartenir à tout le monde, sauf à moi-même. Alors qu’on crachait en mois cette substance que j’apprenais à haïr, alors qu’on m’irritait en y introduisant ce qui semblait être amusant à regarder. J’avais hurlé au début oui, alors que les doigts venaient faire pression sur ma bouche, me susurrant que plus que je faisais silence, plus le moment passerait vite. Savoure catin, gémis catin, n’est-ce pas à ça que tu sers désormais, meurtrière ?

J’étais là-bas de nouveau, ou ici, je ne sais plus trop, j’écoutais les conversations, je savais déjà ce qui allait se passer. J’étais résignée, je crois, oui, complètement. De trois, il passait à un, c’était déjà ça, j’en arrivais à me satisfaire de peau, alors que je percevais le bruissement des branches qui craquent et des pas qui s’éloignent. Une main sur mon visage, dont le geste qui écartait une mèche de cheveux me permettait de déjà savoir ce qu’il voulait, l’avisant un instant, gesticulant pour essayer de rouler plus loin, tirant sur mes liens qui ne se desserraient pas, j’avais fini par être résigné. Encore. Je m’étais retrouvée sur le dos, une main sur l’épaule appuyant avec force pour m’empêcher de bouger, alors que mon regard mémorisait son visage, alors que je retenais la moindre ride de ce regard sombre et froid. Je te retrouvais, c’est ce que j’avais envie de lui dire, je te retrouverais dans l’errance de nos âmes.

Mes prunelles s’étaient déposées sur le moindre de ses gestes et sur cette ceinture qui quittait son rôle, se retrouvant sur le sol, alors que mes yeux se fermaient un instant, alors que je revoyais Mathie, alors que je sentais cette humidité se glisser dans le fond de mes yeux. Plus jamais, non plus jamais ça, c’est ce que je m’étais promis et me revoilà au point de départ, ou au point d’arrivée, j’en savais rien. Étais-je sans ça, ce qu’on disait de moi, une catin. Tirant ma tête en arrière à l’aide de ma chevelure, il s’était laissé tomber à califourchon sur moi, arrachant une partie de ma chemise, dévoilant cette poitrine qui semblait lui faire particulièrement envie. Gesticulant, grognant, cherchant à formuler des insultes que je n’étais pas capable de prononcer, j’essayais de me débattre, de lutter, dans une force et une volonté qui semblait venir d’un autre lieu. Une main descendant le long de ma gorge, jusqu’à ce sein qu’il arracherait presque tant ses doigts se faisaient brusques, l’autre main descendant, déboutonnant la chemise, alors qu’un regard cruel et désireux se lisait sur son visage, il riait, riait, alors que je sentais la pression de son entrejambe contre ma cuisse, alors que ses doigts venaient de défaire ma ceinture et s’insinuer dans une zone qui provoqua un sursaut alors je me débattais de plus belle.

Essayant de me redresser, essayant de lutter, je ne pouvais pas me résigner à ce que tout recommence, non, pas encore, pas comme ça, pas cette fois. Je sentais cette panique s’écouler dans la totalité de mon être, je sentais mon regard se vider de cette vie que j’avais appris à aimer, je sentais que je sombrais. Mes yeux s’écarquillèrent un instant, alors que je voyais la pierre s’abattre sur son corps, alors que je détaillais cette femme se tenant droite, qui après un instant d’hésitation redonna un second coup. S’écroulant sur le côté, sa protubérance encore de sortie, je m’étais mise à grogner, ne sachant pas si je devais me méfier, reculant, essayant tout du moins, détaillant celle qui venait de me sauver d’une expérience que je m’étais jurée de ne plus jamais revivre.

La pierre ensanglantée toujours en main, je ne pouvais que visualiser le même sort, secouant la tête de droite à gauche alors que mon regard devait paraître suppliant, alors que mon souffle difficile tentait de retrouver une certaine stabilité, je ne puis que m’étouffer dans un soupir, alors que l’arme du presque crime s’effondrait sur le sol à son tour, non loin de moi.

Dague en main cette fois-ci, mes yeux s’étaient fermés, convaincus de recevoir un coup fatal à la gorge, à la poitrine, mais ce fut finalement la sensation de cessation de l’entrave autour de mes chevilles qui provoqua un léger sursaut. J’étais en vie. J’allais vivre. Elle m’ordonnait de la suivre et j’opinais par instinct de survie, Mathie se trouvait derrière elle, comme pour confirmer que c’était la voie à suivre, un large sourire sur les lèvres. Me mettant à genoux, puis me redressant en faisant pression sur mon ventre, je ne pouvais que l’aviser un moment, oui, je ne pouvais faire que ça. Ennemi, allié, pour un temps, pour jamais ? J’étais incapable de savoir et incapable de parler, encore sous le choc de l’émotion, je lui indiquais d’un petit signe de tête le sentier menant à la forêt, là-bas, personne ne s’y jetterait, du moins pas de tout de suite, non ?

Je n’avais pas cherché non, je n’avais vraiment pas cherché à comprendre si c’était une bonne idée, ou une mauvaise idée et les bruits environnement ne pouvait qu’indiquer que des promeneurs, miliciens ou que sais-je n’étais pas loin. Alors, je m’étais mise à courir, sans réfléchir, jamais, qu’elle me suive, qu’elle reste en arrière, ça n’avait pas d’importance, absolument aucune importance. J’étais vivante et j’allais vivre. Je sentais le vent s’infiltrer dans ma chemise, dévoiler sans doute trop de choses qui auraient dû rester intimes, mais de l’intimité, je n’en avais jamais eu et maintenant que les souvenirs proches étaient derrière moi, tout ça n’avait plus la moindre importance. J’avais encore la sensation de cette main galeuse sur mon sang, de cette pulpe effleurant sa pointe avec l’espoir de la voir réagir et j’avais la nausée, envie de vomir, d’être hideuse. Une catin. Un mouchoir usagé qu’on balance. Un monstre. Courant plus vite, passant juste au-dessus d’un buisson, sentant la sensation de la terre et des roches sous mes pieds, je ne savais pas où j’allais, je n’avais aucune idée de ce que je faisais là, mais je ne pus que me stopper brutalement, alors que devant nous se dresser ce qui semblait être un sanglier.

On avait toujours tendance à sous-estimer la bête, mais moi je savais, je savais qu’un sanglier seul était dangereux et plutôt que de la laisser poursuivre, je m’étais retournée pour lui rentrer dedans, pour me retrouver de nouveau au sol, pour rouler, dévaler une pente qui se trouvait non loin, pour sentir son corps contre le mien, pour sentir ma tête heurter sur tout ce qui passait par là et puis finalement pour venir notre chute commune contre un arbre, avant que l’animal fier surveillait de sa hauteur si nous n’étions plus sur son territoire. Lâchant un grognement de douleur, alors que cette fois-ci le choc de la chute avait semblé me faire réagir, j’essayer de me dégage de son poids, de sa présence, j’essayais de me relever, il fallait avancer fuir, partir, fuir, loin, très loin avant qu’ils arrivent, eux, eux, ouais, les véritables monstres.

Revenir en haut Aller en bas
Joséphine ClaircombeMilicienne
Joséphine Claircombe



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyMar 14 Mai 2019 - 17:30
La bannie qu'elle talonnait de près stoppa sa course avec brusquerie sans que la milicienne n'en comprenne la raison, le sanglier étant hors de son champ de vision. Elle en profita pour regarder derrière elle si personne ne les suivait, s'il n'y avait bien aucun témoin de leur fuite. Elle eut le réflexe un peu tardif de rabattre son capuchon sur son visage, par peur d'être identifiée et se maudit intérieurement de ne pas l'avoir fait plus tôt. Décidément, il n'était jamais bon d'agir précipitamment, sur un coup de sang, comme elle venait de le faire.

