Migraines, talents et remèdes

✵ 17 mars 1167 ✵

Une autre journée débutait à Marbrume, une journée de plus qu'elle pouvait barrer et qui attestait qu'elle survivait, qu'elle était toujours en vie. Cela faisait plusieurs mois qu'elle était dans le Labourg et elle s'était faite à la vie difficile, à la peur ancrée dans le ventre, à la faim qui la tenaillait parfois pendant des heures. Elle y parvenait, difficilement, à la sueur de son front, mais elle parvenait à vivre à nouveau quelque part. Cela n'avait rien avoir avec sa vie passée, mais c'était déjà un début, avant de retrouver un jour le confort d'antan. Cette nuit-là, Théanna avait bien dormi et c'est donc avec bonne humeur qu'elle avait entamé cette journée. Elle ne manquait de rien, pour une fois, elle pouvait donc profiter de cette journée calme. Ne s'occupant que de ses éventuels clients et profitant de ses réserves pour créer de nouveaux onguents et soins qu'elle pourrait vendre.

Elle s'était rendu compte, qu'après la traversée, elle avait quelque peu perdu son habileté à fabriquer des soins. Certaines recettes avaient également été oubliées et elle devait désormais réapprendre certaines choses. Cela la plongeait toujours dans une douce mélancolie, se remémorant des souvenirs de divers apprentissages quand elle était plus jeune. Cela lui manquait toujours autant de ne pas se lever et entendre la voix grave de son père adoptif. De ne plus profiter des rayons du soleil en compagnie de son cher et tendre. De ne plus posséder cette allégresse et cette joie de vivre qui l'avait caractérisée pendant des années. En réalité, elle était redevenue cet enfant dont personne ne voulait, qui devait se débrouiller seule si elle voulait espérer se réveiller le lendemain.

Secouant la tête, elle reporta son attention sur la décoction qu'elle était en train de préparer. Laissant infuser du roseau, elle recouvrit les racines de carex afin que ces dernières puissent sécher correctement. Ensuite, elle goûta quelques feuilles d'obione et sourit en appréciant sa saveur salée. On lui avait dit que cette plante possédait le goût de la mer et Théanna devait bien admettre que c'était vrai. Comme si l'on mettait un bout de mer en bouche, ce qui était effectivement le cas en un sens puisqu'elle ne poussait que dans les régions maritimes.

Rangeant le matériel dont elle n'avait plus besoin, elle s'approcha du fond de la pièce, là où se trouvait le futon qui accueillait les malades. Ses prunelles tombèrent sur la plume noire qu'elle avait déposée sur l'une des étagères. Cela faisait maintenant un moment qu'elle n'avait plus croisé le prêtre Rohélias. Elle ignorait d'ailleurs toujours le véritable sens de ce cadeau, bien qu'elle ai oublié sans inquiétude entre temps. Elle se demandait quand ils auraient encore l'occasion de se croiser, car elle était toujours aussi curieuse à propos des travaux qu'il menait. Cela lui permettrait peut-être d'introduire de nouvelles techniques dans ses propres méthodes. Poussant un léger soupir, elle retourna à son travail, il ne valait mieux pas perdre de temps, elle ne voulait pas gâcher certaines plantes en les laissant infuser trop longtemps.

Migraines, talents et remèdes

Son mentor de jadis avait prévenu autrefois ses parents du revers de la médaille de son talent inné pour la musique. Sa mémoire eidétique entre autre lui donnait de sévères migraines lorsqu'il composé sa musique avec ardeur à lui faire tout arrêter pour aller se coucher et attendre que cela veuille bien passer.

Aujourd'hui, ce fut le cas, après avoir pris son traitement à base de racine de valériane, Gersande s'allongea dans son lit en plein milieu de l'après midi. Il avait reprit de plus bel son travail de composition pour la musique qu'il voulait offrir aux Trois, à Marbrume et au Roi. Son gros projet d'acquérir un orgue pour le Temple était en perspective et solliciter aussi beaucoup de son focus et lui générer beaucoup de stress pour un enfant de 15 ans.

Il lui fallait un traitement bien plus efficace que celui-ci. Les racines de valérianes lui avaient été conseillé par le Haut-prêtre Andreï Solov. Un traitement qui avait était efficace certes, mais plus ils grandissaient, plus sévères étaient ses migraines. De ce fait, les racines se montraient quelques inefficace avec l'âge. De plus, son rythme de travail s'intensifiait. Ce qui aggraver encore ses crises.

