Marbrume



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 Ondes prémonitoires

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Alfred BernicourtCharlatan
Alfred Bernicourt



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MessageSujet: Ondes prémonitoires   Ondes prémonitoires EmptySam 14 Déc 2019 - 14:30
Peu importait l’heure de la journée, que l’étoile embrasée soit à son zénith ou sur son déclin, les ténèbres semblaient régner en maîtres sur ce quartier de la citadelle. Les demeures luxueuses et chaleureuses entourant le château paraissaient à des lieux de ce royaume, abandonné à son triste sort. Les brises salines d’automnes venaient ronger les charpentes, déjà sous les tourments de la vermine véloce qui infestait impunément les fondations des battisses. L’odeur de l’iode marin se noyait dans la fétidité qui avait élu domicile dans les ruelles délabrées de la zone. L’ombre semblait se mouvoir dans chaque recoin, fourmillant de l’engeance damnée de la nation qui tentait de survivre.

Dans ce monde de désolation, le miséreux battait la semelle dans la bourbe nauséabonde et putride, appréciant le courroux des dieux gangrener la cité. La juste rétribution pour une société pervertie dans le vice et le blasphème depuis trop longtemps. Plus que l’illustration de ses convictions religieuses, c’était la sentence réservée à ceux qui l’avaient injustement délaissé à son triste sort, lorsque l’infortune l’avait frappé jadis. Aujourd’hui, seul lui importait que cette purge se propage à l’échelle de la ville, en devenant le pourvoyeur s’il le fallait. En attendant qu’une brèche s’entrouvre pour saisir l’opportunité d’accomplir les desseins des dieux, le maraud savourait cette ébauche de chaos.

Sa posture arc-boutée et sa démarche boiteuse n’émettaient aucun jugement de la part des quelques quidams que le désaxé croisait. C’était l’unique endroit où il ne craignait pas la méfiance de la population, paradoxalement. Être à son aise dans cet enfer à ciel ouvert était en soit plutôt logique tant il y avait erré dans sa mélancolique jeunesse. Dans cet environnement miséreux et anarchique, rares étaient les personnes à être plus disposées que lui à s’y sentir chez soi. Ce long chemin de pénitence qu’il avait emprunté dès les prémices de son existence lui avait retiré toute ambition quelconque de profits, de pouvoirs ou de popularité. L’or, les bijoux, le confort du foyer, le mariage, la fornication, tout cela n’était que de futiles tentations, à ses yeux, déviant l’humanité de ses devoirs divins.

Les rares plaisirs auxquels le charlatan avouait céder, c’était ces instants où il revêtait ses multiples costumes, jouant des personnages plus singuliers les uns que les autres. Avouant ne posséder ni compétences prophétiques, ni de ménestrel, encore moins de mage, l’imposteur feignait son talent pour se délecter des quelques naïfs, tronqués par leurs naïvetés. L’homme pratiquait cela depuis tellement d’années qu’il se laissait lui même surprendre par la qualité de ses escroqueries, affinées aux fils des âges. Les visages déçus par une prédiction contredisant des aspirations de grandeurs, ou les regards juvéniles, amusés par un tour de passe-passe puéril étaient une jouissance qu’aucune autres de ses macabres occupations ne lui procuraient. La faute certainement à qu’un cadavre est, souvent, moins expressif, songeait-il en ricanant.

Son mécanisme était, pour le moins, rodé. Dissimulant sous les décombres d’une maison un tabouret ainsi qu’une table miteuse, il installait son office où bon ses désirs le menaient – de préférence où la fréquentation était la plus dense. Son antre de la divination installée à l’angle d’une rue, le faux oracle sortit son jeu de cartes de ses manches, priant que son troisième œil et la providence stimulent sa prochaine séance de prémonitions. Car s’il était bien une chose que le rôdeur exécrait par dessus tout, c’était s’ennuyer.
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Cérène BoiserelSaltimbanque
Cérène Boiserel



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MessageSujet: Re: Ondes prémonitoires   Ondes prémonitoires EmptyDim 22 Déc 2019 - 17:15
Le ciel a étalé son voile de gris laiteux craquelés de nuages difformes au-dessus de Marbrume, donnant au paysage des allures angoissantes. La ruelle n'est pas vraiment accueillante, encombrée d'enfants bruyants et chahutant, de chats borgnes menaçants et sifflants, et de personnes flânant sans buts distincts.

