[Terminé] En route vers Sombrebois

Visiblement, je n’arrivais pas à me faire comprendre de sœur Gudrun. J’eu un petit sourire mais ne protestais pas. Elle continuait de me sermonner sans connaître ma famille. Je lui souris lorsqu’elle complimente mon honnêteté.

Vous auriez sans aucun doute raison s’agissant d’une famille classique dirons-nous. La mienne ne l’est pas. Mes cinq frères, ma soeur et moi-même avons tous, je dis bien tous, et dès l’âge de six ans commencés à apprendre à nous battre. Nous devions sans cesse combattre, à l’épée, au couteau, à mains nues...Lorsque l’un de nous se faisait battre par un autre de la fratrie, notre père nous corrigeait. Il voulait que ses enfants soient de parfaits combattants. En revanche, n'allez pas croire que je ne respecte pas ma soeur. Elle a son caractère à elle, mais je ne permettrais jamais qu'on lui fasse du mal.

Je haussais les épaules avec un sourire.

Pour moi, la douleur ou la mort, c’était un sujet de discussion et de travail lorsque d’autres apprenaient à lire ou à tailler la pierre. Comprenez, je ne me cherche pas d’excuses, je vous explique comment j’ai été éduqué.

Elle me parlait alors de mariage, du fait que cela n’était pas que lié à de l’amour réciproque, que cela pouvait venir après. Elle m’assure que j’ai tous les arguments nécessaire à convaincre une jeune-femme de m’épouser, qu’importe mon caractère. Je ne peux retenir un petit rire.

Vous me trouvez en bonne santé présentement?

Je me racle la gorge avant de reprendre mon sérieux.

Je dois avouer que je n’ai pas spécialement cherché une femme à épouser. A vrai dire, je ne sais même pas si je suis capable d’être un mari correct. En fait, je ne me suis jamais posé réellement la question, vous savez. Nous en parlons là, ma foi car vous avez demandé.

Je me gardais bien cependant de lui retourner la question. Je me sentais un peu mal à l’aise d’avoir ainsi confié mon enfance, dans les grandes lignes uniquement certes, mais tout de même.

Gudrun ne put s'empêcher de rire.

Certes, vous avez une belle blessure, mais à peine quelques heures plus tard, vous voilà déjà en train de converser avec moi ! Je vous le redis, vous semblez plus résistant qu'un bon nombre de malades que j'ai croisés ! Enfin, c'est votre vie, vous êtes bien libre de faire comme bon vous semble. Mais pensez-y, personne n'est éternel, et il est toujours bon d'avoir les Dieux de son côté, fit-elle en souriant.

Soudain, un milicien passa en courant à côté du chariot, chuchotant à chacun :

Fangeux ! Herbert croit en avoir vu un un peu plus loin dans les bois ! Fangeux !

Gudrun cessa aussitôt de sourire et se tut. Le convoi s'était à nouveau arrêté, et tout était silencieux, mis à part quelques chants d'oiseaux et les chuchotements du milicien qui remontait le convoi.

Je répondais à son rire.

Je suis blessé à la jambe, non à la bouche Ma Soeur.

Je grognais de nouveau, ayant fait un peu trop de mouvements.

Cela dit, vous avez raison. Je me montre assez résistant. Si je n’étais pas certain que vous me grondiez, j’aurais parié que dès demain vous auriez pu me voir marcher. Mais je vois, rien qu’à l’évoquer, que je vais m’en abstenir. Je…

Je fus interrompu par un camarade qui remontait les chariots, informant tout le monde qu’Herbert pensait avoir repéré un fangeux. Je me taisais à cette annonce et lançais un regard vers la prêtresse, puis aux alentours et vers le ciel.
L’humidité était encore présente, bien que largement dispersée. Le soleil perçait au travers de la canopée, dardant ses lances chaudes sur nous. Le convois se stoppait et je prêtais l’oreille. Bientôt, je chuchotais à la femme.

Pas de fangeux, il tourne trop d’oiseaux dans le ciel. C’est encore une embuscade.

Je me saisis de mon épée et me glissais un peu plus loin du sac de grains.