Elle eut à peine le temps de se retourner qu'elle se retrouva projetée au sol par celle dont elle venait pourtant de sauver la vie, et qui n'était visiblement pas étouffée par la gratitude. La chute lui parut interminable, alors que son corps tout entier se faisait malmené dans la descente d'une colline. Son dos heurta le tronc d'un arbre et lui arracha un gémissement de douleur. De fort méchante humeur après avoir été prise par surprise comme une novice - « Ne jamais tourner le dos à l'ennemi »- Joséphine se releva prestement en sortant de son fourreau l'épée qu'elle portait à la ceinture, menaçant ainsi celle qui, par la force des choses, était devenue sa captive.

Incapable de lui fournir d'explication puisqu'elle était toujours privée de la parole, la bannie regarda en l'air, et la milicienne suivit son regard prudemment, l'épée toujours tirée dans sa direction. Un sanglier. Joséphine soupira. Peut-être que cette descente un peu douloureuse était un moindre mal. Et elles n'avaient pas le temps de lambiner ici, à se regarder dans le blanc des yeux pendant des heures, il fallait poursuivre. La forêt leur offrait un abri plus que bienvenu, car il était plus facile d'échapper à un poursuivant sur un terrain de ce type plutôt que sur un chemin désert en ligne droite.

Bon sang, mais qu'est-ce que je fous ?
Dans un geste fluide, l'épée retrouva son fourreau et Joséphine se pencha vers la bannie pour la remettre droite sur ses pieds avec une certaine rudesse. Ses jambes n'étaient plus entravées mais ce n'était pas évident de courir les mains dans le dos, la milicienne en avait conscience. Pour autant, impossible pour elle de se résoudre à la libérer de ces derniers liens, comme s'il persistait une méfiance entre les deux femmes que rien ne saura effacer. Elles étaient des ennemies naturelles, il ne fallait pas l'oublier. Là où elle céderait du terrain, l'autre en profiterait à coup sûr. N'aurait-elle pas agi de cette façon si les rôles étaient inversés ?

Elles se remirent à courir, Joséphine toujours derrière pour surveiller qu'elle ne s'échappe pas. Leur course éreintante prit finalement fin près d'un cours d'eau qu'elles ne pouvaient franchir.


- Je crois qu'on peut reprendre notre souffle, dit-elle alors qu'elle était elle-même hors d'haleine.

Et maintenant ? Joséphine avait du mal à croire que tout ce qui venait de se passer s'était vraiment passé. Alors même qu'elle gardait un visage calme, n'importe qui la connaissant un temps soit peu aurait remarqué qu'elle était bien plus nerveuse que d'habitude et ce calme n'était qu'une apparence. Elle passa une main fébrile dans ses cheveux, regarda autour d'elle frénétiquement comme si elle s'attendait à voir débarquer des dizaines de miliciens. On la mettrait sûrement aux arrêts, puis elle serait exécutée. Qu'avait-elle fait ?

Elle n'avait pas pris le temps de vérifier le pouls de ce milicien pour vérifier qu'il était encore en vie. Avait-elle une chance d'espérer qu'il ne soit que blessé ? Non pas que la mort de ce misérable salopard l'empêcherait de trouver le sommeil mais elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver ce qui ressemblait bien à de la culpabilité. Attaquer quelqu'un de dos, ce n'était pas vraiment glorieux, et ce n'était pas dans ses habitudes. Mais elle avait la consolation d'avoir fait ce qui est juste. Juste et terriblement stupide. Ces mots ne voulaient-ils pas dire la même chose, en fin de compte ?

Songer aux conséquences de son acte ne fit qu'accroître sa nervosité. Si cela venait à se savoir, elle perdrait bien plus que la vie, contrairement à celle qui de toute façon avait déjà tout perdu. Son regard ne l'avait pas quittée, celle dont elle avait sauvé la vie, et elle songea à ce qu'elle allait bien pouvoir en faire. La tuer ? Impensable. On ne sauve pas la vie de quelqu'un pour la reprendre ensuite, cela n'avait pas de sens. C'était pourtant ce que le « devoir » lui commandait de faire. Mais personne n'aurait à le savoir. Si tout se passait bien, leur chemin se séparerait ici bientôt et aucune des deux ne souffriraient de cette rencontre.


- Je vais enlever ce que tu as dans la bouche et tu pourras parler, d'accord ? Pas de geste brusque, pas de folie. Ne gâche pas tout maintenant.

Le ton n'était pas doux, il n'était pas brusque non plus. Joséphine approcha doucement sa main de son visage, attrapa le linge qu'on lui avait fourré dans la bouche et lui ôta avec délicatesse. Pour le meilleur comme pour le pire, elle pourrait parler maintenant.
Revenir en haut Aller en bas
Isaure HildegardeBannie
Isaure Hildegarde



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyVen 17 Mai 2019 - 15:33
Captive. Voilà ce que j’étais, voilà ce que j’avais toujours été. Je la détaillais dégainer sa lame, alors que je n’avais qu’une envie, venir me masser l’arrière de la tête, le corps endoloris par notre chute. Captive. La réalité venait de me sauter davantage aux yeux, j’étais prête à réagir, oui, prête à lutter pour ma vie, à me redresser et foncer au niveau de ses jambes tête la première pour la faire chuter, puis espérer pouvoir rouler, lutter pour vivre, survivre. Encore une fois. Néanmoins, j’essayais, ouais, j’essayer de lui faire comprendre, surveiller l’animal qui nous avisait de toute sa hauteur. Respecter le territoire des bêtes sauvages, c’était la première chose que j’avais réalisée en étant dehors. Déglutissant à plusieurs reprises, essayant encore d’insister sur mes liens de faire glisser les nœuds sur mes poignets je ne pouvais que constater que l’ensemble continuait à me résister. Ce chien avait définitivement beaucoup trop serré. Mon regard était descendu jusqu’à sa lame, jusqu’à soupirer en m’étouffant alors qu’elle me demandait ou se demandait à elle-même ce qu’elle foutait ? Ouais bonne question, à quoi tu joues ?

M’agrippant au niveau des épaules pour me relever, j’avais eu un léger mouvement de recul, avant d’être de nouveau sur mes deux jambes. La bouche entravée, les mains ligotées, il fallait bien avouer niveau situation merdique j’avais connu pire, mais beaucoup mieux aussi. Impossible de respirer convenablement, de courir convenablement et pourtant il allait bien falloir le faire. Elle ne m’avait pas franchement laissé le choix ma sauveuse, et j’ignorais toujours pourquoi ? Pas le temps d’y réfléchir, on avait repris notre course et si l’idée de tenter de prendre la fuite m’avait évidemment effleuré l’esprit, ça s’était arrêté là. Dans ma condition impossible d’espérer la semer et puis pour faire quoi après, me faire bouffer parce que je ne peux pas grimper ? Dans l’incapacité de parler ou de respirer convenablement, je m’étais précipitée, sans jamais réellement réfléchir à la direction qu’il fallait prendre, jusqu’à m’arrêter me stopper net complètement épuisée et le front dégoulinant de perles de sueurs. De l’eau, hors de question de passer cette étendue, hors de question même de rester aussi proche d’une eau potentiellement vaseuse, alors quoi, quoi elle voulait se reposer là, faire une pause ? Vraiment ?!

Bien. Avais-je le choix de toute façon ? Me laissant glisser contre un arbre, me pellant au passage le dos des mains, sans que cela ne puisse avoir aucun impact sur les liens entrelaçant mes poignets. L’héroïne du jour –félicitations, tu viens de sauver une bannie, pourquoi ?- me regardait là. J’avais choisi de l’ignorer, attendant sagement de recevoir son jouet bien aiguisé dans le bide afin de crever là, proche de l’étendue d’eau où devaient potentiellement se camoufler un ou deux fangeux qui devaient d’ailleurs bien se faire mal au bide à force de se foutre de notre gueule, ouais. J’imagine déjà la conversation « regarde-moi les deux idiotes, une petite sieste juste à côté de nous, y a plus qu’à attendre et hop un repas gratuit, facile et sans effort ahahah les connes », ouais ça doit forcément ressembler à ça et je suis tellement épuisée, tellement secouée que je n’arrive même pas à me convaincre de bouger. À quoi bon? Je venais de perdre le peu que j’avais réussi à gagner, j’avais été naïve ouais, terriblement naïve, une vie normale pour une bannie, la bonne blague. La trinité elle-même avait du bien se fendre la poire devant ma stupidité. J’avais senti ma gorge s’assécher, mes yeux s’humidifier alors que je venais de me promettre de ne plus jamais le revoir, lui, ni mocheté, jamais non. Terminé. C’est sa voix à elle qui me fait relever les yeux vers sa tête, son visage, elle a l’air aussi perdue de moi et je commence à croire que j’ai un nouveau don en plus d’attirer les emmerdes, attirer les personnes perdues, larguées. Je ne suis pas Anür moi, j’ne suis pas faite d’amour et de bon sentiment.

