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 Hurler en silence

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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyDim 12 Sep 2021 - 0:12



1er Avril 1167.
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Deux jours complet avaient passé depuis leur départ de Ménerbes, le convoi avançait lentement permettant aux chevaux soumis à une rude épreuve à l’allée de se reposer quelque peu. Et surtout offrir à la baronne et son macabre colis un voyage sans cahots. On leur avait confié une charrette de bonne facture mais simple, et le corps y avait était soigneusement disposé ainsi que des coussins pour la noble. Laelle à la surprise de beaucoup avait serré Rosen contre elle avec force tendresse et lui avait promis une porte ouverte à sa prochaine visite ainsi que moult mots de soutien pour sa peine. Personne, pas même Roxanne n’avait fait montre d’impatience durant ces instant de réconfort.

Même si on évitait en général d’en parler près d’elle, la baronne pu tout de même finir par noter que deux sujets monopolisaient les conversations pendant le voyage. Le premier et le plus évident, était la fugue de la baronne et sa trouvaille. Beaucoup se questionnaient sur la manière dont elle avait su, et pourquoi elle avait tenté de le retrouver par elle-même, quitte à fuir le bourg malgré son état. De folles théories ne tarderaient sans doute pas à germé à ce sujet.

Le second, qui la surpris surement plus fut d’apprendre que la petite troupe avait été attaquée sur le chemin alors qu’ils s’étaient lancés à sa poursuite. L’assaut avait été aussi soudain que brutal, et trois hommes avaient perdu la vie avant qu’on ne parvienne à repousser les assaillants dans les marais où ils avaient disparu. Le temps perdu à se réorganiser et à reprendre la route en laissant assez d’homme pour ramener les hommes au bourg avait suffisamment retardé leur trajet pour que la baronne ne soit pas rattrapée avant son arrivée à Ménerbes et ce, malgré un rythme soutenu imposé par la chatelaine.

Celle-ci c’était d’ailleurs attiré un surprenant respect des miliciens durant la bataille en s’emparant d’une épée pour bondir au milieu de la mêlée et de massacrer plusieurs des agresseurs. Elle avait récolté une vilaine estafilade en s’interposant entre une jeune recrue et un ennemi mais n’avait pas battu en retraite une seule seconde et avait au contraire mené avec la coutillère la contrattaque synchronisée qui avait mis leurs agresseurs pourtant plus nombreux, en déroute. A présent, quand elle ordonnait, elle était obéie comme une chef militaire plutôt qu’une noble.

Elle et Rosen n’avaient pas échangé un mot depuis leur retrouvaille. Et a vrai dire la baronne aurait presque plus croire qu’elle avait oublié sa présence s’il n’y avait pas eu de petit signe indicateur, comme les pauses prise quand elle fatiguée d’être chahutée dans le chariot vu son état de faiblesse. La présence de froufrou dont le col avait été accroché au véhicule pour lui permettre de monter, même s’il y avait toujours un milicien près à la suivre en ce cas. On lui apportait de l’eau et à manger régulièrement, avec les égards dû à son rang, preuve que la femme en charge se souciait malgré leur mutisme respectif de son bien-être.

Alors que la troupe avançait sur le dernier tronçon les ramenant à Sombrebois, une épaisse fumée noire attira l’attention à une lieue de là en avant. La coutillère fit envoyé deux éclaireur, le groupe s’arrêta, prêt à se défendre contre un possible nouvel assaut en encadrant la charrette. Mais rien ne vint, à l’exception d’un des éclaireurs qui s’entretint avec Roxanne et Eïlyn. Peu après la troupe reprit la marche pour découvrir, tous ensemble de quoi il en retournait.
Un petit convoi, pas plus de quatre ou cinq personnes, semblait-il. Les corps et une majeure partie du transport avait été calciné. Les malheureux étaient tordus dans des positions étranges, surement brûlé vif.
La coutillère sauta de cheval sans élégance mais avec efficacité et rejoint ses hommes dans les décombres. Elle finit par pousser du pieds une plance noircie et découvrit un manifeste aux bords brûlés. Elle se pencha dessus puis se releva pour venir se placer près de Roxanne et du chariot.

- Au moins une femme. Et trois hommes. Ça n’a pas plus d’une journée vu l’état des corps. La famille Barn si on en croit le manifeste. Ça colle, ils devaient partir dans la matinée d’hier si je me rappelle le registre.

A la mention du nom de famille, Roxanne jeta un coup d’œil étrange à la baronne mais ne pipa mot. Elle accorda à la milicienne de se séparer de cinq hommes pour débarrasser la route et enquêter, et le reste du groupe reprit sa progression. Ils passèrent les portes du mur extérieur de Sombrebois quelques heures plus tard. La chatelaine ignora tous les regards curieux, et ils étaient nombreux et guida le groupe vers la forteresse où elle descendit de cheval et s’adressa à Rosen pour la première fois.

- Tu as le choix. Le caveau avec lui, ou ta chambre, seule. Je te rejoindrais quand j’aurais réglé le chaos que tu as créé. dit-elle avant de faire signe à deux des miliciens de l’escorter et se s’éloigner vers la grande porte.

La nuit été tombée quand elle la rejoint finalement pour se placer face à elle, silencieuse.

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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyDim 12 Sep 2021 - 1:54


Hurler en silence
Rosen



Je me tiens toujours tranquille en attendant le départ, ne prêtant pas attention à ce qu’il peut se passer autour de moi. Seul mon défunt accapare toute mon attention, et mon devenir m’est en fin de compte bien égal. Je m’allonge contre lui, me perdant dans de folles pensées.

Relève-toi, mon bel amour… relève toi et mords moi et dévore moi. Je n’aurais plus qu’à mourir et ensemble, on parcourra le monde pour l’éternité, libres…

 Et lorsque le moment du départ arrive, Laelle m’étreint un long moment. Je la serre aussi contre moi, écoutant chacun de ses mots et hochant de la tête à plusieurs reprises pour lui répondre. Je ne sais pas quand sera ma prochaine visite, mais je gage qu’elle ne sera pas pour tout de suite…

Et ensuite nous avons repris la route. Je me suis installée auprès de mon mari, et qu’importe si les insectes ne cessent de nous rôder autour et ravive ces horribles visions.

Je veux rester près de lui aussi longtemps que je le pourrais et je me cache sous une couverture pour essayer de m’en préserver au maximum. Du voyage, Roxanne ne m’adresse le moindre mot.

Qu’importe, au fond. Ça ne serait pas la première personne à me mépriser, et certainement pas la dernière. A plusieurs reprises, je surprends des miliciens à parler de mon escapade plus ou moins discrètement. A d’autres reprises, j’entends parler d’une attaque.

Ils n’avaient qu’à pas me suivre aussi… mais je me demande s’ils n’ont pas été attaqués à Balazuc. Les voix… Qui peut savoir. On s’occupe de me faire manger et boire aussi.

Et alors que l’on est presque arrivé, il semble y avoir un soucis. J’entends parler d’un convoi, de cadavre. Mais entendant l’évocation du nom ‘Barn’ je me redresse vivement pour passer la tête pour regarder.

Mauvais réflexe… parce que la châtelaine m’a regardé pile à ce moment là. Priser en flagrant délit, je me suis vite rallongée. C’est quoi ces histoires encore… Elle a été buter toute sa belle famille ? Au moins une femme… serait-ce elle ? Non, impossible.

J’en viens même à me demander si ce n’est pas elle, la responsable de l’attaque. Ça aurait pu être un bon moyen de l’avoir… m’envoyer en appât à Ménèrbes pour que Roxanne se lance à ma poursuite… Malheureusement, ou heureusement ?

L’embuscade a échouée. Heureusement sans doute… Une fois enfin arrivés à Sombrebois, Roxanne m’adresse enfin la parole pour me proposer de choisir ma cellule… fort aimable. Le choix est vite fait, évidemment.

Je veux rester avec mon époux, quoi qu’il puisse en être. Tant qu’il ne serait pas inhumé. Je tapote donc la dépouille pour faire savoir mon choix. Une fois installée plus ou moins confortablement et avec des bougies, je m’allonge pour rester contre lui.

Je me demande ce que vont penser les autres… ils doivent tellement s’inquiéter… surtout Pénélope. J’espère qu’ils se tiendront tranquilles aussi et qu’ils ne leur arrivera rien.

Lorsque j’entends du bruit, je me redresse. C’est Roxanne. Je m’assieds alors comme elle s’installe face à moi, sans un mot. Je me demande combien de temps elle va rester comme ça sans rien dire…

J’esquisse un petit sourire maladroit. Non, je sais bien que ça ne l’amadouera pas. J’imagine même qu’elle ne me le rendra pas le moins du monde, alors je détourne le regard. C’est le grand moment, celui de l’interrogatoire. J’ai au moins la chance d’être sauvée de toute forme de violence physique.

