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 Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde]

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MessageSujet: Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde]   Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde] EmptyLun 20 Jan 2020 - 17:51
10 septembre 1166
Fin d'après-midi
Auberge d'Usson, plateau du Labret

Le village d'Usson, bien qu'assez grand, ne possédait qu'une seule auberge, mais elle aussi de belle taille. Plus grande même que la caserne située de l'autre côté de la route de terre. Plus grande même encore que le Temple de la Trinité du village, Grimoald pouvait en témoigner. Elle pouvait largement loger les langues saliveuses des paysans en quête d'alcool, les fesses flasques des miliciens qui passaient leur temps en poste sur les barricades, mais également la frimousse un peu moins commune des quelques prêtres du temple qui veulent se détendre après une longue journée. Rien ne leur interdisait, une fois hors de leur soutane, de venir passer du temps dans le grand hall de l'auberge d'Usson. C'était d'ailleurs un formidable moyen de poursuivre leur sainte besogne en dehors des murs du temple, puisqu'ils ne rechignaient jamais à continuer la prédication et la prescription de conseils avisés aux fidèles entre deux gorgées de bière frelatée. Grimoald non plus n'était pas avare de discuter avec ceux dans le besoin avant que le couvre-feu n'enjoigne tout le monde à s'en retourner chez eux. L'inconvénient c'était que ce pauvre jeune homme, toujours affublé de son brave compagnon canin, se sentait pourtant dans une solitude assez misérable une fois de retour à la vie de simple laïque. Des épisodes de déprime venaient souvent lui empoisonner l'esprit et l'alcool devenait alors un bien pervers réconfort qui ne le rendait que plus triste.

Et cette soirée d'automne ne faisait pas trop exception à la règle. L'euphorie des moissons était terminée, la chaleur du soleil estival commençait doucement à quitter Morguestanc et des chuchotements dignes des enfants de Rikni s'entendaient un peu partout. Une litanie habituelle à cette période de l'année, mais qui faisait toujours son effet sur le cœur des manants, entretenant un cercle vicieux d'inquiétudes et de pragmatisme désabusé. « L'hiver arrive, ma bonne Jeanne, on espère qu'il s'ra pas trop dur. - Pensez-vous, ma pauvre Michelle, mon voisin s'inquiète, paraît que la moisson a pas été aussi bonne que l'an passé et que faudra se serrer encore un peu plus la ceinture. - Buarf. Moi tout c'que j'espère c'est que mon garçon tombe pas mal. J'ai perdu ses deux sœurs l'an passé, j'veux pas que lui aussi il y passe... » Et les oreilles distraites du prêtre accueillaient ces bruits de village encore et encore, toute la sainte journée, quand on ne venait pas carrément les lui transmettre pour s'alléger de son fardeau et le confier aux dieux, ou plus précisément à leurs intermédiaires. Grimoald ne protestait jamais, recevant chaque fidèle avec la même sobriété et le même souhait de vouloir les réconforter, mais le soir venu personne ne tendait l'oreille pour qu'il se décharge lui du fardeau des Hommes. Alors il buvait abondamment, presque tous les jours, comme pour faire passer une cuillère de gruau visqueux s'accrochant désespérément à notre gorge.

Sa deuxième choppe venait d'être terminée dans la douleur. Au goût ? De la pisse de chat. A la vue ? Une mélasse brune, épaisse, à la mousse odorante et qui semblait taillader les papilles et brûler les plaies avec du sel à chaque gorgée. Mais ça assommait bien, ça faisait oublier les problèmes, c'était tout ce qu'on lui demandait. Et puis qu'est-ce que vous voulez trouver de mieux à cette horrible époque ? Il n'y avait presque plus rien, pas même pour se saouler la tronche. Grimoald passa une main sur le sommet de son crâne. Ses cheveux blonds étaient attachés dans son dos, mais certains frisaient parfois sur sa tête et il les rabattait de temps en temps d'un coup de sa main humide de bière collante. Au moins resteraient-ils en place. Il n'avait pas froid, l'alcool le réchauffait et il était dos au foyer, assis sur une des plus petites tables de l'endroit. Le jeune homme aimait être seul à sa table. Pas forcément enfermé chez lui car le brouhaha ambiant le rassurait. La vie était toujours là, tout autour, et ne demandait qu'à s'épanouir. Mais il n'était plus très bavard après quelque verre et devoir broder une conversation l'agaçait profondément.

Lorsqu'une des tenancières s'approcha de sa table pour récupérer la précieuse choppe vide il demanda poliment s'il ne pouvait pas en avoir une autre accompagnée de quelque chose de solide à se mettre sous la dent. Si on voulait être bien vu, mieux valait ne pas exiger plus que cela de la tambouille servie sur place : solide et mangeable. La vieille femme acquiesça et s'en retourna derrière son comptoir. Le prêtre s'accorda un instant pour jeter sa tête en arrière sur sa chaise et regarder le plafond. Il n'y en avait pas vraiment et on apercevait distinctement le toit de chaume renforcé de poutres de bois, mais d'autres renforts quadrillaient la bâtisse à mi-hauteur pour solidifier l'ensemble et le bric à brac de paniers d'osier, de trophées de chasse décrépits, de sacs et de cages à poules qui reposait sur ces renforts depuis des lustres obstruait un peu la vue, ça et l'obscurité de ce début de soirée. Et puis le tout était tellement recouvert de poussière que Grimoald se surpris à tousser rien qu'en imaginant le tout lui tomber dessus comme un jour de neige. Joyeux s'activa un peu en voyant son maître s'époumoner de la sorte et la tête du chien vint rejoindre les genoux de Grimoald tout en lançant un regard qu'on pouvait qualifier d'inquiet. Le prêtre sourit en voyant la sollicitude de la bête et le caressa franchement pour l'en remercier.

