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 [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va

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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va   [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va EmptyVen 19 Juil 2019 - 17:59
Usson, fin avril 1166

Il avait tenu sa promesse. Depuis près d’un mois, le milicien descendait régulièrement le chemin menant à la ferme Dumas pour y recueillir les denrées que la fermière offrait aux miliciens des environs. Bien que leur surveillance ne soit plus indispensable depuis l’arrivée des quelques mercenaires de l’Ordre, elle avait continué à offrir un peu de réconfort pour les estomacs de ceux qui garantissaient la sécurité de son Labret chéri. Régulièrement, elle tendait un petit paquet contenant tantôt des biscuits, tantôt une quiche, tantôt de la viande séchée provenant directement de sa petite réserve. Elle-même n’en consommait pratiquement pas, préférant l’offrir aux hommes qui veillaient sur elle. Et à lui. Alcide, dont le regard vert-mousse se posait avec tendresse sur elle, à chaque fois qu’il la voyait ouvrir la porte.

Avait-il réalisé que les prunelles noisette pétillaient un peu plus que d’ordinaire? Avait-il aperçu la fermière guettant son arrivée à la fenêtre? Si c’était le cas, il n’en avait rien laissé paraître, tenant parfaitement le rôle du protecteur qui s’appliquait à prendre de ses nouvelles tandis que leurs mains s’effleuraient, parfois avec insistance. Combien de fois avait-elle repensé à cette étrange rencontre, et à cet homme qui l’apprivoisait, jour après jour? Des dizaines. Elle rêvassait parfois dans le champ, appuyée contre sa bêche, regardant l’horizon où elle espérait parfois voir se profiler la silhouette d’un milicien en permission, passant comme par hasard à proximité des champs pour l’emmener en promenade.

Ce matin-là, Mathilde avait quitté la ferme avec le chant du coq. Elle comptait passer par Usson pour saluer Alcide avant de partir pour Marbrume, où l’on célébrerait le couronnement du Roi dans quelques jours. Elle voulait vivre ce moment historique, et en profiterait sans doute pour tenter d’ouvrir l’un ou l’autre accord commercial. La production de sa ferme s’annonçait excellente, légèrement au-dessus des attentes de l’Ordre. Parée pour le voyage, Mathilde talonna sa jument pour rejoindre la route principale, se retournant à moult reprises vers sa ferme pour en graver l’image dans sa mémoire.

Vingt minutes suffirent à rallier Usson. Une petite course d’échauffement pour Marguerite, la fière monture qui performait plus dans les champs que sur le chemin. Mathilde mit pied à terre dès qu’elle passa les portes où on la contrôlait plus par principe que par soupçon. Elle prit sa jument par la bride pour la mener vers le four du village. Elle sortit les pâtons du panier dans lequel elle les transportait pour les enfourner. Une demi-heure de cuisson, durant laquelle elle regarda Usson s’éveiller tranquillement, pour finalement sortir une dizaine de petits pains, joliment dorés par la chaleur d’un four presque toujours alimenté en feu. Elle les déposa dans le panier et sourit, satisfaite. Restait le plus plaisant, ce pour quoi elle avait réellement pris la peine de devancer son départ.

La fermière prit la direction de la caserne où elle ferait sa livraison. C’était bien la première fois qu’elle prenait la peine de s’assurer que les gars auraient quelques douceurs durant son absence. D’habitude, elle leur proposait d’aller recueillir les œufs du poulailler, mais cette fois, les œufs seraient consommés par les cinq travailleurs et les mercenaires restés à la ferme. Or, elle espérait que l’un d’entre eux, particulièrement, pense à elle en son absence. Mathilde sentit ses pommettes se colorer tandis qu’elle approchait de son objectif.

Elle s’arrêta devant la porte principale pour saluer le milicien dont le visage ne lui était pas totalement inconnu.

- Bonjour, Mathilde Dumas, je viens pour une livraison.
- Le bonjour m’dame! Le Sergent a passé commande? dit le milicien en rajustant sa ceinture d'une main maladroite.
- Euh… non, pas vraiment, mais je m’en vais pour une petite semaine et comme les gars de la ferme vont se jeter sur les œufs, je voulais m’assurer que vous ayez un petit quelque chose à vous mettre sous la dent en attendant mon retour! lui répondit-elle en souriant. C'est qu'elle était fière de son initiative, la fermière. D'habitude, les dons allaient au Temple et à ceux qui protégeaient leurs âmes, pas aux miliciens, les véritables protecteurs du Labret grâce auxquels la vie y était certes dangereuse mais possible.
- Oh bah ça m’dame c’est fort aimab’! Laissez-moi vot’ ch’val, les cuisines sont au fond du couloir à vot’ droite! Le milicien gigotait pour arranger sa tenue, légèrement débraillée par une nuit de garde. Leur conversation avait au moins eut le don de le réveiller juste à temps.

Mathilde hocha de la tête en recevant les instructions et fit une petite moue. Comment s'assurer, le plus innocemment du monde, de croiser Alcide sans éveiller les soupçons? Elle eut une idée.
- Je vois. Est-ce que quelqu’un pourrait m’aider? J’ai plusieurs paniers, j’aimerais ne pas tout renverser.
- Sûr m’dame! Le Lupin a l’habitude pas vrai? Il n'attendit même pas la réponse, ouvrit la porte et gueula LUPIIIIIIIIIIIIIN! Viens donc aider m’dame Dumas à pas s’faire un tour de rein!

Satisfaite de son petit tour, Mathilde entreprit de défaire les paniers qu'elle avait solidement fixé à la selle de sa jument, juste avant de partir. Elle sortit un petit pain tout chaud et le tendit au milicien de garde.

- Pour votre petit déjeuner, il sort du four, il goûte le ciel! lui dit-elle, non sans jeter un oeil par-dessus l'épaule du milicien, guettant la silhouette qu'elle connaissait maintenant par coeur.


Dernière édition par Mathilde le Mer 31 Juil 2019 - 19:04, édité 1 fois
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AlcideMilicien
Alcide



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MessageSujet: Re: [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va   [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va EmptyDim 21 Juil 2019 - 20:34
L'érudition changeait tout le monde. Parfois plus que le savoir, elle pouvait nourrir l'orgueil d'un homme, s'il n'y prenait pas garde. Mais comme il fallait passer par là pour entrer dans les bonnes grâces, Alcide en relata à son Coutillier. Ce n'était pas rien que des intentions, ou des apparences. Il voulait autre chose, au résolu. Avec des notions de stratégie et d'autorité, il se rapprocherait des hommes, et des montures, et des engins de morts, de tout ce qui faisait la milice, jusqu'à embrasser l'étendard. Mais d'abord... quelques notions de cartographie. Appuyé sur une table, penché sur une carte en compagnie de son supérieur direct, le bien nommé Malfort, le Lupin mirait le trait du fusain que traça son improvisé mentor. Là, dans les bois, une figure géométrique lui indiquait l'emplacement de quelques unités d'éclaireurs, flanquant la route principale. Et là, encore, les courbes de lignes et de cercles pigmentant le parchemin esquissait la position des rondes et des gardes qui ponctuaient le village. Jamais seuls ; toujours en binôme.

Les deux hommes échangèrent leurs réflexions, l'air grave pendant la leçon, pendant qu'autour d'eux le reste de la garnison vaguait à ses occupations. Des miliciens qui parfois, comme aujourd'hui, n'avaient rien à se dire, ne se parlant que de leurs peines à eux chacun. Chacun pour soi, la caserne pour tous, sans jamais s'entendre véritablement. L'un disait que la grande victime d'une histoire, ne voulait pas dire qu'elle était innocente. Un second ajoutait que les amours contrariés par la misère était comme les amours de marin, d'abord parce que lorsqu'on n'avait pas l'occasion de se rencontrer souvent, on ne pouvait pas s’engueuler, et... que c'était déjà beaucoup de gagné. Un troisième surenchérit que la vie n'était qu'un délire bouffi de mensonges, et plus on était loin et plus on l'en gavait, et plus alors on était content. Décidément de quoi le déconcentrer, à croire que tous s'était passé le mot... Peut-être qu'au fond, ils essayaient de s’en débarrasser de leur peine, sur l’autre, mais que ça ne marchait pas vraiment. Ils avaient beau faire, ils la gardaient tout entière, jusqu'à la replacer une prochaine fois ?