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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyDim 12 Sep 2021 - 12:04



1er Avril 1167.
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Les secondes passent, inexorablement. L’air froid et calme de la petite pièce n’est perturbé que par leur souffle et le crépitement léger des bougies qui se consument lentement, laissant planer une odeur de cire couvrant en partie celle de la mort, heureusement. La châtelaine détaille la baronne d’un regard calme, mais qui n’a pas perdu de l’étrange détermination froide qu’elle avait pu percevoir à Ménerbes. Elle ne prononce rien, étudiant le visage et les gestes de sa « captive ». Qu’elle tristesse d’en être arrivée là, tout aurait pu être si différent…

Roxanne laissa ses yeux dériver sur le corps étendu. Les deux prêtresses viendraient le lendemain matin pour préparer son enveloppe corporelle pour son dernier séjour, avant qu’il ne trouve sa place parmi les défunts de son lignage. D’ici là, tout le monde saurait que le baron avait été retrouvé, si ce n’était pas déjà le cas.
Il y aurait mieux valu que cet événement n’arrive pas. La position de Rosen était déjà si fragile quand elle était entourée de cet aura de mystère qui permettait de douter de la situation de son mari. A présent les loups ne tarderaient pas à sortir du bois pour tenter de récupérer ce qui pouvait l’être et de clamer à qui voudrait l’entendre que la jeune femme n’avait aucune prétention ou aucun savoir qui la rendait digne du poste, pas même comme simple gestionnaire pour son enfant…

Et pire que tout, celle-ci s’évertuait à leur donner des armes chaque jour pour les aider à l’abattre. Soit c’était la tête de bois la plus inconséquentes de l’histoire de l’humanité, soit elle le faisait volontairement. La rouquine n’avait pas voulu y croire aux premiers abords. Elle croyait simplement avoir affaire à un animal sauvage avec un ou deux problèmes d’esprit et qu’avec le temps elles parviendraient à l’apprivoiser, voir à ce qu’elles s’apprécient.
Mais rien ni faisait, la prévention, l’écoute, les menaces, les mains tendues. Elle lui avait même offert un moyen de s’échapper de tout cela pour lui faire comprendre l’importance de son rôle, mais moins d’une journée plus tard Rosen avait brisé cette fragile confiance… encore.

Avec les évènements récents, il devenait difficile de croire que tout cela n’était que le comportement d’une égoïste. Ou du moins quelqu’un s’arranger pour que Rosen et ses lubies stupides prennent une allure de trahison dans un schéma plus global. Mais qui ?
Était-elle trop naïve de vouloir se convaincre que cette femme devant elle qui pleurait son mari possédait un potentiel bénéfique pour le bourg et la noblesse ? Le fruit était-il déjà entièrement pourri et refusait-elle de le voir ?

- On va nous faire mener du papier et une plume. Je ne te laisserais pas te servir de ton mutisme pour esquiver mes interrogations. Mais en attendant, nous allons commencer par des questions simples. Tu hocheras la tête ou tu la secoueras pour répondre. Pas d’hésitation. Et surtout, par les trois, Rosen, pas de mensonges. Il en va de ta vie. Plus d’esquive, plus de secret, plus d’entourloupes. Si je dois ne serait-ce que douter de ta sincérité, tu découvriras que même ton enfant ne te mettra pas à l’abri de mon courroux. Je te l’ai dit, ma priorité c’est le bourg.

Elle laissa de longues secondes s’écouler encore une fois pour être certaine que ses paroles soient bien intégrées.

- Commençons. dit-elle alors avant de poser chaque question avec à chaque fois un temps pour permettre à Rosen de répondre.

- Savais-tu où était Hector tout ce temps ? Connaissais-tu les Barn, même l’un d’entre eux ? Avais-tu des griefs à leur encontre ? As-tu ordonné leur exécution ? As-tu participé à tendre le piège dans lequel nous sommes tombé en te poursuivant ? Complotes-tu contre le royaume ? Et enfin.. dit-elle en pointant du doigt la dépouille. As-tu fait tuer ton mari ?

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Rosen de SombreboisBaronne
Rosen de Sombrebois



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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyDim 12 Sep 2021 - 14:28


Hurler en silence
Rosen


Elle n’est pas pressée de parler, ça non. Elle reste assise devant moi, me dévisageant certainement comme mon regard a fui sur le côté. Moi, entendant un vrombissement, j’attrape un linge épais dont je me sers initialement pour ma toilette et, me concentrant en fermant un œil, tirant d’un côté et de l’autre le textile, je lâche l’arrière pour le faire claquer en avant.

Clac ! Comme un fouet déchirant l’air, le linge touche sa cible et la mouche tombe par terre au milieu de ses copines. C’est ma quatrième et je regarde Roxanne fière de moi avec un grand sourire… avant de me rappeler que c’est pas vraiment le moment et mon sourire fond bien vite.

Ça fait des heures qu’elle me laisse pourrir là, auprès du cadavre de mon mari. Bon, j’ai eu le choix entre ça ou ma chambre sans droit de visite non plus, et je préfère encore rester là.

Moi, j’aimerais aller prendre un bain et revoir mes amis. Pouvoir sentir la douceur de Pénélope, d’Edwige… entendre le son de leur voix. Mais veiller sur mon mari me va très bien.

Il y a tellement de mouches… Il faut bien que quelqu’un les empêche de l’approcher, et c’est mon devoir. Alors je peux bien endurer le froid, la pierre et la puanteur macabre pour lui.

Mais la châtelaine se décide enfin à m’adresser la parole pour m’exposer la situation. Et visiblement, il semblerait que j’ai été trop optimiste en pensant ne pas être malmenée par rapport à ma grossesse. Et encore des menaces !

Bien ! Qu'elle me fasse ce qu’elle veut… je commence à avoir l’habitude des coups après tout, et mon ‘petit cul rouge’ commence à être rôdé après tout ce que les uns et les autres lui ont fait subir. Je ne sais pas si je serais capable d’écrire quoi ce soit, mais j’y mettrai toute la bonne volonté dont je dispose.

Et les questions tombent. Je me demande bien à quoi ça sert de me les poser si elle ne me fait pas assez confiance pour me laisser en liberté. Cette fois, je ne peux plus me cacher derrière l’épuisement. Il faut la jouer fine, ou c’est la fin. Assurément… La moindre mauvaise réponse peut me précipiter au fond du gouffre.

« Savais-tu où était Hector tout ce temps ? »

Je fais non de la tête. Si je le savais, je serais partie le retrouver depuis bien longtemps…

« Connaissais-tu les Barn, même l’un d’entre eux ? »

Là, la question est moins agréable et je fronce presque les sourcils de surprise. Pas d’hésitation… compliqué de pas hésiter quand la question a besoin d’une explication.

Explication que j’associerais à ce serpent prêt à vous mordre les doigts à la moindre fausse manipulation. Si je joue sur les mots, je répondrai que non. Réellement, je répondrais que oui.

Sécuritairement… je sortirais le Joker pour ne pas avoir à répondre. Concrètement… j’essaie d’expliquer quelque chose qu’il n’est pas possible d’expliquer par la gestuelle. Traduisons par un oui...

« Avais-tu des griefs à leur encontre ? »

Non. Aucuns… Je secoue la tête négativement.

« As-tu ordonné leur exécution ? »

Je fronce les sourcils perplexe. Quoi ? J’ai bien répondu que je n’avais rien contre eux, non ?! Je refais non. Pourquoi j’aurais fait ça... 

« As-tu participé à tendre le piège dans lequel nous sommes tombé en te poursuivant ? »

Encore une moue agacée. Ben non, c’est quoi encore cette question… Je savais même pas si l’on allait me suivre… je refais non à nouveau.

« Complotes-tu contre le royaume ? »

Nouveau froncement de sourcils, de plus en plus agacée. Sérieusement, elle croit vraiment que j’ai que ça à foutre ?! Je fais un non plutôt court, de gauche à droite en la regardant presque de travers. J’attendais des questions plus terre à terre et plus centrées sur comment j’ai retrouvé Hector… mais en en parlant, nous y voilà !

« Et enfin.. As-tu fait tuer ton mari ? », me demande-t-elle en le montrant du doigt.

Là, c’est trop. Je crois que c’est la goutte qui fait déborder le vase… je me relève prestement, m’indignant sans doute plus que de raison. J’enchaîne une série de gestes probablement impossible à comprendre dans un grognement rageur, trépignant du pieds frénétiquement.

Si j’ai fait tuer Hector ?! Si j’ai fait tuer Hector ?! Par tous les enfers de la création ! Par Etiol ! Si j’ai tué Hector ?! Mais elle se fiche de ma gueule ! Après tout ce que j’ai eu à endurer, comment peut-elle seulement me demander ça ?! Je crois que je tremble et j’attrape pendant quelques secondes mes cheveux en poussant un grognement aiguë.