- T'es gentil, mon p'tit Joyeux, t'es gentil. Je vais bien, d'accord ? Gentille bête.

Les quelques curieux qui s'étaient retournés en entendant sa quinte de toux retournèrent à leurs conversations animées et Grimoald en retourna à sa solitude. C'était une soirée comme les autres au final. Son estomac rempli de bière s'autorisa à gargouiller à l'approche du repas. C'est que ça donnait faim de ne rien faire.
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MessageSujet: Re: Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde]   Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde] EmptyMar 21 Jan 2020 - 17:11
Usson, son auberge chaleureuse, ses clients festifs, son ambiance bonne enfant. En ce mois des récoltes, Mathilde a fort à faire. Les producteurs de céréales ont terminé leurs récoltes et tentent de semer une dernière culture avant les froids de novembre. Avec un peu de chance, ils pourront en faire du foin pour les bêtes. Sinon, les plantes engraisseront la terre pendant l’hiver. Les maraîchers, eux, sont loin d'en avoir fini. Avec la rotation des cultures, à la ferme Dumas, on sait que les deux prochains mois seront intenses, entre les récoltes de certains légumes, leur transformation et la mise en terre de semis préparés à l'avance, il y aura fort à faire. La terre devra être réchauffée, les légumes couverts dès les premiers gels. Mathilde est rusée, elle sait repousser les saisons dans ses champs comme personne. A force d'expérimenter, de se tromper, de gagner quelques jours par-ci par-là, au fil des années, son expertise s'est développée au point de réussir à faire pousser des légumes en hiver. Soigneusement sélectionnés, cultivés avec amour, les racines savoureuses se développent durant la période froide alors que les feuilles, courtes mais épaisses, se battent pour émerger de la paille dont elle aura recouvert le sol. L’automne est une saison de défis. Elle adore les défis.

Avec les récoltes, dans le Labret, les convois vont se multiplier, tout comme les livraisons. C'est le temps de l'abondance, une abondance accueillie avec un certain soulagement, et une appréhension : celle d'attirer les voleurs et les bannis, en recherche de victuailles à consommer ou à revendre au prix fort. La grange devient un château fort qu’il convient de défendre adéquatement jusqu’à ce que les vivres prennent la route ou la mer, en direction de Marbrume. De tout ce travail, il ne restera pas grand-chose. Suffisamment de quoi les nourrir, elle et ses gars, et de quoi assurer quelques livraisons avec des clients qu’elle a choisis au plus près de sa ferme. Et puis elle a un dû envers les bannis, qui s’engagent à ne pas l’attaquer tant qu’elle leur fournit quelques victuailles.

C'est avec cette appréhension que Mathilde, régulièrement, charge sa jument de trait pour aller à Usson où elle livre des légumes à l'auberge, à la caserne et régulièrement au temple. Si elle n'a pas le temps d'y prier comme une bonne croyante devrait le faire, elle se rachète en faisant don de légumes de ses champs. A défaut de prier pour leurs âmes, elle soigne les estomacs des prêtres. Du point de vue de Mathilde, c'est éminemment plus pragmatique. Ce jour-là, pas de crochet par la caserne ni par le temple. C'est à l'auberge qu'elle se rend directement, la mine sombre. C'est que le pain a pris plus de temps que prévu à cuire au four commun, et que le soir tombe beaucoup trop vite que pour qu'elle rentre en toute sécurité. S'il y a une chose qu'elle a appris au Chaudron, c'est qu'on ne plaisante pas avec les fangeux. Depuis l’invasion, elle a redoublé de vigilance, refusant de sortir à partir du moment où le soleil touche l’horizon. C’est exactement ce qui se passe en ce moment. Ce soir, elle dormira donc à l’auberge. Ça ne sera pas la première fois, ni la dernière.

Le temps de confier Marguerite à l’écurie toute proche, voici que Mathilde traverse à grands pas la place d’Usson, portant tellement de sacs et de paniers dans ses mains qu’elle ne voit pas où elle met les pieds. Se tord-t-elle la cheville sur une pierre saillante? Évidemment. Boitille-t-elle jusqu’à la porte, dans laquelle elle donne trois grands coups de talon pour qu’on la lui ouvre? Oui. L’attente lui paraît interminable. Un coup d’œil vers le soleil, qui a disparu pour moitié. Par les Trois que quelqu’un ouvre!. Souhait exaucé dans la seconde. Une serveuse passe le nez dans l’ouverture de la porte, reconnaît la Dumas et la laisse entrer, elle et ses paniers.