Et au milieu de cette ruelle angoissante, la Sirène est là.

Cérène danse sur une musique entêtée, son corps s’étire et ondule dans une danse hypnotique, quasi reptilienne. Elle fait l’effet d’une sensuelle gorgone et l’assemblée semble autour d’elle s’être transformé en statue de pierre. Ses mains se mouvant avec une aisance orientale dans le vide, son bassin se balançant comme l’ondulation d’un serpent dans une provocation divine. Elle a quelque chose dans son regard, une étincelle, les braises d'une passion ardente et vorace, un incendie de jungle verdoyante dangereux.

Lorsque la musique s’abrège dans un silence étranglé, Cérène salue d’une courbe exagérée l’ensemble du petit public, récupère une timide somme et remercie d’un petit hochement de tête et d’un sourire en coin. Pas très loin d’elle, alors qu’elle est emportée dans une discussion avec une femme, son attention se fiche comme une flèche sur deux enfants agités.

L’ombre ! L’ombre est là Daniel, avertit un enfant proche d’un autre, elle est là, je te dis. Elle s’est installée là-bas. Il désigne la maison éloignée d’eux d’un bout de doigt tremblant. Elle est là !
Ah, je vais aller la voir, tiens ! Il paraît qu’elle a des dons a dit Antoine mais depuis qu’elle lui a prédit l’avenir, il refuse de sortir.
Oui. Elle lui a dit qu’il allait être mangé, apparemment !
Pffff, n’importe quoi.

Frémissement de sourcil de la part de Cérène, observant l’ombre encapuchonnée au loin avec nonchalance. D’un pas souple, elle se met en barrage entre les enfants et les quelques mètres qui les séparent d’Alfred, la jeune danseuse se penche vers eux en leur souriant d’un air complice.

Nous allons voir l’ombre, pouvez-vous vous pousser ?
Je comptais moi aussi aller la voir, en réalité. Moues déçues de la part des enfants qui poussent des plaintes résignées. Et si… Elle fait tournoyer l’une des pièces amassées habilement entre ses doigts. Je vous offrais ça, en échange ?

Les pupilles des enfants s’arrondissent comme ceux d’un félin en chasse.

Alors ? Insiste-t-elle, en souriant, sachant pertinemment qu’elle a déjà gagné.
Très bien, comme vous voulez, grommelle l’un des deux en se saisissant d’une des pièces en soupirant bruyamment.
Oh, et juste une dernière question.
Oui ? Demande l’un des garçons, le moins farouche.

Cérène ne se départie pas de son éternel sourire en coin.

Cette Ombre comme vous l’appelez, qu’a-t-elle prédit à votre ami ?

____

Glissant dans la rue entre les gens avec agilité et attention, comme un prédateur en pleine chasse. Sa démarche est assurée mais calme, apaisée.
La distance entre Albert s’est considérablement réduite. Courbée, voûtée et vêtu d’une cape misérable, il ne laissait aucun bout de chair visible.

Bonjour, lance-t-elle avec politesse et lui signaler sa présence, puis-je ?

Elle s’assoit face à lui, le regard vague plongé sur cette Ombre, elle réfléchit, sa poitrine se soulevant doucement dans une respiration contrôlée et paisible. Un silence plane, aussi pesant que l'atmosphère chargé et humide qui les entoure. Il y a des silences qui sont bien plus menaçants, ceux qui dévorent tout dans leur sillage, ceux qui aspirent le vide et l'obscurité jusqu'à atteindre le néant le plus inquiétant, ceux qui n'épargnent pas le moindre bruit, immenses et complets.
Il va pleuvoir mais Cérène n'y prête pas attention.

