Un mauvais coup d'oeil pour apprendre [Alienor]

12 juillet 1166,

Dans ma tête je récite ce que je dois ramener du marché. Je sais que je ne dois rien oublier, cela fait peu de jours que j'ai ce métier, et je ne tiens pas à le perdre. Madame de Valis semble me faire confiance, je ne sais pas pourquoi mais c'est une sensation agréable. Alors je ne dois pas la décevoir. Je marche, et mon regard n'arrête pas de se perdre sur des domaines riches que je n'avais jamais vu.
Heureusement Alice m'a dit que je pouvais prendre la matinée, mais que je devais être rentré avant les douze coups de midi.
Le ciel est clément. C'est étrange. Je suis là, dans un endroit inconnu, et je ne rêve pas. Il n'y pas une semaine j'errais dans les rues des bas-fonds, mendiant pour un morceau de pain. Vêtu d'un veston sombre et d'un foulard d'un bleu indigo à mon cou j'arpente désormais le coin le plus luxueux de Marbrume. Je ressens un vertige rien qu'en y pensant.

Malgré tout, les journées ne sont pas de tout repos. Le soir, je suis exténué en entrant dans ma chambre, mais je préfère ça, cette sécurité que m'offre la Comtesse à vivre dans la rue. Je regarde le ciel bleu, et je souffle, je dois ramener cinq choses, et je vérifie dans ma tête si je n'oublie rien. Me voilà rassuré, j'ai toujours tout en mémoire. A un croisement, je tourne, et mon attention est attiré par une demeure. Je m'arrête pour l'admirer. Je me dis que le destin est injuste, mais qu'on ne peut rien faire et qu'il faut accepter sa condition. Cette pensée est devenue plus forte depuis que Madame de Valis m'a proposé d'être son domestique.

Je me rapproche du muret et de l'immense grille. Je monte dessus pour que ma tête dépasse les haies vertes. Je me mets même sur la pointe des pieds. Je remarque une belle pelouse, et des rosiers, et des fleurs que je ne connais pas du tout mais qui sont superbes.
Soudain, un homme à la carrure imposante vêtu d'une armure légère, et d'une lance m'interpelle ! Il me menace même avec son arme.
- Descend de là ! Tu m'entends ! Je vais t'apprendre à vouloir t'introduire chez les gens ! Hop Hop, plus vite ! Me dit-il en se frisant la moustache avec sa main libre.
Je ne résiste pas.
- Vous Vous trompez. Je ne suis pas un voleur, je regardais simplement...
- C'est ça, on va voir ! Tu vas t'expliquer ! M'interrompt-il en réajustant son casque, je suis le garde de la demeure de Madame Von Elrich, et je ne fais que mon travail !

Je soupire, et je le laisse me guider sans rien dire. Je n'ai rien fait je le sais. Au moins ça m'apprendra pour l'avenir.
Il me mène dans le jardin, devant la porte d'entrée. Il me demande mon identité, et débute une discussion qui tourne en rond des minutes durant.

Le portail s'ouvre, et une jeune femme entre. Le garde baisse son arme et se met au garde à vous !
- Madame Von Elrich ! Cet homme a cherché à pénétrer dans votre demeure, il se tenait sur le muret. Il présent qu'il voulait juste regarder le jardin, il se nomme Emeric, et prétend être domestique de la Comtesse de Valis ! Voulez-vous que je le livre à la milice ?
Je fais des gros yeux, et je me frotte la nuque énergiquement en serrant mon panier contre mon torse.
- Je vous jure que je ne faisais rien de mal, je passais là pour me rendre au marché, vous savez ça fait pas longtemps que je suis domestique et j'ai pas l'habitude de ce quartier alors j'ai voulu admirer mais c'est tout... Dis-je d'une voix fébrile.

