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 Au clair de la lune [PV Marianne]

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Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Au clair de la lune [PV Marianne]   Au clair de la lune [PV Marianne] EmptyDim 18 Aoû 2019 - 20:38
29 décembre 1164

La ligne d'or rouge du soleil couchant illuminait de ses derniers rayons les bâtiments noirâtres de crasse. Les pas silencieux d'une enfant, sa silhouette menue se fondait dans l'océan de la foule hétéroclite qui sillonnaient les rues.

Toute seule. Maman-nourrice n'était pas rentrée depuis plusieurs jours ; et un peu perdue, la fillette de presque huit ans avait réuni tout son courage pour sortir de leur maisonnette. Les réserves de la maison s'étaient épuisées rapidement, et en désespoir de cause, Alix était sortie. La neige recouvrait les pavés crasseux, perçaient de leur humidité glaciale ses bottines de tissu de mauvaise qualité. Recroquevillée dans sa petit pèlerine de coutil rouge, elle avait hâte de revenir au chaud avec un peu de bois - faire un feu sans un adulte à côté lui faisait peur, mais mourir de froid encore plus - et surtout de quoi manger. Elle avait quelques pièces dans sa poche, qu'elle avait trouvé dans un pot au fond du placard, et même si elle avait réfléchi au fait qu'il était sage d'en garder pour plus tard, l'appel du ventre était le plus fort.

Ainsi, ce fut à petits pas qu'elle entra dans une taverne, avant de s'arrêter net sur le seuil.

La lumière était vive, et déjà, elle était bondée d'hommes qui riaient très fort, des femmes à moitié dévêtues sur leurs genoux. Effrayée et un peu perdue, elle tenta de s'avancer vers le comptoir, happée par ce fumet délicieux de nourriture qui titillait ses narines, mais une main brusque lui harponna le bras, la retourna sans douceur. Elle poussa un cri de douleur, et fixa l'adulte qui la dominait de sa haute taille, une lueur dure dans les yeux.

- "Dégage d'ici, ici c'est pas pour les enfants ! Alors si tu veux pas finir pute, t'as plutôt intérêt à décamper et plus vite que ça !"

Une bourrade qui mit la fillette presque à terre, et elle se hâta vers la porte, pour retrouver l'obscurité tombante du soir. A présent, de gros flocons tombaient, se dévoilant à quelques mètres seulement dans un brouillard qui s'épaississait de minute en minute.
La boule au ventre, la gamine se hâta droit devant elle, espérant tomber sur un commerce quelconque qui accepterait de lui vendre quelque chose. Mais dans les rues malfamées, les vendeurs ne s'attardaient guère à la nuit tombée et par ce temps gelé et la fillette fut bientôt complètement perdue dans les rues presque désertes. Apeurée, les larmes aux yeux, elle se mit à courir, s'enfonçant plus encore dans ce qui lui semblait un labyrinthe ; un labyrinthe que maman-nourrice ne s'était jamais donnée la peine de lui montrer. Incapable de se rappeler l'adresse de la maison, elle finit par s'affaler contre un mur, secouée de sanglots paniqués.

Et Pyo, et Leanne ? Eux, au moins, ils étaient au chaud, à l'intérieur de la maison. Ils devaient déjà dormir, fatigués comme on l'était quand on était petits - mais elle alors ?!

Que faire ? que faire ? Du coin de l'oeil, Alix entrevit une femme s'approcher d'elle, et instinctivement, porta la main à sa besace. Oh lala, si maman-nourrice était là, tout se passerait mieux ! Que devait-elle faire maintenant...?
Doucement, l'enfant se redressa... plissant son petit front lisse.

Attendant de savoir ce qu'elle voulait, sans se soucier d'essuyer ses larmes sur ses joues minces.
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Marianne CrassinProstituée
Marianne Crassin



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MessageSujet: Re: Au clair de la lune [PV Marianne]   Au clair de la lune [PV Marianne] EmptyMer 21 Aoû 2019 - 11:48
Marianne descendait de l’Esplanade après une journée harassante de ménages.
Elle avait passé la journée puis toute la soirée travestie en Jean, braies aux jambes et cheveux attachés, à lessiver l’entrée d’une maison bourgeoise. Les hommes en ce bas-monde récoltaient souvent meilleur salaire et elle en profitait grâce à ces artifices.

Le maître de maison y donnait un dîner mondain et les invités, qui arrivaient au compte-goutte, traînaient sous leurs bottes une sorte de neige boueuse, ni solide, ni liquide.
Et hors de question de laisser le pavement sale plus d’un instant. Le chambellan y veillait et l’accablait de coups de canne pour faire avancer le jeune extra plus vite. Les laquais n’en étaient pas en reste et profitaient de ne plus être au plus bas de l’échelle dans la maisonnée pour le rudoyer. Marianne devait s’assurer de ne pas crier trop aigu pour tenir son déguisement et il était exclu de se soustraire au moindre coup de pied si elle espérait recevoir une quelconque rétribution.

Marianne avait reçu un demi-pain et quelques pièces des gants du chambellan. Les temps étaient durs pour tout le monde avait-il déclaré, ses maîtres se privaient de viande et de mets luxueux depuis plusieurs mois.

Alors, la bohémienne trouva un coin tranquille pour enfiler sa jupe et rentra péniblement chez elle. Le froid mordant et le souvenir des bâtonnades avaient rendus sa démarche rigide et nerveuse. Elle n’avait presque rien avalé depuis deux jours et la perspective de recevoir quelque nourriture lui avait permis d’endurer toute la journée. Elle caressa la croûte de pain noir dans la manche de son pardessus. Mieux valait attendre la Planche Cloutée pour en profiter.

En arrivant vers le Goulot, une nappe de brume épaisse se déversa dans les rues. Les bandes qui entouraient les pieds de la bohémienne s’étaient gorgées d’une eau glacée a force de patauger dans la neige fondue. Ses doigts la piquaient affreusement et la capuche de son pardessus peinait à réchauffer son nez et ses oreilles.

