[Terminé]Rencontre voluptueuse, en toute amitié - Alienor E. Von Elrich

Il est tôt ou tard, je ne sais plus trop, le soleil est déjà présent, chauffant les murs de la demeure de cette manière agréable. A l’intérieur, la température est douce, les vieux murs ne sont pas encore suffisamment caressés par les rayons depuis longtemps pour qu’il en soit autrement. Mireille est installée sur un vieux fauteuil à bascule que je lui ai promis de changer, tant le tissage semble être aussi ancien que la personne qui se trouve dessus. Elle regarde le jardin, réprimant une quinte de toux qui me fait relever les yeux à chaque fois que ça arrive. Je n’ai pas mis le moindre orteil dehors et je l’entends me répéter en boucle qu’il faudrait que je m’occupe de ce jardin, comme si l’important était le jardin et non pas les marais salants ou encore la mine qui ne trouve encore employé. L’argent c’est déjà envolé, faut-il bien admettre que j’ai cédé à quelques caprices intérieurs et renouvelé une bonne partie de ma garde-robe, hors de questions d’être vue avec deux fois le même vêtement. Francis m’a promis de me trouver quelques fortunés clients, alors je ne m’inquiète pas, je ne m’inquiète plus, même lorsque mon ventre me hurle sa faim en se tortillant en tous sens.

Je regarde dehors, c’est vrai que je le jardin fait triste mine alors qu’il devrait être une vitrine de ma qualité de vie, les grilles grincent lorsqu’on s’en échappe et la mousse semble avoir envahi le muret qui nous sépare du reste de la population. Je me redresse, laisse virevolter le tissu léger et vert anis qui recouvre ma peau avant de faire entendre ma voix, abusant sans doute de celle-ci.

- « Henriette ?! » la petite main que je viens d’embaucher se précipite un tissu humide en main, signe qu’elle devait astiquer le sol d’une des trop nombreuses, mais indispensables chambres de la demeure « Je vais sortir me détendre au temple, tachez de résoudre cette horrible vue de mon jardin avant mon retour »

Elle me regarde de ses grands yeux bleus la bouche si ouverte qu’elle pourrait en avaler une mouche. Devant mon silence, elle ne peut que laisser un regard s’épancher sur la silhouette de la vieille Mireille qui reste tout aussi silencieuse. Opinant finalement, bien que trop tardivement à mon goût je la laisse là avec l’impossible projet de retirer en quelque temps la mousse des murets, le grincement du portail et la vue si simpliste du jardin. Je lui souhaite bien du courage, mais ce n’est pas mon problème à moi, n’est-ce pas ? J’enfile de quoi couvrir mes épaules légèrement dénudées, je la vois se précipiter dans ma chambre pour immédiatement en redescendre un panier contenant la tenue de bain, une serviette et un savon. Rien de particulier, simple, très simple même, mais je n’avais pas encore les moyens de redoubler d’effort sur tout. L’argent me manquait, même mon mari me manquait. Les temps étaient durs, même pour nous, pour moi. Récupérant l’ensemble, je ne cherche pas à davantage me couvrir et quitte mon domaine pour m’aventurer dans les ruelles menant tout droit au temple. Prier je le fais si souvent que cela devient une habitude, j’ai appris à savoir qu’il faut être vue pour intriguer et qu’intriguer était une bonne chose.

Je ne peux m’empêcher de saluer les différentes prêtresses que je reconnais, informant que je vais profiter des thermes, avec cette chaleur naissante, cela ne peut-être qu’agréable. Par habitude, plus que par nécessité je demande si je peux avoir un bain privé. Non évidemment, je ne suis pas noble, mais pourquoi pas après tout, un coup de chance. En revanche, j’ai cette information qui ne tombe dans l’oreille d’une sourde. La baronne Von Elrich se trouve dans un bain, la baronne. Mh. J’opine simplement prétend que je comprends, alors que je ne comprends bien évidemment pas. Dans quelle mesure elle serait plus importante que moi ?

Je prends la direction des thermes, prend le temps de manger pour enfiler cette tenue blanche de bonne qualité sans être extraordinaire, je garde contre moi la serviette, mon savon avant de prendre la direction de ce fameux bain privé.