Ne pas gâcher tout maintenant ? Je ne peux pas m’empêcher de froncer les sourcils, c’est vrai que parler, ça va tout changer pour moi, je vais pouvoir lui sauter à la gorge, lui attrapa la gorge et mordre jusqu’à me noyer de son propre sang, c’est ça ? Fangeuse bannie. Nouvelle créature, redoutable, pas loyale pour trois sous. Hurler ce n’est même pas la peine d’y penser, hormis elle –et les fangeux-, je doute fortement que qui que ce soit se pointe. Ses mains étaient venues défaire le nœud derrière ma tête –arrachant sans doute quelques mèches de cheveux au passage-, pour finalement me libérer de la première entrave. Elle c’était reculé et il était évident que j’avais eu une hésitation, la mordre et courir, essayer de fuir pour ma vie. L’idée n’avait été cependant qu’une idée, une simple idée, bien trop faible en potentielle réussite. Doucement, j’avais ouvert la bouche, pour forcer ma mâchoire à se remettre, déglutissant, j’avais la bouche pâteuse, elle attendait que je parle, mais n’était-ce pas elle qui avait des choses à dire ? Alors elle voulait quoi, elle ? Pas mes cuisses visiblement ni peut-être ma mort non plus, quoi que ça, je n’en étais pas convaincue. Je m’étais redressée, afin de la détailler, afin d’essayer de trouver des réponses, sans en trouver évidemment.

- « Tu veux quoi ? » formulais-je d’une voix encore enraillée

C’était tout, l’unique question, inutile de lui demander de me détacher, si même retirer le tissu avait été un effort, je n’ose pas imaginer les mains. De toute façon, je ne suis pas décidée à faire la causette, j’ai bien trop conscience du danger qui rôde, juste là à quelque pas dans le liquide qui n’a rien de transparent. Peut-être qu’ils sont là les véritables monstres, ou peut-être pas et dans le fond, ça n’a pas d’importance, enfin, un peu quand même, évidemment. Je fais un bref geste de la tête pour lui indiquer un chemin plus loin, si mes souvenirs sont bons en remontant par-là elle pourra retrouver le chemin du village et moi ma vie sauvage, je ne veux rien de plus. Mon regard effleure mon buste et cette chemise nous refermée qui en dévoile trop, y compris les cicatrices. Un soupir vient fuir mes lèvres, je ne peux pas m’empêcher de penser à Lance, mocheté… Fais chier.

- « Par-là, si tu ne veux pas finir croqué par la fange »

Je ne l’attends pas moi, si elle veut crever, elle le fera toute seule, malgré les apparences, je ne suis pas suicidaire. Du coup, j’emprunte le petit chemin sans réfléchir, jetant un coup d’œil néanmoins au-dessus de mon épaule, vérifier qu’elle vient, ou plutôt qu’aucun monstre ne sort de l’eau, c’est comme ça que j’ai eu ma première morsure, plus jamais. Je ne m’arrête pas, même si la fatigue commence à se faire sentir, même mes mollets me font mal, même si j’ai la sensation d’avoir cette envie de vomir permanente. Je finis par lui adresser quelques coups d’œil, au cas où et je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qu’elle veut, c’est qui cette nana ? Je tente encore de me défaire de mes liens, franchement, qu’elle puisse le voir où pas d’y changer et j’en arrive même à sentir une irritation particulièrement prononcée autour de mes poignets, peut-être qu’avec un peu de sang, ça finira par passer, ouais, peut-être.

- « Alors, tu veux quoi ? On ne sauve jamais quelqu’un, surtout quelqu’un comme moi sans raison ? Ni par élan d’humanité ou de sentiment positif, surtout si c’est pour encore en faire sa captive. » je fais une petite pause, le temps de lui accorder un regard « On t’a promis quoi, où combien pour ma capture, vivante en plus, j’ai de la chance, j’ai du intéresser un grand homme ou une grande femme… »
Revenir en haut Aller en bas
Joséphine ClaircombeMilicienne
Joséphine Claircombe



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyDim 26 Mai 2019 - 11:42
Qu'est-ce qu'elle voulait ? Ne pas se faire prendre, pour commencer. Que personne ne sache jamais ce qu'elle avait fait. Le seul témoin de son geste était en face d'elle et la milicienne avait toutes les raisons de penser qu'elle ne se précipiterait pas pour parler de son élan de générosité à qui que ce soit. Surtout pas à d'autres miliciens. Peut-être que toute cette histoire finirait bien. Bien sûr, c'est ça ouais, pensa t-elle amèrement.

Elle observa l'étendue d'eau près de laquelle elles s'étaient arrêtées et frissonna. Finalement, ici, lorsqu'on fuyait un ennemi, on ne faisait que se jeter dans la gueule d'un autre. Elle n'était pas sur son terrain et c'était une bonne chose. Rejoindre la milice extérieure ne l'avait jamais tentée, parce qu'elle ne supportait pas l'idée de se retrouver confrontée une fois de plus à la Fange. Ainsi, lorsque la bannie s'éloigna à grandes enjambées, Joséphine la suivit sans broncher, et sans un mot.

Elle eut tout le loisir de l'observer un peu plus, alors qu'elle marchait devant elle, tortillant ses poignets dans l'espoir de faire céder les liens qui commençaient à pénétrer ses chairs. Sans doute aurait-il été clément de les lui ôter avant qu'elle ne fasse plus de dégâts, mais la milicienne n'en fit rien. Et puis, si elle cessait de tirer dessus comme elle le faisait, elle aurait probablement moins mal. D'ailleurs, ce n'était pas elle qui l'avait attachée, ni serrée la corde aussi fort. Non, elle ne lui devait rien, ou en tout cas elle essaya de s'en persuader.

Est-ce que sa sœur était semblable ? Des cheveux emmêlés, des vêtements arrachés, des cicatrices marbrant sa peau, et ce regard farouche ; elle ressemblait à une sauvage, et c'était sans doute ce à quoi devaient ressembler tous ceux qui étaient obligés de vivre ainsi. Aucune raison que sa sœur fasse exception. Joséphine aurait peut-être du mal à la reconnaître, si elle la revoyait un jour. Si elle la revoyait un jour... C'était ce qu'elle espérait encore, malgré tout, surtout maintenant qu'elle la savait en vie, quelque part. Peut-être que cette rencontre n'était pas le fruit du hasard, après tout.

Les paroles de la bannie l'arrachèrent de ses pensées, de ces hypothétiques retrouvailles. On ne sauvait pas quelqu'un sans raison ? C'est pourtant ce que Joséphine faisait à longueur de temps, du moins en avait-elle l'impression. Mais peut-être bien qu'il y avait une raison, celle d'essayer de vivre un peu mieux avec soi-même, d'être intimement convaincue d'être une bonne personne, qui faisait ce qu'il fallait, quand il le fallait. Dans ce cas on pouvait dire qu'elle le faisait autant pour elle que pour les autres. Mais quelle importance ?

