Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor]

Sujet: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Mar 15 Sep 2020 - 2:10

11 octobre 1166

« Je suis navrée, Mademoiselle d'Auvray... Madame de Châteauvert a dû s'absenter. Elle m'a cependant spécifié qu'elle serait de retour sous peu et m'a demandé de vous faire patienter dans le petit salon. Et elle vous présente ses plus plates excuses. »

Violette, la domestique, offrit un sourire embarrassé à la noble. Madame de Châteauvert ne lui avait pas demandé de s'excuser en son nom, mais elle avait tout de même pris l'habitude de le faire, car ses absences spontanées, ses oublis et ses retards étaient nombreux, trop pour être ignorés. La jeune femme, épouse d'un riche natif de Marbrume, était connue pour son caractère fantasque, son imagination débordante et ses idées grandiloquentes. Plus personne n'était surpris de la voir débarquer à l'improviste quelque part ou de la croiser dans les rues de Marbrume arborant une tenue singulière. Et plus personne n'était non plus étonné de devoir l'attendre, même si, cette fois-ci, Idalie aurait bien aimé que son hôtesse soit à l'heure.

« Ces excuses ne sont évidemment pas nécessaires, personne n'est à l'abri d'un contretemps », répondit malgré tout la cadette de la famille d'Auvray.

Idalie afficha un sourire compréhensif, puis suivit sagement la domestique, qui la mena jusqu'à un confortable boudoir. Prenant place sur l'un des moelleux fauteuils mis à sa disposition, elle soupira légèrement une fois la servante partie. Elle espéra ne pas perdre trop de temps à patienter, car elle avait une journée chargée devant elle. Le mariage arrivant à grands pas, elle avait une panoplie de détails à régler. Et la liste de choses à faire semblait toujours s'allonger plutôt que diminuer. Comment était-ce possible alors qu'elle travaillait ainsi d'arrache-pied à tout organiser?

Peu importe, il lui fallait pour le moment remettre les préparatifs à plus tard. Madame de Châteauvert l'avait invitée à partager un déjeuner léger et une infusion afin de discuter de l'organisation potentielle d'une soirée au Bonheur des âmes. C'était assurément là une occasion d'affaires à ne pas rater – la noble avait certains moyens, après tout – et Idalie n'avait pu refuser la rencontre. Elle avait même pris sur elle-même pour ne pas réagir trop fortement en entendant madame de Châteauvert préciser qu'elle voulait converser avec elle et non pas avec la comtesse de Pessan, qui lui faisait penser à une « statue de glace capable de pétrifier le monde entier d'un seul regard ». Apolline n'était pas la personne la plus chaleureuse du royaume, mais tout de même...

Lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir, Idalie se leva doucement et défit d'une main experte les plis sa robe. Avançant de deux pas, elle se para d'un sourire aimable, sourire qui se figea quelque peu lorsqu'une silhouette inattendue se dessina dans l'embrasure de la porte : celle du comte Victor de Rougelac. Idalie jeta un coup d'œil à la domestique, qui semblait maintenant avoir envie de disparaître six pieds sous terre. Madame de Châteauvert faisait désormais attendre non pas une, mais deux personnes.

« Je... Si vous voulez bien patienter avec Mademoiselle d'Auvray, Monsieur le Comte, balbutia Violette. Je vais aller... vous chercher de quoi vous restaurer... »

Sur ces mots, la domestique s'éclipsa, laissant les deux nobles seuls. Un bref silence plana, puis Idalie se ressaisit et salua le comte avec les égards requis par son rang.

« Monsieur le Comte, dit-elle courtoisement. J'admets que je ne m'attendais pas à vous croiser en ces lieux. »

Madame de Châteauvert avait-elle invité le comte de Rougelac afin qu'il discute avec elles de cette soirée? Était-il impliqué et, si oui, pourquoi ne l'avait-elle pas mentionné? La noble avait-elle simplement programmé deux rendez-vous au même moment sans s'en rendre compte? Avait-elle d'autres plans en tête?

Dans tous les cas, ils étaient vraisemblablement coincés un moment ensemble, la bienséance ne leur permettant pas de quitter ce manoir sans un minimum d'attente. Merveilleux...

« Madame de Châteauvert aurait-elle omis de me mentionner que vous participerez à nos discussions? », demanda Idalie pour tirer immédiatement les choses au clair.

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Mar 15 Sep 2020 - 13:00

"La jeune femme, épouse d'un riche natif de Marbrume, était connue pour son caractère fantasque, son imagination débordante et ses idées grandiloquentes"

Voilà comment l'on pouvait définir le personnage, de manière exhaustive, de la Dame de Châteauvert. Loin d'être une intrigante de la Haute, sa popularité se démarquait pourtant sur l'Esplanade par cette personnalité atypique. On lui valait des soirées mémorables avec tout le gratin de la Bonne Société et ce n'était pas surprenant de savoir que le Comte de Rougelac se plaisait à la fréquenter et la compter parmi ces amis, au sens large du terme. Certains y verrons de l'opportunisme, d'autres des intérêts convergents et pour certains de surréalistes fantasmes d'une liaison extra-conjugale. Mais, tout ceci n'était que pure spéculation, rien ni personne n'aurait su démêler le vrai du faux. Seulement, une chose était certaine, les deux personnages s'appréciaient. Victor ne tarissait pas d'éloges sur l'esprit grandiloquent de la Dame et il n'était pas rare qu'ils s'associent dans certaines œuvres où leur nom respectif pouvait être mit en avant.

Sensible à cette créativité débordante, le Comte avait donc volontiers accepter l'invitation de Madame de Châteauvert pour un déjeuner léger en ce jour automnal. Un déjeuner informel en compagnie d'une personne que Victor connaissait et avait côtoyer pour le meilleur et surtout pour le pire : Idalie d'uvray. Contrairement à cette dernière, Rougelac était au fait de sa présence et en pénétrant dans le manoir de son hôte, le quadragénaire n'tait pas plus surprit que cela d'être averti du retard de la riche mondaine. Paré de riche atours, comme cela lui avait grandement manqué depuis son retour de son expédition à Ventfroid il y a de cela deux semaines déjà, Victor fut conduit dans le boudoir déjà occupé par l'associée de la Comtesse de Pessan.

