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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyDim 21 Nov 2021 - 10:14

« Le corbeau et le renard »
Le timbre de la voix de l’enfant fut au moins aussi déplaisant que la teneur de ses propos, forçant le renard à ravaler son sourire sans âme pour ne conserver qu’un regard méprisant à l’égard de ce trop jeune interlocuteur. Il se redressa comme il s’était incliné, peut-être plus raidement encore, cependant que son esprit bloquait tout ce qui aurait pu resurgir et engloutir à cet instant.

De fait, le contrebandier ne se concentra que sur la réponse apportée et s’en contenta.

— Elle me convient, même si j’aurais préféré que tu gagnes ce pari, avoua le marchand en forçant de nouveau son sourire, dès qu’il reporta son attention sur le chef de guerre, nous avons donc conclu une affaire. Aussi bien sur ce paquet-là que sur le généreux pourcentage suggéré au préalable.

Par mimétisme, Le Goupil leva les yeux vers le ciel, fronça fugacement les sourcils et sentit ses lèvres se tordre en une étrange grimace dont il ne resta plus trace, lorsqu’il renoua avec le paysage de la terre ferme.

Il aurait de loin préféré boucler cette affaire au plus tôt – s’en débarrasser –, mais risquer d’échouer des suites d’un trop grand empressement, quand il avait précédemment frôlé le fiasco, n’aurait fait que forcer un destin qui lui était déjà fort peu favorable d’ordinaire. Le renard devait se résigner à repousser son départ au lendemain.

— Puisque c’est si gentiment proposé… Je ne manquerai pas de promouvoir l’hospitalité des Égorgeurs envers leurs partenaires commerciaux, promit le contrebandier dans une révérence exagérée à l’égard du chef de guerre, tu me montres ce qui vous fait office de taverne, Scilla ? sourit l’homme en reportant son regard sur l’intéressée, avant de l’abattre sur le colis méprisable dont il était à présent encombré, viens, morveux à l’oiseau.

Le renard glissa ses mains dans les poches de sa veste et tourna les talons sans plus s’attarder – peut-être, là encore, pour ne pas forcer le destin plus qu’il ne l’avait déjà fait.
Dans les pas de Priscilla, il remonta le chemin le long duquel elle l’avait guidé plus tôt, guetta les bruits caractéristiques des tavernes sans espérer en voir se profiler une digne de ce nom. Ainsi, ils atteignirent un baraquement aussi sommaire que le mobilier qu’il semblait accueillir, d’où s’échappait une puissante odeur de distillation présageant du pire quant à la qualité de l’alcool qui pourrait bien y être servi.

— Je doute qu’ils acceptent les animaux là-dedans. Ils feront peut-être une exception pour toi, morveux, mais sûrement pas pour ton emplumé d’ami.

Conseil ? Avertissement ? L’absence de chaleur dans la voix du renard, bien loin du timbre insolemment mielleux qu’il employait d’ordinaire, empêchait de se prononcer clairement. Son attitude, en revanche, ne laissait planer aucune incertitude : son colis l’encombrait.

À l’intérieur, sa carcasse s’affala, dans un soupir, sur un banc de fortune. Il replia l’une de ses grandes jambes contre son torse, retrouva enfin un semblant de sourire face à la perspective, peut-être, de se brûler le gosier au passage d’un alcool trop fort.

— Bien… Tu m’insupportes, morveux, mais puisque les choses sont bien faites : je t’insupporte, aussi. Tâchons donc de régler l’affaire au plus vite, dans les meilleures conditions qui soient, annonça le contrebandier sans se départir de son rictus dérangeant, loin de moi l’envie de sympathiser, mais je suis curieux, alors... l’un de vous, car tu sembles plutôt bien informée, toi aussi, Scilla ; l’un de vous, disais-je, peut-il me dire...

Qui est l’enfant ? Ce que signifie la marque sur son visage ? Où il était avant d’être récupéré par les Bannis ? Où ils l’ont trouvé ? Pourquoi ils l’ont gardé sans, manifestement, rien savoir de lui ? Qui a établi le code ? Pourquoi Le Couturé cherche à l’obtenir ? Quelle valeur il possède réellement ?