Mes pas sont rapides, j’ai déjà parfaitement en tête mon petit scénario avec un peu de chance, elle va me reconnaître où se dire que mon petit mensonge est plausible et je pourrais partager un moment avec cette fameuse baronne. Après tout, je ne vais tout de même pas m’immerge avec la plèbe du coin ? Il ne manquerait plus que ça.

Alors que la vapeur prend place autour de moi, que j’ai tourné à l’angle pour découvrir le petit bain ou semble-t-il une jeune femme est déjà immergée, je m’immobile juste au-dessus d’elle, prend cette mine affreusement confuse tout en retenant un petit cri.

- « Par les dieux, vous m’avez fait peur… Excusez… Excusez-moi, je suis si confuse, il n’y a jamais personne à cette heure-ci et je pensais pouvoir profiter de ce petit bain privé comme je le fais très souvent. » Une main triturant la serviette du bout des doigts « Oh, n’oserais-je tout de même pas vous déranger n’est-ce pas ? Mais… Oh, vous ne seriez pas la baronne Von Elrich ?! Par tous les dieux que je suis confuse de vous déranger de la sorte ! »

Ameuter l’ensemble de l’établissement, voilà une femme charmante et juste par souci de provocation, je dois bien admettre que j’ai sentie l’hésiter poindre dans mon esprit. Cela m’apporterait sans aucun doute plus de problèmes qu’autre chose, surtout après avoir été mise en garde de l’occupation du bain par un membre du clergé. Je l’ai avisé un petit instant, mon regard toujours sur sa silhouette sans être pour autant provocante, ou intrusive. Elle dégage cette aisance repérable de la noblesse, sa manière de s’exprimer, j’ai tellement détaillé l’ensemble que je pense que je pourrais dicter sans le moindre problème la moindre caractéristique des sangs bleus. Enfin, quoi qu’il en soit, je me retrouve toujours debout face à celle qui ne me congédie pas nécessairement, ce que je trouve soudainement plus intéressant. Les lèvres un peu plus pincées et le regard luisant de cette espièglerie je me contente de m’incliner légèrement :

- « Ne voudrais-je aucunement être désagréable et voir ce petit coin de tranquillité se surpeuplé, la ville l’est-elle sans aucun doute déjà suffisamment, non pas ? »

Je l’avais observé se mouvoir dans cette maîtrise que je reconnaissais, sans la moindre pudeur, la moindre gêne. N’allais-je tout de même pas avoir l’audace de faire semblant d’être gênée, moi qui viens plus que régulièrement offrir mon corps à des parfaits inconnus ou presque. Non, le corps m’enivre, m’inspire, je trouve chaque peau, chaque courbe belle à sa manière et je songe volontiers à en faire le portrait anonyme. Immobile, suivant simplement des yeux la courbure des formes féminines s’éloigner pour se vêtir tout en délicatesse, en sensualité. Je n’ai aucun doute qu’elle sait tout aussi bien que moi mener les hommes par le bout du nez, mais je ne fais aucune remarque, je l’avise toujours venir s’installer sur le bord de la cuve, défaire sa chevelure qui cascade un instant dans son dos, sur ses épaules Je relève le menton pour détacher mes deux billes de couleurs différentes, savourer simplement la vapeur des thermes, la chaleur se dégageant qui fait perler ma peau de cette sueur salée. Elle est au bord du bassin, admet que la tenue n’est pas des plus adaptées, mais qu’elle s’en contentera et de ce fait que je devrais en faire de même. J’opine sagement, dans un demi-sourire, demi parce que je dois bien avouer que je l’envie, cette femme qui n’a rien fait, mais qui semble tout avoir, celle qui n’a pas besoin de compter sans doute, celle qui est là juste là sans rien avoir fait de plus que de naître du bon côté. Je suis convaincue que père et mère auraient pu m’offrir meilleur mariage, oh je n’aurais pas demandé grand-chose : un banneret, un chevalier, même un châtelain m’aurait suffi.

Mes dents viennent mordiller l’intérieur de ma joue un instant, avant que je ne m’autorise une brève réponse.

- « Je trouve au contraire qu’elle vous offre un charme dévastateur » soufflais-je du bout des lèvres « Somme-nous entre femmes, n’est-ce pas ? Les dieux nous on fait de manière identique après tout » pas du tout, mais peu importe.