Cachez-vous derrière le sac, ils ne doivent pas vous trouv…

Des cris retentirent soudainement, les bandits montaient à l’assaut. Les miliciens, finalement soulagés, ripostèrent immédiatement et le fracas des armes retentit sous les arbres. Alors, un premier bandit passait en trombe derrière notre chariot mais sans nous voir. Il était suivi d’un second qui, lui, nous vit clairement tous les deux. Gudrun n’avait pas vraiment eu le temps de se cacher et j’étais tellement avachis que je ne la cachais pas. Je ne la protégeais pas non plus d’ailleurs.
Alors l'instinct parla de lui même.
D’un geste rapide, j’envoyais mon épée voler droit dans le torse du second brigand alors qu’il allait crier pour nous dénoncer.
Je jetais un regard vers la prêtresse.

Merci pour vos conseils, je promets de les suivre!

Alors, couteau à la main, j'agrippais le rebord du chariot et bascula à bas de ce dernier. Mon calcul était bon puisque je tombais directement sur le premier homme à être passé devant nous. Sous mon poids, il s’effondra tandis que, accroché à lui, je lui lacérais le flan de rapides coups de couteau. J'aperçois alors un camarade en difficulté, étalé au sol, un homme au-dessus de lui. J'exécute une roulade et ramasse la lance de ma victime.
A partir de là, je me souviens avoir utilisé l’arme pour aider mon camarade un peu plus loin.
Puis ce fut le trou noir.

J'ouvrais les yeux, il faisait nuit et une toile de tente se dressait au dessus de moi.
Un nouveau bivouac? Etions-nous arrivés? Était-ce le chemin du retour?
Aucune idée.
J'espérais que tous s'en étaient sortie.

Le bruit d'un combat éclata soudain. Loghart lui conseilla de se cacher derrière les sacs, conseil qu'elle s'apprêtait à suivre lorsque des hommes passèrent à côté du chariot. Elle resta figée, fixant l'un des deux, qui les avait repérés et qui croisa son regard. Une éternité sembla s'écouler avant qu'une épée vienne se ficher dans sa poitrine. Gudrun se tourna vers Loghart, juste à temps pour le voir basculer par dessus le bord du chariot. Elle entendit distinctement :

Merci pour vos conseils, je promets de les suivre!

Ce n'était vraiment pas le moment de s'échanger des politesses. Elle s'enveloppa totalement dans son manteau de laine et se cala entre plusieurs sacs, espérant qu'on la confondrait avec une vieille couverture. De là où elle était, elle ne voyait rien de ce qui se passait, mais rapidement les bruits du combat s'éloignèrent. Elle risqua un oeil par dessus le rebord qu'avait enjambé le milicien.

Un homme était allongé par terre, crachant du sang. Ce n'était pas Loghart. La prêtresse poussa un soupir de soulagement. Elle tenta de voir plus loin. D'autres hommes étaient à terre, un milicien penché au dessus d'eux. Le bruit du combat avait cessé, mais il aurait pu attirer les Fangeux de toute la zone malgré le temps ensoleillé. Gudrun pria pour qu'il n'y en ait aucun. Il fallait se dépêcher de repartir. Elle prit donc son courage à deux mains et décida de descendre du chariot. En se rapprochant, elle vit qu'un des trois corps était celui de Loghart. Le milicien était l'un de ceux qui l'avaient aidée à porter Loghart la première fois.

Il est en vie ma Soeur, même si j'comprends pas bien comment il est arrivé là.

C'était vrai que voir Loghart allongé dans la boue, pantalon déchiré, sans armes et sans armure, au milieu d'un champ de bataille, cela avait de quoi interroger.

J'crois bien qu'il m'a sauvé la vie, mais... ajouta-t-il perplexe en désignant un des cadavres à côté, une pique fichée dans le dos.Puis, je m'suis retourné, j'l'ai vu tomber, avec un type menaçant derrière lui. Cui-ci c'est moi qui l'ai eu, désignant le troisième corps.

La prêtresse n'avait pas tout bien compris non plus au discours du milicien qui semblait encore sonné. Simplement, ce milicien et Loghart étaient en vie, ces bandits étaient morts.

Si tout va bien pour vous, je vais devoir vous demander de remettre votre camarade dans la charrette avant qu'on ne reparte...