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Alienor & Emeric

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Il est de notoriété publique que les Von Elrich apprécient l'étalage tapageur d'opulence, à une époque aujourd'hui révolue il était commun de voir plusieurs banquets et autres festivités avoir lieu au sein de la demeure familiale. Par intérêt politique, le patriarche de la famille avait décidé d'acquérir une résidence permanente au sein de la cité et y passait le plus clair de l'année. Résidence qu'il prit par ailleurs le soin de rebâtir et qui est localisée dans la partie méridionale de l'ellipse insulaire de l'Esplanade, appartenant au secteur neuf intégré au noyau urbain. L'histoire de cette zone de la ville est étroitement liée à la proximité du Château du Roi. La richesse immobilière s'accompagne d'une importante occupation du secteur par des ecclésiastiques et par des nobles. L'édifice, de plan masse quadrangulaire en pierre de taille à l'élévation relativement sévère était égayée par des tourelles d'angle en encorbellement (échauguettes) et, au niveau des toitures, par une multiplicité de lucarnes à gâble et pinacles. Une monumentale baie brisée charretière accostée d'une porte piétonne harmonise l'ensemble. Au premier étage, un grand balcon décoré de riches feuillages surplombe les portes et un dais formé d'arcs polylobés. La demeure était précédée d'une cour
(séparée de la rue par un mur avec une porte cochère) et suivie d'un jardin parc sur sa façade postérieure.

Bien que la situation actuelle, rendait la vie précaire pour les petits et grands de ce monde. La Baronne ainsi que sa famille conservait une certaine fierté d'avoir pour habitation cet ingénieux alliage de faste et de praticité. Cette dernière avait passé la matinée auprès d'un cercle de connaissances à jouer aux cartes et à converser sur les dernières actualités de la ville, les sujets d'avant souvent légers et badins s'étaient transformés en des réflexions camouflant parfois maladroitement les craintes sur une nouvelle tragédie ; n'ayant plus le loisir de jouir en toute impunité d'un train de vie purement oisif. Alienor, prit congés de son hôte et jugea plus intéressant de consacrer son après midi à l'étude mais aussi à l'établissement de l'inventaire qu'a trainer davantage autour des tables de jeux, surtout qu'elle gagnait la plupart des parties ce qui n'était pas pour déplaire à sa bourse.

Aidée d'un valet en livrée, elle descendit de sa litière en prenant garde à ne pas froisser les pans de sa toilette, une robe vert agate près du corps avec de larges manches serrées aux épaules, parées d’une ceinture large et longue marquant la taille, se croisant dans le dos pour se nouer devant. Un long amigaut -fente sur le devant du vêtement en partant de l’encolure- bordé de galon or habillé la jupe, ses cheveux étaient étonnamment discipliné enchevêtrée dans un petit filet piqué de perles.

Traversant d'un pas aérien et assurée le petit chemin couvert de pierres plates menant aux doubles portes de chênes composant l'entrée, la Von Elrich remarqua avant que le garde ne prenne la parole la curieuse présence d'un homme qu'elle n'avait jamais rencontré sur la propriété, d'un signe de la main, les sourcils légèrement froncé comme à chaque fois qu'elle semblait interloqué ou étonné de quelque chose. Elle pressa l'homme d'expliquer la situation.

- Madame Von Elrich ! Cet homme a cherché à pénétrer dans votre demeure, il se tenait sur le muret. Il présente qu'il voulait juste regarder le jardin, il se nomme Emeric, et prétend être domestique de la Comtesse de Valis ! Voulez-vous que je le livre à la milice ?

L'intrus en question était un homme de taille et de constitution moyenne, le visage décharné par une vie vraisemblablement empreinte d'une certaine misère, il y'avait malgré ce que la rudesse de la vie avait entaché à ses traits un brin de candeur qui rappelle un jeune âge. Le teint blafard, les cheveux pouvant être mieux coiffés et les iris d'une étonnante couleur ambre, il dégageait une aura mélancolique presque tragique et fit des gros yeux à l'entente du garde et répondit avec une voix fébrile d’où on sentait pointer la sincérité, le panier serré contre son torse.