La suite m’oblige à faire silence, alors que je me suis autorisée de me défaire un peu plus loin de ma serviette et de mon savon. Pivotant légèrement je l’écoute sincèrement m’expliquer que la cour lui apprend à différencier le vrai du faux, cela tombe bien moi aussi j’ai cette capacité et je suis convaincue que ce n’est qu’une tentative de dissocier le vrai du faux, mais je n’en dit rien. Jouer m’a toujours fait frémir et cette rencontre n’échappe aucunement à la règle. Elle évoque une rencontre fortuite que j’aurais provoquée pour rencontrer la baronne, puis prétend qu’elle n’est pas cette personne. Un fin sourire s’installe sur mes lèvres, alors que je me pince les lèvres pour ne pas rire. Elle est délicieuse.

- « Me voilà donc percée à jour » fis-je dans un petit mouvement de main comme pour accompagner le geste à la parole « Mais navrée de vous décevoir mon unique objectif était de plonger dans cette chaleur agréable, de glisser mon corps dans une eau chaude… Et d’éviter que celui-ci n’empeste d’une quelconque odeur désagréable, dois-je bien confesser que j’ignorais qui se trouvait là, mais que je savais qu’il y avait quelqu’un… » je viens m’installer également au bord de l’eau « Me voilà soulagée d’apprendre que vous n’êtes pas la redoutable baronne, mais une autre femme de la cour, peut-être de moindre importance, ainsi n’aurais-je pas besoin de trop me courber n’est-ce pas ? » je viens tremper mes pieds en soulevant mes cuisses pour pivoter face à l’eau chaude « Oserais-je prétendre que je ne suis aucunement une femme de politique, ne suis-je qu’une simple propriétaire d’un marais salant et d’une mine… Pas de quoi m’élever au niveau d’une quelconque noblesse de titre, j’en conviens. »

Je viens dénouer la cordelette qui maintient ma tenue de bain, laisse le tissu glisser le long de mes épaules, avant de tomber derrière mon dos. Je me retrouve dans mon plus simple appareil, sans que la moindre gêne ne vienne s’afficher sur les traits de mon visage. Je pouvais moi aussi m’adonner à ce petit jeu de maladresse, de sensualité. Là, je me laisse glisser en douceur dans la cuve, dans des gestes maîtrisés, mais dénués d’aspect sexuel, j’ai appris à connaître mes forces et mes faiblesses à force de chauffer la plupart des hommes mariés de la ville. Je ne suis pas laide ni d’une beauté remarquable. Mon corps est féminin ma poitrine ferme, mon fessier pulpeux. Mes cuisses sont marquées par de légers chemins d’un blanc discret, tout comme mon ventre à certains endroits qui n’est pas forcément plat, sans être particulièrement volumineux pour autant.

Immergée, je laisse un soupir m’échapper, c’est bon, toujours alors que je sens mes membres se détendre peu à peu et que je sens les poils sur mes bras se dresser dans un frisson particulièrement agréable. Regardant une nouvelle fois cette charmante jeune femme, je réponds enfin à sa dernière remarque.

- « Pour vous répondre, j’avais bien dans l’idée de non pas plonger, mais m’immerger et je serais ravie de vous voir me tenir compagnie, peut-être même oserais-je supposer que vous n’éloignez pas encore l’idée, sans quoi auriez-vous déjà fait prévenir le clergé de l’intruse venant de s’immiscer dans votre bain, n’est-ce pas ? » je fais une pause détend un instant mes jambes qui ondulent sous le liquide transparent, mais recouvert de vapeur « Je me nomme Harmonie, Harmonie de Lys, je suis enchantée de faire votre connaisse madame ? »

- « Suis-je autant attirée par les femmes que par la fange » soufflais-je dans un demi-sourire devant sa menace toute relative « Ne puis-je simplement que me comparer pour savoir comment m’améliorer, n’est-ce pas ? Mais rassurez-vous, que les oreilles indiscrètes se rassurent également, ou que votre envie garde silence, je ne puis un seul instant imaginer déshonorer les Trois dans de tel gravité »