Devant le mal aise de la servante, l'homme de bonne famille pivota son buste vers l'intérieur de la pièce pour en admirer la présence toute décontenancé de la cadette de la Maison d'Auvray qui ne s'attendait évidemment pas en sa présence. Que ne fut pas sa délectation de voir ce sourire affiché de convenance se figer soudainement. Cela faisait parti de certain plaisir de la vie de l’intrigant mondain qui pourtant s'interdit de plonger plus encore la demoiselle dans l'embaras, la laissant reprendre sa contenance dû à son rang. Victor se rapprocha alors de la jeune femme, la laissant volontiers s'exprimer avant de s'exécuter à une parfaite révérence, relevant finalement le menton pour la fixer de ce regard azur plein de paradoxe. Esquissant son "légendaire" sourire à la commissure de ses lèvres, le Gouverneur de Sombrebois allait pouvoir profiter d'un tête à tête qui n'était surement pas au gout de la jeune femme ce qui rendait le contexte plus "attrayant" encore.

- Mademoiselle d'Auvray. répondit-il avoir la même bienséance. Où donc auriez-vous pu vous attendre à me croiser ? J'en serais fort curieux. Dit-il taquin.

D'un geste de la main, le Comte de Rougelac invita la donzelle à se rasseoir.

- Ne vous donnez point toute cette peine. Regagnez votre assise, Madame de Châteauvert est coutumière de faire attendre ces invités. Elle n'a pas son pareil pour soigner sa toilette.

Annonça-t-il avec une certaine légèreté qui pouvait laisser planer quelques doutes et insinuations. Victor avait-il jamais goûter les tissus frivoles de la riche épouse d'un notable natif de Marbrume ? Il ne se gênait pas de laisser planer quelques doutes à huit clos dans l'unique but de tourmenter l'esprit de cette future mariée. Ajustant alors les plis de sa riche tunique surmontée d'un gilet marron à bouton, le Comte s'exécuta à quelques pas en direction de la sang bleu qui semblait prompte à obtenir quelques éclaircissements.

- Pardonnez-lui en effet ce léger oubli. Je suis ici présent, en qualité de bon conseiller. Il n'est pas rare qu'elle me sollicite à cet effet. Après tout, nous partageons quelques affinités communes. Je ne doute point que cela ne vous incommode d'aucune sorte ? Il serait fâcheux déplaire à cette si généreuse et fortunée Dame de Châteauvert. Je lui ai d'ailleurs, chaudement recommandé votre établissement.

Rajouta-t-il avant de détailler la silhouette d'Idalie de la tête au pied sans aucune forme de procès.

- Mais dite-moi, l'usage ne réclame-t-il pas de demander des nouvelles de son interlocuteur ? Je vais pour ma part, me plier à cette bienséance qui nous démarque du commun des mortels. Comment vous portez-vous, très... chère ?

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Mar 15 Sep 2020 - 23:47

On disait bien des choses de Victor de Rougelac. Il était de ces hommes qui ne laissaient personne indifférent, de qui l'on pouvait parler sans jamais l'avoir rencontré. Malgré tout, même si sa réputation le précédait, il demeurait énigmatique – sans doute était-ce parce qu'il était impossible de réellement savoir ce qui se tramait dans l'esprit de cet homme ou encore ce qui se cachait derrière son sourire.

Lorsqu'elle l'avait rencontré lors d'une soirée mondaine, en juillet dernier, Idalie s'était montrée prudente, mais ouverte d'esprit. Elle avait tendance à ne pas juger ses pairs et à leur laisser la chance de montrer leurs bons côtés, car elle était convaincue que tout être humain avait en lui une part de bonté. Le comte de Rougelac n'était pas différent. D'ailleurs, ils avaient entretenu des conversations très intéressantes et il lui avait même confié certaines de ses pensées. Elle avait passé à un moment jusqu'à se qu'il s'ose à certains gestes irrespectueux et déplacés, voire terriblement obscènes. Des gestes de trop qui auraient valu au comte un duel avec le sergent d'Auvray si la cadette de la famille avait décidé de les rapporter.

Idalie avait beaucoup réfléchi à cette rencontre. Victor de Rougelac était connu pour être un fin manipulateur et un menteur de première classe... S'était-il tout simplement joué d'elle au cours de cette soirée? Avait-il menti sur ses intentions afin de nourrir ses propres intérêts d'une quelconque façon? Elle n'avait pas su obtenir de véritable réponse à cette question, mais le souvenir des mains du comte qui l'effleurant dans des gestes provocateurs continuait d'aviver une forme de colère contenue en elle. La même qu'elle sentait ressurgir tandis que le noble s'amusait à présent à laisser planer mille et un sous-entendus.

« Assurément pas en des lieux où je croyais être en l'unique compagnie d'une dame », répondit Idalie à la question du comte.

Sourire aimable sur les lèvres, Idalie ne releva pas le commentaire de son interlocuteur concernant la toilette de la maîtresse des lieux. Madame de Châteauvert partageait-elle la couche du veuf? Peut-être bien. C'était l'une des nombreuses rumeurs qui couraient à son sujet, après tout. Néanmoins, Idalie n'entendait pas vérifier la véracité de ces propos.

Si Victor l'avait invitée à se rasseoir, Idalie n'en fit pour le moment rien, restant debout devant lui, les mains sagement croisées devant elle. Le gouverneur de Sombrebois s'approchait d'elle et elle ne souhaitait pas se mettre volontairement en position de vulnérabilité devant lui, ayant bien vu ce qui pouvait se produire lorsqu'elle baissait sa garde. C'était sans compter qu'il se plaisait désormais à la détailler de la tête aux pieds, comme si son regard miel n'était pas posé droit dans le sien. Un prédateur jaugeant sa proie. Une tension s'installa dans les épaules de la jeune femme.

« Pardonnez-moi, je m'attendais à voir madame de Châteauvert et ai été brièvement prise de court, s'excusa-t-elle lorsque le comte lui reprocha moqueusement ses manquements en matière de bienséance. Je n'ai nul désir de déplaire à notre hôtesse, évidemment. Je vous en prie, conseillez-la à l'envi. »

Le comte de Rougelac avait été invité. Il faudrait faire avec, en espérant que la dame ne les ferait pas poireauter trop longtemps. Même si la domestique, Violette, était dans le manoir, Idalie n'aimait pas être seule en compagnie de Victor. Il était imprévisible.

