[Abandonné] Une future garde-du-corps ? (PV Aeryn-Alix-Aymeric)

Depuis la mort de son aîné fin septembre 1165, la vie d'Aymeric a été solidement bousculée. D'honnête coutilier en passe de devenir Sergent, du moins c'étaient les rumeurs qui courraient à son propos, Aymeric a reçu l'ordre de quitter la Milice pour rejoindre son père, au titre de dernier survivant mâle de la famille comtale de Beauharnais, à l'exception de son père, le Comte Wilhelm de Beauharnais. Les deux se détestent cordialement et si ça n'est son sens du devoir, Aymeric l'aurait laissé dépérir sans remuer le petit doigt. Le Comte, trop marqué par le décès de son héritier, ne porte plus aucune attention à ses affaires et il appartient à Aymeric de prendre, officieusement la relève. Ce qui est tout, sauf simple.

En effet, ayant gaspillé ce qui lui restait de fortune pour que son héritier, Gonzague, fier guerrier, se fasse remarquer par le Duc, le Comte et sa famille se voient ruinés. Ne reste au Comte que quelques biens de valeur mais difficile à vendre et deux commerces qu'il loue au Duc et ne rapporte que peu. Pas assez pour conserver les quatre domestiques du Comte ainsi que le palefrenier, Guillaume, qui a pour ainsi dire élevé Aymeric dans son enfance. La priorité d'Aymeric, futur Comte de Beauharnais, sera de recevoir une instruction, ce qui entend refaire son alphabétisation, domaine où il était mauvais enfant, et l'étiquette, dont il est totalement dépourvu, et se trouver une épouse riche, prête à acheter un titre. L'instructrice d'Aymeric, Aalicia, présentait les deux qualités et malgré une réputation lamentable, le nouvel héritier du nom décide de l'épouser sans attendre, ce qui lui permet de conserver le personnel de maison, son palefrenier et de finir les réparations du seul bien qui lui appartenait d'avant qu'il ne redevienne sang-bleu, une fermette dans les faubourgs.

Le mariage du futur Comte fut diversement apprécié et la réputation d'Aymeric en souffrira, la Veuve noire ayant une image totalement détruite. Mais ce mariage eut un effet plutôt inattendu. Découvrant la bonne fortune de l'ex-coutilier, une noble, ancien amour de jeunesse du futur Comte, lui apprend qu'après leur séparation elle a découvert attendre une enfant, qu'elle a abandonné au Temple. Désormais mariée, elle ne pouvait pas la faire connaître de son époux au risque de provoquer sa colère et de mettre la fillette en danger mais elle demande à Aymeric de s'occuper de leur fille, Alix. Et bien que ça ressemble à un piège, Aymeric se lance à la recherche de sa fille, qu'il finit par retrouver. Il la reconnait dans les traits de sa défunte mère et n'a aucun doute sur la filiation, aussi la prend-il en charge, au grand désappointement de son épouse, furieuse de voir surgir une enfant naturelle dans le jeu de quilles, d'autant plus qu'Aymeric parle immédiatement de l'adopter et entreprend les démarches en ce sens.

Alors qu'Aymeric est en mission dans le Labret pour le compte de l'Ordre commandé par Alexandre de Terresang, Aalicia décide de fuguer, convaincue que cet acte poussera son mari à la choisir elle et se débarrasser d'Alix. Pari perdu, Aymeric n'entreprend aucune recherche concernant son épouse, qui à ses yeux a trahi ses vœux de mariage et la fait porter disparue, puis s'empare de ses biens, augmentant ainsi sa fortune personnelle. Il quitte l'Ordre dans le même temps, quand il découvre qu'Alexandre de Terresang veut offrir la seule membre de sa famille au pire noble de Marbrume, le Comte de Rougelac, qu'Aymeric, croyant, considère comme un ennemi intime de sa famille. Ayant fait de son seul allié noble un ennemi, la vie à l'Esplanade devient une prison pour notre noble chasseur, qui n'a plus qu'un rêve, s'installer au Labret. Et les choses s'accélèrent encore quand l'adoption est enfin approuvée par le Temple et que le père d'Aymeric meurt, officiellement de maladie, dans les faits en se pendant, ce qu'Aymeric ne pardonne pas aux domestiques de son père, qu'il chasse sur le champ. Désormais père et Comte, Aymeric a le champ libre pour mener à bien son projet de déménagement.

Mais il est difficile de faire les choses secrètement dans l'Esplanade et Apolline de Pessan, ayant eu vent qu'un noble guerrier voulait s'installer au Labret, lui propose de s'occuper de son domaine là-bas en tant qu'intendant, en échange du logis, de la nourriture et de quelque mission d'information. Aymeric, après négociation, obtient en sus un partenariat sur une exploitation animalière qu'il compte mener là-bas, l'aide d'une érudite sur place, 500 écus d'or pour sa fille s'il venait à décéder (ou si le contrat devait se rompre) et le rachat (à perte) par la Pessan de la maison close ayant appartenu à Aalicia, l'Effeuill'age. Et après avoir fait les premières réparations de la ferme Pessan (faire blinder portes et fenêtres du rez-de-chaussée, abattre l'escalier pour le remplacer par une échelle) et avoir engagé une domestique qui en réalité est ouvrière agricole, Aymeric fait venir sa fille, son palefrenier et quelques meubles pour l'emménagement au domaine Pessan et s'y attelle à de nombreux travaux.

Ces travaux ne sont interrompus que par le retour obligé du Comte à Marbrume pour le tournoi Royal suivant le couronnement de l'ancien Duc. Si notre archer n'est pas un bretteur exceptionnel, il ne pouvait décemment refuser l'invitation du roi et bien que le tournoi n'aura pas lieu, Aymeric rentrera au Labret avec sa fille et un statut de héros qu'il assume très mal, étant plus que déçu de l'attitude de ses congénères lors des événements du chaudron. La réparation du domaine sera sa seule priorité : Finir les réparations de la "Ferme" (qui est un château fort), placer des clôtures sur les champs accueillant ses chevaux et un autre qui accueille une vache qui devrait bientôt mettre bas. Et ça en était là jusqu'à la veille où le Capitaine, chef de la Compagnie des Lames, est venu sollicité son aide. Le brave homme, qui avait protégé Alix avant qu'on ne découvre qu'elle était la fille d'Aymeric, est en contrat avec ce dernier pour la protection de sa fermette dans les faubourgs de Marbrume et pour la protection du domaine Pessan. Chassé de Marbrume par une loi débile bannissant les survivants de morsures fangeuses, il a trouvé auprès d'Aymeric une solution d'hébergement, au moins jusqu'au printemps, du moins d'après le souhait du Comte lui-même.

Dans le lot des mercenaires se trouve une rousse, prénommée Aeryn. Et bien qu'il travaille actuellement à perte, il reste une personne qu'Aymeric souhaite engager : une garde-du-corps pour sa fille, Alix, pour les jours où lui ne sera pas là pour la protéger. Aymeric a fait le choix de ne travailler désormais qu'avec des femmes, trop déçu qu'il a été par Alexandre de Terresang et le Capitaine, qui est un père de substitution pour Alix, lui a dit qu'Aeryn était une personne de confiance et c'est pourquoi il l'a faite convoquer dans son bureau, maintenant que la vache est dans le pré. Il l'y attend, avec un pichet de vin et deux verres. C'est que si c'est la bonne personne, autant la recevoir correctement et la convaincre de travailler pour lui... sans que cela ne lui coûte un bras non plus.