J’avise ses longues jambes, aucun désir ne m’habite. Si durant mes efforts pour remplir les coffres, ai-je déjà dû satisfaire des dames, cela n’a jamais été ma préférence. Je prends néanmoins le temps d’y réfléchir un instant, mais un bruit me sort de mes pensées. Son rire est agréable à l’oreille, il sonne comme une musique parfaitement jouée. Cette femme est inspirante, je ne peux que le réaliser alors que mes doigts effleurent sagement la surface de l’eau chaude. Elle semble être une partition en parfait accord, comme si chaque geste calculé ne l’était pas vraiment, comme si à force d’être dans un personnage de maîtrise, elle a fini par le devenir jusqu’à sa manière de respirer, de se mouvoir. Je suis loin d’être à ce niveau… Et la marche me séparant du titre qui me manque me semble soudainement beaucoup plus loin. Pourtant, suis-je parfaite pour ce rôle moi aussi, suffit-il de me regarder n’est pas ?

Je prends une inspiration, opine avec lenteur, alors que mon propre se rire se fait entendre, très rapidement abandonné dans un sourire et un léger regard en coin. Oui, elle a définitivement cette manière de faire, je porte une main à ma poitrine fait mine de m’incliner en relevant avec lenteur la tête vers sa silhouette.

- « Madame est trop bonne, suis-je ravie de cette faveur, bien que pourrais-je potentiellement vous faire la même n’est-ce pas ? » je viens faire s’écouler de l’eau que je capture de mes mains pour laisser l’ensemble s’écouler avec lenteur au niveau de la naissance de mon cou « Je n’en doute pas, vous semblez être femme d’expérience dans la noblesse, bien que votre visage ne trahissent pas la moindre trace d’un âge avancé, auriez-vous un secret ? Où seriez-vous une de ses jeunes prodiges parvenant très rapidement à devenir ce qu’il faut pour survivre ? »

Pourrais-je lui être reconnaissante, il est vrai, de me laisser partager son bain, son eau et sa compagnie. Mais l’inverse n’est-il pas notable, je viens l’honorer de ma présence, la divertir, et tout ça sans avoir à débourser un sou. Ma bonté me perdra. Assurément. Je ne peux que savourer le calme, l’absence de foule, de disputes des familles du manque de savon, de l’odeur, des courants un peu plus chaud qui circule parfois l’air de rien dans l’eau des différents bains. Pinçant mes lèvres, je l’avise, elle qui semble toujours dans sa position, toujours persuadée que je désire toute autre chose de sa personne. Je pourrais, c’est vrai. Le bain me suffit pour l’instant en tout cas.

- « Je ne voudrais aucunement malmener l’estime de votre dame de compagnie » fis-je avec lenteur « Mais je me vois honorer d’avoir ce privilège » je laisse un petit silence, continue d’inonder le haut de ma poitrine dans des gestes lents et délicats « A bien y réfléchir, je dois bien admettre que c’est la première fois que je partage un bain privé moi aussi, drôle de point commun »

Ma voix est tout aussi douce que mes mouvements, je garde un certain contrôle tout en offrant des largesses à mes gestes. Je ne peux que bouger quelque peu les épaules, les jambes, m’installer un brin immergé contre les marches les plus profondes. J’ai toujours apprécié l’eau, salée ou non, j’aime la sensation qu’elle offre à ma peau, j’aime voir le bout de mes doigts flétrir comme si par une magie obscure elle devenait soudainement plus vieille.

- « Je n’oserais guère m’imaginer ce type de chose, peut-être ne suis-je qu’une haute bourgeoise propriétaire, je vous l’accorde » fis-je en laissant un silence de compréhension « Mais chaque chose à une valeur à mes yeux, je n’ose imaginer, quoique puis-je tout de même le faire, le résultat passé des mariages entre gens de classe différents… Un désastre croyez-moi ! Sans parler des nombreux déshonneurs parfois… Vous parliez d’attirance pour le même sexe, vous seriez surprise de connaître les mariages de camouflage si je puis dire. Serus lui-même doit en pâlir, moi-même j’en palis pour lui.»

