Changement, et découverte [Lyanna]

Sujet: Changement, et découverte [Lyanna] Ven 13 Sep 2019 - 17:03

Avril 1166...

Il y avait de la morosité en ce jour, en cette période de déménagement. Le mariage de Madame et du Comte de Rougelac eut lieu, et le temps était à ce changement de vie. La Comtesse devait s'installer dans la demeure de son époux, et pour cela donna quelques ordres quant à ce qu'elle souhaitait voir apparaître sous son nouveau toit.
Ce mariage n'était pas souhaité, et la pluie qui sévissait sur le bonheur de Madame ruisselet sur ses domestiques, et j'y échappais pas.

Dame Bathilde avait ce don pour donner le bon mot au bon moment, alors, en bonne suivante qu'elle était, elle parvint à nous motiver pour accomplir notre devoir et entourer au mieux notre Maîtresse.
Le transport des affaires de la Comtesse bouffait nos jours, des efforts que nous fîmes cependant avec une volonté infaillible.
Dans ce malheur qui pourtant ne touchait ma vie, mais me faisait mal, je m'installai, peaufinai mon petit atelier, en disposant sur des meubles les quelques souliers que voulaient avoir sous la main la Noble.

Il ne me restait plus que deux pièces à mettre en place. L'une était la paire utilisée pour le mariage, les souliers de verre.
Avec soin je les attrapai, et constatai qu'elles avaient plutôt bien supporté la journée. Un fait qui me ravissait. J'avais la certitude que Maître Talon me jalouserait... Et si j'avais vraiment du génie ?
Cette paire eut droit à une place particulière, en hauteur sur un coussin rouge. Montant sur la chaise je vis défiler toutes les étapes à sa confection.

Avec prudence je les posai de manière élégante et descendit pour m'occuper de la paire pour laquelle je devais montrer une attention toute particulière selon les ordres de la Comtesse.
Une paire avec des talons assez hauts, une coupe ordinaire bien que luxueuse qui recouvrait légèrement la cheville. Dessus il y avait de nombreuses broderies représentant des oiseaux, des fleurs et autres dessins charmants multicolores.

Elle était loin d'être la plus jolie, encore moins la plus riche, mais je devais en prendre grand soin, et je n'étais pas là pour discuter les ordres de Madame.
Avant de les ranger je décidai de passer un coup de chiffon... Je fus satisfait d'arriver à la fin de tout ce chamboulement, mais je savais aussi que la vie ne serait pas simple, et demanderait encore un grand talent d'adaptation. Après tout, j'avais beau être taciturne, et invisible, ma courte existence fut témoin de ma capacité pour retomber sur mes pieds...

Sujet: Re: Changement, et découverte [Lyanna] Mer 18 Sep 2019 - 0:05

Cela faisait un peu plus d'un mois que Lyanna était au service de la Baronne de Nerra. Si ses débuts avaient été difficiles, tant pour se faire engager que pour trouver ses marques dans cette grande maison, elle avait finalement prit son rythme et suivait le quotidien d'Adelaïde avec intérêt. Le travail de domestique était bien plus laborieux qu'elle ne l'aurait supposé : les journées étaient longues et fatigantes. A cela, il fallait ajouter le stress de sa double tâche qui, si elle était inconnue à son employeur, n'en restait pas moins capitale. Il n'était pas toujours aisé de ne pas se faire prendre et de cueillir les informations de Madame comme de simples grappes de raisins, prêtes à être servies au cruel personnage qu'était Victor de Rougelac, son futur époux, qui l'avait envoyé – ou plutôt, piégée – ici en qualité d'espionne, pour surveiller les faits et gestes de la gente Dame et percer à jour tout ses plus sombres secrets...
Fort heureusement, la Baronne lui faisait confiance. Elle s'était livrée à elle – ou devant elle -. C'était donc un peu rassurée que Lyanna poursuivait son labeur au près d'Adelaïde de Rougesoleil, en faisant de son mieux dans ses deux fonctions.
Si tout s'était bien passé jusqu'ici, il ne faisait aucun doute que les choses ne tarderaient pas à se gâter. Le mariage – maintenu malgré tout les efforts de la Baronne pour y mettre à terme – avait finalement été célébré. L'espionne avait naïvement pensé que Victor la congédierait une fois ses fins assouvies. Mais ce ne fut pas le cas, puisqu'il autorisa Madame à la garder comme suivante dans leur future demeure commune. Ce n'était donc pas sans grincer des dents, folle de rage à l'idée de devoir servir dans la maison de son bourreau de l'ombre, que Lyanna s'était affairée à plier les bagages de la Dame, prenant grand soin de ses vêtements, parures et autres coquetteries qui la suivraient sous son nouveau toit. La voleuse appréhendait surtout de devoir s'entretenir seule avec le Comte. Leur dernier tête à tête ne s'était pas passé comme elle l'avait imaginé, et non content d’exercer sur elle une domination certaine, faite de menaces et de pouvoir, il lui était venu à l'idée de pousser son petit jeu de fourbe jusqu'à parcourir son corps de ses mains. Ces caresses atroces avaient ébranlé la jeune femme, qui nourrissait désormais pour Victor une haine certaine. A la première occasion, elle ébranlerait son royaume, y mettrait le feu, saccagerait tout le fruit de son travail si durement mené... Ou lui trancherait la gorge... A voir...