Le changement n'était point une réalité facilement acceptable pour la mercenaire, pour qui l'adaptation pouvait être un réel défi à relever. Sa méfiance constante lui demandait du temps, une analyse complète de son nouvel environnement et de son entourage avant de pouvoir agir plus ou moins normalement. Rodrick, son père, avait soigneusement veillé à la tenir à l'écart des autres. Il l'avait façonné à son image pour en faire un être associable, mais loyal, méfiant mais courageux. Une arme pour qui sentiments ou attachement n'étaient que de bien honteuses faiblesses. Mais là encore, la fange avait changé la donne.

En essayant de la tuer, le géant lui avait en réalité sauvé la vie. Il lui avait offert une toute nouvelle existence dont la mercenaire entendait maîtriser… En théorie. Puisque, rapidement, Aeryn comprit que la réalité diffère bien souvent de ce que l'on attendait d'elle. Peu habituée à cette liberté dont elle ne sut que faire, la rouquine fut contrainte de suivre les seuls repères qu'ils lui restaient alors : ses frères. Ce sont eux qui avaient décidé d'intégrer la compagnie des lames lorsqu'ils comprirent que le métier de mercenaire n'était plus ce qu'il était. Et là, encore, la jeune femme fut contrainte de se battre, autant physiquement que moralement, afin de prouver sa valeur auprès de ses tout nouveaux compagnons. Pour autant, elle avait continué de refuser de vivre au sein même du quartier général de la compagnie afin de préserver le semblant d'indépendance qu'elle avait réussit à gagner…

Jusqu'à ce jour où le couronnement du Roi fut auréolé par la mort… Celle de milliers d'âmes, celle d'Elwin, son frère. La colère qu'elle ressentit alors la poussa à chercher vengeance auprès des responsables de ce massacre, en vain. Elle aurait persisté dans sa traque sans l'intervention des Trois et les lois des Hommes obligeant le Capitaine à abandonner son fief, mais certainement pas ses hommes… Mais, malgré sa loyauté envers cet homme, son amour naissant pour son second et l'insistance de ses frères survivants, Aeryn avait hésité à suivre les lames jusqu'à leur nouveau lieu de vie.

Le Labret, ne représentait pour elle qu'une terre de labeur, mais aussi de mort, un endroit où -elle en était persuadée- aucun d'eux n'avait sa place… Plus particulièrement en ce domaine où un comte leur offrait si "généreusement" son hospitalité… Un endroit dont il n'était même pas propriétaire… Mais n'ayant point d'autre endroit où aller, la compagnie devait se satisfaire de ces lieux. Contrariée par cet indésirable déménagement, la mercenaire n'avait pas pris la peine d'écouter les autres expliquer les raisons de ce choix de nouveau lieu de vie. Elle ne savait rien de ce comte et de sa relation avec leur chef et n'en avait cure, d'ailleurs. Aeryn ne les suivait que parce qu'elle ne pouvait se contraindre à abandonner ses frères ou simplement à s'éloigner de Finn, quand bien même la raison lui disait que cet attachement n'était point une bonne idée.

Voilà pourquoi elle s'était tenue à l'écart durant l'accueil du comte et toute sa suite. L'enfant qui l'accompagnait semblait être connue de bien des membres de la compagnie, du capitaine plus particulièrement… Les messes basses lui apprirent que le chef des mercenaires avait recueilli la petite orpheline quelque temps avant que les origines de sa naissance ne soient dévoilées… Alix… Oui, elle en avait déjà entendu parler, mais l'enfant devait avoir quitté la compagnie avant qu'Aeryn et ses frères ne l'intègre au début de cette même année… Si peu de temps s'était écoulé, pourtant bien des choses avaient changé pour tout le monde… La situation de cette fillette en était le parfait exemple.

La jeune femme se mura dans le silence tout le reste de la soirée. Le comte leur avait alloué les deux derniers étages de l'impressionnante bâtisse. Un endroit bien assez spacieux pour tout ce petit monde qui leur offrait même le luxe d'avoir chacun leur chambre, ou presque. Ses ainés décidèrent de partager la leur tandis qu'Aeryn s'exila dans celle située au bout du couloir. Pièce petite mais confortable où elle resta d'ailleurs enfermée jusqu'au lendemain, prétextant une fatigue somme toute féminine.


Le lendemain, on vint l'y chercher, lui annonçant que le comte voulait lui parler sans pour autant lui donner plus de détails mis à part le lieu où elle pourrait le trouver. Curieuse, mais surprise, la rouquine chercha le Capitaine pour lui demander plus de détails quant à cette bien étrange convocation, néanmoins, l'homme tout comme son second demeurèrent introuvables… Aussi - et puisque l'on ne fait pas attendre un comte - Aeryn se contenta de se rendre au lieu indiqué.

Contrairement aux usages auxquels on l'avait habitué autrefois, personne n'attendait devant la porte pour l'annoncer. Les temps devaient être durs pour le seigneur exilé, la mercenaire avait déjà noté que celui-ci n'était point entouré d'une flopée de serviteur, peut-être n'en avait-il pas les moyens, après tout. Alors, après avoir pris une profonde inspiration, la jeune femme donna trois coups à la porte.

Une voix grave résonna de l'autre côté du battant, l'invitant ainsi à entrer dans le bureau. Le comte était bien là, seul, près d'une table de travail où trônait un pichet de vin et deux coupes…

- Vous m'avez fait mander, sire ? demanda-t-elle en adoptant une posture militaire.En quoi puis-je vous être utile ?

- Entrez, dame Monclar et fermez la porte derrière vous. Un verre de vin ? J'en ai déjà bu des pires, je vous rassure.

Aymeric sert les deux pichets sans attendre la réponse puis s'assied à sa place, faisant signe à Aeryn de s'installer en face d'elle. Il goûte au vin et entame la conversation.

- Vous l'aurez constaté, je n'ai pas énormément de personnel. J'ai une domestique, qui vit ici avec son fils, un palefrenier qui me connaît depuis que je suis né et dont je ne me débarrasserais même pas s'il devait me voler, ce qu'il ne fera pas et c'est tout. La législatrice appartient à la Comtesse de Pessan et est ici pour s'assurer, entre autres choses, que je travaille correctement et que je ne tente pas de la voler, vu que nous avons un partenariat commercial. Le reste, comme mon contrat avec la Compagnie, ce sont des contrats commerciaux qui sont tacitement reconduits. J'ai une dette envers le Capitaine, donc je lui resterai fidèle, mais dans l'absolu, je m'engage rarement à longue durée, sauf avec ledit personnel.

Entrée en matière un peu longue sans doute, d'autant qu'il n'a toujours pas expliqué pourquoi il tenait à la voir, elle.