Son regard ne me gêne pas, j’ai l’habitude d’être cet outil, si au début ma pudeur l’emportait, j’ai fini par m’y faire, appréciant cet avantage, ce pouvoir que le corps peut offrir parfois. Je continue de brefs mouvements sur ma peau, comme si je frottais mes membres dans de lentes caresses afin d’éliminer quelques petites traces, je n’insiste pas, je ne mouille pas outre mesure ma chevelure. En revanche, chacun de mes gestes s’immobilise alors qu’elle évoque l’idée presque insensée que MOI je lui fasse ça toilette. Je ne peux empêcher un léger rire de s’échapper de ma bouche, alors que mes yeux viennent effleurer du bas de son cops jusqu’à son visage, sa prestance féminine.

- « Navrée Eulalie, ai-je cru à de l’humour l’espace d’un instant, mais il n’en n’est rien n’est-ce pas ? » questionnais-je sans m’offusquer en m’approchant avec lenteur de sa position, toujours immergée « Venez donc me rejoindre dos à moi, je ne m’offusquerais pas de vous faire devenir resplendissante, qui sait, serais-je même peut-être plus efficace que cette dame de compagnie qui ne vient jamais dans votre bain. »

Je l’invite à me rejoindre et dans le même temps je viens m’extirper de l’eau, je laisse les perles humides rouler sur ma peau. Je sens mon corps frissonner de toute part malgré la vapeur qui enveloppe la salle, je récupère mon savon dans le creux de ma main pour lui indiquer, avant de revenir rapidement m’immerger, non sans oser secouer un peu ma chevelure qui doit l’éclabousser quelque peu.

- « Ce savon est une véritable petite merveille, paraît-il qu’il s’agit d’un mari d’une prêtresse responsable qui en fait ! Si c’est fait par un presque représentant des Trois, cela ne peut-être que bon, n’est-ce pas ? »

Je laisse un soupir fuir mes lèvres, satisfaite de retrouver la chaleur de l’eau sur la moindre parcelle de mon corps. Je penche légèrement la tête en arrière, passe mes dents sur ma lèvre pour la mordiller légèrement avant de me reprendre, de réaliser que je ne suis en effet pas seule comme habituellement. Cela me manquerait presque ma solitude, presque.

- « N’ayez crainte, j’ai des doigts dignes des dieux » murmurais-je en attendant de la voir me rejoindre « Dois-je comprendre qu’habituellement vous vous lavez seule Eulalie ? »

- « Les commérages, je nommerais plutôt cela comme de l’écoute de survie » fis-je simplement en la regardant tirer sur les cordelettes de sa tenue avant de s’immerger une nouvelle fois dans l’eau. « Ne faudrait seulement bien évidemment aucune oreille indiscrète, certaine information sont si croustillantes qu’elle ne mérite point d’être partagé avec n’importe qui »

De nos jours encore plus qu’avant il devenait essentiel de définir les relations de chacun, savoir qui se glissait dans les draps de qui, qui appréciait ou qui ou faisait tout simplement semblant. Bien évidemment, ne suis-je qu’au niveau de la bourgeoisie, à la limite de la basse noblesse de temps à autre, mais cela s’arrête là. Bien que je ne fusse aucunement en reste fallait-il bien l’admettre et que j’avais for hâte de pouvoir me glisser moi aussi du côté sang bleu et non, plèbe au niveau de vie alléchante. Je laisse un soupir fuir mes lèvres, alors qu’elle s’immerge dans le bassin, sans véritablement me rejoindre. S’amuse-t-elle autant que moi, l’intriguais-je seulement un peu ? Je l’ignore, mais ce moment est pour moi d’une saveur particulièrement délicieuse. Lorsqu’elle tente de se dévaloriser en se valorisant, je ne peux réprimer un petit rire de franchir mes lèvres.