— … Qui est Langranel, pour commencer ?
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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyLun 22 Nov 2021 - 18:23



8 Mai 1167.
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Priscilla guida leur pas dès qu’ils eurent pris congé du chef des bannis. Visiblement, elle n’avait aucune chose à redire sur la demande de Goupil, que ce soit par envie de passer plus de temps avec lui, de boire, ou d’en apprendre elle-même plus sur la situation. La rencontre s’était mieux passée qu’elle ne s’y attendait, le contrebandier s’en tirant sans un bleu alors même que la griffe avait rarement de la patience avec les étrangers, encore moins ceux qui goutaient le sarcasme comme le faisait Arsène. Ils arrivèrent devant la gargote et juste par plaisir de contrarier l’homme fasse à elle, elle prit le contre-pied de sa remarque.

- Si on laisse rentrer un renard dans notre poulailler, pourquoi pas un oiseau de proie ? dit-elle en haussant les épaules avant de tourner les talons et d’entrer dans le bâtiment.

Elle indiqua la commande en levant deux doigts pour ce qui se rapprochait le plus d’un tavernier dans cet endroit et obtint un hochement de tête. Elle s’installa juste en face du Goupil avec la même nonchalance tandis que le garçon, son oiseau toujours perché malgré la remarque, hésitait un instant avant de prendre place sur le même banc qu’Arsène mais aussi loin qu’il le put sans tomber. Ce qui n’était pas si loin vu la promiscuité des lieux. Son compagnon à plume descendit avec souplesse de son épaule pour s’installer sur la table, son regard autant que sa tête basculant pour observer tour à tour les compagnons d’infortunes.

Priscilla ne sembla ni gênée ni surprise par la question que souleva son interlocuteur. Pas prise par surprise comme la première fois, elle aborda le sujet sans émettre le moindre signe de doute ou de crainte. Elle haussa les épaules.

- Je crois que c’est un genre de dieu païen, une vieille légende qui parle d’un dieu ayant soulevé un continent pour sauver l’humanité. Une amie des marais m’en a parlé. dit-elle alors qu’on déposait devant eux de broque rempli d’un liquide sombre et odorant qui sentait le miel et les plantes, sans doute pour donner du goût au breuvage. La blondinette n’hésita pas et bu une grande rasade alors qu’un « pfffff » émit par le garçon exprimait avec une clarté étonnante tout le dédain qu’il éprouvait pour la réponse faîte. Loin de s’offusquer, elle sourit et regarda Goup par-dessus le rebord de son verre.

- Vous faîtes la paire vous deux, le retour s’annonce plein de bonne ambiance. se moqua-t-elle ouvertement avant de se pencher pour regarder l’enfant derrière le volatile. On t’écoute, corrige moi donc morveux.

- Gaël !

- Quoi ?

- Je m’appelle Gaël ! dit-il en foudroyant, non pas Priscilla, mais bien Arsène du regard avant de se concentrer sur les plumes de son compagnon. Le sourire de la bannie s’agrandit encore.

- D’accord, Gaël, on t’écoute.

Visiblement pris de court par le comportement amical de la femme, le garçon perdit une réplique cinglante qu’il devait avoir soigneusement préparé. Il resta muet quelques secondes et posa ses mains sur la table avant de commencer à se triturer l’ongle du pouce. Il finit quand même par répondre.

- Langranel était un homme, un grand homme, qui a sauvé beaucoup de vie en sacrifiant ce qu’il avait de plus précieux. Vous les enracinés vous avez toujours besoin de tout déformer. Même votre propre histoire. C’est plus facile que la vérité. expliqua-t-il d’un ton dédaigneux qui semblait cette fois plus général que réellement destiné à eux deux. Il se tut de nouveau.

Priscilla glissa un regard à Goupil et haussa les épaules.

- Soulever un continent ça rend mieux. affirma-t-elle soudain, et même si il tenta de le cacher, l’ombre d’un sourire passa sur les lèvres de Gaël devant l’assurance toute détendue de la tueuse.


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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyJeu 25 Nov 2021 - 22:06

« Le corbeau et le renard »
Préoccupé par la couleur et l’odeur de ce qu’on avait osé lui servir, le contrebandier ne s’était pas encore aventuré à une gorgée et laissait courir son regard tantôt sur Priscilla, tantôt sur l’enfant, au fil des échanges qui les occupaient, soutenant systématiquement chaque œillade qui lui était adressée, qu’elle soit complice ou teintée de reproche.
Il retint mal un ricanement dédaigneux à la fin de la discussion entre la femme et le gamin.

