Marbrume



Partagez

 

 Au lendemain d'un bal... [Apolline]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyLun 6 Jan 2020 - 21:35
Le manoir de la dame de Pessan la laissait béate d'admiration.

Revenue plus tôt que la noble de la réception de la veille au château royal, en raison de son jeune âge et de sa fatigue juvénile, Alix avait été mise au lit par une aimable servante. Même si son père lui manquait, il fallait avouer que la chambre de princesse dans lequel elle logeait lui fit faire de très beaux rêves ; et le lendemain matin, elle était toute prête à courir dans toute la ville.
Elle ne savait pas trop si son père viendrait la chercher ; mais le cas échéant, l'enfant profiterait de son temps libre pour aller rendre visite à tous ses amis.

Une fois cette résolution prise, les yeux encore bouffis de fatigue, elle entreprit de s'habiller d'une robe bien chaude de laine bleue sur une sous-robe de coton rouge, au col qu'elle avait elle-même brodé ; et, à peine coiffée d'une natte un peu ébouriffée, s'empressa de descendre l'escalier qui menait au salon principal de la demeure.

Tout était encore magnifique. Les rideaux étaient assortis au tissu des fauteuils ; et la décoration, de bon goût, faisait pâlir d'envie la fillette qui aurait voulu que sa maison soit aussi belle que celle-ci.
La ferme était bien plus rustique, et bien qu'elle ne s'en plaignît pas, on se prenait aisément pour une grande dame dans ce genre de décor.

La comtesse n'étant pas encore levée, le petit-déjeuner devrait attendre encore un peu.
Pour patienter, la fillette prit un livre sur une étagère, essaya de lire laborieusement quelques lignes, avant de le ranger avec un soupir.

Il était plus difficile d'apprendre à lire qu'à coudre correctement.

Instinctivement, elle se cala dans un fauteuil, joignit les mains et ferma les yeux pour commencer une prière. Il fallait remercier les Trois pour la chance dont elle jouissait - et avec piété, l'enfant s'abîma dans sa concentration à trouver les mots justes.

Aujourd'hui, elle essaierait de faire quelque chose de bien pour les autres. Il fallait qu'elle partage son bonheur.

Doucement, la petite fille rouvrit les yeux. Cette fois, l'odeur du petit-déjeuner flottait dans l'air, et elle demanda à une servante si la dame était réveillée. Pourvu qu'elle le soit ! Son ventre commençait à crier famine, malgré le repas de la veille...
Revenir en haut Aller en bas
Apolline De PessanComtesse
Apolline De Pessan



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyDim 19 Jan 2020 - 13:38


-- 2 Juillet 1166 --

Apolline était comme bien souvent levée tôt, sans pour autant qu’elle ne s’extirpe du confort de sa couche. Peu joyeuse, elle ne savait guère ce qu’elle devait ou non réaliser ce jour, bien trop consciente que la présence de la fille du comte de Beauharnais allait quelque peu chambouler son quotidien. Généralement, la dame délaissait l’enfant à sa domestique, Aimée, dame de compagnie et femme à tout faire, elle avait pleinement confiance en cette jeune femme pour s’occuper de la petite fille. Néanmoins, l’accord n’était pas tout à fait celui-ci et même si il était presque insurmontable pour la dame De Pessan de surmonter la souffrance qu’apportait une telle présence, allait-elle devoir faire un effort, un très gros effort. A peine avait-elle déposé un pied sur le tapis entourant son lit, que déjà la porte de sa chambre s’ouvrait pour dévoiler la silhouette de Aimée. Sans trop s’en formaliser, bien qu’il ne lui semblait pas avoir encore perdu suffisamment l’esprit pour oublier de l’avoir autorisé à entrer, elle enfila un léger châle sur ses épaules pour ne pas prendre froid. La petite dame s’appliquait déjà à préparer la tenue du jour de sa maîtresse, ainsi que ce chignon habituel parfaitement noué. Ne soupirant pas pour l’instant, mais offrant néanmoins un regard plus sombre qu’elle ne l’aurait voulu à sa dame de compagnie, celle-ci se sentit dans l’obligation de justifier cette légère pression.

- « Mademoiselle la Vicomtesse est déjà levée, elle vous attend en bas pour le déjeuner » la dame se figea sans qu’Aimée ne puisse faire semblant d’ignorer le pourquoi « Je pensais que cela ferait plaisir à mademoiselle de partager le déjeuner avec vous… »
- « Je ne pense pas que cela soit une bonne idée » répondit simplement la dame en s’installant sur la chaise pour que celle-ci s’affaire à réaliser sa coiffure « Si tu pouvais éviter de penser, cela m’arrangerait » ajouta-t-elle plus sèchement

Aimée resta silencieuse, sans s’offenser des paroles parfois dures de sa maîtresse, elle s’affaira simplement à réaliser la coiffure sans qu’à aucun moment l’une ou l’autre ne vienne brise le silence qui s’était installée. Par habitude, Aimée avait déjà à l’esprit la tenue qu’elle allait proposer à sa dame par habitude seulement, car elle ne semblait pas avoir abattue ses dernières cartes pour la réalisation de son idée. La présence d’une enfant avait le don d’animer la demeure, ce qui était très loin de déplaire à l’ensemble des domestiques qui s’appliquaient plus que de raison à la rendre parfaitement chaleureuse et davantage rayonnante. Cela ne passait évidemment pas inaperçu dans le regard de celle qui était habitué à tout observer et tout voir, mais jamais elle n’en avait fait le moindre commentaire. La réalisation de l’attache de la chevelure brune fut rapidement réalisé, jamais Aimée avait été aussi rapide et efficace notamment pour la suite où elle lui faisait déjà passer sa robe pourpre et préférée renouant le laçage avec application et rapidité avant de prendre la parole.

- « Votre père, le conte vous a fait préparer votre petit déjeuner favoris, il a insisté pour que vous mangiez davantage » la noble sembla haussa un sourcil « Inutile de le faire monter dans votre chambre, il a été très clair à ce sujet, vous devez vous sociabiliser avec notre invitée. »

Ainsi avait-elle donc fait. La comtesse sentie son sang de glacer, alors qu’elle trouvait qu’elle commençait à avoir une influence de plus en plus négative sur sa dame de compagnie qui usait et abuser des techniques les plus fourbes. Néanmoins, ne s’en sortirait-elle pas aussi facilement et avait-elle parfaitement conscience.

- « Bien, puisque vous semblez ne guère avoir envie de m’épargner ce jour, je ne tarderai plus à descendre, mais arrangez-vous pour vous en occuper le reste de la journée. Lecture, écriture, je dois la rendre digne de son titre et vous comprendrez aisément qu’on ne peut guère compter sur son père pour la rendre digne d’une femme noble. »

Aucun reproche ou jugement véritable, une simple constatation, tous savait que le conte de Beauharnais était un homme de terrain, un brin bavard certes, mais très peu au fait de la maîtrise idéale des mots, de l’étiquette et des courbettes. La comtesse se doutait donc, très certainement à raison que sa progéniture soit dans le même état d’esprit. Ce qui avait don de lui rappeler ses propres enfants, rendant la situation d’autant plus désagréable pour la dame. Aimée s’éclipsa, comprenant naturellement qu’elle avait besoin d’un peu de temps pour digérer et surtout pour préparer la jeune fille à ne pas s’offusquer des paroles parfois très sèches de sa maîtresse.

◈ ◈ ◈

La petite dame venait de rejoindre l’étage inférieur, les mains jointes devant-elle, elle n’avait pu que détailler la jeune fille que venait de l’interpeller parfaitement installée sur le canapé. Elle lui offrit un large sourire, ainsi qu’un regard plein de tendresse. Cela lui faisait un bien fou de retrouver un peu d’animation dans la demeure, notamment au travers la présence d’une enfant qui lui rappelait de très heureux souvenir, tendant une main vers elle pour l’inviter à se relever, elle ne put que faire une légère grimace devant la coiffure très approximative de la petite fille. Aussi s’empressa-t-elle d’analyser la tenue, les froissements et tout le reste qui pourrait amener la dame De Pessan à faire une petite réflexion.

- « Mademoiselle la Vicomtesse, madame la comtesse ne va plus tarder, avait-elle deux trois documents administratifs à régler avant de descendre » elle l’attira vers elle, faisant signe à une autre domestique passant par-là de lui apporter un peigne « Me permettriez-vous de reprendre quelque peu votre chevelure ? L’apparence est un art important dans votre milieu et je crains que votre coiffure aussi bien soit-elle réalisé manque un peu de cadre » elle lui offrit un sourire, l’invitant à s’aller à table « Je vais chercher ce qu’il me faut, installez-vous, j’arrive tout de suite »

Aimée n’avait pas tardé à s’éclipser, avant de revenir proche de la jeune fille, s’appliquant à détacher l’ensemble pour mieux brosser et rattacher en deux nattes sur le côtés sans que le moindre petit cheveux indomptables ne soit parfaitement dressé et aligner au reste.