C'était d'humeur maussade que Lyanna disposait les vêtements de Madame dans les commodes et armoires de ses appartements. L'ambiance n'avait pas été au beau fixe, ces derniers temps, entre ce mariage arrangé et si peu désiré, la détresse de la désormais Comtesse et toute la folie nécessaire au déménagement. La voleuse avait rasé les murs, se faisait aussi petite et discrète que possible. Hors de question qu'on vienne lui reprocher quoi que ce soit, ou que l'attention de Victor ne se pose à nouveau sur elle. Elle faisait son travail, point. Et si ce n'était pas la plus réjouissante des tâches que celle d'organiser les affaires de la Dame, au moins cela avait le mérite de la tenir éloigné de son bourreau.
Bathilde entra subitement dans la chambre, sans frapper. La domestique sursauta, prise par surprise et coupée nette dans ses songes. La suivante avait don de faire des entrées sans être attendue, et comme Madame n'était pas là, à quoi bon signaler son arrivée?

- Vous n'avez pas encore fini, Mademoiselle Desroses? Ne lambinez pas, enfin ! Tout doit être prêt pour quand Madame reviendra.
- J'arrive aux derniers vêtements... J'ai du en repasser quelques un qui avaient moins bien supporter le voyage.
- Bien, bien... Dépêchez vous. Adelaïde m'a chargé de vous dire qu'elle souhaitera se changer à son retour. Choisissez une tenue élégante, mais pas pompeuse. Elle dînera seule avec le Comte, ce soir.
- Bien, Madame...

Bathilde était sur le point de partir, lorsqu'elle se tourna à nouveau vers la rousse qui peinait à camoufler son dépit.

- Oh, et, Mademoiselle Desroses... Madame a insisté sur le fait qu'elle voulait porter sa paire de souliers préférée pour ce dîner. Vous irez les chercher dans l'atelier du cordonnier de Madame, Robin.

Lyanna cligna des yeux, incertaine. Pourtant, elle répondit à la positive à sa supérieure qui eut vite fait de reprendre sa ronde infernale pour s'assurer que tout serait prêt pour l'arriver de leur Dame. Lyanna fronça les sourcils, se hâtant pour terminer de suspendre les derniers vêtements encore pliés.
Mince alors... Adelaïde avait donc une paire de chaussures préférée? C'était bien sa veine... Elle n'y avait jamais prêté attention...
La voleuse réajusta sa tenue et ses cheveux avant de quitter la chambre. Tout le long des couloirs, elle chercha à se rappeler... Quels souliers la Baronne – ou plutôt, la Comtesse – avait pour habitude de mettre le plus souvent? Ou peut être n'était ce pas le bon raisonnement... Peut être au contraire les chérissait elle tellement qu'elle se refusait à les porter à toutes les occasions? Zut zut... On venait de lui poser une sérieuse colle... Et à présent, elle angoissait.
La rousse frappa deux fois à la porte du dit atelier, une fois qu'elle l'eut rejoint. Elle patienta quelques secondes, puis, entendant ce qui lui sembla être une invitation à entrer, tourna la poignée et s'engouffra dans la pièce.
Dans le manoir de Rougesoleil, elle ne s'était jamais rendu à la cordonnerie. Le plus souvent, c'était Bathilde qui s'occupait de cette tâche. Sans doute parce que Lyanna n'était alors qu'une nouvelle domestique. Aussi, lorsqu'elle tomba nez à nez avec un jeune homme au visage angélique, elle cligna des yeux de surprise. Elle s'attendait à tomber sur le cordonnier... Ce ne pouvait pas être lui, si?
Ne quittant pas son rôle – et masque – de gentille domestique sans histoire, la voleuse croisa les mains devant elle, adressant un petit sourire à son interlocuteur. Ses yeux bleus azurs, néanmoins, détaillaient le jeune homme avec attention, cherchant à lire au travers lui, graver dans sa mémoire chaque données, importantes ou non, qu'elle pourrait trouver à noter. Les vieilles habitudes ont la vie dure...