— Tu ne voudrais pas nous convoyer, par hasard, Scilla ? Non pas que je doute de notre excellente entente, déjà palpable. Évidente, dirais-je, exagéra-t-il en plongeant son regard dans le broc, après avoir accroché l’intéressé en bout de banc, mais enfin, on n’est jamais trop prudent.

L’invitation était sincère, mais Le Goupil n’y croyait pas un seul instant. Priscilla avait sans doute bien mieux à faire que de l’accompagner pour le plaisir d’escorter un mioche dans une entreprise qui ne la concernait nullement. C’était assurément dommageable, car à supposer qu’elle daigne défendre le morveux, elle serait une garde du corps de choix.

— Dieu ou homme... marmonna-t-il en se décidant enfin à boire une gorgée, sans trop savoir, à terme, s’il appréciait ou détestait ce qu’il venait d’ingurgiter, ce Langranel était évidemment de ces nobles gens que l’on rencontre dans les fables. J’ignore même pourquoi j’ai posé la question, j’aurais dû le deviner, railla-t-il, un sourire au coin des lippes, on en voit assez peu, des types comme lui, ces temps-ci. Soit qu’ils n’existent tout simplement pas, soit… qu’ils se planquent, peut-être, suggéra-t-il en haussant un sourcil à l’adresse de l’enfant, sur sa droite.

Provocateur, le marchand l’était assurément. S’il s’était montré effectivement curieux de connaître l’identité de Langranel, la réponse apportée lui avait laissé un goût amer en bouche, sans que la parodie d’alcool servie ait sa part de responsabilité dans le phénomène.
Il en était toujours ainsi : lorsqu’un nom revenait, c’était soit parce qu’il appartenait à un être prétendument divin, soit parce qu’il s’agissait d’un homme ou d’une femme aux qualités exceptionnelles. Si exceptionnelles, d’ailleurs, qu’elles confinaient… au céleste. Le renard était usé par ces fables auxquelles il ne croyait plus.

À l’instar du hibou, sa tête pivota de gauche et de droite, son regard rebondit de table en table, trouva enfin ce qu’il semblait chercher. Ses grandes jambes passèrent aussitôt par-dessus le banc, le portèrent jusqu’à récupérer un dé grossièrement sculpté. Lorsqu’il revint s’installer à sa place initiale, il examinait l’objet d’un œil critique. La vie des Bannis n’était vraiment pas enviable.

— Je suis un abruti. J’aurais dû monnayer de l’alcool, contre ce morveux. De l’alcool digne de ce nom et des jeux, plutôt que de sacrifier mon petit commerce, déplora-t-il dans un soupir.

Finalement, le contrebandier interrompit son observation, emprisonna le cube dans les paumes de ses grandes mains osseuses, puis lui donna l’impulsion nécessaire au moment de le lancer, afin de le faire tournoyer sur lui-même, comme une toupie, à la surface de la table. Il replia alors ses longues jambes contre son torse, dans une énième position absurde et inconfortable, en savourant cet instant arraché au temps.
De quoi s’enivrer, de quoi se distraire et parier, le cas échéant. La quasi-totalité des vices pour lesquels il existait désormais était comblée. Tous, sauf un, et cette réflexion le poussa aussitôt à détourner les yeux du dé pour les reporter sur Priscilla.

— Une interrogation chacun, maintenant. Où l’avez-vous trouvé ? s’enquit-il en désignant l’enfant d’un mouvement de tête, sans lui adresser un regard, et, question subsidiaire : est-ce à cette occasion que tu as égaré l’une de tes armes ?

Le large sourire du renard en disait long sur le fond de ses pensées. Les poignards de Priscilla la caractérisaient presque, aussi ne croyait-il pas un seul instant à l’hypothèse d’une perte malencontreuse. Ce sourire, il l’esquissait presque par avance, à l’idée qu’elle puisse donner du crédit à son interrogation, sans d’autres développements – ce qui, inévitablement, ne ferait qu’attiser sa curiosité. Cette question subsidiaire trahissait néanmoins un comportement étrange et inespéré chez l’homme : pour remarquer ce détail, c’était forcément qu’il n’avait pas uniquement observé les jolies courbes de sa guide et le balancement de ses hanches, tout ce temps qu’elle avait passé à le précéder.

Sa tête bascula sur son épaule droite pour lorgner le garçon par-dessus ses bésicles.