- Il ne me manque, dans l'absolu, qu'une personne dans mon équipe, car je considère que mon personnel m'aide pour mon travail. Ils me libèrent d'autres occupations et me permettent ainsi de faire rentrer l'argent qui va me permettre de les payer. S'ils échouent, j'échoue, ils me sont donc indispensables. Et je n'ai pas l'esprit tranquille quand il me faut partir au loin, pour mes affaires ou pour la chasse, sans ma fille. Oh, je n'ai aucun doute que Bérénice ou Guillaume feront tout pour que ma petite Alix se sente bien et heureuse, mais ils n'ont pas nos talents de combattants pour la protéger, si nécessaire. Et si cette nécessité ne s'est jamais présentée, j'aimerais que la personne qui la surveille soit apte à la défendre. Et comme je ne souhaite travailler qu'avec du personnel féminin, j'ai songé à vous.

Le Comte boit une gorgée du vin, sourit puis reprend son laïus.

- Je sais que garde-du-corps d'une enfant, fut-elle Vicomtesse, n'est pas à proprement parler le métier de rêve pour une mercenaire, mais comme vous l'aurez compris, je n'aurai pas besoin de vos services à toute heure du jour et de la nuit. Vous seriez son escorte pour certains déplacements, sa protectrice en mon absence et vous vivez déjà dans le même bâtiment, ce qui devrait faciliter les choses. Côté avantages, vous pourriez bénéficier de l'instruction qu'elle reçoit, si lire et écrire vous intéresse. Vous pourrez manger à ma table si le coeur vous en dit, et vous mangerez à sa table à elle en mon absence. Et comme j'espère lui montrer toutes les possibilités qui s'offrent à elle pour le futur, avoir dans le lot des femmes qui l'entourent une guerrière ne sera pas superflu, vous pourriez même l'aider au maniement de certaines armes... pour peu que vous ne me la blessiez pas, évidemment.

Bon, si Aeryn n'est pas trop stupide, mais le Capitaine ne la lui aurait pas conseillée si elle l'était, la rouquine devrait comprendre qu'elle pourrait certainement remplir des contrats pour la Compagnie et que c'est sur ses temps libres qu'elle aurait la charge de la Vicomtesse, dans le meilleur des cas. Simplement, parfois, elle pourrait être retenue auprès de la Vicomtesse Alix de Beauharnais quand le Comte serait occupé ailleurs.

- Mes sorties pour la chasse durent de deux à trois nuits, en fonction de la météo. Mes déplacements vers Marbrume, que j'espère rares, une semaine au maximum, toujours en fonction de la météo. Pour mes contrats ici au Labret, j'essaie en général que ça se fasse dans la journée. Pour plusieurs de ces visites, j'aime emmener ma fille. De son côté, il y a son instruction ici et au Temple qui lui prennent du temps, pour le reste, elle aime bien jouer dans le bâtiment ou de s'occuper des poules, des chèvres et des lapins. Il y aura probablement quelques semaines où je n'aurai pas besoin de vous, et d'autres où votre aide me sera utile, et il sera toujours possible de négocier ces journées, à quelques rares exceptions près. Par exemple, le Roi me convoque ou il y a un problème qui nécessite ma présence à Marbrume.

Il se gratte la barbe, de peur d'oublier quelque chose.

- J'espère qu'Alix vous verra plus comme une amie ou une référente que comme une garde-du-corps. C'est plus amusant ainsi. Mais comme, théoriquement, vous serez amenée à la protéger régulièrement, qu'elle vous sollicitera aussi hors "contrat" ou qu'hors contrat vous garderez quand même un œil sur elle, de façon assez naturelle, je préfère vous engager comme garde-du-corps, au mois, mais aux conditions qu'on vient d'évoquer, sans vous gêner dans votre travail comme mercenaire de la Compagnie des Lames ou le moins possible.

Aymeric pose son pichet sur la table et fixe Aeryn dans les yeux.

- Est-ce que deux pistoles par semaine vous conviendraient ?

Visiblement, le Comte n'a même pas envisagé qu'elle puisse refuser.

Dame… Voilà bien un terme qui la surprit, même si la mercenaire n'en montra rien. Ce n'était pas un mot que l'on employait pour quelqu'un comme elle, d'une part, parce qu'elle n'avait rien d'une dame et d'autre part, parce que pour un noble, les mercenaires ne valaient généralement guère mieux que des chiens. Néanmoins, Aeryn ne releva pas, ne répondit rien non plus à l'invitation à boire du comte et se contenta de s'asseoir silencieusement.

Tout en remplissant les coupes, l'homme lui exposa brièvement sa situation. Comme elle l'avait déjà noté, le comte n'était pas entouré d'un nombre infini de domestiques malgré la taille de la bâtisse. Il lui expliqua ainsi que les lieux ne lui appartenaient pas, qu'il ne se chargeait que de l'intendance pour le compte d'une duchesse au nom qui lui était inconnu… Bref, quelques détails qui ne la concernaient en rien et dont la rouquine n'avait que faire. Néanmoins, loin d'elle l'extrême impolitesse de couper la parole au seigneur pour lui demander d'aller droit au but. Les longs discours n'étaient certes pas son fort, mais la mercenaire savait se tenir. Aussi, patientait-elle en écoutant le comte parler en attendant que celui-ci expose les raisons de sa convocation en ce bureau.

Ainsi, après maintes explications partant en tous sens, le comte finit par lui proposer de devenir le garde-du-corps de sa fille… Drôle de choix. Alors, certes, il lui avait dit ne vouloir s'entourer que de femmes, même si la raison lui échappait, et Aeryn étant alors la seule femme de la compagnie, il n'avait pas tant de choix possibles… Mais tout de même, il ne savait strictement rien d'elle. Comment pouvait-il lui confier une tâche aussi importante que celle de veiller sur son enfant ? À elle, qui ne les supportait pas, de surcroît…

Était-ce un métier de rêve pour une mercenaire ? Probablement pas. Surtout, car elle savait pertinemment qu'elle n'aurait pas grand-chose à faire. Qui viendrait s'en prendre à la fille d'un comte qui ne semblait pas bien riche. La noblesse n'était plus ce qu'elle était jadis… Alors, à quoi bon. Et puis… Dans le cas où la menace serait plus fangeuse, Aeryn ne pourrait même pas la défendre… Alors en quoi pouvait consister sa tâche, mise à part de jouer le rôle d'une gouvernante des temps modernes, portant armes et armure ?

Plus le comte poursuivait ses explications et plus ses dires allaient dans ce sens… L'accompagner lors de ses déplacements, la "surveiller" durant l'absence de son noble père… Le tout en ayant la possibilité de bénéficier d'une instruction qui ne lui servirait strictement à rien, sans parler de privilège tel que de manger à la table du maître…

"Quel homme étrange… Depuis quand les larbins mangeaient avec les seigneurs ?" pensa-t-elle.

Au moins, cela ne l'empêcherait théoriquement pas de mener à bien les missions tenant plus du mercenariat que le Capitaine aurait la bonté de lui confier. Appuyer le comte en se chargeant de la sécurité de sa fille ne lui semblait pas si terrible. Elle pourrait poursuivre ses entraînements, aider ses compagnons dans leurs tâches et voir Finn… Un détail qui commençait à prendre de plus en plus d'importance dans la vie de la jeune femme… Le tout en étant payée, même lorsqu'elle ne se trouverait pas auprès de la vicomtesse ? Cela semblait presque trop "beau" pour être honnête.