- « Avez-vous bien dormis ? Votre soirée s’est déroulée comme vous l’entendiez ? Madame est rentrée peu de temps après vous. » elle brossait, reprenait, tirait légèrement sans pour autant provoquer la moindre douleur « Avez-vous une quelconque envie pour aujourd’hui ? Madame m’a fait part de son désir de vous voir étudier quelque peu. Je pensais qu’un court de tenue pouvait-être amusant, madame appréciait donner ce genre de cours à sa fille vous savez. »

Là elle tirait une nouvelle fois avant de venir nouer l’ensemble vers le devant. Elle aurait pu réaliser le même chignon que celui qu’elle faisait à Apolline, mais elle craignait que le choc ne soit un peu trop violent pour sa dame, dont le retard était inhabituel. Peut-être qu’Aimée avait voulu aller trop vite finalement ? Peut-être que sa dame n’était encore pas en mesure de voir un enfant dans sa demeure, peut-être ne se remettrait-elle jamais de l’absence trop pesante, trop violente de sa famille ? Se pinçant les lèvres Aimée en oubliait presque ses recommandations qu’elle voulait apporter à la petite.

- « Madame est une femme très influente et très exigeante envers elle-même et envers les autres, ne vous offusquez guère Vicomtesse si elle vous parait un peu froide dans ses paroles ou dans ses gestes, voulez-vous ? » elle hésita un instant « Vous avez le même âge que sa fille aurait dû avoir, vous comprenez… Ce n’est pas si simple pour elle, mais soyez rassurer, madame est une grande dame. Aimez-vous vivre au Labret ? »


Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyLun 27 Jan 2020 - 9:08
Quelqu'un arrivait !

Le sourire de l'enfant s'élargit, bien qu'elle se sentit très nerveuse. En dehors de la ferme Pessan, elle savait ses manières grossières aux yeux de la noblesse, et elle commençait à avoir un peu peur de lui déplaire.

Après tout, elle n'était qu'une bâtarde.

L'apparition d'Aimée, la servante, la détendit un peu.

- "Aimée, bonjour !"

L'enfant lui offrit un grand sourire, se laissant examiner patiemment. Elle aimait beaucoup cette jeune femme gaie, et s'installa docilement sur la chaise, en sautillant.

- "Oui, bien sûr, Aimée. Merci beaucoup. Je sais que je me suis coiffée un peu trop rapidement ce matin. J'avais hâte de descendre prendre le petit-déjeuner."

Elle battit un peu des pieds sous la table, les mains posées avec précaution dessus, couva d'un oeil enthousiaste la domestique qui revenait avec une brosse et des rubans.
Cette dernière défit sa natte, et commença à brosser sa chevelure blonde - Alix ferma les yeux de bonheur et de bien-être. A l'évocation de la soirée de la veille, la jeune vicomtesse poussa un petit cri de joie, puérile et enthousiaste.

- "C'était absolument merveilleux, tu sais ! C'était le plus merveilleux moment de ma vie ! Il y avait de la musique, et j'ai dansé avec papa, et aussi, on m'a invité à danser, avec le seigneur d'Auvray, et-et aussi, il y avait un grand buffet ! Et j'ai été voir la grande galerie des tableaux avec une très gentille dame avec qui j'ai beaucoup parlé... Et.. C'était... Magnifique. Magique."

Elle était véritablement une vicomtesse, et plus tard, un beau seigneur l'aimerait, et elle deviendrait sa dame, dans un joli manoir de l'Esplanade. La vie dont elle avait toujours rêvée était la sienne...
Assez excitée, elle avait du mal à ne pas bouger la tête dans tous les sens, et elle toucha du plat de la main les deux tresses qui lui avaient été faites, et qui finissaient par deux beaux rubans rouges. Comme elle devait être belle !

- "Merci beaucoup, Aimée. Je dois ressembler à une princesse maintenant ! Je voulais aller en ville, à l'orphelinat, et puis peut-être rendre visite à mes amis à la Hanse. Mais j'étudierai autant que voudra la Comtesse, bien sûr."

La petite fille ne savait pas trop ce qu'impliquait un cours de tenue, mais elle était toute prête à essayer. avec un peu de retard, elle réalisa que la Comtesse aimait - au passé - faire cela avec sa fille, ce qui intrigua la fillette, mais avant qu'elle ait pu répliquer, la femme de chambre continuait de lui donner des informations.
Des larmes se formèrent dans les yeux sombres d'Alix. La Dame avait perdu sa fille - bien sûr que ce n'était pas si simple. Comment aurait-elle réagi si elle avait perdu un des deux petits, ou les deux ? Elle aurait été anéantie.

- "Je... je comprends bien. J'ai perdu ma nourrice, moi aussi, quand la Fange est arrivée en ville la première fois. Ce n'est pas grave si elle est sèche, je ne suis qu'une bâtarde, de toute façon. Mais je suis quand même heureuse et reconnaissante d'être là. Est-ce que je suis assez jolie pour lui plaire ? Au Labret, on ne prend pas autant soin de sa toilette. La servante coiffe mes cheveux mais elle a beaucoup de choses à faire. On travaille beaucoup, beaucoup, mais j'y apprends quand même à lire et à écrire. Et c'est très joyeux, on ne s'ennuie jamais. Il y a les animaux dont il faut s'occuper, et la couture, et je m'occupe de savoir si les mercenaires de la Compagnie ont ce qu'il faut. Et papa me raconte beaucoup d'histoires, à la veillée. C'est merveilleux. Il y a les Fangeux, mais on est en sécurité parce que papa a renforcé la sécurité du manoir. Puis-je descendre de table ? Est-ce que je dois m'habiller de ma robe de bal, pour être plus élégante ?"

Elle attendit la permission avant de sauter en bas de sa chaise, faisant mille grâces maladroites avec le tissu chaud de sa robe ; toute fière d'être aussi belle dans ses vêtements. Elle avait bien un peu chaud - mais le matin était frais avec le vent qui soufflait au-dehors.

Revenir en haut Aller en bas
Apolline De PessanComtesse
Apolline De Pessan



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyLun 27 Jan 2020 - 20:03


Il y a des choses agréables, comme la mélodie d’une fois d’enfant qui s’émerveille, comme des yeux qui pétillent. Alix était ce type de petite fille, qui contamine par sa bonne humeur, par sa simple présence. Aimée brossait lentement la chevelure blonde de la gamine, tout en s’appliquant à ne tirer aucunement, à ne pas être douloureuse, ses doigts fins passaient entre les mèches sans la moindre hésitation tout en écoutant le récit de la Vicomtesse. Etait-il simple de dériver, de perdre sa posture de domestique/dame de compagnie, a simplement une femme s’adressant à une enfant, pourtant Aimée s’appliquait à conserver la juste distance, opinant brièvement et accompagnement ses mouvements de la tête par des petits mh coopératifs et attentifs. Tirant légèrement la chevelure pour la diviser en deux parties égales, la dame se contenta de faire une pause pour répondre à la petite fille.

- « Le comte votre père semble vous porter beaucoup d’attention vous êtes chanceuse et danser avec un sergent aussi influent que messire d’Auvray, je suis certaine que madame de Pessan en serait jalouse, mais shhht cela reste entre nous » fit la petite main en se mettant à rire doucement « Dois-je comprendre que vous êtes une danseuse remarquable ? Je ne sais pas vraiment danser moi, il faudra m’apprendre » tenta-t-elle lentement.

Il fallait bien l’admettre, même si l’ensemble était particulièrement agréable, la présence d’Alix chamboulait les habitudes du domaine. Fallait-il s’adapter à cette dynamique particulière, à ses questions, sa présence, son besoin d’attention tout naturel à son âge. Poursuivant de coiffer sagement la chevelure de l’enfant, Aimée était une nouvelle fois attentive aux besoins de la Vicomtesse. Voir des amis de la hanse, rendre visite au temple pour voir les orphelins, la domestique fronça un instant les sourcils, voilà bien des occupations de petites filles, mais pas nécessairement celle d’une fille de son grade, allait-il falloir revoir tout ceci. Ce n’était pas aussi amusant d’être une noble qu’une enfant du peuple, néanmoins Aimée ne savait pas réellement comment amener les éléments et ce fut finalement naturellement qu’elle conserva le silence, se concentrant sur l’ensemble et terminant de réaliser la coiffure avec précision.

La suite était presque un peu déroutante, il fallait informer, donner des bases qui pourtant ne la regardait pas nécessairement. Aimée s’était donc offert quelque liberté qu’elle payerait sans aucun doute si sa dame venait à l’apprendre. Ainsi évoquait-elle les enfants disparus de la comtesse, peut-être même sa froideur parfois pas toujours très justifiée.