« Je me porte bien, je vous remercie de vous en informer, enchaîna-t-elle. J'ai fort à faire, alors j'ai l'impression que les jours filent à une vitesse effarante. J'imagine que ce sentiment ne vous est pas étranger, vous qui faites connaître votre nom aux quatre coins du royaume. Ne revenez-vous pas de Ventfroid, d'ailleurs? Comment cette expédition s'est-elle déroulée? »

Idalie soutint le regard de Victor, puis lui désigna à son tour un fauteuil plus loin.

« Asseyez-vous. »

L'invitation aurait tout eu d'un ordre si, un sourire bienveillant sur les lèvres, elle n'avait pas ajouté :

« Je ne saurais profiter de ce confort sans que vous en fassiez de même, et je me doute que vos aventures sont de celles que l'on préfère écouter bien installé. »

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Mer 16 Sep 2020 - 10:00

Le sourire aimable s'affichant sur les lèvres de la demoiselle n'avait rien de sincère après qu'elle eut rétorqué à la réplique acide du Comte de Rougelac. Comme il s'y était attendue, sa noble interlocutrice luttait intérieurement pour garder un semblant de dignité dû à son rang malgré que l'atmosphère dans le boudoir se faisant lourde et pesante. Peut désireux de commettre les mêmes erreurs du passé, Victor s'interdit une trop proche proximité, maintenant une distance de circonstance alors qu'Idalie se refusait pour l'heure à se rasseoir.

Une réaction somme toute normale si l'on se souvenait de leur dernier face à face. La prudence était de mise mais très vite, face au reproche du mondain, la demoiselle d'Auvray se formula en excuses, acceptant de fait la présence indésirable du Comte de Rougelac qui semblait tenir le rôle de conseiller auprès de Madame de Châteauvert. Chemin faisant, l'insolite duo ne put qu'occuper le temps à deviser avec courtoisie en attendant leur hôte, une manière pour Victor de prendre la température d'une relation qui n'était jusqu'alors nullement au beau fixe. Les deux sang-bleu se soutenait si regard avant que le quadragénaire concède un premier effort en rejoignant le fauteuil que lui avait indiqué d'une main la frêle silhouette de la future épouse du Comte de Beauharnais. Un geste désintéressé ? Pas si certain que cela, mais il obtempéra, croisant les jambes.

- Prenez place, en ce cas.

Sur ces entremets, le Comte feigna un soudain désintérêt pour la jeune femme, contemplant la décoration fort chaleureuse de la pièce avant de servir à Idalie un sourire tout aussi faussement chaleureux qu'elle lui avait adressé.

- Je partage en effet ce sentiment. Mais ne dit on pas que les voyages forgent la jeunesse ? Ventfroid est un lieu fort accueillant. Dit-il sur le ton de l'ironie avant de rouler un regard sur la silhouette de la jeune femme. Il y a bien des façons d'apprécier mes récits, mademoiselle d'Auvray, le principal étant d'être attentif et réceptif... le confort peut se mesurer par bien des manières.

Allongeant ses avant bras le longs des accoudoirs, le Comte cherchait à entretenir une forme de contrôle, l'ascendance toute mesurée soit elle sur la personne de la demoiselle d'Auvray, laissant à chacune de ses répliques cet étrange arrière-goût de sous entendu lubrique sans que cela ne puisse être réellement comprit de la sorte.

- Pour vous répondre, j'imagine que si je suis présent aujourd'hui face à vous, c'est bien que cette fameuse expédition c'est fort bien déroulée me concernant. Dit-il sur un ton piquant avant de reprendre son sérieux. Mais soyons honnête, Ventfroid est une terre hostile depuis la disparition du couple seigneuriale. Le Vicomte de Terresang est rester sur place, puis-je espérer qu'il en revienne sein et sauf également. Mais je crois qu'il est bien trop tôt pour vous affirmer que nous serions en mesure de reprendre ce fief.

Il jaugea un instant son interlocutrice avant de la darder d'un regard taquin, faignant l'ignorance.

- Mais dite moi, je me suis si souvent absenter de la capitale ces dernier mois que je m'en trouve fort ignorant de votre situation. Vous dites avoir fort à faire en ce moment, quelles affaires vous retiennent donc à ce point ?

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Jeu 17 Sep 2020 - 0:36

Si Idalie fut soulagée de voir le comte de Rougelac obtempérer à sa demande et s'asseoir plus loin, elle se garda bien de le montrer, se contentant de reprendre place dans son propre fauteuil. Bien que toujours sur ses gardes, elle continua d'observer son vis-à-vis calmement. Ce dernier semblait être d'humeur piquante, saisissant toutes les occasions possibles pour tourner ses propos en ridicule, voire de les retourner carrément contre elle, non sans glisser quelques sous-entendus malvenus dans ses réponses.

Avisant le regard lourd de sens que Victor posait sur elle, Idalie sentit la tension de ses épaules se propager dans le reste de son corps. Que lui voulait-il, exactement? Pour quelles raisons avait-il accepté l'invitation de madame de Châteauvert au vu des derniers événements? L'absence inopinée de la maîtresse des lieux était-elle un stratagème orchestré par le comte de Rougelac pour... pour... pour quoi, en fait? Même en étudiant le visage du mondain avec attention, Idalie n'y trouvait aucune réponse.