Plus que quelques rues. Elle prendrait le premier client venu. Qu’importe qu’il ait une haleine de pot de chambre, des verrues aux mains, qu’il cogne un peu ou s’amuse à lui faire peur avec son couteau, pourvu qu’il la réchauffe à grands coups de reins.

Soudain, une petite silhouette apparut dans le brouillard. Était-ce un nabot ? Non, c’était une gamine ! L’heure, la température, le lieu, rien ne donnait de sens à sa présence ici. Les gamins des rues savaient très bien que passé la nuit tombée, il valait mieux se faire discret pour ne pas finir égorgé.
Tant pis pour elle. Si elle était assez sotte pour trainer à cette heure… Une de plus, une de moins, c’était un monde cruel et elle avait d’autres chats à fouetter.

Mais plus elle s’approchait, plus sa conclusion fataliste et froide sonnait faux et lui serrait le cœur. La gamine s’était fait surprendre par le brouillard en fait, et elle s’était égarée !
La bohémienne avait repéré plusieurs silhouettes lugubres dans les venelles adjacentes à la rue qu’elle descendait. La petite ne ferait pas vingt pas avant d’être profanée dans une ruelle et égorgée. Elle eut la pensée qu’elle n’oserait jamais plus retourner au Temple si elle passait son chemin. Une certitude coupable la hanterait toute sa vie. Ah, soit ! Même les putains avaient un cœur !

La petite fille s’était mise en arrêt en la voyant. Marianne approcha et s’accroupit à bonne distance d’elle pour être à sa hauteur et ôta sa grande capuche. Si elle était comme tous les gamins du quartier, elle détalerait en voyant ses vêtements.

« H… hé, petite ? Tu es perdue ? C’est grand danger de courir la rue à c’t’heure, tu sais ? Tu es bien perdue, hein ? » Elle soupira. Elle grelottait de tous ses membres, elle aussi, et sa voix tremblait. Elle tendit la main. « Allons, viens ça avec moi, faut pas rester là. On aura les pieds secs et… et tu pourras en avoir aussi ! »
Elle tira son demi-pain de sa poche et le secoua devant elle. La bohémienne se mit à claquer des dents, de gros flocons de neige tombant sur ses doigts amaigris.
« A… Allons, hâte-toi ! Tu vas te changer en congère si tu restes à faire le gué ici ! » dit-elle d’une voix plus pressante.


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Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Au clair de la lune [PV Marianne]   Au clair de la lune [PV Marianne] EmptyDim 25 Aoû 2019 - 19:50
Elle n'avait pas eu tort.

A travers ses yeux brouillés de larmes, à travers les flocons de neige et ce brouillard qui s'effilochait déjà dans les cheveux de l'inconnue, Alix considérait la silhouette adulte qui s'était agenouillée près d'elle avec un brin de circonspection. Elle savait les inconnus dangereux ; mais l'apparition subite du morceau de pain noir la figea un peu.
Si elle avait eu envie de s'enfuir de prime abord - la dame avait un teint basané assez étrange, les yeux fardés de noir - l'enfant reconsidéra aussitôt la proposition à la vision du morceau de pain.

Un beau morceau de pain noir. Son ventre gargouilla, émit un autre bruit bizarre, et finalement, la petite fit un pas de la direction de la jeune femme. Cette dernière la pressait de bouger, de prendre sa main, de s'activer. Elle n'avait pas le temps de réfléchir. Elle avait trop froid, elle se sentait trop perdue pour s'enfuir, courir au hasard pour trouver un abri, et finalement, la petite fille obéit, attrapant la main de l'adulte pour la suivre plus passivement.
Elle frissonnait violemment, et finit par prononcer quelques mots, plus pour se rassurer que par espoir que la gentille dame ne l'écoute réellement.

- "J'suis, j'suis perdue. Maman-nourrice habite au Goulot, mais c'est grand. Très grand. J'arrive pas à re-re-retrouver la maison dans la tempête !"

Justement, une bourrasque la força à s'arrêter, à s'arc-bouter pour résister à la puissance de l'élément naturel. Un peu de neige glacée tomba dans sa chaussure, et sa morsure glacée lui fit remonter les larmes aux yeux.
Où allait-on aller ? La dame devait avoir une maison quelque part, sûrement pas loin. Elle n'aspirait plus qu'à un endroit chaud et sec, à l'abri du temps qui empirait encore, de minutes en minutes. Des silhouettes indistinctes se dessinaient dans la chape de brouillard cotoneuse qui enveloppait chacun de leurs pas et elle ne put s'empêcher de se serrer contre la jeune femme, sans plus réfléchir, guidée par un profond instinct infantile.

Mais une soudaine pensée lui donna la nausée. Etait-elle un de ces voleurs d'enfants qui profitaient des orphelins, de ces gamins sans défense pour les dépouiller, pour les vendre au plus offrant dans des bordels ?
Et si la dame l'amenait dans un piège, que ferait-elle ? Avait-elle le choix, là, tout de suite, au milieu de cette tempête ? La mort l'attendait si elle restait là ... alors qu'il serait peut-être plus simple de se réfugier au chaud et d'aviser ensuite, quitte à voler un couteau et pour se défendre s'il en était le besoin.
Alors elle se laissa entrainer, petit chaton à moitié mort de froid, glacée jusqu'à l'os. Murmurant tout de même à l'oreille de l'inconnue :

- "On.. On va où ?"

Elle leva ses yeux noirs pour la fixer, quelques secondes, en essayant de ne pas se remettre à pleurer. Car la peur avait de nouveau rempli sa petite âme enfantine, et elle avait conscience de se faire entrainer dans un piège. Mais comment pouvait-on faire pour se sortir de là ?

