Le chevalier aux multiples blessures [ TERMINÉ ]

Voilà une commande simple, le tissu le plus résistant, voilà ce qui va nous faire gagner du temps ! En plus, la dénommée Marion est efficace et elle fait rapidement son travail. Lorsque Théanna, m’indique qu’elle ne veut pas rester plus longtemps que nécessaire, je hoche la tête et lui réponds sur le même ton :

C’est une très bonne idée, Milas vous l’apportera dès qu'elle sera prête.

J’indique donc à voix haute au commerçant :

Mon suivant viendra la chercher demain, vous enverrez la note au manoir de Rougelac.

Je n’ajoute pas que ce dernier est sur l’Esplanade, car tout le monde le connaît. Je vois l’homme faire une telle révérence que ses cheveux touchent presque par terre et me dire en souriant :

Il en sera fait selon vos désirs, sire.

C’est quand même bien agréable de commander chez des gens bien éduqués, et je hoche la tête pour montrer ma satisfaction, puis quand l’employée à terminé, je peux dire à la jeune femme :

Nous pouvons partir.

Je suis peut-être un peu directif, mais il reste encore une chose à faire et quittant la boutique, je vais rapidement dans un marché couvert, juste à proximité. Il y a bien sûr quelques étals, mais ils ne présentent que peu de nourriture, le principal n’étant pas là et je fais signe au vendeur que je connais bien :

Arnold, emmène-nous dans ton arrière-boutique.

Il me regarde puis montre du pouce la personne qui m’accompagne et je lui dis, passablement exaspéré par toutes ces inutiles précautions :

Elle ne fait pas partie de la Milice, alors dépêche-toi.

Me faisant confiance, il lève une teinture et nous arrivons dans une grande pièce où se trouvent de nombreuses denrées, normalement introuvables à Marbrume et j’indique simplement à l’apothicaire, en lui prenant un des paniers disposés à côté d’une table :

Prenez ce que vous voulez, je mettrai un drap dessus pour les cacher et je vous ramerai chez vous, vu le quartier où vous habitez.

C’est en effet un endroit mal fréquenté et pour ma part, je prends une pomme, car je commence à avoir faim, en disant simplement au vendeur :

Tu mettras tout ça sur ma note.

C’est cela d’être noble, les gens ont confiance, car nous dépendons énormément de notre réputation. Si nous ne remboursons pas nos dettes, la rumeur va se répandre très vite parmi les marchands et nous ne pourrons plus rien acheter à crédit.

Je n’ai plus qu’à attendre que celle qui m’a soigné fasse son choix, ce qui sera loin d’être facile, vu l’abondance de nourriture réunis dans cet endroit.

Acquiesçant aux paroles du chevalier, elle s'en retrouva parfaitement satisfaite du travail de la fameuse Marion. Mais cela n'était guère étonnant au vu du lieu dans lequel ils se trouvaient. Elle nota alors la mention du manoir Rougelac. Théanna avait déjà entendu ce nom, prononcé par certains habitants du Labourg, mais jamais elle n'avait pu mettre un visage sur les habitants de ce manoir. Désormais, elle saurait reconnaître l'un de ses membres. Desmond continua alors en annonçant qu'ils pouvaient quitter l'échoppe. Avec un sourire et une salutation d'un mouvement de tête, l'apothicaire suivit son guide. Ils arrivèrent alors rapidement au marché ouvert et leur petit groupe s'arrêta devant un étal. Le chevalier s'adressa au vendeur et Théanna fronça les sourcils devant la situation qui se déroulait sous ses yeux.

Rapidement, elle comprit que Desmond avait accès à une certaine partie de la marchandise et que cette dernière était dissimulée précieusement. En annonçant qu'elle n'était pas membre de la milice, le vendeur se détendit et s'enfonça dans son échoppe. Décidément, cela avait bien des avantages d'être noble. Quelque peu amère face à ces faveurs, l'apothicaire dissimula ses pensées derrière un masque neutre. Elle était pourtant bien au fait que l'argent ouvrait toutes les portes. Surtout par les temps qui courraient.

Elle fut assez surprise lorsque Desmond lui offrit de prendre ce qu'elle désirait et ensuite de la ramener chez elle. Elle haussa les sourcils et demeura un instant interdite avant de pencher la tête sur le côté avant de saisir le panier qu'il lui proposait.

— C'est bien aimable de votre part Messire, mais cela ne va-t-il pas vous faire perdre votre temps ?