Je la regarde ensuite, je crois que les larmes ne sont pas loin de couler. Si j’étais faible… je serais déjà en train de chialer à gros bouillon. Mais je ne suis pas faible… n’est-ce pas ? N’est-ce pas ?!

Je peux tout entendre. Que je conspire contre le royaume, la couronne, que je veux tuer des gens, que je cherche à lui tendre des pièges… mais je n’arriverais pas à supporter l’idée que l’on puisse penser que j’ai pu seulement tuer mon mari.

Tout le bourg sait très bien à quel point il était le centre de mon monde ! Il n’y a qu’à leur demander. C’est lui qui est parti ! il a disparu de longs mois et plus personne ne savait où il se trouvait.

Les gens qui le croisaient ne savaient même pas qui il était… Non, je ne l’ai pas fait tuer, même s’il est mort par ma faute. Il a voulu me fuir, ne supportant plus de vivre près de moi.

Et si j’avais fait ce qu’il fallait, que j’étais partie à temps, il serait encore en vie. Qu’elle me batte ou me torture si elle le veut, ça ne changera rien. J’ai été honnête à toutes ses questions et je ne pourrais pas faire mieux… Je prends ses mains sans trop savoir ce que j’attends d’elle.

J’aimerais juste qu’elle me croit… Y-a-t-il seulement de la compassion à espérer ? De la confiance ? Je n’ai rien fait de mal pourtant, je suis juste partie chercher mon mari. Mais je commence à me demander si Sélène ne m’a pas vraiment joué un sale tour…

Après tout, ce n’est pas comme si je ne m’y attendais pas. Je l’ai senti venir de loin… Mais je crois que c’est plus fort que moi, je ne peux m’empêcher de foncer tête baissée sur tous les hameçons que je vois. Allez, qu’elle parle promptement. Comment m’a t-on reliée aux Barn ?

A-t-on trouvé quelque chose m’appartenant sur leur charrette ? Ou bien a-t-on parlé du bordel qu’il y a eu avec la sectaire et son fiancé, qui a dû faire tourner pas mal de têtes…

Peut-être même celle de la châtelaine qui ne devait pas être si loin. Je tiens toujours ses mains en la regardant, aussi longtemps qu’elle ne les retirera pas.

C’est drôle, la vie… un jour on sous entend que l’on pourrait trouver une occasion d’éliminer une certaine personne nous paraissant dangereuse, et l’autre on aimerait juste que cette personne nous fasse confiance au lieu de nous enfoncer. J’ai un grain, oui…

Mais peut-être que pour se voir accorder la confiance, il faut déjà la donner. Compliqué par les temps qui courent… ne trouvez-vous pas ?

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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyDim 12 Sep 2021 - 17:50



1er Avril 1167.
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Roxanne ne faiblit pas, ne réagit pas, ne céda pas, et attendit que l’indignation toute puérile de sa comparse finisse par passer pour enfin obtenir sa réponse. Tant mieux si elle était choquée, cela jouait en sa faveur. Mais pour autant la châtelaine ne s’excuserait pas, pas plus qu’elle ne fermerait les yeux sur le danger par compassion. Elle laissa Rosen lui prendre les mains, et ne fit rien pour ôter les siennes.
Elle soupira.

- Voilà la situation. J’ai passé l’après-midi à remonter la piste que tu as laissé. Je suis allée à la taverne, et on m’a parlé de ta petite entrevue avec la femme Barn. Cette même femme avec qui on t’a vu avoir un échange houleux quelques jours plus tôt. Je n’avais pas pris la peine de te questionner cette fois-là malgré les histoires qui m’étaient parvenues. Je pensais qu’après nos discussions, si je t’en laissais le temps, tu viendrais m’en parler. Mais tu ne l’as pas fait.

Nouveau soupir.

- Au lieu de cela, tu es retournée la voir, vous vous êtes isolées, et moins d’une heure plus tard tu quittais le bourg à bride abattue en défiant toute logique et sécurité, sans prévenir personne pour aller soudainement déterrer ton mari disparu depuis des mois sans aucune hésitation sur la destination. Nous forçant de fait à te poursuivre sans connaître tes raisons et par un malheureux hasard nous conduisant droit dans une embuscade. Et quand nous revenons, cette même famille que tu as contactée, est retrouvée calcinée sur le bord de la route. Alors de deux choses l’une…

Elle finit par ôter ses mains non sans avoir doucement pressé celle de Rosen pendant un court instant et se redressa pour arpenter la pièce.

- Soit tu te comportes comme une idiote émotive et totalement incontrôlable qui se laisse manipuler de manière grossière. Soit, tu es la manipulatrice. Et vu que tu foules au pieds tous les efforts que je fais pour te comprendre, j’avoue que je commence sérieusement à douter du cas dans lequel tu te trouves. Et quoi qu’il arrive cela ne peut plus durer.

On les interrompit en frappant au lourd battant et Roxanne alla entrouvrir avant de revenir avec les ustensiles promit qu’elle tendit sans hésiter à la baronne. C’était un assortiment assez simple, de vieilles feuilles, une peau d’encre, et une plume.

- Maintenant tu vas m’écrire toute la vérité. Comment tu as su pour Hector, par qui, pourquoi lui avoir fait confiance, tout ce que tu sais concernant cette personne et ton passif avec elle. Pourquoi tu es partie sans prévenir personne. Et ce que tu sais, ou pense savoir des gens qui nous ont attaqué, ou de ce qui est arrivé au Barn.

Elle glissa machinalement une mèche de cheveux derrière son oreille tandis qu’elle réfléchissait.

- En dehors des funérailles, que nous organiserons rapidement, tu ne quitteras pas la forteresse de toute la semaine qui vient, le temps que j’étudies ce que tu auras écrit et que j’enquête pour faire mes propres vérifications. Pour éviter la polémique tu n’auras qu’à évoquer ton deuil, quand tu en seras capable. Ce sera mieux que de faire remarquer à tout le monde que tu es tenue au secret à cause de tes actes. La stabilité du bourg est trop fragile pour qu’on s’amuse à la mettre en péril tant que ce n’est pas absolument nécessaire. J’assurerais ta charge dans l’ombre, sans que d’autres que l’essentiel ne soient au courant, afin de ne pas laisser croire que tu n’as plus la confiance de la couronne.
Ensuite, ton capitaine devrait être rentré, et si je suis satisfaite de mes investigations et de ton honnêteté, alors nous évoquerons la possibilité d’une plus grande souplesse sur tes déplacements, au moins au sein du bourg, ainsi que de tes fonctions. Dans le cas contraire… nous verrons. Si tu veux rester ici ce soir je te ferais apporter une paillasse et un repas chaud, mais demain tu devras regagner ta demeure. Je sais que tu es en état de choc. Mais tu dois donner l’impression de pouvoir le surmonter à ton peuple, et pour cela, tu ne peux pas rester parmi les morts.


Son regard croisa celui de Rosen et s’y fixa.

- J’essaie vraiment de t’accorder ma confiance Rosen, ainsi que la liberté que tu espères. Mais il faut que tu commences à t’en montrer digne. Je ne pourrais pas passer ma vie à lutter contre tes craintes.

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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyDim 12 Sep 2021 - 21:55


Hurler en silence
Rosen


Roxanne m’explique qu’elle a ‘remontée ma piste’. Oui, il s’agissait bien du bordel que cette idiote de sectaire a créé. Moi, je n’ai pas montré le moindre signe d’agressivité, et même son fiancé a dit qu’elle était folle. Alors… En quoi pourrait-on bien m’accuser ? Je l’ai même cajolée en place publique…

Évidemment, tout a été rapporté, même mon passage à la taverne. Je me sens tellement… tellement… surveillée… Mais ça commence à puer cette histoire. Elle me soupçonne d’être une idiote se jetant dans les pièges ou une manipulatrice.

Moi, je n’ai fait qu’aller chercher mon mari, je le répète. C’est elle qui s’est jetée toute seule dans l’embuscade en me suivant… On nous mène ensuite le matériel pour que je puisse écrire – ou essayer. Ma main tremble trop pour que je parvienne à quoi que ce soit, c’est évident…

Je veux bien faire tous les efforts du monde, mais quand ça veut pas, ça veut pas… je pousse soudain un cri en sentant quelque chose frôler mon cou. Alors que j’essaie de chasser cette chose brusquement, je me rends compte que ce n’est qu’un cheveu…

Je pousse un soupir en passant ma main sur mon visage. Ça va aller, ça va aller… J’essaie de me saisir de la plume pour écrire. Que dire ? La vérité ? Ce serait un plan à me condamner d ’office. Une demi vérité ? Je me ferais cuisiner jusqu’à la totalité. Il faut que je trouve une solution et vite…

Je soupire. Je ne sais pas comment je vais m’en sortir cette fois… Que je déteste être de l’autre côté du rideau ! Je préfère tellement quand c’est moi qui mène… Est-ce que c’est la fin ? Tout ça dure depuis trop longtemps.