« C'est en effet une entreprise audacieuse, commenta-t-elle aux dires que comte à propos de Ventfroid. Puissent les Trois veiller sur Alexandre de Terresang comme ils ont assurément veillé sur vous. »

La noble n'ajouta rien, son interlocuteur préférant de toute manière la questionner sur ce qui la tenait si occupée ces dernières semaines. Elle le fixa, le sourcil très légèrement arqué, subtil signe qu'elle n'était pas aussi naïve qu'il pouvait peut-être le croire, qu'elle n'achetait pas cette ignorance qu'il s'amusait à feindre. Il voulait sans doute l'entendre lui annoncer à voix haute qu'elle épouserait bientôt le comte d'Aymeric de Beauharnais, d'autant plus qu'il n'avait volontairement pas reçu d'invitation pour assister à cet événement assez important pour attirer le Bailli en personne ainsi qu'une foule d'autres notables. Aymeric avait été clair : les Sombrebois et Rougelac n'étaient pas les bienvenus. Aussi s'était-elle volontiers pliée à ses désirs, n'ayant pas non plus particulièrement envie de se retrouver face à face avec Hector ou le comte de Rougelac pendant ses épousailles.

« Ma foi, comme vous le savez probablement fort bien... ouvrir un établissement n'est pas de tout repos, dit-elle en laissant un instant sa phrase en suspens pour ménager son effet de surprise. Les rénovations, la décoration, la formation du personnel, l'organisation de l'ouverture, la gestion quotidienne... Tout cela demande un temps considérable... »

Discrète comme une souris, la domestique entra dans le boudoir et déposa sur la table basse un choix d'infusions pour les invités de sa maîtresse, leur laissant également quelques biscuits fins comme l'avait demandé madame de Châteauvert avant de s'absenter. Idalie pivota vers la jeune femme et lui sourit chaleureusement pour la remercier, puis reposa son attention sur le mondain.

« ...en particulier lorsque l'on se rend assidûment au temple, que l'on tient une maison et que l'on s'occupe d'autres préparatifs... divers. »

Idalie regarda un instant Victor, choisissant d'entrer dans son jeu selon ses propres règles, puis jeta un coup d'œil aux infusions apportées. Elle ouvrit un petit contenant de verre pour en humer le parfum, puis poursuivit :

« Je me demande d'ailleurs comment vous faites. Dormez-vous, parfois, Monsieur le Comte? Vous semblez être partout à la fois. »

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Jeu 17 Sep 2020 - 8:25

La jeune femme n'était pas aussi oisive que sa frêle silhouette pouvait le faire croire. Mais, de l'avis du Comte, elle manquait d'exercice dans l'art de l'intrigue. Sans doute n'était-elle pas dupe quant aux intentions du Comte de lui faire avouer les prochaines réjouissances prévues au cœur même du Labret : son mariage avec ce singulier Aymeric de Beauharnais. Pourquoi d'ailleurs, Idalie s'efforçait-elle de nier, d'omettre ce sujet ? Se serait-elle coupable, honteuse ? Le Comte de Rougelac n'aurait su le dire. La sang-bleu préféra se justifier en mettant en avant sa participation active à la gérance du "`Au bonheur des âmes".

Pourtant, ses relégations n'emportèrent nullement de surprise ni même le moindre crédit à l'endroit du mondain. La raison en était simple, pas plus tard qu'il y a une dizaine de jours, le soir même de son retour d'expédition, l'homme avait foulé le parquet de ce nouvel établissement de jeu. Se frottant alors le menton perplexe, il s'interdit toute réaction lorsque le huit clos fût brisé par l'irruption de la domestique de Madame de Châteauvert. Arborant un aimable sourire qu'il adressa à la servante, il l'interpella avant qu'elle ne disparaisse.

- Puisse Madame de Châteauvert ne point nous faire languir trop longtemps. Je suis curieux néanmoins d'apprécier sa toilette, comme à l'habitude.

Puis lorsque la porte de referma, il replongea son azur sur la jeune femme qui était assise face à elle, glissant ses coudes sur les accoudoir avant de joindre ses mains sous son menton.

- La gestion du quotidien dites-vous ? C'est étrange mais... j'ai cru comprendre que votre associée se chargeait de ce fardeau. N'ai-je pas eu la joie de vous croiser lors de ma toute récente visite. Pour le reste, j'en conviens, vous êtes une fervente disciple des Trois et cela vous honore.

Le mondain ne toucha pas aux douceurs apportées par la suite de la riche femme de notable, préférant concentrer toute son attention sur la demoiselle d'Auvray avant de renchérir.

- Si je pouvais effectivement être partout à la fois ! Hélas je ne suis qu'un pauvre mortel. Mais, comme votre bonne amie, Madame de Pessan, j'ai mes oiseaux et ils m'informent de nombreux faits notoire dans notre royaume.

Il marqua une pause, plissant le regard qui s'en trouvait un zeste inquisiteur.

- Dormir est une perte de temps lorsqu'on sait l'importance de ce dernier. Le secret de la longévité, n'est-elle pas d'avoir une vie bien active ? Mes jeux sont complexe et requièrent une attention toute particulière d'où ce sentiment que vous avez de me croire partout et nul part en même temps. Et... il y a à certaines pratiques que des novices devraient se garder d'essayer.

Était-ce bien une menace à peine voilée quant aux non dits de la demoiselle d'Auvray. Un avertissement peut-être ? Qu'importe, elle souhaitait le défier, elle ne serait pas déçu du voyage.

- L'on dit que les hommes et femmes de Foi sont marqués d'un sincérité à toute épreuve, est-ce seulement une légende ? Vous êtes la mieux placée pour m'éclairer sur ce sujet.

Serait-ce suffisant pour délier la langue de la noble demoiselle ? Rien n'était moins certain.

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Ven 18 Sep 2020 - 0:23

« C'est en effet étrange, car mon associée et moi nous partageons bel et bien cette tâche, répondit Idalie à la remarque de Victor. Malgré mon absence, je n'ai aucun doute que ma partenaire vous a fort bien accueilli. La comtesse de Pessan est une femme au goût impeccable. »

Le mondain poursuivit, mentionnant ses oiseaux qui, comme ceux d'Apolline, le tenaient informé des événements qui rythmaient la vie à Marbrume. Idalie leva le regard sur lui tandis qu'elle se saisissait d'une autre infusion, peu impressionnée par le jeu d'acteur de son interlocuteur qui, un instant, prétendait ne rien savoir de sa situation et, celui d'après, parlait de ces sources secrètes qui lui permettaient de tout savoir. Humant le parfum de la camomille, la noble écouta la mise en garde du comte, qui l'avertissait de ne pas s'adonner à des jeux qu'elle ne maîtrisait pas selon lui. Une menace pour la prévenir que le défier ne serait pas sans conséquences. À ces paroles, elle se contenta d'un sourire de convenance, s'attelant à préparer son infusion. Peut-être la camomille l'aiderait-elle à conserver son sang-froid face à cet homme qui, plus que bien d'autres, se croyait tout permis. Peut-être.

« Une sincérité à toute épreuve? répéta Idalie. Hélas! je crois qu'il s'agit bel et bien d'une légende, Monsieur le Comte. Nous sommes tous imparfaits, et prétendre le contraire serait une insulte à nos dieux, qui connaissent nos faiblesses mieux que nous les connaissons nous-mêmes. Les Trois nous guident, mais nul n'est à l'abri d'une erreur de parcours. Les chemins qui paraissent lumineux cachent parfois des ombres sinistres. Tout ce qui brille n'est point or. »

Attendant que la camomille infuse dans l'eau chaude, Idalie se réinstalla dans son fauteuil et reposa son attention sur son interlocuteur.

« Je crois cependant que nous avons amplement exploré le sujet de la religion lors de notre dernière rencontre. Les Trois sauront assurément mieux répondre à vos questions que moi. Leur sincérité est sans faille, contrairement à la nôtre. »

La jeune femme marqua une pause, non sans continuer de fixer Victor. Cependant, alors que son expression était jusque-là demeurée neutre et polie, son regard regagna de façon inattendue sa douceur caractéristique.

« Je vous prie néanmoins de croire en ma sincérité tandis que je vous offre, en personne cette fois, mes condoléances pour votre épouse, continua-t-elle, visiblement compatissante malgré le désastre de leur dernière rencontre et la tangente que prenait celle-ci. Je suis réellement désolée que vous ayez à subir une telle tragédie. Je tenais à vous le dire puisque les circonstances nous réunissent aujourd'hui. »

Avait-il dit la vérité la dernière fois, lorsqu'il lui avait confié chercher à réparer les pots cassés avec sa femme et la rendre heureuse? Elle n'en avait pas la moindre idée, mais elle n'en demeurait pas moins navrée pour tous ceux qui avaient aimé Adélaïde de Rougelac. Victor y compris.

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Ven 18 Sep 2020 - 10:56

A l'évocation de la Comtesse de Pessan, une étrange lueur brilla dans le fond d’œil du Comte de Rougelac, laissant un instant de coté son attitude piquante et inquisitrice pour aviser son interlocutrice de son appréciation à l'endroit d'Apolline.

- Votre associée a en effet tenu son rôle brillamment. Assurément une femme de goût qui sait tenir ses affaires d'une main de maître. Qui puis est, Madame de Pessan est fort respectable et nos brefs bavardages furent sources certaines d'enseignements. Je vous accorde volontiers, avoir fait preuve d'un sens certain du discernement pour cette alliance que vous avez nouée avec cette dernière.

Conscient de ne pas devoir trop flatter le personnage au centre de ce sujet, Victor s'interdit alors tout autre compliment à l'endroit de la Veuve Pessan, laissant sa comparse poursuivre et se défendre face à ses menaces. La suivant du regard tout du long de la préparation de sa camomille, le Gouverneur de Sombrebois mesurait à leurs justes valeurs, les répliques de la donzelle, qui finalement se débrouillait plutôt bien dans cette joute verbale initiée par le mondain à la réputation autrefois bien sulfureuse. Force est de constater qu'Idalie n'était décidément pas enclin à annoncer à son homologue les réjouissances prochaines, le Comte restait un instant perplexe.

Finalement, Victor n'eut guère le plaisir de tenter à malmener d'avantage la donzelle. Cette dernière s'employa soudainement à lui servir ses condoléances ce qui plongea alors Victor dans un douloureux passé, pas si lointain que cela, se souvent d'ailleurs des échanges qu'il avait pu avoir avec la dame d'Auvray quelques semaines, mois avant le suicide de la Comtesse.

- Je vous remercie pour cette attention. Nous avions pu évoquer par le passé une forme de confession de ma part. Je dois bien vous avouer avoir mit tout en oeuvre pour que ce mariage puisse être enfin heureux. hélas, ai-je sans doute failli. Dois-je me sentir responsable de cette perte pour autant ? Je crois que les Trois ont su récemment répondre à cette interrogation.

Le deuil avait été lourd et le quadragénaire avait dû se réfugier dans quelques drogues pour oublier. Mais l’enchaînement d'épreuve depuis ce funeste jour du 31 août 1166 lui avait fait comprendre, ouvrir les yeux et à présent, Rougelac regardait à nouveau vers l'horizon sans regretter le passé.

L'arrivée prochaine de Madame de Châteauvert semblait accaparer l'esprit du Comte qui finalement se résolu à terminer ce petit jeu de dupe dont il avait été l'instigateur.

- Ma fois, à moi également de me montrer sincère à votre endroit en vous souhaitant de trouver le bonheur aux cotés du Comte de Beauharnais. Vous serez très certainement fort dépayser en vous installant au Labret, mais je suis certain que vous êtes une Dame dont le confort ne se résume pas à un salon et une domesticité vous apportant tout le besoin nécessaire à votre situation.

Un léger sourire sans la moindre supercherie se dessina sur ces lèvres avant de finir, éludant par la même l'absence d'invitation à ce mariage.

- J'imagine que vos intérêts à la capitale seront préservées et que votre Foi vous suivra.

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Sam 19 Sep 2020 - 18:54

Idalie n'était pas réellement étonnée que Victor de Rougelac estimait la comtesse de Pessan, qui était une femme fort intelligente doublée d'une noble aux manières irréprochable et d'une négociatrice hors pair. Les deux mondains naviguaient dans le même monde, le même qu'elle tentait d'éviter le plus possible : le monde des intrigues de cour. Idalie appréciait Apolline pour plusieurs raisons, mais elle savait également qu'elles étaient fondamentalement différentes et que sa partenaire jouait sans doute à des jeux dont elle préférait ignorer la teneur. Personne n'était parfait et la comtesse avait de très bons côtés, comme elle avait pu le constater en travaillant avec elle. Tant qu'elle ne faisait pas de mal, qu'elle ne commettait pas d'actes que même les Trois ne pourraient lui pardonner, pourquoi lui reprocher de tenter de conserver ce qu'elle avait et de survivre dans l'univers de la noblesse?

Idalie acquiesça aux paroles du comte de Rougelac, terminant sa réplique en lui offrant ses condoléances pour la perte de sa femme. L'avait-elle désarçonné? La jeune femme n'aurait pu l'affirmer avec certitude, mais le mondain se montrait maintenant bien moins vindicatif et semblait même renoncer à la tourmenter, s'employant plutôt à la féliciter pour ses épousailles prochaines avec le comte de Beauharnais.

La future épouse porta sa tasse de camomille à ses lèvres pour y boire avec la délicatesse que l'on attendait d'une noble de bonne famille. Elle était perplexe face au changement de ton du comte. Pourquoi agissait-il ainsi? Pourquoi ne s'était-il pas contenté de lui offrir ses félicitations dès le départ? Que tirait-il d'un pareil jeu?

« Je vous remercie, Monsieur le Comte, répondit-elle en déposant sa tasse sur la table basse. Je devrai assurément m'adapter à la vie au Labret, qui est bien différente de mon quotidien à Marbrume, mais je ne suis guère inquiète. Nous avons tous eu à nous adapter à une nouvelle réalité, après tout. »

Elle sourit légèrement, lui servant un air entendu. Tout le monde avait été touché par l'arrivée des Fangeux. Riches ou pauvres, tous avaient dû s'adapter, apprendre à vivre avec ces créatures et sans certains de leurs proches, qui n'avaient pas eu la chance d'échapper au carnage. Partir au Labret était effrayant, mais elle savait qu'elle finirait par s'habituer aux nouvelle règles. N'était-ce pas ce qu'elle avait dû faire en débarquant à Marbrume, après tout?

« Puis-je vous poser une question? », demanda-t-elle sans véritablement attendre de réponse.

Idalie marqua une pause, regardant le comte droit dans les yeux avec une curiosité non feinte. Les sourcils légèrement froncés, elle les désigna tous les deux d'un geste vague et poursuivit :

« Pardonnez-moi la franchise avec laquelle je m'exprimerai, mais... pourquoi cette mascarade? Pourquoi ne vous êtes-vous pas contenté de m'offrir vos félicitations dès le début, voire de vous excuser pour vos actes répréhensibles de la dernière fois? Je ne comprends pas l'intérêt de ce jeu, Monsieur de Rougelac. Je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes amusé à tenter de me mettre mal à l'aise avec des sous-entendus que je sais sans peine déceler. Je ne comprends pas ce que vous en tirez. Puisque madame de Châteauvert ne semble pas pressée de nous rejoindre, j'aimerais donc que vous m'expliquiez. »

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Lun 21 Sep 2020 - 13:04

Victor s'était donc soudainement lassé de ce petit jeu "du chat et de la souris", peut-être pour la simple et bonne raison que l'attitude, déroutante de sa comparse de boudoir, l'avait quelque peu affecté, lui rappelant un douloureux passé encore vivace. Tout à chacun devait en effet s'adapter à ce bouleversement qu'était la présence de la Fange et qui s'installait durablement dans le quotidien des vivants. Le Comte acquiesça aux propos de la demoiselle d'Auvray qui avait su tirer son épingle de ce jeu malsain, pourtant friand du Comte. Mais, l'homme n'était pas dupe et s'attendait à recevoir en bon et-du-déforme un retour de bâton acide qui allait indéniablement le mettre en position précaire.

Le regard froncé de la jeune femme l'invita en ce sens à plus de modestie qu'il n'en avait finalement jamais eu, laissant de coté une partie de sa personnalité qu'on pouvait qualifiée de dérangeante. Cette mascarade venait en effet d'être révélé et de sa propre initiative et le voilà dos au mur à devoir se justifier. Idalie cherchait des réponses, mais Victor était-il en capacité d'en lui offrir sur un plateau ? Il fini après un temps de réflexion à hausser des épaules.

- Peut-être en désespoir de cause ? Peut-être cela m'amusait tout simplement ? peut-être que si, peut-être que ça ! Je ne sais pas, je ne sais plus. Qui sait, mon subconscient me joue des tours ou cela pourrait-il venir d'une forme de jalousie, d'égoïsme, de malin plaisir à mettre mal à l'aise. Je ne saurais plus dire...

Il détourna son regard de l'inquisitrice silhouette, fixant la tasse sur la table basse.

- Je resterais certainement l'objet de tourment de bien de nos semblables, mais à quoi bon vous infliger cela ? Après tout, vous allez disparaître de l'échiquier mondain de la capitale, devrais-je m'en réjouir ! Croyez moi, me comprendre serait impossible. Traçons un trait sur cette "mascarade" et que votre couple puisse s’épanouir et aider le Labret à résister à la Fange. Après tout c'est là notre principal sujet de préoccupation. Sans doute dois-je mener une profonde introspection sur ma personne, car vous avez su profiter d'une faille que je ne puis éluder.

Il releva son regard azur sur la demoiselle, lâchant un sourire de résignation.

- A quoi bon vous tenir rigueur de nos différents ? Il serait préférable de nourrir de l'indifférence, tout en vous souhaitant plus de chance que je n'en ai jamais eu.

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Mar 22 Sep 2020 - 1:07

Avait-on déjà confronté Victor de Rougelac au sujet de ses mesquineries? À voir la réaction du comte, Idalie n'en avait pas l'impression. Le mondain, qui maniait normalement l'art de la parole avec brio, ne savait visiblement quoi répondre à la question qui lui était posée. La jeune femme lui avait, sans en avoir véritablement l'intention, retiré ses armes les plus précieuses, le laissant étrangement vulnérable.

Idalie accorda son entière attention à son vis-à-vis, tentant de le comprendre alors que lui paraissait avoir abandonné l'idée d'y parvenir. Le pli entre ses sourcils se prononça quelque peu lorsqu'il mentionna qu'il était de toute manière inutile de lui infliger un quelconque tourment puisqu'elle partirait pour le Labret et disparaîtrait ainsi de l'échiquier de la noblesse de Marbrume. Avait-il jusqu'ici considéré qu'elle avait une place sur cet échiquier, dans ce jeu auquel il se plaisait à vouer sa vie et auquel elle avait évité autant que possible de prendre part? Et si oui, quelle pièce était-elle, quels mouvements avait-il prévus pour elle?