- « Vous êtes bien trop modeste, il n’est guère donné à tout le monde de se confondre parmi les grands prédateurs de ce monde, si on occulte un instant la fange bien sûr. »

Je penche la tête en arrière, viens tendre avec lenteur mes jambes, la chaleur, les mouvements de l’eau salée, le sel venant étouffer, capturer, caresser ma peau. Je ne peux ni le nier, ni même tenter de le cacher j’adore ça. Je pourrais rester des heures ainsi, à savourer pleinement ce silence, brisé par le mouvement de celle que j’accompagne ou qui m’accompagne, peu importe. Sa réflexion autour des apparences me demande une légère réflexion, cela m’amuse autant que ça me plaît. J’arrête mes gestes un instant, prend le temps de recommencer à m’immerger en m’agenouillant dans l’eau, relevant le menton, je sens cette légèreté dans mon corps et je lutte pour rester un peu immergée. Je finis par me redresser avec lenteur, sans que ma poitrine ne s’échappe du liquide salé ou de la vapeur se déposant à sa surface. Bien, parlons des apparences :

- « Je pense qu’il est difficile de ne pas jouer ni des mots, ni même du reste, le mystère attire autant qu’il fascine et se dévoiler en un instant serait sans doute tout de suite moins plaisant. » j’étire mes lèvres « J’apprécie l’âge avancé, mais peu ce que cela amène sur le corps, les apparences voyez-vous, sans doute ne vais-je rien vous apprendre, mais est bien trop importante, davantage de nos jours, je suppose. » je pince mes lèvres « Si vous aimiez tant jouer cartes sur table Eulalie, pourquoi vous-même semblez-vous vous amuser de ce voile de mystère ? »

Je me mets à rire, alors qu’elle me fait face dans cette facilité de déplacement cette appréciation du liquide sans aucun doute.

- « J’adore les moments aux thermes, je plaide coupable » fis-je avec plus de sincérité sans doute « Je peux me détendre simplement et dans notre cas avoir autant le plaisir de l’eau chaude que d’une conversation agréable et non ennuyante, suis-je chanceuse, je suppose ? J’espère que cette chance est partagée d’ailleurs. »

Je la regarde s’éloigner, pour nager sans doute un peu, sans m’en offusquer, cette première rencontre je la trouve fascinante à sa façon, je l’imagine volontiers se poursuivre ou peut-être se jouer autrement un autre jour. Je viens m’appuyer sur le bord du bassin pour m’en extirper, la nudité n’a jamais été à mes yeux une gêne quelconque, d’autant plus depuis que j’ai appris à user de mes charmes, de mon corps pour faire succomber ou décupler les plaisirs. Dehors, je viens me pencher pour récupérer ma serviette, qui vient enrouler sagement ma silhouette.

- « Je ne vais guère pouvoir assouvir votre curiosité je le regrette, c’est ma domestique qui s’occupe de ce type d’achat. Je suppose qu’il y parvient à l’aide de sa bien-aimée, une haute prêtresse doit bien avoir quelques avantages et présents de fidèles, je suppose ? » de mon autre main je viens démêler ma chevelure laissant mes doigts s’engouffrer dans les légères ondulations naissantes « Fort heureusement pour nous, les disettes sont éphémères et moindre que quelque temps en arrière, parfois les convois sont riches, parfois… tristement vide. Peut-être qu’en murmurant a la bonne oreille on peut avoir quelques faveurs ? »

Je laisse le savon au bord de l’eau, à sa disposition.

- « Petit présent » soufflais-je avant de me détourner « Je ne puis que laisser votre domestique venir faire votre toilette, je ne voudrais guère être reconnue fautive de votre mauvaise mine, chaque beauté doit-être sublimé ! »

Un sourire sur les lèvres, je m’arrête au milieu de mon chemin, m’approchant du banc pour récupérer ma tenue de bain. Je ne la glisse pas sur mon corps, cela ne me semble plus nécessaire sur l’instant. Je me contente de pivoter une nouvelle fois pour effectuer une révérence digne des plus grands, du moins, je le suppose, qui pourrait en réaliser mieux que moi ?

- « Ma très chère Eulalie, ne puis-je que vous remerciez pour cette entrevue, ne puis-je bien évidemment guère abuser davantage de votre précieux temps et puis, avouons-le… Je ne devrais pas être là, l’avez-vous dit vous-même cela sera notre petit secret, n’est-ce pas ? À très bientôt j’espère… Oh et si vous résolvez ce mystère de savon, je compte sur vous pour m’en informer bien évidemment….»

Un geste de la main, un signe de tête et me voilà qui disparaît dans les couloirs direction les bains communs. Après tout ne dit-on pas que les rencontres les plus courtes sont les meilleures ?