De ce que son père lui avait enseigné de la noblesse, c'est qu'il fallait avant tout s'en méfier, même si, à l'époque, il leur arrivait très souvent de travailler pour divers seigneurs. Ils étaient payés pour se battre pour eux, pour mener bataille auprès de leurs soldats afin de mettre "fin" à leurs querelles ridicules, généralement pour quelques lopins de terre… Ils travaillaient pour eux, mais jamais aussi étroitement… Il s'agissait tout de même là de mettre la sécurité d'une enfant entre les mains d'un soldat qui n'était reconnu comme "femme" que depuis une paire d'années… Il ne lui avait pas demandé d'où elle venait, si ce genre de travail lui était familier… Le Capitaine lui faisait confiance, certes, mais pas plus que ça, pas plus que les autres. Finn ferait un bien meilleur garde-du-corps qu'elle, il la connaissait… même Kaël ferait un garde excellent… Mais elle…

- Si vous me permettez d'être honnête, sir… Je ne suis pas certaine qu'être une femme fait de moi un garde-du-corps plus compétant que les autres… Que vous as dit le Capitaine à mon sujet ? demanda-t-elle tout en soutenant le regard du comte.

Probablement pas grand-chose, à moins que ses frères se soient montrés plus bavards qu'elle. Aeryn évitait généralement de parler d'elle et surtout de son passé. Il lui était donc impossible de savoir ce que le comte savait d'elle...S'il s'imaginait que la mercenaire devant lui ressemblait à ces jeunes miliciennes ayant été élevées pour devenir mère et épouse avant de tout envoyer promener afin de prendre les armes, il se trompait lourdement. Cette femme-là ne savait rien des enfants, qu'ils soient nobles ou non ne changerait strictement rien à cela. La rouquine ne savait pas comment s'adresser à eux, ce qu'ils pouvaient faire ou même comprendre, puisqu'elle n'a jamais été une enfant justement. Elle ne savait rien des jeux, ne connaissait point de chanson, même si pour ce travail-là, elle doutait fort d'avoir recours à ce genre de sottise… Peut-être qu'il ne lui était pas non plus nécessaire de savoir tout cela sur les rejetons d'humains, elle pourrait très bien se contenter d'être là, sans rien dire et veiller à ce que la noble gamine ne se blesse pas… Peut-être ne fallait-il pas la traiter en enfant justement, de ce qu'elle avait compris au sujet de la petite Alix était que celle-ci avait quasiment grandi dans la rue jusqu'à ce que son père ne la retrouve… L'enfance n'existe pas non plus dans la rue… À moins qu'il ne faille faire tout l'inverse… Non, décidément, Aeryn ne savait que faire et encore moins comment.

- Aussi étrange que cela puisse paraître, je ne saurai pas comment me comporter avec votre fille, pas à cause de son rang, mais simplement parce qu'il s'agit d'une enfant. Pourriez-vous m'en dire plus sur la vicomtesse ?

Besoins, traumatismes… N'importe quoi qui pourrait aiguiller la mercenaire. Elle n'avait pas refusé, mais son professionnalisme la poussait à prendre le plus d'informations possibles afin de mener à bien sa mission… Autant prendre ce contrat comme n'importe quel autre et se préparer convenablement… Du moins, autant que faire se peut.

Bon, premier bon point, elle sait écouter. Une qualité qui n'est pas donnée à tout le monde. Et Aymeric s'inclut dans ce "tout le monde". Quinze années dans la milice n'ont pas tellement changé cela, les conseils des prêtres non plus. Le mariage, on lui avait rabattu les oreilles, le fait qu'il soit célibataire était sans doute un obstacle à sa promotion, et blabla, c'était entré dans une oreille et ressorti de l'autre. Et quand on lui exposait un projet de mission, ça n'était pas "oui chef" mais "qu'est-ce que ça cache? Combien de vies ça va me coûter ? Comment faire pour réduire ce nombre ? et J'préfère le faire tout seul". Elle, elle te fixe quand tu parles, elle est concentrée. Oh, des idées lui traversent sans doute l'esprit, mais elle reste concentrée. Bon point. En partie... Cela va négocier. Ah, elle met d'abord en doute mon choix ?

- J'ai demandé au Capitaine s'il vous confierait la garde d'Alix et il m'a dit oui.

L'explication semble largement suffisante aux yeux du Comte. Le Capitaine a pris soin d'Alix, s'en est occupé, il ne la laisserait pas entre les pattes de n'importe qui. Aymeric est même convaincu que le chef de la Compagnie des Lames a fait une enquête sur lui, même s'il n'en a aucune preuve. Il en est juste convaincu parce qu'à situation inverse il aurait fait pareil. Alors, si la réponse est "oui", Aeryn est de confiance et il n'a pas besoin de chercher plus loin. Quant au fait d'être une femme, puisque cela semble intriguer la mercenaire, Aymeric décide d'y répondre.

- Je fais plus facilement confiance aux femmes depuis qu'elles ont intégré la milice. Les hommes ont tendance à penser que tout se joue dans les muscles et le fait d'impressionner l'adversaire. Je l'ai cru un temps aussi. Sauf que j'avais un jumeau, taillé comme un ours. Et moi je tiens plutôt du chat. Alors, forcément, je me suis pris rouste sur rouste. Avant de comprendre qu'il fallait réfléchir autrement, changer les règles. J'ai compris que s'il était plus puissant, il était aussi plus lourd, donc plus lent. Et j'ai fini par gagner des combats parce que lui n'a pas su se remettre en question. Et aujourd'hui, lui est mort, pas moi. Les femmes ont acquis cette sagesse. Elles ne sont pas moins bonnes au combat ou moins puissantes. Techniquement, à l'épée, plusieurs me surclassent, au niveau agilité aussi, même si c'est le domaine où je me défends le mieux. Mais, et j'ai l'impression que c'est quelque chose d'acquis depuis la naissance, la plupart des femmes combattantes que j'ai croisé ne misent pas que sur leur point fort mais sont capables d'avoir une vue d'ensemble. J'aime les gens qui savent réfléchir, ils sont rares. C'est pour ça que je préfère être entouré de femmes. Puis ça joue moins à qui pisse le plus loin.

Bon, qu'elle accepte mon argument ou pas, c'est le mien. Si elle avait vu comme moi ce qui s'est passé au chaudron, elle comprendrait pourquoi j'ai regretté et que je regrette encore qu'il n'y ait pas eu de femmes avec nous. Si encore le Baron était sympathique, bien que trop confiant dans la puissance de sa hache à foncer ainsi sur l'ennemi, on ne peut pas dire que c'était le plus réfléchi. Mais à côté, ceux qui voulaient prendre les rênes du merdier à la mort du sergent et pas foutu d'établir une stratégie simple pour sauver le plus de vies lui ont un peu tapé sur les nerfs, mais moins que l'autre abruti qui l'a regardé de haut alors que les décisions prises étaient les bonnes. Mais alors, que des gens considèrent qu'une gamine blessée, pas mortellement, puisse représenter un danger et doive être éliminée et qu'hormis lui et un simple milicien personne n'ait élevé la voix, qu'un Comte et un Père s'en soient montrés complices et que pour couronner le tout le prêtre ait cherché à se suicider héroïquement, ça lui reste encore au travers de la gorge, à notre Comte. Le pire, il est convaincu que ces deux sagouins dorment bien. Lui par contre n'a pas encore retrouvé un sommeil sain, et il sait qu'Alix non plus.

