Darius est souvent impatient de retrouver la mer, mais ce matin-là, il serait bien resté les deux pieds sur terre à profiter de la présence de son épouse. Après leur étreinte, il aurait voulu traîner un peu plus longtemps dans le lit et retenir Mathilde jusqu'à ce que son estomac commence à crier famine. Le départ du navire ne pouvant cependant être retardé, il se fait violence et laisse sa femme lui filer entre les doigts, non sans admirer son corps nu tandis qu'elle attrape une chemise pour se vêtir. Le capitaine soupire intérieurement, à la fois contenté et agacé. Toute bonne chose a une fin, il le sait. La fin arrive juste trop tôt parfois.
Quand Mathilde descend l'échelle et disparaît au rez-de-chaussée, Darius trouve finalement la force de s'extirper du lit et de ramasser ses affaires éparpillées par terre. En deux temps, trois mouvements, il s'habille et redonne un semblant d'allure à ses cheveux. Au passage, il ramasse les vêtements abandonnés de Mathilde et la bouteille d'alcool aux prunes, qu'ils ont vidée avec application la veille. Le chambre à peu près en ordre, il suit les bonnes odeurs provenant de la cuisine et rejoint Mathilde.
Un rapide coup d'œil vers son épouse permet à Darius de constater qu'elle ne chôme pas depuis qu'elle est descendue. Non seulement elle prépare une omelette, mais elle a également quelques galettes à l'avoine en route. Le pirate sourit en coin. En quelques minutes, Mathilde sait accomplir de petits miracles.
« Je vais prendre le temps », répond-il à sa question, échangeant avec elle un regard complice.
Darius ne pourra rester encore une heure, mais il sait que Mathilde n'en demande pas tant. Qu'il s'attarde une dizaine de minutes fera plaisir à la fermière, et l'idée ne lui déplaît pas à lui non plus. Il n'aura qu'à marcher plus vite.
Le pirate s'approche tranquillement de son épouse et sourit moqueusement à ses paroles.
« Vu ton historique, belle fermière, j'ai comme l'impression que tes recommandations risquent de m'apporter plus d'emmerdes que moins », réplique-t-il en ricanant.
Reprenant son sérieux, Darius baisse les yeux sur la main tendue de Mathilde. Il sourit en prenant le ruban qui a servi à les unir officiellement devant Anür. La cérémonie et la nuit de noces étant terminées, il a désormais la responsabilité de garder ce symbole de leur mariage en lieu sûr. Et un navire bondé de pirates n'a rien d'un lieu sûr.
« C'est une bonne idée, dit-il lorsque Mathilde lui suggère de conserver le ruban dans une boîte qu'elle rangera sous leur lit.
À mon retour, je trouverai un endroit sûr et secret pour cacher la boîte. Dans la chaumière, on sait jamais ce qui peut arriver, surtout qu'on y entre et en sort comme dans un vrai moulin. Et j'oserais pas apporter quelque chose d'aussi précieux avec moi vu la vie que je mène. »Sur ces mots, il tend de nouveau le ruban à Mathilde. Elle en prendra soin en son absence et le temps qu'il passera à l'écart lui permettra de songer à la cachette parfaite. Enfin, si elle n'est pas trop occupée à songer aux doigts qu'il coupera pour lui offrir une bague de mariage.
Darius éclate de rire et accueille Mathilde dans ses bras. Il ne voit pas son visage, mais il devine que ses joues sont colorés de ce rouge qui enflamme sa peau quand elle explose de rire. Un rouge plein de bonheur qui lui va à ravir.
« Franchement, pour qui tu me prends? fait-il mine de s'offusquer.
Si je coupe le doigt d'un type pour avoir sa bague, je vais avoir la décence de lui demander son nom pour te transmettre l'information, Mathilde. J'ai un minimum de savoir-vivre. »Darius ricane, puis cueille le visage de Mathilde entre ses mains pour la regarder dans les yeux.
« T'auras ta bague et je vais faire un effort pour l'obtenir de façon presque honnête », murmure-t-il avec un sourire espiègle avant d'embrasser son épouse.
Darius offre un long baiser à Mathilde, puis se recule pour prendre place à table, ayant visiblement l'intention de manger. Lorsque l'assiette apparaît devant lui, il ne tarde pas à faire honneur à la cuisine de son épouse et à engloutir sa part de l'omelette.
« Si tu veux que je te rapporte des trucs de la ville, c'est le moment de me faire ta liste, lance-t-il entre deux bouchées.
Pas besoin de négocier aujourd'hui, il y a une offre spéciale pour les belles fermières et je demande juste les délicieuses galettes qui, par le plus pur des hasards, traînent là. » Darius sert un sourire goguenard à Mathilde. Après avoir pris ses demandes en considération, il se lève lentement et repousse sa chaise. Il reprend alors ses armes, annonce silencieuse qu'il est temps pour lui de partir. Nul besoin de le dire de vive voix à Mathilde. Elle connaît déjà ce rituel qu'ils répéteront encore et encore, jusqu'à ce que la mort les sépare.
Darius passe la porte de la chaumière, puis pivote vers Mathilde, qu'il enlace alors pour un long baiser amoureux. Alors qu'il est en train d'embrasser son épouse, il entend un sifflement moqueur derrière lui. Se détachant de Mathilde, il pivote pour découvrir, un peu plus loin, un Gauthier de belle humeur qui les salue avec de grands gestes.
« La prochaine fois, je t'embrasse à l'intérieur », dit-il à l'adresse de Mathilde, sourire en coin, tout en renvoyant la main à Gauthier.
Un dernier baiser avant qu'il se recule pour de bon.
« Je t'aime, ma belle fermière. Mon épouse.»Son épouse. Il regarde Mathilde avec tendresse, puis lui sourit une dernière fois avant d'emprunter le chemin, celui qu'il connaît déjà par cœur parce qu'il mène au seul endroit qui importe vraiment : le refuge.
RP TERMINÉ