- « Il faudra remédier à cela Vicomtesse, il faut me promettre, une noble dame est toujours apprêtée parfaitement, peu importe les circonstances. » elle changea de côté pour se mettre devant la petite fille, détailler sa réalisation, vérifier que tout est parfaitement en place « Vous pouvez descendre, mais ce n’est pas la peine de vous changer, vous êtes très jolie comme ça mademoiselle. »

Elle s’était éloignée en percevant le bruit de pas s’approchant. Peu de temps après la fin de la conversation ce fut la silhouette de la comtesse en personne qui se dessina dans l’encadrement de la porte.

Silencieusement, elle observait tour à tour les deux personnes présentes avant d’approcher, tout en laissant ses doigts venir lisser la moindre parcelle de tissu que constituait sa robe. Un instant, elle avait dû détailler la fillette de haut en bas, l’invitant à s’installer d’un geste de la main pour profiter du petit déjeuner. Sans que le moindre mot ne soit formulé, Aimée avait disparue pour rapporter sur la table de quoi manger, pain, sucrerie, gâteau en tout genre, les cuisiniers semblaient avoir fait davantage d’effort qu’à l’accoutumée, ce qui ne manqua pas d’échapper à celle qui venait de prendre place en bout-de-table.


- « Bien le bonjour Vicomtesse de Beauharnais, avez-vous bien dormi ? » questionna la noble dame en venant une nouvelle fois lissé les plis de la nappe puis enroulant ses doigts fins autour de la tasse chaude qu’Aimée venait de déposer devant elle « Que prenez-vous le matin ? Cela évitera aux domestiques de préparer tout en surplus pour vous satisfaire. » fit-elle en portant sa tasse à ses lèvres.

Il n’était guère évident pour Apolline de faire la conversation, elle n’était plus cette mère digne qui pensait au bien-être de sa progéniture avant la sienne et Alix ne valait sa place qu’à accord commercial de son père. Prenant une légère inspiration la dame fit tournoyer une cuillère dans le récipient aux vapeurs agréables de plantes en tout genre, soufflant légèrement dessus, elle osa y tremper les lèvres pour savourer la chaleur se répartissant dans sa bouche, sa gorge, puis son ventre.

- « Nous commencerons par un cours de bonne conduite » fit-elle en direction de la petite « Ne pouvez guère compter sur votre père et ce n’est nullement un reproche, mais je crains que tout l’art de la bonne conduite repose sur vos frêles épaules, peut-être est-ce même vous qui partagerez votre savoir avec le comte votre père, surtout s’il envisage de trouver une épouse, cela sera de la plus haute importance. » avisant la petite fille, analysait-elle sa réaction, cherchant à définir ses pensées, il était peu probable qu’elle ne se sente pas soudainement investie d’une mission « Si vous commenciez par me dire ce que vous connaissez du comportement à tenir d’une noble dame, de son rôle dans une demeure, de ce qu’elle peut faire ou ne pas faire en société ? Cela pourrait nous offrir une base de travail. »

Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyLun 10 Fév 2020 - 10:53
Oh oui, elle était bien chanceuse ! Alix le reconnaissait volontiers, et hocha la tête avec enthousiasme, avant de se rappeler qu'il fallait garder la tête immobile sous les assauts de la brosse à cheveux de la servante.

- "Je sais un peu danser, voilà tout. Mais surtout, j'ai eu de la chance, parce que la sergent a mesuré son rythme pour que je puisse suivre sans le ridiculiser. Je n'ai presque jamais été aussi heureuse de toute ma vie. C'était fabuleux ! Et maintenant, papa voudrait que j'organise une fête qui aura lieu au Labret. Cela sera merveilleux. Nous ferons presque comme si on était au palais royal ! En tout cas, je vous promets que je serai toujours apprêtée comme il faut. Vous ne serez pas déçue. A partir d'aujourd'hui, je serai une vraie demoiselle vicomtesse convenable."

Elle se mira quelques secondes dans le miroir, les joues roses et le sourire aux lèvres ; puis remercia la servante d'un ton enjoué.
L'enfant n'avait pas peur des mots durs ou d'un ton sec de la part de son hôtesse, car elle avait vécu plus dur ; mais cela n'empêchait pas de désirer ardemment son amitié. Désormais, elle voulait appartenir à ce nouveau monde, et bien se comporter pour pouvoir en être acceptée.

Sinon, comment trouverait-elle un mari qui voudrait bien d'elle, une fois la Fange anéantie ?

Par miracle, à l'arrivée d'Apolline, la table s'était couverte d'un petit déjeuner substantiel. Il y avait des pains aux sucre, de la confiture, des pains aux fruits, du jus de fruit, du lait, et même des œufs - c'était un petit-déjeuner véritablement royal, et elle agrandit ses yeux devant tant d'abondance. Mais le plus important restait la comtesse - et Alix se leva de sa chaise pour lui offrir une révérence plutôt acceptable, sinon remplie de bonne volonté, pour se montrer polie et déférente.

- "Bonjour, comtesse. J'ai très bien dormir, votre chambre était magnifique, et le lit très confortable. Et vous ? Avez-vous bien aimé le bal ? Il était si, si merveilleux !"

Les joues à nouveau toutes rouges, elle baissa à nouveau les yeux devant la profusion de mets, se sentit un peu coupable.
En ces temps de disette, elle-même savait mieux que personne qu'il ne fallait pas gâcher la nourriture.

- "A la maison, je prends du pain et du beurre, et parfois du pain aux fruits. J'adore aussi le lait, dame, surtout quand il est à la cannelle. Et la brioche. C'est vraiment délicieux... Je ne voulais pas occasionner du gâchis, Dame. Je suis désolée."

Alix s'employait à parler correctement. Elle ne voulait surtout pas faire mauvaise impression, et elle ne s'autorisa à s'emparer d'un morceau de brioche aux raisins secs qu'après que son interlocutrice ait porté sa tasse à ses lèvres.
L'enfant craqua dans le pain moelleux, ferma les yeux quelques secondes, joyeuse.

La dame de Pessan reprit la parole, captant à nouveau l'attention de la jeune noble aux cheveux blonds. Elle n'était pas vexée des propos de l'adulte - papa était milicien avant tout, et elle savait que l'étiquette, les manières ne l'intéressaient pas. Il était étonnant qu'il n'ait pas appris tout cela quand il avait son âge - mais sans doute étais-ce différent pour un garçon. Normal.

Les propos de son interlocutrice lui fit agrandir les yeux. Ce serait à elle d'instruire son père - c'était normal après tout ! Elle était la dame de la maison !

Seulement, la question posée lui fit plisser ses yeux noirs. Que devait faire et ne pas faire la dame de la maison ? Quelle comportement devait-elle avoir, et que devait-elle faire dans une maison ?
Difficile question que celle-ci ... Il fallait essayer d'être logique, de rattraper son ignorance par ce qu'elle possédait d'intelligence. C'était aux hommes de décider de la direction politique de la maison, ce qui laissait beaucoup de choses aux dames. Ne devaient-ils pas faire plus ?

- "Je.. je sais que les dames... s'occupent de la bonne marche du foyer, en s'occupant de tout ce qui est intendance pour que leur mari soit content de rentrer à la maison. De fait, je crois qu'elles doivent s'occuper des comptes, parce que tenir une maison, cela coûte de l'argent, et il faut savoir où on en est. Je crois aussi qu'il faut qu'une dame s'occupe de la sociabilité. De tout faire pour bien recevoir ses amis, et les amis de la maison. Et pour bien tenir la maison, il faut savoir comment.. s'occuper du personnel s'il y en a."

L'enfant plissa le front, inquiète de savoir si elle dit la bonne réponse ; et elle interrogea son interlocutrice du regard.

- "J'espère que j'ai bien répondu. Je voudrais tout apprendre et devenir une vraie demoiselle comme il faut. Est-ce que je pourrais quand même aller au Temple, cet après-midi ? J'avais l'habitude d'aller à l'orphelinat pour venir leur donner une tarte, et j'ai préparé aussi quelques habits pour eux. Est-ce que j'aurai le droit ? C'est parce qu'ils ont été très bon avec moi, vous savez. Ils ont été bon avec moi et les petits, mes deux enfants. Je le leur dois."