Après tout, il avait mentionné plusieurs fois être pressé et elle avait l'habitude des rues mal famé du Labourg. Elle connaissait les endroits à éviter et surtout, le chemin le plus rapide qui la conduirait en sécurité. Non pas qu'elle refuse sa générosité, mais elle ne désirait pas abuser de son temps. S'en allant regarder les aliments qui se trouvaient dans la pièce, elle porta son choix sur un pain, deux carottes et deux navets. Elle observa le chevalier et hésita un instant avant de hocher de la tête.

— Cela sera tout pour moi Messire, je vous remercie de votre générosité.

Elle ne désirait pas tirer sur la corde en remplissant grassement son panier, bien qu'il ai les moyens de lui payer tout cela. Elle aurait rêvé de pouvoir prendre encore quelques aliments, mais le prix s'en retrouverait bien trop élevé par rapport à ce qu'elle avait réalisé. Le temps viendrait où elle pourrait s'acheter ce qu'elle désirerait, tout n'était qu'une question de patience et de travail honnête. Et puis, elle pourrait assurément tenir une semaine entière avec ce qu'elle venait de prendre. Si elle faisait attention, elle pourrait avoir un repas tous les soirs.

La rebouteuse me demande si je ne vais pas perdre mon temps et je la rassure en l’informant :

Nullement, je ne tiens pas à ce que vous soyez agressé à l’extérieur, sinon qui pourra soigner mes plaies ?

Je la vois ensuite choisir différents aliments dont des navets, légumes que je déteste du plus profond de mon âme, et je suis bien content de ne plus être obligé de les manger. Ma belle-mère savait pertinemment à quel point je les abhorrais et elle prenait un malin plaisir à en servir tous les jours à la table de mon père. Décapiter mon beau-frère a été une vengeance bien méritée pour tout ce que j’ai dû subir et ce n’est que la justice divine qui a été appliquée.

Je suis sortie de mes pensées par la jeune femme qui m’indique qu’elle a terminé et me remercie, comme une personne bien élevée je lui réponds donc en souriant :

C’est bien normal, toute peine mérite salaire. Si vous voulez confier le panier à Milas, il va s’en charger.

Le garçon s’approche de Théanna les mains tendues, puis met un tissu prévu à cet effet sur le contenant, tout en lui précisant :

Je vais les porter pour vous et ramènerai le panier avec le drap ici.

Nous pouvons ensuite quitter le commerce, je fais un signe de tête au vendeur, qui mettra cela sur ma note et nous nous retrouvons dans la rue. Le contraste est saisissant entre la foule présente et l’ambiance presque feutré de l’échoppe caché où nous étions les seuls clients. Je prends donc la tête de notre petite expédition et le voyage se passe bien, du moins jusqu’à ce que nous arrivions en vue du domicile de la jeune femme.

J’aperçois deux hommes, plutôt mal habillés qui semble attendre juste devant la porte, ils ne m’inspirent pas confiance, mais c’est le cas de la majorité des gens du quartier et je préfère demander à la propriétaire des lieux, puisqu’ils ne nous ont pas encore vu:

Vous connaissez ces individus ?

S’ils ne présentent aucun danger, je pourrais la laisser là. Si à l’inverse, ce sont des brigands, je leur réserve une justice expéditive, en tant que soutient de la Milice, je m’octroie le droit de punir la racaille de manière approprié c’est-à-dire par un bon coup d’épée à deux mains dans le bide. C’est une technique efficace car les gens ainsi châtiés ne posent plus aucun problème.

Un petit rire échappa à l'apothicaire à la réponse du noble. Non seulement, il lui offrait la sécurité d'un retour sans encombre, mais en plus, il assurait revenir lorsqu'il serait blessé. Ravie de la tournure des choses, Théanna inclina la tête en direction du chevalier.

— Dans ce cas, vous avez toute ma gratitude Messire et soyez assuré que vous serez toujours le bienvenu dans mon échoppe.

Le jeune garçon, Milas, s'approcha ensuite d'elle afin de lui prendre le panier des mains. Elle le lui remit, affichant un sourire de remerciement sur son visage. Le petit avait de la chance, il pourrait envisager un avenir serein s'il continuait à être aussi attentif à la formation que lui donnait le chevalier. L'apothicaire était heureuse de voir que certains enfants avaient encore la chance de pouvoir imaginer un futur positif. Comparé aux orphelins et petite terreurs du Labourg, cela faisait du bien de voir de l'espoir pour les futures générations. Théanna hocha de la tête en direction de l'enfant qui l'informa qu'il se chargerait de ramener le panier ici.