Alcide avait de petits yeux fatigués, quant à lui, un peu hagard quand il se retint de bailler, arrivant sur la fin de réunion. Passant une main dans le col entrouvert de sa tunique, il se massa doucement l'épaule pour se décontracter le muscle. Oh, pas par manque d'intérêt pour les recommandations de Malfort, mais son unité était debout depuis l'aurore, ayant à peine dormi depuis la précédente veillée. Enfin qu'importe, le Coutillier mit fin au trouble en lui adressant une franche tape sur les omoplates avant de le secouer un peu.

- Ha ! Il n'y a pas de repos pour les petits, mon garçon. Fit Malfort, un sourire quasi-paternel aux lèvres.
- Il n'existe que dans les songes du Sergent, visiblement. Répondit-il pour parachever sa phrase, lui rendant son sourire tout en inclinant respectueusement la tête. Alcide en détaillait l'aspect presque caverneux du vétéran, comme un vestige à peine débroussaillé qu'il ne percevait qu'aujourd'hui. C'était étrange. Bizarre, comme autrui pouvaient être le constructeur, involontaire, des quelques-uns qui parvenait à grandir sans structure. Le vieux Mornever, bien que misanthrope, avait ce truc là, lui aussi. Il avait des choses à dire, en tout cas. Peut-être parce qu'il s'agissait des aînés ? Alcide y voyait des exemples, peut-être pas des meilleurs, mais tout de même, sur lesquels il pouvait prendre appui comme des béquilles pour parvenir à avancer dans l'existence. Vraiment. C'était une bonne journée. Celle-ci l'était. Elle l'était parce que la mort ne le frapperait plus demain. A présent, elle courait derrière lui. Vous avez donc réussi. Vous avez rêvé d'autre chose, et vous y êtes arrivé.


___________________________________________________


- LUPIIIIIIIIIIIIIN ! Viens donc aider m’dame Dumas à pas s’faire un tour de rein !

Dans l'unité Malfort, on disait que la beauté était comme l’alcool. On s’y habituait, qu'à force on n’y faisait plus attention, mais dans le fond, il n'y avait que les cocus qui n'étaient pas contents. Cela voulait dire qu'ils ne connaissaient pas Mathilde comme il la percevait ; qu'ils ne devaient donc rien savoir de la beauté. La ridule discrète d'un demi-sourire, il entendit l'appel, tournant alors un regard en direction de la porte pour acquiescer. Un léger sourire qui s'évapora bien vite, pourtant, comme cherchant à dissimuler l'arme d'un crime à la vue des limiers. C'était ça, ou la preuve d'un intérêt ; ne laisser planer aucun soupçon.

- Chef ? Dit-il en se tournant vers ce dernier.
- Je ne t'empêche de rien, Soldat, va rendre service à madame Dumas. Nous reprendrons où nous en étions demain ; même heure.
- Compris. Opinait-il, impassible, avant de s'engager vers la porte, puis de la franchir.

Sa silhouette émergea enfin de derrière l'épaule du garde débraillé, celui-ci émerveillé par le petit pain que Mathilde lui tendait. Le teint clair, les traits propres et l'air de rien, tout en descendant les quelques marches de l'entrée. Il fit alors glisser ses doigts sur les flancs de son crâne, comme pour replacer sommairement ses mèches, s'assurant qu'il ne soit trop mal coiffé. Presque d'instinct, ou plutôt comme de coutume, il retroussait méthodiquement ses manches jusqu'à ses coudes.

- Bonjour madame Dumas. Comment allez vous ? - Pas de prénom, pas de tutoiement. Ni devant les miliciens, ni devant Usson tout entier. - On n'a pas l'habitude de vous voir par ici, à la caserne. Ne me dites pas que vous avez spécialement fait le déplacement pour nous réapprovisionner aujourd'hui ?

Un ton qui trahissait sa bonne humeur. S'approchant encore, il adressa une attention pour l'encolure de la jument, tapotant doucement l'épaule de l'animal pour le caresser. Puis, il adressa un signe du menton pour son homologue, lui indiquant par là qu'il pouvait conduire Marguerite auprès des autres chevaux. - Ça ira. Je m'en charge.

Avoir l'air de rien, presque distant. Il avait de petits yeux, mais au fond c'était peut-être ça la plus grande fatigue ; cet énorme mal qu'il avait pour se donner trente ans davantage, comme pour s'empêcher d'être profondément lui-même. Il détrempa ses yeux dans ces prunelles noisettes qu'il mira, et lui sourit. - Heureux de te revoir. Je pensais que tu faisais déjà route pour Marbrume. D'une voix plus basse, maintenant que le bruit des sabots s'éloignant lui indiquait que personne ne l'entendrait.

Il se baissa ensuite pour prendre sitôt les paniers. Les plus lourds qu'il pouvait ; l'un d'eux qu'il souleva sur une épaule, l'autre qu'il laissa pendre à un bras. Et comme ils ne s'étaient pas vu depuis une poignée de jours, seulement, autant lui chaparder quelques minutes encore... Ce n'était toutefois pas une torture d'être patient, ou d'exhausser ses vœux ; même cette distance entendue et de mise, il appréciait l'entretenir. La ronde qui le conduirait à la ferme Dumas n'était pas une corvée, s'en devint une attente. Pour parler avec elle, simplement.

D'une voix plus haute cette fois ; - Je m'en occupe. Vous me suivez dans les cuisines ? Il marcha en tête pour la guider, remontant les quelques marches de la caserne, pour alors appuyer son dos contre la porte, la retenant, pour la laisser entrer. Il l'invita à s'engager jusqu'au fin fond du couloir, là où elle fut dévisagée par trois miliciens posés chacun sur les deux parois du couloir, comme des cerbères aux gueules patibulaires. Ils ne voyaient pas cela tous les jours, pas d'aussi prêt. L'un semblait se curer les gencives avec son couteau à viande, l'autre la fixait d'un regard vitreux comme frappé de cataracte, et le troisième rachitique, en toisa le passage, malsain, de haut en bas...

- Je suis là. Fit-il doucement pour la rassurer, se tenant à proximité, à un pas juste derrière la jeune femme pour s'assurer qu'elle n'ait pas à les frôler. Il les tenait à l’œil. Si bien qu'à mesure que la fermière s'avançait dans le couloir, ce fut comme-ci sa démarche à elle seule ouvrait le passage. Repoussés, les hommes s'écrasant lentement contre les murs, pas besoin qu'elle ouvre la bouche pour qu'ils comprennent qu'ils devaient se dégager. C'était là toute la différence qu'il pouvait y avoir entre les grands et les petits, d'autant lorsqu'on côtoyait Malfort.

Ils bifurquèrent alors à droite, où ils durent descendre quelques marches pour enfin entrer dans les cuisines cloisonnées par les parois de pierres taillées. Ce n'était pas encore l'heure de garnir les tables du réfectoire, au rez-de-chaussée, alors il n'y avait pas un chat. Seulement la lueur des rares flambeaux et le feu des âtres qui crépitaient, sans qu'aucune des marmites ne soient encore mise à bouillir. Alcide marcha dans un recoin de la petite salle, déposant le panier qu'il retenait d'un bras, avant d'en déposer le second sur la surface en bois d'un plan de travail.

- Ne fais pas attention à eux ; tu trouveras toutes les espèces ici... S'échapper vivant de l'abattage, ça les transforme, alors question tact et bonnes manières... La réalité du terrain changent les gens, je suppose, un peu comme l'alcool... mais je vais t'épargner de ce qu'ils montrent une fois imbibés de picon, puis du cancan qu'ils font le soir...

Une pointe d'amusement étira brièvement ses traits, avant de s'approcher d'elle. Prêt à la soulager du panier qu'elle retenait encore dans ses bras, l'extrémité de ses doigts effleura l'aura chaleureuse de sa peau. Par mégarde. Elle lui manquait. Sa présence, en fait, et surtout. De cela, et de sa voix douce et claire qui s'élevait dans la chaumière, lui contant de tout, de rien, et de ses goûts. Il aimait refaire le monde avec elle, mais le sujet n'était pas là. Elle s'en irait bientôt à l'extérieur pour se rendre au sacre du Roi. C'est ça qui l'inquiétait ; plus que tout autre chose, son front plissé par le soucis.

- Je n'aime pas te savoir seule sur la route, sans personne pour t'accompagner dans la Cité. Vraiment aucun des mercenaires astriens ne s'est proposés pour t'accompagner ? ... S'il t'arrivait quelque chose, ...