- Bonjour... Je vous prie de m'excuser, je souhaiterai voir un certain Robin, le cordonnier.

Ses yeux balayèrent la pièce, observant la collection de chaussures en tout genre appartenant à la Comtesse. Son regard s'attarda sur l'une des paires, mise davantage en valeur que les autres. Elle se souvenait parfaitement de cette paire... Des chaussures ouvragées, élégantes et surprenantes... On eut dit qu'elles étaient tout droit sortie d'un conte de fée.
Lyanna les connaissait, car cela ne faisait pas si longtemps que cela qu'elle avait aidé Adelaïde à les chausser. C'était celles qu'elle avait porté pour son mariage, célébré il y avait peu.
Elle se souvenait en avoir contempler l'éclat parfait du verre, l'ouvrage et le talent qui avait été mis en oeuvre pour les concevoir. Elle était admirative devant une telle finesse. Sans doute auraient elles été le premier de ses trésors convoités, si Rubis avait prit pour cible la maison des Rougelac...
La domestique désigna la paire de chaussures, un sourire en coin.

- Elles sont vraiment magnifiques...

Sujet: Re: Changement, et découverte [Lyanna] Mer 25 Sep 2019 - 15:42

La solitude dans lequel je me trouvais m'apaisait. J'avais l'impression que loin du bruit, et des autres, rien ne pouvait m'arriver. Je faisais mon travail, simplement, et cela suffisait. Mon passé fait d'orages me semblait si loin désormais.
Bien-sûr je n'étais pas insensible aux maux qui touchaient Madame, néanmoins j'essayais de conserver une certaine distance. Le temps avait blindé mon pauvre coeur.

Prenant le temps de bien m'installer, d'agencer du mieux possible mes affaires afin que paraisse visiblement mon petit coin qui me servait d'atelier et la partie qui se voulait être une espèce d'exposition des souliers de la Comtesse je me demandais ce qu'il pouvait se passer à présent. La Mariage de ma Maîtresse pouvait-il mener à quelque chose de bon, sachant qu'il n'était pas désiré ?
Je n'en savais rien. C'était là des questions qui me dépassaient, et pourtant j'aimais à rêver des réponses comme ça, bêtement.

Prenant quelques minutes pour souffler un peu, j'admirai les étagères lorsqu'une voix m'ôta de mes pensées.
Il s'agissait de la dernière recrue. Avec tous les événements je n'avais pas eu l'occasion de la croiser énormément. J'inclinai légèrement la tête pour la saluer.

-" C'est moi ! " répondis-je sobrement, un léger sourire sur le visage. Puis, le silence, la jeune femme observa l'endroit, et paraissait surprise.
Comme beaucoup, son regard s'attarda sur la paire que j'avais confectionné, qui donnait l'impression d'être des souliers de verre.
Très vite, elle confirma ce que je pensai, et me désigna la jolie paire en les gratifiants d'un beau mot. Comme à chaque fois, je me sentais gêné, ce génie là venait du ciel, et sans doute de l'enseignement de Maître Talon.

-" Merci. Il est simplement dommage qu'elles se soient inaugurées dans un jour triste." soufflai-je avec un certain dépit car cela dans le fond m'affectait. Comme j'aurais aimé les fabriquer pour un moment de bonheur.
-" Vous êtes la nouvelle domestique n'est-ce pas ? Est-ce que je peux vous venir en aide ? " demandai-je poliment en attrapant la paire pour qu'elle puisse la voir de plus près faisant bien attention à ne pas les abîmer.

Sujet: Re: Changement, et découverte [Lyanna] Lun 30 Sep 2019 - 20:33

Lyanna reposa les yeux sur son interlocuteur, qui lui affirmait se nommer Robin. Elle ne put camoufler sa surprise en découvrant que le dit cordonnier était d'un si jeune âge. Elle eut penser qu'il n'était qu'un domestique, là pour changer les bougies, ravitailler les paniers à bois pour les cheminées ou encore pour vider les pots de chambre. Au mieux, elle aurait supposé qu'il était un apprenti de l'homme en charge des chaussures de Madame. Mais jamais elle n'aurait imaginé que ce put être lui, l'artisan de talent, à l'origine de l'oeuvre d'art qu'elle contemplait alors sur l'étagère. Pourtant, en le détaillant de son regard azuré, il lui parut que le garçon était des plus sérieux. Son visage angélique, à mi chemin entre l'adolescence et sa future figure d'homme mature, acheva de la convaincre. Et puis, après tout, quel intérêt aurait il eu à lui mentir?
Sa surprise passée, la voleuse lui adressa un sourire sympathique. Inutile de le mettre dans l'embarras en lui faisant une remarque sur son âge, elle pouvait s'être trompée d'une part, de l'autre mieux valait qu'il soit disposé à lui venir en aide. Il connaissait la collection d'Adelaïde mieux que quiconque. Et puis, ils étaient tout deux dans le même bateau... Enfin, allez savoir s'il ne se réjouissait pas de cette nouvelle alliance entre leur Dame et Victor... Il était préférable qu'il n'ait pas un mot désobligeant à son égard vers le maître des lieux, sans quoi elle devrait en répondre devant l'intéressé, et de cela, elle n'en avait absolument aucune envie.
Mais Robin la détrompa bien vite sur cette éventualité. Posant à son tour son regard sur la paire de souliers de verre, il répondit sobrement quelque chose qui leva les doutes de la domestique. Un jour triste... C'était le moins que l'on pouvait dire. La pauvre Baronne n'était pas tirée d'affaire, avec un mari pareil... Un pervers, un narcissique, un manipulateur... Voilà ce qu'était Victor. En plus de cela, la pauvre Dame était bien loin de se douter qu'il avait fait envoyé quelqu'un depuis un petit moment déjà pour fouiner dans la totalité de ses affaires. Il risquait de se mettre dans un sacré courroux contre la malheureuse, lorsque Lyanna lui ferait son premier rapport...
Oh, et bien sûr... Il était bien inutile de parler de sentiments dans ce mariage, cela allait sans dire...
Le plus étonnant la dedans pour la rousse fut la modestie dont pouvait faire preuve le garçon. Avec une création pareille, il aurait été en droit de fanfaronner à qui voulait bien l'entendre qu'il était l'auteur de ces petites merveilles. Mais au lieu de cela, il restait humble. Surement était il bien plus touché qu'elle ne voulait bien le croire par la détresse de leur Dame.
La jeune femme adressa une petite moue, pour le rejoindre dans sa pensée. C'est à voix plus basse qu'elle s'adressa à lui alors, histoire d'être bien sûre qu'ils ne soient pas surpris au milieu de cette conversation.

- En effet... Quel gâchis...

Il le prendrait peut être pour Adelaïde... Elle, elle parlait simplement des chaussures. Non pas qu'elle n'éprouva pas une certaine sympathie à l'égard de sa patronne, ni qu'elle ne compatis pas à son chagrin... Seulement... Ainsi était fait la vie, n'est-ce pas? La notion de mariage même pour elle était une espèce de prison dans laquelle on se jetait, de gré ou de force. Alors quitte à être mise en cage... Ne valait il pas mieux que celle-ci soit dorée?
Robin lui demanda finalement quelle était la raison de sa venue. Tout en le faisant, il lui tendit la paire de souliers que Lyanna recueillis dans ses mains avec précaution. Elle en admira encore une fois les détails, les lignes élégantes et soignées, caressant du bout des doigts la surface, les ornements...

- Je m'appelle Lyanna. Et oui, en effet, je suis la nouvelle domestique de Madame. Je suis enchantée de finalement faire votre connaissance, Robin. Je n'avais pas encore eu l'occasion de venir me présenter à vous.

La jeune femme lui adressa un sourire poli, qui se voulait quelque peu chaleureux. Il n'avait pas l'air méchant, et il semblait plutôt dans le bon camp. Aucun raison, dans ces conditions, de se montrer méfiante ou distante.

- J'admire pourtant votre travail depuis que je suis arrivée. Vous avez un réel talent. Mais ça, vous devez déjà le savoir.

Petit sourire à nouveau. Après avoir contemplé une énième fois les sublimes souliers qu'il lui avait tendu, elle les reposa avec précaution sur la table à côté d'elle. En son fort intérieur, elle nota qu'en cas de soucis, elle reviendrait sans doute faire un petit détour par cet établi pour chaparder ce butin de choix.
La rousse se tourna à nouveau vers le garçon. Assez de politesse et d'admiration pour l'heure, ils avaient tout deux du travail et elle, en particulier, avait été chargée d'une mission par sa supérieure. Mission qui requérait l'aide du jeune homme, puisqu'elle ne s'était pas montrer assez attentive quant aux préférences et coups de cœur de la Baronne.

- Peut être pourrez vous m'aider, effectivement. Du moins, je l'espère. Bathilde m'a envoyé chercher une paire de chaussures que Madame souhaiterait porter au dîner de ce soir. Il s'agirait, apparemment, de sa paire préférée... Or, d'ordinaire, je ne m'occupe pas des souliers de la Baronne – ou plutôt de la Comtesse, à présent -. C'est Bathilde elle-même qui s'en charge, mais elle est trop occupée pour l'heure et n'a pas eu le temps de me donner davantage de précisions...