Joséphine avait toujours eu une conscience exacerbée de ce qui était bon et de ce qui était mauvais. Violer une femme, quand bien même celle-ci assassinerait des enfants pour manger leurs cœurs, était une chose qu'elle ne pouvait et ne pourrait jamais accepter. La femme qu'elle avait en face d'elle n'était pas une exception, son statut de bannie n'y changeait rien, bien qu'elle semblât persuadée du contraire. Oh, c'est vrai que, si elle avait dû être tout à fait honnête, Joséphine aurait reconnu qu'elle pensait sauver quelqu'un d'autre en intervenant. Mais est-ce qu'elle aurait laissé faire si elle avait su que ce n'était pas sa sœur qu'on s'apprêtait à humilier, battre et tuer ? Non. Par contre... elle n'aurait peut-être frappé aussi fort sur le crâne de cet homme. Elle aurait agi différemment, mais elle aurait agi.

Elle voulut lui demander s'il existait réellement une telle prime sur sa tête qui vaudrait le coût pour elle de la ramener vivante en ville, mais elle n'en fit rien. Ce n'aurait été qu'une provocation inutile, une façon pour elle de garder le contrôle, ou de faire semblant. Et pourquoi faire semblant d'être quelqu'un qu'elle n'était pas ? Juste parce qu'elle était face à « l'ennemie » ? Il fallait dépasser ça.


- Quel intérêt aurait une bannie vivante pour qui que ce soit ?

Si la question était rhétorique, elle n'en était pas moins intéressante : existait-il réellement des gens que ça intéressait, une bannie vivante ? Pour quelle sinistre raison ?

- Ça m'aurait sans doute moins dérangée qu'on te coupe simplement la tête, finit-elle par poursuivre, sans trop savoir où son honnêteté devait s'arrêter. Mais ce n'est pas moi qui vais m'en charger maintenant. Tu es vivante, tu as échappé à un triste sort et... bientôt tu seras libre.

Elle la jaugea un instant, s'attendant probablement à voir de l'incrédulité dans ses yeux. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Sur combien de personnes mal intentionnées était-elle tombée au cours de sa vie ? Probablement trop si elle se fiait aux marques visibles sur sa peau, là où les vêtements ne cachaient désormais plus grand chose. Joséphine tendit une main vers elle, refermant comme elle ne put le corsage de la bannie.

- J'imagine que tu t'attends à devoir payer ça un certain prix ? Même si je n'attends pas grand chose, je vais quand même te poser la question, on dira que c'est une sorte de... compensation. Je cherche quelqu'un, quelqu'un comme toi. Ma sœur. Les bannis qui ne veulent pas être pris évitent les villages et les fermes, mais pas toi. Ce qui me fait dire que... peut-être... tu n'étais pas toute seule ici, qu'il y a quelqu'un qui t'a aidée toi et d'autres ?
Revenir en haut Aller en bas
Isaure HildegardeBannie
Isaure Hildegarde



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyDim 26 Mai 2019 - 21:22
Elle m’avait suivie, dans le fond, cela ne me surprenait même plus. Cette femme devait être aussi folle que moi, peut-être même plus. Venir en aide à une bannie quelle drôle d’idée, je crois que je ne pouvais pas décemment nommer ça une idée, plutôt du suicide. Néanmoins, dans le fond, en creusant bien et même si je faisais tout pour mettre de la distance entre elle et moi, même si je faisais tout pour que le sang de la corde rongeant mes poignets me permettent de m’extirper, je crois que je lui en été reconnaissante. Je crois, difficile à dire. Captive sauvée pour redevenir captive. Au moins avec les autres pervers je savais ce qui m’attendait, avec elle, c’était différent, beaucoup trop différent. Ralentissement mon rythme, lui offrant la possibilité de me rattraper jusqu’à m’immobiliser entièrement. Alors, qu’est-ce qu’elle voulait ? J’avais beau l’observer cette blonde, dont le haut de sa tenue était encore recouvert de quelques éclats rouges vifs, petite tâche pourpre qui laissait entrevoir le pire. Le fond de ses yeux n’était pas une indication particulière, capable du pire comme du meilleure, impossible de savoir ce qu’elle désirait désormais. Perdue au milieu des marais, ou tout du moins, dans les marais, elles n’allaient pas aller bien loin, ni l’une, ni l’autre. La questionnant finalement, j’avais relevé les yeux vers elle, étonnée, méfiante, vis-à-vis de cette première réponse.

- « Qui sait ? Les Hommes sont parfois surprenants dans leur volonté et idée » répondis-je sans la moindre once de provocations, mais sans avoir dans l’idée de lui répondre réellement.

En réalité, la réponse était plutôt simple, la liste tout aussi longue, n’étais-je pas un monstre après tout ? Une meurtrière, une catin. Après autant d’années d’enfermement, de geôle, si on venait à apprendre que j’étais en vie, je doute que les proches de la famille noble qu’on m’accuse d’avoir tuée dans d’atroce manière ne décident pas d’envoyer qui que ce soit derrière mon petit cul. Elle en faisait peut-être même partie, peut-être oui ? Je restais méfiante, d’autant plus lorsqu’elle admettait qu’elle aurait préféré que ma tête ne soit plus rattachée à mon corps, belle image, moi aussi je préférais que la sienne ne soit plus rattachée à son corps, mais je me garde bien de lui dire. Milicienne quel gâchis, offrir sa vie, offrir sa lame à un lâche, un homme qui préfère sacrifier des vies, offrir de la nourriture aux fangeux, plutôt que d’affronter une réalité bien différente.

- « Je suis heureuse de l’apprendre » répondis-je dubitative « Néanmoins, pour la première partie, tu permets que je décline l’offre bien que très généreuse. Ma tête et mon cou, j’en ai encore besoin pour un temps, je ne risque pas de réaliser ton fantasme avant de nombreuses années, peut-être même que je serais fangeuse bien avant ça. »

Libre, ouais, c’est ce qu’elle avait dit, du moins, laisser entendre et même si j’avais joué la carte de la confiance, usant d’une minime provocation, j’étais davantage incertaine sur ce qui m’attendait. Peut-être que mon regard me trahissait ? Difficile de conserver une indifférence à toute épreuve, lorsque face à nous se poster l’incertitude. Il lui suffirait juste de dégainer, d’enfoncer sa jolie lame dans mon ventre et j’expulserais mon dernier soupir dans un cracha ensanglanté, inutile de fuir, inutile d’essayer même, avec mon immobilisation et la douleur à l’intérieur de mes muscles, l’évidence était bien trop prenante pour tenter la moindre chose. Je ne parvenais pas à comprendre et cette absence de compréhension me laissait méfiante et lorsqu’elle avait approché sa main, j’avais reculé, jusqu’à la voir refermer un peu l’ensemble du haut de ma tenue, jusqu’à cacher ce sein marqué et malmené par les épreuves. Alors vraiment, c’était ça ? Elle jouait la sauveuse provocante, mais j’allais réellement repartir en vie. Puis arriva la suite, drôle de suite, des questions, cherchait-elle quelqu’un ?

Lorsqu’elle évoquait l’aide, mes sourcils se fronçaient instinctivement, mon ventre remuait avec douleur, alors je pensais à mocheté, à Lance, plus jamais je ne pourrais revoir ce père et sa fille, plus jamais non… J’avais été naïve.

- « Non, je suis juste suicidaire » rétorquais-je « Quand on a faim, on ne réfléchit pas toujours dans le bon sens. » jamais je ne parlerais d’eux, jamais à qui que ce soit « Ya bien des gens qui nous aident, de temps en temps, contre quelques services, mais c’est tout… Si tu m’en dis pas plus sur la personne que tu cherches, je ne pourrais pas te répondre »

Qu’est-ce qui me disait qu’elle n’allait pas me tuer ? Et pourquoi elle l’a cherché sa sœur ? Est-ce que c’était par amour ou par esprit de vengeance ? Reculant d’un pas, coulant un bref regard sur notre environnement, j’avais choisi de reprendre la marche, suivre le petit sentier, tout en restant attentive au reste. La nature reprenait toujours ses droits, plus violemment depuis que des monstres rodaient dans les marais, plus durement depuis que les morts venaient à se relever sans la moindre pensée ou souvenir.