Et aussitôt, pour faire bonne mesure, elle rajouta :

- "Mon père, le noble, va-va te récompenser si tu p-prends soin de moi !"

Vaine tactique pour se rendre plus important qu'elle n'était, et pour l'empêcher d'avoir des mauvaises pensées. Alix ne songea pas tout de suite qu'elle n'était guère crédible dans sa robe misérable, sa cape en tissu bon marché et ses chaussures trop petites ; elle ne pensait qu'à sa propre sécurité.


Dernière édition par Alix de Beauharnais le Mar 3 Sep 2019 - 21:29, édité 1 fois
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Marianne CrassinProstituée
Marianne Crassin



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MessageSujet: Re: Au clair de la lune [PV Marianne]   Au clair de la lune [PV Marianne] EmptyDim 1 Sep 2019 - 21:59
Marianne vit avec soulagement la gamine s’approcher. Toujours accroupie, elle la prit par la main et l’approcha d’elle. D’un coup de pouce appuyé, elle essuya les filets de larmes coulant sur ses joues rouges. « C’est bien, mon chat. Allons, hâtons-nous ! »
Elle se leva d’un coup et entraina vivement Alix dans son sillage. Le vent soufflait maintenant des bourrasques de neige face à elles.

"J'suis, j'suis perdue. Maman-nourrice habite au Goulot, mais c'est grand. Très grand. J'arrive pas à re-re-retrouver la maison dans la tempête !"

La prostituée ne répondit rien à son explication, serrant sa main plus fort. Une rafale polaire s’efforça de stopper leur progression mais Marianne se mit de travers et tira de plus belle sur le bras de la petite fille. Le vent agitait ses manches, soulevait son capuchon, s’engouffrait dans son pardessus et ballotait sa robe comme un spectre flottant sur la neige.
Seule sa main de femme à la peau mate témoignait de son humanité dans cette furieuse tempête de drapé.

« On va ou ? Mon père, le noble, va-va te récompenser si tu p-prends soin de moi !"

« Garde ta salive au chaud, nous touchons presque au but. » lâcha-t-elle sans un regard pour la blondinette.

Et en effet, après avoir traversé plusieurs venelles, elles atteignirent la placette de la Planche Cloûtée. Encadrant le parvis de leurs masse tortueuse, les immeubles serrés couvaient une véritable tornade de neige dont l’épicentre était un puits bancal et inerte planté au centre. Sourde à l’appel de ses vêtements attirés dans la spirale glaciale, Marianne se hâta vers une devanture. La Planche Cloutée les dominait de tout son haut, chaque encorbellement s’avançant vertigineusement au-dessus d’elles. L’enchevêtrement chaotique des planches et des poutrelles évoquait les poils hirsutes d’une bête et la façade semblait se pencher en avant pour mieux les engloutir.

Marianne tambourina contre l’huis. « C’est Marianne ! » annonça-t-elle aux planches comme si elles étaient dures d’oreilles. Quelques instants passèrent, glissement métallique. La bohémienne ouvre la porte et fait passer Alix devant elle dans l’entrebâillement.

Devant elle disparaissait une halle longue et étroite dont les voûtes de pierre s’enfonçaient dans l’obscurité. Aux abords de l’allée centrale, des pans de rideaux divisaient l’espace ponctué de piliers soutenant péniblement la chape minérale.

Le sol luisait de l’humidité du pavage, glacial mais moins détrempé qu’au dehors. A sa gauche immédiate se dressait un comptoir de bois rouge au bord duquel vacillait une large bougie dont les restes ruisselaient presque jusqu’au sol. La flamme nue faisait trembler les ombres sur les surfaces et les visages. Non loin y étais posé un bocal au macabre contenu, des os de phalanges humaines. Sur une étiquette, un œil fixait la fillette qu’importe l’angle qu’elle prenait, accompagné de trois mots à la calligraphie sépulcrale : « Qui tente trépasse ».

Et faisant corps avec le meuble d’accueil, un bonhomme rond et trapu trônait assis derrière. Son menton couvait un jabot hérissé de poils gris, prenant plus de place que son visage écrasé et son crâne déboisé. Sa tête dépassait d’une pelisse jetée sur ses épaules, le protégeant du froid. Ses yeux globuleux dardaient leur animosité envers la bohémienne qui scellait la porte et glissait le verrou dans son logement. Ils s’allumèrent d’une haine teintée d’incompréhension lorsqu’ils se vissèrent sur Alix.

Dévoilant des dents serrées à éclater, il montra la petite du doigt. « Qu’est ce. Que c’est. Que ça ? »

Marianne posa ses mains sur les épaules d’Alix et expliqua : « Elle s’est égarée dans le froid, Maître Tenancier. Pour sûr qu’il lui serrait arrivé du mal si elle était restée à la rue. Je… J’pourrais emprunter une chambrée jusqu’au jour, de sorte à ce qu’elle s’en retourne chez elle sauve à la pointe du jour? Je saurais me rattraper, je le jure ! »

Tenancier, puisque c’était son nom, se pétrit nerveusement le visage avant de claquer ses doigts contre sa paume, l’intimant d’approcher en acquiesçant. Pensant l’affaire conclue, Marianne s’avança. A l’instant où elle fut à portée, Tenancier l’empoigna à deux mains par les cheveux et plaqua son front contre le bois du comptoir, envoyant tomber son bonnet aux pieds d’Alix.

« Espèce de traînée, c’est ma ruine que tu cherches, hein !? Ma ruine ! » siffla-t-il rageusement a son oreille, ses poing tirant son visage contre le bois. Marianne laissait échapper des gémissement causés par la tension exercée sur ses cheveux. « Tu ne travaille pas de la journée, tu ne travaille pas de la nuit et tu me priverais d’une chambre de passes par-dessus le marché ? Hein ? Hein !? »

« Je… Je promet de me rattraper ! Je… »
D’une torsion incroyable, Tenancier retourna la bohémienne sur le dos et lui attrapa le crâne, ses pouces appuyant contre ses orbites.