- Mathilde! Une livraison, à cette heure?!
- Oui, et une chambre s’il te plait, le four a eu des ennuis, la cuisson a traîné et me voilà coincée ici jusqu’à demain!
- Merveilleux! Entre! Je te débarrasse!

S’il y a bien une chose que la serveuse sait, c’est qu’en échange d’une nuitée à l’auberge, Mathilde va passer sa matinée à cuisiner les légumes qu’elle apporte. Une aide précieuse et la perspective d’une bonne discussion entre femmes. Sophie accompagne la fermière jusqu’au comptoir, où elles alignent les paniers non sans un certain soulagement.
- Ça commençait à être lourd!
- Tu boites, Mathie, un problème?
- Mon pied n’a pas supporté la rencontre avec une pierre qui traversait la place. J’espère que c’est pas foulé, ça fait un mal de chien!

Chien? C’est un chien qui s’agite, elle le perçoit du coin de l’œil et tourne la tête, comme d’autres, en entendant une quinte de toux plus soutenue que la normale. Mathilde hausse un sourcil. Le père Grimoald? Est-ce que… non, le chien se calme, pose la tête sur les genoux de son maître et attend patiemment. Le prêtre se reprend, il va bien. Les discussions s’animent, la salle aussi.

Mathilde termine sa conversation avec Sophie et lui confie l’ensemble de ses provisions, y compris les maudits pains qu’elle ramènera demain à la ferme. Elle en profite pour passer sa commande, une bouteille d’alcool de prunes, son péché mignon, son réconfort de fin de journée, son sirop contre les maladies de l’automne. Elle attrape deux gobelets par-dessus le comptoir, saisit la bouteille que Sophie lui tend et se dirige vers la table du père qui, l’année dernière, avait mené deux cérémonies visant à demander à Serus de bénir son union avec Philibert en leur offrant un enfant. En vain. Le ventre de Mathilde était resté désespérément vide.

- Bonsoir mon père! Je peux vous offrir de quoi soulager votre toux et partager quelques instants avec vous? Enfin… si ça ne vous dérange pas, j’imagine que vos journées sont bien remplies en ce début d’automne. Serus nous a choyés à la ferme vous savez?

Mathilde sourit. Elle attendra un éventuel accord du prêtre avant de s’installer et de partager, s’il l’accepte, un peu de son alcool de prunes.
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MessageSujet: Re: Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde]   Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde] EmptyJeu 23 Jan 2020 - 1:33
Grimoald sentait encore les picotements de la toux dans sa gorge. Vivement que sa commande arrive pour qu'il puisse enfin calmer cette brûlure. Joyeux commençait à couiner, la tête sur les jambes de son maître, pour exprimer son inquiétude. Grimoald était à la fois touché et agacé par l'attention du chien. Un clébard qui couine, même aussi adorable et affectueux que Joyeux, c'était assez pénible comme bruit. Il admonesta donc son compagnon qui se calma tout de suite et retourna se coucher, bienveillant gardien, aux pieds du prêtre. Ce dernier entendit ensuite quelqu'un se diriger vers sa table. Une démarche légère, un peu irrégulière, sûrement la jeune Esmeralda qui lui apporte sa bière et de quoi soulager son estomac gargouillant. Mais non, les sourcils du jeune homme se levèrent en voyant approcher Mathilde Dumas, une fringante fermière de la région qu'il avait déjà eu l'occasion de côtoyer plusieurs fois. Bien que son esprit soit embrumé par l'alcool et la fatigue, Grimoald se souvint sans peine de ces longues cérémonies privées passées à bénir la jeune femme et son compagnon pour qu'ils puissent accueillir un heureux événements par la bénédiction de Serus.

Philibert, c'était le nom du pauvre homme qui avait péri aux mains des fangeux depuis un an maintenant. Quelle tragédie. A l'époque, Grimoald en avait ressenti énormément de peine. Il avait été le premier témoin de l'enthousiasme de ce couple, de leur amour et de leur ferveur envers Serus qui pourrait leur accorder le don suprême de la naissance. Mais non, le mal se rappelait toujours à la vie et les Fangeux prendront soin de n'en respecter aucun précepte ni aucun bonheur. Tout le monde se doit de souffrir sous leurs griffes et leurs crocs, c'est le message que les mortels reçoivent quand la vie d'un si honnête homme est arraché au cœur de sa belle.

Ce n'est donc pas sans un sourire las que le prêtre accueillit Mathilde à sa table. Elle demeurait enthousiaste, ce qui avait le don de réchauffer le cœur de l'homme de foi. L'espoir, en tout cas son illusion salvatrice et rassurante, n'était pas mort en ce monde et le simple fait de voir des récoltes se dérouler convenablement était capable de rendre le sourire à toute l'humanité. Joyeux s'activa de sous la table, non pas de manière hostile, mais bien pour faire la fête à la nouvelle arrivante et réclamer quelques caresses. Il remua la queue si intensément qu'elle claqua contre le pied de la table de bois. Grimoald gloussa. Joyeux savait montrer qu'il était là au meilleur moment. L'empathie de ce chien dépassait de loin celle de beaucoup d'hommes, c'était bien là l'oeuvre de Serus, assurément. Qui d'autre aurait pu confier à son serviteur un tel cadeau que ce fidèle cabot ?