- « Tu ne connais pas l’extérieur pas vrai ? Pas suffisamment… Ça veut dire que tu n’es pas de la milice de l’externe » je la regardais un instant, avant de tourner la tête pour pas me prendre les pieds dans quoi que ce soit « Ta sœur, c’est une bannie, aussi ? Depuis combien de temps et pourquoi tu la cherches ? » je roulais douloureusement les épaules, réfléchissant un instant les mains toujours fermement ligotées « On n’est pas que dans les marais, on va plus souvent dans les villages et le Labret… Les gens sont moins hostiles… Et puis notre marque n’est pas réalisé sur notre front » rajoutais-je plutôt conciliante « Parle-moi d’elle, et pourquoi et je veux bien faire un effort de mémoire. On ne se connaît pas tous cependant. »
Revenir en haut Aller en bas
Joséphine ClaircombeMilicienne
Joséphine Claircombe



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyMar 25 Juin 2019 - 22:39
Un rictus teinté de sarcasme étira ses lèvres alors qu'elle observait son interlocutrice qui lui tournait à présent le dos pour reprendre la marche. Il était peu probable que cette femme soit à moitié aussi suicidaire qu'elle le prétendait, sans quoi jamais elle n'aurait survécu autant de temps livrée à elle-même hors des murs de la cité. Joséphine n'était pas stupide et savait bien que les fermiers du Labret en aidaient certains et les dissimulaient aux yeux des miliciens, qui eux avaient bien moins de scrupules. C'était un peu réconfortant de savoir que, peut-être, sa sœur avait bénéficié d'un traitement de ce genre.

- Tu ne connais pas l’extérieur pas vrai ? Pas suffisamment…


Aïe. Ça se remarquait donc au premier coup d'oeil ? Pas étonnant. Il est vrai qu'elle ne tiendrait pas deux jours ici sans personne, ce qui rendait sa quête d'autant plus désespérée. Pendant un instant, la milicienne eut l'air sincèrement mal à l'aise ; cette information donnait à la bannie une légère longueur d'avance sur elle, et quand bien même cette dernière ne semblait pas hostile à répondre à quelques-unes de ses questions, c'était une idée qui ne plaisait pas vraiment à Joséphine.

Un petit coin de son esprit persistait à la voir comme une ennemie. Ou, peut-être plus justement, comme un animal sauvage prêt à mordre la main qu'on tendait vers lui.


- Je ne suis pas ici... dans mon élément, répondit-elle sobrement.

Alors qu'elle lui répondait, ses yeux restaient fixés sur les poignées de « sa captive », comme hypnotisés par leurs mouvements. Elle cherchait toujours une issue de secours, alors même que Joséphine lui avait dit ne pas lui vouloir de mal. Suicidaire, cette fille-là ? Certainement pas. Sa comparaison avec un animal sauvage n'était pas si loin de la vérité, son instinct de survie n'avait en tout cas rien à leur envier. Elle était forte, bien plus que la plupart des gens, et Joséphine respectait cela.


- Ma sœur s'appelle Violette, elle a été bannie au printemps 1165. C'était il y a presque deux ans... Elle a voulu aider des gens comme toi à rentrer dans la cité, par les égouts, alors elle a été bannie elle aussi.

C'était une idiotie mais Joséphine n'avait jamais pu empêcher sa sœur de n'en faire qu'à sa tête. Son geste n'avait rien eu de noble ou du courageux, contrairement à ce que certains auraient pu penser. À l'époque, elle n'avait rien fait d'autre que de suivre un autre jeune idiot dont elle s'était entichée et qui s'était servi d'elle pour faire entrer des amis à lui dans la cité, des amis qui n'avaient rien de brebis égarées et accusées à tort d'un crime qu'ils n'avaient pas commis. D'ailleurs, si ça avait été n'importe qui d'autre que sa sœur, Joséphine aurait probablement estimé qu'elle méritait son sort. Mais c'était sa sœur. Et la famille avait une place plus importante que n'importe quelle autre considération.

- Elle avait un peu plus de quinze ans quand c'est arrivé. Elle devrait en avoir dix-huit aujourd'hui. J'étais sûre qu'elle était morte jusqu'à... Disons que j'ai des raisons de penser qu'elle a survécu. Et si c'est le cas, c'est forcément grâce à l'aide de quelqu'un. Elle n'est pas très... débrouillarde. Ou, du moins elle ne l'était pas à l'époque. Elle a sûrement... radicalement changé maintenant.

Elle laissa planer un long silence, ne sachant pas à quel point elle avait envie de se livrer à propos de sa sœur à cette inconnue. D'un autre côté, si elle voulait la retrouver, il lui fallait bien faire un premier pas.

- Écoute, je ne veux pas attirer des ennuis à qui que ce soit. Je me fiche de savoir que les gens du coin hébergent et nourrissent des bannis, je veux juste retrouver ma sœur, m'assurer qu'elle va bien, lui dire... Peu importe. Il faut juste que je sache.
Revenir en haut Aller en bas
Isaure HildegardeBannie
Isaure Hildegarde



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyVen 28 Juin 2019 - 17:54
- « Personne n’est dans son élément ici » fis-je simplement.

Même les bannis, c’est ce que j’avais eu envie de rajouter, mais cela me semblait inutile. On n’était l’insecte à écraser, le bébé moche à faire disparaître, le genre de choses néfastes qu’on doit juste détruire, anéantir. Rien de plus, rien de moins. Doucement, je poursuivais le jeu de mes poignets, entamant ma chair, cherchant à me libérer de mon état de captivité, de me libérer de cette sensation de n’être qu’une vivante en sursit, en attente de condamnation, en attente du choix de la mort la plus adéquate. Elle prétendait ne pas être dans son élément, pourtant si un fangeux venait à surgir elle le serait beaucoup plus que moi. Montant à un arbre avec deux mains c’est possible, sans les mains cela devient beaucoup plus complexe. Pourtant, mes mouvements finissent par s’arrêter brusquement, alors que je pivote pour lui faire face, alors que mes prunelles agressives se font plus virulentes. Violette. Elle aussi, c’était une vivante en attente de condamnation. Pourtant, je ne démontrais rien, aucun semblant de raison, d’identification, de peut-être connaissance. Les marqués du village, on avait une règle : personne ne vient au village, le village n’existe pas, les habitants non plus.

- « C’est long deux ans… » fis-je simplement en l’avisant « Surtout pour une femme visiblement plus humaine que la plupart des survivants » concluais-je tout en ayant conscience qu’elle était en vie « Je t’écoute »

Cette fois-ci, c’est ma curiosité qui vient d’être piquée. J’ai bien conscience que le lien du sang est en théorie beaucoup plus fort que tout le reste, mais là, on parle de condamnation, de traîtrise vis-à-vis du Duc. Pour être dans les petits papiers des courbettes, beaucoup sont prêts à tout, livré une bannie qui doit être tué à vue, cela ne m’étonnerait qu’à moitié. Pourtant, derrière cette force de caractère, elle me semblait fragile, inquiète peut-être ? Creusant ma mère, je me souvenais déjà de l’arrivée de cette fameuse violette, elle et son ami, son compagnon bien plus hostile que la gamine égarée qu’elle était. Mon regard avait fini par se positionner derrière la milicienne, loin derrière, vers un léger mouvement de broussaille qui n’était nullement provoqué par le vent, ce ne fut que lorsque le nuisible parti à toutes pattes que je m’étais reconcentrée sur cette blonde qui voulait se faire plus grosse qu’un bœuf.