Revenir en haut Aller en bas
Apolline De PessanComtesse
Apolline De Pessan



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyVen 14 Fév 2020 - 23:12


- « La soirée était convenable » répondit comme bien souvent une comtesse qui ne rentrait jamais dans les détails et qui n’exprimait que peu de fois le fond de sa pensée « Je suis satisfaite de savoir néanmoins que vous vous êtes, semble-t-il amusé, j’ai cru entrevoir quelques pas de danse. »

La dame de Pessan n’était pas nécessairement très à l’aise, avisait-elle cette jeune enfant, cette jeune fille, sans trop savoir comment se positionner face à elle. Faisait-elle preuve de cette autorité naturelle, celle qui éloigne normalement instinctivement, qui empêche de trop approcher, qui brûle dès qu’on tente d’effleurer. Prenant sa tasse entre les mains, soufflant légèrement sur l’eau brûlante qui dégageait un étrange nuage de fumé. Humant l’ensemble avec un plaisir non feint, elle finit par congédier dans un simple regard Aimée, qui déjà n’était plus présente. Détaillant minutieusement cette enfant qu’elle devait rendre aux yeux de tous parfaite, la brune s’interrogea un instant, état-ce seulement possible avec un père comme le sien ? Avalant une nouvelle gorgée, elle fit silence alors que la petite fille s’excusait d’avoir occasionné du gâchis. N’était-elle pas responsable de l’engouement des domestiques pour sa petite personne, néanmoins devrait-elle apprendre à instaurer cette juste distance, elle était noble, ils étaient du peuple. Là était toute la différence. Avalant une nouvelle gorgée, elle laissa ce silence s’instaurer, sans chercher à le briser, sans chercher à l’amoindrir ou le faire disparaître, bien au contraire. Évitant toute forme d’alimentation physique, se contentant du liquide la comtesse avisait celle qui semblait ravie de son alimentation et des saveurs qu’elle pouvait ressentir. La conversation avait fini par reprendre, abordant simplement les règles de bonnes conduites.

- « C’est exactement ça, mais vous oubliez la plus importante jeune fille » murmura une comtesse « La femme doit toujours être dans l’ombre de son époux, ou vous en l’occurrence de votre père, sans que cela ne se remarque. » elle fit un silence « L’étape la plus importante est de créer des relations, mais surtout d’être proche de ceux que l’on redoute, parce qu’il n’y a pas meilleure défense que l’attaque et qu’il vaut mieux être l’ami de son ennemi que l’ami de son ami. » c’était long à comprendre, long à accepter, mais mieux valait toujours avoir une carte d’avance « La mémorisation, connaître le nom de l’ensemble de vos pairs et savoir les reconnaître et un exercice fastidieux, mais c’est de la tâche propre de l’épouse ou de la fille, en plus de tout ce que vous venez de citer. »

Elle déposa le récipient qu’elle avait entre les doigts sur le bois de la table, lissant de la pulpe de sa main le napperon brodé qui se trouvait non loin. Elle releva les yeux vers la jeune fille, offrant cette moue incertaine, ce visage sans saveur ou tout du moins véritable expression identifiable.

- « On ne doit pas être lisible, mais être agréable, apprendre à faire les bonnes salutations, utiliser les bons mots. Là est l’art de notre rang jeune fille et si vous parvenez à conserver ce trouble, ce doute, cette curiosité et vigilance permanente en votre égard alors vous allez gagner la plupart des batailles. »

Elle se redresse lentement, replaçant la chaise pour se diriger vers la fenêtre, y détailler l’ensemble, ainsi que cet extérieur qu’elle affectionnait et fuyait à la fois.

- « Votre père souhaite que je vous éduque, mais soyons honnête, il déplorera chacune des lignes que je vais vous enseigner, car lui-même n’a guère conscience de ce que cela implique. C’est à vous de lui choisir épouse et de l’aiguillier dans la bonne direction. Une femme qui sera votre mère, mais aussi votre supérieur, qui vous éduquera à son tour, faut-il qu’elle puisse avoir des atouts dans sa manche pour faire rayonner votre maisonnée. »

Elle fit une pause, prenant une légère inspiration.

- « Est-ce sans doute le premier exercice et le plus complexe, celui de lister l’ensemble des femmes nobles, les atouts, les faiblesses. Savez-vous lire et écrire, Vicomtesse ? Est-ce très important pour les gens comme nous. » fit-elle en pivotant « Vis-à-vis de votre sortie, je suppose que je peux faire preuve de tolérance, emportez donc l’ensemble des restes pour vos amis… Et évitez de dire que vous avez vous-même des petits, votre jeunesse vous ferez passé pour menteuse, ou au pire, comme une indigne des Trois s’étant abandonné aussi jeune soyez-vous. Comprenez-vous ? » elle hésita un instant avant de poursuivre « Pour avancer, faut-il laisser le passé où il se trouve, vous n’êtes plus et ne serez plus jamais une va nu pied, êtes-vous après tout désormais sous la protection de la famille Pessan. »

Elle ne cherchait pas véritablement à la connaître, à la féliciter pour ce qu’elle percevait. Apolline était là uniquement pour la formater, pour la rendre apte à évoluer sans se faire dévorer par la noblesse, à la faire survivre au plus dangereux des mondains, à débusquer le vrai du faux, à apprendre à mentir habillement pour noyer les informations qu’elle peut posséder.

- « Nous irons ce soir chez la couturière pour refaire entièrement votre garde-robe, je compte sur vous pour évidemment abandonner toute autre tenue de mauvaise facture par la suite et maintenir une élégance parfaite même au domaine du Labret, me fais-je bien comprendre mademoiselle la vicomtesse ? Pour la suite, il s’agira d’apprendre à marcher du poids sur la tête, à rester droite, parvenir à respirer avec un corset, maîtriser l’art de la communication non verbale, il y aura bien évidemment la lecture, l’écriture, l’histoire, la connaissance de chaque famille noble. J’exigerais régularité et apprentissage, il n’y aura que peu de temps pour l’amusement. Des exercices pratiques vous seront confiés évidemment, comme le fait déjà dans un premier temps analyser les dames libres, ou veuve qui pourraient faire grandir votre maisonnée en argumentant, bien évidemment, en attendant puis-je vous libérer quelques heures pour vos envies, je suppose. »

Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptySam 21 Mar 2020 - 9:40
Si elle s'était amusée ? Fallait-il seulement poser la question ? Son cœur en battait encore la chamade ; et reprit une bouchée de sa brioche, finissant de mâcher avant de répondre, les yeux pétillants, sans trop s’embarrasser de la réserve de son interlocutrice.

- "C'était le plus merveilleux moment du monde, dame. J'aurai dansé toute la nuit, vous savez, si j'avais pu !"

Oui, elle s'était sentie très fatiguée, mais rien qu'une courte sieste n'aurait su réparer. Elle avait gravé dans sa mémoire les chandelles, les moulures du plafond, les dentelles des robes des dames, les tissus de couleur vive, comme si tout ce qui s'était passé - la Fange, le manque de nourriture, les difficultés de ravitaillement - n'avait jamais existé.
Et pourtant, sans la Fange, aurait-elle connu son papa, et cette vie qui était désormais la sienne ?

Avec franchise, la jeune Alix dévisagea son interlocutrice. Elle se sentait fière d'avoir répondu correctement, et ses joues rosirent avec grâce, les yeux vifs et intéressés devant sa réponse.
Il était effectivement difficile de se rapprocher de ses ennemis, même si la petite fille, par ordinaire pragmatique, comprenait aisément le but. Ainsi, il était plus facile de deviner ses plans, mais il était aussi plus aisé pour l'adversaire en question de vous faire du mal. L'idée de retourner voir le comte lui donnait des frissons ; il était normal qu'il lui en veuille, et il avait toujours de quoi se venger sur elle.

Alix écoutait, concentrée, les propos d'Apolline. Il serait dur de ne pas "être lisible", elle dont les expressions se lisaient sur son visage comme un livre ouvert, mais il faudrait livrer bataille, avec les armes d'une femme noble. Sa politesse, son éducation, son cerveau. Serait-elle à la hauteur pour choisir une épouse à son papa ? Et comment faire, puisqu'elle n'avait pas le droit de sortir du domaine sans escorte, puisque tout voyage était terriblement dangereux ?

Peut-être qu'une fête...attirerait la noblesse célibataire de Marbrume et qu'elle pourrait faire son choix alors ?

Toutes ces informations commençaient à lui tourner la tête. Lister les femmes nobles, leurs forces et leurs faiblesses, refaire sa garde-robe, apprendre à marcher, à rester droite, respirer avec un corset, l'histoire, connaitre toutes les familles nobles de Marbrume, parfaire sa lecture et son écriture...
Pour autant, la jeune demoiselle reprit la parole d'une voix douce, un peu hésitante, cette fois. Les petits lui étaient trop chers pour les abandonner. Elle avait juré sur les Trois !
Et il fallait dissiper un malentendu.