- Du calme, Joyeux, du calme ! Réclama le prêtre en riant avant de porter son regard sur Mathilde. Bonsoir, ma fille. Faites comme chez vous bien sûr, installez-vous.

D'un geste du bras il lui indiqua avec amabilité la chaise qui se trouvait en face de lui et remarqua, non sans soulagement, qu’Esméralda, la fille des tenanciers, emboîtait le pas de la paysanne pour apporter à Grimoald son repas du soir. Evidemment, ce n'était qu'une bouillie de blé et quelques légumes, mais le parfum qui s'en échappait réveilla tout de suite le ventre du pauvre prêtre qui fit pourtant la preuve de toute son abnégation pour ne pas bondir sur l'assiette que la jeune femme déposa sous son nez accompagnée de sa choppe de bière mousseuse. Cependant, on ne pouvait manquer la lueur affamée qui pointa dans les yeux du jeune homme... et de son chien. Car lui aussi escomptait bien avoir sa part du dîner, sachant pertinemment que son maître avait pris l'habitude de le laisser lécher ce qui reste dans la gamelle à la fin du repas. C'était peut-être le secret de sa fidélité finalement, la perspective de manger un fond de bouillie poisseuse tous les jours. Il en fallait décidément peu pour être heureux, aux animaux. Grimoald interrompit rapidement ce débat intérieur pour tout de même répondre à sa compagnie de table.

- Mes journées sont au moins aussi chargées que les vôtres, je pense. Serus vous accompagne dans vos lourds travaux par mon entremise, mais cela reste l’œuvre de vos bras avant tout. M'enfin, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je préfère mille fois m'étaler sur ma paillasse après une bonne journée de processions aux champs que de rester enroulé sous les fourrures parce qu'il gèle dehors.

Il esquissa large sourire entendu. S'il n'avait jamais été doté d'un certain sens de l'humour depuis son enfance, celui-ci s'était considérablement assombri depuis l'invasion. Il était devenu amer, acerbe, saillant comme les pommettes d'un enfant affamé. En bref, il ne faisait souvent rire que lui, même si Mathilde était de ces gens tellement marqués par la vie qu'elle serait susceptible de trouver cela drôle elle aussi. Pour l'importance que ça avait de toute façon, ils se tiendraient bien compagnie quoiqu'ils pourraient bien raconter. Le plus important dans ces rares moments d'innocentes interactions entre humains c'était la chaleur qu'on s'apportait l'un l'autre, pas le verbe que l'on déroulait devant nous comme une longue expectoration discontinue.

- Heureux d'apprendre que le Roi des Semailles vous a béni de bonnes récoltes, ma fille. Je veillerai à lui transmettre vos pieux remerciements, mais il serait d'autant plus heureux de vous voir faire une offrande en personne.

Un plissement complice de l'oeil vint promptement rassurer la jeune femme. Grimoald ne lui reprochait nullement sa fréquentation sporadique du temple d'Usson. Bien sûr qu'il était toujours de bon ton de rappeler les fidèles à l'ordre, mais d'une part ce n'était pas en soutane qu'il s'adressait à Mathilde donc il avait un peu moins de contraintes morales ; et d'autre part reprocher à une paysanne claudiquante, les bras chargés de légumes à la tombée du jour, de ne pas venir au temple par fainéantise était une idée bien idiote.

Malgré sa volonté de fer, le prêtre ne put s'empêcher de jeter un nouveau regard avide à l'écuelle qui se trouvait sous ses yeux depuis quelques instants maintenant. Son visage se releva vers Mathilde, esquissant une désarmante expression désolée.

- Cela vous ennuie si je mange pendant que nous parlons ? Je ne vais pas vous cacher que mon estomac gronde autant que les vagues déferlantes d'Anür...

Joyeux ajouta son grain de sel en soufflant longuement du nez, comme pour indiquer discrètement que son estomac à lui aussi se rappelait à sa mémoire. Ils faisaient bien la paire ces deux-là, pour sûr.

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MessageSujet: Re: Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde]   Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde] EmptyVen 24 Jan 2020 - 4:29
En entendant les couinements du chien qui porte si bien son nom, Mathilde ne résiste pas. Elle dépose bouteille et gobelets sur la table, se penche et tend les mains vers Joyeux, qui les lèche avec un enthousiasme certain. La grosse langue chaude et râpeuse fait rire la fermière, qui essuie ses paumes directement dans le poil épais de la bête en y enfonçant ses longs doigts pour gratter, ni trop fort, ni trop peu, la nuque du fidèle compagnon du prêtre.

- Ouiii Joyeux! T'es un bon chien! dit doucement Mathilde, émerveillée de voir à quel point cet animal peut avoir le don de transmettre une joie totalement innocente à quiconque le croise. La truffe du chien vient buter contre sa jambe, trois coups secs contre le tissu. Non, pas mes poches, elles sont vides petit gourmand! Les mains se glissent du collier aux babines du chien, pour jouer avec. Si tu viens me voir à la ferme, un jour, j'te promets de te donner un peu de foie sec! Comme s'il avait compris, le chien tourne légèrement la tête pour croquer en douceur le pouce de Mathilde. Le marché est conclu, et ça tombe bien, parce que le maître rappelle son compagnon.