« Fadaises ! Je vais te broyer les yeux et te clouer à un cadre de lit, ainsi j’assurerais durablement mon profit !»

Témoignant de la pression que Tenancier exerçait sur ses yeux, Marianne poussa un cri de douleur paniqué. Attrapant les avant-bras de son souteneur, elle supplia : « Aaarh ! Mes gages de la journée et de la nuit à venir sont à vous ! Je n’en demanderais rien, pitié ! »

« Vieille bête, c’est trois jours et trois nuits de ton salaire que j’exige. Pas moins. »

« C’est trop de temps, maître ! Je ne pourrais survivre trois jours de plus sans subsistance ! »

« A ta guise. » Tenancier enfonça ses pouces de plus belle, arrachant une nouvelle plainte à la prostituée. « De grâce, entendez-moi ! J’ai un marché ! »

« Eh bien ? » La poitrine de la nomade se gonflait au rythme de sa respiration paniquée. « Je… Mes gages de la journée et de la nuit à venir, plus.. » Elle lui fit signe d’approcher. Il s’exécuta et elle promit quelque chose dans son oreille.
« Oh… » Un sourire plein de dents s’étira sur le visage de Tenancier, et ses yeux fixèrent l’horizon imaginaire d’une perspective qui semblait l’enchanter.
« Tu es sûre ? » fit-il en relâchant ses pouces, encadrant le visage de la jeune femme avec ses mains, une expression attentionnée sur le visage.

« Pourtant, tu connais mes goûts… »

Marianne acquiesça nerveusement. Le proxénète sourit, sortit sa langue luisante et lécha les lèvres de la jeune femme. Tout son corps se tendit au contact abject du vieil homme. « Maintenant va, puce de village. N’oublie pas ta promesse. »

Marianne se releva, l’air hagard, une main sur la bouche comme sur le point de rendre tripes et boyaux. Elle prit la main d’Alix et l’accompagna jusqu’à la porte menant à l’étage. Difficile de dire si c’était l’accord passé avec le truand ou le froid glacial qui régnait au rez-de-chaussée mais la nomade tremblait. Toujours assis, Tenancier tira le verrou à lui et les laissa passer.
La porte donnait directement sur l’escalier à droite, menant à l’étage. Un réduit sombre et grinçant, des marches étroites où l’on ne pouvait espérer se croiser de front.
A mesure qu’elles montaient, des vapeurs difficiles à identifier, lourdes de stupre envahissaient l’atmosphère, celles de la sueur chaude et des fluides refroidis, l’odeur entêtante des phéromones mâles et femelles tapissant les narines.

Les cris impressionnants des prostituées surjouant pendant l’acte filtraient à travers les parois, d’autres traduisant plus de détresse et de douleur, mêlés aux grognements bestiaux des hommes. Tous, odeurs comme cris, semblaient se moduler à l’infini, maintenant péniblement le cerveau en alerte, mobilisant tous les sens de façon marquante pour qui n’y serait pas préparé.

Parvenues en haut, elles tombèrent nez-à-nez avec deux rustauds survenant de l’unique couloir à droite. Une épaisse barrique, haute de plus de six pieds, les braies toujours baissées et un autre plus nerveux, le torse nu et la barbe hirsute. Tous deux les calculaient, tous prêts à rentrer chez eux qu’ils étaient.

« R’garde qui nous salue avant l’départ, Gros bileux… On serait sots de pas en profiter. »

Le géant attrapa Alix sous les aisselles et la souleva à plus de deux mètres du plancher, l’arrachant à la main de Marianne. « Je te laisse l’autre, Ribelas, Gros bileux est gentil, hein ? »
Gros bileux appuya la petite fille contre le mur. Sa bouche était entrouverte, ses yeux difformes et ahuris, très hauts par rapport à son front.
« Petite mignotte, tu as l’air douce, toute douce. Tu es comme ma petite sœur, douce aussi ! Gros bileux est gentil, hein ?»
Il prononçait la question d’une traite, comme un seul mot vide de sens. Vide comme son regard vitreux. Toute son âme semblait surnager à la surface de ces yeux, absents de toute profondeur.

Ribelas, le barbu, attrapa la prostituée par le poignet et la colla contre le mur opposé. Aveugle aux actes de son comparse, il comprima son sein dans sa main libre en ricanant. Marianne se tordait en tous sens pour échapper à son emprise.

« Lâche-moi ! Laisse la aller, tas de graisse, elle n’est pas à toi ! Maudit ! Nngh… »

Le sourire narquois du petit nerveux disparut lorsque sa main passa sous sa jupe et sentit son pantalon d’homme.

« Teigne ! Tu portes culotte ! » Il gifla violement Marianne qui tomba à genoux, le bras toujours tenu par le scélérat. « Je vais t’apprendre à prendre vêture d’homme ! Oh oui, je vais t’montrer ! »

Aussi aveugle à la claque que Ribelas l’était à ses attirances malsaines, Gros bileux restait tout à sa contemplation d’Alix. D’une main, il prit sa cheville et en éprouva la mollesse. « Gros bileux est gentil, hein ? » répéta-t-il avec une précipitation alléchée.

A l’instant où le poing du barbu s’apprêtait à s’abattre sur la jeune femme, le verrou du rez-de-chaussée se fit entendre à nouveau et la porte s’entrouvrit. La voix de Tenancier filtra par la fente.

« Ribelas, tu ne profiterais pas d’une de mes filles à l’œil par hasard ? »

« Sûr que non, Tenancier ! On ne faisait que s’amuser… » répondit le petit nerveux, pris au dépourvu.