- "Dame, c'est.. mes petits, mais.. j'ai pas couché avec des hommes quand je travaillais au bordel. Je ne faisais que le ménage. J'ai soûlé l'homme qui m'avait enfermé dans sa chambre, et je me suis enfuie après. Les petits, ce sont des enfants qui n'ont pas été recherché par leurs parents chez maman-nourrice, et j'ai travaillé pour qu'on survive tous ensemble. Ce sont mes enfants d'adoption, vous comprenez. J'ai juré devant les Trois de veiller sur eux. Sinon, je sais lire et écrire à peu près. J'apprends au domaine, près de papa. Vous savez, moi, je travaille dur, je sais faire de longues heures sans m'arrêter. Je suis si heureuse de venir ici et d'apprendre à devenir une dame, comme vous ! Rien ne peut me faire plus plaisir. Je n'ai pas peur de me lancer dans la bataille !"

La petite fille adressa un grand sourire rempli d'espoir à son interlocutrice, s'appliquant à manger proprement et avec toute la distinction qu'elle pouvait.

- "Alors je vais bientôt pouvoir sortir ? Je n'irai pas dans les quartiers trop malfamés. Je pourrais aller voir le comte de Rougelac ? Il m'avait fait du chantage, à l'époque. On peut dire que c'est un ennemi, mais sa femme a été prise avec moi pour enquêter sur les fangeux, le jour où ils ont envahi Marbrume, au couronnement du Roi. Ce serait une occasion de se rapprocher de mon ennemi, j'imagine."

Spoiler:
Revenir en haut Aller en bas
Apolline De PessanComtesse
Apolline De Pessan



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyLun 23 Mar 2020 - 12:20


La comtesse observe cette enfant en pleine réflexion, qui a au moins la politesse et l’intelligence de ne pas l’interrompre durant ses explications. Elle prend une légère inspiration, savoure une infusion bien chaude dont les effluves viennent lui caresser agréablement les narines. Elle avise cette future comtesse en devenir, sans pour l’instant y voir autre chose que le portrait craché de son cher père le comte. Avec toutes les dérives que cela comporte. Elle laisse ses doigts s’enrouler sur un morceau de pain, vient le rompre avant de le tremper dans le liquide, ramollir l’ensemble et venir le mastiquer, profitant de ce bref instant de silence. Elle était encore insouciante sans plus l’être réellement, avait encore ce regard d’enfant et cette pensée d’adulte, il suffisait de la regarder pour le comprendre. Fière d’avoir bien répondu, inquiète de ne pas être à la hauteur et pourtant… Elle avait vécu dans un bordel avec dû s’occuper de gamin, s’était visiblement fait manipuler par un noble et ne souhaitait qu’une chose… sortir s’amuser. La dame de Pessan ne put que pincer ses lèvres un minuscule, instant, incertaine de savoir véritablement ce qu’elle devait dire, faire, comprendre. Aymeric lui avait demandé d’éduquer sa fille, cela risquait de prendre du temps, énormément de temps, pour autant, la maîtresse de maison semblait éprouver quelques difficultés à s’habituer à la présence d’une si jeune fille.

- « Reprenons, plus lentement, je ne suis pas certaine de tout saisir » fit-elle délicatement en déposant sa tasse « Premièrement Alix, ce que tu vas me dire là, il ne faudra plus le dire à personne. Une noble ne va pas dans un… par les Trois. Dans un bordel, ce n’est pas digne d’elle. » elle fronça un instant les sourcils pour être certaine d’être bien comprise « Ensuite, l’idée de… » ça elle ne pouvait pas lui dire, elle était trop jeune pour se lancer dans ce genre de jeu dangereux « Bien, si tu me racontais un peu ton histoire, veux-tu ? Je sais que tu n’es pas avec ton père depuis très longtemps » souffla-t-elle « Parle-moi de temps que je comprenne comment tu fonctionnes. »

Ce n’est pas simple de bien tout comprendre, Apolline sait que l’enfant a dû vivre des événements complexes, néanmoins, elle n’a pas dans l’idée de l’épargner, elle fera d’elle une petite noble exemplaire, comme elle l’a promis à son père. Elle prend le temps de réfléchir un instant, se relève un peu, prend une inspiration et fait signe à Aimée pour qu’elle vienne débarrasser l’ensemble. Tant que Alix ne sera pas libérée de son envie visiblement pressante de sortir, cela ne sera même pas envisageable d’essayer de réaliser quoi que ce soit.

- « Aimée va débarrasser, pendant ce temps-là tu vas faire quelques lignes d’écriture, quand elle aura terminé elle t’accompagnera pour une heure trente de sortie pas plus. » Elle avise la gamine en se pinçant les lèvres « Pas plus Alix, c’est bien compris. Ensuite on aura du travail, on débutera quelques apprentissages, mh ? » elle prend le temps de songer un peu, puis ajoute « Ici, interdiction de sortir seule dans la ville, même pour aller voir ton père si celui-ci est présent, tu dois toujours être accompagné d’Aimée, ou d’une autre domestique de ton choix. On se comporte toujours bien, on parle correctement à l’extérieur, on n’est pas vulgaire ! Est-ce que c’est compris ? »

La comtesse est debout, elle s’est immobilisée devant la petite fille pour être certaine de s’être bien fait comprendre. Elle n’a plutôt pas intérêt à ne pas respecter les règles de la demeure, avoir en responsabilité une enfant qui n’est pas la sienne n’est pas évident et cela ne convient pas encore parfaitement à la maîtresse de maison. Apolline doit déjà préparer l’ensemble des leçons qu’elle veut aborder, tout en réalisant l’ensemble de ses tâches, elle se souvient alors de l’interrogation de l’enfant concernant Rougelac.

- « Pour l’instant, interdiction d’approcher la noblesse » murmure-t-elle « Surtout Rougelac, on va commencer par des petites étapes avant de tenter les gros poissons… Mais, tu m’expliqueras là aussi ce qui s’est passé avec lui tu veux bien. En attendant, va te distraire un peu, une fois rentrée nous allons avoir du travail. »


Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyVen 3 Avr 2020 - 21:35
Le petit silence qui suivit ses déclarations mit Alix mal à l'aise. Encore une fois, elle aurait dû se taire sur son passé, elle le savait. Son papa n'aimait pas qu'elle l'évoque, ni son interlocutrice. Cependant, en parler faisait du bien. C'était impossible de faire un trait sur tout ça ; impossible d'oublier, de faire comme si cela n'avait jamais existé.

Mais l'enfant ne rompit pas le silence. Elle se contenta de prendre quelques gorgées de lait, en baissant les yeux, afin de ne pas sembler insolente, et leva ses prunelles sombres, alors qu'Apolline reprenait la parole. Doucement, elle hocha la tête, promettant silencieusement de ne rien en dire à personne. Il fallait essayer d'oublier, refouler tous ces souvenirs traumatiques, qu'elle se remémorait avec la conscience aiguë de sa fragilité.
Il n'était pas digne pour une noble d'aller dans ces honteux endroits de débauche, la petite fille en avait bien conscience - mais à ce moment-là, si elle connaissait ses origines, en tout cas vaguement, elle n'en avait cure alors, ne voyant pas plus loin alors que le bout de sa journée.

Mais le présent était plus doux. Sagement, sans l'interrompre encore, la petite fille l'écouta donner les règles et les consignes. Ce serait facile, et amusant d'avoir une compagne au dehors, et la fillette dessina un grand sourire joyeux, tandis que la noble en face d'elle finissait de lui parler.

- "Je ferai volontiers des lignes, dame. Je suis très heureuse d'apprendre tout cela, vous savez ! Je vous raconterai tout ce que vous voudrez au retour."

Avec obéissance, elle se redressa tandis que la servante refaisait apparition, et débarrassait le repas.

- "Vous savez, j'ai été plusieurs fois chez lui. Je vous raconterai tout, je vous le promets."

Cela allait être un peu difficile, car Alix ne pouvait décemment lui raconter toute la vérité. Sa pauvre amie noble ne pouvait pas être impliquée ; pourtant elle était même la pièce maitresse de l'histoire. Il faudrait absolument ne pas donner son nom.
Aimée lui apporta du papier, et elle commença à tracer des lettres avec application, en trempant régulièrement sa plume dans l'encrier.

Enfin, la domestique revint pour débarrasser la table avant de sortir. Elle lui tendit sa petite coiffe de dentelle, l'aida à le fixer sur sa tête, rangea les exercices, avant de l'accompagner au-dehors.

Ensemble, elles visitèrent son père, pour prendre de ses nouvelles, firent une visite au temple après avoir avoir acheté une fournée de pains à un boulanger, firent leurs prières après avoir déposé leurs aumônes pour les orphelins.
Finalement, elles revinrent chez la dame de Pessan,

Alix avait les joues roses d'avoir pu marcher et se délasser un peu les jambes, et finalement, avec un sourire un peu timide, se rassit sur un fauteuil en attendant que la servante prévienne sa maitresse que la petite était revenue.