Mathilde s’installe à table, et en profite pour essuyer une dernière fois ses mains encore baveuses sur son tablier, non sans sourire. Mathilde est de bonne humeur. Elle l’est pratiquement toujours, depuis le retour du printemps, symbole du renouveau et porteur d’espoir. Elle se déleste de sa cape, qu'elle dépose soigneusement sur le dossier de sa chaise après l'avoir sommairement pliée pour qu'elle ne traine pas inutilement sur le sol. Esméralda arrive sur les entre-faits, et dépose une ... superbe bouillie au prêtre. Merde, ils pourraient quand même faire un effort sur la nourriture! Mathilde sourit poliment à la fille et songe que sa façon de payer sa chambre risque d'être bien accueillie par la clientèle. Il faudra commencer de bonne heure pour pouvoir quitter les cuisines aussi tôt que possible.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je préfère mille fois m'étaler sur ma paillasse après une bonne journée de processions aux champs que de rester enroulé sous les fourrures parce qu'il gèle dehors. Mathilde hausse un sourcil intrigué face au léger sourire du prêtre. C'est donc cela que vous faisiez, au printemps dernier, alors que j'espérais voir mes champs être bénis? Vous vous rouliez dans vos fourrures... Eh bien... Garder son sérieux est une chose bien difficile, sans doute parce que l'atmosphère est légère, que les rires sont légion et que la chaleur ambiante réchauffe les coeurs et les âmes. Elle sourit. Non, ne dites rien, je sais que la procession s'est arrêtée alors que j'étais à Marbrume. Arthur était très impressionné et s'est empressé de me le raconter à mon retour.

Le prêtre reprend, et glisse, l'air de rien, une allusion à sa fâcheuse tendance à ne pas se présenter au Temple, ce à quoi elle ne peut que rougir. Elle n'est pas la plus fervente parmi les croyant d'Usson, ni la plus assidue aux cérémonie, elle le sait. Elle trouve toujours une excuse pour les éviter, à dire vrai, parce qu'elle n'y trouve pas de réel sens. A Marbrume, le père Cesare m'a dit que mon travail était, d'une certaine façon, une prière quotidienne à Serus, et que la meilleure façon de l'honorer était d'exceller dans la tâche qu'Il m'avait assignée. Et croyez-moi, mon père, j'y mets toute mon énergie. Si cultiver la terre est une façon de prier, vous faites face à la plus pieuse des croyantes.

Son regard cherchait une approbation. Certes, Mathilde a tendance à sortir des sentiers battus. D'aucuns pourraient dire qu'elle est une pécheresse, une impie, une infidèle qui ne suit pas toujours les préceptes des Trois en plus de ne pas les honorer au Temple. Pourtant, elle leur porte un respect immense, à eux et à leurs messagers. N'ont-ils pas toujours été là, dans les instants de doute, pour la ramener sur le droit chemin? N'ont-ils pas apaisé ses larmes et nourri son âme de belles choses, quand tout semblait terminé pour elle? La fermière semble visiblement désolée de se faire rappeler à l'ordre, même si c'est en douceur.

- Mangez, mon père. Cette bouillie est peut-être plus savoureuse qu'il n'y paraît. Je vous le souhaite en tout cas... Elle en doute sérieusement, mais les miracles existent. Vous savez mon père, je dépose régulièrement des offrandes au Temple. Dès que je le peux, parfois assez modestes, parfois un peu plus généreuses... selon les saisons. Je ne m'arrête pas pour prier, parce qu'il y a bien longtemps maintenant que j'ai oublié comment faire. Le père Cesare m'a recommandé de travailler, c'est ce que j'ai fait. Ai-je eu tort?

Elle tend la main pour saisir la bouteille. Elle est bien embêtée, d'abord parce qu'elle ne pensait pas se faire réprimander ce soir, à l'auberge. Ensuite parce qu'elle ne songeait pas à parler théologie, mais bien à simplement prendre un verre. Évidemment, elle aurait pu choisir de s'installer ailleurs qu'en face d'un prêtre pour s'assurer que les Trois ne s'invitent pas dans la conversation, mais le père Grimoald faisait partie des rares visages plus ou moins familiers encore en vie et présents dans la salle. Mathilde le regarda un instant. Avait-il déjà bu plusieurs verres? Ses joues paraissaient un peu plus rouges que la normale. Elles avaient pris la jolie couleur de ceux qui profitent des doux effets de l'alcool.

- Voudriez-vous partager un peu de cet alcool avec moi? Poser la question était sans nul doute la meilleure chose à faire. Il était adulte et en mesure de prendre soin de lui-même, et donc de gérer sa consommation. Un prêtre pouvait-il avoir des travers? Elle ne lui en connaissait pas, mais dans le fond, en dehors de son rôle, elle ne le connaissait pas vraiment. Que faites-vous donc ici, tout seul, ce soir? La cuisine du Temple est-elle aussi infâme que la compagnie de vos homologues?

