Hors des sentiers battus [Cécilia]

19 mars 1167

Des arbres au tronc épais encerclent un grand marais. Dans l’eau où de frêles oiseaux s’abreuvent, des roseaux plient au gré du vent de mars. Presque rien ne semble pouvoir troubler ce tableau tranquille de la vie naturelle du marécage. Pourtant, un homme s’avance près du bord de l’eau et les animaux s’envolent tous d’un même élan. Il prend leur place et se rafraîchit le visage. La route a été longue, mais Edvin profite de ce moment d’accalmie tant attendu. Il est seul et le soleil est à son zénith, le temps viendra plus tard de s’inquiéter de l’arrivée de la nuit et de ses dangers.

Edvin était rentré de Ventfroid sans le groupe de bannis qu’il accompagnait, et qui avait été invité par les occupants de la forteresse à profiter de leur hospitalité, en récompense de leurs bons services à la cause. L’un des « égorgeurs » qui peuplaient la Forteresse l’avait pris à parti, lui confiant une mission un peu particulière. Certains des Bannis qui avaient rejoint l’autorité du chef de guerre vivaient avant cela de brigandage. C'était le cas de l'homme qui lui avait soumis cette requête, un certains Baudouin. Il lui avait raconté avoir commis un jour un larcin d’exception, détroussant un forgeron en route vers Marbrume pour y vendre des armes de très bonne facture. Malheureusement, lui et son groupe s’étaient faits attaquer par des miliciens en patrouille, et avaient du laisser leur butin dans une cachette pour ne pas être ralentis dans leur fuite. Il disait remarquer un certains talent chez Edvin pour se faufiler dans les marécages, et lui demanda donc de trouver la cachette et de ramener son contenu au village, où des égorgeurs viendraient le récupérer.

Le malaise qu’éprouvait le traqueur quant à cette mission ne faisait que grandir depuis qu’il s’était mis sur la route. Il savait que les bannis, et a fortiori les hommes de La Griffe, n’étaient pas des tendres. Mais il ne pouvait s’empêcher d’être pris de nausées en les imaginant détrousser un marchand qui n’avait rien demandé. Edvin avait tout de même accepté la mission, après tout, le méfait était désormais réalisé, et il préférait savoir les armes à Ventfroid qu’à Marbrume.

Voilà plusieurs heures que le traqueur était arrivé sur les lieux où il devait trouver la cache. On ne peut pas dire toutefois que les indications de Baudouin étaient particulièrement claires : « à l’est de Traquemont… non, non à l’ouest… au pied d’un vieil arbre tordu… pas loin d’un gros marais…enfin pas si gros… mais assez gros quoi ». Quand Edvin lui avait demandé s’il serait capable de lui indiquer l’endroit sur une carte, l’homme avait simplement éclaté de rire.

Le traqueur était bien aux abords d’un marais « assez gros », et il se savait proche de Traquemont, ne lui restait plus qu’à trouver un vieil arbre tordu. Tous les cinq pieds qu’il faisait, Edvin remarquait un nouvel arbre pouvant correspondre à cette description. Il marche doucement, inspectant les alentours avec minutie, quand il entend soudain le craquement d’une branche, il s’arrête net et jette un coup d’œil alentour. Quelque chose est tapi dans l’ombre, il le sent. Le traqueur se saisit de l’arbalète accroché à sa taille, et l’arme en tentant de faire le moins de bruit possible. Il amène l’arme à son œil et regarde un point fixe au loin, mais n’est pas sûr que c’est bien de là que vient le craquement. Tout semble désormais silencieux autour de lui, et rien ne semble trahir la position de la créature.