Je serais curieuse de voir… Commence-t-elle en joignant ses mains entre elles et y déposer son menton sans cesser de l’observer. Son regard se fait brûlant et intense, comme un incendie menaçant. … Vos talents.
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Alfred BernicourtCharlatan
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MessageSujet: Re: Ondes prémonitoires   Ondes prémonitoires EmptyJeu 26 Déc 2019 - 23:18
Les citadins passaient leur chemin sans même daigner le regarder. Certains l’esquivaient même, comme l’eau d’une rivière contournant un rocher. Plusieurs fustigeaient même à voix basse, ses pratiques blasphématoires, jurant en fixant les cieux, que les dieux le puniraient de ses viles prédictions. Comment peux t-il oser exhiber ouvertement ce genre de pratiques ? Se murmurait-il dans la foule consternée. Pour la plupart, toucher au sacré relevait du clergé et de lui seul. Quelques curieux s’étaient tout de même risqués à se confronter au destin, au plus grand amusement du Serpent, guère intimidé par les septiques et les âmes atterrées. Bien qu’il avouait ne posséder aucune prédispositions pour les actes de prémonitions, le charlatan jouait le jeu et se plaisait à laisser les cartes, décider de l’avenir de chacun.

Ô grand jamais il ne se permettrait de tricher, préférant se délecter des visages défaits, face à la cruauté de la surprise, de la providence. Arranger ses prestations rendrait l’intrigue stérile, confirma t-il dans son for intérieur. Son désagréable faciès arborait toujours son rictus mesquin, les mains jointes dans ses manches, le vaurien attendait, fixant la flamme de la bougie qui trônait sur sa table, priant qu’un esprit curieux – ou courageux - souhaite braver la mystérieuse marche en avant du destin. Alors qu’il s’hypnotisait à contempler les danses embrasées de la lueur orangée, une silhouette vint rompre cette valse brûlante, extirpant le rôdeur de ses douces divagations. Engoncé dans son vaste manteau à capuchon, le Spectre se redressa du tabouret sur lequel il s’affalait, pour découvrir son interlocuteur.

« Bonjour, sulfureuse jouvencelle, répondit-il poliment. Que puis-je faire pour te servir ? Ajouta t-il en se léchant les lèvres de sa langue étonnement oblongue, son sourire carnassier laissant entrevoir ses incisives. »

Bien que l’ombre de son voile les dissimulaient, ses iris carmins se rivaient, sans vertus ni vergognes, sur la délicieuse créature qui se dressait devant lui. Le désaxé se délectait vicieusement des parcelles de peau nues et satinées qui enrobaient un galbe exquis, réveillant en lui des appétits pervers qu’il ne se connaissait point. Son regard libidineux se posa sur sa crinière nébuleuse qui entourait son minois au regard ardent et aux lèvres sirupeuses, avant de s’éparpiller agréablement sur sa poitrine. La courbe magnifique de ses hanches venait sublimer ce chef d’œuvre. Qu’il doit être jouissif de lacérer un corps si parfait ! Fantasmait le psychopathe, se demandant également ce qu’une voix si douce pourrait devenir lorsqu’elle hurlerait de douleur. Car il devait bien se l’admettre, ses dernières victimes étaient nettement moins charmantes, moins gracieuses.

« Mes talents ? Se questionna l’homme, coupé dans ses rêves dépravés et lugubres. Je ne suis qu’une coquille vide dévoilant le chemin que les dieux tracent aux hommes, chère amie, ajouta t-il avant de passer sa main au dessus de la bougie et de l’éteindre, comme par magie. J’éclaire les voix impénétrables du destin, continua t-il en repassant sa main sur le cierge qui l’a ralluma instantanément, s’amusant lui même de son tour de passe passe avant de prendre une carte où s’illustrait une belle ingénue, à première vue heureuse et comblée. Je démêle les fils du destin, insista t-il en faisant disparaître l’objet méticuleusement dans sa manche tout en dévoilant de son autre main, l’image de la même femme, cette fois-ci dévastée et effrayée. Et je tisse les révélations que les trois m’octroient le privilège de voir. Es-tu curieuse ? Conclue t-il dans un rire malfamé. »
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Cérène BoiserelSaltimbanque
Cérène Boiserel



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MessageSujet: Re: Ondes prémonitoires   Ondes prémonitoires EmptyVen 3 Jan 2020 - 17:13
Cette Ombre est enveloppée de mystère, drapée de secrets et d'énigmes. Impossible de le jauger au regard ou même sur ses traits dissimulés sous sa toge miteuse. Mais il y avait quelque chose, autre chose, une part dangereuse et secrète chez lui, une zone plus noire qu’un soir sans lune, un vrai monstre – cela se ressent dont sa voix caresse sa parole, il y a quelque chose d’étrange chez lui mais cela est plus attiser les feux d’une curiosité déplacée. Reposant avec nonchalance sa joue contre son poing tout en l’observant avec paresse, elle tente de chercher son regard sous cette capuche.