Elle rit doucement. Avec un peu de chance, le père se lancera dans le potinage. Il n'y a rien de moins intéressant et de plus frivole que le potinage. Mathilde n'en est pas friande, sauf si cela lui permet de se représenter la vie de personnages qu'elle connait peu. La fermière débouche sa bouteille et hume les arômes de prune alcoolisée. Hmmm ça sent le paradis! Elle verse un généreux gobelet et le tend à Grimoald, attendant de voir s'il va se laisser tenter ou non,
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MessageSujet: Re: Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde]   Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde] EmptyMar 4 Fév 2020 - 14:21
Le père eut bien l'aval de sa brebis et s'autorisa donc à commencer son repas, non sans vider quelques gorgées du breuvage épais et brunâtre dans sa choppe. Il était rafraîchissant, ce qui était étrangement le but recherché par Grimoald en commandant cette piquette amère. Certes, dehors il faisait froid, mais la masse bouillonnante, riante et rotante dans le hall de l'auberge avait tôt fait d'augmenter la température au-dessus du supportable. C'est donc avec un soulagement relatif que le prêtre se rafraîchit. Il avait déjà pourvu son sang en alcool et s'autorisa donc à rire de la remarque de Mathilde.

- Je l'espère en tout cas, mal manger a tendance à me déprimer, plaisanta-t-il.

Puis il ramassa sa cuillère de bois et dégusta quelques lampées. Evidemment, il n'y avait rien de bien fin là-dedans. Du panais, du choux, de l'oignon, beaucoup d'eau, du vin blanc, au final c'était suffisamment comestible, bien qu'un brin trop chaud, pour contenter les modestes attentes du serviteur de la Trinité. Toutefois, et tandis qu'il dînait, la jeune femme répondit à une de ses précédentes remarques avec passion, presque inquiétude, se justifiant de son absence au temple par un emploi du temps chargé, prétendant avoir l'appui de Cesare à Marbrume, en bref se livra à une logorrhée qui mit quelque peu mal à l'aise Grimoald. Son but n'était alors pas du tout de faire culpabiliser la pauvre paysanne. Il grimaça désolément tout au long de la litanie de la paysanne et, lorsqu'il put enfin en placer une, tenta fermement de la rassurer.

- Ma fille, ne vous enflammez pas, ce n'était qu'un bon mot. Jamais je ne réprimanderai une honnête paysanne pour ne pas passer son temps au temple.

Son ton n'était pas forcément dans le réconfort, plutôt dans une étrange fermeté douce, celle du paternel qui veut que sa progéniture se calme et reprenne la raison. Mais son expression s'adoucit spontanément, incapable qu'il était de s'avérer sévère trop longtemps. De plus l'alcool aidait à ne pas rester sérieux trop longtemps. Espérons toutefois que la jeune femme ne fut pas trop perturbée par cette soudaine solennité cléricale. Grimoald afficha un semi-sourire complice et recommença à parler après avoir bu une gorgée de cervoise.

- Maintenant, je pense quand même que cela vous serait profitable de venir visiter la maison des dieux de temps à autre et d'essayer de leur parler. Sa voix se mua en quelque chose de réconfortant. Ils sont de très bons conseils et vous êtes importants à leurs yeux, comme toutes leurs créatures. Vous n'êtes pas une enfant ingrate, ne vous inquiétez pas, mais on a toujours besoin de ses créateurs pour nous épauler et nous guider dans les périodes tourmentées.

Le destin de Mathilde, il le savait, méritait ces mots réconfortant. Oh, bien sûr, le prêtre connaissait le caractère revêche de la jeune femme qui irait sûrement noyer le poisson ou s'insurgerait même qu'on lui prodigue ces conseils spirituels. Mais Grimoald ne pouvait pas laisser une telle âme en peine sans le secours des Trois. C'est dans les moments les plus sombres que l'on a tendance à s'éloigner des dieux et c'est normal. On ne les voit pas ramener nos proches disparus près de nous, ils ne viennent pas nous enlacer lorsque l'on tremble de froid ou de hoquets larmoyants, ils n'envoient presque jamais de signes de leur affection. Dans ces conditions comment considérer qu'ils veulent encore le bien de leur créature ? Que ce n'est pas eux qui ont envoyés la Fange pour supplanter cette humanité trop turbulente ? Et pourtant, ils sont là, toujours, les gens comme Lonbrin le savent.

Lorsque vous priez Serus, certes, vous ne sentez pas sa main puissante se poser sur votre épaule, mais quelque chose change dans l'air, un parfum boisé subtile vous enveloppe, les oiseaux se font plus lyriques, même le silence semble porter la voix du dieu cornu. Il sait quand vous exprimer votre amour et il vous le rend. Prier n'est pas un acte solitaire, loin de là, et Grimoald espérait du fond de son cœur que Mathilde s'ouvrirait un jour à ce monde qu'elle semblait, de surcroît, vouloir un peu mieux connaître. Mais il n'était plus le temps des tergiversations religieuses. Même ces questions si cruciales ne devaient pas être mûries constamment et laisser les théologiens se reposer. Lorsque la paysanne dégaina sa bouteille de liqueur, les yeux du prêtre se mirent à sourire autant que ses lèvres. Il senti ses babines saliver à l'idée de goûter autre chose que cette bibine qui lui parut instantanément infâme.