« C’est heureux, Ribelas ! Si d’aventure, tu l’avais écharpée, cela t’en aurait coûté d’avantage et je sais que tu vas la bourse vide, ce soir. Et puis, tu connais ce qui arrive aux mauvais payeurs. Je les ai tous à portée de main. Enfin, seulement un bout… »

Il ne répondit rien, laissant les bruits sourds des ébats planer dans le couloir, bruits que la voix de Tenancier paraissait dominer sans efforts. Il imagina son index encore rose dans le bocal du proxénète. Une goutte de sueur froide perla dans son cou.

« N’encombre pas le couloir et descend tant que l’huis est ouvert. Je déteste les efforts inutiles. »

Ribelas pesta dans sa barbe et rejeta le poignet de Marianne.

« Gros bileux, lâche la gamine, on s’en va. »

« Mais… frangin. »

« Ne fais pas d’histoire et lâche-la. »

« Je pourrais peut-être l’emporter, Gros bileux est gentil, hein ? » Cette fois, cela sonnait comme un argument.

« LÂCHE LA, GROS BILEUX ! » hurla-t-il.

Le géant laissa tomber l’enfant tout net, puis descendit à la suite de son acolyte en grommelant, les lattes de bois grinçant douloureusement à chacun de ses pas.

Toujours à genoux, les yeux plissés et embués de larmes par la brûlure aigue qui enflammait sa joue, Marianne s’approcha d’Alix et lui caressa l’épaule. « Tout va bien, mon chat ? »
Le coup lui avait ouvert la lèvre inférieure

Elle se releva sur ses pieds et l’accompagna jusqu’à la première porte sur sa droite.
Une pièce de bonne taille, plongée dans l’obscurité, répartie autour d’un grand lit à baldaquin. De part et d’autre du couchage, deux tables de chevet accueillaient plusieurs bougeoirs. Sur le mur opposé au lit, une armoire surplombée de paniers d’osiers, quelques tabourets. A droite du lit, une commode sur laquelle reposait un broc en argile, plusieurs gobelets et bols en bois. Le sol était tapissé de carpettes élimées, quand au plafond, de multiples lambourdes rongées par les vers soutenaient le grenier.
A gauche du lit, deux fenêtres étroites en verre poli laissaient entendre les volets battre sous les bourrasques. Mais au-delà de ça tout semblait plus calme qu’à l’extérieur.

Marianne s’empressa de jeter ses bandelettes de pieds détrempées et soupira d’aise. Il régnait encore un froid mordant mais celui-ci était moins cruel que ceux qu’elles avaient connues jusqu’ici. Elle ouvrit un tiroir de la commode, en tira deux tresses de jonc qu’elle s’appliqua à embraser au briquet à silex et les posa sur des bougeoirs aux extrémités de la pièce.

Ceci fait, elle revint devant Alix et s’accroupit de nouveau à sa hauteur. Elle lui sourit avec chaleur. Dire que cette petite blonde serait morte dans le froid si elle n’avait rien fait, tout cela valait la chandelle. Elle la prit à nouveau par les épaules.

« C’est fini, mon chat. Personne ne viendra te chercher querelle ici, d’accord ? Quand le soleil sera levé, tu pourras rentrer. En attendant, fais ici comme chez toi, mais moi je vais me rincer les extrémités avant de plonger dans ces draps blancs pour les réchauffer ! »

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Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Au clair de la lune [PV Marianne]   Au clair de la lune [PV Marianne] EmptyMer 4 Sep 2019 - 19:41
Alix avait froid, terriblement froid. Tout son corps s'engourdissait, et elle n'arrivait plus à réfléchir clairement. La main qui tenait la sienne était déterminée, ferme, et presque chaude contre sa menotte glacée ; et, sans plus dire un mot, elle se laissa emmener. L'enfant vit défiler les ruelles et les bâtiments sans plus réagir, les yeux seulement entrouverts pour essayer de se concentrer uniquement sur ses pieds douloureux.

La façade sombre de l'établissement de plaisir du Goulot la fit déglutir, l'imaginant en une sorte de grand visage, dont la porte n'était autre que la bouche qui s'ouvrait tout grand pour la manger - mais la délicieuse perspective de rentrer au chaud quelque part la fit avancer à l'intérieur.

Le bruit infernal de la tempête s'estompa.

Essuyant la neige de ses cheveux, elle gratifia la prostituée d'un vague sourire, un peu hébétée, avant de s'avancer à petits pas vers la lumière vacillante d'un comptoir à sa gauche. Elle se sentait un peu perdue dans ce bouge sinistre, et la vision horrible de ces phalanges suppurantes dans un bocal, en dessous duquel un œil la fixait, dessiné sur une étiquette, la fit s'arrêter net.
Vivement, elle leva les yeux sur le tenancier, qui la regardait d'un air hostile, et plissa son front. Il avait l'air gras, méchant - les mains posées sur ses épaules ne la rassuraient pas vraiment, mais leur absence la fit frissonner. Elle se sentait plus vulnérable si c'était possible, et, brusquement, la petite fille sursauta lorsqu'il empoigna sa nouvelle protectrice pour lui appuyer les pouces sur les yeux.

Les yeux agrandis d'horreur, elle fixait la scène, le souffle court. La terreur l'envahissait à nouveau, la paralysait. La tempête hurlait toujours au-dehors, plus forte que jamais, et elle se demanda brièvement comment elle pourrait regagner la maison par ce temps, quand on la jetterait dehors. Mais l'homme finit par lécher les lèvres de la catin avant de la relâcher, finalement, avant de la regarder de haut en bas. Un peu lentement, Alix comprit qu'il acceptait qu'elle passe la nuit ici, et elle tenta maladroitement de faire une courbette un peu servile.
Puis, rapidement, elle saisit le bras de Marianne, la sentant trembler contre elle ; et elles finirent par s'engager dans le couloir.