Oups, avec tout ça, la mercenaire a repris la parole. Un sourcil se lève et s'abaisse sur le visage souvent inexpressif du Comte quand elle lui dit ne pas savoir comment se comporter avec une enfant, puis l'opération se répète quand elle lui demande de parler d'Alix. Ça, c'est pas courant.

- Je ne sais pas non plus comment me comporter avec une enfant, pas même Alix, que je ne connais que depuis trois mois. Alors, j'essaie d'être moi-même avec elle. Parfois je me dis que c'est une petite chose fragile, mais elle a survécu dans Marbrume, en s'occupant en prime de deux gamins plus petits qu'elle, un large temps sans adulte pour la protéger. Pas mal d'adultes n'y sont pas parvenus. Parfois je songe qu'elle n'a pas l'expérience de la vie puis elle me scie avec une réflexion qui ne me paraît pas de son âge. Et parfois elle s'émerveille pour des choses qui pour moi sont sans importance et cela m'arrache des sourires. Alors on essaie de s'apprivoiser, on se découvre, on voit comment on fonctionne. Cela sera pareil entre elle et vous, dame Aeryn. Comme cela se passe avec un nouveau client. Vous vous adaptez, elle fera de même.

Aymeric hausse les épaules. Après tout, Alix n'est pas une enfant trop compliquée.

- J'insiste beaucoup sur la sécurité, et depuis qu'elle a vu un fangeux dans Marbrume, elle suit tous les conseils à la lettre. Et je dois dire qu'avant aussi, elle est assez docile. C'est une enfant qui a une soif énorme d'apprendre, de progresser, de plaire par ses mots et ses actions. Elle a besoin qu'on l'aime et elle est gentille, pas par calcul, mais parce que c'est dans sa nature. Elle sait suivre les recommandations et est très observatrice. Plutôt habile de ses mains aussi, vous devriez la voir fabriquer des pièges ou coudre. Elle est travailleuse, pleine d'énergie et peut se passionner aussi pour des activités "de garçon". Je ne la bride sur rien. Le combat à la lance n'est pas très "mondain" mais cela l'intéresse. Elle commence à savoir grimper aux arbres et ne constituera pas un obstacle si vous avez besoin de vous cacher. Elle aime les travaux domestiques, la cuisine, prier, se rendre au temple, étudier. Quand je serai absent, elle ne sera pas forcément toujours dans vos pattes, il y aura aussi la domestique, le palefrenier ou notre érudite qu'elle ira embêter, ou Alfred, le petit de ma domestique.

Aymeric ignore s'il a répondu aux inquiétudes d'Aeryn, alors dans le doute, il rajoute quelques points.

- Elle est vicomtesse, mais vous êtes l'adulte et pour l'heure cela fonctionnera ainsi, c'est vous qui décidez. Je sais qu'elle aimerait devenir une maîtresse de maison, donner des ordres, faire en sorte que les choses s'agencent bien, et elle ne manque pas de bon sens sur divers points. Pour l'heure, cela fonctionne avec des demandes. Elle ne dira pas "Préparez un cheval, je veux aller au Temple" mais "J'aimerais aller au Temple, cela pourrait se faire vous pensez ?" et elle vous informera si elle va en cuisine ou chercher les oeufs. Je ne pense pas qu'elle causera de grands problèmes. Et si problème il devait y avoir, vous pourrez m'en parler, je la recadrerai. Elle accepte mon autorité, aussi, je crios, parce que je n'en abuse pas. J'essaie de lui expliquer pourquoi je fais tel choix, pourquoi je dis telle chose. En affaire, ça fonctionne bien aussi. Je détone dans ce monde des nobles, mais c'est aussi parce que je n'ai jamais aimé ce monde. Je ne le rejette pas pour la cause. Et si ma fille semble s'y plaire, je ferai ce qu'il faut pour ne pas constituer un frein. Et parmi ces choses à faire, il y a l'entourer de femmes, pour qu'elle ait des modèles qui lui conviennent mieux que moi, et qu'elle puisse piocher chez l'une et l'autre ce qui lui permettra d'être une adulte.

Il ne voit pas quoi dire d'autre et repose sa question :

- Ce travail vous conviendrait-il ? Du moins à l'essai. On regarde un mois si les choses se passent bien, si cela répond à vos attentes et si vous répondez aux miennes et on voit après si on poursuit.

« J'ai demandé au Capitaine s'il vous confierait la garde d'Alix et il m'a dit oui. »

Voilà donc tout ce que lui avait fournis le Capitaine pour toute garantie. Aeryn trouvait cela bien maigre, ce qui ne la rassurait en rien quant à ses capacités à veiller sur la sécurité de la fille unique du comte. Le Capitaine avait pleinement confiance en son entourage et aurait probablement assuré exactement la même chose pour l’intégralité de ses hommes… Sauf Ivaad. Mais d’après les dires du noble, ce n’était que son statu de femme qui la distinguait du reste des lames… En soit, ce choix lui appartenait parfaitement, s’il préférait faire confiance à une femme, certes, mais qui n’avait aucune expérience dans ce domaine plutôt qu’à quelqu’un de probablement plus humain qu’elle…

- Je vois… lui répondit-elle avant de se concentrer sur la suite des explications du comte.

La vision de cet homme, concernant les femmes combattantes rejoignait forcément la sienne. Dans ce domaine, Aeryn avait bien plus d’expérience que la grande majorité des miliciennes qui n’en étaient encore qu’à faire leur classe là où elle était une guerrière confirmée, officieusement, évidemment… Avec une carrure comme la sienne, il fallait être dotée d’une réflexion vive et efficace au risque de voir son existence achevée en quelques seconde. La force d’une femme n’équivaudrait jamais celle d’un homme, c’était un fait indéniable, mais celles-ci pouvaient se démarquer de bien d’autres manières… L’intelligence, la rapidité, l’agilité… Des qualités indispensables en pleine bataille, certes, mais seraient-elles réellement utiles dans ce cas précis ? Ivaad, par exemple, était un excellent garde du corps. Sans être particulièrement malin, il savait néanmoins anticiper les problèmes. Sa carrure imposante, assurait une barrière efficace, sans parler de sa force brute…

Quel genre de garde-du-corps serait-elle, au juste ?

Néanmoins, au fil des explications du comte, la mercenaire réalisa que le problème ne venait pas de ses doutes concernant ses capacités à assurer la protection de la vicomtesse… Mais seulement de se retrouver en présence d’une enfant… Un détail que le noble semblait comprendre pour y être confronté, lui aussi. Après tout, il n’avait pas vu sa fille grandir et malgré son jeune âge, Alix avait dû évoluer seule dans ce monde hostile. La vie l’avait confronté à des évènements qu’aucun enfant au monde ne devrait vivre ou seulement voir… En cela, la jeune vicomtesse ne ressemblait en rien à la vision que se faisait la mercenaire des enfants, plus particulièrement des rejetons nobles. Même si la fange n’était pas encore apparue à son époque, l’enfance chaotique de la gamine correspondait nettement plus à la sienne, tronquée, déchirée, malmenée avant d’être tout bonnement anéantis et oubliée… Peut-être réussiraient-elles à se comprendre, finalement… Ou peut-être pas. Difficile pour la mercenaire de savoir si une telle chose était réellement importante pour assurer sa tâche.