- Vous avez raison, réchauffons-nous le cœur un peu. Lança-t-il en se redressant sur sa chaise et en posant ses mains sur la table.

La jeune femme semblait aussi enjouée que le prêtre à l'idée de déguster l'alcool de prune. C'était étrange, depuis que leur conversation avait commencé, il semblait que tout ce qu'il y avait autour n'était pas important. Même le pauvre Joyeux avait peu à peu perdu l'attention de son maître, qu'il récupéra d'un aboiement sonore qui réveilla un peu toute l'auberge. Le prêtre, confus, balaya la salle du regard pour vérifier que son compagnon n'avait pas importuné trop de monde et s'empressa ensuite de caresser ce dernier pour se faire pardonner sa distraction.

- Désolé Joyeux, mais reste calme d'accord ?

Le chien semblait avoir plus ou moins compris le message et remua la queue avant de se rouler en boule au pied du tabouret où était assis Grimoald. Ce dernier, d'ailleurs, retourna son attention vers Mathilde qui commentait d'ailleurs la présence de l'homme de foi à l'auberge et, encore plus fort, la qualité de compagnie des autres officiers de la Trinité du village. Fort heureusement, le brouhaha ambiant permettait à tout un chacun de s'exprimer plus librement qu'à l'accoutumée, mais c'était si soudain comme petite pique que Grimoald eut un léger rire avant de faire mine de s'insurger.

- Eh, les prêtres sont d'excellente compagnie, j'en suis la preuve ! Mais c'est vrai que j'apprécie un peu plus la compagnie du vrai monde quand le jour tombe. J'ai l'impression que je ne pourrais pas prier correctement pour le bien de tous ces gens si je ne passe pas un peu de temps avec eux.

Et oui, parce que Grimoald c'est avant tout l'alcool, au mieux, philosophe ou mélancolique, au pire déprimé. Gageons que Mathilde ne s'enfuira pas en entendant la litanie spirituelle du prêtre, mais c'est certain que ce n'est pas le meilleur moyen de garder son interlocuteur investit que de l'assommer avec des considérations purement théologiques sur le bon comportement du curé. Il était donc tant de changer de sujet pour essayer de préserver cette compagnie bienvenue.

- Mais vous, Mathilde, pourquoi venez-vous perdre votre temps avec un serviteur des dieux et son chien plutôt que d'aller rire avec cette compagnie qui me semble bien meilleure ?

Lui aussi pouvait s'avérer taquin quand il le voulait. Certes, on était loin du talent de la paysanne, mais au moins pouvait-il se défendre des premières boutades pour ne pas être complètement ridiculisé. Il pouvait toutefois compter sur le réconfort apporté par l'alcool de prune que lui tendait son ouaille. Le prêtre prit le gobelet avec reconnaissance et le leva devant lui dans un geste amical, tout comme le sourire qui se dessinait sur son visage rougeoyant.

- Trinquons, ma fille, à vos récoltes passées et futures.

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Mathilde VortigernFermière
Mathilde Vortigern



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MessageSujet: Re: Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde]   Une choppe de plus pour une bénédiction de plus. [PV: Mathilde] EmptyMer 12 Fév 2020 - 1:06
- Vous avez de drôles de bons mots, mon père.

Mathilde sourit, quelque peu soulagée. Elle ne peut pourtant s'empêcher de croire que derrière cette remarque anodine quant à sa fréquentation du temple se cache un réel souci de voir plus souvent celle qui pourrait si facilement redevenir la brebis égarée qu'elle était, l'hiver dernier. Le père Grimoald s'adoucit, réitérant sa suggestion de venir au temple plus souvent afin de tenter de dialoguer avec les dieux... Mathilde fait une petite moue. Parler aux dieux est une chose qu'elle ne sait plus faire. Peut-être s'y prend-t-elle mal. Peut-être n'a-t-elle simplement plus envie d'essayer de s'adresser à ceux qui ont fait la sourde oreille alors qu'elle les implorait avec la ferveur du désespoir d'épargner son père, puis de lui donner un enfant. Changer de sujet était peut-être la meilleure façon d'éviter les questions fâcheuses quant à sa pratique, aussi servit-elle un généreux gobelet d'alcool au prêtre... avant de revenir sur ses mots.

- J'essaierai... promet-elle dans un soupir. C'est juste que... ces dernières années ont été éprouvantes et j'ai souvent l'impression que les épreuves ne cessent de s'enchaîner et que les bons conseils se font rares. Peut-être est-ce moi qui suis moins à leur écoute. En ne croisant pas les serviteurs des Trois, je suis consciente de n'avoir aucune chance de renouer avec les prières et les bons conseils. Mathilde lève les yeux au ciel. Évidemment que c'est de sa faute. Fuir le temple et les prêtres est la meilleure solution lorsqu'on ne veut pas avoir affaire aux Trois. Pourtant, malgré les coups durs et son sentiment de solitude, Mathilde reste profondément croyante. Elle réfléchit tout haut. [/color]A moins que le temple ne soit pas le lieu de prédilection pour que nous puissions dialoguer. Serus me guide dans mon travail aux champs. Il m'inspire la persévérance, la prudence, la patience. Je n'ai pas cette patience, au temple. Je ne l'ai jamais eue. Je ne réussis pas à prier comme vous. Vous, vous êtes capable de vous dédier totalement, durant un long moment, à des prières. Moi je trépigne sur mon banc comme une enfant de quatre ans. C'est dans les champs que je ressens leur présence. Ils guident mes mains, adoucissent mes maux, apaisent mes pensées.[/color]