La lune était presque pleine et baignait le campement d'une lueur blafarde. Sans ça, il aurait fait noir comme dans un four, car les feux de camp étaient proscrits. On entendait parfois les bêtes de somme, des pas, quelques chuchotements. C'était le deuxième soir où elle avait demandé qu'on mette Loghart dans la grande tente où elle dormait avec d'autres civils. Il ne s'était pas réveillé depuis le dernier combat, et c'était tant mieux. Incapable de rester tranquille, il aurait réouvert ses plaies en un rien de temps.

C'était d'ailleurs ce qui s'était passé lors de la dernière attaque. Le milicien semblait s'être simplement évanoui, de douleur ou de faiblesse, car il avait déjà perdu beaucoup de sang. Il avait fallu resuturer la plaie et refaire tous les cataplasmes et bandages. Une pure folie.

Elle était assise à l'entrée de la tente, essayant d'oublier l'angoisse de voir arriver des Fangeux, contemplant les étoiles, quand elle sentit un poids humide sur sa main.

Qu'est-ce que... Par les Dieux !

Un crapaud venait de monter sur elle. Elle secoua la main vigoureusement pour essayer de l'envoyer au loin, avec succès.

Et que Rikni te garde bien de revenir par ici ! murmura-t-elle en scrutant l'endroit où il avait pu atterrir. La maîtresse de la nuit était décidément contre elle durant ce voyage.

Lancer de dés:

C’était gluant!
Et froid!

Avec étonnement, je chassais un crapaud de ma figure, l’envoyant coasser plus loin. Mes yeux s'étant habitués doucement à la faible luminosité, je distinguais plus clairement la toile de tente sous laquelle je me trouvais. Nous ne dressions que trois tentes avec ce convoi. Une petite, pour l’intendance, une autre de même taille pour le chef de convoi et le coutillier référent et la troisième, la plus grande, pour les civils et blessés. Les miliciens se reposaient toujours en extérieur, afin de pouvoir réagir le plus rapidement possible en cas de problème.

J’examinais rapidement ma carcasse pour m’apercevoir que mes bandages étaient neufs et que les cataplasmes embaumaient de leurs parfums, signe de leur relative fraîcheur. En revanche, je ne détectais pas de blessures supplémentaires, ce qui était déjà une bonne nouvelle en soit. Vu la qualité des pansements, je suppose que c’est Soeur Gudrun elle-même qui s’en est occupée.

Je me laisse alors aller à chuchoter.

Ma Soeur, vous êtes là?

J’espérais sincèrement qu’elle s’en était tirée.

Un chuchotement venu de la tente la stoppa dans ses observations. Allons bon, le milicien était sorti de sa léthargie. Il fallait bien que ça finisse par arriver. Bien qu'elle pestait intérieurement, elle ressentait aussi du soulagement. Qu'il se soit réveillé était bon signe, signe de guérison sans doute, et s'en occuper lui changerait les idées, moroses après ces quelques jours de voyage.

Je suis là. Déjà réveillé ? fit-elle à voix basse.

Ne vous agitez pas. Enfin, c'est un conseil, mais j'imagine que vous ne comptez pas le suivre. Vous pensez pouvoir boire ? Avaler quelque chose ?

Elle restait pragmatique, les soins avant toute chose.

Je suis soulagé de l’entendre et me redresse doucement, en appui sur mon bras intact.
Je pousse un léger grognement.

J’ai l’impression de passer mon temps à dormir.

Elle me semblait de mauvaise humeur, ce que sont ton un peu sec me confirmait.

Je vous ai promis de suivre vos conseils, qui sont avisés, dans la mesure du possible. Je dois bien avouer que lors d’une attaque, votre sécurité est pour moi plus importante que ma santé.

Ne voyant pas grand-chose dans la pénombre, je réponds cependant à sa question.

Ma foi, je meurs de faim!

Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi Gudrun se montrait aussi strict et sévère avec moi. Il me semblait évident que, pour bien comprendre ce que j’avais voulu lui expliquer sur ma famille, il lui fallait la rencontrer. Sans cela, jamais elle ne pourrait appréhender convenablement ce que j’avais voulue lui expliquer.
Que je n’essaye pas de dire à Aeryn qu’elle est à ma charge...Je me prendrais une baffe historique!

Elle vit une forme se relever dans l'obscurité de la tente.

Je crains que nos points de vue ne soient pas compatibles, car je pense, moi, que foncer dans la mêlée tête baissée, gravement blessé et sans armure, soit davantage de l'inconscience qu'autre chose. Vous vous êtes évanoui juste devant un de ces malandrins, et c'est l'un de vos camarades qui vous a sauvé. Vous avez eu de la chance.