Le petit groupe quitta alors l'échoppe du marchand, reprenant la direction de la demeure de la brune. Sa visite dans la Hanse la poussait à travailler plus dur encore, afin de pouvoir s'offrir une boutique dans ce quartier. Il était bien plus chaleureux et propre que le Labourg, il lui offrirait également d'autres possibilités, d'autres portes d'avenir. Mais rapidement, elle fut sortie de ses pensées par une question. Intriguée, elle releva le visage et tomba sur les deux hommes qui attendaient devant chez elle. Il n'était pas rare que des habitants du Labourg viennent lui demander de l'aide, mais il fallait bien avouer que les deux hommes ne lui inspiraient aucune confiance. Le plus souvent, les hommes s'arrangeaient pour être accompagnés d'une femme ou venaient tout simplement seul, désireux de ne pas l'effrayer alors qu'ils comptaient demander de l'aide.

Fronçant les sourcils, elle hésita avant de répondre.

— Non, j'ignore tout de ces hommes, mais...

Elle pesa le pour et le contre, détailla attentivement les deux hommes et ensuite le reste de la rue. Des habitants flânaient dans la rue et si elle criait à l'aide, elle serait forcément entendue. Elle finit par prendre une inspiration avant de continuer.

— Il est courant de croiser ce genre d'individus par ici, peut-être ne sont-ils là que pour demander de l'aide.

Avec un sourire rassurant, une sérénité qu'elle ne ressentait pas elle-même, elle offrit une révérence au chevalier.

— Je vous remercie pour la générosité dont vous avez fait preuve à mon égard Messire. Je m'en vais déposer le contenu du panier chez moi et je reviens vous le rendre de suite, si vous voulez bien patienter encore quelques instants Messire.

Elle récupéra délicatement le panier des mains de Milas, avant de se diriger vers son entrée. Avant même qu'elle ne puisse passer le pas de sa porte, les deux hommes avancèrent. Le premier, affichant un sourire narquois et le second, demeurant à l'écart, une mine froide et distante affichée sur son visage sombre. Fronçant les sourcils, elle se raidit et déplaça le panier derrière elle, désireuse de ne pas attirer l'attention de ces deux individus sur ce dernier.

— Messieurs, bien le bonjour à vous, que puis-je faire pour vous ?

Le premier se passa sa langue sur ses lèvres avant de lui faire une révérence moqueuse.

— Ma dame... Votre aide est demandée.

Il s'exprimait plutôt bien pour un homme du Labourg et il respirait la malhonnêteté. Voyant le piège tendu, Théanna s'empressa de réfléchir afin de ne pas se retrouver dans une situation délicate. Si elle repoussait vivement la demande des deux hommes, ils reviendraient, c'était une certitude. Elle devait les effrayer assez que pour qu'ils la laissent tranquille, mais de quelle manière ? Elle hocha de la tête et répondit.

— Bien, je vais d'abord terminer avec mon premier client et puis je verrais ce que je peux faire pour vous.

Elle désigna le chevalier, espérant que la vue du noble colosse, suffirait à les faire reculer. Elle s'empressa alors de passer le pas de sa porte et de sortir les aliments du panier. Elle dissimula ses réserves derrière la brisque du mur de sa maison, avant de remettre le tout en place.

La jeune apothicaire m’informe que c’est la première fois qu’elle voit ces hommes, ce qui est assez inquiétant, même si elle essaye de me rassurer par la suite, je vois bien qu’elle n’est pas sûre de ses paroles. D’ailleurs, elle me demande bien de ne pas trop m’approcher pour éviter tout problèmes et je les vois échanger, puis elle me désigne du doigt avant d’entrer dans sa boutique.

Je vois les deux hommes palabré et comme ils me regardent sans bouger, je me sens obligé d’aller les voir. Je déteste être ainsi être le centre de l'attention, j’ai l’impression d’être de retour en enfance, quand mon beau-frère me tourmentait avec ses petits camarades. Arrivé à leur hauteur, je les toise et je leurs demande sans me présenter :

Vous avez un problème ?

Je vois l’homme au sourire narquois me répondre, pendant que son comparse reste silencieux, une main à son ceinturon, comme s’il pouvait dégainer une dague dissimulée :

Aucunement mon seigneur, nous avons juste une affaire à régler avec la dame, rien qui vous concerne.

Je n’aime guère son ton, ni ses manières d’ailleurs et je lui mets donc ma main sur l’épaule et je serre assez fort pour lui faire mal, mon autre main étant sur la garde de mon épée et je lui dis à voix basse :

Dis à ton chien de ne pas dégainer, sinon je vous tue sur place, tous les deux.

Je ne plaisante pas et cela doit se sentir dans le ton de ma voix, car mon interlocuteur arrête de sourire et commence même à grimacer à cause de la douleur. Je ne relâche pas mon étreinte et je lui précise :

Maintenant vous allez dégager le plancher, l’apothicaire est sous ma protection et celle de la maisonnée des Rougelac, alors si vous tenez à la vie, vous feriez mieux de partir, dès maintenant.