« Pourquoi de l'indifférence? demanda-t-elle après un court moment de réflexion. Le monde se décline-t-il ainsi à vos yeux, en des teintes de noir et de blanc, entre le jeu et l'indifférence? N'y a-t-il pas un juste un milieu, un espace plus gris, plus... sain? »

Idalie se redressa légèrement contre son siège et joignit ses mains sur ses genoux. La conversation prenait une tournure inattendue, et peut-être allait-elle regretter de l'avoir engagée, d'autant plus qu'elle connaissait les tares du comte. Il y avait cependant quelque chose d'intrigant à tenter de saisir l'essence d'un homme tel que Victor de Rougelac, qui était certainement beaucoup plus tourmenté qu'il ne le laissait paraître. Ils n'avaient rien en commun, sans doute au point d'être pour l'autre son contraire le plus parfait. Elle n'appréciait pas le comte et ne l'apprécierait peut-être jamais. Était-il cependant possible qu'elle réussisse à le comprendre là où tout le monde paraissait avoir échoué, tout simplement parce qu'elle en faisait l'effort?

« Qu'aimez-vous, Monsieur le Comte? demanda-t-elle. Qu'est-ce qui vous apporte de la joie? Pas de la satisfaction, de la puissance, du gain. Quelque chose qui vous apporte du bonheur, tout simplement. Du bonheur pur et sincère. »

Répondrait-il? Tenterait-il d'éluder la question? Se mettrait-il en colère d'être ainsi interrogé? Idalie s'attendait à tout et à rien de la part de ce singulier personnage qui cachait bien des secrets.

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Mer 23 Sep 2020 - 12:41

Si la conversation prenait une tournure inattendue entre ces deux personnages que tout semblait séparer excepté leur noble lignée, la demoiselle d'Auvray cherchait pourtant à obtenir des aveux en s'immisçant dans dans des interrogations dont peut-être savait-elle par avance qu'elles n'aboutiraient qu'à un non lieu. Victor était un homme tourmenté et s'il s'accordait une faiblesse passagère, il se refusait pourtant à se livrer à un exercice qui mettrait certainement à mal sa personnalité controversée. Ainsi, sans qu'aucune colère ne s'exprime sur son visage ni dans le timbre de sa voix, il se décida à répondre calmement à la future épouse du Comte de Beauharnais.

- Je vais vous décevoir, comme j'ai pu le faire jusqu'à présent. Le monde ne se décline pour moi sur aucune nuance. Je n'ai de temps à perdre dans une si courte vie que nous octroie les Trois.

Il avisa longuement la jeune femme de son regard azur scrutateur avant de rajouter sans la moindre émotion.

- Je ne recherche aucune joie, aucun bonheur, pour la simple et bonne raison qu'elle apporte son lot de malheur et de douleur. Ainsi, je me prémuni de toute souffrance. Mon deuil récent m'a convaincu de la nécessité de ne pas me familiariser à de telles sentiments. J'en porte encore quelques vestiges, qui bientôt, tomberons dans l'oubli. Vous me détesterez, me haïrez sans l'ombre d'un doute pour de tels propos, grand bien vous fasse ma chère.

Le Comte semblait retrouver ses facultés à inspirer du méprit, c'était sans doute ce qu'il savait faire de mieux et qui lui avait permit d'être un personnage, malgré tout, incontournable de l'Esplanade. c'était en tout cas sa vision des choses, le moteur quelque part de sa survie dans ce monde livrer au fléau de la Fange. Qu'Idalie comprenne ou non son point de vue, Victor était ainsi fait et la mort de son épouse l'avait conforté dans ce choix d'être un homme différent du commun des mortels.

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Jeu 24 Sep 2020 - 2:20

Les réponses offertes par le comte à ses interrogations refroidirent Idalie, qui avait cru pouvoir entamer lui un dialogue potentiellement fructueux et qui se heurtait à présent à un mur. Le mondain voyait la vie en noir et blanc et, selon ses dires, ne recherchait aucun bonheur, aucune joie. La noble ne pouvait qu'être attristée devant ce discours, qui était celui d'une âme égarée. S'ils avaient, lors de leur première rencontre, discuté de rédemption, le comte semblait avoir totalement renoncé à emprunter cette voie, lui préférant celle parfois moins douloureuse de la déchéance.

Fixant son vis-à-vis, Idalie garda le silence quelques secondes. Elle étudia lentement le visage du quadragénaire, un homme qui jugeait que d'être détesté de tous était la meilleure façon d'éviter de souffrir, un mari, voire un amant qui avait essuyé bien des revers et des pertes tragiques. Victor de Rougelac serait-il différent s'il avait eu à ses côtés une femme pour l'aimer, une épouse et des enfants à chérir? Verrait-il que, malgré les épreuves, la vie restait pleine de couleurs, et qu'il suffisait parfois de contempler son existence sous un autre angle pour apercevoir celles-ci?

« Je ne vous apprécie pas, dit finalement Idalie d'un ton calme. Je ne vous apprécie pas, mais je ne vous déteste pas, Monsieur le Comte. »

Cette fois, au moins, il ne pourrait lui reprocher un quelconque manque de sincérité. Aussi poursuivit-elle :

« Je suis... Je suis triste pour vous. Certains vous envient votre richesse, d'autres, votre influence, mais je n'envie pour ma part ni l'un ni l'autre, car je ne saurais vivre une vie comme la vôtre. Vous êtes la plus grande victime de ces duperies qui semblent rythmer votre quotidien, Monsieur de Rougelac. Vous renvoyez l'image d'un homme mû par l'ambition et le pouvoir, mais quiconque prend le temps de vous écouter plutôt que de vous entendre, de briser la glace qui couvre l'azur de vos yeux, quiconque s'attarde l'instant où vous voudriez le voir partir verra que vous êtes guidé par la peur. Vous ne cherchez plus le bonheur parce que vous craignez plus que tout de ne pas réussir à le trouver. Et je suis sincèrement navrée de vous savoir ainsi tourmenté. Je vous souhaite que Rikni vous aide à retrouver le courage que vous semblez avoir perdu. »

Après avoir marqué une pause, Idalie se leva, lissant sa robe d'une main. Madame de Châteauvert les faisait attendre depuis un bon moment maintenant et, comme sa réputation la précédait, son invitée songea qu'il valait mieux remettre la rencontre à un moment plus opportun. Elle avait attendu la période requise par la bienséance et ne manquerait pas de laisser une note à son hôtesse pour lui expliquer les raisons de son départ. Quant à Victor, s'il souhaitait rester, il aurait sûrement droit à des excuses en bonnes et dues formes de la part de la jolie noble.

« Je crois que madame de Châteauvert risque de nous faire patienter encore longtemps. Si sa domestique n'a pas reçu de nouvelles, je lui laisserai une note lui proposant de remettre cette rencontre. Avec ou sans son conseiller. »

Si Victor ne répliquait pas, elle le saluerait poliment et quitterait la pièce. Peut-être avait-il cependant un mot à dire sur toutes ces questions?

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Jeu 24 Sep 2020 - 10:49

La franchise d'Idalie d'Auvray lui était honorable. Souvent, trop souvent les gens de la Haute se montrait hypocrite et faux. Mais cette jeune femme transpirait d'une certaine forme d'innocence, peut être même de oisiveté qui pour une fois n'était pas pour déplaire au Comte de Rougelac. Avec modestie, Victor écouta religieusement la rhétorique de sa comparse et s'il ne partageait pas tout à fait son opinion, il s'interdit pourtant de l'interrompre ou de la contredire, acquiesçant simplement en silence à plusieurs occasions. Face à ce constat, le mondain allait répliquer lorsque, lasse d'attendre son hôte, Idalie d'Auvray se décida à tirer la révérence en ce lieu. Mais avant qu'elle ait pu le saluer poliment et quitter la pièce, le Gouverneur de Sombrebois, l'arrêta en saisissant son avant bras avant de la toiser de son azur.

- Soyez triste, pensez que la peur m'anime, si cela vous réconforte Mademoiselle d'Auvray. Mais le jour où vous aurez vécu la moitié de ce que j'ai pu vivre, peut-être votre jugement à mon endroit changera. Je ne vous le souhaite évidemment pas, puissiez-vous vivre dans l'ignorance de certains fardeaux , de certaines malédictions, je ne puis que vous le souhaiter. Quand à moi, alors que je regagnais l'intérêt pour les Trois, ceux-ci m'ont fait comprendre une chose : je suis ici sur cette terre non pas pour ressentir le moindre sentiment mais pour suivre ma destiné, l'influence et le pouvoir. Vous ne serez me contredire si je vous dit que les Trois nous guide chacun vers une voie, qu'elle soit bonne ou mauvaise, qu'elle soit acceptable, honorable ou controversée. Je ne suis ni une victime ni un fardeau, je suis l'un des objets des Trois, comme vous l'êtes également et seuls les Dieux peuvent me juger. Et ils l'ont fait lorsque j'ai cherché à changer, j'en tire les conséquences et les leçons, voilà tout.

Il l'avisa d'un regard entendu avant de relâcher son étreinte. Oh, la demoiselle d'Auvray allait sans doute se montrer en désaccord avec sa vision des choses, mais après tout, cela faisait parti de la nature humaine et il finit par conclure.

- Il n'y a pas de pensée universelle, quand au reste, si ma présence vous importune, je ferais en sorte de conseiller Madame de Châteauvert en amont de ces échanges avec vous.

Sujet: Re: Temps perdu en compagnie malvenue [PV Victor] Sam 26 Sep 2020 - 1:39

Alors qu'elle était sur le point de quitter la pièce afin d'aller retrouver la domestique et d'écrire une brève note à madame de Châteauvert, Idalie sentit le comte de Rougelac se saisir de son bras. Elle se tendit immédiatement, méfiante, peut-être inquiète d'avoir été trop honnête avec cet homme que certains considéraient comme étant dangereux. Sur ses gardes, elle se tenait prête à réagir, mais n'eut pas à le faire, le mondain se contentant de lui partager son point de vue sur les questions qu'elle avait évoquées. Elle l'écouta en silence, demeurant immobile. Lorsqu'il la relâcha, elle le fixa un instant avant de répondre :

« Je ne vous contredirai pas lorsque vous dites que les Trois nous guident, Monsieur le Comte. Pas réellement. Je vous dirai cependant que je crois que les messages qu'ils nous envoient pour nous guider ne sont pas toujours simples à déchiffrer, et que celui qui n'est pas prêtre et pense pouvoir les interpréter sans se tromper a tort. Ces messages sont d'une infinie complexité, pleins de nuances...
Comment pouvez-vous croire être en mesure de les lire de façon appropriée si vous admettez vous-même avoir une vision dichotomique de l'existence? »

La jeune femme laissa brièvement sa question en suspens avant de reprendre, ne laissant pas à Victor le temps de répliquer :

« Songez-y, Monsieur de Rougelac. Peut-être parviendrez-vous à discerner çà et là quelques tons de gris si vous tentez véritablement de les apercevoir. Et qui sait où cela pourrait vous mener? »

L'ombre d'un sourire se dessina sur les lèvres de la noble. La jeune femme n'avait peut-être pas vécu tout ce que le comte avait pu vivre, mais elle en avait bien assez vu pour son jeune âge. Assez pour tirer de ses expériences une certaine forme de sagesse qui échappait encore à nombre de ses pairs.

« Je vous souhaite un bel après-midi, Monsieur le Comte, conclut-elle. « Si vous choisissez de patienter encore un brin, j'espère que madame de Châteauvert ne vous fera point trop attendre. »

Sur ces paroles, Idalie exécuta une révérence polie et quitta la pièce. Après avoir parlé à la domestique et écrit une brève lettre à la maîtresse des lieux, elle sortit du manoir, jetant un dernier regard derrière elle. Les chances que le comte et elle ne se revoient jamais été élevés, et pourtant, elle avait le sentiment que les Trois n'en avaient pas terminé avec eux...

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