Silencieuse, et malgré sa réflexion, la rouquine écoutait avec attention le comte lui parler de sa fille… Il semblait fier de la décrire, elle qui semblait si unique, et peut-être était-ce le cas, qu’en savait-elle ?

« Ce travail vous conviendrait-il ? Du moins à l'essai. On regarde un mois si les choses se passent bien, si cela répond à vos attentes et si vous répondez aux miennes et on voit après si on poursuit. »

La proposition ne lui parut pas insensée, bien au contraire. Comment pourrait-elle se prononcer sans savoir ? Comment pourrait-elle savoir sans apprendre ? L’idée même d’une période d’essaie l’intéressait grandement, cela lui laisserait un peu de temps pour prendre sa décision.

- Si vous m’accordez cette possibilité, je suis d’accord, lâcha-t-elle avec un peu plus d’assurance. Quand suis-je supposée commencer ?

Une journée comme une autre au manoir. Enfin, pas tout à fait, car les mercenaires bousculaient un peu le quotidien que la petite Alix s'était constituée au manoir.

Bien que cela ne la dérangeait pas - et même au contraire, il était rassurant de savoir que des hommes et des femmes d'arme protègeraient la maison en cas de danger - il lui semblait bizarre que des gens qui la connaissaient dans son ancienne vie la côtoie tous les jours. Elle se rappelait, à son arrivée dans la baste demeure des mercenaires à Marbrume, son soulagement, son empressement à travailler, à faire n'importe quoi pour gagner son pain et son logis ; la reconnaissance enfiévrée qu'elle ressentait envers le Capitaine et son envie de lui baiser les mains, quand il lui avait offert des chaussures. Qu'il lui avait offert une lance à sa taille.

L'enfant continuait alors de s'entrainer sur son temps libre. Elle avait dans l'idée de constituer un mannequin, mais il fallait encore coudre une sorte de drap pour l'habiller, et entre l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, du calcul, et ses autres tâches - couture, nourrissage des animaux, aider à la maisonnée en général - Alix n'avait guère le temps de s'en occuper. Il y avait encore tant à faire pour restaurer la maison, qu'elle travaillait avec ardeur pour que son papa adoré soit fière d'elle, qu'il ne cesse jamais de l'aimer.

Et c'était penchée sur un ouvrage de couture que la servante la surpris. En fixant cette dernière de ses yeux, la petite fille apprit que le comte l'attendait dans son bureau. Sans attendre, en trottinant, la fillette s'y rendit, sa broderie inachevée encore à la main, et frappa poliment à la porte du bureau.

- "Papa ! C'est moi !"

Elle attendit sagement qu'on l'autorise à entrer ; et vint faire l'esquisse d'une jolie révérence aux deux personnes. Elle ne connaissait pas la dame qui était dans son bureau, autrement que par la vue, puisqu'elles habitaient dans la même maison, mais elle savait que chacun méritait le même respect.

- "Est-ce que tout va bien ? Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider, papa ?"

La vicomtesse qu'elle était ne savait pas pourquoi on la mandait, mais rien dans cette maison ne pouvait lui faire du mal. Elle en était persuadée. Ici, tout irait bien, pour toujours.

- Tout de suite !

Aeryn devra s'y faire, le Comte n'est pas homme à tergiverser. S'il a pris une décision, elle est actée et il agit. Aymeric sait prendre son temps pour les choses importantes, mais dans l'absolu, il déteste le perdre, ce temps. C'est pourquoi il lui a répondu tout en se dirigeant vers la porte du bureau, et il demande à Bérénice de faire venir Alix, avant de revenir vers Aeryn.

- Faut que je l'explique à la petite. Si j'explique trop peu, elle risque de penser qu'elle a fait quelque chose de mal. Si j'explique trop, que je cache quelque chose. Donc, faut se limiter aux bons arguments... et c'est pas mon fort. Mais j'imagine qu'elle commence à s'y... Waouw, tu es arrivée vite, Alix. Entre !

Superbe révérence, son maintien s'améliore. Alors son père lui fait un salut mondain simple mais plutôt maîtrisé. Tant que ça reste simple, il fait illusion, le Comte. C'est quand il parle et qu'il prend plaisir à dire le fond de sa pensée, sans filtre, qu'on oublie vite qu'il est "de la haute", ou alors qu'il le rappelle un peu trop fort avec son rang. Juste, Aymeric était comme ça déjà à l'époque où il était trouffion, et ça "choquait moins". Cela reste des attitudes "du peuple", voire de la "soldatesque". Mais sa fille aimerait devenir une mondaine, alors il essaie, pour ne pas lui faire honte.

- Tout va très bien, ne t'inquiète pas. Je t'ai faite venir pour t'informer d'une nouveauté qui finalement te concerne, et même beaucoup. Je...

Et voilà que le Comte cherche ses mots en se grattant la barbe et que visiblement il n'y arrive pas. Il pose son fessier sur le bureau et soupire.

- Bon, j'vais essayer de t'expliquer ça le plus simplement possible. Tu le sais, les gens ne sont pas toujours tendres entre eux, et si tu es sortie de la rue aujourd'hui, d'autres y sont toujours et peuvent ressentir de la jalousie envers les mieux nés qu'eux. Ce qui fait qu'on peut subir des remarques déplaisantes, des brimades, voire des agressions, même si on est gentils, je ne t'apprends rien. Pour l'heure, ça se passe bien, les gens sont contents de voir un noble venir au Labret, c'est bon signe pour eux. Si les nobles osent venir, c'est qu'il reste de l'espoir. Donc, pour l'heure, ça ne râle pas trop.

Il abandonne le bureau et s'accroupit pour se mettre à hauteur de sa fille.

- Bon, il y a ça, et aussi le fait que je sois vu comme un guerrier. Je suis un chasseur, je suis ancien coutilier de l'externe, j'ai combattu dans le chaudron et en suis revenu intact. Celui qui voudrait m'emmerder doit aussi se dire que ça pourrait mal se finir pour lui. Et encore plus s'il t'ennuie, toi. Les papas, ça n'aime pas qu'on emmerde sa fille, qu'on soit un grouillot ou un de la haute. Mais bon, il suffit d'un idiot, et les idiots, ça existe. Alors j'ai envie d'être prudent. Je préfère être trop prudent que pas assez, c'est grâce à cela que j'ai survécu jusqu'ici. Parce que j'aime anticiper les emmer... les problèmes.

Il sourit, ayant l'impression d'être dans la bonne voie pour expliquer simplement et clairement les choses à sa fille.

