[Event]
◈ Les Joutes Royales ◈
Avec Roland de Rivefière, Cesare, Aymeric de Beauharnais, Merrick Lorren, Hector de Sombrebois, Bérard d'Ergueil, Mathilde, Serena de Rivefière, Alexandre de Terresang, Ulysse de Sombreval, Logan de Sylvecastel, Ombeline, Nathandall, Alix l'Espiègle, Victor de Rougelac, Adelaïde de Rougesoleil, Scarocci Corbera, Madelyne LaFemelle, Zephyr d'Auvray, Elisabeth Blanchevigne, Artorias et Cécilia Valclair.
2 Mai 1166 – Début d’après-midi
Tout cela demanderait du temps et les bûchers funéraires devraient brûler jour et nuit pendant des semaines après ce que l’on nommait désormais familièrement “l’invasion”. C’est un total de quinze mille âmes qu’avait perdu Marbrume en l’espace de quelques heures, la majorité des blessés n’ayant pas passé la nuit. Quant à ceux qui s’en étaient sortis, l’on disait d’eux qu’ils portaient une ombre dans le regard, comme un voile qui ne semblait pas vouloir s’estomper.
Mais tout allait rentrer dans l’ordre à présent. De hautes murailles ceidraient bientôt la partie perdue du Goulot que l’on nommait désormais “Le Chaudron” et dont l’accès était bien évidemment interdit et passible de mort, mais qui s’y serait risqué de toutes façons?
Ils étaient tous là, tous ces héros d’un jour, héros malgré eux, héros tout court. Tous réunis en grande pompe sur une place des pendus qui avait vu passer plus de bûchers que de potences. Le roi était là également, les traits marqués par un manque de sommeil évident. Pouvait-on l’en blâmer? Et tandis qu’il s’avançait le Héraut Royal se racla la gorge et s’exclama de sa voix de stentor.
“Mesdames et Messieurs, Sa Majesté le Roi Sigfroi de Sylvrur.” Et ce fut un triomphe absolu. Car aucun n’ignorait que ce Monarque que l’on avait tant détesté s’était joint aux combats malgré les demandes répétées pour qu’il soit évacué. Un Roi doit mener son peuple avait-il dit, avait-on déjà vu ça de mémoire d’homme?
“Marbrumiens, Marbrumiennes.” Le roi se tut un instant.
“Il est des heures sombres ou quand tout lumière semble s’évanouir, des héros se lèvent et se dressent pour défendre ce qui doit l’être. Ce n’est pas moi que nous devons acclamer aujourd’hui, ce sont eux!” Et, posant le genou à terre dans un geste qu’aucun Souverain ne se serait permis, Sigfroi désigna les héros survivants des combats du Goulot et les laissa profiter de cette heure de gloire qu’ils n’avaient pourtant pas demandé.
“Ce sont eux les véritables héros, ceux qui ont offert leurs vie sans hésiter pour sauver notre ultime bastion. Pour ceci vous avez ma gratitude éternelle ainsi que celle de toute la ville, oserais-je dire de toute l’humanité. MAIS.” Personne n’avait manqué l’immense toile qui semblait recouvrir un monticule à l’entrée de la place, celui-ci était apparu durant la nuit lors des préparatifs de la cérémonie et les regards de la foule allaient du Roi à la fameuse toile de lin.
“N’oublions pas ceux que nous ne pouvons acclamer aujourd’hui mais sans qui nous ne serions plus. En l’honneur de ces héros je renomme la Place des pendus la Place des Chevaliers!” D’un geste de sa part la toile fut retirée pour dévoiler une immense statue de marbre blanc, représentant deux chevaliers en armure et armes au poing, se tenant dans une posture défensive, comme un rempart face à l’adversité. Près du sol on pouvait lire sur une petite plaque :
“En l’honneur de Maric Pardieu et Enguerrand de Hautevoie, héros éternels.” “Vous avez tous beaucoup souffert et nous avons tous beau perdu, je partage votre peine et je tiens à ce que nous ayons tous une pensée pour tous ceux qui sont tombés lors de cette tragédie. Croyez-bien que des enseignements en ont été tirés et que tout sera fait pour que plus jamais, une telle chose ne se produise. Marbrumiens, Marbrumiennes, puissiez-vous vous épanouir dans la lumière des Trois.” C’était une victoire aigre douce, mais une victoire tout de même. Avec du temps et des moyens il serait peut-être possible de reprendre le Goulot perdu à la fange, mais pour l’instant il fallait panser les blessures et guérir les coeurs et les âmes. Il y avait tant à faire mais il semblait que pour une fois, le temps ne manquait pas.
