[Convocation]Un genou à terre, première partie

Je viens juste de rentrer d’une escorte où tout ne s’était pas passé comme prévu, avec un blessé dans nos rangs, Elie Coptère. Je reste inquiet pour lui car malgré le fait qu’il ressemble à un gros bébé, chauve de chez chauve, comme si on avait étiré et engraissé un nouveau-né jusqu’à lui donner cette drôle de forme il est devenu un véritable membre de la Guilde. Il a même abattu un assassin, mais a été sérieusement coupé aux poignets lors du combat.

Heureusement, le rebouteux de notre équipe, Ari Stote, le veille maintenant dans ce qui nous sert d’infirmerie et qui avant était les cuisines de cette ancienne auberge. La prime accordée pour l’escorte du convoi va permettre de continuer l’expansion de ma guilde et également de m’acheter enfin un lit sur-mesure, j’en ai assez que mes pieds dépassent constamment quand je dors.

Alors que je pensais bénéficier d’un repos mérité, je vois un homme entré alors que j’enlevais mon armure à l’étage et Jean Mangefeuille, le mercenaire le plus ancien que j’ai recruté, car cela fait près de deux mois que je l’emploie, va le voir, oubliant que j’ai engagé depuis peu une hôtesse d’accueil, il s’agit d’Alix, une ancienne prostituée avec une histoire tumultueuse, car elle a essayé de tuer une de mes connaissances. Son frère Lorin, handicapé, au niveau des jambes, travaille également pour moi en tant que gérant.

En tout cas, après quelques paroles échangées, mon homme de main vient m’expliquer toute l’affaire et je fais appel à mes souvenirs pour comprendre qu’il s’agit d’un des chefs des Lames du Morguestanc. Je me demande bien ce qu’il fait là, je sais que je lui ai « piqué » certains de ses employés, mais ils sont venus à moi, je ne suis jamais vu les chercher. Mais quand il parle d’offre de travail, je suis très intéressé, et étonné à la fois, il a, au bas mot, dix fois plus de salariés que moi, sans doute plus expérimentés.

Je m’approche et quand il se présente, j’ai bien la confirmation de son identité, je lui serre donc la main avec une grande franchise, je n’ai plus qu’à lui dire d’un ton neutre :

Je suis Desmond de Rochemont.

Se présenter est la moindre des choses, je continue donc :

Bien sûr, si vous voulez bien me suivre.

Je fais ensuite signe à Alix

Sa photo:

:

Nous allons dans mon bureau, merci de faire en sorte que personne ne nous dérange.

La brune hoche la tête pour marquer son accord et je précède mon invité, remontant l’escalier, passant devant les portes du dortoir des hommes puis des femmes, les saluant au passage, avant de faire entrer dans la pièce, un large bureau est présent avec une grande chaise renforcée d'un côté deux chaises basiques de l'autre.

Je m’assieds confortablement puis sortant deux verres et une bouteille de mon bureau, je remplis les récipients indiquant à celui que l’on nommait avant le briseur de siège :

C’est de l’alcool de cerise venant d’une petite exploitation au sud d’Usson, vous m’en direz des nouvelles.

Moi-même, j’en prends une gorgée, le liquide brulant descend vraiment bien et le goût fruité est très agréable. Je n’ai plus qu’à écouter mon interlocuteur, curieux de connaître des raisons de sa venue.

Je suis un peu déçu que mon vis-à-vis ne boive pas le verre que je lui ai pourtant généreusement offert, je pense que l’odeur ne lui a pas plu. Je me concentre donc sur ses paroles et si j’avoue que la première partie, étant très sensible aux flatteries, me plaît beaucoup, la seconde est plus difficile à comprendre.

Il me parle d’espionnage, mais je ne vois pas ce qu’il craint, ils ont plein de règles, surtout comparé à ma propre guilde et depuis que je suis dans le milieu, je n’ai pas entendu une seule affaire louche à leur sujet. En plus, ils ont des soutiens un peu partout dans la ville, à moins que ce soit lié à l’origine de la somme de départ à l’origine de leur fondation ?

C’est pourquoi, pendant sa pause, je réfléchis intensément, je résiste à l’envi de remplir mon verre à nouveau, ne voulant pas passer pour un alcoolique et lorsque Faren me demande s’il peut poursuivre, je lui réponds ;

J’avoue être curieux, mais avant toute chose, il me faut vous préciser que le secret fait partie de mon métier et mes hommes sont habitués à réaliser toutes sortes de contrat avec toute la discrétion nécessaire. Nous avons bien sûr quelques limites, comme quoi tout ce que nous faisons ne doit pas mettre en danger les habitants de Marbrume, ni les miliciens et les membres du Temple. Si ce n’est pas le cas, notre discussion devra prendre fin ici, ce sera le mieux pour tous les deux.