Elle prononça ces paroles assez froidement. Après l'incident, elle avait ressenti de la colère et de l'inquiétude. Désormais, elle se sentait plus détachée. Elle n'avait jamais été une prêcheuse convaincante, et l'insouciance de Loghart le lui rappelait de façon bien cruelle, même s'il tentait de la flatter en qualifiant ses conseils "d'avisé". Le milicien semblait sur la voie du rétablissement et Sombrebois n'était plus très loin, elle pourrait bientôt tourner la page.

Plutôt que de se relever, elle tendit le bras pour attraper les rations distribuées plus tôt. Elle en avait reçu un peu plus pour le blessé, et n'avait pas fini la sienne. Son ventre était encore noué par le voyage en chariot et la peur perpétuelle. Elle lui tendit des morceaux de pain et quelques lanières de viande séchée.

Tenez. Votre gourde est pleine, elle devrait être à côté de vous.

Elle resta un instant pensive.

Peut-être que Rikni approuve vos actes, cela expliquerait beaucoup de choses. Il me faudrait de nouveau étudier les signes et les écrits pour interpréter tout cela. Néanmoins, il n'est jamais bon de se fier à un seul Dieu.

Elle pensait à voix haute, sans intention de réellement discuter théologie avec le milicien.

J’eu un petit rire discret.

Ma Soeur, nos pensées ne sont pas aussi éloignées que vous le prétendez. Vous savez bien que la limite entre témérité et folie est mince. J'oscille en permanence entre les deux, ce n’est pas pour rien que tout le monde dit, à raison, que je suis une tête brûlée. Sans doute ai-je toujours un pied dans la témérité et un autre dans la folie, mais là, ma foi, je ne suis point expert en la matière. L’étude de la pensée des hommes, je laisse cela aux penseurs, aux prêtres et aux littéraires.

Je la remerciais en me saisissant de ma gourde et des denrées qu’elle me tendait.

Vous savez, j’ai déjà passé des heures à parler avec une personne qui était tout le temps de mon avis...C’est d’un ennui! La différence d’opinion donne une richesse incalculable aux conversations, c’est ce qui en fait l’intérêt. Dans tout échange durant lequel des idées s’opposent, il y a de bonnes choses à prendre et à retenir, voir à appliquer. C’est du moins mon avis et c’est ce qui fait que j’apprécie de discuter avec vous. En espérant ne pas vous importuner, évidemment.

Je l’écoutais alors parler de Rikni, des Dieux, de ce qu’ils en pensent...Tout de suite, je me mis un peu sur la réserve. Je crois en la Trinité, mais j’avoue que je ne pense pas à eux à chaque fois que je prends une décision ou que je me pose une question.

Je ne sais pas ce que pense Rikni, ni aucun des Dieux. Je pense qu’ils me présenteront le bilan après mon décès. Et je suis bien incapable de vous dire ce qu’ils préfèrent entre vous voir mourir car je me suis protégé ou me voir périr en vous secourant. Dans les deux cas, il y a une vie humaine perdue. De là à savoir si l’une est plus précieuse que l’autre...Je n’ai pas la réponse et ne la veux pas.

Je grignote doucement, épanchant ma soif de quelques gorgées d’eau.

Et moi je trouve que vous parlez beaucoup pour quelqu'un qui dit laisser ça aux prêtres et aux intellectuels ! Si vous arrêtiez un peu, le temps de manger ?

Le soldat semblait être d'humeur bavarde encore une fois.

Mais il est vrai que les Dieux laissent leurs signes et leurs paroles sujets à interprétation... Vous pensez donc que c'est pour nous permettre de converser ? D'échanger nos points de vue ? C'est une drôle d'idée.

Et pourtant... Ils n'avaient même pas les mêmes Dieux, pour une raison inconnue. Ils ne pouvaient pas penser de la même manière. Si les Dieux avaient bien fait les choses, tous auraient les mêmes Dieux et les mêmes croyances ! Mais, c'était un blasphème de penser ça ! Ce milicien lui faisait des nœuds au cerveau.