- Je vous jure que je ne faisais rien de mal, je passais là pour me rendre au marché, vous savez ça fait pas longtemps que je suis domestique et j'ai pas l'habitude de ce quartier alors j'ai voulu admirer mais c'est tout...

- Ah Misérable ! Comment oses-tu parler devant Madame sans qu'on t'en ai donné l'autorisation !

D'un geste las elle leva la main pour sommer au silence.

- J'imagine que ni ma mère ni mes frères ne sont présents, pour que vous vous soyez précipités vers moi alors que je rentre tout juste d'une visite ?

- Madame, je vous ai apporté ce gredin à la minute même ou je l'ai aperçu. Ni Madame votre honorable mère, ou Messieurs vos frères ne sont présents pour répondre de sa vie.

- Allons ne nous emportons point, je n'ai vraisemblablement ni l'envie ni l'énergie de traiter de la cause de ce petit chat errant.

Clairement il s'agissait d'un malentendu, l'habit du personnage trahissait son appartenance à la ménagerie d'une des demeures céans, et le malmener involontairement ou volontairement pourrait conduire à des tensions inutiles – se mettre la Comtesse de Valis à dos n'était certainement pas dans ses perspectives- les nobles ont cette sensibilité accrue en matière de fierté mal placé. Toutefois son mauvais caractère et sa nature taquine ne pouvait pas laisser passer une occasion de tourmenter quelque peu ce " petit chat errant "

" Faîtes le entrer dans la grande salle, je ne vais pas rester debout sous ce soleil à tergiverser et jauger de son honnêteté."

" Toute de suite, Madame ! ''

Prenant ses aises avant de s'installer sur l'une des banquettes de velours chichement garnis de coussins. La Dame détailla un instant son visiteur et pria le garde de rester à l'entrée de la pièce.

" Je vous demanderais de retourner vos poches et votre panier, je me doute bien que vous portez une arme sur vous. Posez-le ici, en gage de votre bonne volonté."

Une servante apporta une carafe et une coupe sur un plateau avant de disparaitre.

" Vous êtes conscient que je pourrais vous livrer à la milice et ne pas souffrir plus de cette interrogatoire ? Votre présumée maîtresse se trouverait probablement fort gênée de voir quelqu'un de sa maison en cellule…" Elle marqua une pause " Alors dîtes moi que ce qui m'empêcherait de dire à mon garde de vous traîner aux miliciens ? "

EPSILON

Je ne sais pas où poser mon regard lorsque la Maîtresse des lieux fait son apparition. Je serre juste le panier contre mon torse. Je me dis que mes vêtements lui prouveront que je dis vrai quant à mon appartenance à la domesticité de l'une des maisons voisines. Le garde en remet une couche.
La Dame prend la parole pour ordonner à ce que le jugement se fasse à l'intérieur. Je me contente de suivre, en me disant que ma nouvelle vie ne pouvait pas mieux débuter. Moi qui devait faire mes preuves, si jamais cette histoire fausse venait à se rependre, j'étais bon pour retrouver les nuits sous un pont des bas-fonds de la cité.
J'entre dans la demeure me faisant discret, j'observe l'opulent décors avec un émerveillement que j'essaye de faire le plus timide possible. La noble s'installe sur l'une des banquettes de la grande salle. Je reste debout et ravale ma salive avec un peu de rancoeur pour le garde qui vient de me mettre dans une galère pas possible.

Madame Von Elrich me demande de retourner mes poches et de montrer le contenu de mon panier. Evidemment, je n'ai rien à cacher alors je m'exécute sans un mot. J'ôte le tissu qui révèle un panier vide puisqu'il était destiné aux courses que je n'ai pas encore pu faire. Je pose le panier au sol avec délicatesse, et retourne en premier les poches de mon pantalon qui sont vides, puis les deux extérieurs de mon veston qui le sont aussi, et sort simplement un petit poignard, celui-là même que j'avais pris à un milicien mort il y a de cela quelques temps. Je le place sur la petite table qui se trouve devant la noble lui permettant de le confisquer. Je voulais même quelle le fasse pour détruire un dernier pan de mon passé.
- C'est tout ce que je possède Madame. Dis-je d'une voix basse et respectueuse, tandis qu'une servante s'approchait pour apporter une carafe et une coupe. J'écoute la Noble en gardant une posture naturelle et digne de mon nouveau rang. Elle avait raison, l'image pour Madame de Valis de savoir un de ses domestiques derrière les barreaux serait catastrophique. Une pensée qui m'accable. Je ne peux pas trahir sa confiance.