La phrase en suspens. La jeune femme avait déjà pu se rendre à Marbrume par le passé, il savait qu'elle n'était pas stupide. Et puis, la dernière Dumas savait mieux que quiconque quels dangers la guettaient au dehors. Il cherchait plutôt ses mots, plissant plus encore les sourcils ; de crainte cette fois. S'il lui arrivait quelque chose, après tout ce qu'elle lui avait insufflé ces derniers jours,... ça l'anéantirait. Mais une promesse lui avait été faite, alors il n'irait pas plus avant dans ses paroles, prenant délicatement le panier dans ses mains, la quittant à regret pour s'en aller le reposer plus loin.

Il appuyait ses mains sur la table, et son regard se radoucit quand il toisa le contenu des paniers, posant ses yeux sur la bonne douzaine de petits pains qu'elle leur avait si généreusement apporté. Prenant alors un instant pour humer doucement l'odeur de la pâte fraîchement cuite, se disant que ce soir à l'heure du repas, il se soulèvera de sa chaise pour lever sa coupe en l'honneur de Mathilde. Il entonnera le discours qui rappellera aux forces d'Usson qui il fallait remercier pour que jamais ils n'oublient à qui ils devaient la garniture de leurs plats bien rempli. Il se retourna alors, tout en appuyant son fessier contre le plan de travail, pour s'y poser à côté des paniers. Il la mira un instant, quelques secondes tout au plus. Pensif, tandis que l'embrasement d'un regard la détaillait. - Tu as le regard vif ; je sais que tu es loin d'être une idiote. Promets moi seulement d'être prudente...
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Mathilde VortigernFermière
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MessageSujet: Re: [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va   [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va EmptyLun 22 Juil 2019 - 16:48
Mathilde sourit. La première chose que le Lupin avait faite, suite à leur rencontre, avait été de commencer à prendre soin de lui-même. Se débarrasser de la couche de poussière accumulée durant de longs mois de négligence n'avait pas dû être une mince affaire, et pourtant, il avait relevé le défi, offrant à la fermière une surprise de taille lorsqu'il avait redescendu le sentier menant à sa ferme, quelques jours après leur première rencontre, avec le même pas léger et la même dégaine qu'à cet instant précis. Le Lupin, sous sa couche de crasse, cachait une âme attirante en plus de se révéler être un homme diablement séduisant.

- Messire Lupin! On savait qu'il l'avait tirée d'un mauvais pas, quelques semaines plus tôt, et que cet événement avait fait en sorte que la veuve Dumas demande à ce que ce soit Alcide qui descende chercher les quelques vivres qu'elle donnait régulièrement à la milice. On prenait ça comme une marque de méfiance de sa part, généralisée à l'ensemble des hommes. Une réaction au traumatisme qu'elle avait dû vivre, elle, la pauvre femme sans époux pour la protéger. Je quitte pour quelques jours, je ne voulais pas vous laisser, vous et vos compagnons d'armes, sans les petites douceurs qui agrémentent vos repas à l'occasion.

Il le savait, naturellement. Elle le lui avait dit lors de sa dernière visite, mais jouer aux étrangers devant les autres miliciens garantissait une certaine paix à Alcide, qui excellait à ce jeu. Mathilde se sentait comme une enfant espiègle qui partageait un secret avec un complice. Elle adorait ça, bien que parfois, elle ait envie de faire fis du secret pour vivre comme celles qui sont courtisées, rougissant devant l'être aimé, riant bêtement au moins bon mot, et discutant de ces rencontres secrètes avec une confidente. Mais Mathilde n'était pas de ce genre. Rougir, sans doute. Le reste... Elle le gardait pour elle, et c'était bien comme cela.

- Il fallait bien que je te dise au revoir, puisque tu ne viens plus me voir lui murmura-t-elle avec une mine faussement boudeuse, tandis que Marguerite s'éloignait avec le garde de faction. Elle attrapa le panier restant en pouffant de rire. Lui en tenait-elle rigueur? Pas du tout, elle était bien consciente que sa mission primait, et apprivoisait avec un plaisir non feint cette sensation de manque qu'il laissait planer depuis quelques jours. Je m'en occupe. Vous me suivez dans les cuisines ? Elle hocha de la tête et lui emboîta le pas, écartant les pans de sa jupe de monte pour monter les marches sans trébucher dans le tissu.

Elle le frôla, peut-être un peu plus que de raison, en passant devant lui alors qu'il lui tenait la porte avant de s'engager dans le couloir où ils croisèrent trois compères qui avaient perdu leurs bonnes manières, quelque part dans une bataille. Elle ne leur en tenait pas rigueur, elle ne s'en choquait pas vraiment. Elle avait déjà connu pire. Elle ne le dirait pas à Alcide, dont l'attitude protectrice la fit sourire. Je suis là avait-il murmuré. En temps normal elle se serait retournée pour lui dire qu'elle avait le don de caler des flèches dans la gorge des malotrus, mais elle ne le fit pas, lui laissant prendre ce rôle de gardien qu'il s'était attribué et qu'il tenait à merveille.

La cuisine était vide, mais il y faisait déjà chaud. La fumée dégagée par les flambeaux et la chaleur du foyer lui donnaient une atmosphère particulière, presque intime en dépit de la taille de la pièce, qui lui sembla immense en comparaison avec le recoin dans lequel elle préparait ses repas. Combien de cuisiniers pouvaient œuvrer ici? Et pour nourrir combien de bouches? La taille des marmites était un bon indicateur.

Ne fais pas attention à eux. Elle lui sourit, malicieuse.
- Ne pas prêter attention aux gens fait en sorte qu'on passe parfois à côté de personnes qui ont le pouvoir d'apprivoiser les fermières les plus farouches. Le jeu reprenait, bien à l'abri des regards dans une cuisine désertée par ses travailleurs. Il l'effleura du bout des doigts. Un geste léger, discret, qui la fit légèrement frissonner. L'idée qu'il fasse partie de son quotidien était devenue un désir. Elle désirait sa présence, à ses côtés, un constat à la fois plaisant et affolant. La peur de le perdre venait avec le plaisir de le retrouver. Alcide avait choisi un métier dangereux, qui l'exposait à la mort bien plus qu'un simple paysan.

- S'il t'arrivait quelque chose, ...
- Il ne m'arrivera rien le coupa-t-elle, se voulant rassurante. Je suis prudente, ce n'est pas la première fois que je fais le trajet. Je sais qu'à Sarrant je trouverai un convoi à accompagner. Et puis Marguerite fuit le danger comme personne, alors ne t'inquiète pas! Je devrais être de retour dans une huitaine. Je t'autorise à t'inquiéter à partir de dix jours d'absence, et à te lancer à ma recherche avec toute la caserne dans deux semaines! acheva-t-elle en riant, inconsciente de ce qui l'attendait la semaine suivante.

Il se tourna vers elle pour la regarder, laissant flotter un silence qui lui fit monter le rose aux joues. Était-ce son regard qui en était le responsable, ou bien les flammes réchauffant la pièce? Il s'écarta d'elle pour aller déposer le panier. Mathilde en profita pour se débarrasser de sa cape, la posant sur la table. De l'air! Mais déjà Alcide revenait à elle, lui faisant promettre la prudence. Elle soupira.

- Je serai prudente, Alcide. Promis. Je reviendrai et dans quelques jours, je te confierai un autre panier de victuailles, et la vie reprendra son cours là où on l'a laissé. A moins que tu ne m'offres de partager ta prochaine permission? ajouta-t-elle, presque timidement. Elle eut un petit sourire taquin. Pour te faire pardonner ces longues journées d'absence.

Elle papillonna des cils, comme une gamine le ferait après avoir réussi son coup. Elle avait envie de lui dire qu'il n'attendrait pas vingt ans. Elle souhaitait qu'il la prenne dans ses bras, dans lesquels elle s'imprégnerait de son odeur en écoutant sa respiration, si calme et si profonde. Mais comment dit-on ces choses-là? Elle ne le savait pas. A son retour de Marbrume, peut-être. Quelque part où ils n'auraient pas peur d'être surpris dans un instant de proximité qui leur apporterait, à l'un ou à l'autre, quelques insupportables taquineries quotidiennes de la part des gens qui les côtoyaient.