J’essaie de prendre mon temps. Mais quand je me relis, c’est totalement illisible. Je regarde Roxanne. Je ne sais pas si elle va arriver à comprendre. Il y a quelques mots certainement plus faciles à déchiffrer qui pourraient lui permettre de comprendre le sens global des phrases. Je me suis un peu plus appliquée sur les mots importants.

'C’est une sectaire. C’est elle qui me l’a dit, elle avait sa chevalière. Je suis partie seule parce que je ne pouvais pas expliquer ça. C’est sûrement elle et les siens qui les ont tué et vous ont tendu l’embuscade. Elle dit s’appeler Sélène.'

Elle aurait mieux fait de ne pas me dénigrer comme ça et de me faire entrer dans sa secte… tant pis pour elle après tout. Je ne chercherai pas à la protéger. J'ai horreur qu'on essaie de me la faire à l'envers. Je crois que je préfère encore sombrer avec elle.

S’il le faut… J’ai été plus qu’indulgente à son égard après tout. Et qu’importe si jamais tout cela ne vient pas d’elle. Elle l’endossera quand même. Mais il y a tellement de choses que moi, j’aimerais savoir aussi.

Si seulement j’étais en état de parler…

Je regarde le corps froid et sans vie qui gît non loin de moi, un sourire triste aux lèvres. Mon bel amour... Je te rejoindrai bientôt.

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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyMer 15 Sep 2021 - 15:22



1er Avril 1167.
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Elle aurait aimé pouvoir compatir aux peurs de Rosen, pouvoir céder à ses inquiétudes la concernant. La jeune femme avait quelque chose de touchant, même à cet instant. Mais Roxanne n’en avait tout simplement pas le luxe. La baronne n’avait pas conscience de la difficulté de la situation, de la précarité de sa position. Même à présent, même dans son état, aux pieds du mur, elle semblait plus agacée et ignorante du péril que véritablement inquiète.
Comme si elle finirait de toute façon par surmonter cela comme le reste, alors qu’elle risquait de chuter dans un gouffre du quel on ne remonte pas.
Sa propre mort semblait l’indifférer bien plus que sa tranquilité…

Roxanne s’empara du parchemin, en sachant déjà qu’elle serait contrariée de ce qu’elle y lirait. Même sans en connaître le contenu, la maigreur du texte la laisserait sur sa faim, et elle ne pourrait qu’agir logiquement à sa suite.
Ses yeux s’étrécirent en une fente quand elle parcouru les caractères fébriles et moucheté. Comme d’habitude avec Rosen, le pire que l’on prévoyait n’était pas le pire qui pouvait arriver. Elle relue encore et encore la petite phrase pour laisser le temps à ses nerfs de se calmer et ne pas répondre sous le coup de la colère. Elle inspira profondément avant d’expirer lentement pour chasser la boule qu’elle avait dans le ventre.

- Ce n’est pas suffisant Rosen. Pas suffisant du tout. Mais puisque tu sembles incapable de mieux, ne serait-ce que de communiquer. Je vais t’accorder un délai, mais aussi durcir les conditions. Ta liberté de mouvement dans le fort est annulée, tu n’es de toute façon pas en état d’affronter les questions et les doutes de tes sujets. Tu es confinée dans tes appartements jusqu’à nouvel ordre pour te reposer et récupérer assez d’énergie pour me communiquer tout ce que je t’ai demandé. Je filtrerais tes visites personnellement. Si tu as des demandes, tu devras parvenir à me les écrire au minimum, donc tu as une double raison de travailler là-dessus, ça t’occupera. Je vais me renseigner sur cette Sélène.

Elle se releva doucement, lissant un pli de sa robe machinalement.

- Frappe à la porte si tu souhaites que l’on te ramène dans tes quartiers. Sinon quelqu’un viendra bientôt t’apporter de quoi te restaurer et te reposer. N’oublie pas, c’est exceptionnel ce soir, alors prépares-y toi mentalement.

Elle avança vers la porte et posa sa main sur la poignée, mais ne la tourna pas, restant fixe de longue seconde, silencieuse. Puis après un temps qui parut infini, elle prit la parole.

- Je connais les horreurs de la vie. Je sais à quel point sombrer et se libérer semblent parfois si proche l’un de l’autre, comme les deux faces d’une même pièce. Et je connais l’attrait du chuchoteur… dit-elle avant de lentement tourner la tête vers Rosen. Rien de bon ne découle de cette route, aussi attirante soit-elle. Arrête de lutter contre moi et contre ton rôle, embrasse-le pour te l’approprier et renonce à ta noirceur, elle n’est pas ton amie. Bonne nuit Baronne.

Sans un mot de plus, Roxanne sortit, laissant la baronne à sa douleur et ses pensées.

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Rosen de SombreboisBaronne
Rosen de Sombrebois



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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyJeu 16 Sep 2021 - 3:32


Hurler en silence
Rosen


Je la regarde se saisir de mes écris pour les lire. Plus rien n’a d’importance je crois… Ce n’est qu’une question de temps. Et il faut bien mourir un jour ou l’autre… Ai-je bien fait de lui dire la vérité ? Sa réaction me le dira. Elle veut m’accorder sa confiance ? Bien.

Je n’arrive pas à comprendre comment nous avons pu en arriver là. Nous voulons pourtant exactement la même chose… faire tout pour que le bourg se porte au mieux. Que les Dieux sont facétieux !

Soit je passe cette épreuve et tout ira pour le mieux en attendant la prochaine galère, soit je ne la passe pas et ce sera fini de toutes ces misères. Je regarde son visage se fermer. Il y a un temps, j’aurais pu le trouver magnifique, comme ça. Voir ses lèvres se crisper, ses yeux darder des éclairs.

Sa mâchoire se crisper. Ça lui va si bien, d'être fâchée... Mais ce soir, je me dis juste que j’aurais mieux fait de mentir. Elle voulait pouvoir me faire confiance ? Qu’à cela ne tienne. Je lui dis la vérité. Pas suffisant ? Mais j’ai répondu à ses questions ! Elle veut quoi, que je lui rédige ma biographie ?! Je peux à peine écrire !

Et voilà… je me refais baiser en beauté… ça devient d’un redondant ! Maintenant, voilà que je suis confinée dans ma chambre ! Mais a-t-elle vraiment décidé de me faire vivre un enfer jusqu'au bout ?

N’ai-je donc pas le droit de rester avec les miens et d’avoir du réconfort ? Il faut qu’elle aille jusqu’à trier les gens qui peuvent vouloir venir me voir ? Pourquoi s’acharne-t-elle donc sur moi ? Je la regarde désabusée, je fais non de la tête. Ça ne sert à rien, évidemment. C’est pas juste ! J’ai répondu honnêtement à ses questions !

Elle ne me laisse pas l’occasion d’expliquer quoi que ce soit de plus, elle reprend son matériel et se dirige vers la sortie, me laissant à nouveau seule avec la mort. Pourtant avant de partir, ses dernières paroles me laisse sceptique. Quoi, elle connaît l’attrait du… chuchoteur ? Je fronce les sourcils.

Quoi, qu’est-ce qu’elle me raconte là encore ? Elle va dire quoi ? Qu’elle a été attiré par la secte ? Et qu’au final elle s’est mise en tête de les décimer à la place ? Peut-être en a-t-elle fait partie avant de changer définitivement de voie… qui peut bien savoir.

Une secte ou l’autre… je me disais bien que ça sentait le sectarisme à plein nez depuis la première seconde où elle m’a adressée la parole. J’ai juste pas dû miser sur le numéro gagnant… mais c'était pas loin ! Ca paraît logique au fond, qu’elle m’ait parlé de Rikni de la sorte si elle voulait ’revenir dans le droit chemin' et s’éloigner d’Etiol. Il n’y avait peut-être rien en lien avec les purificateurs finalement.

Mon intuition me joue des tours des fois, même si je cerne toujours la base assez aisément. Mais la question est surtout de savoir pourquoi elle m’a dit ça. Cherche-t-elle à me mettre en confiance ? Après m’avoir menti en me disant que je pourrais être libre au château, pour me dire finalement que je ne pourrais quitter ma chambre ? Drôle de façon de chercher ma confiance si c’est le cas…

C’est quelque chose que je ferais bien moi aussi en fin de compte décimer tous ces cinglés… Ah, Etiol… Suis-je vraiment l’une de tes enfants au lieu d’être celle de la Trinité ? Dis moi… serais-je ta préférée s’il ne restait plus que moi ? Je souris dans l’obscurité une fois seule, puis je me jette contre Hector pour le serrer dans mes bras. Ça fait si mal… j’ai l’impression que cette douleur ne passera jamais. Jamais… notre dernière nuit mon bel amour…

On ne choisit pas ses parents n’est-ce pas ? Ni son créateur et pas même l’essence qu’il nous insuffle. Il serait sans doute plus simple de détruire l’humanité au complet quand on voit comment ça tourne… et que nous n’en parlons plus. Ah, j’aurais vraiment dû me tourner vers les purificateurs je crois. Ce fut vraiment une mauvaise pioche le cloaque… force est de constater.

