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 Sous la contrainte (PV Bucéphale)

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Edwige RutherfordPrêtresse apprentie
Edwige Rutherford



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MessageSujet: Sous la contrainte (PV Bucéphale)   Sous la contrainte (PV Bucéphale) EmptyVen 23 Oct 2020 - 22:35






Sous la contrainte


◈ 12 Janvier 1167 ◈

Une bruine froide règne sur le Labourg comme si les nuages s'étaient décrochés de la voute céleste. Le battant d'une porte grince vers l'extérieur, laissant apparaître une jeune novice aux cheveux sombres. Celle-ci s'extirpe de l'habitation délabrée et referme le loquet derrière elle. Un souffle de vent froid lui tire un frisson, forçant la brune à réajuster son capuchon contre sa nuque. Ce n'est pas la première fois qu'Edwige visite ces lieux : elle y traite depuis plusieurs mois une femme alitée ayant subit des complications après son accouchement. Aujourd'hui, cette dernière semble avoir fait des progrès, et la famille a insisté pour remercier leur bienfaitrice en l'invitant à partager leur maigre repas du soir. Incapable de refuser, la demoiselle a donc passé une partie de la soirée attablée dans un logement insalubre, à picorer dans des assiettes presque vides. Elle quitte leur compagnie avec un petit sac de céréales, généreusement donné en offrande. Un rien pour la noblesse de la ville, un trésor pour les plus démunis. Au fond d'elle, Edwige se sent fière, ses longues études lui permettant aujourd'hui de sauver quelques vies. Rien n'est facile à Marbrume, en particulier pour les petites gens. Ce sont les petits miracles de ce genre qui permettent à la population de garder une once d'espoir. Les dieux savent comme ces moments se font rares...

La religieuse jette un œil par-dessus son épaule. Il n'est pas dans ses habitudes de rentrer aussi tard, en particulier lorsqu'elle se déplace dans les quartiers moins favorisés. Il commence à faire sombre et le mauvais temps n'arrange rien. L'hiver rend les jours bien courts. Son esprit superstitieux lui joue déjà quelques tours, et le souvenir des mésaventures de la veille la rendent nerveuse. Sa main masse sa joue gauche. La coupure sur sa joue est encore douloureuse.

Edwige presse le pas, remontant la rue jusqu'à atteindre les premières intersections. Le couvre-feu ne devrait plus tarder, les volets se ferment et les portes se verrouillent. Quelques silhouettes courbées circulent encore pour rejoindre leur logis. Ceux qui n'ont que la rue pour vivre se recroquevillent sous les porches. Prudente, la jeune femme presse le pas, son sac de grain entre les mains. Elle se surprend à murmurer une courte prière à ses protecteurs pour éloigner les mauvaises rencontres. Les agressions contre le clergé sont rares, mais qui sait ce qui peut arriver à la faveur de l'obscurité...

Le glas sonne l'heure fatidique. Il lui faudra sans doute gratter aux portes du sanctuaire en espérant que les soigneurs de garde l'entendent. Soudain, au détour d'une allée, son nez se heurte de plein fouet à un plastron masculin. Le sac de céréales s'éventre sur le pavé, répandant son précieux contenu. Edwige titube, sonnée.

- Oh non... gémit la prêtresse, la mine catastrophée. Milles excuses, je-

Une main noueuse se referme sur sa gorge, étranglant ses paroles. Ses yeux s'arrondissent de surprise et d'effroi tandis qu'elle se tient comme elle peut au poignet de son agresseur. Plaquée contre le mur adjacent, elle peut entendre d'autres pas s'approcher.

- Tu as pris ton temps, grince une voix parmi les silhouettes. Nous ne t'avons pas oubliée, comme tu vois. Suis-nous sagement.

La clergesse se voit encadrée par au moins quatre individus capuchonnés. Sa gorge est lâchée, mais ses deux bras sont entravés avec poigne. La Rutherford glapit alors qu'une lame pique son flanc. La marche forcée commence, et le groupe s'enfonce dans les gorges sombres du Labourg. L'esprit saturé d'émotions, Edwige se laisse faire, comme sidérée de ce qui est en train de lui arriver.

La secte l'a retrouvée. Son intervention de la veille pour sauver cette petite fille de leurs griffes va finalement lui coûter la vie...


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MessageSujet: Re: Sous la contrainte (PV Bucéphale)   Sous la contrainte (PV Bucéphale) EmptyJeu 19 Nov 2020 - 22:11
Le crachin poisseux est une arlésienne des bords de mer, c'est bien connu. Cette pluie qui ne dit pas son nom, la garce, chargée de sel, agitée par le vent comme un nuage de poussière liquide, s'insinue dans les espaces, sous les porches, dans les granges, sous l'abri des auvents, refroidit tout, gâche tout. Elle fait moisir le linge qui sèche, pourrir le bois, glisser le pavé, son voile opaque noie la cité comme un simulacre ridicule de raz-de-marée. Qu'il vienne, pourtant, cet ouragan salvateur, qui balayera ce cloaque puant ! C'était, en substance, avec beaucoup moins de poésie et une avalanche de mots orduriers, ce qu'affirmait le double-solde Riparia.