« — Vous avez une voix charmante pour quelqu’un qui annonce des choses sinistres, constate-t-elle en arquant un sourcil sans se départir de son sourire en coin, ses paupières se plissent comme un prédateur en pleine chasse, le but étant clairement de le provoquer. Vous avez gagné…

Cérène sourit sans cesser de le fixer avec curiosité, arquant un deuxième sourcil amusé devant son tour de passe-passe. Elle finit par doucement poser ses doigts sur la caisse, étirant un lent sourire félin. Prenant appui sur ses doigts, elle se penche en avant, un peu plus vers lui, le regard soudainement éclairé par une lueur d'intérêt.

« — Vous avez toute mon attention, désormais. Une pause, tandis qu’elle reprend doucement. A défaut de ne pas voir votre visage, le mystère vous y oblige, je le conçois et le respecte. Tâquine-t-elle avec sarcasme et ironie. Puis-je au moins savoir le nom de celui qui apporte la voix des Trois ? »

Son regard se baisse vers la carte qu’il lui montre, son sourire en coin s’accentue quand il l’aperçoit éplorée, une lueur dramatique sur le visage. Fin tour de magie, suppose-t-elle, mais elle est saltimbanque alors… Elle ne s’avoue pas encore tout à fait impressionnée. Une interjection de satisfaction franchit ses lèvres tandis qu’elle l’observe d’un air appréciateur.

« — Je dois dire que je suis impressionnée mais maintenant que vous m’avez parlé des trois, je ne peux que vous écouter attentivement. Elle croise souplement ses jambes, sa pointe de pieds se posant doucement contre l’angle de la caisse, presque proche de celle d’Alfred, cette fois-ci, pour le déstabiliser. Lui fit-elle subtilement du charme pour voir ses réactions ? Son sourire s’élargit délicatement. Montrez-moi ce que vous avez pour moi, vous m’avez tenté. »

Curieuse, c’est vrai qu’elle l’est. Ronronnant comme un chat, elle afficha un léger sourire de fierté pour l’inciter à lui dire sa prophétie. Y croyait-elle ? Non, pas vraiment, tout dépendrait de la solidité du discours, des mots choisis et de sa cohérence. En tant que saltimbanque, Cérène démêlait les mots, les choisissait avec soin pour conter une histoire, murmurer des fables pour happer les foules. Elle enjôle les gens comme un charmeur de serpent, en les séduisant avec sa voix et son corps. Ce sont ces deux armes les plus redoutables.
Alfred était-il aussi redoutable qu’il ne le laissait paraître ? Un haussement de sourcil intrigué fit frémir le visage de la belle tandis qu’elle le scrute pour écouter à nouveau son récit.



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Alfred BernicourtCharlatan
Alfred Bernicourt



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MessageSujet: Re: Ondes prémonitoires   Ondes prémonitoires EmptyJeu 9 Jan 2020 - 15:04
Chaque fois que son brin de voix chaleureux inondait ses oreilles, l’homme frissonnait. Un fourmillement parcourait son échine, une sensation nouvelle. Ce n’était pas de la haine, ni une envie de meurtre, encore moins un fantasme lugubre, de la compassion, peut être ? Sûrement tout cela à la fois, non ? Peu lui importait, seul comptait sa brûlante envie de savourer pleinement chaque seconde de ce moment étrange, unique ou nouveau. Malgré la méfiance, la suspicion et la peur qu’il pouvait engendrer, cette belle ingénue ne semblait guère être intimidée, plutôt curieuse, enjouée par le caractère singulier de la rencontre. Pour la première fois de son existence, le damné ressentit une once de compassion, un fragment de banalité.