Je les vois se consulter du regard et finalement, ma victime hoche la tête et m’indique :

Bien sûr, nous ne voulons pas de problème.

Je peux voir dans son regard de la duperie, mais je ne vais pas tuer tous les gueux qui me mentent, sinon il ne restera plus âmes qui vivent à Marbrume. Je le lâche donc et ils s’en vont sans demander leur reste. Il ne me reste plus qu’à attendre que la jeune femme ait terminé et nous rende le panier. Je peux ainsi lui dire, d’un ton léger :

Les deux hommes qui vous attendaient se sont souvenus d’une chose urgente à faire et ont préféré décamper. Vous devriez faire attention et porter une dague en permanence avec vous, les rues ne sont pas sûres.

J’écoute sa réponse, avant de la saluer une dernière fois d’un signe de tête et libéré de ma dette, je peux enfin reprendre mon activité préférée, traquer les cultistes.

Théanna vérifia que sa réservé était correctement dissimulée, elle déplaça même l'une de ses chaises pour la mettre devant, réorganisant légèrement l'espace arrière de la pièce principale. Elle ne désirait pas trop s'attarder au risque que la situation ne dégénère dehors. L'apothicaire savait qu'il n'avait pas été très sympathique de sa part de laisser le chevalier face aux deux hommes, mais elle n'était pas parvenue à trouver une solution assez rapidement que pour que la situation ne semble pas plus étrange encore. Poussant un long soupir, elle se passa une main dans les cheveux en se demandant ce qu'elle allait bien faire des deux hommes au comportement étrange. Il fallait bien qu'elle s'en occupe, si ces derniers n'étaient pas encore partis. Mais elle avait clairement vu dans les prunelles de celui qui avait pris la parole, qu'il ne la laisserait pas tranquille. Il semblait désirer quelque chose d'elle, mais elle ignorait tout de ses intentions. Oh, elle se doutait bien qu'il n'y avait rien de bienveillant ou d'honnête derrière ces dernières, mais elle espérait ne pas se retrouver dans une situation impossible.

Prenant son courage à deux mains, elle quitta sa demeure pour faire face à tout ce beau petit monde. Tout ce beau petit monde qui se révéla être bien plus réduit que lorsqu'elle était entrée. Fronçant les sourcils, elle regarda aux alentours, mais ne put apercevoir les deux silhouettes des hommes. Ses prunelles se posèrent donc sur le noble et elle pencha la tête sur le côté. Les avait-il fait fuir ? Perdue dans ses pensées comme elle l'avait été, elle n'avait rien entendu d'une quelconque altercation. Pourtant, elle voyait bien les regards que certains passants jetaient au colosse. L'apothicaire était désormais certaine que ses nouvelles relations allaient faire jaser. Peut-être que cela suffirait à en éloigner certains, mais elle était persuadée que d'autre saisirait l'occasion de lui donner une leçon. Après tout, son statut de réfugié la plaçait déjà dans une situation délicate, alors être associée à une maison noble puissante... Oui, la jalousie et la haine allaient s'en donner à cœur joie. Mais le business était ce qu'il était et Théanna ne cracherait jamais dans la soupe qu'elle buvait.

Elle se devait d'en passer par là si elle voulait gagner une réputation solide et respectable. S'approchant du noble et de son écuyer, elle lui tendit le panier et il lui expliqua que les deux hommes semblaient s'être souvenus d'une affaire importante à régler. Amusée malgré elle par cette confession sur les raisons du départ de ces hommes, la brune lui sourit.

— Merci Messire, vous me voyez sincèrement navrée de vous avoir mis dans une telle situation. Je vous assure que cela ne se reproduira pas.

Suite à cela, elle déplaça un pan de tissus afin de lui montrer la dague qu'elle portait constamment sur elle.

— Votre inquiétude me touche Messire, mais ne vous en faites pas, je la garde précieusement sur moi à tout instant.

Elle effectua une gracieuse révérence accompagnée d'un sourire éclatant.

— Vous avez toute ma gratitude pour cette journée Messire, vous serez toujours le bienvenu dans mon humble demeure. Au plaisir de vous revoir.

Elle l'observa donc lui rendre son salut avant de partir. Ses yeux ne se détachèrent que tardivement de son imposante silhouette qui fendait la foule, les habitants s'écartant instinctivement de son passage. Voyant que son immobilité attirait l'attention sur elle, la jeune femme retourna rapidement à l'intérieur de sa demeure. Elle souffla en refermant la porte et offrit une petite prière à Anür afin de ne plus recevoir la visite de ces deux hommes dont l'attitude lui avait glacé le sang. Peut-être parviendrait-elle à éviter les ennuis ainsi.