Les mouches qui nous tournent autours, je les chasse de la main. La paillasse et le repas que l’on me mène, je n’y touche pas. La puanteur, je ne la sens même plus tellement que j’y suis habituée. Je caresse de temps à autre le corps à diverses endroits. Bras, dos, cuisses… visage, même.

J’essaie de nous recouvrir de la couverture le plus possible afin d’éviter que les mouches ne nous importunent. Le peu de fois où il me semble m’endormir, un vrombissement me réveille. Réel ou imaginaire, je ne saurais le dire, mais les insectes sont partout autour de nous sitôt que mes yeux sont fermés. Ah, quelle histoire… je comprends mieux avec le recul certaines phrases et agissements. Pourquoi elle s’est évertuée à gueuler que je voulais la tuer. Le piège était bien pensé…

‘Je crois que je l’ai blessée’, ‘bonne chance avec les intrigues’ pas son truc ? Mouais… à d’autres. Avec du recul, je me dis qu’ il y a sûrement d’autres phrases du genre que j’ai laissé passer. Tant pis… Ne lui avais-je pourtant pas dit juste auparavant que j’avais déjà assez de mon lot d’intrigues à gérer ? Faut-il croire qu’elle a tenue à m’en rajouter… Je suis pourtant passé outre ce qu’il n’est en toute logique pas possible de laisser passer. Mais quel est mon problème à la fin ?

Dire que je voulais la rejoindre, et qu’elle était là pour me la faire bien à l’envers. Quand je vous dis que ma vie est une comédie… Ah, il y a vraiment de quoi se marrer, je vous le dis. Bande de stupides garces… je les déteste ! Qu’elles aillent en enfer.

Que la nuit fut longue, entre angoisses, insectes à chasser et fantômes. A passer mes bras partout pour me protéger des insectes, tremblante de froid. Mais enfin se lève l’aube et la porte s’ouvre. Je suis tellement épuisée que je sais pas combien de temps je vais réussir à tenir debout. C’est le jour J.

Le dernier jour… Je regarde mon époux, bientôt, je ne pourrais plus le faire. Les miliciens qui rentrent semblent incommodés par quelque chose, mais quoi ? J'aimerais rester plus longtemps près de lui. Mais je ne peux pas, on ne me le permet pas. Un dernier regard à Hector et je prends le chemin du château, le cœur lourd, toujours aussi grelotante. Les traits disloqués de son visage me hanteront à jamais.

Alors que je me rapproche de la sortie, la lumière m’aveugle brusquement et je me protège du dos de la main. Je cligne des yeux de nombreuses fois avant de parvenir à m’habituer à la luminosité. En fait, jusqu’à arriver au château.

« Rosen ! », s’écrie Pénélope en se jetant dans mes bras pour pleurer.

La chaleur et la douceur de son corps me font presque frissonner. Et cette douce odeur parfumée... Je ne sens plus que ça. J’avais oublié à quel point ça pouvait être si agréable de serrer un corps contre soi après avoir passé trois jours à serrer un cadavre contre moi.

Mais elle se recule bien vite. Ils sont tous bizarres ce matin… Tout le monde se rassemble autour de moi et je sens comme des angoisses d’avoir autant de monde. J’étoufferais presque… De-ci de-là, je vois des larmes sur les visages.

Pénélope se hâte de me préparer un bain et je m’isole dans la salle d’eau en attendant. Les miliciens me collent au train comme des mouches sur un cadavre et je ne suis pas fâchée de pouvoir m’en séparer le temps de me laver. J’imagine qu’ils vont rester à m’attendre derrière la porte…

« Qu’est-ce qu’il se passe ? me demande Pénélope en tirant l’eau du puits. Pour ces hommes sont là ? »

Mais je suis incapable de lui répondre quoi que ce soit, alors je baisse les yeux. J’imagine quelle doit sentir toute cette tension m’entourant… Je ne sais pas comment lui demander d’amener ma robe de mariage. Je tente tout de même en pinçant ma robe au niveau de la poitrine, puis après avoir un peu tiré dessus, je fais un signe de lacération sur mes manches.

Je n’ai qu’une seule robe dont les manches ont été lacérées – et recousues. Cette jolie robe de soie noire et bleu roi… Elle hoche la tête, s’essuie son visage embuée puis va chercher l’eau chaude. Je rentre dans l’eau, ce que ça fait du bien un bon bain chaud… j’ai si froid et je me sens épuisée.

Je prends mon temps pour me laver, je n’ai pas hâte d’être enfermée dans ma chambre pour ces prochains jours… Je soupire en fermant les yeux. Quelque chose tombe dans l’eau. Je regarde, je vois un ver. Encore un. Puis un autre. Des gouttes rouges s’écoulent une à une…

Je lève la tête, pour apercevoir le cadavre de Hector qui me fait face, auréolé de sang, les yeux révulsés et des tas d’insectes tombant de sa bouche. Il me tombe dessus. Je me redresse dans un hurlement. Je me suis encore endormie… je peine à reprendre à ma respiration et pose ma tête sur mes genoux en luttant pour ne pas me laisser submerger. Pénélope se précipite sur moi.

« Rosen ?? Qu’est-ce qui se passe ?! »

Derrière elle qui vient de me rejoindre, j’entends distinctement deux épées être dégainées et je me précipite à l’autre bout du baquet dans un cri de peur.

« Mais vous n’êtes pas bien ?! s’exclame Pénélope en les voyant nous rejoindre armes à la main. Rangez vos lames, vous l’effrayez ! »

Les miliciens voyant que je n’ai tué personne sortent enfin. Quels crétins… je vais alors pour me lever et sortir.

« Attends Rosen, il te reste de la mousse dans les cheveux… Laisse moi faire. »

Elle attrape une petite jarre pour me faire couler de l’eau dessus et je l’entends renifler. Moi, j’essaie d’éviter son regard. Je crois qu’il fait trop mal. Quand elle a fini, elle me coiffe, puis je sors vite et me sèche avant de m’habiller. Les miliciens sont encore là et je les regarde de travers en passant, une fois que je sors de la salle d’eau. Les gens sont tous dehors à présent et je ressors à côté de Pénélope.

Le corps de Hector est maintenant dans un cercueil et il a été revêtu de ses nobles vêtements. Il a déjà meilleure allure… Si tant est qu’un cadavre puisse avoir de l’allure. La cérémonie va bientôt débuter et le couvercle est placé.

« Maman ! », s’écrie une petite voix faiblarde.

Je me retourne pour voir d’où elle provient.

 Mérédith ? J’avais complètement oublié la pauvre enfant… elle court vers moi de sa démarche chancelante. Trop chancelante. Sa peau est si pâle, si moite… Elle vacille avant d’avoir pu m’approcher et sentant qu’elle va s’écrouler par terre, je me précipite vers elle pour la rattraper.

Je l’ai eue ! De justesse… Je suis tombée sur les genoux en me jetant sur elle pour la protéger du sol. Ça fait mal… Mais je devrais survivre à quelques écorchures.

« Je peux voir papa ? » 

Je fais non vivement. Elle n’a pas besoin de voir ça. Pas besoin de se traumatiser avec une vision pareille, même si ça n’a rien à voir avec celle que j’ai eu en le déterrant.

« S’il te plaît ! »

Je refais non fermement en posant mon index sur les lèvres. C’est hors de question et elle pleure dans mes bras. Et ainsi se passe la cérémonie, toujours dans la souffrance et les larmes pendant que les prêtresses officient. Des bons souvenirs à ne jamais oublier sont évoqués, sa force, sa bonté, sa joie de vivre et son courage. Tant d'évocations comme autant de coups de poignard dans mes entrailles. Je garde la fillette contre moi, la berçant doucement les yeux fermés, caressant doucement ses cheveux sentant bon l'odeur du savon. Je laisse ensuite Pénélope la récupérer et je me relève.

Elle ne devrait pas quitter le lit… Et moi, je ne sais pas ce que je vais faire. Mais je refuse que ça continue comme ça. Je refuse de voir la milice continuer à sortir les armes au sein du château. Je refuse de rester prisonnière et enfermée, juste parce qu’une saloperie d’enflure de sectaire est venue m’annoncer que mon mari est mort et que je suis partie chercher son corps. Petit à petit, les gens se dispersent, et je reste encore un peu pour voir le cercueil partir à l’intérieur de la crypte.

Lorsque je croise le regard de Roxanne, je lui fais signe de me raccompagner. Elle veut que j’écrive ? Attends, je vais écrire tu vas voir un peu. Pas facile quand on a l’impression d’avoir les yeux qui nous sortent de la tête tellement qu’ils sont gonflés, mais qu’importe.

‘Tu m’as menti. Tu veux pouvoir m’accorder ta confiance, mais comment veux-tu seulement avoir la mienne dans ces conditions. Me demander des aveux que je fais en disant que je pourrais être libre d’arpenter le château, pour finalement me dire que je ne pourrais pas quitter ma chambre. N'as-tu donc pas de parole ? Il faut arrêter cette folie. Les miliciens ont déboulé dans la salle d’eau épée à la main devant Pénélope, juste parce que j’ai fait un cauchemar dans mon bain et que j’ai crié ! Si tu continues comme ça, ça va devenir le chaos. Crois-tu vraiment que j’ai l’intention de faire du mal aux autres habitants ?! Mais réagis ! Ouvre les yeux ! C’est ma famille ! Mes amis ! C’est grotesque… et tu veux m’éloigner d’eux ? Le seul soutien que j’ai alors même que je viens de perdre mon mari ? C’est monstrueux ! C’est comme ça que tu veux apporter la paix dans le bourg ? Mais la paix, elle y était avant ton arrivée, mais tu la détruis un peu plus chaque jour ! Tu crois quoi ? Que j’ai tué les Barn ou que je suis une sectaire ? Tu vois pas que c’est un piège tout ça ? Crois-tu que j’aurais été assez stupide pour menacer de mort quelqu’un devant tout le monde pour le tuer après ?! Je crois pas être aussi stupide ! Elle est même pas morte, elle… c’est elle qui les a tué ! De plus, son fiancé l’a traité de folle. Lui, ça doit pas être un sectaire. Juste son jouet… une couverture ou que sais-je. ’

J’enroule le parchemin que je lui lance avant de passer au suivant.

‘ Je regrette d’être partie comme ça, je le reconnais, ça, c’était stupide. Mais si tu arrêtais de me menacer, peut-être qu’on arriverait à communiquer mieux que ça et que je serais venue te voir ! Remets-toi en question juste un peu toi aussi et essaie de me comprendre… J’ai eu tort de partir comme ça, mais il fallait que je retrouve Hector. Si tu veux pouvoir m’accorder ta confiance, il faut que tu aies la mienne aussi. Ça doit être réciproque si on veut arriver à quelque chose pour ce putain de bourg. Un cavalier aveugle sur un cheval fou ne sera jamais une équipe gagnante sur la moindre course... il faut un duo un peu plus harmonieux pour arriver à quelque chose. Alors tu ne peux pas m’enfermer comme ça, comme si j’étais une criminelle ou un animal. Si tu veux bien me faire confiance, je te donne ma parole que je ne le ferai plus. S'il le faut, je resterai dans le bourg jusqu'à l'accouchement. Tu trouves que je suis une menace pour le bourg ? Tu as été une menace pour les miens à peine tu as posé le pied au château. Crois-tu qu’on va aller loin si ça continue comme ça ? Il faut que ça cesse. Fais moi confiance et je te ferai confiance. Plus de menaces, plus de sanctions, et je te jure que je ferai les choses comme il faut et que je n’aurais plus rien à cacher. On peut y arriver… Tu veux vraiment tout savoir ? C’était pas assez mes explications ? Soit. Tu vas savoir ce qu’il s’est passé avec elle. ’


Je suis fatiguée… j’arrive plus à écrire et je lui lance le deuxième parchemin en soupirant lourdement. Puisqu’il faut en arriver là… on sombrera tous sous sa folie ou on s’en sortira.

J’attends qu’elle finisse de lire et lorsqu’elle lève les yeux, je la prends par la main pour monter à l’étage et je lache sa main pour gratter à la porte d’Edwige en espérant qu’elle soit remontée dans sa chambre depuis tout à l’heure. Elle est peut-être au temple…

Elle ouvre la porte. Je m’en veux d’en arriver là et de prendre ce risque d’attirer des ennuis à la prêtresse. Mais c’est la seule solution que j’ai trouvé pour que la châtelaine ne doute plus. La confession spontanée ne sera-t-elle pas la meilleure des preuves de ma bonne foi ?

Nous rentrons dans la chambre et on referme la porte. Là, je montre Edwige à Roxanne, paume en l’air. Qu’elle lui explique qu’une sectaire est venue dans le bourg et que je la connais, qu’elle demande comment. Qu‘on en finisse au plus vite. Je prends les mains de mon amie en lui souriant, et hoche la tête pour lui faire savoir qu’elle pourra parler librement. Je m’assieds ensuite sur le lit.

C’est grave ce que j’ai dû faire ce jour là… et ça suffirait sans doute à me condamner. Mais je n’ai pas eu le choix. Alors si c’est la fin, soit. Que mon âme sombre au fin fond des marais où ailleurs… plus rien n’a d’importance.

Edwige… pardonne-moi de t’impliquer là-dedans…

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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyJeu 16 Sep 2021 - 16:53



2 Avril 1167.
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Le cœur serré mais le regard froid, Roxanne observait le corps en silence. L’arrivée de l’enfant avait réveillé une peine qu’elle espérait éteinte, mais certaine chose ne passe pas plus vite que les montagnes ne s’effondrent. La cérémonie s’avéra solennelle. Des larmes, des paroles d’admiration ou de courage. Beaucoup de gens s’étaient réunis pour saluer le départ de cet homme pour sa dernière demeure.
La châtelaine avait vu beaucoup d’homme mourir et être mis en terre au cours de sa vie, certain plus méritant que Hector, d’autres moins et d’une certaine façon, cela avait anesthésié sa perception d’un tel événement. C’était une routine macabre mais une routine tout de même… sauf pour les enfants.
Eux, parvenaient à l’atteindre, trop profondément à son gout. Elle ravala un gout amer dans sa bouche et se concentra sur la cérémonie. Du moins l’aurait-elle voulu, mais son esprit s’égara dans de lointains souvenir.

La cour froide d’un château, ou plutôt d’une forteresse. Ce n’était pas un de ses endroits où les nobles aiment se pavaner, et faire l’étendue de leur pouvoir. Non, c’était une forteresse de guerre, bâtie à flanc de deux montagnes comme une extension de celles-ci afin de boucher l’ouverture d’un col face aux invasions du sud.
Telle que c’était le cas aujourd’hui.

Une mer de tentes s’étendait à perte de de vue à quelques distances des murs. La plaine désolée fourmillait à présent de dix milliers de barbares avide de sang. Leur sang. C’était là ce qu’il se disait parmi les soldats du fort. Des messes basses des jugements, des condamnations. Toujours est agile la langue de celui qui croit être dans son bon droit. Mais aucun d’eux ne prenait la peine de citer les nombreuses incursions en terres barbares qu’avaient effectués les troupes du fort. Un siècle de paix et de commerce réduit à néant quand le nouveau seigneur local avait décidé qu’il n’était pas nécessaire de commercer lorsque l’on pouvait simplement prendre par la force. Par cette pensée stupide, la discorde qui séparait les clans des pleines avait fini par s’éteindre face à la soif de vengeance contre un ennemi commun.

Rik, comme elle se faisait appeler depuis son arrivée dans les troupes ducales de la forteresse releva doucement son casque trop grand pour observer la tour du seigneur dans laquelle se terrait l’inconscient noble depuis que sa citadelle était assiégée. Rien que ce petit effort lui arracha un tiraillement douloureux dans le bras. Une semaine à repousser vague après vague les assauts de la marée incessante avait poussé son corps dans ses retranchements, et chacun de ses muscles étaient douloureux.

Du haut de ses quatorze ans, elle n’avait pas tout à fait l’endurance des vétérans avec qui elle luttait épaule contre épaule, mais elle compensait par un mélange de rage et de peur que ses camarades respectaient à leur façon. Ceux qui la raillaient pour sa voix fluette et son physique malingre partager à présent leur broc avec elle et leur humour graveleux. S’ils avaient su… Bientôt, elle ne pourrait plus jouer ce genre de rôle. Un an. Deux tout au plus, si elle survivait à cette situation. Déjà les premiers signes de sa féminité prenait place malgré ses efforts, ses hanches s’élargissaient et elle devinait presque une rondeur sur sa poitrine quand elle se lavait. Ces transformations l’effrayaient. Pas pour sa sexualité, elle avait déjà subi bien assez d’outrage dans les geôles avant même d’être au service de ses maîtres pour ne plus craindre ce genre de chose. Non, ce qu’elle craignait c’était de perdre tout cela. Le poids rassurant d’une épée à son côté. La lourde mais sincère camaraderie des hommes des régiments. Les regards simples et sans sous-entendu. C’était une vie qu’elle aimait. Une vie de façade, qui cachait sa réelle fonction, mais une vie quand même.