Lui et son comparse, commodément désigné par le sobriquet de Besace, remontaient les artères miséreuses du Labourg vers l'Esplanade, où les attendait un tour de garde sans saveur et sans attrait. Aussi n'avaient-ils pas été saisi d'empressement à la venue du couvre-feu et s'étaient offert une petite bordée pour se donner du cœur à l'ouvrage. Les deux vétérans n'étaient pas exactement des modèles de vertu, et n'étant d'ailleurs pas encore en service, ils allaient la pique posée négligemment sur l'épaule, prêtant peu d'attention aux dernières silhouettes encapuchonnées qui trottaient à la brune. Du reste, ils étaient fort occupés, l'un à jurer comme un charretier, l'autre à rire aux dépends du premier. Le visage du soldat Riparia était congestionné d'indignation, il brassait l'air de ses poings immenses, et sa fureur n'était point apaisée par les borborygmes d'hilarité de son compagnon, loin s'en faut. Besace, se tenant sa bedaine proéminente à deux mains, se payait une bonne tranche de rire à voir les bras simiesques de son collègue s'agiter vainement comme les ailes d'un moulin, et chaque sursaut d'humeur de l'autre provoquait invariablement un nouveau sursaut comique. Pourtant, d'autres à sa place se seraient bien gardé de moquer le soldat Riparia, qui avait pour vilaine habitude de laisser s'exprimer ses poings bien plus que sa langue en cas de contrariété. Mais le soldat Riparia ne s'en serait jamais pris à Besace, car plus que son camarade, Besace était surtout son ami.

Un ami, pour le soldat Riparia, cela tient du miracle, du merveilleux, et même un butor comme lui comprenait les règles de l'amitié, ce qui passait par ne pas corriger avec du fer l'impertinence du vieux roublard qui se payait ainsi sa tête. Avec ses membres noueux et secs, sa bouche toujours tordue en un rictus goguenard, et cet improbable ventre, Besace comptait parmi les rares hommes encore de ce monde à qui Bucéphale aurait volontiers confié sa vie. Ils étaient tous les deux issus du rang, et Crâne-de-bois jugeait un humain à sa capacité à tenir sa place sous une pluie de flèche, bouclier levé, ce qui de fait excluait beaucoup d'hommes et encore plus de femmes. D'ailleurs, de femmes, il était bien question ce soir-là, puisque s'en revenant du bordel, elles étaient au cœur de la discussion.


Quelques instants plus tôt, ils s'étaient vus refuser l'entrée d'un lupanar renommé du Labourg, établissement discret et bien tenu, au bien nommé « La Leste Cuisse ». A peine la discrète porte sous la lanterne rouge s'était-elle entrouverte qu'une mégère en furie au verbe fleuri s'était jeté à leur rencontre et avait proprement conchié et maudit le soldat Riparia, tout en menaçant de lui jeter de la vaisselle et ses sbires au visage. Tout cela au prétexte que ledit soldat Riparia ne rendait point les filles dans le même état qu'il les avait louées. Ce dernier, rendu blême par l'outrage, avait manqué de peu de forcer son entrée et la mère maquerelle indélicate dans la foulée, si la main de Besace ne s'était refermée sur son épaule avec la fermeté d'une serre de vautour, et que d'un hochement de tête catégorique ne l'en avait dissuadé. Il s'était ensuite agi de lui faire tourner les talons tandis que des fenêtres de l'étage pleuvaient injures et contenus de pots d'aisance. Besace était peiné de devoir renoncer aux charmes des pensionnaires, mais il savait que faire renoncer son turbulent camarade à une vendetta prendrait du temps, et du reste la mésaventure était fort drôle, aussi se consolait-il à ses dépends.


« Non mais t'as déjà entendu ça, toi ?! Chiabrena, elle crachait pas sur mon or la vieille carne ! Et voilà qu'elle joue la sainte ! La lèpre lui pourrisse le fondement ! » éructait Bucéphale.

« De vrai, mon compaing, répondait Besace toujours amusé. Mais que j'te dise, t'es ainsi fait, t'es pas délicat avec les dames. Toi et mezigue, on a connu que des putains de campagne, de la paysanne dure à la peine. Dès que ça minaude, t'es perdu. C'est pourtant pas toi qu'avais lu des livres pour bourgeois dans l'temps ? »

« Elle se foutait de ma gueule, la chattemiteuse ! Rien qu'à m'faire perdre mon temps, chui pas là pour réciter des sonnets, chiabrena ! J'l'ai à peine corrigée en plus ! 
»


C'était pourtant vrai, il fut un temps Bucéphale avait lu des livres, il avait su pour le fine amore, la courtoisie, la lutte des preux pour l'honneur des dames. Mais il avait oublié.