- Dis donc, je ne sais pas ce que tu as raconté à ce vieux grigou d'Adelbert, mais il m'a fait signe ce matin pour me saluer. C'est la première fois qu'il le fait! Elle rit. Des dizaines d'années de bouderies familiales venaient de prendre fin.
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AlcideMilicien
Alcide



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MessageSujet: Re: [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va   [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va EmptyMer 24 Juil 2019 - 12:07
On ne pouvait s'en rendre compte immédiatement, mais il parlait sans doute trop vite... Il ne pouvait pas se tenir tranquille, pas tout le temps. Pas très sage non plus ; jamais indéfiniment. C'était plus difficile qu'il n'y songeait ; comme souvent, Mathilde était rayonnante, aujourd'hui elle semblait pétiller. Comme sonné par l'éblouissement, ses lèvres s'étiraient d'un sourire tendre chaque fois qu'elle ouvrit la bouche. La jeune femme le rendait faible, plus encore quand elle le frôlait. Il devrait faire plus attention à l'avenir, avant qu'il ne succombe à la chaleur, à se liquéfier sur place et paraître définitivement pathétique aux yeux des miliciens... Il se contenait, avant de parvenir enfin dans les cuisines.

____________


On passe parfois à côté de personnes qui ont le pouvoir d'apprivoiser les fermières les plus farouches. Et le jeu reprenait. Le demi-sourire amusé, léger, quand il la dévora un temps du regard ; discrètement appréciateur pour ne pas la mettre mal à l'aise, mais suffisant pour lui exprimer qu'elle n'était pas sans effet. - Hm. Je doute que ces trois veinards savent comment les apprécier, ces fermières,... mais j'en connais peut-être bien un qui connait sa chance.

Peut-être. Une sourde prudence à l'égard d'un avenir incertain, mais bel et bien résolu. Parce que tout commençait à devenir plaisir dès qu'il eut pour but d'être seulement bien avec elle. Avec Mathilde il oubliait sa vie ; les choses de la mort et du crime. Sans elle et ce qu'elle lui insufflait, qu'était-il au fond ? L'implacable marcheur ? Risible. Maintes fois il aurait voulu pouvoir la prendre dans ses bras, ne serait-ce que glisser sa main dans la sienne, à nouveau, encore, espérant certainement plus que ce qu'elle ne lui offrait déjà. Tout ce qui lui était interdit, à lui. Couvant comme un grondement intérieur, un désir, un rugissement qu'il lui fallait taire. Ne rien dire. Ne rien faire. Ne rien tenter, tout en composant avec les contrôles de routine où les messes basses des villageois, et des astriens, et des beaux harnois de la noblesse allaient bon train. Les gens sont épuisant. Pourvu qu'ils brûlent.

Et à te lancer à ma recherche avec toute la caserne dans deux semaines. Il accompagna son rire par une petite moue souriante lui déformant la joue. - Oh, si je pouvais c'est le bataillon tout entier que j'irai mobiliser pour te chercher ; à grand coup de pieds au cul que je le ferai marcher. Façon Malfort. Au repos. Fixe! ... Attends seulement que je monte dans les grades, tu verras. Il ricana légèrement, le ton faussement fier où le timbre dans sa voix s'en allait à la plaisanterie. C'était néanmoins vrai, il ferait tout ; il opina donc une unique fois de la tête pour ponctuer sa phrase.

Je serai prudente, Alcide. Promis. Pour lui c'était important, bien qu'il n'insisterait pas. Alors il acquiesça simplement tandis qu'elle lui répondait qu'elle reviendrait dans quelques jours, et que le quotidien reprendrait comme ils l'avaient laissé. A moins qu'il... ne lui offre de partager sa prochaine permission ? Il plissa soudain le front, songeur suite à la question de Mathilde, jusqu'à ce qu'un léger sourire finisse par étirer ses lèvres, quand il la mira papillonner des cils.
Elle parla alors de ce vieux grigou d'Adelbert. Comme une diversion, qui sait. La question qu'elle eut auparavant, lui donnait peut-être le sentiment de s'exposer, et qu'au fond d'elle-même, c'était une façon pour elle de tirer un rideau sur sa timidité ?

Mathilde rit. Craquante. Sans se douter de ce qui allait lui arriver... Alcide leva son fessier du plan de travail, s'approchant d'elle tandis qu'elle parlait, et cette fois... Cette fois, il fallait croire la satyre des saltimbanques et des mangeurs de feu. Car les premières paroles du spectacle sont toujours nébuleuses, et l'art exigeait qu'on situe l'intérêt du récit dans les lointains, dans l'insaisissable, là où se réfugie la franchise ; cet inaccessible prit sur le fait. Cette fois, l'embrasement dans ses prunelles pourlécha l'éclat noisette dans ses yeux. Pour qu'elle saisisse, avant qu'elle ne parte, que là, tout de suite, tandis qu'il approchait, l'idée de l’asseoir sur la table où elle déposait sa cape, pour y plonger tout entier dans ses lèvres, et dans sa peau, et en elle-même, lui traversait l'esprit...

Ce qui n'arriva pas. Pas encore. Sous le doux bruissement des flambeaux et l'éclat mandarine des âtres, tout ce qu'il fit alors pour accompagner sa marche, fut de s'approcher, seulement pour la repousser avec langueur, soulevant tendrement sa cuisse quand elle heurta la table pour qu'elle s'y dépose d'elle-même et tout en douceur. Son visage face au sien, à la même hauteur. Le flamboiement du regard s'intensifia alors quand il se pinça les lèvres, mais de justesse, la déflagration dans ses iris ne fit que l'effleurer en même temps qu'il s'apaisait.

- Pardonne-moi Mathilde, c'est important. Ils auraient l'occasion de parler de ce vieux misanthrope à la patte brisée, plus tard.

Maintenant devant elle, il prit délicatement ses mains dans les siennes, l'une après l'autre. De la même façon qu'ils avaient déjà pu le faire, sagement, lors de toutes ces fois où elle lui ouvrit sa porte... Peut-être bien qu'elle finirait par le rendre malade ; fou d'elle. Oh, le cœur était au désir et au plaisir du corps tant qu'il était bien portant, mais c'était aussi l'envie d'en sortir du corps, dès qu'il se sentait malade et prêt à exploser.

- Tu n'as pas pu me voir ces derniers jours parce qu'on a traqué et démonté le camps des truands qui t'ont attaquée sur la route. Trois de leurs compagnons s'y reposaient encore. Alors on a fait ce qui s'imposait les gars de Malfort et moi... Comme ce n'est pas la première fois qu'on rend de bons services au Sergent Langlois, et qu'on n'est pas du genre à cracher sur les veillées supplémentaires non plus, il nous donne chacun quarante-huit heures de permission dans le courant du mois qui vient.

Son regard se baissa vers ses doigts flirtant tendrement avec les siens, comme pour éviter de lui transmettre les images de l'inflexible égorgeant les hommes insouciamment recroquevillés dans leur sommeil. Il poursuivait plutôt ses dires, avant de lever à nouveau la tête, laissant se noyer le vert mousse et tilleul dans l'océan noisette de son regard ;

- Tu auras surement beaucoup de travail, mais... cette date-là, j'aimerai te voir, sur la place d'Usson, si t'en as envie. De là, on pourrait s'éloigner au calme quelques heures, lors d'une promenade qui nous emmènerait à l'écart, loin des yeux et des oreilles qu'on les murs du village... - Il laissa filer un temps de suspension. - ... Mathilde... Je n'aurai pas envie de te vouvoyer ce jour-là.

Cela pouvait dire tant de choses. Ses yeux l'interrogeaient, à tenter le diable en plongeant dans l'abîme de tous les possibles.


Dernière édition par Alcide le Jeu 25 Juil 2019 - 11:50, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va   [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va EmptyMer 24 Juil 2019 - 18:29
Sa chance. Elle sourit. Elle avait compris de qui il parlait, évidemment. Comme d’habitude, la conversation était parsemée de sous-entendus laissés en flottement, de perches que l’autre saisissait d’un discret sourire, de mains tendues attendant d’être effleurées, et d’envies jamais assouvies. Un jeu dangereux dans lequel Alcide excellait, et dans lequel elle s’enfonçait de plus en plus. Je ne veux pas mentir lui avait-elle dit quelques semaines auparavant. Oui mais voilà, le Lupin avait persévéré, sous le couvert de l’humour au début, puis en prétextant une attitude naturellement protectrice, puis, enfin, assumant pleinement chacun de ses mots, pour son plus grand plaisir à elle. D’un naturel taquin, elle lui avait répondu par l’humour, esquivant les situations incongrues par l’une ou l’autre banalité quelconque. Cependant, lentement mais surement, le chat aux yeux de mousse s’approchait de la petite souris malicieuse… ce qui l’avait conduite à aller au-devant du milicien sous le prétexte de porter des victuailles à la caserne. Simplement pour le retrouver, et jouer encore un peu. Il était évident que si leurs lèvres se trouvaient, là, maintenant, tandis que son regard clair la caressait silencieusement et qu’il la poussait à échanger leurs places, elle ne mentirait pas.