Elle resta silencieuse, sans oser rien dire pour essayer de rassurer l'adulte à ses côtés. Elle prenait conscience que son argent filerait à la vitesse de l'éclair, que sa maman-nourrice, elle et les petits se retrouvaient sans défense, sans rien pour survivre. Qu'il fallait s'endurcir, trouver un travail, trouver de quoi les nourrir. Trois jours sans manger et ils en mourraient ; et c'était sa responsabilité. Un étau d'anxiété la prit à la gorge, lui donna mal à la tête. La fillette de sept ans murmura une prière silencieuse, et examina attentivement les lieux, décidée à se sortir de là dès qu'elle le pourrait. Il faudrait aussi remercier la gentille femme dont elle ne connaissait même pas le nom - mais elles auraient bien le temps, une fois à "l'abri".
Les senteurs qu'elle ne parvenait pas à discerner la troublait inexplicablement, mais c'était sans compter les cris de plaisir et de douleur entremêlés des clients et des filles. La bouche l'avait avalé, elle et l'inconnue, et elle avait hâte du matin, hâte de partir.

Des bruits de pas la firent sortir de ses réflexions. D'instinct, elle tenta de se tasser contre le mur à l'arrivée des deux hommes, essayant de ne pas fixer les jambes velus du plus gros des comparses - pourquoi ses braies étaient-elles baissées ? - et poussa un hurlement de surprise et de terreur, alors qu'il la saisissait violemment par les aisselles. Ses yeux globuleux semblaient idiots et sans vie, et le filet de bave qui coulait de sa bouche la dégoûta. Il puait les oignons et la chique, et des éclats de salive éclaboussa son visage couvert de larmes, lorsqu'il se remit à parler.
Épuisée, paniquée, l'enfant se mit à se tordre dans tous les sens, le suppliant d'une voix entrecoupée de la relâcher - il n'y avait aucun secours à espérer de la prostituée que le vieux barbu molestait sans pitié. Alix se mit à pousser des cris aigus, essayant de le taper de sa jambe libre, quand une voix qu'elle reconnut instantanément s'éleva dans l'escalier.

Le tenancier.

Ses menaces eurent l'effet escompté. L'homme torse ordonna à l'idiot qui la maintenait contre le mur de la lâcher, et elle se sentit s'écrouler sur le sol, contre le mur. Des larmes de douleur inondèrent ses yeux noirs, et ce fut le souffle précipité qu'elle se jeta contre la jeune femme. Elle n'avait cure de son dos et de ses chevilles douloureuses, ni de la lèvre éclatée de sa protectrice ; tout ce qu'elle voulait était d'être à l'abri. Elle tremblait tant qu'elle eut du mal à marcher jusqu'à la chambre, et finit par se laisser tomber contre le sol, les mains serrées sur la petite bourse remplie de toute la "fortune" de maman-nourrice.

Il faisait encore si froid dans ses vêtements trempés qu'elle ne put se défaire de sa cape. Le souffle désordonné, comme essoufflée, elle se tassa désespéramment contre un coin de la pièce, regardant la jeune femme allumer les bougies, et s'avancer ensuite vers elle.
A bien la regarder, elle était jolie, même si son teint était étrange, comme olivâtre. Elle portait du maquillage, et elle avait l'air gentille. Surtout, elle avait l'air gentille. Sa lèvre éclatée continuait de saigner, et l'enfant eut envie de l'aider à se soigner. Mais son interlocutrice mentionna le lit à baldaquin, ce qui eut comme effet immédiat de rendre l'enfant méfiante.

Le front plissé, la gamine des rues se colla plus encore contre le mur, et balbutia d'une petite voix :

- "Je baise pas dans le lit. Je suis juste.. sortie acheter de la nourriture. Maman-nourrice n'est pas rentrée. Me vendez pas. Si-sinon.. je.. Je mords !"

Elle n'était pas vraiment sûre de la réaction de la jeune femme ; elle s'attendait plus ou moins à une taloche bien sentie. Mais il fallait dire, fallait dire, sinon on était que des victimes. Et puis, elle était forte, même. C'était dur de l'être, mais en tout cas, il fallait essayer.
Mais comme il fallait faire bonne mesure pour les risques qu'avait pris l'inconnue pour elle, la petite fille s'empressa d'ajouter :

- "Merci de m'accueillir ici. Si tu veux, si tu m'obliges pas à baiser, j'ai des sous pour toi. On peut partager les sous de maman-nourrice, pour que tu meures pas de faim, et moi non plus. Si tu veux. Mais.. mais tu dis pas au maitre, hein. Il me fait peur... Il va me vendre. Je sais qu'il va me vendre."
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Marianne CrassinProstituée
Marianne Crassin



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MessageSujet: Re: Au clair de la lune [PV Marianne]   Au clair de la lune [PV Marianne] EmptyMer 11 Sep 2019 - 11:19
A mesure que la petite fille énonçait ses conditions et se confondait en alternatives, Marianne adopta une mine contrariée. Elle souffla par le nez et se mit à lui asséner des petits coups sur le front avec son index, comme pour lui faire rentrer quelque chose dans le crâne.

« Sotte. Sotte. Sotte. Sotte. Sotte. » répétait-t-elle à chaque coup. Lorsqu’ Alix se protégea instinctivement la tête, elle s’amusa à la harceler aux endroits les plus sensibles de son corps, notamment ses côtes, dans l’idée de la faire rire. Après quelques instants, elle attrapa le visage de la petite blonde entre ses mains et lui fit la leçon.

« Tu es sotte de penser que l’on peut faire négoce avec plus puissant que soi. Tu es faible, d’accord ? Et comme tous les faibles, c’est en courbant l’échine devant les puissants qu’on aspire à survivre longtemps. Ecoute une faible qui connait son sujet. Et si Maître Tenancier souhaite te vendre, il te vendra, et il prendra tes sous au passage. Et si je souhaite t’abuser, je t’abuserais que cela te plaise ou non. » Elle sourit pour nuancer sa tirade péremptoire et déboutonna la capeline détrempée de la petite fille.