Elle se sentait un peu stressée à l'idée de tout dévoiler à la belle noble ; mais après tout, elle pouvait avoir confiance en elle, si son père l'avait placée dans ses mains.
Aussi se leva t-elle à son arrivée, bien déterminée à l'impressionner par sa politesse et sa bonne volonté.
Il fallait bien cela pour compenser son passé !

- "Je suis prête à tout vous raconter, comme vous l'avez souhaité tout à l'heure... et aussi à me mettre au travail, Dame."
Revenir en haut Aller en bas
Apolline De PessanComtesse
Apolline De Pessan



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptySam 4 Avr 2020 - 17:05


Difficilement, la brune releva le nez dans nombreuses missives qui venaient de lui être remis en main propre. Complexe de concevoir qu’autant de problématique voyait le jour en si peu de temps, premièrement, les convois de minerais qui auraient dû être livré à l’ensemble de ses forges avaient été pillés, volés, ou pris par la fange, ce qui avait don de l’agacer profondément, deuxièmement, son projet d’établissement rencontrait lui aussi quelque difficulté, si bien qu’elle n’était plus certaine des tenants, et aboutissement. Prenant une légère inspiration, portant le récipient à ses lèvres, elle avait néanmoins manqué d’avaler de travers en survolant une plume masculine qui s’adressant à son père, lui demander la main de sa fille contre une somme absolument dérisoire. Un minable parmi les minables, l’ensemble fut mis au feu dans un grognement digne d’un animal sauvage. Agacée, l’était-elle beaucoup plus franchement alors qu’Aimée refaisait son apparition pour lui indiquer que la petite bâtarde légitimée était dans le salon, l’attendant pour son éducation. Les journées défilaient et de se ressemblaient donc définitivement pas. Prenant sur elle, pour l’accord passé entre le père de la gamine et sa propre personne, prenant sur elle vis-à-vis de toute la souffrance que la silhouette enfantine lui évoquait, elle descendit les marches sagement, lentement, avec cette étrange boule se formant dans son bas ventre. Définitivement, Apolline ne pouvait réellement apprécier la présence d’une jeune fille dans sa demeure, avec le temps, peut-être, qui sait, sans aucun doute.

Se drapant d’un sourire illusoire et d’un visage plutôt neutre, elle passa la porte pour détailler celle qui se trouvait là. Un panel d’objet sous le bras, elle déposa l’ensemble sur la table. Alix souhaitait bavarder, lui raconter son expérience passée avec un noble dont elle ne savait guère quoi penser. Bien, autant joindre l’utile à l’agréable. Lâchant un bref soupir, la dame de Pessan osa s’abandonner dans un fauteuil, évitant de relever une épaule au-dessus de l’autre, de croiser les jambes ou les bras, elle détaillait la petite, s’interrogeant sur les éléments qui seraient sans aucun doute intéressants à approfondir. Elle se releva, attrapa une petite boîte faisant son poids rectangulaire.

- « Bien, levez-vous jeune fille et venez donc vous placer devant moi » fit-elle en lui faisant signe « Une noble dame doit toujours se tenir droite, les épaules au même niveau, le menton légèrement relevé » elle laisse ses doigts glisser sous son menton pour le redresser « Ensuite à vous de vous exprimer ainsi et de vous déplacer, c’est un exercice difficile, inutile de vous attendre à le réussir du premier coup, êtes-vous-prête ? » elle attrapa la boîte pour venir le placer en haut de la tête de la petite fille « Voilà qui est bien, n’ayez crainte de le faire tomber, elle est solitude »

L’abandonnant sur place, elle se recula de quelque pas, l’avisant pour vérifier la posture, lâchant un nouveau soupir, elle s’installa de nouveau sur son fauteuil. Relevant les yeux vers celle qui avait dû faire sa première tentative. La comtesse était un peu songeuse, soucieuse, les préoccupations des convois hantaient encore son esprit et si elle ne trouvait pas rapidement une solution serait-elle vite bien plus que dérangée.

- « Alors, parlez-moi un peu de ce petit jeu que vous avez entrepris avec notre ami commun Alix »

Victor n’était pas clairement un ami, ni clairement ennemi, était-ce relativement difficile à définir, surtout dans la cadre de la noblesse. Néanmoins, un petit quelque chose la poussait à le conserver non loin d’elle, simplement pour éviter des ennuis douteux. Apolline restait attentive au geste de la fille de Beauharnais, lui indiquant brièvement comment pouvait-elle s’améliorer dans sa posture, l’exercice devrait être évidemment refait chez elle et régulièrement si elle voulait s’améliorer, sans quoi, jamais elle ne pourrait y parvenir, fallait-il néanmoins bien commencer par quelque chose.

- « Dites-moi Alix, nous allons faire un petit exercice, voir si vous avez l’œil. Vous connaissez plus ou moins les hommes de la noblesse n’est-ce pas ? Ainsi que ma situation et mon état de veuvage s’éternisant trop au goût de certains, si vous deviez me conseiller des partis à moi, ou une autre femme noble plus ou moins dans ma situation, qui citeriez-vous et pourquoi ? »

Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyLun 13 Avr 2020 - 21:25
Apolline fit son apparition. Elle était si belle et pourtant si froide, malgré son apparent sourire, qu'Alix se redressa d'elle-même, cherchant d'instinct à paraitre plus noble elle aussi, plus solennelle.

Tandis que son interlocutrice s'installait dans un fauteuil en poussant un petit soupir, l'enfant s'intéressa brièvement à ce qui avait été déposé sur la table, sans trop oser bouger, car elle se sentait un peu gênée. Après tout, elle n'était qu'une petite bâtarde trouvé par miracle sur le parvis de l'église ; et elle manqua de passer d'un pied sur l'autre nerveusement.

Lorsque la dame se redressa, la petite fille vint se placer devant elle avec docilité, tâchant alors de se faire la plus droite possible. Avec un sourire un peu naïf, elle leva un peu son menton, plissant un peu son front tandis qu'on déposait sur sa tête la fameuse boite de bois.

- "C'est lourd, dame ...!"

Fermant les yeux quelques secondes, la fillette se concentra très fort sur sa posture. Elle voulait la rendre fière, rendre fier son papa aussi - prouver qu'elle aussi était capable de devenir une véritable comtesse. Après tout, sa mère était noble aussi, et son sang était bleu tout comme la belle jeune femme devant elle !

La petite boite tomba aussitôt, alors que l'adulte se réinstallait dans le fauteuil, et Alix, un peu nerveuse la remit sur sa tête, en sortant un peu sa langue comme pour maintenir son équilibre.

La question de Rougelac faillit lui faire baisser la tête - et à nouveau, la boite tomba lamentablement au sol.

- "Je ne jouais pas avec le seigneur de Rougelac, vous savez. A dire vrai, je l'ai trouvé bon avec moi, au début. J'ai... A la maison, on avait faim, et j'avais trouvé le moyen d'entrer dans les quartiers nobles. Je me suis introduite dans sa cave, mais j'ai été découverte. Alors il a dit que je pouvais espionner pour lui. Qu'il ne me dénoncerai pas en échange, et que je pourrais repartir avec de la nourriture. Alors j'ai accepté. Mais seulement, il a fait venir ses hommes à la maison, et il nous a tous rassemblé chez lui. C'était sympathique, mais je savais quel type de menace ça voulait dire. J'ai essayé de trouver des informations de valeurs, et j'en ai trouvé quelques unes, parce qu'une milicienne s'occupait parfois de moi. Mais je voulais prendre mes distances, et c'était difficile."

Fallait-il parler de ce qui s'était passé avec Juliette ? Papa était au courant, la milice aussi - mais elle avait peur de la réaction de la gente dame, si elle l'apprenait.

- "J'ai .. j'ai eu un souci... et il a été au courant. Il a voulu me faire encore du chantage, parce que je voulais plus travailler pour lui. Avec l'exécution des fauteurs de trouble, j'avais peur d'être pendue. Et puis le mercenaire et papa sont arrivés, et .. j'ai dit toute la vérité à papa. Il s'en est occupé. Je lui suis très reconnaissante. Vous savez, ma mère est noble aussi, ce qui fait que moi aussi, je n'ai que du bon sang de noble."

La boite tomba ; mais au moins était-elle tenue un peu plus longtemps. Alix la replaça avec célérité.

L'exercice suivant était plus difficile, car il fallait flatter un peu la dame - et puis elle ne connaissait que peu d'hommes qui pouvaient être un prétendant sérieux à son interlocutrice.