« Des choses sinistres ? S’étonna le serpent en reprenant, amusé, les propos de son interlocutrice. Par tous les dieux, non ! Lâcha t-il d’une voix douce entremêlée de son habituel rictus mesquin. Je ne suis qu’un humble messager, il n’est guère de mon ressort de décider de la providence, mon amie. Il n’y a que les dieux qui peuvent s’autoriser le droit de juger du destin des hommes, déclara t-il avant de terminer sa tirade. Cesse donc de me vouvoyer, pardi ! Je n’ai nul titre, nul rang qui me vaut une telle courtoisie, ma chère. »

La voûte céleste se teintait de nuances grisâtres, un souffle humide fracassait la bruine sur son visage, au sourire méphistophélique. La bougie sur la table peinait à demeurer embrasée, dansant frénétiquement pour assurer sa survie. Le vent s’infiltrait dans les ruelles malfamées du quartier, s’ondulant malicieusement jusqu’à la capuche du charlatant, laissant, par alternances, au gré de la brise, ses iris injectés de sang se dévoiler à sa délicieuse cliente. Malgré les aléas du temps, rien ne pouvait altérer l’ivresse de ce moment divin, savoureux. La vive émotion, provoquée par les sournoises mimiques et les discrets rapprochements de la jouvencelle, déridait un peu plus sa trogne blafarde. Ses doigts écorchés pianotaient sur la table, le bruit des ongles souillés, s’entrechoquant tel une marche équestre, contre le bois, s’accentuait au fur et à mesure que son excitation montait en intensité.

« Pardonne ma rudesse, mais ne serait-il pas un brin étrange de demander l’identité, d’un homme caché sous une capuche ? De plus, voilà bien longtemps que je ne m’encombre plus d’une telle futilité. Je suis le tout et le rien, le vaurien, le moins que rien, le paria, le damné, le banni, l’exilé, ou tout autre sobriquet que tu daigneras m’accorder, conclue t-il d’un rire macabre. »

Cela semblait une habitude, ces temps-ci, que son apparence soulève la curiosité quant à son identité. Même si ce dernier avait dévoilé son patronyme, est ce que cela aurait changé la qualité de leur rencontre ? Songea t-il. Une fois son étrange fou rire terminé, le désaxé sorti son couteau oxydé de sa manche et arracha trois morceaux identiques de sa toge crasseuse. Une fois ceci effectué, il planta violemment le manche de sa dague au centre du meuble vétuste, qui ne résista pas au choc et permis à la lame de se ternir parfaitement droite, fixée entre les morceaux de bois brisés. Pour terminer son tour, le psychopathe installa l’un des trois morceaux de tissu sur la pointe de la lame, puis étala les deux autres de part et d’autre. Le maraud gesticula ridiculement ses doigts abîmés au dessus, les deux pièces de tissus se soulevant mystérieusement afin de confondre parfaitement les trois bribes de son étoffe. Bien que sa première épreuve semblait explicite, l’homme illustra silencieusement le principe en empalant brutalement la pomme de sa main sur la pièce de son immonde soierie où se dissimulait initialement son arme. Curieusement, sa main aplatit le tissu directement sur le bois.

« Connaître son avenir requiert du courage, ma douce amie, mentait le truand en recommençant son tour. Aussi je te propose un petit jeux pour tester ta volonté. Nul besoin de conter les règles, je suppose, ni la finalité. Nous frapperons une fois chacun, le premier qui se transperce la main perd la partie, expliqua t-il en étouffant un rire glauque. Comme je suis un homme galant, je te propose de commencer, ma très chère. »

Alfred a écrit:
A moins que tu souhaites réagencer le jeu à ta guise, je suis parti du principe qu’Alfred a fait discrètement disparaître le couteau de la table, ce faisant, peu importe où tu tapes, tu ne pourras pas te transpercer la main. L’épreuve est juste là pour te tester sur ton dernier coup pour savoir si tu auras le courage, ou non, d’aller jusqu’au bout.

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Cérène BoiserelSaltimbanque
Cérène Boiserel



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MessageSujet: Re: Ondes prémonitoires   Ondes prémonitoires EmptyDim 5 Avr 2020 - 13:30
Sa tête se dodeline agilement emportant sa chevelure ébène dans son mouvement, comme une louve malicieuse quand il la reprend. Il est vrai qu’elle s’adresse avec une politesse délicate à son adresse, peut-être est-ce le fait d’avoir côtoyé des nobles ? Ou est-ce une part de respect qu’elle doit à cette Ombre nébuleuse dont les contours semblent aussi ambigus que la lame d’un couteau. Elle ne se rappellerait pas même le visage de cet homme. Blond, châtain, brun, petit ou grand, tout se mélangerait et Cérène en reviendrait inlassablement au même point : il ne s'agirait après tout que d'un inconnu. Un de plus parmi les autres. Alors oui, à quoi bon s’attarder sur son prénom ? C'était la guerre et l'angoisse de la mort animait chaque âme grouillante de Marbrume.