- « Jusqu’à quoi ? » fis-je sans pouvoir croiser les bras sous ma poitrine, reprenant mon jeu nerveux des mouvements de poignet « Si elle a survécu jusqu’ici c’est qu’elle est débrouillarde et si c’était une petite fille perdue à l’époque, elle doit être devenue redoutable aujourd’hui, sinon elle serait morte » simple, efficace, en effet, elle était devenue redoutable « Physiquement, à quoi elle ressemblait ta sœur ? Petite, grande, mince, plutôt large, des marques distinctives ? »

Ce fut un silence, comme une hésitation, comme une demande silencieuse, avant qu’elle n’ajoute qu’elle ne voulait que retrouver sa sœur, qu’elle avait quelque chose à lui dire ? Sauf que cela n’allait pas me suffire ça à moi. Je n’allais pas sacrifier potentiellement un membre du village gros comme une vache, pour un peut-être. Ça se trouve la mère milicienne, je ne suis pas dans mon élément à l’extérieur, elle ne voulait qu’une chose : terminer le boulot avec sa sœur.

- « Si tu veux mon aide, il va falloir être plus précise, parce que je ne sais pas si tu as conscience du nombre de bannissements important qu’il y a eu dans la courte période où c’était encore autorisé. » Je prends une respiration « Un détail physique, une habitude, quelque chose qu’elle faisait qui revenait forcement, des fréquentations peut-être ? » je laisse un silence « Et pourquoi la retrouver maintenant ta sœur, après deux ans ? Pourquoi après tout ce temps te soucier soudainement de sa vie ou de sa mort ? Ne me dis pas que c’est un indice d’une potentielle survie, je ne te croirais pas. Il y a deux ans en arrière, tu aurais eu beaucoup plus de chance de la retrouver vivante que maintenant. »

Un nouveau silence, ou plutôt, un silence environnemental me fait m’arrêter, alors que je fais un bref signe de tête en sa direction, il faut avancer, ne pas rester là. Les oiseaux ne chantent plus, le mouvement des branches semble lui aussi vouloir ne pas faire le moindre bruit, cela ne peut que vouloir dire qu’une chose : la fange n’est pas loin. Je reprends ma marche, me retourne à plusieurs reprises pour vérifier qu’elle me suit, qu’elle ne reste pas en arrière, même si ce n’est pas le cas, dans le fond ce n’est pas mon problème. Je me vois juste mal rentrer et dire à Violette,’ j’ai vu ta sœur, elle te cherchait, elle est morte, bonne journée.’

- « Détache-moi et je te dirais ce que je sais, mais fais-le en marchant, c’est trop calme, il ne faut pas rester ici. » Moi je continue ma marche, presque nerveusement, si la torture est quelque chose qui me laisse une chance de vivre, une rencontre avec un fangeux actuellement, c’est la mort assurée « Faut que tu saches que je ne pourrais pas te dire où elle se trouve si je la connais » soufflais-je « On bouge tout le temps, nous, les bannis, mais j’devrais pouvoir faire passer le message, vous trouvez un coin de rendez-vous, mais que si j’suis certaine que c’n’est pas un piège. N’Y a rien qui me prouve que tu n’as pas un compte à régler avec ta cadette, ou que tu as un contrat sur sa tête, ou que je n’en sais rien. Vous les survivants de la forteresse, vous êtes devenus plus inhumain que la fange elle-même. »
Revenir en haut Aller en bas
Joséphine ClaircombeMilicienne
Joséphine Claircombe



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyMar 2 Juil 2019 - 18:35
La mâchoire et les poings serrés, Joséphine allongea le pas lorsqu'elle remarqua le changement d'atmosphère autour d'elles ; mieux valait ne pas traîner et surtout se débarrasser de cette pesante compagnie le plus tôt possible. Elle ne savait pas vraiment ce qui la mettait le plus en colère, que cette bannie l'interroge comme si elle avait un droit de regard sur ses motivations ou la culpabilité qu'engendrait les questions qu'elle posait. Joséphine n'avait pas été à la hauteur et la colère qu'elle ressentait était à moitié dirigée contre elle-même.

C'était elle, l'aînée de la famille, c'était à elle de prendre soin de ses cadets, fussent-ils les pires des parias de Marbrume. Le sort de Violette l'avait bouleversée plus qu'elle ne l'avait laissé paraître à l'époque, et pourtant elle n'avait pas cherché à savoir ce qu'elle était devenue, elle avait préféré le confort de l'ignorance à l'ignoble vérité. Parce que la vérité ne pouvait qu'être ignoble, non ? Une mort douloureuse aux mains de la Fange ou... la survie à n'importe quel prix, un prix qu'une fille d'un si jeune âge n'aurait jamais dû être amenée à payer.

Lorsqu'elle avait parlé de sa sœur, la bannie lui avait lancé un étrange regard, comme si rien que son nom lui évoquait quelque chose. À quoi jouait-elle exactement ? Elle exigeait de Joséphine de lui montrer patte blanche quant à ses intentions, oubliant que sa position actuelle ne lui permettait pas vraiment d'exiger quoi que ce soit. Oui, elle avait sûrement des informations, maintenant ça ne faisait plus le moindre doute, mais la milicienne rechignait à perdre le contrôle -très relatif- de la situation. Et puis, elle l'avait agacée.


- On bouge tout le temps, nous, les bannis, mais j’devrais pouvoir faire passer le message, vous trouvez un coin de rendez-vous, mais que si j’suis certaine que c’n’est pas un piège. N’y a rien qui me prouve que tu n’as pas un compte à régler avec ta cadette, ou que tu as un contrat sur sa tête, ou que je n’en sais rien. Vous les survivants de la forteresse, vous êtes devenus plus inhumain que la fange elle-même.

Joséphine aurait pu en rire si elle n'était pas aussi tendue.

- Et les bannis sont tous les enfants de chœur. Ils ne pillent pas, ne tuent pas... ne violent pas. Tous condamnés à tort, j'imagine. Les monstres sont partout, tu n'es pas dans le camp des gentils opprimés, pas plus que moi d'ailleurs.

Voir le monde en noir et blanc, c'était fort pratique. Plus vraiment besoin de réfléchir. À côté d'elle, Joséphine avait presque l'air ouverte d'esprit. Elle sortit son épée de son fourreau, mais plutôt que de lui ôter ses liens, elle lui fit signe de poursuivre la marche.


- Je te dirai ce que tu as besoin de savoir pour la reconnaître, quant au pourquoi du comment je la recherche, ce ne sont pas tes affaires. Je ne t'ai pas demandé ton nom ou ce que tu as fait pour mériter le bannissement, d'une part parce que ça ne m'intéresse pas, et d'autre part parce que tu verras que nous n'avons pas vraiment besoin de nous faire confiance dans cette histoire, de savoir si nous sommes des gens de bien ou d'immondes raclures.


La milicienne lui fit une brève description de sa cadette, une jolie brune d'une tête de moins qu'elle, des yeux bleus -sans doute la seule chose qu'elles avaient en commun physiquement- et elle ajouta encore une fois que les souvenirs qu'elle avait gardés d'elle et la réalité devaient être aujourd'hui bien différents.

- Peut-être que le nombre de bannissements a été important à cette période mais on parle d'une jeune fille de quinze ans et j'ose espérer qu'elle était loin d'être le profil type. Elle a été bannie en même temps que son petit-ami, un certain Samuel. Le nom avait été prononcé avec mépris. Si elle a survécu les premiers temps, nul doute que c'est grâce à lui.

Et c'était bien le moins qu'il puisse faire, puisque tout était de sa faute. Joséphine espérait simplement qu'elle avait su mieux s'entourer par la suite, même si là encore elle nourrissait peu d'espoir.

- Si tu sais où elle est, je voudrais juste que tu lui transmettes un message. Dis lui de me retrouver à la maison dans deux semaines. Si elle veut me voir, je l'attendrai là-bas. Et pas la peine de me demander des garantis. C'est ma sœur, elle me connaît et ce sera à elle de décider quoi faire. Je n'ai pas envie que tous les bannis du coin se pointent à ton lieu de rendez-vous pour de supposées nobles raisons.

La bannie ne lui faisait absolument pas confiance et c'était bien réciproque. Voilà au moins une chose qu'elles avaient en commun. Et puisqu'elle avait toutes les informations dont elle avait besoin, il était temps pour elles que leur chemin se séparent, peut-être pour toujours. Joséphine n'avait pas envie d'être vue en sa compagnie et n'avait qu'une hâte à présent : rejoindre Usson, où elle passerait la nuit avant le retrouver la sécurité des murs de la cité.

