Marbrume


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 Mon espiègle corneille

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Alfred BernicourtCharlatan
Alfred Bernicourt



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MessageSujet: Mon espiègle corneille   Mon espiègle corneille EmptyMar 21 Jan 2020 - 12:04
Si récent, pourtant si loin de ce temps décadent, une époque où l’ombre était son empire, une ère de ténèbre où il se plaisait à parader tel un souverain funeste. Avant la chute, loin d’imaginer alors son triste déclin.

Sa royale demeure se résumait misérablement à un piètre logis, où les murs édentés de leurs pierres, consumés par la misère, s’effritaient et résistaient courageusement pour ne pas s’effondrer. Les trous béants laissés par les âges laissaient s’infiltrer la brume sombre et véloce qui noyait perpétuellement les ruelles du quartier. Rien ne transparaissait de ce royaume opaque si ce n’était une symphonie des ombres, se mouvant, invisibles, silencieuses. Ce n’était point le calme de la plénitude qui régnait ici-bas, mais un mutisme angoissant et vorace, entravé par les rires lugubres du maître de maison, trônant sur sa chaise de bois déclinante, avide de souffrances et de pouvoir. Ses doigts longs, squelettiques et décharnés caressaient, désarticulés, les accoudoirs miteux de son siège, vétuste. Les jambes croisées, le monarque de la déchéance fixait attentivement, son hôte de marque, arborant ce sourire, caractéristique de son macabre personnage.

La noirceur ne pouvait empêcher son aura pesante de se propager dans les limbes torturées de l’âme de son invité, inconfortablement sanglé d’une corde qui lacérait brutalement sa graisse, au fur et à mesure que l’homme tentait inutilement de s’échapper. Ne sachant pourquoi il demeurait ainsi, pour le moment tout du moins, la malheureuse créature gisait là, tentant désespérant de déroger à la déchéance irréversible de son infortune. Son agresseur, immobile et contemplatif, attendait, patiemment, que toute forme de combativité, de résistance ou de rage désespérée, ne disparaisse définitivement, fatiguant sans efforts sa proie avant d’y planter son venin. Les gémissements d’angoisse se faisaient plus soutenus, son sang-froid se réchauffait jusqu’à bouillonner dans tout son être, la crainte envahissait désormais entièrement le convive, comme une bête paniquée sentant le prédateur approcher. Il était prêt.

Le damné se leva, prenant de sa main livide le dossier de son trône délabré. Un bruit de chaise grinçant sur le sol vient subitement rompre la plénitude lugubre, se rapprochant de sa proie, lentement. Le son strident s’arrêta, une fois que la créature apeurée put entrevoir la silhouette de son sourire funeste. Un rire nasillard vint sublimer les affres de cette tranquillité morbide avant que son visage achromique ne se colle à celui de son hôte, léchant de sa langue oblongue la sueur qui s’écoulait sur sa trogne épouvantée. De sa manche il sorti une lame oxydée qu’il frotta sur le cuir rigide et contracté de son invité, s’amusant de chaque sursaut lorsque sa dague n’était pas loin d’entailler les chairs.

« Tu sens la peur, vile créature, susurra le spectre à son oreille, en ricanant avant de se lécher les lèvres de sa langue fourchue.
- Que me veux-tu pauvre fou ? Scanda le malheureux, sais-tu seulement pour qui je travail ?
- Oh que oui, je le sais ! Répondit-il en forçant son rire, je ne le sais que trop bien, sinon pourquoi serais-tu assis là, avec moi, dit-il en caressant la pointe de son couteau sur son torse suintant et dégoulinant.
- Tu sais donc ce qu’il t’en coûtera si tu interfères dans ses affaires ? Menaça t-il en étouffant un petit rire.
- Un courageux ? S’étonna le paria avant d’applaudir. J’aime les courageux, c’est ceux qui hurlent le plus quand je leur retire toute once de bravoure, s’extasia le maraud avant de planter son couteau rouillée dans la main prisonnière de son interlocuteur, se tordant violemment de douleur sous l’impact. Tu as fini, nous pouvons parler ?
- Libère-moi, tu seras grassement récompensé, je te le promets, pitié ! Supplia le prisonnier larmoyant.
- Voilà qui est mieux, se félicita le rôdeur d’un rictus démoniaque. Pensais-tu vraiment qu’enlever mes petits corbeaux ne serait pas impuni ? Crois-tu que l’on peut toucher mes petits protégés sans répercussions ?
- Je ne fais qu’obéir aux ordres de mon maître, pitié. C’est lui qui nous demande d’enlever tous les orphelins pour les revendre à des pirates sur le port, me tuer n’arrêtera par le commerce, pitié ! L’implorait-il vainement, une fois de plus. »