“À partir de ce jour et pendant deux mois, un couvre-feu est instauré le temps d’éclaircir la situation et d’en comprendre l’origine. Toutes personnes étant aperçues dans les rues après le coucher du soleil seront tuées à vue. Seulement les miliciens et miliciennes pourront désormais circuler avant le lever du soleil et après celui-ci, en coutellerie uniquement au risque de subir les mêmes sanctions que n’importe qui d’autre. ” l’homme fit une longue pause, détaillant les personnes présentes puis ajouta “
désormais, l’ensemble des hommes et femmes d’armes sont affectés à la sécurité de la ville, ceux étant encore au labret reste sur place pour la sécurité de celui-ci, la priorité reste notre précieuse ville pour l’instant, sa reconstruction”
C’était tout ce qui fut dit ce jour-là, aucune supposition ne fut mise en place, aucun doute, aucune révolte. Le temps était bel et bien à la reconstruction, aux prières, aux larmes, à l’acceptation. Une partie du goulot était bel et bien tombé, désormais allait-il falloir vivre en ayant conscience que les fangeux étaient là, longeant, vivant dans la cité, vivant dans cette partie de la ville nommée tristement désormais le chaudron. Des tours de garde étaient mis en place, des tours s’étaient élevés à chaque entrée de ce lieu tragique, les créatures s’approchant trop près des barricades devenues remparts étaient abattues par les archers postés en hauteur. Les habitations encore du bon côté de la ville devaient être reconstruire et ce fut en priorité l’entraide qui se mit en place. Qui pouvait se vanter de n’avoir rien perdu ce jour-là ? Personne, absolument personne. Avant le départ du Roi, un temps de prière fut réalisé, accompagné des trois dignitaires, plus que jamais fallait-il s’en remettre aux Trois, plus que jamais fallait-il espérer que les dieux acceptent de soutenir ceux qui perdent espoir petit à petit.
À la fin de cette étrange semaine, où la peur avait pris naissance dans chaque bas ventre, remuant les tripes, malmenant les estomacs, où chacun essayait de retrouver un rythme, dévoilant à chaque contrôle omniprésent son avant-bras, fuyant la noirceur de l’obscurité une fois celle-ci tombée que l’annonce tomba. Les sectes étaient responsables de cette catastrophe, la chasse aux déviants était désormais ouverte et une récompense importante serait remise à tous ceux pouvant aider à anéantir définitivement les hérétiques. Néanmoins, une autre rumeur, une autre révélation fut rapidement confirmée. D’abord un simple chuchotement, une simple constatation étrange, puis finalement une annonce criée un peu partout : toutes les personnes mordues par un fangeux devaient quitter la ville ou rejoindre les rangs de la milice affiliée à l’extérieur. La peur pouvait faire bien des choses étranges et ce fut comme dans une vague magistrale que les esprits se noyèrent dans cette idée fixe : les mordus étaient tout autant responsables que les sectaires. Les personnes concernées devaient alors fuir, se cacher pour rester en ville. Un seul et unique choix pour eux : devenir milicien ou être banni du dernier rempart de l’humanité. Désormais on ne faisait pas que vérifier les avant-bras, non, on cherchait les morsures, les blessures de la fange et ceux dont le corps était parcouru de l’un ou de l’autre étaient immédiatement envoyés au temple.
L’esplanade ne fut pas épargnée, loin de là, on fouilla, on retourna les habitations à la recherche de traîtres, on vérifiait avec minutie les marques sur les corps, on expulsait tous ceux qui avaient été jugés être inutile durant cette attaque. Le roi ne voulait plus dépenser de l’argent pour rien, nourrir des bouches qui ne s’investissaient pas, protéger par une habitation bien trop digne pour ceux qui s’étaient révélés être indignes. La noblesse elle-même fut chamboulée, mise à mal par ses expulsions violentes, sans pincette et ceux qui le jour d’avant encore possédait beaucoup, n’avait désormais plus rien : à la rue, sans bien, sans ressource : un titre oui, un simple titre c’est tout ce qu’il restait, mais qu’est-ce qu’un titre devant cette désormais pauvreté ?
L’horrible événement semblait avoir désormais redistribué entièrement les cartes, l’élite était enfin désormais en danger, la peur semblait animer bien trop durement les esprits pour être complètement cohérente. Les pertes avaient été trop grandes, trop lourdes, emportant néanmoins avec elle un point positif non négligeable, moins de bouches à nourrir, plus d’aliments pour les survivants, oui, mais pourrait-on réellement se remettre de cette presque fin ? Tous avaient enfin compris : la fange pouvait être partout. N’importe qui pouvait disparaître en un claquement de doigts, en un soupir, simplement. Plus que jamais fallait-il s’entraider, plus que jamais fallait-il surveiller… Une vague de dénonciation sans précédent avait fini par voir le jour, pour se protéger la populace n’hésitait plus à incriminer son voisin, banni, suspicion de croyance autre, mordu. Malgré cela, ce fut la cohésion qui souleva les cœurs, chacun aidait à son niveau pour le nettoyage, pour débarrasser les corps, pour rendre à la ville une apparence plus agréable, moins éteinte, moins morte.