Elle sourit en remplissant son propre gobelet du doux nectar de prunes. Qui sait, peut-être me soufflent-ils à l'oreille que leurs prêtres peuvent parfois être plus abordables en dehors de l'enceinte sacrée. Il n'a pas trop, le père, de croiser ses ouailles en dehors du temple. C'est là qu'elles sont prêtes à tendre l'oreille, à parler de leurs doutes et à demander des conseils. C'est aussi en voyant la vie qu'elles mènent que les serviteurs des Trois peuvent mieux veiller sur elles et sur leurs âmes.

Pourquoi venez-vous perdre votre temps avec un serviteur des dieux et son chien ? La question est bonne, et pourtant la réponse lui paraît d'une limpidité rare. Elle jette néanmoins un regard autour d'elle pour contempler les gens présents dans la salle. Certains sont des visages relativement familiers, d'autres sont de parfaits inconnus. Sophie déambule entre les tables, quelques bières déposées sur un plateau. Elle prend soin d'abreuver les paysans et les travailleurs, beaucoup d'hommes qui sont ici pour fêter la fin d'une journée au bout de laquelle ils sont encore miraculeusement en vie. Forgeron, boucher, boulanger, voleur ou simple voyageur plus ou moins riche, plus personne ne semble réellement se soucier du statut social qui habituellement régit leurs relations. Sauf peut-être un couple, là-bas dans le coin opposé. Ils observent les clients, comme Mathilde le fait. Ainsi, le gros Louis, autrefois riche bourgeois grassouillet, reconverti en marchand de breloques et aujourd'hui passablement amaigri, trinque gaiement avec Sam, voleur connu de tous pour sa maladresse notoire, reconverti en amuseur public et sans doute en informateur. A une autre table, un groupe de ce qui semble être des marins joue une partie de dés, sous le regard admiratif d'un jeune homme richement vêtu, aux cheveux de feu, qui doit mourir d'envie de se joindre à eux. Un peu plus loin, deux voyageurs, un homme et l'une des rares femmes de l'assemblée, accompagnent leurs chants avec un tambourin et un luth qui semblent avoir déjà bien servi. Les filles d'un riche fermier ont décidé de prolonger leur soirée en écoutant les voix mélodieuses, lorsqu'elles ne glissent pas des oeillades lourdes de sous-entendu à l'un des potentiels célibataires de la salle... dont le père Grimoald. Le tout se passe dans une joyeuse cacophonie qui, pourtant, semble contrôlée pour ne jamais tourner en d'insupportables cris.

Finalement, la fermière retrouve le regard du prêtre, pour enfin lui répondre. Parce que cet endroit est sans doute la première occasion pour moi de vous rencontrer en dehors de cérémonies infiniment tristes ou de confessions follement affligeantes. Je connais le père Grimoald, mais en vous voyant ici, tantôt, je me suis dit que je pourrais peut-être faire connaissance avec Grimoald, l'homme. Sans toge, sans sacerdoce, sans mission. Imitant le geste de Grimoald, Mathilde lève son gobelet et étend le bras pour venir le faire tinter contre celui du prêtre. Et puis soyons honnêtes, si je m'étais assise parmi ces hommes, là-bas, ça aurait jasé. Ça ne me dérange pas vraiment d'alimenter les conversations, mais peut-être pas à ce point! Je trinque aux soirées qui permettent de se connaître un peu mieux! Elle rit et enfouit son nez dans le gobelet pour y prendre une gorgée. Zut... elle n'a pas averti son compagnon du soir que l'alcool peut paraître un peu corsé, lorsqu'on se range plutôt du côté des amateurs de bière... bah... il le découvrira assez tôt.

- Alors, comment avez-vous croisé le chemin de Joyeux? C'est le seul compagnon que je vous connais! Si le prêtre avait été fiancé ou marié, tout Usson l'aurait su. La communauté était petite, et les commérages galopaient gaiement de bouches en oreilles, si bien que l'on connaissait les maris infidèles avant même qu'ils n'aient fauté. Mais lorsqu'un beau jeune homme, célibataire, avec une situation enviable, semblait ne pas vouloir prendre une épouse, les mauvaises langues se taisaient pour faire place aux regards indiscrets et aux paris... Des filles à marier, ça courait les rues. Comme celles du riche fermier, se cherchant une situation à la hauteur de la position sociale de leur père. Ou comme la bonne du Comte de Beauharnais, mère célibataire qui ne cracherait certainement pas sur une ascension sociale. Par chance, il était de notoriété publique que Mathilde ne se marierait plus, trop inquiète de devoir céder les rênes de sa ferme à un homme qui la dépouillerait de la liberté que la Fange lui avait donnée.
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