Je lui souris et lui indique d’une voix plus douce :

Mais comme vous m’avez indiqué que votre affaire n’est pas illégale, je ne doute pas que nous trouvions un accord, je vous engage donc à poursuivre.

Je me cale donc confortablement sur ma chaise, je suis de plus en plus intéressé par les propos de l’homme qui me fait face, mon instinct me dit que je vais pouvoir devenir riche et célèbre ou mort, les Trois décideront.

Je hoche aux premières paroles de mon invité, notre métier est dangereux, très dangereux, j’en veux pour preuve ce qui est arrivé à Elie, qui a été gravement blessé lors de sa dernière mission. Lorsqu’il m’indique qu’il veut juste que je fasse escorter un convoi vers Sombrebois, qui contiendra une personne importante, je me dis que toute cette affaire n’est finalement pas grand-chose.

Je suis donc soulagé, pas de coups fourrés, pas d’énigme, juste de la bonne vieille protection, c’est pourquoi je lui réponds d’un ton amusé :

Cela ne posera aucun problème, donnez-moi la date à laquelle vous voulez intégrer le convoi, le prochain partira dans quelques jours.

Je saisis mon livre de compte qui est régulièrement mis à jour par mon comptable, Lorin, un handicapé, frère d’Alix. Comme d’habitude, j’ai du mal à lire, heureusement que le paralysé des deux jambes à une belle écriture sinon je n’y serais pas arrivé, finalement, j’y arrive et indique à Faren :

Ce sera exactement le onze mai, soit dans une semaine, est-ce que cela vous convient ?

J’attends sa réponse pour pouvoir passer au détail et je lui indique :

Il s’agit d’un convoi important, constitué de dix chariots, essentiellement du matériel de construction et quelques ouvriers qui ont décidé d’aller vivre là-bas, vos propres hommes pourront facilement l’intégrer. D’ordinaire, je mets un homme par attelage, soit dix hommes et comme j’escorte moi-même ce type de convoi, personne ne sera surpris de mon départ.

Je passe mes deux mains sur la table et je regarde mon interlocuteur droit dans les yeux :

Si vous êtes d’accord avec tous ses termes, maintenant parlons du paiement. Que proposez-vous, sachant que je ne suis guère intéressé par l’argent.

Ce n’est pas entièrement vrai, mais j’ai devant moi une des personnes les plus influentes de Marbrume, il a dut réfléchir à une récompense adapté et je suis curieux de savoir laquelle.

Finalement, les choses risquent d’être plus compliquées que prévu, il faudra un convoi particulier et donc une logistique plus simple, je pense pouvoir réunir cinq chariots tout au plus, mais plus probablement trois. C’est sûr qu’il sera moins rentable que les très gros convois, mais j’ai maintenant un comptable et j’enverrai la facture à mon interlocuteur, puisqu’il est prêt à couvrir mes frais.

En plus être payé deux fois, le prix habituel et une faveur, c’est bien plus que ce que je pensais obtenir, et je me demande bien ce que je pourrais avoir en échange. Si l’affaire devait être dangereuse, avec des morts de chaque côtés, si je suis survis à l'affrontement ainsi que mon "colis", ce sera l’exclusivité du commerce avec Sombrebois, ce qui me fera gagner une rente plutôt confortable, car actuellement, quoi que l’on puisse dire, nous nous faisons concurrence et je dois tirer mes prix vers le bas, ce qui ne me convient guère.

Mais nous verrons tout cela après et j’hésite à cracher dans ma main pour sceller notre accord, comme le veut la tradition des gens du peuple que j’ai été obligé de suivre. Je décide finalement de ne pas le faire et je lui tends simplement ma dextre, lui précisant :

C’est d’accord pour moi.

Puis une fois notre poignée de main réalisée, je reprends :

J’attends donc vos consignes avant de bouger. Je resterai muet sur notre conversation et ferai en sorte de garder suffisamment d’homme sur cette période.

Depuis la reconstruction de Balazuc, je suis en effet plus sollicité qu’avant. Il ne me reste donc plus qu’à demander au chef des Lames :

Souhaitez-vous que nous abordions un autre sujet ?

S’il me répond par la négative, je l’accompagne dehors pour lui montrer à quel point je suis un hôte attentionné. Puis je rentre, ne donnant aucune directive à mes hommes immédiatement, mais laissant passer quelques jours, afin que personne ne pense que le convoi de la fin du mois a un rapport avec cette visite, on ne sait jamais, les murs ont des oreilles.