- Oui, je vous remercie mille fois de ne pas me livrer à la milice. Dis-je, je vous jure que je n'ai rien fait de mal. J'ai posé un pied sur le muret simplement pour regarder votre jardin, rien de plus. J'étais en route pour le marché, et je ne suis pas habitué à ce quartier. Vous savez je suis au service de la Comtesse de Valis depuis même pas une semaine, alors, toutes ces belles demeures, pour mes yeux... C'est juste formidable. Ajouté-je d'une voix qui perdait doucement en intensité. En effet, plus j'avance, et plus je pense à mon passé de mendiant. Voir toutes ces maisons c'est comme un rêve !
- Madame, je vous en prie, excusez-moi, je crois que je dois mon agissement à ma pauvre existence passée, je ne connais pas tout à fait les manières que je dois connaître. Sans doute je ne devais pas monter sur votre muret... Je suis désolé. Ma voix tremblait légèrement même si je reste toutefois dans un ton ordinaire.
Que puis-je dire d'autre ? Je ne sais pas. Comment me défendre ? Je disais la vérité. Mon regard transmet ma sincérité. Je fais pourtant attention à ce que mes yeux ne viennent pas se poser sur un endroit qui serait un manque de respect.

- J'ai fais une erreur... Mais je vous jure que je ne souhaitais rien faire de plus que regarder... Je ne suis pas fou pour commettre un acte qui me ferait perdre ce que le ciel m'a donné il y a peu. Ajouté-je sans savoir si je me défends maladroitement ou pas. J'essaye juste d'être sincère... Maintenant je n'attends plus que la sentence.

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" Ah, mon garde ne vous a donc point fouiller et vous a permit d'entrer dans mon salon armé. Décidément."

La Baronne voyait dans l'incident du jour, un désagrément ennuyeux qu'elle souhaitait régler promptement, aussi à peine le jeune homme se délestant du poignard qu'il déposa sur la petite table en bois de chêne vernis disposé entre eux deux. Elle feigna l'oreille distraite, afin de déstabiliser le dénommé Emeric, tout en se saisissant de l'arme qu'elle fit miroiter sous les rayons clairs inondant la salle seigneuriale voutée en lambris.

Alienor nota en fine observatrice, la posture digne et droite du jeune homme mais aussi le tremblement de voix et les excuses qui se confondaient dans un mélange de sincérité et d'inquiétude. L'empathie de la jeune femme l'emportait bien souvent sur son caractère colérique et foncièrement espiègle, une empathie qui pourrait même être qualifié de naiveté. Il lui suffisait d'un coup d'œil sur un démuni ( faux mendiant ou non ) pour que son cœur flanche et ce même si la lucidité de son esprit lui faisait souligner la possibilité d'imposture ou de mensonges.

" J'en conclus que vous trouvez ma demeure plus attrayante et impressionnante que celle de mes voisins ou de même de Madame de Valis, si vous avez été tenter de vous hisser sur le muret pour l'observer de plus près ? " C'était un piège tendu, mais les choses seraient trop simples et bien trop insipides si elle se contentait d'un simple pardon expéditif.

Encrant son regard tumultueux et ombragé dans celui étonnant d'Emeric, elle continua de le tirailler " Ainsi vous êtes entré en service il y'a de cela une semaine ? Vous servez l'un des grands noms de la ville, mais vous ne semblez ne savoir comment vous comporter, ni savoir comment vous adresser a des gens de haute naissance. Pouvez-vous m'expliquer comment vous a-t-on engagé ? Les serviteurs rattachés à mon nom, ont passés un examen des plus ardues par le maître de maison. Justement pour éviter pareil désagrément … " Déposant le poignard à sa droite, elle se saisit de sa coupe afin d'humecter ses lèvres et désaltérer sa soif.