En parlant des Dieux, le voilà qui continuait sur la même voie ! Présenter le bilan après son décès ? Une drôle de manière de voir les choses mais Gudrun imaginait que lorsqu'on ne croyait pas aux putrides marécages d'Etiol, l'après-vie était sans doute plus accueillant.

M'importuner ? Elle sourit. C'est peut-être votre rôle de protéger les autres, c'est le mien de soigner les blessures physiques et de guider sur le chemin spirituel. Malheureusement, celui-ci est propre à chacun, et je ne peux pas le parcourir à votre place. Tout ce que je peux faire, c'est tenter de vous donner des conseils pour que vous parveniez au bout en un seul morceau. Enfin, ce que je vois surtout, c'est que vous avez fait descendre mon stock d'herbes à une vitesse folle...

En parlant de médecine... Gudrun attrapa sa sacoche pour fouiller dedans.

Comment vont vos plaies ? C'est douloureux ?

Ah! Mais laisser les réflexions profondes aux autres ne signifie pas pour autant que je m’empêche de donner mon avis!

Répondis-je avec un sourire.

Si nous autres mortels n’avions pas de conversations, les Dieux s’ennuieraient à mourir à nous observer. Essayez donc de parler avec quelqu’un qui ne dit et n’exprime rien, vous vous lasserez vite de vous écouter.

On m’avait déjà fait remarquer, plus ou moins gentiment, que mes paroles n’avaient parfois ni queue ni tête. Je ne suis pas d’accord. De mon point de vue, ce que je raconte est sensé. Peut-être inexacte, mais parfaitement logique. Cependant, si Gudrun n’était pas particulièrement d’accord avec moi, je pense sans me tromper qu’elle apprécie la teneur de nos échanges.
Pourquoi continuerait-elle sinon?

Elle me dit ensuite, d’une certaine façon, que je ne l’importune pas. C’est du moins ainsi que je comprends la chose. Une de ses phrases, d’ailleurs, me laisse un peu songeur. Comment peut-elle vouloir “guider sur le chemin spirituel” alors qu’elle reconnaît elle-même qu’il y a autant de chemin que d’individus?
Passé cette considération, je ne pus que rire à la fin de sa réflexion.

Croyez-moi, je suis le premier navré d’avoir autant ponctionné dans vos réserves. J’imagine bien que cela vous donne l’impression que je n’ai cure de vos conseils. Détrompez-vous, le contexte n’est juste pas favorable sans doute...

Je m’étire doucement pour tester mes sutures. Cela semble tenir sans douleur exagérée.

Ma foi, ce serait mentir que de dire que je n’ai pas mal, mais c’est supportable.

J’entreprends alors de défaire mes bottes qui tombent au sol. Ayant fini de manger, je me rince la gorge d’une goulée d’eau avant de me rallonger. C’est désagréable cette sensation de passer ces derniers jours plus de temps blessé et allongé que pleinement combatif.

En revanche, je ressemble plus à un mendiant qu’à un milicien, c’est perturbant.

J’ai beau être costaud et résistant, les blessures sont bien là et la fatigue se pointe doucement de nouveau. A croire que je ne me suis réveillé que pour me rassasier.

Si vous pensez que c'est supportable, je vais vous donner un somnifère léger. C'est désagréable de l'admettre, mais vu la situation il serait bon que vous soyez capable de vous lever au milieu de la nuit en cas d'urgence.

Le milicien terminait de manger et se mettait à l'aise. En faisant quelques concessions d'un côté et de l'autre, leurs points de vue restaient compatibles. Ce n'était pas un mauvais bougre après tout.

Oui, vous ressemblez presque à un mendiant... Mis à part que vous êtes plutôt costaud et que vous avez déjà occis quatre hommes depuis notre départ de Marbrume... Allez, buvez-moi ça et reposez-vous.

Cette discussion avait changé les idées noires que Gudrun ruminait depuis le coucher du soleil. Elle finit par rentrer sous la tente également, et se pelotonna dans une couverture, espérant trouver le sommeil avant le lever du jour... Le convoi reprendrait alors sa route vers Sombrebois. Les attaques de bandits les avaient bien ralentis, ils n'arriveraient sans doute pas le lendemain. Mais le surlendemain ils atteindraient sûrement le bourg, et alors ce périlleux voyage prendrait fin, et le milicien blessé repartirait faire son devoir ailleurs et elle le sien.

RP Clos

Merci Gudrun :)