Elle fit stopper sa captive et, de son épée, trancha net les liens qui lui maintenaient les mains derrière le dos. Difficile de savoir si son message arriverait à bonne destination ou pas, mais c'était au moins un premier pas dans sa recherche. Peut-être que les Dieux eux-mêmes l'avaient mise sur sa route, et qu'il n'y avait maintenant plus qu'à attendre de récolter les graines qui avaient été semés. C'était un peu d'espoir, et c'était finalement tout ce dont elle avait besoin maintenant.


- Oh et de rien.


Une façon de lui rappeler qu'elle lui devait quand même quelque chose. Un message contre une vie, c'était vraiment pas cher payé.
Revenir en haut Aller en bas
Isaure HildegardeBannie
Isaure Hildegarde



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyVen 12 Juil 2019 - 19:35
- « Je n’ai jamais prétendu un seul instant être gentille » soufflais-je sans la moindre hésitation.

J’avais parfaitement remarqué son hésitation, son regard plus dur comme si mes demandes avaient pu lui paraître malvenues. Je ne me suis jamais cachée derrière des rideaux, des volets, j’étais une bannie, une criminelle aux yeux du royaume, un monstre avec un nombre incalculable de surnoms ou de noms, de diminutifs, de qualifications. Je m’étais immobilisée un instant, laissant pleinement s’exprimer cet état de fait, dévoilant ce visage froid, dur, je n’avais que faire de perdre la vie, n’avais-je déjà pas perdu le peu que j’avais réussi à posséder de nouveau ? Penchant légèrement la tête sur le côté, c’est bien un sourire qui avait pris naissance sur mes lèvres. La marque des bannis était ancrée bien plus profondément en moi et dans mon esprit que n’importe quelle autre étape de ma vie, ce village que j’avais vu construire était mon unique famille. Les membres y vivants, les survivants, mes seuls véritables ennemis et alliés, alors si elle pensait réellement que j’allais lui dévoiler sagement qui, quand, comment vivait là-bas, allait-elle devoir prier beaucoup plus fort. L’épée dégainée ne me fit qu’à peine reculer, mes deux prunelles effleurant la lame avec cette étrange satisfaction dans le regard. Tu peux toujours essayer de me tuer, toujours oui, mais même si je devais m’éteindre, aucun doute que mon âme errante viendrait la hanter. Le geste de tête fut parfaitement perçu et si un semblant d’hésitation s’était fait percevoir, j’avais fini par reprendre la marche poings et mains liés. Captive, n’était-ce pas ce que j’avais toujours été finalement ?

- « Je vais t’épargner la découverte, garde à l’esprit que je suis une immonde raclure et que de ce fait, je préférerais sans doute perdre la vie plutôt que de voir l’une des miennes se faire encore malmener. N’avons-nous pas déjà suffisamment donné en perdant la visibilité de la peau pure de notre avant-bras ?! »

Ce fut un léger silence, alors qu’une nouvelle fois, seuls le bruit de nos pas, le craquement des brindilles sous nos pieds se faisaient encore entendre. De cette envie de vivre, il ne me restait plus grand-chose, non, Lance était loin, trop loin, inatteignable désormais, et moi… J’avais été bien trop naïve pour accepter d’y croire. Mes lèvres s’étaient pincées dans cette nervosité nouvelle, cette révolte intérieure et ce tambourinement si fort dans chaque partie de mon corps. J’aurais dû être capable de me retourner brusquement de provoquer la surprise, lui foncer dessus pour la faire tomber et prendre la fuite… Oui, je savais en être capable, mais l’étincelle de désir, de besoin, ne brûlait plus. La description soufflait à contre vent n’était que le parfait portait de cette femme désormais engrossée dont le ventre rond ne passait plus inaperçu et dont les larmes régulières de la perte de son amant continuaient de s’écouler. Mes pas s’étaient fait beaucoup plus lents jusqu’à s’immobiliser, me permettant de pivoter pour lui faire face. A qui pensait-elle s’adresser exactement ? Mon sourcil droit s’était légèrement surélevé, devant ma presque incompréhension.

- « Je pense que c’est toi qui ne comprends pas tout, je n’ai que faire que tu puisses avoir le dessus ou moi et je n’ai que faire que de faire accompagner ta sœur par je ne sais combien de banni. C’est en effet elle qui décidera si elle vient ou non, mais elle ne viendra certainement pas seule non. » je l’avais dévisagé « que crois-tu, que la vie s’arrête après le bannissement madame la survivante, la non bannie ? Nous n’avons pas tous la chance d’avoir des remparts pour nous protéger. » j’avais fait une pause « Ton message sera transmis, mais devrais-tu te montrer moins hostile avec celui qui a partagé sa vie et qui de ce fait est le père de son enfant. C’est bien uniquement pour cette raison qu’elle ne viendra pas seule. Parce que je refuse de voir cette minuscule petite chose disparaître pour un caprice de famille plein de rancune et de culpabilité. »

J’étais toujours immobile, mon regard cherchant le sien, ma voix n’était pas agressive, pas provocante, mon corps aucunement en position d’agressivité, mais il y avait plusieurs choses à noter, lorsqu’on décidait de retrouver des bannis. Accepter d’être en danger, accepter de revenir réellement. La souffrance de l’isolement n’a pas de prix, n’a pas de description, ce n’était pas le moment de malmener une femme lorsqu’elle portait la vie.

- « Tu veux la revoir, très bien, mais j’accepte de transmettre ton message qu’à la condition où tu as conscience qu’un retour en arrière ne sera plus possible par la suite, elle a essuyé déjà suffisamment d’échec et d’épreuve. Reviens, mais garde à l’esprit que tu te mets toi-même et danger. Tu as raison, nous sommes tous des raclures de la pire espèce, mais je crois que la plus dangereuse de toutes n’est pas à l’extérieur, mais bien là où se terre l’ensemble des soi-disant survivants. »

Ce fut une nouvelle bataille de regard, ce nouveau silence dénotant cette méfiance mutuelle, ce besoin de se tester, de se dompter, de se surpasser l’une et l’autre. L’épée avait fini par être dégainée et contre toute attente ce fut les liens qui avaient fini au sol, éraflant la peau de mes pouces au passage, créant ce léger filet de sang qui n’avait de cesse de me rappeler que j’étais bien vivante. Jusqu’à quand. J’étais restée sans mot, sans phrase, silencieuse, lui jetant un dernier regard. Je n’étais pas certaine de comprendre encore pourquoi elle a fait le choix de me venir en aide, dans le fond ce n’avait pas grande importance, peut-être un peu, toujours était-il que c’était le choix qu’elle avait choisi de respecter.

- « Merci » c’était ça qu’elle voulait entendre non « Ton message sera passé, pour le reste cela ne dépend pas de moi… Tâche de survivre en attendant, si tu passes par-là tu devrais retrouver ton chemin »

Un signe de la tête, un seul, puis, comme la sauvage que j’avais dû finir par réellement devenir, j’avais disparu, prenante la fuite dans les feuilles, traversant les buissons aussi rapidement que je le pouvais. Fuyant un ennemi qui n’était pas encore là, fuyant sans aucun doute cette ombre qui me rappelait un peu trop douloureusement que j’étais vivante. Les branches avaient malmené mon corps à chaque passage et puis pouf, j’avais réellement disparu, en reprenant mes habitudes, en fuyant, en ne passant jamais par le même passage, ou plusieurs pour arriver à un point. Oui, je retournais au village, retour au point de départ, à ma vie d’inexistante, de merde, de mouchoir en tissu tout juste bon à être jeté.