- Quand je suis là, forcément, je m'occupe de ta sécurité, tout comme je sais que tu veilles sur moi. Mais je peux être appelé pour mes affaires à Usson, à Marbrume, je continue de chasser pour ramener des peaux, des lapins si on en a trop perdu ou qu'il en faut d'autres ou simplement me montrer à gauche à droite pour rappeler qu'il y a un noble qui peut écouter certaines doléances et les transmettre à qui de droit. Et pendant que je m'amuse ou que je travaille, car tu sais que la chasse est un amusement pour moi, tu m'as déjà accompagné pour poser des pièges, ben je ne peux pas être là pour te protéger. Alors, oui, il y a Bérénice et Guillaume et ce sont de chouettes personnes, mais ce ne sont pas des combattants. Et pour être sûr qu'au cas où, quelqu'un qui sait se battre soit à tes côtés quand j'y suis pas, j'ai engagé dame Aeryn Monclar, ici présente, pour être ton garde-du-corps. Le Capitaine m'a dit qu'il te confierait sans hésiter à elle s'il devait le faire, et j'ai confiance au Capitaine, et je pense que toi aussi.

Bon, ça devrait suffire comme explication, mais avec sa fille, il se sent obligé d'en rajouter un minimum.

- Je préfère engager des femmes, parce que j'ai envie que tu vois tout un univers de possible pour ton avenir. Aeryn est une grande combattante, et pourtant c'est une femme. Elle réfléchit donc différemment et ne compte pas que sur ses muscles, comme ton père le fait aussi. Et je crois qu'être malin et prendre deux secondes pour analyser une situation avant de foncer permet d'éviter bien des emmerdements. Bien des ennuis. Désolé ma fille, mon vocabulaire n'est toujours pas au point. Et je préfère largement qu'à mon retour, Aeryn me dise "'y'a eu aucun souci" plutôt qu'un "j'ai dù assommer quatre idiots"

Il sourit et passe une main dans les cheveux de sa fille.

- Bon, j'présume que vous avez pas mal de questions à vous poser, ou certaines à me poser. C'est le bon moment, car après ceci, je replonge dans mes papiers et cela devient une mauvaise idée de m'ennuyer dans ces moments-là. Je peux même devenir grossier. Enfin, plus qu'à l'ordinaire. Même notre législatrice, qui nous donne aussi des cours d'alphabétisation, de maintien, d'étiquette et j'en passe, évite de me reprendre si elle m'aide sur un dossier un peu compliqué. Etre Comte n'a pas que des avantages. Coutilier, j'avais quelques parchemins à gérer aussi, mais j'y perdais pas des heures, c'était le boulot des Sergents, ça. Enfin soit. Mon prochain voyage, en théorie, ne devrait pas tomber avant trois jours, ça vous laissera le temps de vous découvrir, je pense.

Et Aymeric fait silence, observant tour à tour la mercenaire rousse puis son petit rayon de soleil.

Décidément, cet homme demeurait bien étrange aux yeux de la mercenaire qui ne cessait de le dévisager avec une bien évidente perplexité. « Tout de suite »… Pourquoi donc ? N’avait-il pas assuré qu’elle ne devrait protéger l’enfant que lors de ses périodes d’absences ? De simples présentations suffiraient pour l’heure, non ? Et puis… pourquoi se sentait-il obliger d’expliquer tout cela à une simple mercenaire. N’avait-elle point à savoir comment celui-ci allait expliquer sa décision à sa fille, cela ne la regardait en aucune manière et, cela ne lui importait que très peu, voir pas du tout.

Néanmoins, sa position l’empêchait d’exprimer son opinion. On ne disait point à un comte que l’on se fichait de ses motivations ou de la façon dont il allait s’y prendre pour expliquer le tout à la gamine. Un ordre était un ordre, point. Aeryn ne se posait pas ce genre de question, pas quand elle avait accepté la mission, quand bien même elle redoutait de se retrouver seule en présence d’une enfant et, son arrivée, ne fit qu’augmenter son malaise.

Lorsque la porte s’ouvrit sur la vicomtesse, la mercenaire la salua avec une révérence somme toute masculine. Personne ne lui avait enseigné à se comporter en dame et, son travail lui-même, la préservait de toute féminité inutile. Elle laissa donc le père et la fille discuter ensemble, se contentant de les observer tous deux, tout en se plaçant instinctivement en retrait.

Alix était effectivement jeune, mais la mercenaire ne comprenait pas pourquoi le comte la traitait comme cela alors qu’il était évident que l’enfant semblait bien plus mature que la plupart des rejetons de nobles au même âge. Qu’il ne lui demande pas de s’agenouiller de la sorte face à elle pour lui parler de façon aussi…
Dégradante, Aeryn en serait tout bonnement incapable. Pour elle, la vicomtesse pouvait aisément comprendre un langage un peu plus adulte qui ne lui rappellerait pas d’écœurants babillages de braillards. Son père l’avait toujours traité en adulte, autant dans les mots que dans les punitions. A l’âge d’Alix, Aeryn tenait déjà la maison, soignait les blessures de ses aînés, le tout en s’entrainant chaque jour pour apprendre à survivre dans au sein de sa famille.

A force de se perdre en paroles, l’on en oublie le sens des mots. Le comte pouvait bien chercher à se faire comprendre par sa fille, il parlait beaucoup trop pour rester parfaitement clair… Et, au bout d’un moment, Aeryn perdit tout bonnement patience et se décida à prendre la parole.

« Je m’appelle Aeryn, enchantée de vous rencontrer, ma dame. Votre père vient de m’engager vous veiller à votre sécurité durant ses absences. »

Clair, concis… Les palabres des nobles lui semblaient interminables et inutiles. Comme s’ils cherchaient justement à perdre leurs interlocuteurs à coup de blabla incompréhensibles… Consciente d’avoir pris la parole sans être invitée à le faire, la mercenaire prit une posture bien droite, celle d’un soldat se préparant à faire face aux réprimandes de son supérieur.

« Je n’ai point de question, pour ma part, mais je suis prête à répondre à celles de la vicomtesse, si elle en a.

Alix était un peu surprise de l'objet des explications de son père. Il était si gentil et si bon qu'elle sentait son cœur cogner dans sa poitrine ; après lui avoir fourni un toit, une famille, tant de chaleur et de douceur qu'elle n'aurait jamais cru possible, il s'assurait qu'elle soit toujours en sécurité.

La réalité était simple : sans son père, elle était trop vulnérable. Une révolte, un mouvement de foule, un soulèvement contre les nobles et elle serait visée et balayée désormais. C'était la rançon du bonheur et des titres - peut-être qu'ils ne voulaient plus rien dire, mais ce n'était pas les paysans ou les servantes qui possédaient ce qui restait de terre.

Cela la dérangeait un peu de voir tant de femmes combattantes. Bien sûr, elles étaient admirables, mais la petite fille ne comprenait pas vraiment pourquoi elles choisissaient cette vocation. Dans un sens, elle avait l'impression que son père voulait qu'elle suive la même voie : il lui présentait souvent des femmes d'armes, pour qu'elle voit un "univers de possible" pour son avenir. Mais elle, elle, savait que les femmes devaient faire des enfants, se consacrer au ménage, à la maison, à leur mari. A leurs nombreux enfants, prendre soin de leurs gens, des finances de la maison. Être musclée ne permettait pas forcément d'avoir un avenir ; car plus les enfants seraient nombreux, plus il y aurait d'hommes qui combattraient, pour les protéger des fangeux.