Elle sentit le rouge lui monter aux joues, et son cœur battre un peu plus vite. Sans doute sa respiration ralentit-elle pour se faire plus profonde. Le monde extérieur disparaissait tandis qu’elle se laisser couler dans ce regard qui semblait emprunt d’un désir qu’elle partageait. Le bord de la table interrompit la danse silencieuse, alors que Mathilde s’installait sur le perchoir improvisé qu’il occupait, la minute d’avant. Approche encore un peu ton doux visage, Alcide, et je transgresse définitivement cette règle tacite, cette distance fort commode que je nous ai imposée.

- Pardonne-moi Mathilde, c’est important.

Il saisit l’une après l’autre les mains de la fermière qui s’étaient naturellement accrochées au bord de la table. Elle noua ses doigts à ceux du milicien, l’écoutant avec toute l’attention qu’il réclamait. D’un air grave, il lui exposa la raison de son absence. Encore une fois il avait tenu parole. Le rapport qu’avait fait Alcide suite à l’altercation avait conduit Mathilde à être convoquée pour témoigner. Ce qu’elle avait put donner comme indications quant au comportement et aux mots prononcés par les bandits avait conduit les autorités à enquêter sur le sujet. Peut-être était-ce pour ça que le vieil Adelbert avait fini par la saluer, se sachant en sécurité grâce à la mésaventure qu’elle avait vécue.

Elle ferma les yeux et poussa un soupir de soulagement. Elle ne demanderait pas à Alcide si les trois hommes avaient été mis au trou, ou si on leur avait réservé un autre sort. Ce n’était pas de ses affaires, et peut-être préférait-elle ignorer que le sang avait encore été versé. A chaque vie que l’on prend, la Fange se rapproche un peu plus de nous, disait-elle souvent. Et pourtant, les cas de force majeure conduisaient encore des êtres humains à en abattre d’autres. Malgré cela, elle ne put s’empêcher de murmurer un Merci plein de reconnaissance. Il ne reviendraient pas sur le sujet, balayé par l'annonce du milicien.

Deux journées de permission, c’était plus qu’elle n’en espérait. Elle lui sourit, ne masquant pas son ravissement face à la nouvelle. Inconsciemment, peut-être, ses mains quittèrent les siennes pour saisir doucement ses avant-bras et l’attirer à elle. Elle tendit légèrement le menton, pour que son nez vint effleurer celui du milicien tandis qu’elle lui murmura Je n’ai plus envie que tu me vouvoies, Alcide. Elle esquissa un sourire.

Leurs souffles se mêlèrent quelques instants. C’était à qui céderait le premier, mettant fin à un jeu perdu d’avance. Les mains de la fermière remontèrent le long des bras musclés du milicien pour finalement enserrer doucement son visage. Ses doigts se perdirent dans la barbe dense, fraîchement taillée.

La poignée de la porte de la cuisine pivota dans un grincement sonore qui les fit instinctivement bondir. Alcide recula d’un pas pour retrouver une distance respectable, Mathilde sauta de la table pour se tourner vers les paniers de légumes. La porte s’entrouvrit.

- … et si les oignons ne sont pas cuisinés ce soir, vous les mettrez au frais. Avez-vous une cave, ici? dit-elle, comme s’ils étaient en pleine discussion au sujet des légumes qu’elle avait apportés. Elle se retourna alors que la porte finit de s’ouvrir et accueillit l’intrus avec un enthousiasme parfaitement feint. Messire Malfort! Contente de vous voir! mentit-elle. Par les Trois, pouvaient-ils avoir quelques instants de tranquillité avant son voyage ?!

- Madame Dumas! On m’a dit que vous déposiez un généreux don, je voulais le constater par moi-même et m’assurer que Lupin se tenait bien en votre présence plaisanta-t-il. Elle rit. S’il savait… Malfort descendit les escaliers et donna une légère tape sur l’épaule d’Alcide, tandis que ses yeux se posèrent sur les trois paniers de victuailles.

- C’est justement parce qu’il est extrêmement courtois que j’apprécie que vous en ayez fait le messager qui descend à ma ferme! Vous devriez prendre un petit pain, il est encore tout chaud!

- Vous nous gâtez, Madame! Je préfère patienter pour en profiter avec les gars, ce soir. Soldat, ne t’attarde pas trop, ta journée n’est pas finie ajouta-t-il à l’intention d’Alcide. Il lui fit un clin d’œil discret. Tu raccompagneras Madame Dumas avant de reprendre, une femme généreuse ne mérite pas de traverser les couloirs de la caserne seule. L’homme n’était probablement pas dupe, mais il avait la délicatesse de ne glisser aucun sous-entendu devant la fermière. Il lui donna une autre tape sur l’épaule, et hocha de la tête pour saluer Mathilde avant de tourner les talons, de remonter les marches et de quitter la cuisine en laissant la porte grande ouverte. Il n’était définitivement pas dupe.

Mathilde laissa échapper un soupire de soulagement en offrant à Alcide un regard complice. C’est passé proche… dit-elle avec un sourire amusé. J’espère que tu n’auras pas d’ennuis ajouta-t-elle, avant de s’appuyer à nouveau contre la table. Tu parlais d’un endroit à l’écart?
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MessageSujet: Re: [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va   [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va EmptySam 27 Juil 2019 - 10:07
Et dire qu'elle partirait bientôt... Mathilde, dont les mains glissèrent sur ses avant-bras, attirant leurs museaux l'un à l'autre pour qu'ils viennent à s'effleurer tendrement... Je n’ai plus envie que tu me vouvoies, Alcide, lui murmura-t-elle. Il se mordit la lippe, la chaleur de leur souffle s'entremêlant, le bout de son nez cajolant le sien quand il l'approcha de quelques centimètres de plus. Là, il refusait la fin du monde. Oh, il ne la déplorait pas. Non, il la refusait tout net, simplement. Catégorique, avec tous les damnés qu'elle contenait. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec eux, avec les morts, seraient-ils un million et lui tout seul ; c'est eux qui avaient tort. Lui, il ne voulait pas qu'elle meurt, et voulait vivre avec elle. Quitte à l'accompagner. Quitte à se faire mercenaire... cette idée folle.

Les paumes de la jeune femme longèrent les courbes saillantes de ses bras, encadrant doucement son visage qu'elle ceignit tendrement dans ses mains. Une caresse de l'être aimé qui l'apaisa, silencieusement. La chaleur de son souffle déposa sur sa peau un tendre soupir ; se disant que la pudeur et les convenances avaient trop longtemps retardé ce moment. Ce moment où ses lèvres trop asséchées par la soif d'une vie à deux approchaient l'intention, encore un peu, d'abord trompeuses, s'avançant sur sa bouche... Il va l'embrasser.

Il va l'embrasser, mais le monde était bourelle à bien l'observer, quand il se mettait à s'agiter comme le dormeur se retournait brutalement et qui dans son sommeil écrasait ses puces. Ce monde qui grouillait pouvait bien lui mettre un peu de vacarme, fidèle à lui-même, quand la poignée de la porte des cuisines s'abaissa soudain, l’entrebâillement de celle-ci grinçant doucement dans la pièce. T'es foutu! Alcide eut un sursaut, reculant vertement en arrière, laissant Mathilde bondir à son tour pour faire sitôt face aux légumes.

- … et si les oignons ne sont pas cuisinés ce soir, vous les mettrez au frais. Avez-vous une cave, ici ?
- Oh, ne vous en faites pas pour ça, madame Dumas. Nos cuisiniers ont l'habitude ; ils s'occuperont de tout comme il faut, j'en suis persuadé. Répondit-il, les poings fièrement posés sur les hanches, et le visage faussement concerné qui jouait la comédie.

C'était le vétéran Malfort qui entrait, toisant le simulacre d'une conversation entre le soldat et la fermière, tandis que l'homme venait constater le don qu'elle leur avait si généreusement fait. Le Lupin resta muet ; en retrait, puisqu'il était de notoriété que le Soldat laisse à parler son supérieur direct, s'interdisant de participer à la conversation. Ce qui en ajoutait à sa crédibilité, mais bien vite vint son air blasé... Parmi toutes ses expressions c'était encore celle qui était la plus convaincante. Elle lui était quasi-naturelle... Surtout quand il accueillit la tape du Coutillier sur son épaule, haussant légèrement un sourcil quant à savoir s'il se tenait convenablement avec la jeune Dumas. Lui montrant par là qu'il ne pouvait en être autrement, que c'était évident qu'il ne s'intéressait pas à la question. S'il savait...