- "Eh bien, Dame, je ne connais pas énormément de personnes de la gent masculine, à dire vrai, dans la noblesse. Mais j'ai ouïe dire que le Sieur de Terresang était célibataire. Il est très riche et surtout influent, je crois. Mon père aussi va bientôt être déclaré veuf, et ce serait utile, j'imagine, de vous marier à lui pour jouir de sa ferme. Vous réuniriez vos ressources, et il a besoin d'un héritier. Le Sieur de Sombrebois est doux, et il a un beau manoir et un terrain défendu non loin de Marbrume. cela voudrait dire pour vous que ous auriez une grande influence sur les ressources alimentaires de la cité, avec le Labret et Sombrebois. Mais le problème, c'est qu'il fornique beaucoup avec les pu... avec les dames de petites vertus. Ce n'est pas très honorable, et peut-être qu'il a des maladies..."

L'enfant eut un sourire de triomphe naïf alors qu'elle constata que la boite posée sur sa tête ne frémissait pas. Elle se maintenait complètement immobile, et eut un soupir de bonheur. Ses informations sauraient-elles satisfaire la belle dame qui lui faisait face ?
Revenir en haut Aller en bas
Apolline De PessanComtesse
Apolline De Pessan



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyDim 26 Avr 2020 - 22:23


- « Je sais, si c’était léger, cela n’aurait aucune utilité » affirma-t-elle en se repositionnant

La boîte tomba, ce qui ne fit sursauter ni la noble ni la petite fille, toutes deux avaient parfaitement conscience que cela prendrait du temps pour réussir l’exercice. Apolline n’était pas ravie d’être ici, à réaliser l’éducation d’une jeune fille, cela n’avait rien avoir avec Alix, c’était simplement qu’être en compagnie d’enfants lui évoquait un passé qu’elle ne parvenait pas à oublier. Se pinçant les lèvres la comtesse attrape une liasse de documents sur parchemin à signer, des accords, qu’elle avait pris avec elle, dont certains semblaient lui faire froncer les sourcils. Ainsi, bien qu’elle n’observe pas la Vicomtesse, elle l’écoutait, avec plus ou moins d’attention. Rougelac était une véritable vipère, ne fallait-il jamais imaginer le contraire. Pour autant, impossible de lui jeter la pierre ainsi était le jeu de la noblesse, il n’était pas guerrier, il n’était pas combattant, cela ne serait jamais lui qui arme à la main rentrerait victorieux d’un combat contre fangeux, bannis, pirates. Un léger soupir avait fui ses lèvres, alors qu’elle percevait dans les réponses de la fillette tous les signes de la naïveté, du désespoir. Quand on n’a rien, on s’accroche à la moindre miette, à la moindre merde encore consommable, parce que survivre n’a pas de prix, parce que la dignité n’a pas de valeur lorsqu’on crève de faim, de froid, de peur.

La comtesse n’en dit rien, n’opine pas, n’émet pas un petit mh qui pourrait attester qu’elle comprendre ou qu’elle entend tout du moins. Alix sera plus tard elle aussi confrontée à ce type de choix et nous ne nous y sommes jamais réellement préparés. Un sang bleu ne fait jamais sans raison, elle-même en était un bon exemple, maintenant qu’elle avait un titre aucun doute qu’elle devait observer le royaume avec un nouveau regard. Lèvres pincées, la De Pessan, hésite à signer, se retrouve même contrarier d’avoir un document, une preuve d’une implication fourbe entre les doigts. Sectaire, l’était-elle devenue sans trop savoir comment, pourquoi, Etiol s’était imposé à elle dans sa souffrance, dans son besoin de réconfort, d’accompagnement, de compréhension. Sectaire pour le bien de tous, s’était ce qu’elle s’était dit en passant les épreuves, si seulement. Entrouvrant les lèvres, elle chercha Aimé du regard, qui n’avait pas tardé à se faire présente, récupérant le document sans signature, se penchant au murmure, avant d’aller le détruire par les flammes. Preuve il n’y aurait jamais.

Elle relève ses prunelles sombres, détaillant simplement celle qui persiste sans réellement se résigner devant les échecs, il y a du mieux et du moins bon, et lorsque la petite tête blonde évoque avec une certaine fierté qu’Aymeric pourrait être un bon parti, Apolline hésite à rire.


- « [color=#ffcccc] Je vais te faire une révélation Alix » débuta-t-elle en relevant enfin le nez vers la gamine « On ne fait jamais rien sans raison, regarde ta présence ici. » débuta-t-elle sans chercher à peser ses mots, la provocation était une force, mais aussi un moyen toujours de tester un individu « Tu n’es pas là parce que j’apprécie ta présence, ou par bonté de cœur, tu es là, parce que ton père le comte et moi-même avons passé un accord, il s’occupe de mon domaine au Labret, il m’a cédé pour une modique somme un établissement, en contre partie, je me devais de t’éduquer et de lui céder un peu d’argent. »

Elle fit une pause, laissa le temps à l’enfant de comprendre où elle voulait en venir.

- « Tu fais cet apprentissage, pas pour me faire plaisir, mais pour toi-même te sentir plus digne, moins inférieur, mon insignifiante moins gueuse, sans doute… Peut-être même rêves-tu d’influence de mariage d’arrangement, avec le prince en personne peut-être » une pause « Peut-être » répéta-t-elle « Pour autant, t’ai tu seulement questionné un instant sur ce que cela signifiait ? Cela signifie que par un terrible coup du sort en ta faveur, tu es passé de bouse sous les chaussures à petite étoile brillant pour l’heure faiblement au-dessus des autres. »

Elle n’en dira pas plus, aussi gentille soit la petite fille, doit-elle avoir parfaitement conscience que la noblesse n’est pas un terrain de jeu bienveillant, bien loin de là.

- « Tu as raison, un mariage avec le comte ton père serait bénéfique pour lui, sans aucun doute. Sa réputation est montante, mais pas suffisante pour que je ne lui accorde le moindre intérêt, surtout que sans offense, son comportement et sa manière de se comporter est trop médiocre pour se tenir en tant qu’époux. » Ce n’était pas des critiques réellement ou un dénigrement, simplement des faits « Le Baron de Sombrebois ne m’apporterait nul avantage non plus, pour plusieurs raisons : il ne fait que survive, peut-être possède-t-il encore quelques moindres ressources et peut-être qu’avec un peu d’intelligence pourrait-il devenir un redoutable commerçant du bois. En attendant, son domaine est perdu dans les marais pris par la fange et sa réputation volage ne viendrait que davantage entacher ma propre réputation qui n’est pas au plus haut niveau. »

Alexandre de Terresang était une piste convenable, sa réputation était correcte, n’était-il pas trop sans le sou. Restait aussi la famille Rivefière, sans doute, et Rougelac, d’Auvray. Mh, elle s’était pincé une nouvelle fois les lèvres, lui faisant signe de reprendre son occupation, alors qu’elle-même semblait en pleine réflexion. Le mariage ne l’enchantait guère, ne l’envisageait-elle pas sérieusement, pourtant sentait-elle la corde se resserrait autour de son cou, l’étouffant, l’égorgeant.

- « Une femme Alix, dans notre royaume, elle n’est pas décisionnaire, plutôt un trophée officiellement, mais dans l’ombre tire-t-elle nombreuse ficelle. Je ne serais pas surprise que ton père te laisse choisir un mariage d’amour, sans arrangement, car nous le savons toute deux, ton père ne se comporte guère comme un noble et n’aura sans doute, jamais la prestance en jeu de cour. Son épouse sûrement, du moins aurait-il intérêt à la choisir dans ce sens. Toi, tu auras le choix de ton avenir, rester dans cet équilibre entre vie… courante et vie de noble, en vous installant au Labret, êtes-vous éloignés des nids de vipères trop… diront-nous, important ici même. En suis-je moi-même une, sans aucun doute. »

Elle prit une légère inspiration, simplement, hésitant un instant.

- « Tu es jeune Alix, tu as encore beaucoup à apprendre. Cela ne fait pas de toi quelqu’un d’insignifiant, mais de manipulable à souhait. » elle lui offrit ce sourire, demi-sourire « C’est de cela que tu dois apprendre à te protéger. Pour le reste, déception, mort, peur feront partie de ta vie et sans doute de ton avenir depuis l’omniprésence de la fange…. Tu me parlais d’affronter Rougelac, ce n’est pas un affrontement Alix que tu dois mener, c’est de la bienveillance, des courbettes et des sourires. Parce que tu ne dois pas t’en faire un ennemi, mais un allié et quand les doutes seront effacés, c’est à ce moment précis que tu pourras abattre ta véritable carte. Il n’y a pas d’amitié dans la noblesse, juste des coups à jouer. »

Elle ne l’incitait pas à le faire, ne lui donnait pas de piste, l’ensemble était un exemple simple.