Tout à leur aimable querelle, ils n'entendirent pas le glas sonner le couvre-feu, qui du reste ne les concernait pas. Pas plus qu'ils ne se sentirent concernés par le groupe de silhouettes informes qu'ils croisèrent dans la grisaille, au milieu duquel marchait la fine silhouette d'une religieuse. Ce n'est que de nombreuses enjambées plus tard qu'un doute prit racine dans l'esprit de Bucéphale. Qu'avait-il vu ? Presque à contrecœur, cette certitude s'insinua dans son esprit, son pas ralentit, ses bras se firent mous, tandis qu'il essayait frénétiquement de comprendre ce qui lui arrivait. Qu'avait-il vu ?

Insensiblement, il s'était arrêté, et tournait son regard en arrière, vers la rue qu'ils quittaient, à nouveau déserte. Il n'entendit pas la pique mesquine de Besace, ni son questionnement plus pressant tandis qu'il demeurait muet. Il lui fallu encore un long effort, mais il comprit. Le temps d'un éclair, une infime fraction de seconde, il avait eu dans son champ de vision le visage pâle de la religieuse, il était certain qu'elle avait tenté de croiser son regard. Et dans ses grands yeux clairs, malgré la pénombre, c'était bien de la terreur qu'il avait lu. De la terreur, et une supplique silencieuse, désespérée.

« Et merde... » bafouilla-t-il, avant un nouveau long silence. Puis, soudainement, il empoigna Besace par le bras et lança d'une voix cassée par l'émotion : « Y a un truc pas net... Tu remets les gonzes de tantôt ? Y a un truc vraiment pas net... »

Le visage plissé de malice de Besace se décomposa à mesure qu'il réalisait que son collègue ne plaisantait pas, peu à peu gagné par sa nervosité. L'autre ne lui laissa pas le temps de répondre, et ordonna sèchement : « File ventre à terre chercher les gars, j'aime pas ça du tout. J'leur file le train, j'mettrais des repères aux croisements. Mais magne-toi, ça pue le carnage. Grouille, bordel ! »


Sans perdre d'avantage de temps, il lui fourra dans les mains sa pique et s'élança au galop. Quelques foulées plus loin, en étouffant des jurons, il jetait dans une ruelle ses spalières, son fauchon qui lui battait le flanc, puis après une hésitation son plastron, et repartit de plus belle, gagné par une irrépressible panique. Pendant un temps horriblement long, il crut avoir trop tardé, et perdu la piste. Son cœur fit un formidable bond quand, au détour d'une ruelle sale, il aperçut les silhouettes qui trottaient dans les ténèbres, vers le plus profond du Labourg. Maîtrisant son souffle à grande peine, il tira la solide dague qui lui barrait les reins et gratta du pommeau un cercle dans la pierre d'un mur, à hauteur des yeux. Le souffle court, le sang lui battant les tempes, il se ramassa dans l'ombre et attendit que son gibier disparaisse à sa vue pour s'élancer et rattraper son retard. Désormais, il était certain de ne plus se faire distancer, le tout était de ne pas se faire prendre. Pour l'heure, il ne semblait pas y avoir de mouchard fermant la marche, mais il n'en scrutait pas moins les ombres des porches, s'attendant à tout instant à se faire tomber sur le râble et poinçonner par une lame glacée. Mais seul l'écoulement lancinant de la pluie faisait écho aux battements de son cœur. Sans réfléchir, il saisit une poignée de boue mêlée d'ordures et s'en couvrit le visage et les mains, gardant soigneusement sa dague dans son dos, pour qu'aucun reflet ne vienne trahir sa présence à des yeux attentifs. A mesure que sa respiration se calmait, il rentra en lui-même, se fit bête sanguinaire, échaudée par le sang à venir. Son sacerdoce, c'était la ligne de bataille, les murs de fer. Mais il n'était pas mauvais quand il fallait prendre un camp, saigner une sentinelle, mener des coups de main à la brune. Livré à lui-même, à sa propre sauvagerie, armé d'une dague et de ses poings, il ignorait dans quoi il se jetait, mais un instinct jusque là infaillible lui susurrait qu'avant l'aube, la terre boirait le sang noir.
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Edwige RutherfordPrêtresse apprentie
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MessageSujet: Re: Sous la contrainte (PV Bucéphale)   Sous la contrainte (PV Bucéphale) EmptyVen 20 Nov 2020 - 1:10






Sous la contrainte



Les virages et les ruelles s'enchainent avec un tel empressement que la prêtresse captive ne distingue déjà plus le nord. Les rares personnes à croiser leur route se détournent aussitôt, et les volets se ferment sur leur passage. Le quartier semble familier de ce genre de situation. La vie à Marbrume est devenue trop fragile pour se permettre de la risquer à défendre celle des autres... Les Trois comprendront, n'est-ce pas?

La tension monte d'un cran au croisement suivant. La pression de la lame contre son flanc s'accentue. Face au groupe, deux hommes d'armes passent leur chemin, l'un riant à gorge déployée tandis que l'autre fulmine. Edwige croise le regard de l'un d'eux. Les Dieux savent combien elle voudrait crier et appeler à l'aide, mais le son n'aurait pas quitté ses lèvres que ses poumons seraient percés de dagues. Cet espoir se dissipe aussi rapidement qu'il est apparu, laissant la demoiselle contempler sa salvation qui lui file entre les doigts. Les voix s'éloignent, la sienne reste mutique. C'est terminé.

Il fait nuit noire à présent. Les rues étroites et sinueuses n'ont plus rien de familières, plus délabrées encore que le reste du Labourg. Sont-ils seulement encore dans cette partie de la ville? Qu'importe, les pas ralentissent, et le meneur frappe trois coups contre une porte vermoulue. La pluie s'intensifie durant leur attente, glaçant la jeune femme jusqu'aux os, sans pour autant lui donner la moindre envie de suivre ces hommes à l'intérieur. Ses épaules sont tirées sans ménagement à travers le seuil, et le battant se referme.

- Voila, se satisfait l'inconnu en retirant son capuchon. Maintenant tu peux crier.

La lumière d'une bougie éclaire son visage, et Edwige reconnaît sans mal celui qui lui entailla la joue il y a deux jours de cela. Il avait été interrompu par l'intervention fortuite de la clergesse alors qu'il cherchait à assassiner la petite Mélanie, témoin d'un meurtre sordide et d'un complot d'envergure. Cette balafre avait été la seule vengeance qu'il était parvenu à lui infliger. Jamais la novice ne s'était imaginée provoquer une telle réaction en chaine...

Ses lèvres vibrantes s'entre-ouvrent mais la gifle est plus rapide. Ses cervicales souffrent sous la force du revers qui lui laisse un goût métallique dans la bouche. A peine s'est elle redressée que la suivante s'abat contre sa tempe. Maintenue par les gorilles qui l'accompagnent, elle parvient à rester debout, mais son monde devient un peu plus flou. La main du cultiste empoigne sa mâchoire douloureusement, l'obligeant à lever les yeux dans sa direction.

- C'est ton jour de chance, se moque-t-il avec un sourire mauvais. Nous avons ici quelqu'un qui a besoin d'être raffistolé, blessé par ta faute. Remets-le sur pieds, et ta mort sera rapide. Si tu échoues, en revanche... nous nous amuserons un peu.

Edwige demeure pétrifiée face à cet assassin dont elle ignore tout. Son souffle est court, son regard larmoyant. Bien sûr, elle n'est pas étrangère à la peur, mais jamais encore ne s'était-elle sentie aussi menacée, aussi proche de la fin. Ainsi terrorisée, elle ne peut qu'accepter, hochant la tête frénétiquement.

Ses ravisseurs la soulèvent du sol sans tarder pour la mener plus profondément dans la bâtisse, avant de la jeter au chevet d'un homme plongé dans la tourmente. Ce dernier, ouvert de l'épaule jusqu'à la hanche au point de l'eviscération, a vraisemblablement été victime d'une lame à deux mains. Son sang a tant coulé que sa peau en est blême, plusieurs de ses organes vitaux ont été touchés, et comme si cela ne suffisait pas, le criminel semble être tombé à plat-ventre dans la boue. La guérisseuse sent la panique grimper alors qu'elle réalise combien sa cause est perdue. C'est un miracle qu'il soit encore en vie, son cas serait considéré comme désespéré même au sein du Temple. Comment pourrait-elle le sauver à elle toute seule? Les mains tremblantes, elle saisit sa sacoche et en déroule le contenu sur une table basse à sa droite. Ses chances de réussite sont extrêmement minces... mais chaque seconde passée sur ce pauvre hère est une seconde de vie gagnée. Une larme perle le long de sa joue, première d'une longue série.

Elle veut vivre...!


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MessageSujet: Re: Sous la contrainte (PV Bucéphale)   Sous la contrainte (PV Bucéphale) EmptyJeu 10 Déc 2020 - 20:59
Le sang cognant aux tempes, les doigts blêmes, le visage poissé de mèches collantes, Bucéphale rampait plus qu'il ne marchait sur les traces des silhouettes pressées qui filaient devant lui. A trois reprises, il s'affala dans des monceaux d'ordures qu'il n'avait su deviner dans l'ombre, mais il ne jura pas, ne grogna pas, les dents serrées, seul un sifflement continu s'échappait de son mufle barbouillé. Recroquevillé sous un porche, seules ses prunelles émergeaient des ténèbres, qu'il dardait sur son gibier à présent rassemblé devant une bâtisse lépreuse du fond du Labourg. L'une des cagoules frappa à coups feutrés, tandis que d'autres jetaient alentour des regards méfiants, puis l'huis s'ouvrit, l'on pressa la menue silhouette de la prêtresse à l'intérieur et l'antre se referma sur elle. Bucéphale voulut bondir, pour saisir quelques mots à travers l'huis, mais une fraction de seconde avant qu'il ne s'élance, un léger mouvement à l'étage capta son attention, et il ne réussit à interrompre son élan qu'en se jetant une nouvelle fois dans la boue, la respiration paniquée, priant Celle-qui-Voit de le couvrir de son manteau de ruse. Car au-dessus de la porte, derrière une fenêtre miteuse, une tenture avait bougé. Idiot qu'il avait été ! Bien sûr que quelqu'un s'était assuré des visiteurs avant d'en bailler l'huis, un complice guettait leur venue !

Après un très long instant, Bucéphale osa décoller sa joue du sol crasseux, et risqua une nouvelle œillade depuis son abri. Plus rien ne bougeait, hormis le lancinant écoulement de la pluie. Au loin, des chats feulaient, un clabot braillait quelque part, la nuit demeurait silencieuse. Calmant son cœur, le soldat Riparia se mit en devoir de penser calmement. L'endroit était une maison à étage presque délabrée, on voyait le faîte du toit crouler en plusieurs endroits, des vestiges de volets pendaient à des gonds pourris. L'ouvrage faisait partie de ces constructions miteuses condamnées par la décrépitude du voisinage, et dont les habitants successifs avaient gagné de l'espace au niveau du sol faute de financer des étages. Aussi le quartier était-il parsemé d'appentis, de cabanes, d'arrière-cuisines branlantes, d'ateliers improvisés sous des auvents. Le souffle sifflant, les yeux en alerte, Bucéphale décida de pousser en avant. Il ne savait toujours pas à quoi il avait affaire, un rapt certainement, comment le dire ? Mais il y avait une certitude, c'est que l'irruption d'un peloton de la Milice dans le voisinage mettrait la vie de l'otage en danger, il fallait donc qu'il se presse.


Risquant un œil, il jaugea la façade, et fixa intensément la fenêtre suspecte un long moment, et alors qu'il était presque rassuré, à nouveau la tenture remua. Le bâtard était toujours là ! Rien à tenter de ce coté, il fallait trouver autre chose. Rebroussant chemin à tapinois, Bucéphale retourna au croisement précédent, et modifia son repère, déformant le cercle en un œil ouvert souligné deux fois. Il prit un instant pour presser le symbole sous sa paume et adresser une rapide prière à Rikni, pour que dans le tumulte de la chasse son compère Besace reçoive le message. Ayant tous les deux traîné leurs solerets dans la Compagnie des Convoyeurs, ils employaient souvent ce code dans le passé, l’œil signalait une sentinelle, les deux traits la proximité de l'objectif principal. Il fallait prier que tout à leur hâte ils ne donnent l'alarme. Ce rituel accompli, il disparut dans la nuit.


Rapidement il retrouva la contre-allée donnant sur l'arrière de la bâtisse, et progressa à pas de loups, longeant les encorbellements dégorgeant d'eau, raclant la pierre des murs de son dos tandis qu'il guettait entre les ombres. Mais nulle alerte ne déchira la nuit, et il parvint sans émoi jusqu'à l'arrière-cour. Cette dernière était encombrée de monceaux d'ordures, et occupée par une arrière-cuisine à moitié enterrée, comme une excroissance disgracieuse seulement éclairée par une fenêtre borgne. Derrière cette dernière tremblait l'éclat fade d'une bougie. Les mains glacées, résolument trempé, Bucéphale s'enfonça dans un trou d'ombres et reprit sa veille, dévorant des yeux la façade poreuse, cherchant la voie à suivre. Mais rien, rien qu'un mur lépreux, des fenêtres hors d'atteinte et barricadées, rien que cette lucarne où s'agitaient des ombres. Bucéphale avait compté cinq capuches, plus l'autre mouchard à l'étage, il ne pouvait espérer se frayer un chemin à sa seule force. A cet instant, le découragement s'abattit sur lui, et il voulut renoncer. Rentrer, croiser Besace et sa bande, vaguement s'excuser, jeter la tunique gluante qui lui collait à la peau, se réchauffer la couenne au feu du corps de garde... Que lui importait le salut d'une prêtresse, quand il pouvait sans conséquence fuir ce piège à rats ? Hélas, il était trop tard. Dans ce regard qu'il n'avait même pas vu sur le moment, il y avait une main tendue, suppliante, lancée dans sa direction. Avant même qu'il ne s'en rende compte, leurs destins s'étaient liés par le devoir, car c'était bien de lui et lui seul que pouvait venir le secours. Dès lors, sa conduite était toute tracée, jusqu'à cette ruelle glauque où la pluie lui glaçait les os.
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Edwige RutherfordPrêtresse apprentie
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MessageSujet: Re: Sous la contrainte (PV Bucéphale)   Sous la contrainte (PV Bucéphale) EmptyJeu 17 Déc 2020 - 0:10






Sous la contrainte



D'une main temblante, la prêtresse nettoie à l'eau claire la plaie béante, laissant s'écouler au sol un mélange de sang et de boue. Elle serre les dents alors qu'apparaît la chair à vif, taillée comme sous le couperet d'un boucher. L'homme agonisant n'est même pas en état de réagir, ce qui est probablement pour le meilleur. Edwige ne connaît ni son nom ni ses crimes, mais il semble que pour ce soir, leurs survies soient liées. Elle n'a pas d'autre choix que de stabiliser cet homme pour ce soir au moins.

Le procédé est long, complexe et laborieux. La brune se surprend à sanglotter entre deux sutures, les joues chargées de larmes. Certains muscles abdominaux ont été déchirés, la clavicule a été brisée nette... la victime n'a aucune chance de lever une épée à nouveau s'il survit. Le simple fait de se redresser le matin sera un véritable enfer pour lui. La prêtresse ne peut néanmoins pas se permettre de penser à tout cela, il lui faut mobiliser toute sa concentration.

Le mourrant est finalement refermé et son saignement interrompu. Seul le risque d'infection reste à écarter. Edwige se met à écraser quelques plantes dans un bol, les maigres restes de son soin de la journée. Une fois la pâte antisceptique mixée, la captive s'emploie à l'étaler le long de la blessure. Elle lui prépare ensuite une décoction qui devrait donner un coup de fouet à son organisme face à la pestilence. Le lui faire boire s'avère être une opération aussi délicate que la chirurgie elle-même, mais avec un peu d'acharnement, le bol est avalé.

Edwige tombe à genoux dans la poussière. Le sectaire respire à peine, son pouls est très faible, mais il est en vie. Pour combien de temps? Impossible à dire, son état pourrait très bien se dégrader pendant la nuit. Après tout, elle n'a pas pu réattacher les muscles tranchés, une hémoragie interne est plus que probable... mais que peut-elle faire de plus?

Une main se pose brusquement sur son épaule, la faisant sursauter. La voix faussement suave qui l'accompagne lui fait craindre le pire.

- Par la Fange, ricanne l'assassin. Les collègues au temple avaient raison, t'as de vrais petits doigts de fée...

Se sentant craquer, la clergesse voit sa respiration s'emballer. Elle ne veut pas mourir, même sans douleur...

- I-Il lui faudra des soins réguliers, proteste-t-elle, la voix tremblante. Au moins plusieurs jours, peut-être plus...

Le temps de réfléxion de son ravisseur est horriblement lent. Il semble prendre un malin plaisir à faire planer cette épée figurative au-dessus de sa tête. Un mot de sa part, et tout serait terminé.

- Petite futée, siffle-t-il, un sourire sadique sur les lèvres. Tu sais, on pourrait avoir besoin de toi par ici. Soigner des vrais soldats de la foi, ça pourrait sauver ton âme de pêcheresse. A force, tu finiras par comprendre comme ton clergé fait fausse route...

Les mots n'ont rien de tendre ni de réfléchis. Le fanatisme de cet homme n'est qu'un prétexte à sa cruauté. Croit-il réellement en son propre salut, ou souhaite-t-il simplement voir brûler le monde? Il n'y a rien de divin ou de prophétique dans son regard de prédateur, cela, Edwige en est certaine.

Comme s'il pouvait lire dans ses pensées, le sectaire s'empare de sa gorge et la force à se relever. La prêtresse fait de son mieux pour respirer, gargouillant quelques protestations inaudibles. Avec l'aide d'un de ses comparses, il traine la pauvre soigneuse hors de la pièce, jusqu'à atteindre une porte qui ouvre sur un escalier plongé dans le noir.

- Les dieux t'estiment digne de vivre un jour de plus, déclare le meneur. On va te garder au frais, et tu seras une bonne fille jusqu'à ce qu'on vienne te chercher.

A la vue des ténèbres souterraines qui l'attendent, Edwige devient frénétique, griffant ses geoliers de terreur. Ses terreurs d'enfance ressurgissent, plus vives que jamais. Elle parvient à hurler.

- Pitié! s'étrangle-t-elle de désespoir. Ne me laissez pas là-dedans...! Je vous en supplie!

Le bourreau reste stupéfait un instant, son regard circulant entre la novice et l'obscurité. Son sourire carnassier réapparaît lentement. Il semble comprendre.

- Voyez-vous ça, grince-t-il en révélant ses dents. Notre petite nonne aurait-elle peur du cellier? Ne t'inquiètes pas, tu recevras fréquemment un peu de compagnie...

Ces insinuations à peine voilées ne laissent rien présager de bon, mais Edwige n'est pas en état de se montrer raisonnable. Elle ne veut pas être enfermée là-dedans. Elle ne veut pas revivre ce traumatisme. Face à son entêtement, l'homme finit par jeter la guérisseuse en bas des marches abruptes d'un geste négligeant. La brune sent l'air siffler à ses tympans avant de heurter la pierre. Sonnée, elle parvient tout juste à se retourner sur le dos pour voir le dernier rayon de lumière disparaître alors que la porte se referme.

La cadette Rutherford se roule en boule, pleurant désormais à chaudes larmes. Va-t-elle mourir cette nuit? Demain? Dans dix jours? Va-t-elle être égorgée comme un mouton, ou l'obscurité finira-t-elle par la dévorer?

Il n'a plus de place dans son esprit fragilisé pour les pensées rationnelles...


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MessageSujet: Re: Sous la contrainte (PV Bucéphale)   Sous la contrainte (PV Bucéphale) EmptySam 3 Avr 2021 - 1:57
Oui, il était trop tard. Bucéphale n'était pas parti. Condamné moralement à l'action, il rampait, de tout son long, en suivant un reste de muret, à la rencontre de son destin. Il avait de la boue plein la tunique et des ordures plein la bouche, il ordonnait à son odorat de cesser de fonctionner pour ne pas penser à ce dans quoi il nageait. Mais ainsi, il avançait. Il approchait. Il y allait ! Les nerfs tendus à se briser, il ne put retenir un soupir de soulagement quand sa main se posa sur la surface crayeuse de la bâtisse. Cent fois, mille fois, il avait cru être découvert au court de cette courte reptation. Maintenant, il était à pied d’œuvre.
Après avoir logé la façade vers la gauche, et n'y ayant découvert aucune issue, s'apprêtait à revenir à main droite quand il entendit une voix. La lucarne ! Cette foutue lucarne où brûlait toujours un lumignon laissait échapper des voix ! Il voulut se précipiter, surprendre des mots qui l'aideraient à comprendre, mais quand il fut sous la lucarne, les voix avaient déjà décru, et quand il risqua un œil avec mille précautions, la pièce miteuse était vide. Bucéphale jura et s'abattit dans un recoin, incapable de déterminer une marche à suivre. C'est alors qu'il l'entendit crier. C'était elle, pas de doute. Un hurlement de terreur désespérée. Et puis plus rien. « Chiabrena de chiabrena ! » Bucéphale s'en saisit la tête de frustration, et étouffa un cri de rage. Ce cri l'acculait, il lui signifiait qu'il n'avait plus de temps. Que pouvaient-ils lui faire là-dedans ? Ils ne s'étaient pas donné tout ce mal pour lutiner sauvagement une prêtresse dans un taudis. Ce serait d'ailleurs un moindre mal, par ses charmes involontaires elle lui donnerait le temps d'agir. Mais il ne pouvait plus attendre, c'était trop tard.

Enragé par ses propres tremblements nerveux, Bucéphale se releva, jetant à nouveau un œil par la lucarne, éprouvant de la main le cadre et le loquet. La lame de sa dague pénétrait sans mal dans le jour, après quelques instants d'efforts parvint à déloger la clenche, et la lucarne bailla en grinçant doucement. Le voilà bien avancé ! Il doutait fortement de parvenir à franchir une telle ouverture, quand à le faire en silence, cela devait être impossible. Et malgré tout, malgré toute logique, malgré son égoïsme, il se redressa encore, et commit une des pires imprudences de sa vie, en se jetant, armé de sa seule dague, dans l'inconnu.


Une fois la tête à l'intérieur, il reconnut l'endroit pour être une sorte de débarras crasseux, remplis de meubles délabrés et d'outils agricoles rouillés, au sol de terre battue. Seule, sur un tabouret, une bougie achevait de se consumer en tremblotant. Bucéphale réalisa d'une torsion de cou qu'on avait prit garde de laisser la lucarne dégagée pour donner un peu de jour, et que sous lui se trouvait un buffet grossier qui lui fournirait un appui solide. Prenant définitivement son parti, il rampa par l'étroite ouverture, manquant de se bloquer tout à fait. Quelle fin c'eut été pour lui, massacré à moitié dans un repaire de demi-sels, de foutus baltringues ! Heureusement, après force raclements et grognements, dégagea enfin son immense torse poissé d'eau et de merde, et bascula sans grâce à l'intérieur. Il se précipita dans un coin et y écouta son cœur se calmer, trop content d'être arrivé jusque là sans peine. Brutalement, son sang se glaça et un frisson funeste lui parcouru l'échine, en réalisant qu'il n'était pas le seul à respirer dans la pièce !

Son regard paniqué balaya fiévreusement la remise borgne, et découvrit seulement à cet instant son occupant. Contre le mur, il y avait un grabat de fortune, où haletait péniblement un blessé. Il avait la respiration du mourant, mais son corps était fraîchement lavé et pansé, par des mains sans doute trop habiles pour être celles de truands, plus doués pour la mort que pour la vie. Son soupçon fut confirmé en découvrant de la charpie ensanglantée et des restes d'herboristerie, et l'espoir enfla dans sa poitrine oppressée. L'otage n'était pas morte, ils avaient besoin d'elle.

Bucéphale scrutait avec anxiété le visage du blessé, mais celui-ci, dévoré par la fièvre, était tout occupé à souffrir, et ses yeux restaient clos. Approchant l'huis, il resta longtemps l'oreille collée dessus, les sens aux abois. Quelques voix, indistinctes, discrètes. Aucun mouvement proche. C'est alors qu'il l'entendit. Un sanglot, curieusement étouffé, lointain et proche à la fois, égrenait sa pitoyable mélopée. L'otage était en vie, tout près ! Bucéphale estima que le son venait de la droite, et osa, très lentement, pousser sur le battant. Chiabrena ! L'huis s'ouvrait vers l'intérieur ! Et comment savoir ce qui l'attendait derrière ? Mais les autres voix étaient lointaines, et finalement, il se risqua à tirer l'huis doucement vers lui. Son front se décrispa légèrement en découvrant un couloir bas de plafond, plongé dans une demi-pénombre. Vers la gauche, un coude, d'où parvenaient la plupart des chuchotements. A droite, un autre coude, mais avant celui, une autre porte, très basse. Bucéphale comprit : c'était une cave, d'où provenait la plainte mouillée de larmes.