[Merci pour ce RP charmante demoiselle, au plaisir :colgate: ]
Revenir en haut Aller en bas
Joséphine ClaircombeMilicienne
Joséphine Claircombe



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] EmptyJeu 1 Aoû 2019 - 15:52
[Je poste ça là puisque c'est en lien direct avec notre RP. Je te remercie pour le rôle important que tu as joué dans l'histoire de mon personnage. Au plaisir de te croiser à nouveau !]

Et elle avait tenu sa promesse. Deux semaines après cette rencontre inattendue, Joséphine retourna dans la maison de son enfance, incertaine et nerveuse. Elle avait attendu des heures durant, usant ses semelles sur le sol de la cuisine, jusqu'à ce que la porte d'entrée grince finalement. Là, elle avait stoppé tout mouvement et relevé la tête. La personne qui se tenait dans l'encadrement de la porte était sa sœur, indubitablement, mais c'était aussi une tout autre personne. Son visage était le même mais son regard était différent. Quoi de plus normal pour une toute jeune fille qui avait du apprendre à survivre à l'extérieur du jour au lendemain, depuis si longtemps ?

Elles restèrent un long moment à se dévisager comme deux chats sauvages sur le même territoire. Aucune d'entre elles n'amorça un mouvement, comme paralysées par l'intensité du moment. Était-ce bien naturel de se tomber dans les bras après tout ce temps, d'ailleurs ? Plus rien ne semblait vraiment naturel. Une cicatrice assez grossière lui barrait la joue droite, comme si quelqu'un avait délibérément voulu altérer la beauté de son visage. Mais ce n'était rien comparé à la découverte que fit Joséphine quelques secondes plus tard, alors que ses yeux s'attardèrent sur la silhouette de sa sœur. Et plus aucun son ne voulut sortir de sa bouche.


- Ne fais pas cette tête... Ça fait cinq minutes que je t'observe faire les cent pas à travers la fenêtre, et tu n'as rien remarqué. Je ne savais pas si je devais t'interrompre ou pas. Pour une milicienne, tu n'es pas très vigilante.

Un long silence suivit sa remarque, Joséphine n'arrivait toujours pas à détacher son regard du ventre bien rebondi de Violette. Après un moment, en revanche, elle reporta son attention sur son visage, sans toutefois dire un mot.

- Je sais que tu n'as jamais été très expansive mais... est-ce que tu pourrais au moins dire quelque chose ?

- Je suis désolée, répondit-elle presque avec brusquement, se passant nerveusement les mains dans les cheveux. J'ai imaginé ce moment un millier de fois mais... Maintenant je ne sais plus quoi dire. Tu as changé. Elle soupira. Et voilà typiquement le genre de platitudes que je m'étais interdite de dire.
- Et toi tu es toujours la même.

Un autre regard échangé, et cette fois un sourire. La barrière invisible qui les séparait semblait s'être dissipée, du moins pour un moment.

- Je crois que je m'attendais à peu près tout sauf à ça, dit-elle en désignant son ventre. Est-ce que Samuel est...
- Non.
- Alors qui ?
- Je ne sais pas.
- Tu ne sais pas ? Les sourcils de la milicienne se haussèrent.
- Est-ce important ? Joséphine, ne pose pas de question dont tu n'as pas réellement envie de connaître la réponse. La vie à l'extérieur est brutale, comme tu dois t'en douter, j'ai parfois été obligée de faire de choses que je préfère oublier pour survivre.

Les poings de la milicienne se serrèrent et elle se détourna subitement. Non, de tous les scénarios qu'elle avait imaginé, celui-là n'en faisait pas partie. Comme toujours, une part d'elle-même cherchait à occulter le pire pour garder un semblant de contrôle sur ses émotions. Mais là, voir et entendre sa propre sœur évoquer ce qu'elle avait subi... Le voile occultant s'était brusquement envolé, laissant apparaître toute l'horreur qu'il cachait jusqu'ici. Peut-être que le pire était de savoir qu'elle aurait pu y faire quelque chose, si seulement elle avait été présente. Combien de fois avait-elle failli à protéger ses proches ?

Percevant une part de ce qu'elle devait ressentir, Violette s'approcha enfin de sa sœur et posa une main sur son épaule.


- Ne te blâme pas pour ce qui m'arrive. C'est un peu pour ça que je suis ici, d'ailleurs. J'ai besoin de toi.
- Comment ça ?
- J'accepte ce qu'est devenue ma vie, pleinement. Mais ce n'est pas ce que je veux pour lui... ou elle. Elle se mit à caresser son ventre avec une tendresse assez surprenante. Je ne supporte pas l'idée de le mettre au monde alors que je n'ai rien à lui offrir, à part une vie de misère. Lui ne portera pas de marque, il sera libre d'aller et vivre où il veut. Je voudrais... je voudrais qu'il vive la vie la plus normale possible, si cela a encore le moindre sens aujourd'hui, bien en sécurité entre les murs de la cité.

Joséphine considéra sa sœur avec gravité, ses pensées s'égarant déjà sur ce qu'impliquait la suggestion de sa sœur.


- Tu sais... Je ne suis pas sûre que la vie à l'intérieur de la ville soit moins violente et brutale. Je ne suis même pas sûre d'y être beaucoup plus en sécurité.
- Bien sûr que si. Et si tu savais à quoi ressemble mon quotidien, tu irais confier cet enfant au Temple sans aucune hésitation.
- Peut-être mais...
- S'il te plaît Joséphine. Il n'y a qu'à toi que je peux demander ça. Les autres ont renié leur vie passé et exècrent peut-être tous ceux qui vivent à Marbrume mais moi je sais que c'est la meilleure décision.
- Ce n'est peut-être pas ta seule option... Elle se remit à faire les cent pas. Peut-être que je pourrais quitter la milice et venir m'installer au Labret avec Teddy. Nous pourrions retrouver notre maison, nous occuper toutes les trois de l'enfant...
- Tu ne dis pas ça sérieusement ? Qui autoriserait deux femmes à reprendre une ferme ? Et quand bien même... Je vous mettrais tous en danger si je restais ici.
- Au moins pourras-tu le revoir...

Un long silence suivit ses paroles, un silence qu'aucune d'elles ne souhaita briser. Joséphine se mit à imaginer ce que donnerait cette vie au Labret en compagnie des derniers membres de sa famille, avec sous leur toit la nouvelle génération des Claircombe. N'était-ce réellement qu'un rêve un peu fou ?

- Pour quand est-ce prévu ?
- Difficile à dire avec précision mais probablement début août.
- Alors ça nous laisse du temps. Toi pour bien réfléchir si c'est vraiment ce que tu souhaites et...
- C'est ce que je veux !
- Et moi, reprit Joséphine comme si sa sœur ne l'avait pas coupée, pour établir un plan. Le mieux serait que l'enfant soit temporairement confié à des fermiers du Labret, il ne supportera certainement pas le voyage directement jusqu'au Temple.
- Alors tu vas m'aider ?
- Bien sûr que je vais t'aider. J'aimerais simplement faire plus que... te prendre ton enfant. Et toi alors ?
- Le mettre en sécurité, savoir qu'il aura une vie plus stable que la mienne, c'est tout ce qui m'importe. Ne t'inquiète pas pour moi.
- C'est parce que je ne me suis pas assez inquiétée que tu en es là aujourd'hui.
- Tout n'est pas toujours de ta faute, accepte-le.

Violette hasarda un regard par la fenêtre et déclara :


- Je dois partir. Une heure, c'est le temps qu'on m'a laissé pour venir te parler. Ne me regarde pas comme ça, évidemment que je ne suis pas venue seule, ça aurait été beaucoup trop dangereux.


Elle hésita un instant puis se mit sur la pointe des pieds avant de l'embrasser sur la joue.


- Merci pour tout, murmura t-elle en rabattant son capuchon pour son visage. Après un dernier regard dans sa direction, elle s'engouffra vers la sortie comme un fantôme.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
MessageSujet: Re: Dissidence [Isaure & Joséphine]   Dissidence [Isaure & Joséphine] Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Dissidence [Isaure & Joséphine]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Alentours de Marbrume ⚜ :: Plateau du Labret :: Usson-
Sauter vers: