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 [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)

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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptyJeu 8 Aoû 2019 - 20:27
Mi-juillet 1166
Plateau du Labret - Usson


- Victor de Rougelac a prévu de te rendre visite la semaine prochaine, et souhaite rencontrer la fermière recrutée par l'Ordre pour quelques menus services, alors ne t'éloigne pas trop de la ferme.

C'était en ces mots que le messager avait annoncé à Mathilde la visite la plus improbable de l'histoire du Labret. Victor de Rougelac, noble mondain versé dans la luxure et les magouilles les plus douteuses, quittait le confort des manoirs de l'Esplanade, prenait la route la plus dangereuse qui soit et s'en viendrait fouler, de ses nobles pieds, le sol boueux du Labret. La fermière avait levé les yeux au ciel. Un autre noble sur ses terres. Sérieusement?

Mathilde n'avait jamais aimé les nobles. C'était héréditaire. Son père lui avait dit de s'en méfier et les avait toujours dépeints comme des gens peu honnêtes, navigant dans un monde gouverné par la Manipulation et la Traîtrise. Elle n'avait jamais mis les pieds dans ce monde qui lui était diamétralement opposé, jusqu'à ce qu'un jour, ce soit un noble qui lui rendît visite pour la recruter au nom d'un Ordre dont elle n'avait jamais entendu parler. La mission était belle, mais ceux qui dirigeaient cette organisation l'avait complètement ignorée, jusqu'à ce que, inconfortable au milieu de gens dont elle ne saisissait ni les codes ni les comportement, elle s'enfuit. Ce n'est qu'à force de discussions, au milieu d'une cuisine encore animée, qu'elle avait accepté de lier son destin à celui de l'Ordre. Et depuis, les nobles faisaient régulièrement irruption dans sa vie, sans qu'elle ne sache quelle attitude adopter avec eux.


***


La vie à la ferme Dumas suivait son cours. La rotation des cultures allait bon train. Les légumes envoyés vers Marbrume partaient à une cadence régulière, dans des volumes satisfaisants. Jusqu'ici, l'été avait été favorable. Serus avait accordé au Labret un temps parfait, tantôt ensoleillé, tantôt pluvieux, suffisamment équilibré pour satisfaire les cultures et ceux qui y travaillaient. Ils n'étaient plus que quatre à travailler dans les champs. Le cinquième apprenti avait été blessé, quelques semaines auparavant, dans un accident durant le transport des victuailles vers Usson.

Cette journée de juillet était parfaite. Le ciel était d'un bleu profond. La clarté de l'air rendait perceptible le moindre détail qui se découpait dans l'horizon. La route était dégagée, le soleil était chaud, la brise légère. Comme chaque semaine, Mathilde se trouvait à Usson pour y cuir ses pains au four commun. De quoi nourrir ses gars, pour quelques jours. Elle retournerait par la suite à la ferme pour préparer le dons que la milice embarquerait lors de la prochaine ronde, le lendemain. Après quelques corvées vite expédiées, elle ferait ce pour quoi ce jour de repos était fait : se reposer.

C'était sans compter sur l'agitation qui se fit entendre, un peu plus loin. Un noble! Un noble! cria un gamin en traversant la petite place. Non pas qu'on n'en voyait jamais au Labret, après tout Alexandre de Terresang et Aymeric de Beauharnais avaient chacun leur résidence dans les environs d'Usson, mais l'arrivée en grandes pompes du Comte de Rougelac aux portes de la bourgade avait fait son effet sur les habitants dont le quotidien venait d'être perturbé par un petit événement. L'on se pencha aux fenêtres pour mieux contempler les étoffes dont il était paré, l'on sortit dans la rue pour espérer recevoir une piécette lancée, l'on se recoiffa en espérant attirer l'oeil du noble.

Le brouhaha parvint aux oreilles de Mathilde, qui devisait avec d'autres femmes en attendant la fin de la cuisson des pains, qui prendrait encore un moment. Le gamin ne parlait pas du Comte de Beauharnais. Il parlait du Comte de Rougelac dont l'arrivée lui avait été annoncée. Elle ferma les yeux. La poisse! Elle avait oublié.

Mathilde se leva, défroissa rapidement sa robe du plat des mains et s'en alla à la rencontre du noble, dont elle voyait déjà l'ombre se profiler, à cheval, entourée de son escorte. Si les passants s'écartaient sur son chemin, la fermière, elle, resta au milieu de la route jusqu'à ce que la monture s'immobilise. Elle improvisa une révérence d'une inélégance folle, typique de celles qui n'avaient jamais appris à en faire, avant de s'annoncer.

- Bonjour mess... monseigneur. Mathilde Dumas. Bienvenue à Usson! J'espère que vous avez fait bon voyage.

La tête légèrement inclinée, elle ne le regarderait dans les yeux qu'une fois qu'il aurait daigné lui adresser la parole. Parce que tout de même, à force de traîner avec Alexandre et Aymeric, elle avait tout de même saisi deux ou trois petites choses sur les attitudes à adopter.


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Victor de RougelacGouverneur de Sombrebois
Victor de Rougelac



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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptySam 10 Aoû 2019 - 9:51
Sa longue période de convalescence s'en était allée pour le Comte de Rougelac et le revoilà de retour aux affaires. Des affaires qu'il fallait avouer centré sur le vaste projet de réhabilitation du Bourg de Sombrebois. Le mur d'enceinte venait d'être achevé et les premiers bâtisseurs commençaient à arriver au compte goutte pour s'offrir le luxe de remettre sur pied quelque demeures en ruines. Il était temps pour le Gouverneur de Sombrebois de penser à "long terme" et comme il l'avait évoqué auprès du Baron Hector tout comme il en avait fait l'aveux chez la Maitre couturière, Aelys de Beauval, cela passait donc par l'obtention de quelques menues alliances commerciales auprès du Labret afin de subvenir au besoin de la future communauté Sombreboisienne.

Les ragots se propageaient comme une trainée de poudre, ainsi n'eut il guère à eut besoin de prospecter et se forger une appréciation sur les candidats potentiels, qu'on lui avait déjà soumis à l'oreille le nom de Dumas, une fermière qui s'était affiliée il y a de cela déjà quelques mois avec l'Ordre tenue par son Beau-frère par alliance en la personne d'Alexandre de Terresang. Évidemment la bougresse était une femme de basse naissance et elle n'aurait su déchiffrer quelques lettres ou missives, ainsi, Victor avait mander une semaine plus tôt un coursier pour faire part de sa prochaine visite.

Ce fut donc après avoir quitté son Manoir pour rejoindre Sombrebois et y passer quelques jours, qu'il prit la route du Labret et tout particulièrement d'Usson, où résidait son potentiel partenaire. Pour l'occasion et comme cela fut évoqué avec demoiselle de Beauval "Quant à la chaleur qui ne tardera pas à s'installer ensuite, je vous suggère une tenue claire qui éblouira vos rivaux et ravira les prunelles de votre promise. Nul doute que vous ferez des envieux." , le mondain choisit d'arborer une riche tenue confectionnée par cette dernière comprenant une surcot ainsi qu'une cape bleue claire. Le voyage allait être dangereux, la Fange plus présente que jamais, preuve en fut fin avril durant les sombres heures succédant le sacrement du Roi, alors, Rougelac s'entoura d'une escorte de trois hommes.

Grâce aux Trois, rien ne détourna le Gouverneur de Sombrebois de sa destination qui arriva à Usson, une arrivée naturellement remarquée par la populace locale. Au trot, il tira finalement sur les rennes de sa monture pour que l'équidé ne progresse à présent qu'à pas lent, permettant ainsi au noble de profiter de la vue des nombreux curieux. Se rapprocher du peuple, gagner sa sympathie faisait depuis quelques mois parti également des objectifs du mondain qui alors, de temps à autre plongeait sa main dans une petite bourse pour y saisir quelques piécettes qu'il lançait au gré de la petite foule qui s'amassait et le suivait pour certain comme s'il s'agissait d'un animal de foire.

Ses hommes de mains assuraient discrètement la protection de leur seigneur et n'hésitaient pas à refouler quelques badauds trop curieux. Victor ne manqua d'offrir un léger sourire accompagné d'un clin d'oeil à deux jeunes femmes, probablement deux sœurs, qui finissait de se coiffer à un balcon, offrant quelques agréable pensées au Comte de trousser la gueuse, les gueuses ! Mais revenons à nos moutons et d'ailleurs, n'eut il point eut besoin de le faire en secouant la tête ou se pinçant l'arrière train qu'une femme fit obstacle à sa progression et celle de son escorte.

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La Veuve Dumas ne le savais point mais elle aurait pu jouer certainement dans une pièce de théâtre ou dans une représentation de saltimbanque pour sa somptueuse et maladroite révérence qui provoqua un sourire moqueur retenue de la part de Rougelac. Mathilde ne put évidemment le constater puisqu'elle évitait bien de poser son regard sur le noble. Au moins, la fermière prouvait qu'elle faisait bien des efforts pour accueillir un individu de haute lignée, il fallait lui accorder cela.

Il approcha sa monture si prêt qu'un sabot ne se trouvait qu'à quelques centimètres d'un des pieds de la donzelle. L'odeur désagréable qui piquait son nez émanait-elle de la Veuve Dumas ou était ce là ce que l'on respirait quotidiennement au Labret. Apres un court silence et pendant que ses hommes se déployaient autour du noble, Victor prit la parole.

- Très bon voyage, je vous remercie de vous en soucier. Vous semblez avoir apprit de biens honorable marque de courtoisie, cela vous rend honneur, Veuve Dumas.

Doit-il le menton légèrement relevé, la toisant sans la moindre marque de méprit mais plutôt avec le sentiment d'un respect à nourrir. La gueuse était loin d'être un laideron, assurément, mais sa venue était d'ordre commerciale, il ne fallait donc réaliser nul impair au risque de repartir bredouille. Mais assurément, il profiterait aussi de ce séjour pour retrouver son amante, la prêtresse de la Broye.

- Je pensais vous trouver sur vos terres, madame. Est ce là un accueil fort appréciable dans les ruelles d'Usson. Dois-je demander à l'un de mes hommes de vous prendre en scelle ou aviez-vous quelques affaires à terminer avant de me faire l'honneur de votre agréable compagnie ?

Courtois, baigné dans l'art de l'étiquette, le mondain se montrait flatteur et respectueux, surtout qu'il faisait face à une assemblée de curieux qui ne manquerait pas de juger de sa prestation et diffuser quelques rumeurs en bien ou en mal sur sa personne.
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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptySam 10 Aoû 2019 - 17:11
Mathilde redressa la tête et caressa l'encolure du cheval qui s'était arrêté pile devant elle. Une belle bête, taillée pour la route plutôt que pour le travail, à n'en pas douter. Complètement inutile, donc, au Labret, mais enfin... une belle bête.

Vous semblez avoir apprit de biens honorable marque de courtoisie, cela vous rend honneur, Veuve Dumas.

Mathilde sourit et posa finalement son regard sur le Comte. Elle ne manqua pas, naturellement, de remarquer les étoffes bien plus nobles que celles dont elle était vêtue, et les couleurs d'une clarté typique de ceux qui avaient la possibilité de se changer trois ou quatre fois par jour. Mathilde, comme bien des paysans, préférait au quotidien le brun qui masque les taches dues aux journées de labeur. En de rares exceptions, comme lors des journées de repos sur la ferme, elle adoptait une tenue plus pratique, et moins conventionnelle qui, au début, avait fait beaucoup parlé d'elle à Usson. Lorsqu'elle montait en selle, la fermière prenait soin de revêtir, comme aujourd'hui, un pantalon par-dessus lequel elle enfilait une jupe de monte, fendue depuis les hanches jusqu'aux pieds. Sa tenue était complétée par une chemise ample, ceinte d'un large morceau de tissu vert émeraude qui faisait office, avec une certaine élégance, de ceinture. Ainsi, une fois par semaine environ, la fermière faisait preuve d'une certaine forme de coquetterie.

- J'ai bien peur que mon apprentissage ne se limite qu'à une révérence maladroite messire. Il faut dire que c'est un boiteux qui me l'a apprise, cela ne permet pas d'intégrer la grâce des dames de la cour à l'exercice. J'espère que vous aurez la délicatesse d'excuser mes manières de paysannes, si celles-ci vous déplaisent, ou mieux, que vous saurez les courriger avec courtoisie. Après tout, il n'est jamais trop tard pour apprendre.

Aviez-vous quelques affaires à terminer avant de me faire l'honneur de votre agréable compagnie? Elle hocha de la tête. Quelques affaires, c'était peu dire. La cuisson des pains venait de commencer, et il était hors de question qu'elle les abandonne pour rentrer à la ferme. Quelque part, ça l'arrangeait. La perspective de devoir accueillir un noble et son escorte ne l'enchantait guère, en ces temps où elle épargnait plus que jamais les provisions.

- Monseigneur, il s'avère que votre messager n'a pas été précis quant au jour de votre arrivée. Pour être tout à fait honnête, je m'attendais à ce que quelqu'un vous devance pour vous annoncer. Je viens d'enfourner des pains qui vont prendre un peu de temps à cuire, alors si vous le voulez bien, peut-être pourrions-nous profiter d'une table accueillante à l'auberge où vous pourrez lever le mystère qui plane autour de votre visite?

Elle indiqua une direction au mercenaire le plus proche d'elle. Un homme un peu trop odorant à son goût, à moins que la route n'ait provoqué, chez le Comte lui-même, une montée de sueurs. Pourtant, le temps n'était ni trop chaud ni trop frais.

- Il y a une petite écurie à quelques pas d'ici. Orientez-vous à l'odeur. Les chevaux y sont toujours bien traités et bouchonnés avec soin. Et tu verras à quel point ta belle monture passe pour un poney à côté de la mienne... songea-t-elle, avec un sourire malicieux aux lèvres. Marguerite, son imposant cheval de trait, était une habituée de la place.

La fermière reporta son attention sur le Comte, qui semblait accepter l'idée de mettre pied à terre ici plutôt que dans sa ferme. Elle recula d'un pas, laissant le cheval du noble suivre l'homme qui en avait saisi les rênes, et invita le Comte à la suivre à travers la place pour rejoindre, à un pas adapté à celui de l'homme qui semblait avoir besoin de se délier les jambes, l'auberge d'Usson.

- Ce sera Dame Dumas, monseigneur, j'ai été déliée de mon veuvage il y a plusieurs semaines de cela. Et puis je trouve que "veuve" a un quelque chose de mystérieux que ne me plait que moyennement. Elle rit. Le mot veuve avait quelque chose de triste, il impliquait une situation dramatique dans laquelle elle ne se trouvait plus.

Dame. Libre de ses faits et gestes, sans époux pour lui dire quoi faire ou quoi dire, comme en témoignait sa main dénuée d'anneau. Mais très officieusement bien accompagnée par un milicien avec lequel elle ne se cachait plus, lorsqu'ils se retrouvaient dans les rues d'Usson.

Tout en marchant, Mathilde se remémora le peu de choses qu'elle savait de Rougelac. Un noble de l'Esplanade, allié à de Terresang, maître de l'Ordre, mais aussi à son rival, de Sombrebois. Il était soit un homme qui cherchait à faire le pont entre deux rivalités pour pacifier les relations, soit un sale opportuniste. La deuxième option collait naturellement plus à l'image qu'elle se faisait de la noblesse. On lui avait parlé aussi de son rôle, minime, lors de l'invasion. Minime, mais au moins n'avait-il pas fui avant d'être gravement blessé. C'était un point positif pour lui. Un tout petit point.


Dernière édition par Mathilde le Dim 25 Aoû 2019 - 3:55, édité 1 fois
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Victor de RougelacGouverneur de Sombrebois
Victor de Rougelac



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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptyDim 11 Aoû 2019 - 13:15
Si la gueuse, pardon, la fermière, tentait de faire bonne figure devant le noble mondain et ce malgré une maladresse criante, il fallait lui concéder ces efforts. Meme vestimentairement, si elle était bien loin de rivaliser avec quelques petites pucelles de la Haute, ses haillons modestes étaient rehaussés de quelques notes de goût qui ne passèrent pas inaperçu au regard averti d'un des fleurons de la luxure, ou ex fleuron puisque Victor cherchait à se défaire de cette réputation depuis quelques temps déjà. Aux remarques de Mathilde qui s'en suivirent, le Gouverneur de Sombrebois usa d'un geste ample de la main droite pour faire taire tout sentiment de déplaisir, alliant ensuite la parole au geste.

- Cela est un fait mais j'imagine que vos desseins ne sont point d'intégrer quelconque Cours si je ne m'abuse ? Cependant, je vous prend au mot et me montrerait précepteur de vos manières mondaines si cela vous sied. En tout cas, nul pardon ne vous sera donné puisque nulle excuse à me formuler.

Courtois, il savait que sa proposition resterait lettre morte, s'agissait-il d'une simple formulation d'usage. Se faisant la fermière avoua sans peine être surpris par la venue impromptue du noble n'ayant pas eut l'idée d'avertir de son arrivée et ainsi la prendre de court la Veuve Dumas (que cela en déplaisir) en pleine affaire de cuisson de pain. Se fendant alors d'un sourire espiègle, le Comte de Rougelac expliqua en retour l'absence d'éclaireur.

- Pour tout vous dire, je préfère ne point me faire annoncer. C'est ainsi que l'on découvre les gens par leur vraie valeur sans que quelques artifices ne masquent la réalité.

Qu'a cela ne tienne, Victor mettrait donc pied à terre à Usson et non sur les terres Dumas mais hélas pour cette dernière, elle n'aurait pas encore le plaisir de voir son noble invitée se voir impressionné par son cheval de traite puisqu'il confia son destrier à l'un de ses homme d'arme. Il était donc temps de se dégourdir un peu les jambes sous le regard de quelques curieux toujours présent pour profiter de ce spectacle rare, d'ailleurs, les deux sœurs qui venaient de parfaire leur couffure à un balcon quelques instant plus tôt s'étaient rendues sur la Place et gloussaient volontiers au passage du Comte qui se laissait volontiers guider par Dame Dumas.

Préférant régler sur le champs un détails d'usage quand à sa condition de femme, Mathilde pu entraîner avec elle le sang bleu dans un rire entendu mais non moins respectueux.

- Qu'il en soit ainsi, Dame Dumas. Mais pour tout vous dire, je trouve que ce terme a un parfum mystique tout autant qu'il insuffle le mystère. Mais je respecte votre choix et ne commettrait plus d'impair à votre égare.

Que pouvait bien penser Mathilde a son endroit ? Il ne le savait point mais en fin limier de la nature humaine, il obtiendrait tôt ou tard des réponses à ce sujet. Ils n'étaient à présent plus qu'à quelques mètres de l'établissement et si ces bottes seraient définitivement bonnes à laisser aux bon soin du domestique et protégé de son épouse, le jeune Robin, il n'en exprima nul malaise, après tout, depuis qu'il avait fait le choix d'investir à Sombrebois, il savait devoir se familiariser a la boue et les odeurs dans lequel baignait le Bas Peuple.

- Permettez que je vous offre la pitance. Pour le reste, vous imaginez bien que je ne vous ai point sollicité pour parler de la pluie et du beau temps. L' on vous a recommandé à mon oreille et je suis ici pour parler commerce...

Il tourna la tête pour passer un instant son attention derrière lui. Si l'un de ses homme de main était resté en retrait pour servir d'escorte discrète, les deux poules de basses cours semblaient suivre le duo et adresser au Comte quelques clin d'oeil aguicheur. Discrètement, il vint murmurer à l'oreille de Mathilde.

- Connaissez-vous ces deux jeunes femmes qui nous suivent ? Aurais-je dû me montrer plus généreux en piécettes, elle semble en vouloir à ma bourse... a votre avis?

Fini t il sur un ton plus léger avant de reporter son attention sur la fermière et lui ouvrir la porte pour la laisser entrer avec galanterie. Ce n'était apres tout pas parceque l'on etzir face à un environnement sans manière que l'on devait soit même les oublier après tout ?
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Mathilde VortigernFermière
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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptyMer 14 Aoû 2019 - 17:38
Pour tout vous dire, je préfère ne point me faire annoncer. C'est ainsi que l'on découvre les gens par leur vraie valeur sans que quelques artifices ne masquent la réalité.

Elle l'avait regardé de haut en bas et n'avait pu contenir une petite moue amusée, tout en entendant les gloussements provocateurs de deux filles, de toute évidence prêtes à tout pour obtenir une rencontre avec le Comte.

- A en juger par votre tenue, votre demi sourire et l'étincelle de fierté qui brille dans vos yeux, je dirais plutôt que vous voulez être sûr de vous présenter sous votre meilleur jour avait-elle lancé, fort peu dupe de ce beau parleur. Elle détestait les excès de miel dans les paroles de ceux qui avaient quelque chose à demander. Par tous les Dieux, qu'avait-elle bien pu faire pour mériter pareille épreuve? Elle tâcherait de faire bonne figure.

Elle se faufila à l'intérieur de l'auberge, bien que l'étiquette eut voulu que ce soit elle qui lui ouvre la porte. Elle apprécia néanmoins le geste, au moins faisait-il un effort pour ne pas paraître trop sang-bleu au milieu de la populace. Elle fit un signe discret à l'aubergiste, un homme bedonnant qui s'empressa de les accueillir avec moult révérences encore plus maladroites que celle de la fermière avant de les installer à une table tranquille, presque propre, vis-à-vis d'une fenêtre. Il se saisit de la serviette qui était posée sur son épaule pour essuyer la table et en chasser les dernières miettes qui traînaient là depuis peut-être plusieurs jours. Tandis qu'il s'activait, Mathilde, qui se tenait légèrement derrière l'épaule gauche le noble, se pencha pour murmurer.

- Les soeurs Duclos. Il y a fort à parier qu'elles en veuillent à votre bourse, monseigneur. A vos bourses, plus précisément, mais si je me fie aux on-dits, m'est avis que vous devriez les garder bien au chaud si vous voulez éviter de revenir avec de curieux animaux de compagnie. Son sourire s'étira malicieusement. Les Duclos espéraient sans doute une récompense à la hauteur de leur beauté, mais en réalité, elles étaient aussi pures que l'oiseau qui vient de naître, et la perspective qu'un oiseau de proie comme le Comte y pose ses serres n'enchantait pas la fermière, qui préférait les protéger d'un prédateur dont la réputation n'était plus à faire.

La table propre, Mathilde ne prit place qu'une fois que Rougelac le lui permit, d'un élégant geste de la main. Replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille, elle regarda l'aubergiste repousser la serveuse vers d'autres clients. De toute évidence, l'homme espérait se faire remarquer, quitte à se montrer désagréable avec le reste du monde. La maraîchère roula des yeux. Le comportement des êtres humains, lorsqu'ils étaient en présence de quelqu'un issu d'un rang dit supérieur, avait quelque chose de dramatiquement ridicule. Elle reporta son attention sur le noble, et haussa les épaules, avec un air qui trahissait son impuissance face aux maladresses du tenancier. Elle murmura, sur le ton de la confidence.

- Pardonnez-le, monseigneur. Usson n'a pas encore l'habitude de recevoir. Les quelques nobles qui se sont installés ici ont opté pour une attitude plus humble que la vôtre. Ils ne font pas étalage de leur rang. Enfin... tant qu'on les respecte. De Beauharnais est assez noble, quand on a le malheur de le vexer. Elle n'en dirait pas plus à ce sujet.

Elle fit signe à l'aubergiste d'approcher. Celui-ci épongea son front couvert de sueur avant de s'encourir, manquant de renverser une chaise au passage. Mathilde l'accueillit avec un regard bienveillant et posa sa main sur son avant-bras pour le calmer. Un Tourbechai pour monseigneur. Une bouteille d'avant la Fange. Et un lait de chèvre pour moi. Coupe quelques tranches de pain, agrémente-les de ton pâté maison, c'est le meilleur de la région. Braise quelques légumes racines avec un peu de beurre, sans les découper. Et reviens-nous avec le tout. Ça sera parfait, Gaspard. Le visage rougi par les émotions, l'aubergiste attendit la confirmation de Rougelac avant de s'éclipser à pas pressés vers la cuisine, d'où sortit, la seconde d'après, un grand fracas. Mathilde soupira. Comment pouvait-on se mettre dans cet état devant un homme, si bien habillé soit-il?

- Vous excuserez mon initiative, mais vu sa réaction à votre arrivée, il valait mieux être directif et ne pas l'entraîner dans de grands projets qui auraient sans doute finis par brûler. Vous n'aimez pas manger des mets carbonisés, n'est-ce pas? Elle rit doucement avant de caler son dos contre le dossier de sa chaise. Commerce, vous disiez? Je suis à votre écoute, monseigneur.
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Victor de RougelacGouverneur de Sombrebois
Victor de Rougelac



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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptyJeu 15 Aoû 2019 - 13:16
Arborant une moue révélatrice, Mathilde joignit à nouveau la verbe aux gestes non sans quelque peu rectifier les dires de son interlocuteur. Si elle n'avait pas tord, la fermière n'avait pas non plus totalement raison en se fourvoyant sur l'aspect beau parleur du mondain qui l'accompagnait à une table devant l'attitude presque totalement burlesque du tenancier de l'établissement.

- Votre jugement tendra à s'affiner ma chère...

Lâcha-t-il simplement, peu désireux de rentrer dans quelque débats stériles. Il avait bien entendu capté les gloussements des deux sœurs et ne tarda d'ailleurs pas à en apprendre plus sur ces dernières par le biais de la Veuve Dumas. Sans grande surprise, l'aveux que les sœurs Duclos lorgnaient sur les bourses du Gouverneur de Sombrebois le fit sourire, un sourire s'étirant d'avantage devant les avertissements de Mathilde. Victor n'était pas de ces hommes à croire sur parole, surtout pas venant d'une femme, généralement de nature capable à manipuler, son expérience de la Haute l'incitant à prendre avec des pincettes cette histoire de petites bêtes indésirables. Ainsi, se penchant à son tour, de Rougelac répliqua dans un murmure.

- Je préfère resté juge de cela... tout comme vous semblez juge de mon attitude... sommes toute peu humble...


Doit-il alors que la table était effectivement débarrassée de tout vestige d'une précédente occupation et que sa comparse s'était installée après qu'il l'ai invité à le faire. Évidemment, le comportement pathétique de l'aubergiste ne reçu le moindre écho, la moins attention du sang bleu qui n'avait pas daigné apporter la moindre réponse au haussement d'épaule de Mathilde. Laissant alors la fermière s'offrir le luxe de vêtir la tenue de maître d'orchestre face au tenancier, Victor ne manqua l'occasion de l'observer et déjà de se forger quelques avis sur la personne, des avis qu'il aura tôt fait d'affiner à mesure qu'il passerait du temps à Usson.

La commande semblait en tour point appétissante et plus encore après un si long voyage où la seule nourriture résidait en quelques bouts de viande séchés. Naturellement, Victor posa son regard sur l'aubergiste et sans mot dire, acquiesça d'un hochement de tête approbateur avant de rapidement retrouver sur son champ de vision le minois de sa possible partenaire d'affaire qui semblait déjà s'excuser de son comportement directif. Riant de bon cœur à sa boutade, il regagna rapidement de son sérieux lorsque la femme du terroir local eût soudain envie de connaitre les intentions de son comparse de tablée.

- Avant de m'entretenir sur ce sujet, j'aimerais être totalement transparent avec vous quitte à ce que cela vous déplaise. Je crois connaitre certains de ces nobles celui que vous évoquiez ne me tient guère en estime et cela est réciproque, quant à votre partenaire commercial, le Vicomte de Terresang, il se trouve être mon beau-frère par alliance. Et je vais vous l'accorder, tout deux peuvent paraître humble mais seulement parce qu'ils préfèrent de loin montrer leur talent à la brette que s'afficher dans les quelques cercles mondains de la Haute. Ce n'est donc point volontaire de leur part, voyez-vous.

Prenant un temps de pause dans sa petite prestation qui n'avait pour objectifs de mettre quelque peu au parfum l'ignorante fermière, il rajouta.

- Vous ne pouviez le savoir et je ne vous en tiens nullement rigueur. Quelque fois, faire étalage avec doigté de son rang, n'a pas que de mauvais côté. Avez vous ou constater les sourires et la bonne humeur des gens sur mon passage ? Leur offrir un peu de rêve nourrit l'espoir. Tenez moi pour arrogant si cela vous plaît, vous comprendrez le moment venu.

Il passa alors sa tête au dessus de son épaule pour constater que les sœurs Duclos avait prit possession d'une table non loin, gloussant de plus bel lorsque le regard azur du mondain les lorgna discrètement. Il haleta alors une serveuse qui passait par là.

- Servez à ces deux damoiselles la boisson de leur choix et retenez cela sur ma note.

Il glissa son regard vers la fermière, une lumière taquine brillant dans ses prunelles pour ensuite rajouter avec plus de sérieux.

- J'imagine que votre ferme ne pourra accueillir ma personne ainsi que mon escorte ? Si tel n'est pas le cas... il se retourna vers la serveuse. Réservez moi deux chambres.

Tout cela restait à conclure sous condition d'une réponse positive ou négative de la Veuve Dumas (qu'il t'en déplaise que je te nomme ainsi bouseuse ♡ x) ) . Ce faisant, Victor joignit ses mains sur la table, prenant un air plus grave et moins léger qu'il avait pu offrir jusque là.

- Bien, concernant ma présence, je vais lever immédiatement le voile. Vous le savez peut-être, ou non, mais vous avez devant vous le Gouverneur de Sombrebois en chair et en os. Un titre, un de plus me direz vous ? Oui, je le concède je n'en suis jamais repu. Mais là n'est pas la question et l'objet de ma visite que de parader devant vous pour ce simple motif. Voyez vous, j'ai investi une somme conséquente pour reconstruire le mur du Bourg dans l'espoir de réhabiliter le domaine. Vous n'êtes pas sans savoir que ce lopin de terre marécageux ne recèle pas de ressources suffisantes pour se satisfaire et pérenniser une communauté, ainsi j'ai la nécessité de devoir importer certaines denrées... et le Labret sera forcement mon grenier. Votre réputation est grandissante et votre affiliation à l'Ordre Azuré en est la preuve d'où mon premier choix de marchander avec vous pour nourrir la future population de Sombrebois. Oh... j'en conviens, je ne m'attend nullement à administrer un bourg d'une centaine d'âmes les premières années, ce serait bien prétentieux et utopique. Ainsi donc, vous possédez des champs, donc des récoltes et c'est pour cela que je vous fais la joie de ma présence.


Un long discours, il fallait en convenir mais au moins, Victor avait le mérite de dresser les contours de sa présence. Une première étape nécessaire même si à l'endroit de la fermière cette dernière aurait pu bailler aux corbeilles depuis belle lurette?
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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptyLun 19 Aoû 2019 - 4:27
La fermière eut bien de la peine à ce que le sourire qui s'étirait sur ses lèvres ne se transforme pas en un rire presque moqueur. Aymeric de Beauharnais était tout sauf l'un de ces gros bras qui aimaient rouler des muscles et faire valoir leurs armures luisantes aux yeux des gentes dames, avec pour seul optique de mieux les trousser ou de se faire valoir. Plus qu'Alexandre de Terresang, dont on louangeait encore le nom au Labret, il était un féroce combattant dont on ne pouvait que venter les mérites dans toutes les tavernes. N'avait-il pas mené ceux qui avaient sauvé Marbrume des fangeux, quelques semaines plus tôt, lors de cette même attaque durant laquelle le Comte de Rougelac avait été gravement blessé par une simple milicienne avec laquelle il s'était battue, pour un simple coup aux fâcheuses conséquences?

Son sourire se fit poli. S'il était une chose qu'elle détestait, c'était qu'on la prenne pour une gourde. Or, vu le ton qu'il employait, c'était exactement ce qu'il pensait d'elle. Il ignorait naturellement qu'elle avait pris part à la défense de la ville, tout comme il ignorait qu'elle avait passé plusieurs jours à Marbrume, suite à l'invasion, et qu'elle avait eu le temps d'entendre bien des récits, tous identiques, qui lui avaient permis de mieux comprendre tout ce qui s'était passé. Le noble la prenait pour une simple fermière peu aux faits de l'Esplanade, et il commettait là une très grossière erreur.

Dans la tête de Mathilde, les pièces d'un gigantesque puzzle se mettaient en place, s'accrochant les unes aux autres pour former une fresque dont les derniers mystères s'éclaircissaient alors que les mots franchissaient les lèvres du noble. Son sourire s'éteint, alors qu'elle retrouvait son visage impassible. Il aimait jouer les grands seigneurs, fort bien. Contrairement aux soeurs Duclos, elle était loin d'être sous le charme.

- Faites comme bon vous semble, monseigneur, c'est vous le noble. Ma ferme accueille pas mal de monde en ce moment, je doute que vous y trouviez la tranquillité dont vous et votre escorte avez besoin.

Bon débarras pensa-t-elle. Accueillir un noble aurait été synonyme de grandes dépenses sans aucune perspective de retour sur investissement. Ils auraient empiété sur les réserves en plus d'obliger ses gars à rester debout toute la nuit pour assurer la sécurité de ces hommes. De Terresang, homme de guerre qu'il était, avait eu la délicatesse de s'éclipser, malgré les menaces de la fermière, dans l'une des paillasses de la grange, en plein mois de mars, mais Rougelac, elle en était convaincue, n'aurait pas souffert que l'on déroge à un protocole totalement archaïque qui voulait que les propriétaires cèdent maison et réserves lorsqu'un noble arrivait chez eux.

Enfin, Rougelac passait aux choses sérieuses. Toujours confortablement calée contre le dossier de sa chaise, les doigts de la fermière pianotaient sur ses genoux. L'impatience, sans doute, face à un homme qui parlait autant que Beauharnais. Ça devait être un truc de Comtes. Elle sourit intérieurement à cette pensée, tandis que Rougelac terminait son exposé avec une naïveté folle. La joie de sa présence... Elle esquissa un demi-sourire poli.

Elle savait. Étant voisine d'Alexandre de Terresang, en plus d'être membre de l'Ordre, elle savait. Pour le titre, le mur que l'Ordre construisait, le nombre d'hommes engagés et la somme due. Parce que Terresang ne faisait pas que parler de sa vie passée et du bonheur qu'il éprouvait à chaque fois qu'il s'échappait de l'Esplanade. Parce que Mathilde refusait d'être un pion et souhaitait être informée de ce à quoi elle prenait part.

- Le Labret, monseigneur, est le grenier de Marbrume avant tout. Et avec l'arrivée relativement massive de nouveaux résidents, il va nous falloir être encore plus productifs afin de continuer à vivre des années sans famine. Actuellement, la moitié des denrées qui me restent après la taxe royale s'en va à l'Ordre. Le reste se répartit entre mes clients, mes travailleurs et mes réserves personnelles.

La commande arriva sur la table. Mathilde s'interrompit, le temps pour l'aubergiste de déposer deux gobelets, un de vin et un de lait, ainsi qu'une assiette pour le Comte, miraculeusement sans rien renverser. Il s'éclipsa en comprenant qu'il n'aurait rien d'autre que le Merci Gaspard bienveillant de la fermière, qui reprit, une fois qu'ils furent seuls.

- Si vous ambitionnez de nourrir un bourg, monseigneur, il faut avoir le bon sens de démarcher les fournisseurs un an à l'avance, afin qu'ils planifient leurs cultures et leurs récoltes en conséquences. Je prépare déjà les semences nécessaires à l'an prochain. Mon métier est d'anticiper, constamment.

Elle prit le gobelet de lait et le porta à ses lèvres. Ne jamais boire d'alcool lorsqu'on parlait affaires, c'est son père qui le lui avait recommandé, et, comme il était un homme plein de sagesse, bien que parfois complètement à côté de la plaque, elle l'écoutait et appliquait ses conseils. Parfois. Son regard noisette ne quitta pas celui du Comte, guettant sa réaction. Les marais étaient stériles, et à moins que d'investir une somme faramineuse pour assécher une parcelle, la fortifier et enfin la mettre en culture afin de nourrir Sombrebois, Rougelac n'aurait pas d'autre choix que de faire affaire avec des paysans du Labret et, par conséquent, de se plier à leur réalité qu'elle tâcherait de lui expliquer au mieux. Le mondain évoluait dans un univers totalement étranger à celui des terriens dont elle faisait partie, et c'est avec satisfaction que Mathilde, le nez dans son gobelet, songea qu'en cela, il était d'une ignorance folle. Ce qui ne manqua pas d'allumer une petite étincelle de malice dans le regard de la fermière.
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Victor de RougelacGouverneur de Sombrebois
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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptyLun 19 Aoû 2019 - 7:13
S'il était assez étonnant que la rumeur des raisons de la grave blessure qu'avait subi le Comte de Rougelac ait pu ainsi se propager, Victor n'aurait de tout façon pas pu en connaître la source puisque la fermière se garda bien d'émettre une quelconque référence à ce sujet, c'était un point à souligner fallait-il l'accorder. Toutefois, le sourire poli que Mathilde lui adressa n'avait rien de sincère, en cela il en était persuadé car on ne pouvait lui ôter ces aptitudes à la perception. Apres tout s'il ne fallait pas lui accorder de louanges ni de mérite dans l'art de la guerre, le sang bleu possédait d'autres qualités et le commun des mortelles semblait bien trop s'attacher à un tableau simpliste d'un homme de Cours.

Écoutant religieusement le récit de la Veuve Dumas, tout portait à croire qu'elle le prenait pour un ignard. Certes, venait-il d'apprendre qu'elle avait signé avec l'Ordre une alliance confortable qui lui permettait d'assurer des revenus confortables pour assurer la pérennité de ses affaires et de ses terres mais il était évidemment bien au fait des lourdes réquisitions du Roi, mais plus encore qu'on ne démarchait pas quelques paysans pour obtenir des ressources du jour au lendemain, quand au fait que le Labret était le grenier de Marbrume, cela coulair de source. Prenant alors le temps de juger la fermière et laisser un cours silence s'installer, il s'arma du gobelet de vin pour y tremper ses lèvres, fixant la lueur de malice de la fermière.

- Vous ai-je demandé de passer commande des trésors de votre terre séance tenante ? Je ne suis pas un imbécile madame Dumas et si je suis ici après l'achèvement du mur, c'est bien que je prépare toutes les conditions au repeuplement de Sombrebois qui ne saurait se réaliser par un claquement de doigt. Croyez bien que je suis ici en qualité de potentiel client pour l'année qui suivra.

Reportant son attention sur les victuailles, il se lança alors dans quelques picorements non sans lancer discrètement un signe à ses trois sbirs qui occupaient une table un peu plus loin, leur confirmant qu'ils s'installeraient pour la nuit dans cette auberge. Se faisant, il acquiesça d'un hochement de tête en déglutissant une bouchée se légumes racines avant d'engloutir un morceau de pâté maison. Le goût de l'authentique n'avait d'égale à Marbrume tout comme Mathilde, son interlocutrice, n'avait d'égale avec quelques résidents crasseux des Faubourgs. Se faisant, il l'avisa en inclinant la tête après avoir éclairci sa bouche d'une gorgée de ce vin d'avant Fange.

- Ma fonction a Sombrebois m'invite donc à anticiper tout comme votre métier est de le faire, j'imagine que nous sommes clair sur ce sujet. À présent, je dois savoir si vous êtes en capacité d'assumer un nouveau client et pas des moindre. Je le répète, vous êtes mon premier choix mais le Labret fourmille de fermes, j'aurais le loisir de prospecter auprès de vos amis quitte au pire des cas à sollicité l'aide d'un négociant qui pourrait regrouper les denrées dont Sombrebois aura besoin sur plusieurs exploitations. J'imagine fort bien que nul fermier ne se plaint de ses carnet de commande.

Allait-elle le prendre au sérieux ? Et ne plus le prendre pour un quelconque novice ? Certes jusque là, le Comte de Rougelac n'avait jamais œuvrer sur un tel terrain, mais fallait il rappeler qu'il avait d'antant gérer une maison close et qu'il était toujours propriétaire d'un établissement de luxe à Marbrume tout comme il prospérait également grâce à sa manufacture d'arme ? Victor était loin d'être néophyte dans l'univers du commerce meme s'il s'agissait là de denrées périssables.
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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptyJeu 22 Aoû 2019 - 3:28
De toute évidence, le nobliau était vexé par l'attitude de la fermière qui, pourtant, se montrait polie et relativement courtoise, ce qui, il fallait être honnête, relevait réellement du miracle compte tenu de la suffisance dont faisait preuve l'homme qui s'adressait à elle. De rang inférieur, elle n'avait pas d'autre choix que de l'écouter jusqu'au bout, même s'il incarnait tout ce qu'elle détestait de la noblesse. Toute personne qui connaissait Mathilde savait qu'en temps normaux, elle aurait offert un accueil aussi glacial que la plus froide des nuits d'hiver, avant de remballer l'indésirable vite fait bien fait.

Croyez bien que je suis ici en qualité de potentiel client pour l'année qui suivra. Le sourire de Mathilde s'étira. Elle songea que Sombrebois et son nouveau mur allaient devoir moisir encore environ un an avant de pouvoir réellement se mettre à vivre. Quel mauvais calcul. A moins qu'un quelconque commerce n'ait été assuré pour une poignée de vivants, qui serraient nourris à grands renforts de dépenses folles. Convoyer de la nourriture acheté d'un revendeur était un investissement conséquent.

Sa grandeur picorait sans grimacer, c'était un bon début. Tout en faisant tournoyer distraitement son gobelet sur la table, elle adressa un clin d'oeil discret à l'aubergiste, qui poussa un soupir de soulagement. Il était dans ses petits souliers, et cette situation allait perdurer jusqu'au lendemain matin... pauvre de lui.

À présent, je dois savoir si vous êtes en capacité d'assumer un nouveau client et pas des moindre. Eh bien... il ne se prenait pas pour du crottin de cheval, c'était le moins qu'on puisse dire. Elle arrêta son gobelet et garda le silence un instant, soutenant le regard de l'homme qui lui faisait face. Parfaitement impassible face à ce qui aurait probablement pu la conduire à s'évanouir de bonheur, autrefois, elle se demanda ce que Rougelac pouvait bien avoir derrière la tête. Elle était convaincue que son seul intérêt ne résidait pas dans les carottes qu'elle pourrait produire pour tout un bourg. Elle finit par rompre le silence.

- Voyez-vous messire, j'ignore superbement la façon dont laquelle sa Majesté répartit les ressources que nous lui envoyons, à travers la taxe. Néanmoins, je sais que ce que produit le Labret ne suffit pas à remplir les estomacs de ce qui reste d'humanité. Je sais qu'à Marbrume, on a coupé la farine avec de la sciure de bois, l'hiver dernier, pour étirer les maigres réserves de farine et confectionner des pains jusqu'à la récolte suivante.

Elle quitta le dossier de sa chaise pour se pencher légèrement en avant et déposer ses avant-bras sur la table, nouant ses longs doigts marqués par le labeur.

- Les milliers de morts feront à peine une différence dans les assiettes. Trouver de la nourriture reste un réel défi, et il serait fort peu sage de vous en remettre à une seule personne, qu'il s'agisse de moi ou d'un autre fermier. Et avant que vous ne vous leviez en fulminant de rage, comme l'indique la veine saillante qui parcoure votre tempe, permettez-moi de pousser l'audace jusqu'à avoir la prétention de vous informer de quelques détails importants dont vous n'avez probablement pas conscience.

Elle prit une gorgée de lait et reposa avec soin le gobelet presque vide sur la table et observa le mondain. Pouvait-elle réellement lui en vouloir de se montrer un peu naïf quant à la facilité avec laquelle il espérait approvisionner le bourg dont il était responsable? La réponse était oui. On attribuait vraiment des rôles à n'importe qui, par ici. Il était devenu gouverneur en un claquement de doigts et allait ramer pour mener son projet à bien. Bien fait.

- Le Labret a été repeuplé par des volontaires et... disons des moins volontaires que les premiers. Dans la plupart des cas, des gens qui n'avaient plus rien et qui espéraient pouvoir rebâtir leur vie en semant quelques grains, tandis que le sol miraculeusement fertile de leur nouvelle terre ferait pousser comme par magie des tonnes de blé. L'été dernier a été désastreux, tout comme leur façon de travailler, tout comme les pertes humaines alors que les bannis, les pirates et les voleurs de grands chemins se sont dit qu'il serait bon d'attaquer les seules personnes encore assez folles que pour affronter la menace au quotidien. Le résultat de l'année 1165, vous le connaissez : une superbe famine à Marbrume, et un hiver pénible pour bien des gens.

Son ton était grave, tout comme son visage. Elle avait vécu la météo capricieuse, compté les pertes des voisins, pleuré son mari... un peu. Elle avait tué, pour la première fois, afin de défendre sa ferme et ses réserves plus que sa vertu. C'était une femme d'expérience qui parlait. Loin de vouloir manipuler, elle mettait les choses à plat.

- Remettre l'approvisionnement d'une dizaine de familles dans les mains d'une seule personne n'est pas raisonnable. Une tempête, une grêle, un fangeux, une maladie, et vos protégés se retrouvent sans ressources du jour au lendemain. Aller voir mes "amis" me paraît tout aussi risqué, même en décidant de répartir les attentes, puisque vous ne connaissez pas leur degré de fiabilité ni le rendement de leur terre. Sur quoi allez-vous vous fier, vous qui ne faites pas confiance à ma parole au sujet des Duclos, parole totalement erronée au demeurant, mais il fallait bien que je sache à quel genre d'homme j'avais affaire.

Son sourire revint. Elle ne sauverait pas les Duclos, mais au moins, elle savait que Rougelac ne lui faisait pas confiance, ce qui était assez curieux compte tenu de sa démarche.

- Trouvez quelqu'un qui peut aisément réunir des denrées suffisamment diversifiées que pour subvenir aux besoins de Sombrebois. Quelqu'un à qui vous ferez confiance, assez que pour le laisser recruter les fermiers qu'il jugera assez bons pour relever ce défi, et qui saura les convaincre de libérer leurs carnets de commande déjà bien remplis. C'est ce que je ferais, moi, si on me demandait de nourrir des familles vivant sur une terre infertile.

Une chose échappait au novice. Il n'entrait pas dans le jeu du commerce mais dans celui de la production. S'il voulait rester dans sa zone de confort, mieux valait passer par un intermédiaire qui gérerait tout ce sur quoi Victor était un parfait ignorant. Qui pouvait, dans cette vie, se targuer de connaître tout sur tout? Personne, pas même lui, et encore moins la fermière qui lui faisait face... mais des deux, elle en était la seule consciente.
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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptyVen 23 Aoû 2019 - 13:42
La nature humaine poussait souvent les gens à quelques jugements bien trop hâtifs et la fermière ne dérogeait pas à cette triste réalité. Pouvait-on lui en vouloir ? Que nénies... son esprit n'était peut-être pas suffisamment averti pour que le Comte puisse lui en tenir rigueur? Pas le moindre blâme ne fut prononcé et ce fut même tout l'inverse d'un sentiment de colère qu'envisageait Mathilde qui traversa le corps et l'âme du sang-bleu. En tout état de cause, nul veine n'était ressorti de sur le front de son noble compagnon de tablée. Qu'à cela ne tienne, Victor écoutait religieusement et n'avait pas l'intention de se lancer dans quelques combats de coqs par fierté ou même par conscience qu'il n'avait rien d'un homme naïf comme pouvait le sous entendre la fermière durant son interprétation qu'il trouvait un poils théâtral dans le fond, même si cela n'était peut être pas le cas.

Ce qui intéressait Rougelac était bel et bien de subvenir aux besoins primaire des futurs administrés du Bourg dont il aurait la charge et Sombrebois possédait tout de même quelques moyens de subsistance, la chasse par exemple et évidemment le bois ,certes une matière non consommable mais qui possédait une certaine valeur marchande. Audacieuse, parfois un soupçon méprisante, son sourire le prouvait à lui seul, Mathilde, ou la Veuve Dumas, comme elle se plaisait à apprécier cette expres​sion(^^) posait donc les choses à plat, se faisant clairement passé pour la préceptrice d'un univers encore assez méconnu de son élève du jour issu de la Haute. Mathilde de manquait pas de "gueule", de caractère et de franc-parlé, pour sûre on ne devait pas s'ennuyer dans sa couche! Et pour sûre, goûter aux pointes de sa fourches vous laisserez une trace indélébile, mais si beaucoup auraient pu se sentir vexé jusqu'au fondement face à une telle attitude, Victor lui voyait là la preuve d'une femme en qui on pouvait accorder sa confiance car il n'était que trop vrai que ce cher Comte appréciait la gente féminine capable de le bousculer, de lui faire quitter sa zone de confort.

Sans mot dire, Rougelac la toisait de son regard azur, se délectait de ses mots, de ses gestes et bien entendu ET surtout du contenu de ses propos lorsque ceux-ci venaient à rejoindre ses propres conclusions. Evidemment qu'il avait pleinement conscience de ses limites et qu'il aurait été bien imprudent de se targuer de savoir tout sur tout, ces gens là gisaient déjà six pieds sous terre, bouffant le chiendent à la racine et fertilisant pour certaines les champs de cette bougresse qui ne manquait pas de toupet. Opinant du chef, il cessa de picorer son assiette pour alors repousser cette dernière et joindre ses poings avec une élégante sagesse contre le plan de travail que constituait cette tablée rustique. Victor possédait quelques préceptes et l'un de ceux là était que dans la vie, quoi que l'on fasse, il fallait se doter des meilleurs armes pour réussir et face à lui se dessinait un artefact qui lui serait utile dans l'oeuvre qu'il tentait de créer. S'il n'était pas dupe face à l'avertissement visant les sœurs Duclos, quelque chose dans cette prestation qu'on lui offrait, l'amenait à renforcer son jugement et sa prise d'initiative.

- J'entends bien tout ce que vous dites. Alors... serez-vous cette personne que vous décrivez et qui serait donc à même d’œuvrer pour voir renaître une communauté, aussi humble sera-t-elle ?

Nul sourire à la commissure de ses lèvres, son visage restait sérieux, loin du précédent jeu dont il avait usé jusqu'alors. Loin de trouver pour autant un accord, Victor amorçait donc quelques aveux et concessions fort bien voilé par une verbe à présent succincte et directe. Nul besoin de parader comme il aurait pu le faire dans quelques salons de la Haute, non cela n'aurait aucun intérêt voir pire, cela le jetterais en discrédit.

- J'en conviens, vous semblez être une femme qui ne manque de rien et cette offre pourrait bien être jetée séance tenante en pâture, alors, avant que nous ne prolongions ce que j'entrevois comme des pourparlers, prenez cela avec autant de légèreté que de sérieux, je suis prêt à écouter vos exigences ou tout du moins vos conditions. J'imagine que vous souhaiterez tirer profit avantageux de cette affaire si celle-ci retient votre attention. Je puis vous laisser la nuit pour réflexion cela va de soit, avant que nous allions plus en détails car biensure, naïf ou novice que je puis paraître à tord ou à raison, je souhaiterais naturellement me rendre compte de mes propres yeux de votre labeur et celui de vos semblables.

Montrait-il un visage suffisamment sage et humble ? Loin de la réputation qu'on pouvait encore bien lui revêtir de sa personne ? Mathilde en était seule juge. En tout état de cause, il n'ajouta ni n'étoffa ses propos, à quoi bon user d'étiquette et de faux semblants en telles circonstances ?
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MessageSujet: Re: [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor)   [Terminé] [Usson] Une visite improbable (Victor) EmptyDim 25 Aoû 2019 - 3:45
Mathilde ne put retenir un pouffement de rire en entendant la demande de Rougelac. Alors là, il ne manquait pas de culot, c'était certain!

- Moi? Négociante?

Mais il restait sérieux. Aucune trace d'un soupçon de moquerie, pas une once de sourire, pas une demi ride se creusant au coin de ses yeux. Rien. De marbre. Le visage qui se donnait à voir était celui d'une statue, complètement impassible alors qu'elle, elle riait de la plaisanterie qui, finalement, n'en était pas une. Elle reprit son sérieux dans la seconde qui suivit ce constat.

- Je vous demande pardon, j'ai cru que vous blaguiez. Je n'ai pas besoin d'une nuit pour réfléchir, monseigneur, ma réponse est une évidence sur laquelle je ne reviendrai pas. Ma vie toute entière est dédiée aux champs, pas au commerce. Je produis pour nourrir, sans chercher à accroître mes profits plus que nécessaire. Si les Trois ont la grâce de me présenter un meilleur acheteur, à un moment donné, je réinvestis les sommes dans ma ferme, pour produire encore mieux. Pour rester dans les champs. Pour regarder pousser mes légumes, en sachant qu'ils mettront un peu de baume sur le coeur des malheureux.

Elle haussa les épaules, dans un geste d'impuissance face à cette naïveté certaine qu'elle nourrissait envers son travail, et songea aux paroles du prêtre de Marbrume, qu'elle avait rencontré quelques mois plus tôt. Ses paroles résonnaient encore en elle, tant elles avaient donné un sens à tous les sacrifices auxquels elle avait consentis pour conserver sa ferme chérie.

- Ma vie se passe les deux pieds dans la terre, parce que c'est là, chaque jour, que par mon labeur je rends hommage de la meilleure des façons à Sérus qui m'a offert ce don magnifique d'extirper de la terre de quoi nourrir mes semblables. Je ne peux pas et ne veux pas lui tourner le dos et changer de métier, ni pour Sombrebois, ni pour un autre village. Ma place est ici, à travailler la terre.

Elle tairait l'autre raison pour laquelle elle ne souhaitait pas s'associer à cet homme qui, dès son entrée triomphale à Usson, n'avait pas su s'attirer les bonnes grâces de la fermière qu'elle était. Sa mission était aussi noble que son titre et, s'il ne mentait pas, dans quelques années peut-être, avec la bienveillance des Trois et un repli utopique de la Fange, le bourg de Sombrebois aurait une certaine prospérité. Le futur négociant y serait pour quelque chose, et gagnerait plus qu'honnêtement sa vie. N'importe qui aurait sauté sur l'occasion. Pourtant, quand on connaissait Mathilde, on devinait facilement qu'elle refusait de s'associer à Sombrebois et à son baron, qu'elle ne connaissait pas, mais qui se trouvait être l'ennemi de son bienfaiteur, Alexandre de Terresang. Du moins sans son accord, qu'elle n'aurait pas sans le décevoir. Or, entre les deux voisins, l'un noble, l'autre roturière, il y avait une relation particulière qu'elle ne briserait pas.

- Si vous ne trouvez pas de négociant, remettez-vous-en à l'Ordre. Je suis certaine que monseigneur de Terresang pourra trouver quelqu'un ici, au Labret. Il faut bien que sa résidence de campagne serve à quelque chose, après tout.

Elle l'avait dit sur un ton plus léger, avec une pointe d'amusement à l'évocation de son ami, avec lequel le protocole prenait le bord dès que le décorum disparaissait. Elle termina son gobelet et regarda un instant par la fenêtre avant de pousser un petit cri en bondissant sur ses pieds.

- Mon pain! Je... pardonnez-moi monseigneur!

Et sans plus de cérémonie, dans un instant de panique absolue à l'idée de perdre ses pains, qu'elle avait préparé avec amour pour ses gars des champs, elle sortit à pas pressés pour traverser la place en courant, jusqu'au four où, par chance, une femme avait pris soin de sortir la fournée et d'en déposer le résultat, joliment cuit et bien doré, dans les paniers que la fermière avait laissés là. Dans sa course, elle n'avait pas réalisé que l'homme qu'elle avait presque percuté, à l'auberge, était le père Duclos qui était venu chercher ses filles, dont le seul trésor était leur vertu, sur laquelle il entendait bien veiller jusqu'à leur mariage, le mois suivant. Leur place était à la maison, pas dans une auberge.

Ce jour-là, à Usson, le Comte de l'Esplanade avait croisé la Comtesse des champs. Deux mondes diamétralement opposés, qui le resteraient sans doute. A moins qu'un ennemi commun, la Fange, ne réussisse finalement à les rapprocher, le temps d'un combat, comme ça avait été le cas pour bien des êtres vivants, à Marbrume, au début du mois de mai.



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