« Tu as raison , concède-t-elle tout en balayant de sa main avec négligence un nuisible invisible, alors à défaut de savoir ton prénom, laisse-moi t’appeler l’Ombre. Un sourire tandis qu’elle penche bascule légèrement sa tête sur le côté, une mèche dissidente s’élançant telle une tornade brune jusqu’à sa clavicule. Tu te dis parler au nom des dieux, j’espère qu’ils n’en seront pas offensés mais plutôt flattés. » Et cette fois-ci une menace subtile, il était risqué de se faire porte-parole aux dieux lorsqu’on en était l’usurpateur.

De lourds nuages couvraient le ciel, plongeant petit à petit la ruelle dans une obscurité inquiétante. Seules les quelques voix de mères inquiètes sommant à leurs enfants de ne plus trop traîner et qu’un déluge se préparer à éclore au-dessus d’eux. Cérène décale sa tête, un instant pour les écouter, avant de revenir sur Albert. Son regard le caresse quand elle l’observe faire, comme une chatte paresseuse lorsqu’elle aperçoit la lame franchir la planche en bois.

Elle laisse échapper un rire affectueux lorsqu’il énonce le jeu. Il lui plaît cet homme, pas dans le sens charnel, mais l’aura mystérieuse qui l’entoure dangereusement tel un brouillard, prête à la happer lui offre une puissante curiosité, comme un étau qui l’encercle et dont elle ne cherche pas à s’échapper. Le danger l’attire comme une abeille par le miel.

« Quel homme galant, ronronne-t-elle avec une ironie admirative, très bien, je ne peux refuser l’invitation. »
Craignait-elle d’avoir la peau tranchée par cette lame ? A vrai dire la présence de l’Ombre attisait sa méfiance naturelle, sa réserve dont elle s’était parée comme une seconde peau pour tromper la mort et survivre. Mais d’un côté, quel était son intérêt de la voir se blesser ? Recouverte par le tissu miteux, son regard vert balaye avec une négligence insolente chacun d’entre eux.

« Je te préviens, si ma peau se tranche, je pourrais être tentée de faire pareil avec ta gorge. » Plaisante-t-elle, ses yeux se plissant avec espièglerie.
Ses doigts pianotent patiemment sur le rebord en bois miteux, au loin l’orage tonne, offrant son premier avertissement.

D’un geste vif, le plat de la main de Cérène se pose juste au milieu, avec une vive précision, comme un serpent se jetant sur sa proie. Elle ne ressent rien du tout. Pourtant, pourtant, elle était sûre que la lame y était. Et elle, pourquoi n’avait-elle pas craint d’avoir ce couteau édenté se planter avec appétit dans sa main ? Tout simplement parce qu’elle était intimement persuadée qu’après le fléau qui avait anéanti sa vie et sa famille, rien de pire ne pouvait arriver.

Rien.

A part peut-être la perte d’Oscar, son protecteur et mentor.
Ou perdre Kryss.

Cérène se redressa, sincèrement surprise. Un nouveau silence se propagea, prolongé comme un ricochet infini entre eux deux. Après un instant de flottement, la belle sembla se dépouiller de ses éternelles piques pour se muer en un noyau de curiosité concentré et attentif. Sa voix, plus douce et conciliante, glissa cette fois jusqu'au Sorcier.

« Cette fois-ci, commente-t-elle en arquant un sourcil finement étonné, abordant un sourire mi-réjoui mi-tracassé, tu m’intéresses réellement. » Elle s’humecte les lèvres et ramène doucement sa main à elle, surprise de n’y voir aucune blessure. En l’inspectant d’une rapide caresse du regard et en articulant agilement ses doigts tel un mille pattes, ses yeux se dressèrent doucement vers Alfred avant de s’y plonger profondément, telle une enclume dans l’eau. «
L’épreuve te semble-t-elle réussi, l’Ombre ? »

Un sourire étrange éclot sur ses lèvres.

« Ou comptes-tu me mettre encore à l’épreuve ? » Taquine-t-elle en ronronnant.

Et dans un nouveau craquement du ciel, la pluie commence à s’abattre doucement.
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