« Grâce aux Trois, ceux qui abusent d’enfants ont l’esprit malade et je ne suis pas de ceux-là. Quant à Maître Tenancier, il n’est pas séquestrateur, seulement proxénète. Tu n’as rien à craindre, ni de lui ni de moi. » Elle lui baisa le front, sa lèvre inférieure laissant une petite marque vermeille.

« Rappelle-toi seulement mes paroles : Les faibles n’ont que deux choix, la fuite ou la soumission. Et quand vient le temps de choisir, il faut faire vite et bien.
Ce soir, tu n’as pas de choix à faire, tâche d’en profiter… »

Sa main lui caressa la joue et elle se releva avant de se diriger vers une petite bassine en bois, au pied du lit.

Elle accrocha son grand pardessus de laine au baldaquin et plongea ses deux pieds dans le reste d’eau qui tapissait le fond du baquet. Froide, bien sûr, mais nécessaire pour purifier ses jambes de la saleté urbaine.

Débarrassée de son ample mantelet, la nomade dévoilait enfin sa silhouette. Les pans de ses manches cachaient si bien ses bras qu’on en serait venu à douter de leur existence. Pourtant, ils étaient bien réels, palpables, comme le reste de son poitrail couvert d’un veston bleu à motifs. En comparaison, sa robe nouée haut sur ses hanches réduisait de façon charmante la taille de son buste et lui donnait des airs de poupée grandeur nature.
Soucieuse de ne pas le mouiller, Marianne ouvrit son veston sur une simple chemise blanche et l’envoya rejoindre son pardessus. Elle porta un peu d’eau à son visage pour le rafraîchir et laver la fente sanguinolente sur sa lèvre. Puis elle trempa ses mains au fond de la cuve pour les soulager de leur rude journée de ménages.

Les jambes plantées dans son baquet, Marianne avait des airs de végétal qu’on viendrait enfin d’hydrater. Et si le bon sens dictait d’éviter de plonger ses membres dans un bain glacial, le visage humide et épanoui de la nomade offrait une convaincante publicité à l’exercice.

« Viens donc rincer tes pieds avant d’entrer dans les draps. ‘serait malvenu de les salir. » Dit-elle en enjambant la cuvette, ses jambes ruisselant sur le parquet, reflétant la flamme des bougies sur leur fuselage basané.

Marianne se détourna et sans plus de cérémonie, dénoua sa robe qui glissa le long de ses jambes nues. Les pans de sa chemise blanche vinrent pudiquement masquer l’arrondi de ses fesses.
La jeune femme plongea sous les couvertures et glissa jusqu’au pied du lit, d’où sa tête reparut avec le naturel d'une naïade.

Une main soutenant son menton, elle réalisa : « Au fait, c’est quoi ton petit nom ? Moi, c’est Marianne. »
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Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Au clair de la lune [PV Marianne]   Au clair de la lune [PV Marianne] EmptyMer 9 Oct 2019 - 13:53
L'expression contrariée de son interlocutrice figea un peu la fillette. Il était clair qu'elle n'appréciait pas qu'on lui ait parlé comme ça, et une grosse boule d'anxiété se forma au niveau de sa gorge. Alix plissa son visage, tandis que le doigt lui martelait le front, retroussant son petit nez, tenta finalement, sans même y penser, de se protéger en levant les bras et les mains pour se défendre.
A nouveau, les doigts de la prostituée revinrent la harceler, mais c'était devenu si drôle, et elle était si chatouilleuse au niveau que l'enfant étouffa un rire joyeux et clair.

- "Tu me chatouilles, arrête !"

Mais son ton était moins convaincu, et, tandis que l'adulte arrêtait de la picoter, elle retrouva son calme, plus détendue et un peu plus confiante, malgré elle. A sept ans, la petite fille était bien trop peu expérimentée pour se méfier longtemps ; et fixa la jeune femme, gravement, de ses deux yeux noirs embués de fatigue, alors que cette dernière se remettait à parler.

La petite baissa ses yeux sous la semonce.
Elle se sentait la rage au cœur, brusquement, et de grosses larmes montèrent à ses yeux, irrépressiblement. Elle se sentait faible ; elle se savait faible, parmi tous ces adultes qui pouvaient établir leur loi comme ils l'entendaient. Elle n'était rien, même pas un grain de poussière dans cette immense cité, et elle savait, au plus profond d'elle-même, que la dame avait raison, qu'elle n'avait pas le choix, si on lui imposait des choses. Mais c'était pas juste, pas juste du tout ! Fallait protéger les petits, mais comment y arriver, si elle ne pouvait même pas se protéger elle-même ?!
Elle ne put étouffer un soupir de colère, de désespoir - mais se laissa enlever son manteau détrempé, en jetant à la jeune femme un regard de petit chaton perdu. Fallait-il lui faire confiance ? Elle n'en savait vraiment rien, mais tout portait à croire que cette nuit, tout irait bien, malgré la température glaciale qui semblait même atteindre ses os. En vérité, le lit bien chaud la tentait beaucoup, aussi, finalement, Alix entreprit de délacer ses bottines, maladroitement, tandis que la gentille inconnue lavait ses pieds dans une bassine située au pied du lit, et l'invitait de faire de même.

L'enfant imagina tout de suite que l'eau devait être bien tiède dans le baquet, et, une fois ses pieds déchaussés, elle descendit ses bas de laine noire pour les rouler en boule dans ses chaussures. Elle grelottait violemment, mais elle offrit tout de même un grand sourire naïf à sa nouvelle amie, désormais un peu rassurée par la posture amusante de l'adulte. C'était drôle, comme si le lit se transformait en maison, ou de la neige bien chaude, dans lequel on pouvait nager et se sentir mieux. Sa robe aussi était humide, et elle finit par l'ôter en frissonnant, rejetant ses cheveux emmêlés en arrière, sans s'en soucier. En chemise à son tour, elle s'empressa de s'approcher du merveilleux lit à baldaquin, plongeant sans hésiter ses pieds dans l'eau glissant.
Alix changea de couleur. Ses joues rougirent instantanément, ses yeux s'agrandirent de surprise, et elle poussa un petit cri de stupeur.