" Il faut que vous sachiez quand tout en temps vous êtes un représentant du nom et de la famille que vous servez, vos indiscrétions et vos mauvais trépas retomberont sur vos seigneurs, tout comme leurs réputations et leurs agissements peuvent faire de vous un sujet de critique par les gens de votre situation."

D'un mouvement souple, elle se redressa à la manière d'une chatte et se mit à marcher autour de son captif. " Madame de Valis vous trouve-t-elle peut être à son goût ... ? Quelles fonctions occupez-vous, dîtes moi ? "

EPSILON

Mon coeur se met à palpiter lorsque la baronne exprime une raison pour laquelle j'aurais regardé par dessus le muret pour contempler le jardin. Je ravale ma salive encore une fois en me frottant la gorge doucement. Je balbutie, je bafouille. J'essaye de garder une certaine allure.
- Tout est si magnifique Madame, votre demeure est différente de celle de ma Maîtresse, tout fait naître des étoiles dans mes yeux dans ce quartier... Répliqué-je pour dire que j'apprécie juste les merveilleux jardins, sans être obligé de fournir un classement.

Je sens son regard, je ne baisse les yeux que de la bonne manière, comme m'avait enseigné Alice. Tout est si nouveaux. Je commence à sentir le changement, l'exigence et tout ce qui touche à mon habit. Je dois apprendre, et vite sous peine de tout perdre. D'ailleurs, je ne sais même pas si je mérite cette chance. Les paroles de la noble me demandant comment j'ai fait pour obtenir ma place, et sa façon de faire viennent gifler mon orgueil, une gifle contre laquelle je ne peux rien, comment puis-je dire le contraire ? Elle a raison je le sais. La logique veut qu'une telle personne s'entoure de serviteurs tout à fait prêt à cela, et avec un passé ordinaire. Pourquoi moi ? Pourquoi Madame de Valis me fit cette proposition ? Par pitié ? Mon visage prend la forme de la tristesse, et cette fois ma tête se baisse un peu plus que de raison.
- Je me nomme Emeric, je vivais dans la rue, je mendiais, un jour, on m'a tabassé et laissé pour mort. Je me suis réveillé chez Madame de Valis... Et sans que je sache pourquoi, elle m'a proposé de travailler pour elle. Comment aurais-je pu refuser ? Je sais que je ne suis pas digne de la servir...Mais je suis motivé ! J'apprends tous les jours, hélas, je fais aussi des erreurs. Dis-je en exprimant dans ma voix une grande détermination qui se mêlait avec le tremblement.

Je regarde le poignard, adieu vestige du passé !
Le silence, je me sens mal à l'aise, mais je lutte. Elle se lève et tourne autour de moi. Sa supposition m'effraye. Madame de Valis ? Attirée par moi ? Impossible. Pourtant une telle idée m'offre un vertige agréable. Ce serait complètement fou. Cela ne se peut pas, elle est si merveilleuse, et d'un sang supérieur. Mes yeux grossissent, surpris par cette hypothèse. La chaleur monte à mes tempes.
- Je m'occupe de faire les courses, et des petites tâches toutes simples, comme l'entretien du sol, des meubles, pour l'instant je ne suis pas encore prêt pour être montré en présence d'autres nobles, répondis-je en cherchant à oublier ce qu'elle venait de dire.
La panier est la preuve que je dis vrai.

Je ne bouge pas, j'essaye d'apaiser mon souffle et de me calmer.
Désormais, tout dépendait de son jugement, je ne peux rien dire de plus, j'ai parlé franchement. Je ne peux que prier le ciel pour qu'elle fasse le bon choix. Alors j'attends sa décision, en fouillant dans ma mémoire ce que je dois ramener au manoir. Avec cette histoire, j'espère que je ne vais rien oublier... Enfin, si j'arrive à aller jusqu'au marché, mais si je me sors de ce quiproquo sans conséquence, je fais le serment de ne plus jamais rien regarder ! C'est vraiment un autre monde.