- Soldat, ne t’attarde pas trop, ta journée n’est pas finie. Tu raccompagneras Madame Dumas avant de reprendre, une femme généreuse ne mérite pas de traverser les couloirs de la caserne seule. Et une tape sur l'épaule. Encore une ! Oh, merde. Si ça se trouve, le vétéran avait tout compris ! Alcide se tenait droit, écarquillant d'abord les yeux sous l'impact, mais rapidement ses traits se firent plus lisses lorsqu’ils plongeaient dans le malaise, son regard ne sachant plus où se mettre. - ... A vos ordres, Chef. Le borgne n'était pas dupe. Oh que non. Sa journée était loin d'être finie, elle ne faisait peut-être que commencer, car la dite tape survint peut-être, tout juste, pour le lui faire entendre comme un avertissement implicite.

L'homme disparu enfin lorsqu'il gravit une à une les marches de l'escalier, tout en prenant grand soin de laisser la porte grande ouverte. - C’est passé proche… Alcide mira Mathilde et pouffa un soupir de soulagement analogue avec le sien, lui rendant son regard complice par un autre, la petite ridule fendant sa joue en un demi-sourire. - De justesse... Le Lupin ignorait totalement s'il aurait des ennuis. Par contre, ça ne l'étonnerait pas...

- Tu parlais d’un endroit à l’écart ?
- Je vois que mademoiselle est intriguée. Et si tu te laissais surprendre pour une fois, mh ? Qu'est-ce que tu risque ? Il ne perdit pas son sourire. Il ne se trompa pas non plus de titre de civilité. Ce n'était pas par manque de respect, le timbre était d'ordinaire et naturel. C'était plutôt une autre façon de lui dire les choses, comme de voir en elle la célibataire qu'il tentait d'apprivoiser, et non plus la veuve endeuillée que les communs s'efforçaient de percevoir...

Probablement qu'il lui trottait une idée dans la tête, et que le jeu avait reprit. On ne savait trop quand, on ne savait trop où, se demandant si Rikni aurait un sourire si la fermière trébuchait sur la route. Sous le doux voile de son charme, le temps de l'entrevoir et de se murmurer en lui que c'est elle, Mathilde, la perdrait-il aussitôt ? Elle partirait bientôt, et qu'à cette fosse où la divinité la faisait descendre, elle ne lui rendrait plus ?

Il lui tendit alors délicatement sa main l'invitant à quitter le rebord de la table, pour enfin l’entraîner avec lui.

- T'as entendu Malfort, comme moi... Je ne peux pas m'attarder... Sinon, le connaissant, c'est sûr et certain qu'il me fera des ennuis. Soupira-t-il, l'air désolé.

Il la guida en direction des escaliers. Sûr que poursuivre leurs pas plus avant, ainsi main dans la main en paradant devant les miliciens, n'était pas du tout concevable... Et pourtant, l'encadrement de la porte approchait dangereusement, bientôt ils seraient découverts si quelqu'un jetait un œil hasardeux, en contre-bas, dans les cuisines...

- J'oubliais...

Le Lupin souleva soudain sa main, le geste entraînant la sienne, Mathilde se sentant alors vriller sur elle même comme une danseuse, la faisant tourner plus avant vers la porte ! Accompagnant la valse de son corps, la retenant d'un bras protecteur autour de sa taille, sa main libre amortissait le choc quand sa paume tapa à plat la parois, finissant enfin d'y déposer Mathilde maintenant plaquée dos au mur. Juste à côté de la sortie. Là, on ne les voyait plus. Là où si quelqu'un s'engageait dans l'escalier, ils l'entendraient venir.

Les braises dans le regard, il se mordit la lèvre, croquant sur tout ce qu'il refusait encore. Il savait qu'elle était une forme fragile, qu'elle pouvait dès l'instant se briser en éclat, mais... quel est l'amant qui osait prendre avec une femme les libertés que pratiquaient toutefois les maîtresses ? L'audace des baisers... Alcide osa, la tenant tout contre lui quand il se lança à la conquête de sa bouche, ses lèvres éperdues plongeant, happant les mignardises que suggéraient les siennes. Elles lui disaient, ses lèvres, comme était bon l'art du baiser. Elles lui apprenaient tout de la lenteur savante des lippes qui prolongeait leurs frôlements retardés, et de leur tendresse qui, délicatement, les unes dévorant les autres, se laissèrent prendre au ballet voluptueux des langues. Cette fois le monde, ce gros dormeur qui écrasait tout sur son passage, ne les empêcherait pas de se fondre en gourmandise. L'importun qui entrerait en soufflerait l'étincelle, comme l'intervention de Malfort, il lui ferait l'effet d'une terre que l'on hâtait du pieds, ou d'une pierre qu'on scellait sur le feu pour s'assurer que tout soit bien éteint. Les cieux devaient être bien mornes aujourd'hui... car les trois divins réunis étaient ici bas, âme et corps, dans la bouche de Mathilde...

Il écarta son visage avec langueur, se navrant de rompre le baiser pour laisser un peu de place à la retenue ;
- ... Tu seras au rendez-vous ?

Le corps du Lupin s'en détacha encore un peu ; elle n'avait plus qu'à le repousser pour s'enfuir ou le gifler. Ses yeux l'interrogeant encore, une nouvelle fois, s'agitant dans la noisette de ses iris.
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MessageSujet: Re: [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va   [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va EmptyDim 28 Juil 2019 - 17:11
Elle lui offrit une mine faussement boudeuse en réponse à sa proposition de se laisser surprendre. Intérieurement, elle jubilait. Une surprise, pour elle qui, depuis des mois, contrôlait absolument tous les aspects de sa vie. Chaque rouage, bien huilé, tournait pour en entraîner un autre, ce qui, au bout de la chaîne des engrenages, faisait en sorte que même lorsqu'un grain de poussière tentait de la dérégler, rien ne s'écroulait. Alcide était arrivé parmi les roues, lui avait offert sécurité et protection. Mais lorsque la tendresse s'était invitée dans cette relation naissante, il avait, de surprise en surprise, et à sa façon, modifié le chemin des rouages pour créer une nouvelle mécanique. La vie de Mathilde ne tournait plus uniquement autour de la ferme. Bien qu'elle y tienne encore le rôle principal, la ferme avait maintenant d'autres acteurs à ses côtés, et parmi eux, un mystérieux milicien bien décidé à faire sa place sur la grande scène du quotidien.

Sa moue mua en un sourire amusé. Alcide savait se montrer taquin, au point parfois d'être le plus effronté des deux. Le jeu, toujours lui, avait emmené Mathilde à le considérer autrement que comme un visiteur ou comme un ami. D'ailleurs, le milicien s'était toujours arrangé pour qu'elle ne le voit pas comme tel. Elle avait plongé tête baissée dans le défi, et s'y noyait maintenant avec brio, sous le regard d'un Alcide qui n'était pas dupe, et qui voyait la fermière baisser la garde, jour après jour, pour finalement être celle qui réclamait ce baiser tant espéré.

Le Lupin n'ajouta rien, si ce n'est qu'il ne voulait pas avoir d'ennuis. Elle ne voulait pas non plus qu'il en ait et qu'il se retrouve privé de ces précieuses heures dont ils profiteraient, ensemble, au début du mois qui arriverait bien trop lentement à son goût. Elle saisit sa cape de la main libre et se laissa guider, un peu à regrets, vers la sortie, caressant une dernière fois la main du milicien avant de regagner l'extérieur, et le monde des apparences qui savent si bien préserver les vertus et les secrets.

C'était trop bête. Les Trois avaient fait en sorte qu'ils ne restent pas seuls. L'épreuve de la patience n'avait-elle pas assez duré? La sentit-il réticente à passer la porte? Comprit-il qu'elle ne quitterait pas cette pièce sans avoir reçu ce qu'elle était venue chercher? Elle fut emportée par quelques pas de danse, qui la menèrent dans ses bras, dos à un mur qui protégeait, pour quelques secondes encore, leur secret. Les yeux du milicien brûlaient du désir de celui qui ne voulait plus attendre. Elle lui sourit. Pouvait-il cesser de mordiller cette lèvre inférieure qu'elle convoitait? Il se lança alors qu'elle allait l'attraper par le col pour l'attirer à elle. Elle retint son souffle.