Il descendit de sa chambre pour y trouver sa mère en train de prendre le thé avec son amie d'enfance. Elles leurs adressèrent un sourire rayonnant que Gersande leur rendirent avant d'annoncer :

"Mère, je vais me rendre à cette apothicaire dont nous a parlé le prêtre Solov. Peut-être auront ils un traitement plus efficace pour mes maux de tête ?" dit-il plein d'espoir.

Anna-Maria, la mère Lachdanan, s'y opposa instantanément :

"Il est hors de question que tu ailles seuls là-bas. Les gens défavorisés sont prêt à tout pour quelques pièces."

Lachdanan père fit irruption dans la pièce, ayant visiblement entendu la conversation :

"Ca va aller. Je vais l'accompagner." dit-il en rangeant une dague dissimulé sous sa ceinture.

C'est ainsi que Père et fils Lachdanan se rendirent dans le Labourg. Ils avaient dû pour se faire abandonner leurs riche atours pour pouvoir se fondre dans la masse et ainsi ne pas attirer l'attention.

Gersande et Wolfande étaient habillé en homme du peuple. Une chemise en lin classique, des chausses amples et des bottes. Une cape en laine sur les épaules et une capuche pour dissimuler leurs visages trop propre pour être des gens du peuple. Une besace avec leurs effets personnels et rien de plus.

Il fallait au moins ça car une fois parvenu dans le Lebourg au sud ouest de la ville, la misère s'insinuaient partout. Tout semblait à l'abandon. Les gens faisaient la manche dans la rue. Gersande fut tenter de donner une piécette de sa bourse, mais cela attiré trop l'attention sur leurs véritables origines.

Gersande fut quelque peu attristé par ce coin de la ville. Il se remis à douter de plus bel sur ses motivations. Peut-être effectivement la musique ne changerait rien aux sorts de ces pauvres gens ?

"C'est là, mon fils." dit-il en poussant la porte d'une vieille bâtisse.

Gersande quitta par politesse sa capuche. Se disant qu'un professionnel n'attenterait pas à leurs vies. Il tomba donc sa capuche pour laisser danser ses cheveux d'anges ondulés et scruta la pièce de ses yeux bleus pétillants de curiosité.

Wolfande, son père lui fit les gros yeux, lui faisant comprendre qu'il n'aurait pas du montrer son visage. Certainement, qu'il devait penser qu'un artisan demeurait quand même une menace pour leurs vies…

Gersande ignorant la mise en garde de son père et se dirigea vers la jeune femme présente dans le fond de la pièce. Gersande lui adressa son plus beau sourire juvénile et lança très rayonnant :

"Bien le bonjour. Je suis Gersande Lachdanan et voici mon père Wolfande Lachdanan."

A cela, Lachdnan père plaqua sa main droite sur son front devant l'absence total de méfiance de son fils. Un jour, son optimisme et son amour naïf pour les autres lui causeront des problèmes...

"Nous sommes désolés de vous dérangeait dans vos travaux, mais je solliciterais votre aide précieuse. Voilà, je suis sujet à de violentes migraines lorsque mon travail s'intensifie. Le père Solov m'avait prescrit des racines de valériane, mais je dois bien vous avouer que ce traitement est devenu quelque peu inefficace. Auriez-vous quelques chose de plus fort ?"

De sa voix chantante, de ses allures dansées et de son visage d'ange, personne ne croirait qu'il vient de milieu modeste.

Il ne pu s'empêcher de balayer discrètement le contenu des étagères pour étancher sa curiosité. Il fut surpris de trouver une plume noir qui sembla provenir d'un corbeau.

Dès qu'il voyait l'un de ses volatiles, il ne pouvait s'empêcher de pensé à ce prêtre sinistre qui avait officier au funérailles de son grand-père...

Codage par Libella sur Graphiorum

En pleine préparation d'un sirop composé de lierre terrestre, Théanna s'en retrouva déconcentrée par les deux silhouettes qui pénétrèrent dans sa demeure. L'une plus petite que l'autre, toute deux encapuchonnée, l'apothicaire fronça les sourcils. Elle n'aimait pas que de potentiels clients se montrent aussi discrets, car cela ne pouvait signifier que deux choses. La première, ils n'avaient rien à faire ici et désiraient demeurer incognitos, la seconde, ils étaient recherchés et désiraient rester anonymes. La brune désirait demeurer dans les petits papiers de la milice, faisant profil bas et s'éloignant de tout ce qui pourrait nuire à son commerce. Il ne lui était encore jamais arrivé de refuser des clients, mais peut-être commencerait-elle aujourd'hui si les deux silhouettes refusaient de déclarer leurs identités. Heureusement, la plus petite silhouette retira sa capuche et Théanna découvrit rapidement pourquoi ils agissaient de cette façon.