Un homme en livrée de serviteur jaillit de la tour avec un air qui cachait péniblement sa peur et parti au pas de course vers les cuisines. Rik compta machinalement le temps qu’il mit à revenir, ce serait court, mais envisageable. Pas forcément le plus discret. Elle avait déjà un plan pour venir à bout de sa mission et elle le pensait parfait. Mais comme elle s’y était entrainée, elle prenait toujours le temps d’en trouver deux autres avant de le mettre à exécution. Cette précaution qu’elle avait trouvé ridicule enfant, lui avait déjà sauvé la vie deux fois cette année.
Quelqu’un pris place à coté d’elle et elle tourna son visage fatigué vers lui. Elle fut surprise de ne pas trouver un de ses compagnons du rempart, mais un garçon, à peine plus âgé qu’elle. Ses yeux étaient étranges, presque rouge. Ses cheveux d’un noir profond, étaient taillés grossièrement plus long que la coupe réglementaire. Son casque les écrasé, lui faisant tomber des mèches devant les yeux. C’était stupide, et dangereux de les garder ainsi. Mais Rik, à sa grande surprise, lui trouva beaucoup de charme ainsi. Il lui fit un grand sourire qui lui chauffa les joues et prit la parole.

- Salut ! Je suis Lucian !

- Rik… répondit la jeune fille en tentant de reprendre un peu de contenance.

- Tu voudrais pas qu’on parle un peu ? poursuivit le garçon d’une voix dynamique mais profonde, plus que ne le laissait paraitre son allure négligée. Elle observa le serviteur revenir et entrer dans la tour, essayant d’éviter le regard perturbant et amical posé sur elle. Mais le dénommé Lucian n’en démordit pas et patienta, refusant son silence comme une réponse. Agacée, elle soupira.

- D’accord. répondit-elle finalement, provoquant un agrandissement de son sourire, mais un puissant cor se fit entendre dans la plaine, et des hurlements guerriers montèrent de milliers de gorges. Nouvel assaut, désolé. signala-t-elle en se relevant, mais Lucian bondit sur ses pieds et lui attrapa la main tandis qu’elle se détournait pour se diriger vers son poste.

- Mais on discutera après hein ? Ce soir ?

Rik jeta un coup d’œil nerveux aux remparts, puis à la tour. Ce soir elle voulait exécuter son plan, mettre fin à tout cela. Ses yeux glissèrent sur la main qui tenait la sienne. Ses doigts étaient chauds sur sa peau sensible. Elle hocha la tête, et s’empressa de partir en le plantant là. Demain irait aussi. Oui, demain elle grimperait dans cette tour, tuerait son occupant mettrait fin à une guerre.
Elle prit place entre les deux merlons qui lui étaient assignés ramassa son bouclier d’un bras engourdi.

Une vague d’épée, de lance et de haches déferlait vers le rempart, elle jeta loin dans sa conscience le regard aux lueurs rouge qui lui occupait l’esprit et à l’image de ses camarades se mit à frapper la surface de son bouclier avec son pommeau en poussant un cri de défi destiné autant à ses ennemis qu’à elle-même.

La sensation d’un regard posé sur elle tira Roxanne de ses souvenirs et elle croisa les yeux de Rosen qui visiblement souhaitait attirer son attention. Elle hocha la tête, et quand le groupe se dispersa, elle suivit la noble.
Un soulagement de bien courte durée la gagna en la voyant se jeter sur les parchemins pour les noircir à toute vitesse. La nuit avait visiblement eu un effet positif sur la raison de la baronne… ou pas. Alors que ses yeux parcouraient les caractères de la feuille, elle se retint de rire à gorge déployée. Était-ce là une blague ? Un humour déplacé que la baronne pensait de bon aloi pour détendre l’atmosphère ? Elle jeta un coup d’œil à celle-ci et sut que non. Elle était parfaitement sérieuse… C’est à ce moment qu’elle comprit que la cause de cette femme était peine perdue. Elle n’en dit rien, car visiblement la baronne voulait encore se jouer de sa patience et se laissa entrainer vers la chambre d’une des occupantes, une prêtresse qui avait gagné l’affection de Rosen au point que celle-ci l’héberge.
Et enfin la châtelaine obtint les informations qu’elle avait demandé, trop tard et pas même de la bouche ou de la main de celle concernée. Elle resta silencieuse tout le long du récit, pris note de chaque détail que connaissait la prêtresse, même si elle n’avait aucune garantie qu’elle-même soit réellement au fait de la vérité, mais au moins pouvait-elle enfin peindre un tableau d’ensemble de la situation.

L’approche de Cloaque avait évolué, s’était complexifiée. Et elle-même du reconnaître que le coup était splendide, même si elle n’en comprenait pas encore tout à fait l’objectif final. Contrairement à elle, quelqu’un avait vu l’esprit de Rosen pour ce qu’il était, fragile et facilement influençable, pour peu qu’on appuie sur les bons leviers.
Elle avait pensé pendant des jours qu’en se montrant patiente sans négliger son devoir et en se confiant partiellement à la femme enceinte, elle parviendrait à créer une réelle association entre elles et à faire d’elle une femme importante et une force positive pour le royaume. Et pendant ce temps un esprit moins clément et patient avait simplement appuyé sur les points de fractures de la jeune femme, en comptant uniquement sur la douleur, l’égocentrisme et l’impulsivité naturelle de Rosen. Comme en poussant une petite pierre du haut d’une montagne, ils avaient regardé l’avalanche se former sans avoir à faire le moindre effort et se moquant sans doute d’elle qui essayait de contenir la catastrophe en devenir.

On les avait mises dans cette situation et la personnalité de celle qu’elle voulait protéger était si profondément meurtrie, qu’elle ne pouvait rien y faire. Sans doute voulait-on la pousser à agir, à mettre fin à cette partie avec violence. Quelqu’un voulait voir Rosen chuter et qu’elle-même soit celle qui porte le coup. Mais pourquoi le cloaque ? Quel intérêt pour eux ?
Elle ne jouerait pas plus longtemps leur jeu. Pas plus qu’elle ne se tordrait en tout sens pour continuer à sauver Rosen d’elle-même. Elle poussa un long soupir las.

- Voilà au moins qui explique certaines choses. Merci ma sœur. dit-elle en tournant son regard vers Rosen. Tu as gagné Rosen, je te laisse la place. Tu voulais ta liberté et ton bourg, tu les as, pour le moment. J’ai déjà bien assez de combat à mener pour ne pas en mener un inutile contre toi et ta bêtise. Tu as pactisé avec une sectaire, que tu n’as pas dénoncée, fuit le bourg en mettant en danger ta vie et celle de ton enfant et forçant une troupe à partir à ta recherche sans les préparations adéquate. Tu n’es peut-être pas responsable de l’attaque que nous avons subie je l’admets. Mais cela ne te prive pas de la responsabilité des trois morts que nous avons subies en te cherchant. Tu entretiens une relation plus que douteuse avec un homme qui a perdu son titre de chevalier et fait honte à ta fonction à chaque occasion qui se présente. Tu me demandes si je te crois assez stupide pour menacer quelqu’un et le faire tuer ensuite. Et bien je pense que le fait que tu puisses trouver que je ne suis pas assez indulgente ou compréhensive avec toi malgré tout cela peut répondre à ta question. J’en ai assez d’entendre les mêmes reproches encore et encore et de n’avoir en retour que des actes de plus en plus incohérent et dangereux, malgré mes efforts. Alors je vais te laisser faire à ta guise, je vais rentrer faire mon rapport à la capitale, sa majesté décidera de la suite. Si tu trouvais que j’agissais contre toi, malgré tous mes efforts pour te protéger, attends un peu qu’on décide de t’attribuer quelqu’un qui ne se soucie guère de t’aider, voir qui agit pour ceux qui te veulent du mal.

Elle se releva tranquillement.

- Je devrais te déchoir de ton titre, te jeter en prison, voir même planifier ton exécution pour tout cela. Et pourtant tu as le droit à une confortable suite de noble et au bénéfice du doute. Mais tu en veux toujours plus en faisant toujours moins pour mériter ma confiance. Je ferais le jeu de ceux qui veulent te voir chuter si j’agissais maintenant contre toi, même si tu le mérites, alors je vais juste ôter le couteau qu’on a placé sous ta gorge et partir. Nul doute que tu ne tarderas de toute façon pas à leur offrir une nouvelle occasion en or pour t’abattre. Au moins n’aurais-je pas à supporter tes plaintes incessantes en essayant de t’aider à t’en sortir. Je prierais pour tes proches Rosen, puisses-tu ne pas les entraîner dans ta chute quand elle arrivera. Et bonne chance.

La châtelaine fit un signe de tête aux deux femmes et quitta la pièce. Une heure plus tard, et accompagnée de cinq hommes assurant sa sécurité, elle quitta l’enceinte du bourg. Elle aurait sans doute pu attendre de préparer ses affaires et un convoi complet pour rentrer en carrosse, mais le temps était une arme importante.
Ceux qui avaient voulu provoquer ce drame avaient espérer qu’elle agirait promptement et ne s’attendraient pas à la voir partir plus rapidement encore. En leur damant le pion, elle s’offrait un court laps de temps pour agir dans le chamboulement de leur plan et peut-être remonter une partie de la piste de ceux qui devaient soutenir dans l’ombre une telle action. Elle jeta un dernier coup d’œil à Sombrebois. Peut-être condamnait-elle ces pauvres gens à leur perte en les laissant sous l’égide d’une femme comme Rosen, mais elle devait se saisir de l’occasion.
Elle talonna sa monture et partit au galop suivit par ses hommes.

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MessageSujet: Re: Hurler en silence   Hurler en silence - Page 2 EmptyLun 20 Sep 2021 - 11:13


Hurler en silence
Rosen


Pourquoi tout est-il toujours si compliqué ? Pourquoi faut-il toujours que je complique tout ? Je dois bien dire que je ne comprends pas. Les choses sont si simples, pourtant.

Je regarde Roxanne me dire que j’ai gagné, qu’elle me laisse ma liberté, qu’elle va partir. Quoi ? Mais pourquoi ? J’ai vraiment l’impression que l’on a beau essayer de faire au mieux, nous n’arrivons à rien. Je sais bien que je n’ai jamais les bons mots.

Que mon comportement est stupide, souvent. Que je peux être irréfléchie, impulsive. Mais je vous jure que je veux la même chose qu’elle. Mais la réalité, c’est que je ne fais jamais les choses comme il faut. Et c’est pour ça que j’ai perdu Hector, d’ailleurs.

Suis-je condamnée à voir tout s’effondrer en permanence autour de moi, sans jamais trouver la moindre stabilité nul part ?

C’est comme si j’étais au cœur d’un éboulement… que je cherchais à me rattraper à un endroit qui finit par s’écrouler inexorablement. Que j’essaie de m’accrocher ailleurs, mais qu’il en est de même. Et tout s’écroule. Au plus j’essaie de me raccrocher, au plus ça s’écroule.

Je pensais qu’en lui disant ce qu’elle voulait savoir, ça irait. Que j’arriverais à la rassurer en lui faisant connaître ce drame, qu’elle comprendrait sûrement pourquoi j’ai pu être si méfiante. Que ce n’est qu’un événement parmi d’autres similaires qui ont fait ce que je suis aujourd’hui.

C’est sûr, on est pas parti sur de bonnes bases. Mais je sais que ça peut changer… Après tout, combien de lunes ont dû passer avant que l’on se comprennent et s’apprécient avec les gens ? Avec Alaric ? Avec Desmond ? La vérité, c’est qu’il faut du temps. Qu’il me faut du temps…

Un déclic, sûrement. Oui, c’est ça. Un déclic. Une conversation avec Alaric dans un moment soudé. Une action avec Des permettant de nous jauger vraiment comme nous sommes à l’intérieur. C’était pas gagné pourtant, ni avec l’un ni avec l’autre.

Mais c’est arrivé et maintenant je suis proche de chacun d’eux. Vraiment proche. Alaric n’arrivait pas à faire le moindre pas vers moi et je ne pouvais pas supporter Desmond le moins du monde. Et avec Roxanne ? Ça peut aussi arriver. Je le sais. Je suis épuisée de tout ça, épuisée de toujours tout faire rater, épuisée de toujours tout perdre et tout détruire.

Combien de temps encore cela-va-t-il durer ? J’en ai assez. Assez de toujours tout faire de travers. Je la regarde s’activer pour préparer son départ et je suis incapable de réagir. C’est bête, tout ça. Elle va me manquer, au fond. Ne plus voir ce regard, ce sourire malicieux ?

On a tout de même passé quelques bons moment. Que ce soit cette soirée où elle m’a rejoint chez Victor. Ou cette nuit où elle est venue pour essayer de me dire que je pouvais tout abandonner si je le voulais. Non, je ne le voulais pas. Était-ce un piège en y réfléchissant ?

C’est la grande question que je me posais. Ça aurait pu. Me pousser à fuir, à la faute. Oui, ça aurait pu. Mais aujourd’hui, je ne me pose plus la question. Aux heures les plus sombres, je n’ai plus envie de me tarauder avec ce genre de questions. C’est stupide.

Elle aurait eu bien des occasions de me faire éliminer si elle le voulait. Oui, on a eu quelques bons moments quand même. Non. Non, je ne veux pas que ça se passe comme ça. Je refuse de continuer comme ça.

« Roxanne ! »

Je pile net. C’est sorti tout seul, comme un cri libérateur. Et je pose par réflexe ma main sur ma poitrine.

« Roxanne ! je réessaie. Attends ! »

Je me dépêche de la rejoindre pour me placer devant elle, laissant les miliciens à l’écart. Ma voix est bizarre, je crois. Comme enrouée. Ce qui la rend encore plus désespérée, avec ces éclats de voix qui lui donne l’impression de se briser dès que le ton monte un peu trop dans les aigus. Comme si j’avais hurlé pendant bien trop longtemps. Hurler en silence.

« Reviens, s’il te plaît ! Ne pars pas… »

Je la regarde, je crois que je pourrais m’effondrer, là. Tout est tellement dur et mes yeux s’humidifient désagréablement.

« Laisse moi une dernière chance… Juste une dernière et je te jure que je ne ferai plus n’importe quoi ! Si tu penses que je ne suis pas capable de gérer le bourg alors prends la gestion. Mais s’il te plaît n’abandonne pas à cause de moi ! Tu as raison, c’est de ma faute et que tu as été bien trop patiente. C’est moi qui attendais trop de toi... Mais ne pars pas maintenant. On peut y arriver, je le sais. Toute ma vie, je n’ai rien su faire d’autre que de détruire. J’ai détruit mon propre mari au point qu’il n’ait rien pu faire d’autre que de partir. Et toi aussi, maintenant, tu veux partir... Je veux que ça change maintenant. Reste je t’en prie ! Je resterai enfermée dans ma chambre le temps qu’il faudra. J’ai été maladroite, j'ai eu tort... je n’ai pas trouvé les bons mots. Je ne voulais pas te faire de reproche, je me suis laissé emportée par mes angoisses et, en fin de compte, je t’ai mis sur le dos les conséquences de mes propres actes. C’était... égoïste de ma part et je te demande pardon. Et merci pour tout ce que tu as fait… tu as toujours fais de ton mieux pour rattraper toutes mes conneries… quitte à te mettre en faute pour me protéger. Mais aujourd'hui je veux correctement prendre en main mon rôle, je veux arrêter de provoquer toutes ces catastrophes. J’y arriverai si tu veux bien m’aider. Tu sais, je viens de… »

J’expire en souriant. D’où viens-je, d’ailleurs ? Quelle sont mes racines ?

« De la rue. »


Oui, c’est ça, je crois. Je viens de la rue. Traînée longtemps dans les marais avant de finir par traîner longtemps dans les rues de la capitales dès mon plus jeune âge.

« Je n’ai eu aucune éducation. Aucune… la seule chose que j’ai dû apprendre, c’est à survivre. Moi, pas avoir à me préoccuper de quelqu’un d’autre, juste moi. Sauver ma peau. Ma propre peau de tous les dangers. Et depuis moins de deux lunes, j’ai tout un bourg à gérer, à nourrir, à protéger. C’est pas quelque chose de naturel pour moi, toutes ces responsabilités. Mais je veux les assumer au mieux. J’apprendrai à me tempérer. À être plus réfléchie. Mais reste, au moins pour le bourg. Il a besoin de toi. Et si vraiment tu ne veux plus rien savoir de moi... »


Je prends une profonde inspiration pour arriver à poursuivre.

« Alors allons-y ensemble, emmène-moi devant le roi et expliquons lui ce qu’il s’est passé. Je suis prête à assumer mes erreurs. Je leur dois bien ça… je dois bien ça à Hector, que son bourg soit entre de bonnes mains. Sombrebois mérite mieux que quelqu’un comme moi. »

Je suis tellement lasse de tout ça. Je crois qu’à un moment donné, il faut savoir assumer ses responsabilités et répondre de ses actes. Les choses auraient dû être différentes. Au fond, elles l’auraient été si je ne l’avais jamais vu avant son arrivée ici. Je l’aurais vue autrement, oui.

Je l’aurais vue comme une forme d’autorité et rien de plus. Et là ? Je l’ai vue me courtiser dans une maison de passe. Je l’ai vue dans mon bain chez Victor. Il y a eu quelque chose, cette soirée là. Elle voulait me revoir… je voulais la revoir. Et après, tout a changé. Je ne l’ai plus reconnue. Oui, je n’ai jamais su faire la part des choses entre l’amante et la châtelaine. C’était ça, mon erreur.

« Tu veux bien revenir et qu’on reprenne tout du début ? On peut repartir sur des bonnes bases… Je ferai tout ce qu’il faut maintenant, tu as ma parole. » 

J’essuie ma joue. Je crois que c’est une larme, ça.
 
« Roxanne du Val d’Asmanthe. Pour le bourg, pour l’héritier, je vous demande de revenir. Et de ne pas abandonner votre mission. » 

Oui, tout reprendre depuis le début. Tout.

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