- « Rougelac, est je pense, comme moi, il cherche à déceler les failles de chaque personne qu’il fréquente, le point sur lequel il pourra appuyer pour avoir la victoire finale. A toi de faire attention de ne pas en dévoiler, ou à dévoiler ce que tu peux maîtriser, c’est un peu comme engraisser une bête avant de l’abattre, on choisit habillement les grains pour mieux le déguster. » elle l’avisa « Comprends-tu ? Si tu rêves de conquête noblesque, ton père sera un frein, il n’est pas en mesure de comprendre de l’entendre, si tu rêves de vie paisible, il sera un atout. Mais les deux ne sont aucunement compatibles. Ton père m’a demandé de t’enseigner les bonnes manières, pour qu’au moins un de vous deux ne soit pas ridicule lors d’événement d’ampleur. Ainsi, l’enseignement peut s’arrêter là, règle de conduite, manière de se comporter, bien parler, bien sourire, être un parfait petit trophée… Ou bien, tu peux décider d’apprendre à voir plus grand, mais voir plus grand, c’est prendre le risque de se faire dévorer. »

Revenir en haut Aller en bas
Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyMer 24 Juin 2020 - 9:26
La boite tomba à nouveau. Un petit soupir, et Alix vint la repositionner sur sa tête.

Il était douloureux de raconter tout cela, surtout que cela semblait susciter chez son interlocutrice des moues un peu pincées de désapprobation. A moins que ce ne soit les papiers dont elle s'occupait, qui la faisait grimacer ? Quoi qu'il en soit, cela rendait la petite fille fort nerveuse, qui avait du mal à contenir une boule se former au fond de sa gorge, dans l'attente du jugement que porterait la noble sur elle.

Elle croisa enfin ses yeux de la noble, lui offrit un petit sourire rempli de bonne volonté. Ses mots lui font mal, quelque part, sans la surprendre cependant : elle n'est jamais qu'une bâtarde, une enfant recueillie par pure charité, et qui ne doit sa chance qu'à la Grâce des Trois.

D'un geste posé de la tête, plutôt humble, l'enfant acquiesce.

- "Je sais bien, Dame.Je sais ce que je suis, et ce dont les nobles sont capables. Les pauvres aussi."

Sauf son père. Sauf le Capitaine. Elle avait confiance en eux, jusqu'à la mort. Jamais elle n'avait éprouvé d'amour aussi violent, aussi complet, pour qui que ce soit d'autre.

- "Je désire que ... papa n'ait jamais honte de sa fille, Dame. Et j'aimerai pouvoir le soutenir de mon mieux, sur les chemins que nous emprunterons à l'avenir."

Avec attention, la fillette se tut, suivant les réflexions de son interlocutrice sur le mariage, sur les raisons qui la poussaient à refuser d'envisager avec son père, avec le Baron, et tous les autres qu'elle avait cité. Au fut et à mesure de ses explications, elle découvrait un autre monde, drastiquement différent de celui qui avait été sien depuis lors.
Tant de questions qu'il fallait désormais se poser, qui pouvait changer complètement son avenir, mais aussi celui de son papa. De sa douce et merveilleuse famille qui s'était construite si rapidement.

Etait-elle si manipulable ? Le comte de Rougelac avait profité de sa détresse, mais elle avait toujours su qu'il la manipulait, qu'il l'a manipulerait sans scrupules. Elle s'était laissé faire parce qu'elle s'était trouvé alors au bord du gouffre et qu'elle refusait d'y sauter, de toutes ses forces.
Aujourd'hui, sa situation avait changé. Mais elle comprenait maintenant que le combat n'était pas fini - qu'il fallait se battre avec d'autres armes.

- "Je comprends, Dame. J'aimerai apprendre à défendre ma famille, même si papa ne comprends pas. J'aimerai apprendre ces armes de femmes, même si c'est dangereux. Le monde est dangereux, de toute manière, en lui-même. Il faut... il faut pouvoir y faire face. Je ne veux plus me sentir misérable et impuissante. Plus jamais."

Dans ses yeux de sombres ténèbres, une détermination lumineuse. Le désir profond d'avoir un avenir dans lequel elle ne serait pas qu'une coquille vide balayée par le vent. Elle voulait se lester pour tenter au moins de résister à ses courants irrésistibles.

- "Et je veux protéger papa, si j'en suis capable."

La boite tomba encore. Avec persistance, Alix la saisit, la remit sur sa tête. A l'avenir, il ne faudrait plus être si sincère - n'étais-ce pas offrir une vulnérabilité à l'adversaire ?
Revenir en haut Aller en bas
Apolline De PessanComtesse
Apolline De Pessan



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] EmptyDim 30 Aoû 2020 - 13:44


Assise confortablement, la comtesse avisait la jeune fille, un tas de documents devant elle, certains lui apportaient des bonnes nouvelles, d’autres des moins bonnes. L’affaire de la dégradation sur ses forges, ou simplement la perte de convois –et de sa marchandise payée- dans les marais avaient toujours tendance à lui tirer un léger surélevement de sourcils. Des solutions allaient sans le moindre doute, devoir être trouvées. La gorge sèche de son long monologue, elle avisait la petite fille se battre contre elle-même, pour réussir l’exercice qu’elle lui avait demandé. La tâche était loin d’être aisé, très loin même, surtout pour celle qui n’avait jamais eu la moindre leçon de bienséance, de bonne posture, de prise de parole… Du travail, il y en avait à ne plus savoir quoi en faire avec cette petite. Les doigts de la noble avaient fini par tapoter le bout de son document, alors que ses prunelles s’étaient relevées avec lenteurs jusqu’à la silhouette enfantine. Tendant une main vers un récipient contenant encore de l’eau chaude, elle le porta à ses lèvres, humant par réflexe le liquide avant d’en avaler une gorgée. L’odeur des plantes avait toujours eu le don de l’apaiser. Déposant le verre sur le petit meuble à côté d’elle, elle se contenta d’opiner avec une certaine lenteur.


- « Bien, bien… » fit-elle dans un premier temps, l’esprit en pleine réflexion « La première leçon, Alix, est de détacher de l’avis de ton père. C’est à toi de prendre les choses en main, de réfléchir et de tisser ta toile dans l’ombre. Nous avons tous nos petits secrets après tout, ton père le premier sans le moindre doute » affirma-t-elle dans un demi-sourire « Dis-moi, qu’aimerais-tu être comme noble ? » l’interrogea-t-elle dans un premier temps.

Elle l’avait bien évidemment répondre, avant de se relever pour retirer l’ouvrage de sa petite tête blonde. Ses lèvres se pincèrent alors que l’objet s’était retrouvé sur la table et que la comtesse restait de dos à la petite fille. Il ne fallait pas être trop exigeant avec les enfants, ni trop laxiste, laxiste, Apolline ne l’était aucunement, patiente… non plus. Quoi qu’il en soit, ne pouvait-elle que respecter la part de son contrat : éduquer cette petite pour lui offrir les armes pour survivre dans le monde de la mer bleue. Pivotant légèrement, elle se contenta de l’aviser une nouvelle fois, mains croisées au niveau de son bas ventre.

- « On apprend mieux par soi-même Alix, mais je serais là en cas de problème, d’accord ? Tu es une enfant, en tant qu’enfant, tu peux t’amuser avec ceux de ton rang, en cette fin d’après-midi, je t’ai organisé une rencontre avec la progéniture de quelques comtes, fille et garçon, parfois plus vieux, parfois plus jeune que toi… Aimée vous prépare de quoi grignoter et sans doute une petite activité… Ton objectif, si tu l’acceptes bien évidemment, va être d’obtenir une information indiscrète sur chaque famille et… toi-même de mettre en place la rumeur de ton choix te concernant… Créer toi un point faible, une ouverture que tu laisseras volontiers ouverte et tu n’auras plus qu’à regarder tous les petits vautours venir picorer dedans pendant que de l’autre côté tu œuvres dans l’ombre pour obtenir ce que tu veux… Est-ce que ça te semble envisageable, est-ce que tu as des questions ?»

Si ce n’était pas le cas, la noble disparaître sans doute à ses occupations, laissant l’enfant faire de même jusqu’à sa mission du début de soirée. Récupérant l’ensemble des documents qu’elle avait en main peu de temps avant, Apolline se contenta de se retourner avec lenteur :

- « Oh, profite en Alix pour faire le tour de la demeure, histoire de bien la maîtriser, après tout, ça sera un peu ta deuxième maison… Et pour Victor de Rougelac, si ton souhait véritable et de t’attaquer à lui, pourquoi ne pas l’inviter ici à prendre un verre ? Suis-je certaine qu’il ne refusera nullement. »

Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
MessageSujet: Re: Au lendemain d'un bal... [Apolline]   Au lendemain d'un bal... [Apolline] Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Au lendemain d'un bal... [Apolline]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - L'Esplanade ⚜ :: Quartier noble :: Résidences de la noblesse-
Sauter vers: