Chemin de croix (Desmond de Rochemont)

15 juin 1166

Deux semaines s’étaient passée depuis sa malheureuse rencontre avec le chevalier de Rochemont. Un face à face qui aurait pu se solder d’une somptueuse soirée à profiter de jeux, de femmes et d’alcool mais que la langue trop pendue et acide de Marius avait fait complètement capotée. Le blond avait perdu une opportunité en or, celle de se rapprocher un peu plus de la noblesse de Marbrume et de faire ami-ami avec de Rougelac et son toutou… Mais il était mauvais diplomate, manquait de tacte et jouer la provocation avait tendance à le démanger dans ce genre de situation, surtout lorsque l’on remettait en cause ses capacités martiales et ses compétences au combat.
Oui, Marius s’était planté en beauté, et en plus de récupérer un sale hématome au bras, Desmond de Rochemont l’avait dans le collimateur. Il devait arranger ça… Il devait désamorcer la chose avant qu’elle ne lui pète complètement à la gueule et qu’il se retrouve à moitié crevé dans une ruelle.

Le milicien n’est pas du genre repentant, encore moins à regretter ses faits et gestes. L’arrogance ou l’orgueil nourrissent son égo et altèrent sa vision des choses… Pourquoi s’excuser lorsqu’on ne regrette pas ses paroles hein ? Tout ça parce qu’un chevalier mal léché et susceptible avait menacé de lui faire la peau à la première occasion. Il peste, râle… et malgré sa mauvaise volonté il décide de se mettre en route vers l’esplanade. Si on l’interpelle à la porte des anges, un petit mensonge devrait avoir la valeur d’un laissez passer.

“Je viens voir Desmond de Rochemont chez le Comte de Rougelac. Nous avons un entraînement prévu.” dira-t-il d’un ton aussi assuré que froid.

La baraque du Nobliau est énorme, imposante… Marius se demande à quoi peuvent servir tant de pièces et d’espace.
Le voilà pointé devant la porte, une moue crispée sur les lèvres…. Allez, c’était pour la bonne cause hein ? Et s’il n’était pas là ?
Le milicien sent ses mains devenir moites tandis qu’il lève son bras pour frapper contre le bois. Trois fois, de bons coups pour qu’on l’entende ! Mais ce n’était peut-être pas comme ça qu’il fallait s’y prendre par ici ? Son regard dévie sur le heurtoir accroché à sa hauteur, laissant un sentiment de honte parcourir son corps et chauffer ses joues.
Et merde… Il s’y était pris comme un rustre, n’ayant aucune idée des bonnes manières de la haute et de la façon de se présenter. La porte s’ouvre sur une personne qu’il ne connaît pas, et dont le regard plissé laisse sous-entendre la réciprocité du constat.

“Marius prechamps.” dira-t-il machinalement avant de poursuivre. “J’viens voir de Rochemont. Desmond de Rochemont.”

Il a tué le Roi ! Je reste atterré devant ce crime de lèse-majesté et je regarde une dernière fois la pièce tombée au champ d’honneur. Cela fait trois fois que je refais cette bataille avec ce commandant à la retraite et malgré qu’il n’ait plus qu’un bras et ne vois plus très clair, il a encore toute sa tête et m’a battu à plate couture.

C’est à ma demande que cet homme âgé est venu me donner quelques cours de stratégie tactique pour commander des hommes. Je sais déjà mener au combat des groupes d’unité et utiliser au mieux les compétences de mes différents compagnons d’arme mais si je veux un jour entrer dans la future armée, je dois voir plus grand. Il y a les différentes manœuvres militaires à connaître, tel que l’encerclement, la retraite ou la poursuite, mais aussi repérer les forces et les faiblesses de mes adversaires.

Ce sont là des notions fondamentales qui vont m’être demandé et j’ai là une véritable chance, tous les soldats valeureux sont morts avec le premier Roi et j’ai un véritable boulevard pour faire mon chemin. Mais avant tout cela, il faut que je batte ce vieux grincheux et je remets encore une fois leurs pièces sur les positions de départ. Le principe est assez simple, la cavalerie bat les archers, les archers battent les lanciers et les lanciers battent la cavalerie. Le Roi meurt dès qu'il est en contact avec des unités ennemis.

Nous avons de multiples pièces mais ne pouvons en bouger que certaines. Le but est de gérer l’avancée des troupes, tout en protégeant la pièce maitresse. Je pense que je me montre à chaque fois trop impatient et je le laisse en arrière où il se fait prendre par des troupes rapides. Je décide cette fois de placer le roi au centre de ma formation et de foncer en un seul bloc, ce qui semble déstabiliser mon adversaire qui a des troupes trop éparpiller pour s’opposer à moi.

Juste au moment où j’allais enfin prendre ma revanche, un serviteur du comte viens me voir et me demande :

Un certain Marius prechamps demande à vous voir.

Je fronce les sourcils, car je ne connais qu’un seul Marius et nous ne sommes pas en très bon terme, la dernière fois il m’a insulté, allant même jusqu’à menacer Victor, ce que je n’ai pas accepté. Est-ce qu’il s’est rendu compte que j’avais chargé un de mes hommes de le suivre pour connaitre ses habitudes ? C’est bien possible, j’avais prévu de le tuer après-demain et si mon subalterne a parlé, il veut peut-être prendre les devants et m’assassiner. Si c’est le cas, c’est une bonne chose, il faut juste que je me prépare et je serais prêt à répondre à son attaque, j’indique donc au larbin :

Menez-le dans la cour d’entrainement.

En effet, je ne suis pas chez moi et je ne veux pas que mon allié a des problèmes par ma faute, il vaut mieux combattre dehors. Pendant ce temps, je m’excuse auprès de l’ancien soldat et je vais mettre mon armure et mon épée. C’est donc bien équipé que je rejoins mon invité surpris à l’extérieur et je lui demande d’une voix parfaitement décontractée :

Marius ! A quel mauvais vent je dois ta venue ?

Marius attend patiemment à l’entrée du manoir jusqu’à ce qu’on revienne pour le guider dans une petite cours. Ce qu’il traverse d’intérieur est joliment décoré, pour sûr ce Rougelac était friqué.

Le milicien fait les cent pas dehors, attendant que Desmond se montre et réfléchissant à la tournure que prendrait les choses… Comment allait-il s’excuser… Comment fallait-il s’excuser ? Le blond angoisse légèrement, ce n’est vraiment pas quelque chose qu’il a l’habitude de faire… Et lorsque le chevalier se présente enfin, couvert de son armure de plaque, le garde hausse un sourcil perplexe.
Pourquoi tout cet attirail ? Etait-il en entrainement ou s’était-il équipe… rien que pour lui ?
Marius n’était pas venu lui régler son compte, mais l’inverse était moins sûr, il porte une main à la garde de son arme et grimace en entendant la question.

“J’suis v’nu pour… M’excuser.” dira-t-il entre ses dents serrées, faisant en sorte de garder une bonne distance entre lui et son potentiel ennemi.

“J’suis pas un bon diplomate moi, j’sais juste me battre et j’ai pas bien compris pourquoi t’as voulu m’inviter comme ça.” Ça, ce ne sont pas des excuses mais un constat. Il ravale sa fierté et grimace légèrement.

“ J’ai cru qu’tu voulais me manipuler et ça j’aime pas. J’suis quelqu’un de méfiant, et quand j’me méfie, je pique. C’est c’que j’ai fait et j’aurai p’t’être pas dû.” articule-t-il difficilement.

“Alors je te présente mes excuses, à toi et au comte de Rougelac.” il plisse les yeux et dévisage son vis à vis. “J’veux pas d’emmerdes Desmond, et j’crois bien qu’tu serais capable de m’en coller des tas.”

Marius a les mains moites, son dos colle contre son vêtement et l’inconfort de la situation le fait respirer plus vite qu’à l’accoutumée. Sa fierté en prend un sacré coup, il n’y a plus qu’à espérer que Desmond fasse preuve de clémence.

“On passe l’éponge, c’est bon ?”

Je le savais ! Dès que j’arrive, Marius met la main sur son épée, comme s’il pensait pouvoir m’occire en un tour de main, et je le vois bien embêter par ma tenue et ma grosse épée. Il garde d’ailleurs une distance prudente et invite une excuse bidon, comme quoi j’aurais essayé de le manipuler et fini par s’excuser. Je le vois qu’il a peur de moi, et cela me fait très plaisir. Je commence par mettre les choses au clair :

Je ne manipule jamais les gens, j’indique clairement ce que je veux et je fais en sorte de l’obtenir, d’une manière ou d’une autre.

Je ne dis que l’exact vérité, et maintenant que j’ai dissipé le malentendu, je souris à mon interlocuteur :

Pour tes excuses, je les accepte que si tu fais un petit combat d’entrainement avec moi. Sans armure et avec une épée en bois, épée longue, épée courte et épée à deux mains, on a de tout ici et on s’arrête au premier sang ou au premier gros hématome, est-ce que cela te convient ?

De toute façon, il n’a pas le choix, et je m’éloigne un peu, le temps d’enlever mon armure. Je ne crains plus rien car de nombreux gardes de Victor, curieux, se sont approchés et ils sont maintenant une petite dizaine à nous entourer. L’un d’eux m’aide même à ôter ma plaque et une fois en chemise, je peux prendre une arme factice à deux mains, curieux de savoir comment Marius va pouvoir se défendre.

Normalement, avec une arme pareille, je ne vais pas le tuer, du moins pas en un seul coup, mais un accident est si vite arrivé. Autour de moi, j’entends les soldats essayer de faire des paris, mais bizarrement, même avec une côte de dix contre un, pas un seul n’ose parier sur mon adversaire, et cette tentative tombe complètement à plat.

Je fais de mon côté quelques petits assouplissements pour m’habituer à ma nouvelle arme, et je retrouve facilement mes réflexes, car elle a le même encombrement que celle que j’utilise habituellement, elle est juste beaucoup plus légère et surtout peut se casser facilement lors d’un assaut trop fort, comme tout arme d’entrainement.

Une fois prêt, je regarde mon opposant d’un air mauvais et je lui demande :

Alors Marcus, est-ce que tu es prêt ?

J’attends sa réponse puis, je m’avance au milieu du terrain défini par un motif géométrique et je lui montre de la pointe de ma fausse lame le carrelage :

Il est interdit de sortir des limites. Si tu le fais, notre accord ne tiendras plus.

Je n’ajoute pas qu’il ne sortira pas d’ici vivant, car ce serait mentir, tuer un milicien demande de la discrétion et un bouc émissaire et au manoir, je n’ai ni l’un, ni l’autre. Je remettrai juste au goût du jour mon projet d’assassinat, trouvant une nouvelle opportunité. Je pense maintenant avoir tout dit et je lève bien haut mon épée, me mettant en garde, prêt à riposter à sa première attaque.

J’adore ce moment de calme avant la tempête, et je peux ajouter que je suis dans mon élément, le combat, il n’y a que ça de vrais !

Ce taré ne vivait que pour le combat et le goût du sang… Marius fronce les sourcils à sa proposition et masque un rictus d’inconfort. Il commence à nourrir une certaine rancoeur à l’égard de ce Desmond, et la dernière question qu’il lui pose a de quoi le faire vriller. Est-ce que cela lui convenait, sérieusement ? Bien sûr que non ! Mais il n’avait pas franchement d’autre choix que de se plier au fantasme vaseux de ce chevalier pour espérer être tranquille les jours à venir.

Un combat jusqu’au premier sang avec des armes factices… Il ne risquait pas grand chose, hein ? Le blond ne quitte pas des yeux le sang bleu lorsqu’on lui retire son armure, finissant par laisser trainer ses pupilles sur les armes d'entraînement mises à disposition près d’eux.
Déjà les gardes du manoir s’agglutinent et se rapprochent d’eux, si déculottée il y a, elle promettait d’être humiliante et publique…
Le milicien humecte ses lèvres et se munira d’une épée courte, effectuant quelques moulinets avec pour échauffer et assouplir son poignet. Un geste habituel, mécanique, qui évitait de laisser les articulations rouiller avec les années qui passaient.

Un simple combat… Mais non, une nouvelle règle tombe pour corser la chose ! Il lorgne le motif du sol et contient difficilement la frustration et la colère qui l’envahissent. Ce gars s’amusait de la situation, il n’attendait que cela… pas lui.

“Marius. C’est MARIUS. Pas MARCUS.” peste-t-il en retenant une insulte à son égard.

Alors le garde se met en position, se tient prêt, épée relevée et appuis bien ancrés au sol pour ne pas risquer de se faire pousser ou mettre au sol.
Les deux hommes se jaugent, se toisent, se tournent autour… Marius n’est pas un habitué de l’escrime noble et des joutes bourgeoises ; c’est un ancien mercenaire et il ne compte pas faire dans la frappe honorable.

Résultats Action 1 Marius -echec-:

Marius est impatient d’en finir… il lancera donc le premier assaut et ratera sa tentative. Frustrant, oui… Mais il espère que Desmond sera aussi maladroit que lui dans cette première approche.

Une épée courte ? C’est là un choix audacieux car cela implique qu’il va devoir s’approcher très près pour me toucher, me permettant de frapper en premier. Je l’ai déjà vu attaquer, et c’est vrai que le petit gars est courageux, comme la fois où il a foncé contre les bandits, avec un résultat catastrophique. En tout cas, il semble avoir appris de ces erreurs car il a une bonne posture et essayent de me prendre sur le côté en tournant autour de moi.

Je ne me laisse pas prendre à son jeu et je reste sur mes gardes, je pourrais l’attaquer en premier car il est à ma portée, mais je préfère riposter pour que le combat dure un peu. Il m’attaque sans fioriture, bille en tête, essayant de me frapper au niveau de la jambe gauche mais le coup est trop loin et rate de bien vingt centimètres. C’est à mon tour maintenant et j’utilise ma technique préféré, la charge pour lui infliger le maximum de dégât.

Je vise le plexus, il manque totalement son esquive et j’en profite pour lui donner un immense coup en plein dans le torse, mon arme se casse sous la violence du choc et je sens la vibration dans tous mes muscles. J’y suis peut-être allé un peu fort, je n’ai pas su réfréner mon enthousiasme et maintenant mon adversaire va avoir un joli bleu. J’espère juste qu’il n’a pas de côté cassé. Dans tous les cas, je fais arrêter le combat.

Les hommes de Rougelac, eux n’ont pas compris grand-chose à notre échange, ils ont bien compris que l’attaque de Marius avait lamentablement échoué mais ma riposte a été trop fulgurante et ce n’est que quand ils voient que je ne tiens plus que la garde de mon épée cassée, qu’ils se précipitent sur mon adversaire.

Heureusement le médecin personnel du comte a vu toute la scène et il se précipite vers nous, indiquant aux gardes présents :

Vite, allez me chercher un brancard !

Il se tourne ensuite vers moi, me regardant d’un air mauvais et m’annonce :

C’est la troisième fois depuis que vous êtes arrivé au Manoir ! Vous ne pouvez pas continuer comme cela, il faut absolument que vous maitrisiez votre force ! Pourquoi avoir combattu sans armure par les Trois !

Je hausse les épaules devant sa dernière remarque, je voulais juste lui donner une bonne leçon et le moins que je puisse dire, c’est que j’ai réussis. Devant mon absence de réaction, le médecin se concentre sur son patient et à genoux, lui tâte rapidement le corps, à la recherche de fracture, en disant au milicien :

Surtout ne bougez pas !

Il fait son travail pendant une dizaine de minutes, puis rassuré lui dit :

Vous n’avez rien de grave, l’épée c’est brisée et a absorbé une partie du choc, vous auriez pu être handicapé gravement, voir même mourir.

Il se relève enfin et me toise une dernière fois, avant de repartir, marmonnant dans sa barbe.

Résultat de l'attaque:

Si le coup de Marius avait été -pour la seconde fois- un échec cuisant, l’assaut de Desmond fut fulgurant. La lame qui s’écrase contre son buste se brise, l’impact l’empêchant d’émettre le moindre cri avant qu’il ne s’effondre au sol. Ses oreilles bourdonnent, son corps a du mal à réagir et sa respiration est difficile. Le blond est désorienté, il ne semble pas comprendre ce qui vient de se passer et fermera les yeux un instant. Il n’entend pas ce qui se passe autour, il ne sera ramené à la réalité que par ces mains qui le tâtent et l’inspectent à la recherche d’une blessure plus grave qu’il n’y parait.
Le verdict tombe ; rien de grave. Tant mieux, non ?

Encore sonné par l’attaque, il ne répond pas au toubib ou à ses réprimandes, se contentant d’essayer de retrouver un souffle régulier et souple. Il tousse une fois, deux fois pour évacuer l’air resté coincé dans ses poumons et finit par redresser son buste lentement, toujours assis au sol.

Chaque chose en son temps.

Reprenant peu à peu ses esprits, il remet les briques de souvenir en place et lance un coup d’oeil virulent du côté du chevalier. Quel enfoiré celui là…
Sans demander d’aide à qui que ce soit, il pivote sur le côté et se relève, peinant à garder son équilibre une fois remis sur pied. Ni une ni deux, ses pas le guident vers un mur contre lequel il s’appuie lourdement, tâchant de garder son attention focalisée sur Desmond.

“...Satisfait?” souffle-t-il d’une voix rauque avant de cracher un glaire sur le côté. Merde… Il lui avait bien décrassé les bronches.

“Me cherche pas de noises, j’ai fait c’que tu voulais, t’as eu c’que tu voulais, maintenant on arrête. C’est fini. J’t’ai présenté mes excuses et j’veux pu rien avoir à faire avec toi.” -Sac à merde-. Cela lui brûle les lèvres mais il parvient à éviter le dérapage de peu.

D’un pas lourd et pas bien assuré, il tournera le dos à celui qui l’avait reçu pour retourner vers l’intérieur du manoir. Escorté ou pas, il n'hésitera pas à forcer le passage pour quitter cet endroit maudit, si rien ni personne ne l’en empêchait.

Marius se relève et se pose contre un mur, ne me tournant pas le dos, comme s’il craignait que je le frappe à nouveau alors que je n’en ai absolument pas l’intention. Il m’indique ensuite que l’on est quitte, ce qui me fait sourire, en effet, il a m’a combattu et n’est pas sortit des limites, donc techniquement, je dois lui pardonner.

Je le vois ensuite se diriger vers la sortie et je me dis que finalement c’est un type qui a du courage et je le rejoins donc rapidement, ce qui n’est pas très difficile vu sa vitesse et je lui dis :

Voyons Marius, tu ne vas pas te barrer comme ça, je t’invite à boire un verre, en plus tu as oublié ton armure et ton arme.

Je fais signe aux gardes qui ont observé le combat et aussitôt ils arrivent avec l’équipement demandé et je dis à mon ancien adversaire :

Tu as raison, je remets le sablier à zéro, et ma proposition tient toujours, quelques informations sur les patrouilles et je te rends un service.

J’ai en effet besoin lors de mes missions pour Victor de sortir discrètement pendant le couvre-feu et je n’ai toujours pas d’information fiable à ce sujet, j’essaie donc de convaincre mon interlocuteur, en lui précisant :

Je peux t’avoir des filles, de la nourriture et te présenter certaines personnes de la noblesse, à condition que tu tiennes ta langue bien entendu.

J’attends donc sa réponse, les deux hommes de Victor restent à côté nous, ils ont entendu notre conversation, mais j’ai entièrement confiance en eux, d’ailleurs quand tu travailles pour le comte, tu apprends vite à tenir ta langue si tu ne veux pas qu’une personne, moi au hasard, te la coupe. J’ai même entendu une histoire comme quoi certains gardes, pour que leurs mioches restent calmes, les menacent d’appeler le chevalier Desmond pour les punir. Il semblerait que cela fonctionne fort bien, les mouflets obéissant bien plus vite après.

Dans tous les cas, j’attends la réponse de mon interlocuteur, espérant qu’elle sera positive et que nous pourrons discuter autour d’un bon pichet de bière au manoir. Si ce n’est pas le cas, je le laisserai partir et je mettrai à la recherche d’un autre indic, démarche fastidieuse mais nécessaire, j’ai besoin d’information.
Je vois aussi un des serviteurs m’amener mon épée à deux mains et le fourreau correspondant et je le porte rapidement, n’aimant pas rester désarmé, pour mon armure, je lui indique de la nettoyer puis de la ranger. Je peux maintenant écouter ce que va décider Marius, ayant tout mon temps, après tout, je n’ai aucune envie de me reprendre le chou sur des exercices de stratégie, boire est bien plus amusant.

Marius était encore un peu sonné par les récents événements et par ce coup fulgurant qu’il s’était mangé dans le plexus. Il écoutera Desmond le front plissé de mécontentement avoir de biaiser son attention sur les gardes qui lui rapportaient son équipement. Effectivement, ça aurait été dommage de partir sans ça… Il enfile avec nonchalance sa broigne et range son épée à sa ceinture d’un geste lourd et fatigué. Il n’a pas encore tout à fait repris son souffle et il lui faudra certainement une bonne journée pour se remettre de ses émotions.

De son côté, le chevalier ne semble pas vouloir lâcher l’affaire avec lui. Les informations que Marius détient, il les veut pour son usage personnel… Ce n’est pas très correct de faire ça, mais qu’aurait le milicien à se reprocher ? Dans le pire des cas, Desmond était un purificateur lui aussi, et il rendait ainsi service à un de ses confrères, il lui donnerait également un ticket pour se rapprocher de la bourgeoisie et de la noblesse de Marbrume. Cet accord ne l’enchante pas particulièrement, par fierté probablement… C’est une sacrée branlée qu’il s’est pris, lui qui avait voué sa vie au combat et qui avait tout de même bien roulé sa bosse depuis toutes ses années.

Marius jette un coup d’oeil en coin sur les gardes qui l’entourent ; ils ont probablement entendu la proposition du sang bleu, qui garantissait qu’ils n’iraient pas le dénoncer pour de la magouille ? De nouveau ses pupilles s’attardent sur la montagne de muscles, ses lèvres se pincent un instant tandis qu’il hésite et cherche quoi répondre.

“ C’est d’accord.” finit-il par trancher avant de cracher de nouveau sur le côté et de retenir une quinte de toux.

“Mais crois pas qu’on soit amis. Au mieux, on ‘travaille’ ensemble. C’est un ‘échange de bons procédés’, rien de plus. Et j’espère que ta bière est bonne.”

Je peux presque entendre les mécanismes du cerveau de Marius se mettre à fonctionner à pleine vitesse pendant qu’il étudie ma proposition. Il soit surement se demander ce que je compte faire de toutes ces informations, suis-je un tueur sanguinaire ou au contraire un héros ? Personnellement, je me considère comme les deux, un justicier tuant les méchants et les gens qui m’énervent.

Finalement le milicien me donne sa réponse et je ne peux m’empêcher de lui sourire, devant sa réticence, je lui réponds donc d’un ton enjoué :

Bien sûr ! Suis-moi !

Je laisse là les hommes de Rougelac qui retourne à leurs propres occupations et je conduis mon invité dans la portion de l’édifice que Victor a mis à ma disposition. En entrant, je vois un domestique en train de nettoyer la pièce et je lui dis :

Norbert, va me chercher deux bières.

Je lui jette une pièce et j’ai la satisfaction de le voir partir en courant. Théoriquement, je n’ai aucune autorité sur le personnel du Manoir mais un peu d’argent fais passer bien des choses. D’ailleurs il faudrait un jour que j’embauche un suivant pour s’occuper de ce genre de chose, sinon, un jour je ne trouverai personne et il faudra que j’aille chercher ma boisson moi-même, ce qui est inacceptable.

Je peux enfin me tourner vers mon invité, pour lui proposer de s’assoir dans une des deux chaises confortables, celle de droite plus précisément, car l’autre m’est réservé car elle a été renforcée pour soutenir mon propre poids. L’appartement dans lequel je vis mesure une cinquantaine de mètre carré, divisé en deux, avec un salon où nous sommes et la chambre avec le lit sur mesure. Il est décoré avec goût, du moins ce que je pense être du bon goût, avec beaucoup de bois et ressemble beaucoup à ce que j’avais avant.

Il n’est pas très luxueux, mais cela ne fait que quatre mois que je suis installé et je l’équipe petit à petit, mais je m’y sens bien, et c’est le principal, et puis, je n’accueille pas un baron, mais un simple homme du peuple, je ne vais pas lui faire des ronds de jambe. Une fois correctement installé, je lui demande :

Maintenant, dis-moi Marius, pourquoi avoir intégré la milice ?

J’écoute sa réponse, sincèrement curieux de savoir la raison, est-ce parce qu’il aime se battre ? À moins que ce soit par raison simplement financière, cela me permettra de mieux cerner la personne que j’ai en face de moi. Dès que mon interlocuteur fini de parler, le grouillot arrive avec les bières empruntées à la cuisine et nous les donne avant de repartir. Je bois la moitié de la mienne d’un trait, appréciant son goût, il n’y a pas à dire, être allié à la maisonnée de Rougelac a beaucoup d’avantage. Je peux ainsi lui demander :

Alors, tu l’as trouvé comment ?

Normalement elle devrait lui plaire, ce n’est pas dans les auberges du Labourg que l’on peux dénicher pareille merveille.

Marius suit Desmond sans broncher même s’il n’apprécie pas la jovialité dont il fait preuve après l’humiliation qu’il vient de subir. Il n’aime pas ce type… mais parfois il faut savoir mettre ses différends de côté pour accéder à plus grand et plus gros. Des compromis, voilà tout… Le milicien a été clair, il n’y a pas de sympathie dans cet échange, que de l’intérêt.
Il s’assoit sans demander son reste, bien soulagé et satisfait de pouvoir se reposer après le coup foudroyant qu’il s’était mangé quelques minutes plus tôt.
Si le blond a eu la chance de ne pas être blessé trop grièvement, le choc n’en reste pas moins important et il lui faudra plusieurs jours pour s’en remettre.. Alors oui, s’asseoir n’est pas une mauvaise chose.

Son échine s’enfonce lourdement contre le dossier de la chaise et son regard glisse sur le salon de son hôte et ses décorations. Marius n’est pas un homme de goût et il n’a jamais connu le luxe, pour lui, ce qu’il voit est une preuve suffisante de pouvoir et d’argent, et cela lui convient. Alors que le silence s’était installé entre les deux hommes, le chevalier finit par briser le calme pour poser une première question. Ce n’était pas vraiment celle à laquelle il s’était attendu, pourquoi tournait-il autour du pot plutôt que d’en venir directement à ce qui l’intéressait..?

Le blond le jauge un instant et finit par humecter ses lèvres, rassemblant ses idées avant de lui répondre :

“ Parce que c’est tout ce qu’il me restait. J’me suis battu toute ma vie, même avant la fange… Je sais faire que ça.” dit-il dans un froncement de sourcils, appréhendant une nouvelle pique sur ses techniques martiales et ses aptitudes au combat.

“Et en arrivant ici… J’ai fini par me promettre de faire tomber tous ces crevards de purificateurs.” ajoutera-t-il avant de laisser couler son regard sur le sol.


“Ils ont fait trop de dégâts, on a pas besoin d’ça par les temps qui courent.”

Les bières arrivent...Enfin ! Mais Marius ne se précipitera pas dessus comme un rustre malgré l’envie de la siffler en deux gorgées… Il s’empare de la pinte qui lui est destinée et en voit une lampée doucement.
Ça pour être bonne, Desmond ne s’était pas foutu de sa gueule !

“Disons qu'ça peut aller…” lance-t-il dans un haussement d’épaule, de bien mauvaise foi.

“Et t’es qui toi au juste ?”

La réponse de Marius me semble tout à fait approprier, j’aurais pu être comme lui, mais mon éducation de noble m’a permis de m’ouvrir de nombreuses portes et j’ai pu évoluer, augmentant mes connaissances. La seconde partie me fais plaisir, je me suis également promis de tuer le plus possible de membre de cette secte démente et j’y prends d’ailleurs à un grand plaisir, surtout quand je peux les torturer juste avant de les expédier rejoindre les Trois.

Mais la réaction de mon interlocuteur sur le goût de la bière me surprend, je suis pourtant sûr qu’elle est excellente ! À moins qu’il n’ait pas eu de chance et soit tombé sur une boisson d’un fond de cuve ? C’est le genre de chose qui arrive et qui ne permet pas d'apprécier ce nectar. Il me pose ensuite une question à laquelle, je réponds bien volontiers :

Je suis juste un Chevalier à qui son employeur demande des choses en plein couvre-feu et qui as besoin de se déplacer discrètement dans notre belle capitale.

D’ailleurs, puisque j’aborde le sujet, je me lève pour prendre une carte sur un bout de parchemin, elle n’est pas précise et représente grossièrement la ville avec ses différents quartiers, mais cela devrait suffire pour ce que je compte en faire.

Je la pose donc sur la table, l’empêchant de se ré enrouler avec ma chope et ma dague et j’indique au milicien :

Peux-tu me dire où et quand partent les rondes dans ce quartier ?

Je lui pointe du doigt le quartier du Labourg, où je dois régulièrement me rendre. Avec ce type de renseignement, je n’aurai plus à perdre du temps à me cacher pour éviter les patrouilles, gagnant ainsi du temps pour régler mes petites affaires plus celle de Victor. Pour l’encourager à se livrer je lui indique :

Nous pourrons retourner au lieu d’il y a quelques semaines, leur bière sera encore meilleure, j’en suis sûr.

Je souris en prononçant cette dernière phrase, car ils sont une petite production locale qui ferai passer cette bière que je bois pour de la pisse d’âne. Je fais tous ces efforts car une fois que le vétéran aura été mis en confiance, je pourrais lui soutirer plus d’information et l’employer comme taupe au sein de la milice, il est toujours bon d’avoir un coup d’avance sur les forces de police, ça peut littéralement vous sauver la vie.

De plus, il aura peut-être des pistes pour débusquer d'éventuels sectaires et ainsi augmenter ma réputation auprès du Roi, je vais en avoir besoin si je veux intégrer la future armée.

Marius pince ses lèvres dans une grimace nonchalante à la réponse de son interlocuteur. Un chevalier bien docile qui avait besoin de se balader en ville la nuit en toute discrétion… A chaque nouvelle seconde qui passe, le milicien se demande un peu plus si ce comte n’a pas le moindre lien avec les purificateurs. Il avait de l’argent, des serviteurs, une bonne position en ville… Il ne serait jamais suspecté d’être de la Secte à moins de commettre une faute grave ou d’être pris la main dans le sac.
Il pourrait être un allier de choix, quelqu’un de qui il devrait se rapprocher… avec qui il devrait tenter de sympathiser même.
Il prend une nouvelle rasade de bière et observe la carte que déplie Desmond sous ses yeux, prenant un instant pour se repérer sur cette dernière. La question tombe, nette sans fioritures ; le Molosse veut ne pas se faire gauler en allant vadrouiller au Labourg.
Qu’est-ce qu’il y a d’intéressant là bas pour qu’un nobliaud comme Rougelac y envoie son gentil toutou à des horaires douteuses…?

Le milicien marque un instant de pause et laisse une ridule interrogatrice plisser son front tandis qu’il dévisage son vis à vis. Dans un soupire, il finit par écraser son doigt sur la carte pour tracer le chemin habituellement pris par les patrouilles dans le quartier. Il procède lentement, de sorte à ce que Desmond ait le temps d’intégrer l’information et de la retenir.

“ On part d’la caserne un peu avant qu’le soleil se couche. On a pas l’droit de se balader seul sans notre coutilerie, mais laisse moi te dire que dans ce quartier on fait encore plus attention. Pas question de se retrouver tout seul en cape verte dans ces foutues ruelles, c’est pas tant la hiérarchie qui serait à craindre mais les crevures qui risqueraient de nous tomber dessus.”

Il retire sa main de la carte et se détend un peu plus, adoptant une posture plus relâchée.

“J’vois pas vraiment c’qu’un type comme toi irait foutre au Labourg. J’vois encore moins c’que t’irait y faire une fois le couvre-feu passé, et j’arrive pas non plus à imaginer c’que ton Rougelac trouve d’intéressant là bas. T’es à son service nan ? T’y vas pas pour le plaisir dans c’coin moisi… Alors c’est pour quoi ?” demande-t-il dans un froncement de sourcils perplexe et curieux.

“J’serai muet comme une tombe si tu m’promets qu’on retourne à l’endroit où tu m’as emmené la dernière fois. Et j’accepterai même de jouer avec toi si tu m’réponds.” s’amuse-t-il dans un sourire froid.

J’écoute avec attention ce que me dit Marius sur les patrouilles de la Milice et cela conforte mes convictions, sur le fait que c’est vraiment une bande de lâche, incapable de se débrouiller tout seul et se déplaçant toujours en bande. Je comprends pourquoi les cultistes arrivent toujours à les éviter, leur but est juste de se montrer et pas d’être efficace dans la lutte contre cette maudite engeance. Mais l’important est de ne pas se faire surprendre et maintenant que je connais les différents itinéraires, ce sera chose aisé.

Une fois sa tâche terminée, je vois le soldat qui se relâche un peu plus et me pose quelques questions bien indiscrètes, à laquelle je ne peux pas répondre franchement, je décide donc de lui dire seulement une partie de la vérité :

La maison des Rougelac a de nombreuses petites manufactures qui fabriquent des pièces pour des armes dans ce quartier, avant qu’elles soient assemblés près de la caserne, comme des arbalètes.

Je ne raconte pas de secret, tout le monde sait que le comte est un des gros fournisseurs de la milice. Je peux donc continuer :

Le comte, comme tous les nobles de l’Esplanades à de nombreux alliés et presque autant d’ennemis et il doit donc garder un œil jour et nuit sur tout ceci, pour faire en sorte que les gardes de cette ville ne manquent jamais de quoi que ce soit. Mon travail est de transmettre ses ordres, pour réagir le plus rapidement possible, sans perdre de temps.

Je pense avoir été clair, c’est un travail pas facile, mais il faut bien que quelqu’un le fasse. Je ne lui parle pas, bien sûr, des femmes de petites vertus que je fais venir, ou des hommes que j’assassine pour son compte, afin d’éviter de trop en dire, j’ai quand même devant un représentant de la Loi ! Maintenant que j’ai répondu à son interrogation, je peux lui dire en souriant :

Maintenant on part s’amuser ? On doit toujours faire cette partie et je me sens en veine aujourd'hui !

J’aime beaucoup jouer aux dés et je sens que la déesse de la chance à poser ses yeux sur moi aujourd’hui, ce serait un véritable gâchis de ne pas en profiter ! Mais avant de partir, je fini la seconde moitié de ma chope pour ne laisser un tel nectar s’éventer, pour enfin me lever, indiquant ainsi à mon interlocuteur que je suis prêt à quitter le manoir, à moins qu’il ait une autre requête.