- "C'est gla-glacé, Marianne ! Oh lala !"

Vite, la petite fille s'empressa de se réfugier dans les draps, à peu près sûre que la nuit se passerait bien. De toute façon, comme l'avait dit son amie, ici, il n'y aurait pas de choix à faire - et c'était bien, parce qu'avec la tempête qui sévissait au-dehors, il serait difficile de s'enfuir. En tout cas si elle voulait survivre.

- "Je m'appelle Alix. Tu travailles ici, alors ? Y'a des gens, ils disent que les dames comme toi, c'est des sorcières, et elles mangent les enfants. Mais moi, moi, j'y crois pas."

Enfin, pas trop.

- "J'y crois pas du tout. T'es gentille, merci de me laisser venir... Je.. il a l'air vraiment méchant, Maitre Tenancier. Je voulais pas te créer des ennuis. Les enfants et moi, on a pas trop l'habitude de sortir, parce que maman-nourrice était pas trop d'accord. ... Ca fait du bien, de se trouver au chaud... A la maison, on a plus de bois. Ca fait longtemps qu'tu bosses là ?"

Elle lui offrit un sourire, à nouveau, en se blottissant dans les draps, comme un petit animal gelé et craintif. L'enfant se sentait un peu mieux, pour le coup, et elle repensa à la blessure de sa nouvelle amie à la bouche.

- "...J'peux essayer de te soigner. Tu saignes à la bouche."

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MessageSujet: Re: Au clair de la lune [PV Marianne]   Au clair de la lune [PV Marianne] EmptyMer 6 Nov 2019 - 11:45
L’œil pétillant, Marianne observait la petite fille qui s’apprêtait au coucher et se séparait des épaisses couches de vêtements qui la couvrait. En dépit des épreuves passées et de celles qui lui restait à endurer, elle remercia les Trois d’avoir mis cette blondinette sur son chemin.
Son seul regret à cette vie de débauche qu’elle avait mené toute sa vie, c’est qu’elle ne pourrait sans doute jamais goûter à la vie de femme au foyer, mais surtout de mère. Si elle devait avoir une fille, elle aurait aimé qu’elle ressemble à celle-ci. Mais elle hériterait sans doute d’une peau mate de paysanne et de vilains cheveux noirs de corbeau comme les siens. Surtout si elle devait épouser un membre de son clan comme le voulait la coutume.

Quand la température de l’eau surprit la fillette, l’expression sur son visage fut telle que la bohémienne éclata de rire alors qu’elle détallait sous la couette. Sa frimousse apparut dans la caverne de draps que Marianne formait, et dont l’entrée donnait sur l’armoire face au lit. Dans la pénombre, la voûte souple de la couette pouvait très bien avoir l’épaisseur d’une montagne. Marianne frissonna d’aise à l’idée de partager son lit de cette manière.
La petite fille, sans doute intimidée par cette proximité soudaine, se mit à gazouiller une ribambelle explications et des questions. Elle y appris son nom, Alix. Ce n’était pas vilain et cela lui seyait. Sans l’interrompre, la bohémienne l’entoura de ses bras et la rapprocha d’elle pour la réchauffer. Alix se blottit dans les draps et lui fit un beau sourire. Marianne lui rendit un sourire maternel et chaleureux. Il se transforma en expression de légère surprise quand la blondinette s’enquit de sa lèvre inférieure.

Marianne passa ses doigts sous la plaie pour en laver le sang et en juger de la quantité. La blessure était superficielle et ne coulait plus. Elle tendit son index taché d’une trace vermeille à la jointure.

« N’ai crainte. Le sang des adultes reconnait vite qu’il a plus d’usage au-dedans qu’au dehors. » déclara-elle avec gaillardise.

« Je préfère magicienne à sorcière. Mes seuls tours sont de pressentir l’avenir dans la paume des gens… et de faire s’en retourner les hommes à une heure tardive dans le giron de leurs bonnes femmes. » Elle gloussa toute seule.

« Je suis ici depuis que les Fangeux usent leurs ongles contre les portes de la ville. Avant, je courrais le pays, libre… mais mon péché était déjà grand. » Elle parlait bas, d’une voix chaude, sur un ton secret atténué encore par la couette qui les entourait.

« Tenancier est le gardien que je mérite, moi qui bafoue jour et nuit les lois d’Anür et de Serus, loués soient-Ils. » Elle réfléchit un instant.
« Je crois que le mal subit vient toujours des Trois. Lorsqu’on est pure comme toi, il faut se lever contre lui et le surmonter comme une épreuve dont on sort grandie. Lorsqu’on est impure comme moi, c’est une punition a laquelle il faut s’offrir. Sans quoi, on ne vaut plus rien à Leurs yeux. »

Elle lui caressa la joue. « Reste pure pour moi, Alix, veux-tu ? Trouve un beau garçon, marrie toi à lui et donne lui de nombreux enfants. Ainsi tu pourras toujours t’opposer aux Tenanciers sur ton chemin… et non pas t’y soumettre. » Elle acheva sa phrase sur une pointe de tristesse dans la voix. Mais elle fut de courte durée.

« Je me rappelle soudain ce que j’avais promis en faisant ta rencontre. » Marianne passa la main dans son dos et fit apparaitre le demi-pain resté dans sa manche en rentrant chez elle. « Voilà pour toi. A moins que tu ne souhaites manger demain matin. As-tu sommeil, mon chat ? »
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