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Le débat s'éternisait inutilement, du moins aux yeux de la baronne qui soumise à de rudes périodes d'insomnies était sujette à une irritabilité et une irascibilité croissante la rendant tout bonnement imprévisible. Lassée de rôder autour du petit chat de gouttière, elle reprit place sur sa banquette dans un même mouvement de souplesse et de grâce, même le petit tourment qu'elle voulu lui infliger ne lui procura pas de plaisir ou de satisfaction tant il se confondait en commentaires volatiles et neutres.

" Oui je pense avoir compris que tout est très beau, très riche et que vous êtres impressionnable."

Alienor n'était pas une tendre, certes elle était pourvue d'une certaine empathie mais cela ne contrebalançait pas le côté fier et vaniteux d'une noble née et choyée dans un monde ou la naissance est le point décisif du futur de tout à chacun. Aussi elle ne se priva guère d'arborer un ton catégorique et ferme, elle n'était pas dans un salon pour faire étalage de coquetterie et de charme, et elle n'était certainement pas comme la Comtesse de Valis a aimé recueillir les malheureux.

" Si vous voulez un conseil de ma part, Jeune Homme nul besoin d'étaler votre passé ou votre historique aux yeux et à l'ouïe de quiconque. Vous allez soulever des questionnements compte à votre employeur, comme je l'ai mentionné tantôt chose qui à en croire vos joues pivoines vous trouble, me trompe-je ? "

Elle marqua un temps de pause en posant un regard qui se voulu inquisiteur sur le visage d'Emeric

" Du reste personne ne vous plaindra aussi triste et tragique votre vie fut-elle, n'inspirez jamais la pitié, soyez fier, fier comme la maison que vous servez. Vous semblez plein d'entrain et désireux d'apprendre, espérons que cela vous restera jusqu'au bout."

Puis d'un air un peu plus taquin elle commenta plus pour elle-même

" Au moins, vous n'allez pas vous retourner contre votre maîtresse vu que vous lui devez tant. Enfin en théorie."

Se saisissant de l'arme qu'elle avait laissé trôner sur ladite banquette, elle continua de l'inspecter en laissant planer un nouveau silence. Cela ne dura pas plus que quelques instants.

" Filez, Je n'ai que faire du petit chat errant de Madame de Valis, aussi présentez lui mes hommages." Elle pointa avec l'arme les lourdes doubles portes en chêne.

EPSILON

Je reste immobile. A vrai dire, c'est un moment guère appréciable. Au moins, ça me servira de leçon, maintenant, je tracerai mon chemin pour éviter qu'un garde ne vienne me chercher des soucis. Car sur ce coup, c'était le cas. Je n'ai rien fait de mal. Bref, je garde aussi le silence. J'écoute la Baronne. Je prends les paroles comme elles me viennent. J'agite simplement la tête pour exprimer que je comprends ce qu'elle me dit.
Que faire de plus ? Son regard me scrute, je le sens, je n'ose pas la regarder, je crains le mauvais geste, le mauvais mot qui m'accuserait de manque de respect. Je ne peux pas me le permettre.

Je ravale ma saline, mes cheveux commencent à coller ma peau sur les tempes, la chaleur est toujours aussi intense. Je commence à comprendre... Par ici, par les beaux quartiers, ma situation est tout bonnement celle d'une ombre. Mon regard se trouble. Mon coeur s'emballe. Ma liberté, je sais que je l'ai perdu à moitié. Mais je ne peux que l'accepter, le destin est plus triste ailleurs, même libre.