Silencieux, la torpeur s’empara une nouvelle fois des lieux. L’hésitation du charlatan sur le sort de son invité n’était pas de la retenue, mais la longue et lente réflexion face à ses dires. L’homme disait vrai, l’occire ne ferait pas cesser ce marché démoniaque. Pire, cela ne ferait probablement que décupler la fougue et les convictions de ce trafic. Pour vaincre un serpent, il ne fallait pas s’attaquer à la queue, mais lui couper la tête, pensait-il. Le spectre déploya son index étriqué en direction du noir et de le ramener sur la paume de sa main atrophiée, faisant avancer une silhouette juvénile en sa direction.

« Qu’en penses-tu ? Demanda t-il en lui caressant la joue de ses doigts écorchés ? Devons-nous le laisser vivre, mon espiègle corneille ? »
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Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Mon espiègle corneille   Mon espiègle corneille EmptyLun 27 Jan 2020 - 10:01
Elle grelottait dans sa robe de coutil et ses sabots aussi froids et durs que la pierre.

Pourtant, elle était là. Les épaules voûtées, la tête basse, assise sur une chaise qu'on lui avait désigné, dans une pièce à la porte entrebâillée sur un salon misérable, en bordure de la ville. Le Goulot n'avait jamais été un endroit fréquentable, et rien n'était aussi vrai que dans ce taudis à l'odeur infecte, où la misère se lisait dans chaque lézarde des murs, dans chaque latte pourrie qui rendait le sol instable sous ses petits pieds.

Mais Alix n'avait pas le choix. Cet homme était fou, malfaisant et hideux - mais les deux enfants qui habitaient la maisonnette que maman-nourrice leur avait laissé devaient survivre. A n'importe quel prix. Alors l'enfant avait trouvé des petits travaux de-ci, de-là, jusqu'à se heurter à ce roitelet de l'horreur, qui lui avait fait comprendre que s'ils voulaient conserver leur liberté, s'ils désiraient avoir une chance, il faudrait composer avec lui.
Elle n'avait finalement pas hésité longtemps, acceptant de fournir les informations qu'elle glanait au hasard dans les tavernes où on l'autorisait à entrer, parfois, ou dans les marchés.

Mais jamais encore le Fou - comme elle l'appelait secrètement dans sa tête - n'avait requis sa présence, et l'enfant tremblait de terreur.
Des gémissements et des cris de douleur émanaient de la pièce voisine. Des ricanements nasillards ponctuaient le tout, comme s'il jouissait de la souffrance d'autrui, et l'interrogatoire qui s'en était suivi n'était pas pour la rassurer.

Des enfants comme elle qui se trouvaient enlevés l'emplissait d'une frayeur irraisonnée pour les petits, et enfin, elle s'avança vers la "salle du trône" du Fou, comme il le lui avait demandé.

Toute pâle, l'orpheline n'osait pas regarder les deux hommes. Elle aurait voulu fuir ailleurs, vers la vie, vers la foule, là où on se sentait en sécurité. Il lui semblait horrible et contre-nature de décider de la vie et de la mort de quelqu'un, cela appartenait aux Trois ; mais ils pouvaient tout aussi enlever Pyö et Leanne. Et que ferait-elle alors ? Que ferait-elle si elle ne parvenait pas à les protéger ?

Elle releva ses yeux noirs, nimbés de sa chevelure blonde et emmêlée qui cascadait jusque sur ses épaules frêles. Le contact de ce doigt écorché lui donna envie de vomir.

- "Je... Je .. crois qu'il faudrait savoir qui.. enlève les enfants plutôt que de le tuer."

Et l'idée se forma dans son esprit. Ce que voulait le roi fou des miséreux, c'était la donner elle en appât. Pour qu'elle découvre qui était derrière tout ça. Cette pensée lui donna envie de s'enfuir, mais les deux robustes gaillards à l'entrée l'en dissuada.
Que faire ? Que faire pour l'empêcher de la livrer en pâture ?!

- "Je... il faudrait le convaincre... de parler, seigneur."

Sa voix était frêle, timide, à peine audible. Que n'aurait-elle donné pour se changer en statue !
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Alfred BernicourtCharlatan
Alfred Bernicourt



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MessageSujet: Re: Mon espiègle corneille   Mon espiègle corneille EmptyMer 29 Jan 2020 - 14:07
La naïveté, la jeunesse et l'espoir, un triptique idéal pour propager son poison, sans efforts. Quelques gouttes de souffrances, une pincée de peur et une dose généreuse de folie, tels étaient les ingrédients pour endoctriner les chérubins abandonnés du quartier. Au bout de quelques temps, lorsque toute moralité, tout attachement à retrouver une vie honorable avaient disparu, le désaxé les sortaient de leur chrysalide, pour en faire des complices redoutables. Les adultes perdaient toutes dévotions, une fois la maturité atteinte, ils devenaient cupides et ambitieux, ne servant plus que leurs sombres dessins, et non les siens. Alors qu'une âme juvénile était fraîche, vierge de toutes ambitions de grandeurs et se laissaient docilement envoûter, en échange de la survie ; l'unique chose qui importait à ces orphelins. Le temps faisant, ces créatures obéissantes devenaient des espions, des informateurs et parfois même, des petits soldats ou assassin de fortune.

De tous, une seule résistait encore farouchement à se laisser sombrer, à se dépossèder de tout pour n'être plus qu'une coquille vide, plus qu'un pantin. Ce petit oiseau farouche l'intriguait, défiant toutes les certitudes de son emprise sur ces enfants. Le faisait-elle consciemment ? Le paria voulait en avoir le coeur net. C'était la raison pour laquelle il lui portait une attention, toute particulière. Malgré la sobriété de ces accoutrements, la douce corneille dégageait une beauté déconcertante, une aura solaire qui illuminait les abysses de sa demeure, son apparence angélique tranchait avec la vermine démoniaque des bas-fonds, comme une luciole scintillant dans la nuit la plus noire. Plus que l'horrible histoire du bien triomphant sur le mal, c'était le défit qui l'excitait, l'indomptable envie d'enfermer cette luciole dans un bocal et de le voir s'épuiser, à résister, finissant par s'éteindre dans les ténèbres. Son visage était si proche du sien qu'il sentait son souffle contre sa joue, le frissonement qui torturait son épiderme, le battement frénétique de son coeur fracasser sa frêle poitrine, sa voix osciller de peur à chaque mot et le sursaut d'angoisse lorsque ses doigts tatoués lui caressèrent la joue. Un plaisir sans nom de la voir ainsi trembler de tout son être, lui indiquant, finalement, la raison initiale de sa venue.

« Tu as raison, ma douce amie, mais si je t'ai demandé de venir, c'est pour que ce soit toi qui le fasse parler, dit-il en saisissant l'espiègle corneille par le bras et lui faire agriper de force sa lame oxydée, sa main déchiquetée l'étreignant pour qu'elle ne relâche pas l'arme. Vois-tu, le secret pour déceler la vérité, c'est de prendre son temps, expliqua t-il dans un ricanement féroce qui résonna dans la pièce. »

Le va-nu-pieds orchestrait diaboliquement la main de son enfant, laissant la dague rouillée lacérer le cuir suintant et dégoulinant de son convive. L'inconfort et l'inexpérience de son élève entâchaient la précision du supplice, n'atténuant cependant rien à la souffrance des mutilations. Il fallait une vie à un artisan pour s'exprimer au sommet de son art ! Se rassura le maraud, amusé. Chaque entaille s'accompagnait d'un cri de douleur, suivi des spasmes et de l'extase lugubre du damné, lovant de son corps putride sa douce apprentie, prisonnière, impuissante. La lente torture s'opposait aux respirations soutenues du malheureux, dans un espoir stérile, il tentait de se débattre, d'hurler sa détresse, mais rien n'y faisait, dans ce recoin de la cité, personne ne s'en préoccupait jamais. Rien ne pouvait le sortir de cette situation, si ce n'était se résigner à parler et à supplier.