Mais la jeune vicomtesse n'avait évidemment rien contre Aeryn, bien au contraire. Avoir une compagne serait certainement agréable : il était vrai que la servante n'était jamais très douce, et se montrait toujours respectueuse et lointaine. Il était dur de savoir ce qu'elle pensait, et, un peu naïvement, l'enfant espérait qu'il en serait de même pour sa garde du corps. Après tout, elle l'avait vu travailler dur il n'y avait que quelques lunes - sans doute pourraient-elles devenir amies.

- "Je n'ai pas de question. Peut-être qu'on pourrait aller un peu dans le jardin ? On pourrait faire connaissance."

Elle se tourna vers son père, sur lequel elle vint déposer un gentil baiser sur la joue.

- "Je suis très touchée, papa, parce que... tu prends tellement soin de moi. Je ne serai plus jamais en danger, grâce à toi. Merci. Que les Trois te Protègent, et veillent sur toi quand tu travailles, papa."

A petits pas, elle sortit du bureau, avant d'adresser un sourire un peu maladroit à l'adulte près d'elle.

- "C'est un peu bizarre d'avoir une protectrice. Tu verras, ma vie est très monotone et routinière. Mais c'est vrai que par les temps qui courent, il faut que tout le monde sache se défendre, même si on a pas envie de tuer ou d'avoir des armes dans les mains. Ta famille va venir habiter ici aussi ?"

L'enfant se laissa tomber sur un fauteuil.

- "Pourquoi avoir quitté Marbrume ? C'était pour suivre le Capitaine ? Est-ce qu'il y aura des choses à mettre en place, quand papa ne sera pas là, pour assurer la sécurité du manoir ?"

Pour Aymeric, il est important qu'Alix apprécie Aeryn. Et pour qu'elle l'apprécie, il faut que la mercenaire la comprenne. Et apparemment, cette dernière n'est pas coutumière des enfants. Bon, dans l'absolu, Alix aime tout le monde. Quant à Aeryn, Aymeric la trouve mignonne mais bizarrement il ne parvient pas à l'imaginer en robe. Elle est vraiment très masculine. En d'autres circonstances, cela l'aurait dérangé, mais là, ça lui semble parfait pour Alix.

Bon, la première phrase d'Aeryn est simple, polie et directe. Finalement, c'est pas trop mal comme entrée en matière. Si la dame est carrée, Alix devra s'y faire et bien qu'il ne le soit pas avec elle, Alix aura remarqué que son père est pas mal "carré" aussi. Quand il décide, il décide. A elle, il explique, mais dans l'absolu, il ne doute pas. Aeryn donne un peu cette impression et Alix n'est qu'un contrat pour elle. Voilà qui pourrait un peu secouer sa fille, mais cela ne le gêne pas non plus. Aymeric se pose beaucoup de question. Est-il trop exigeant avec sa fille ? Ou trop souple ? Trop protecteur ? Pas assez ? Il ne sait jamais s'il fait bien ou mal, mais que les Trois en soient témoins, il essaie de faire au mieux. Et le mieux, c'est qu'Aeryn et Alix arrivent à s'entendre. Et forcément, des deux, c'est Alix qui va briser la glace. Cette gamine a un don inné pour ça. Aucune question, et une promenade dans le jardin. Aymeric veut sentir qu'elles se sont apprivoisées pour le jour où il partira sans Alix.

En tout cas, Alix vit bien la décision de lui offrir une protectrice et ne le vit pas comme un possible futur abandon. C'est plutôt Aymeric qui avait cette crainte. Sa fille a vécu dans la rue, bon sang et elle a retrouvé un père que fort récemment. Là, il lui colle une garde-du-corps pour se donner bonne conscience et pouvoir faire son boulot. Oui, il a le sentiment de l'abandonner, même si au final c'est pour lui offrir un avenir. C'est compliqué d'élever un enfant, seul, surtout quand on a pas pris le temps de voir ledit enfant grandir. Et il était plutôt satisfait quand il entend une phrase de sa fille. "Tu verras, ma vie est très monotone et routinière"...

Plaît-il ?

Oh, il l'aurait bien crié. C'est hallucinant d'entendre cela. Il emmène sa fille dans un endroit qu'elle n'a jamais vu : Le Labret ! Il lui offre une maison, remplie de gens qui plus est. Elle a une domestique avec qui apprendre la cuisine et l'agriculture, l'horticulture aussi. Elle a une érudite qui lui apprend le maintien et l'écriture. Avec son père, elle apprend les pièges, l'escalade, elle sort poser des pièges. Il y a des lapins, une petite chèvre, des chevaux, des poules. Il la responsabilise. Il lui apprend ses tours. Il la laisse même assister à certaines réunions, certes assez informelles. Pour ne rien gâcher, il fait l'effort, lui aussi, d'apprendre le maintien, la diplomatie, l'étiquette. Elle est nourrie. il a autorisé une mère célibataire à vivre chez lui avec son enfant, histoire qu'elle ne soit pas seule et puisse continuer à vivre comme la petite maman qu'elle était, les soucis en moins. Il l'emmène à Usson quand il peut, il l'autorise à apprendre les armes pour pouvoir se défendre. Elle a des vêtements, des jouets et de quoi occuper ses journées et Alix trouve sa vie TRES monotone et routinière ? Mais bon sang, où s'est-il planté ?

Et alors qu'il devrait s'occuper de ses papiers, Aymeric est pris de doutes affreux. Et si la petite détestait sa vie ici. S'il n'avait fait que la déraciner ? Devrait-il retourner à Marbrume ? Devrait-il renoncer à son titre et redevenir milicien ? Avec un poil de chance, il pourrait l'être comme Sergent, après tout. Bon, la petite voit surtout les mauvais aspects de la noblitude... On a des responsabilités, il faut beaucoup travailler et beaucoup paraître. On a l'air riche mais on attire beaucoup les envieux et on est impuissant à vraiment aider les plus faibles. Le côté fastueux, elle ne le vit pas vraiment. Si on oublie le logement et les jolies tenues. Qu'est-ce qui plait aux mondains ? Voir du beau monde, les bals, les festins, les décorations, le decorum et faire que les gens du peuple parlent d'eux, avec admiration ou pour s'en moquer, qu'importe. Qui sait, peut-être Alix adorerait cette partie-là de la vie des nobles. Et même si elle déteste, cela la sortirait de sa monotonie. Mais bon, côté cérémonies pompeuses et festins, le Labret, c'est pas trop ça. Si une fête doit être organisée, ça sera par lui...

Bon sang, peut-être pourrait-il l'en charger, elle ? Lui permettre de voir une grande fête et lui glisser l'idée qu'elle pourrait bientôt en organiser une ? Parfois, pour rêver, il faut vendre du rêve. Alors, sortir Alix de sa monotonie est son prochain projet prioritaire. Va falloir se tenir informé des prochaines fêtes à Marbrume. Quoi qu'il n'y a pas vraiment de raisons de faire la fête, là-bas. C'est sans doute la meilleure raison pour en organiser une, de fête. Il verra bien. Mais son esprit est libéré, il peut s'attaquer aux parchemins... En soupirant. Il déteste cette corvée, ayant le sentiment d'avoir été puni.