Il en aurait crié de triomphe, et mettait déjà un pied dans le couloir, quand un bruit de pas solitaire lui hérissa le poil. En voyant s'approcher un tremblement lumineux en face de lui, il n'hésita plus et battit en retraite, tâchant de rabattre délicatement l'huis tout en bondissant hors de vue. La dague en main, il écouta avec inquiétude les pas se rapprocher de plus en plus. L'importun venait droit sur lui. Avec horreur, Bucéphale vit l'huis s'entrouvrir, les doigts contre le panneau, l'autre main qui tenait une bougie. Arrêtant de respirer, il se plaqua contre le mur, prêt à tuer et à mourir, quand une ombre amie le recouvrit tout entier. L'huis s'ouvrait vers l'intérieur. Elle ne se referma pas. Ainsi dissimulé contre la parois, Bucéphale écouta, scié d'angoisse, l'inconnu entrer dans la pièce d'un pas léger, et se pencher sur le blessé. A travers un nœud du bois, il vit un dos maigre vêtu d'un sayon ocre, et une tignasse sale aussi noire que la sienne. Avec des gestes lents, Bucéphale soupesa sa dague et affermit sa prise, pointe vers le bas, et commença à s'approcher. La pièce était si réduite que cela consistait surtout à se dégager de l'huis ouverte et faire deux pas en avant, mais cela lui semblait être une distance infinie. Lentement, très lentement, il leva son bras armé pour frapper. L'autre ne l'entendit pas venir.

Ce devait être un ami très proche de celui qui gisait là. Il était entré sans faire de bruit, et lui parlait à voix basse, tenant avec délicatesse la main pâle du mourant dans les siennes. Il lui murmurait des mots de réconfort, et son angoisse était sincère. Son frère, peut-être ? Au dernier moment, il sentit une présence dans son dos, et voulut se retourner. Une main le saisit brutalement au menton et le tira en arrière, il vit scintiller une lame. Bucéphale la lui planta de biais dans sa gorge offerte, cherchant les vertèbres, les manquant, ne parvenant qu'à charcuter la chair. Sa trachée ouverte émit un long sifflement remplacé par un sinistre gargouillis, tandis qu'il se débattait contre cette énorme pogne qui lui maintenait la tête en arrière et la bouchée fermée. Il n'était déjà plus capable de crier. A mesure que la vie le fuyait, ses bras se firent mous, puis il cessa de se débattre et mourut debout.


Bucéphale avait les bras couverts de sang. Il se macula d'avantage en déposant doucement le corps, vaguement derrière la porte, mais rien ne pouvait cacher la mare de sang juste devant le grabat du mourant, et elle ne cessait de grandir. Encore haletant, il écoutait avec angoisse les bruits de la maison, mais n'entendait que son sang cogner contre ses tempes. Alors qu'il se décidait à tenter à nouveau sa chance, à nouveau des pas résonnèrent sur les mauvais planchers. Chiabrena ! Cette fois, ils sont deux !

Venant de la gauche, ils allaient à pas vifs, pressés, et causaient avec animation. Dos à la porte refermée, décidé à vendre chèrement sa vie, Bucéphale se blanchissait les phalanges sur le manche de sa dague, une sueur d'angoisse poisseuse lui brouillant la vue. Une puissante odeur de sang lui emplissait la bouche d'un goût de fer, il lui semblait impossible de ne pas être découvert. Pourtant, ils passèrent sans ralentir, pour stopper quelques pas plus loin. A l’affût, Bucéphale saisit ces mots : « Elle est ici ? » demanda une voix à l'autorité tranquille. « Oui mon père » répondit une voix aux accents paysans. Puis un huis s'ouvrit, et les voix déclinèrent à mesure qu'elles s'enfonçaient sous la terre. « Mon père » ? Un homme d'église, ici ? Était-ce un règlement de compte sordide au sein même du clergé des Trois ? Bucéphale voulait se lever, charger par surprise, et arracher avec ses poings les réponses à ces questions lui brûlant la cervelle. Mais il ne bougea pas, demeura immobile contre le panneau, accroupi tout près de ce corps qui achevait de laisser échapper un flot noir, la tête presque arrachée bizarrement penchée sur l'épaule. Parfois le blessé remuait et poussait un petit râle pathétique, la main qu'avait tenu son ami se levait parfois pour retomber aussitôt sans force. Bucéphale suivait avec fascination ces mouvements moribonds et demeura là, entre ce mort et ce presque-mort, assis dans la poussière, prisonnier de cet espace au temps suspendu.
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