Ils étaient assurément nobles, du moins, le garçon qui se trouvait devant elle l'était. Il était évident qu'avec ce visage immaculé, cette peau d'albâtre et cette innocence aussi bien dans les paroles que dans les actes, témoignaient d'une vie sans réels tracas. Bien qu'elle ne porte pas réellement les nobles dans son cœur, l'apothicaire avait le sens du commerce et elle était parfaitement consciente que pour quitter le Labourg, il lui fallait de la clientèle au sein de la noblesse.

Affichant un sourire avenant, qu'elle ne dut aucunement forcer au vu de la délicatesse dont faisait part le jeune homme, elle effectua une délicate révérence.

— Bien le bonjour Messires Lachdanan. Je vous souhaite la bienvenue dans mon humble demeure, je me nomme Théanna.

Elle écouta attentivement la demande du garçon et une lueur de compréhension s'alluma dans son regard. Le père Solov. Elle l'avait effectivement rencontré plusieurs fois, lors des messes et autres célébrations. Il s'était montré plutôt curieux à son égard, tout comme cet autre prêtre qui lui avait transmis la jolie plume de corbeau. Elle était sincèrement reconnaissante qu'il ai transmis son adresse auprès des nobles, son travail payait enfin.

— Vous ne me déranger aucunement Messire.

Elle déposa le sirop dans un coin de la pièce sujet aux courants d'air frais de l'extérieur, désireuse de le conserver au frais. Elle se demanda d'ailleurs pourquoi le Père Solov avait prescrit des racines de Valériane. Ces racines étaient surtout utilisées pour les troubles du sommeil, de l'anxiété et de l'agitation nerveuse. Ceci dit, les migraines allaient régulièrement de pair avec le manque de sommeil. Mais elles ne traiteraient jamais le fond du problème. D'ailleurs, elle ne connaissait aucun remède qui pourrait assurément guérir les migraines, c'était une maladie bien complexe. Elle pourrait simplement soulager le jeune homme.

— Vous me voyez navrée de vous annoncer que cette maladie est incurable Messire. Cependant, j'ai ici de quoi vous soulager. Je ne peux vous assurer que le traitement sera efficace, les migraines sont complexes et nous ignorons tout de leurs origines. J'ose espérer, que cela vous permettra de travailler plus sereinement.

Elle se tourna vers ses étagères et chercha ce dont elle aurait besoin. Après quelques instants de fouille, elle finit par trouver ce qu'elle désirait. Heureusement, il lui en restait encore assez que pour concocter une infusion. Elle saisit plusieurs reines-des-prés et les disposa sur son plan de travail. L'effet antalgique de la reine-des-prés était peu connu, mais très utile pour soulager les maux de tête. Elle détacha les fleurs et les disposa à part. Théanna monta ensuite l'échelle afin de mettre la marmite remplie d'eau sur le feu. Pendant que l'eau chauffait, elle retourna à ses étagères, cherchant de l'obione. Une fois trouvée, elle revint auprès des deux nobles.

— Voici de l'obione. Vous pouvez la manger crue, elle vous apportera de l'énergie, de la résistance aux maladies et aux faiblesses diverses. Cela vous permettra de renforcer en partie votre corps contre les migraines.

Elle disposa quelques morceaux d'obione dans un chiffon propre, qu'elle déposa devant le père du blondinet. Elle s'adressa alors à lui.

— Je n'en ai pas énormément, mais je pourrais faire en sorte de m'en procurer plus si vous le désirez. Il ne faut pas en abuser, un plan par jour me semble parfait. Normalement, il devrait en ressentir les effets après quelques semaines, le temps à la plante de faire son travail.

Elle entendit l'eau bouillir et s'en alla récupérer une partie de l'eau brûlante dans un grand bol en bois. Elle retrouva alors son plan de travail et déposa les reines-des-prés dans l'eau bouillante, les laissant infuser pendant quelques minutes. Pendant ce temps, elle observa le jeune homme.

— Pardonnez mon affront, mais je suis assez curieuse de connaître le métier que vous exercez Messire.