Puis, comme elle me le dit, je ne peux qu'être reconnaissant envers Madame de Valis. Il ne peut pas en être autrement, c'est pour ça que je suis déterminé à travailler dur pour la satisfaire et ce, jours et nuits ! Hors de question de la décevoir. Et je me moque bien de savoir les raisons de son geste vis à vis d'un type comme moi, destiné à crever dans un caniveau.
Je lève légèrement les yeux, juste pour voir le poignard que la Baronne tient dans sa main. Qu'elle le garde. Elle me désigne la porte ! Comme ça.

J'attrape d'une main ferme le panier en osier, j'y pose ensuite la seconde main. Je fais un pas, un second, je m'arrête.
- Madame...Est-ce que ? Est-ce que vous garderez secret cette histoire ? Avais-je envie de dire, mais quelque chose m'en empêchait.
Je me retourne pour lui faire face, et j'incline mon buste comme on me l'avait enseigné.
- Merci beaucoup ! Merci infiniment ! Dis-je avant d'ouvrir dans un geste discret la porte où m'attendait le garde. Celui-ci jouait avec son arme, mais avec la porte ouverte, il cessa et reprit une allure correcte mais je sens qu'il me regarde avec une espèce de déception quant à mon sort ! Je n'en fais rien. Je connais le chemin.

Lorsque j'arrive dans le jardin, je souffle. Quelle histoire ! Je me frotte la tête en me promettant que c'est la première et dernière fois que cela m'arrive. Je réajuste mon foulard bleu indigo, expression de mon appartenance à la domesticité de la Comtesse, et j'avance... On m'ouvre le portail. Je sens comme une délivrance.
Je me mets à regarder le ciel en respirant profondément.
Direction le marché !

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" Madame."

Jeanne était une trentenaire à l'embonpoint de nourrice, aux bras rouges, au fichu blanc et au visage d'une chaude couleur d'ambre nuancée par des veines rouges, la peau luisante sans sécheresse, douce sans moiteur. Attachée à la résidence citadine de la famille, elle avait toujours porté une affection toute particulière pour l'espiègle petite fille pas plus haute que trois pommes qui chapardaient les viennoiseries à peine sortis du four et qui aujourd'hui aimait à descendre en cuisine et y observer telle une maîtresse de maison toute affairée à la bonne préparation d'un quelconque banquet, les différents mets que l'on prépara et ce même si le menu proposé s'était drastiquement amoindri en vu du peu de victuailles disponibles.

" Tu donneras ceci à ce prénommé Emeric. Tu le chargeras d'effectuer ces emplettes et qui les apportent avant la fin d'après-midi. Je te laisse le soin en outre de lui expliquer que par égard à ma … Mmh disons clémence ? Il a une petite dette."

" Bien Madame."

" Oh ! N'oublie pas d'envoyer Nathaniel avec lui." La jeune baronne se releva dans un mouvement empreint d'une certaine lassitude et déposa l'arme confisquée ainsi qu'un papier sur une table avant de vaquer aux activités initiales ayant animées son besoin prompt de revenir vers sa demeure.

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Alors que le portail s'ouvrit dans un bruit sourd, le garde ayant accompagné l'intrus se permettait une dernière remarque sur un ton de remontrance.

" Que je ne te revoie plus traîner ici et que je ne t'attrape plus à faire du voyeurisme et escalader les murs de la propriété."

" Emeric c'est cela ? Vous avez un billet. "

Jeanne en compagnie de Nathaniel tendit à son interlocuteur le papier confié par sa maîtresse avant de continuer sur un ton égal d'une tranquillité simple et sans équivoque.

"Vous vous chargerez de quelques emplettes pour Madame, étant donnée qu'elle vous a évité le scandale ce n'est que peu de choses. Aussi Nathaniel que voici vous assistera, nous ne voulons pas que vous filez dans la nature, étant donné que nous ne vous connaissons pas réellement."

Elle désigna, l'homme à ses côtés. Il avait les épaules larges, le buste bien développé, les muscles apparents, des mains épaisses, carrées et fortement marquées aux phalanges par des bouquets de poils touffus et d'un blond cendré. Sa figure, rayée par des rides prématurées, offrait des signes de dureté que démentaient ses manières souples et liantes.

EPSILON