« Arrêtez, pitié ! Implorait-il, je vous dirais tout ! Tout ce que vous vou...
- Chut, murmura le serpent en mettant son index devant la bouche pour mimer son injonction. Ne vois-tu pas que je suis en train d'enseigner ? Ah ah. Tu pourras parler lorsque je te le dirais, désormais, continua t-il dans un rire glauque. Vois-tu ma petite corneille, lorsque les types de son genre se mettent à parler trop vite, cela manque généralement de franchise et de détails, aussi ne te laisse pas duper, ah ah, conclue t-il en plantant la pointe du couteau sur l'extrémité de l'index, laissant le vacarme de ses tourments engloutir le silence macabre du logis. »
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Alix de BeauharnaisVicomtesse
Alix de Beauharnais



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MessageSujet: Re: Mon espiègle corneille   Mon espiègle corneille EmptyLun 10 Fév 2020 - 15:15
L'obscurité, l'humidité. Le visage fou et disgracieux de cet homme donnait envie à la petite fille de s'enfuir, de s'enfuir très loin !

Mais Alix savait qu'il n'y avait guère d'échappatoire. Il n'y avait rien qu'elle puisse faire - c'était le lot des orphelins qui habitaient Marbrume, cette large prison, qui les protégeaient tous des fangeux ; mais qui ne pouvait les soustraire ni à la violence, ni à la peur, ni à la souffrance. Elle savait qu'ils partageaient presque tous ce même destin, qu'il n'y avait pas d'autres choix, d'autres échappatoires. Ainsi, ils devenaient tous des voleurs, des assassins - et ils venaient nourrir le flot des bannis, en violant la loi ducale.

Rencontrer le regard du Fou lui mettait les larmes aux yeux, irrépressiblement, et son contact lui fit horreur, lui donna envie de vomir.
Le contact de la dague oxydée lui arracha un bref couinement, presque inaudible. Sa propre petite main sale était crispée sur l'arme par les pattes d'araignées qui servaient de doigts au bandit, l'obligeant à la pointer maladroitement sur le prisonnier.

- "Je ... "

Son âme allait-elle être damnée ? Les Trois allaient-ils la transformer en fangeux pour la punir ?

La main qui guidait la sienne était inexorable, tout comme la souffrance qu'elle procurait. C'était un voleur d'enfants, mais l'idée de le torturer rendait son geste plus incertain encore. Il commença à hurler sous les entailles, et, en vain, elle tenta de lâcher le couteau. Le corps de l'adulte se faisait plus pressant, et elle ne pouvait échapper à son geste précis. Les hurlements envahissaient ses oreilles, et elle fut soulagée d'entendre qu'il désirait parler.

Mais ce n'était pas suffisant pour le Fou, qui, de quelques mots, les obligèrent à continuer. Il fallait attendre, continuer son horrible action - le geste brusque qu'il l'obligea à faire, cette dague plantée directement dans le doigt, la fit hurler d'horreur, à l'instar du supplicié.

- "Il y a sûrement, il y a sûrement un autre moyen ! Maintenant, maintenant, il va parler, j'vous assure, il va parler !"

Elle aurait voulu planter cette dague dans le corps décharné de cette macabre araignée, laisser son sang se répandre sur le plancher minable, regarder les rats se repaitre de son cadavre. Mais étais-ce possible ? Pourquoi, pourquoi fallait-il qu'il l'oblige à faire ça ?!

- "J'ai com-compris la leçon, oui ! J'ai compris !"

Elle fixa le doigt planté dans le couteau, essaya de l'enlever.

- "Qu'est-ce que vous voulez, en-en vrai ? Je le ferai. Je ferai ce que vous voudrez."

Ou presque. Mais il ne le savait pas - elle cacherait les petits dès qu'il lui serait possible.

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