Enfin les lèvres d'Alcide, avides et gourmandes, trouvèrent les siennes. Elle soupira de bien-être. La conquête était douce, chacun cherchant à prolonger cette première découverte, apprivoisant la bouche de l'autre pour mieux la découvrir. Bien que soigneusement coupée, la moustache qui lui chatouillait la peau arracha un sourire à Mathilde. Elle glissa sa main dans la nuque du milicien, l'incitant à ne pas rompre ce baiser enivrant, et se pressa un peu plus contre lui. Elle ne le repousserait pas. Tant pis pour les Trois, tant pis pour les conventions, tant pis pour les bien-pensants et les supérieurs hiérarchiques qui pourraient les surprendre. Sourire à la vie. Les lippes s'entrouvrirent, cédant la place aux langues aventureuses, dont le contact l'électrisa. Le ballet, sensuel, lui était aussi doux que du miel qu'elle aurait laissé fondre dans sa bouche. Mais déjà la conquête s'achevait. Les danseurs, dont le baiser scellait la promesse silencieuse d'un avenir à deux, se séparèrent.

Tu seras au rendez-vous? Elle le regarda, détaillant son visage qui paraissait un peu plus tendu, un peu incertain, malgré les flammes qu'elle lisait encore dans ses yeux. Les yeux verts-mousse d'Alcide. Il lui avait permis de tout y lire. La tendresse, la haine, la violence, le désespoir, l'espérance, l'amour, la pudeur, aussi. Elle semblait l'évaluer de ses prunelles pétillantes et fit une petite moue. Je ne peux pas résister à tes surprises lui murmura-t-elle, après un instant de silence. Elle lâcha sa cape et l'enlaça, l'obligeant à rompre la distance qu'il avait prise. Lupin, je me suis complètement laissée prendre à ton drôle de jeu, j'espère que tu ne m'en veux pas. Elle gloussa de rire et l'embrassa à nouveau, tendrement, cette fois. Le grand voyage l'enchantait un peu moins, mais la perspective des retrouvailles n'en serait que meilleure.

- Nous ne devrions plus trop tarder, hein? Malfort et Marguerite nous attendent. Elle chuchotait, le souffle court. C'était peut-être mieux ainsi. Se quitter avant d'éveiller un désir sourd, soigneusement enfoui jusqu'à ce qu'une main aventureuse ne décide de découvrir une parcelle de chair jusqu'ici pudiquement recouverte. L'image du milicien à demi-nu dans sa chaumière lui vint à l'esprit et la fit sourire. Elle aurait pu se jeter dans ses bras dès le premier jour.

Alcide fut le premier à se pencher pour ramasser la cape sur le sol, et la remettre à la fermière en esquissant l'un de ses terribles sourires en coin plein de malice. Il lui caressa une dernière fois le visage puis lui céda le passage pour remonter les marches et laisser leur secret, bien à l'abri entre ces quatre murs qui ne parleraient pas.

- Je passerai récupérer les paniers à mon retour dit-elle, alors qu'ils passaient devant les trois gaillards toujours postés dans le couloir. Alcide sur ses talons, elle donnait le change et remettait cette distance complètement artificielle entre eux. Il ne serait pas importuné. Pourriez-vous m'indiquer où votre collègue a emmené mon cheval? Ils avaient atteint la porte principal. Accompagne-moi, Alcide. Encore quelques instants, avant que je ne parte pour une trop longue semaine.
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MessageSujet: Re: [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va   [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va EmptyMar 30 Juil 2019 - 19:20
Je ne peux pas résister à tes surprises, lui murmura-t-elle. Alcide passait inspiré, entraîné, et ne l'arrêta surement pas pour jeter un regard craintif autour de lui. Les paupières closes, son nez se faufila doucement dans le cou de la jeune femme lorsqu'elle l'enlaça, appréciant son parfum naturel qu'elle offrit pour ses sens. Tout deux ne risquaient rien, ils entendraient venir la frimande qui déambulait là-haut, dans les couloirs. Le Lupin ne les voyait plus, de toute façon. Ils passaient déjà, ils étaient en rêve, dans le lointain, avec les autres. Il mirait le pétillement dans les yeux de Mathilde, avant qu'elle ne l'embrasse à nouveau, choyant tendrement ses lèvres. Comment pourrait-il lui en vouloir de se prendre au jeu ? C'était un espoir qui prenait forme et qui se concrétisait, c'était donc possible. Il lui sourit, trahissant tout de l'effervescence qu'elle provoquait en lui.

- Nous ne devrions plus trop tarder, hein ? Malfort et Marguerite nous attendent.
- Malheureusement... Chuchotait-il à son tour, avant de reprendre à voix basse en lui soutenant un tendre regard. - Ne nous reste plus qu'à décourager le monde qu'il s'occupe de nous... Comme nous l'avons toujours fait. Qu'il ne cherche pas à savoir si tout les deux nous avons tord ou raison ; ça ne regarde que nous.

Il opina une unique fois de la tête, l'air entendu. Ce qui se passait dans les cuisines restait dans les cuisines. Comme dans la chaumière ; rien n'en sortait. Le demi-sourire aux lèvres, il ramassait alors la cape de la fermière pour la lui remettre, accueillant la chaleur de sa main quand elle lui caressa la joue. Comme s'il s'agissait de l'ultime attention qu'il pouvait encore saisir, avant que tout deux ne gravirent les marches, puis défilèrent à tour de rôle et à nouveau devant les trois gaillards.

- Je passerai récupérer les paniers à mon retour.
- Entendu.

Ce sentiment de froideur, si soudaine. Le milicien se réduisait à l'état d'escorteur, le ton professionnel qu'il avait pour habitude de prendre devant les habitants qu'ils fussent nobles ou non. Lui manquait juste l'exaltation qu'il voulait exprimer pour Mathilde, et qu'il enfermait en lui-même, avec ce regret au bord du cœur d'avoir à nourrir de faux semblants devant la plèbe. Dans sa démarche, sa main posée au repos sur la garde de son épée se crispa un peu... Il fallait s'armer de patience. Au fond, si tout se passait sans encombre, ils auraient l'occasion de fêter son retour. Saine et sauve, il l'espérait. Les choses seraient différentes alors. Sans pouvoir vraiment se couper du monde, ils seraient au moins à l'écart, et profiteraient de quelques instants d'intimité pour exprimer ce qu'ils voudraient, et de la façon qui leur plaisait.

- Pourriez-vous m'indiquer où votre collègue a emmené mon cheval ?
- Mieux que ça, madame Dumas ; je vais vous y conduire. Il tâchait de contenir l'enthousiasme qui cherchait encore à déborder de son sourire, refermant un poing ceint de bandelettes devant sa bouche pour le dissimuler. Ne surtout pas en rajouter...

Une fois arrivés devant la porte ; un peu de savoir vivre. La galanterie voulait que l'homme passe le premier avant de laisser sortir une dame au dehors ; façon de s'assurer qu'elle ne risquait aucun danger. Heureusement, il fallait s'y attendre, il n'y vit rien à signaler aux alentours. S'y tenait seulement le milicien débraillé qui montait la garde, comme de coutume, la tête engouffrée dans un casque trop large pour lui, et s'étant assoupi à nouveau sur sa chaise. Le Lupin laissa donc passer Mathilde pour la laisser sortir à son tour.

- Par ici. Suivez-moi, je vous prie.

Il la guida courtoisement vers l'écurie de la caserne, offrant un salut d'une main joignant nonchalamment sa tempe à l'adresse d'un milicien croisé sur leur chemin. L'air de rien. Le temps pour lui de songer à ce qui avait éclos dans les cuisines. Et à qui rejoignait les rangs, et qui savait que la vie en communauté, à tout partager, donnait lieu à nombres de situations coquasses, tant elles pouvaient être ambiguës. La silhouette d'un avenir à deux se profilait dans l'ailleurs, à ses pensées, alors peut-être que pour s'assurer sa pérennité, désormais Alcide devrait être plus ferme que ce qu'il ne démontrait déjà avec toutes celles qui, depuis deux ans, portaient désormais l'épée. C'est l'âge qui venait peut-être avant l'heure, le traître. Ce besoin de clarté ; que tout soit limpide dès les premiers jours dans un monde qui s'occultait, et dans lequel les femmes et les hommes se côtoyaient d'avantage. Il ne pouvait être résolu qu'à moitié ; ça n'aurait aucun sens. Hors, du sens, c'était ce qu'il voulait. Un sens qu'il ne percevait qu'en Mathilde, comme aux premières heures de leur rencontre.

Arrivés à destination, Alcide laissa quelques regards pour le paysage. Aucune trace du palefrenier, mais des garçons d'écuries circulaient encore ci et là ; l'un poussant une brouette chargée de purin en direction du village, sans doute servirait-il à la plantation, tandis qu'un autre déchargeait un chariot de sa paille pour les empiler dans l'allée. En elle-même, l'écurie de la caserne d'Usson était somme toute rudimentaire. Un établit semblait suspendre les plates d'un caparaçon, ainsi que des sacs d'avoine cultivée et du foin disposés un peu partout dans un petit bâtiment comblé de box à chevaux, d'où dépassait de la demi-porte de l'un d'entre eux la tête de l'imposante Marguerite. Celle-ci était entourée de rares chevaux, bien que des plus fiers palefrois et destriers appartenant aux divers officiers locaux, ou à leur famille. Alcide s'approcha alors du box de la jument, pour en ouvrir délicatement la porte et s'y engouffrer.

- On le sait, qu'il l y a des rencontres qui sont vues comme des crimes. J'ignore si nous sommes concernés, mais quand certaines sont consacrées par les dogmes, il y en a d'autres qui valent peut-être autant qu'un larcin. Même quand il s'agirait juste... de t'embrasser... ça nous attirerait l’opprobre. Qui sait, le déshonneur, ou la honte.

C'était entendu de tous ; il ne lui apprenait rien, sinon ils ne joueraient pas la comédie au regard d'autrui. Même si les prêtres se faisaient pressant à son égard, courtiser, tourner tout autour, alors que tous la savaient en deuil, n'était pas bien vu dans les mœurs, mais... - Moi je n'ai pas honte ; je t'attendrais. Alors reviens moi vite, saine et sauve.

Ses doigts caressèrent, en un arc de cercle, la joue de Mathilde. Le bout de son index accompagnant le geste glissa sous son menton, comme pour l'inviter à le redresser un peu tandis qu'il l'enlaçait à son tour. Alors, sa bouche happa doucement la sienne pour y déposer un langoureux baiser, s'imprégnant une dernière fois de la pulpe de ses lèvres. Là, il aurait pu ajouter qu'il l'aimait, mais le moment n'était encore arrivé. Il aurait été mal venu.

Et comme pour le leur confirmer, le monde, encore lui, leur rappela qu'il ne fallait pas l'oublier, quand un bruit immonde de flatulence rompit soudain le silence ! La jument venait de lever la queue, déversant aux pieds de son train les boulettes de son crottin par cascade toute entière ! Un doux rire s'éleva alors... Celui d'Alcide, se balançant doucement avec Mathilde dans ses bras, comme d'un réconfort.

- J'aurai dû m'en douter. Merci, Marguerite. Fit-il, le ton ironique dans la voix et la petite ridule sur la joue.
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va   [Terminé][Usson] Un petit tour et puis s'en va EmptyMer 31 Juil 2019 - 18:13
Il lisait dans ses pensées, il n'y avait pas d'autre explication, sinon pourquoi l'accompagnerait-il jusqu'aux écuries? Elle ne put s'empêcher de laisser un Vous êtes bien aimable, Lupin, et galant avec ça! s'échapper de ses lèvres alors qu'ils passaient devant le garde en faction, assoupi sur sa chaise. Une chaise, pour monter la garde... Quelle idée! Si le sergent passait par là, il ne manquerait certainement pas d'y donner un grand coup de pied pour faire valdinguer l'homme qui ne remplissait pas sa mission. Et il l'aurait mérité. Ce n'était pas en dormant qu'on montait la garde, si longue soit-elle.

Elle se garda bien de prendre Alcide par le bras, bien que l'envie de partager une promenade avec lui soit bien présente à son esprit. Un moment de paix et d'insouciance, comme ils en avaient déjà connus. Peut-être était-ce cela qu'elle aimait de lui, cette facilité avec laquelle il lui faisait oublier la Fange, les dangers du quotidien et les inquiétudes pour ne se concentrer que sur le moment présent qu'ils partageaient dans le plus grand secret. Le monde réel s'éclipsait face à lui, et il ne subsistait que cette bulle, paisible et savoureuse, qui les enveloppait. Elle se laissa guider, gardant cette distance raisonnable et bien commode qui ne laisse place à aucune question indiscrète. Pourtant, pouvaient-ils réellement tromper les plus curieux d'entre eux? On savait qu'elle avait demandé à ce qu'il soit son émissaire, on savait qu'il l'avait tirée d'un mauvais pas, on savait aussi qu'il quittait la caserne, parfois, pour profiter d'une permission et prendre la direction de sa ferme. On l'avait vu s'asseoir près d'elle alors que son pain cuisait dans le four public d'Usson. Mis bout à bout, ces indices étaient autant de preuves d'une relation naissante.

L'odeur caractéristique qui flottait dans l'air lui indiqua qu'ils arrivaient aux écuries. Perdue dans ses pensées, elle faillit entrer en collision avec la brouette de fumier que poussait un jeune homme auquel elle présenta ses excuses. Il travaillait, elle rêvassait, c'était à elle de faire attention pour ne pas importuner les gens dans leurs corvées. Quelques pas de plus et ils pénétraient dans l'écurie qui rassemblait les box des chevaux, où Marguerite avait été installée, encore harnachée, pour son plus grand déplaisir, elle qui passait ses journées à l'extérieur. Mathilde entra dans le box et caressa l'encolure de sa jument pour la rassurer.

- Ça ne sera pas long, ma toute belle. Tu reconnais Alcide? Tu risques de le voir un peu plus souvent à la maison...

Elle sourit au milicien qui était entré dans le box, lui aussi. Moi je n'ai pas honte ; je t'attendrai. Elle le regarda un instant en silence, le temps de bien assimiler ce qu'il avait dit. Courtiser une veuve, c'était effectivement mal vu pour nombre de gens. Pourtant, elle ne portait plus de vêtement de deuil depuis un moment déjà. Elle n'avait simplement jamais pris le temps de demander à être libérée de son veuvage. Elle n'en avait jamais vu l'intérêt, en réalité, puisqu'il lui était plutôt confortable de prétexter sa grande peine pour son défunt mari afin d'esquiver les soupirants potentiels.

- Je n'ai pas de famille à déshonorer, et personne qui me dise que ce que je fais n'est pas correct. Je vis, Alcide. Et j'ai la chance d'avoir croisé un homme honnête, drôle, bon, patient et attentionné avec moi. De quoi aurais-je honte? D'avoir envie d'être avec toi? Eh bien je te le dis, je te choisis, Alcide Lupin. Je serai bientôt de retour, saine et sauve, alors t'as intérêt à m'attendre! Son visage, on ne peut plus sérieux, s'illumina d'un sourire. Il caressa son visage dans un geste d'au revoir. Elle releva légèrement le menton pour accueillir un dernier baiser de son compagnon. Elle sentit ses joues s'empourprer. Mon compagnon. Cette fois, elle ne lâcha pas sa cape, mais se blottit contre lui pour finir par éclater de rire lorsque Marguerite se chargea de couronner bruyamment leurs adieux.

- Jalouse, va! gloussa-t-elle, en se laissant bercer, un instant encore, par Alcide. Elle soupira. C'était une façon pour Marguerite de marquer son impatience, sans doute. La fermière se détacha à regrets des bras protecteurs qui l'enserraient, et fit une petite moue. J'ai encore un arrêt à faire. Avec un peu de chance, j'aurai une surprise pour toi à mon retour. Elle battit des cils et lui offrit son sourire le plus énigmatique, avant de saisir la jument par la longe pour sortir du box avec elle. Quelques pas plus tard, elles étaient dehors, les yeux plissés à cause de la lumière presque aveuglante qui tranchait avec la semi-pénombre du bâtiment.

Mathilde déposa sa cape sur le dos de la jument, pour ensuite monter en selle. Il y avait encore du monde dans la cour, et même si personne ne faisait attention à eux, elle ne lui offrit qu'un discret sourire avant de murmurer A bientôt, Alcide. Elle déplia la cape pour la déposer sur ses épaules avant d'émettre un Huuu grave, destiné à faire avancer la jument. Elle eut un dernier regard pour Alcide, tandis que la jument l'emmenait vers une dernière étape, le Temple d'Usson, où elle demanderait à être déliée de son veuvage. Ensuite, elle partirait à l'aventure, pour la semaine la plus terrifiante de sa vie. Mais ça, elle ne le savait pas encore...
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