— Quant à toi, morveux... Tu emploies de grands mots, t’exprimes bien mieux que la plupart des mômes de ton âge et sembles presque t’estimer supérieur à nous autres, les enracinés, mais d’où tiens-tu tes connaissances ? Et, question subsidiaire... annonça-t-il en levant son gobelet, l’index néanmoins tendu vers le hibou, comment s’appelle ton oiseau de proie ? Bien plus à même de chier sur la table que le renard, soit dit en passant, précisa-t-il avant de boire une nouvelle gorgée.

Pour ce qu’ils représentaient à ses yeux, aujourd’hui, Le Goupil n’avait que faire de l’identité de ses interlocuteurs. Peu lui importait qu’ils portent un nom, préfèrent un alias ou aspirent encore à être interpelés autrement que par un sobriquet de son cru.
Il serait pourtant prêt à désigner l’animal par son nom pour le seul plaisir d’exaspérer un peu plus l’enfant, définitivement baptisé morveux. Juste pour le plaisir de repousser toujours un peu plus les limites du supportable.
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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyDim 28 Nov 2021 - 1:43



8 Mai 1167.
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La bannie haussa un sourcil plus amusé qu’interrogateur à la proposition du renard. Pas vraiment parce qu’elle était ridicule, mais au contraire pour la pointe de sincérité qui la teinta malgré tout. Goupil n’était pas un homme de compagnie. Le plus souvent il semblait détester les autres presque autant qu’il se détestait lui-même. Pour autant, ils savaient tout deux qu’elle ne s’aventurerait pas aussi loin à l’Est sans tout une compagnie d’égorgeur, ce qui contredisait quelques peu le concept de tractation discrète pour laquelle on avait fait appel à ses services.

- Je vous accompagnerais à notre frontière si tu veux. De toute façon quelqu’un le fera, on aime bien savoir qui entre et sort. Après ça, tu te débrouilleras avec ton charmant compagnon. dit-elle sans que sa dernière phrase ne lui soit clairement destinée, un sourire taquin aux lèvres.

Le garçon se renfrogna à la remarque peu amène du Goupil sur un personnage visiblement important pour lui et lui rétorqua d’un nom tout aussi acerbe.

- Peut-être qu’à force de fuir tu as besoin de croire que tout les autres le font aussi, vieillard ! s’emporta-t-il d’une voix bien moins maîtrisée que celle du goupil, mais pas moins conflictuelle. Un regard de l’oiseau le ramena, si ce n’est à de meilleurs sentiments, à plus de calme. Si les personnes d’exceptions étaient légions, elles ne seraient pas d’exceptions. Je n’ai pas dit que c’était un homme noble, ou un homme bien. Mais que c’était un grand homme. Les fables sont pour les gens qui veulent une excuse pour ne pas devenir grand par leurs actes.

Priscilla ne sembla pas vraiment s’émouvoir de la remarque, mais ne s’en moqua pas non plus. Pour une fille comme elle qui avait connu la désillusion complète des textes sacrés qui berçaient l’enfance des tous habitants de morales supérieure et de divinités absolue, cela ne pouvait que sonner en partie juste. Si on voulait qu’une chose change, il fallait agir plutôt que prier ou rêver. Elle s’esclaffa bien plus ostensiblement à la remarque suivante du renard.

- Ah ça, on aurait eu bien besoin de quelques tonneaux d’alcool, et du brasseur qui va avec ! Ça t’aurait mieux réussi et à moi aussi. Mais j’imagine que si Griff’ a raison, moi je pourrais voir ce problème corriger dans quelques temps…

Sa complainte ne l’empêcha aucunement de savourer une nouvelle gorgée brûlante de son verre. Elle sourit, prête à répondre à la question mais la voix de Gaël l’interrompit un instant.

- Quatre. dit simplement le garçon sans lever les yeux de la table, s’attirant un nouveau haussement de sourcil de la blonde qui finit malgré tout par poursuivre.

- On l’a trouvé à l’Ouest non loin de la chaine montagneuse, assis sur une grosse pierre bien visible, comme s’il attendait qu’on le trouve. dit-elle sans entrer dans les détails, plus par flemmardise que par goût du secret. Mais aucun lien avec ma lame. Crois-le ou non mais je me suis laissée attendrir par une fille aussi jolie que perdue. Je me suis dit que ça l’aiderait à trouver sa route. Mais il me manque ! ajouta-t-elle finalement d’un air un peu boudeur en contemplant le fond de sa chope avec dépit.

Après une seconde elle ajouta une réplique d’un ton bien sérieux.

- C’est gentil d’avoir demandé.

La réponse du garçon fut bien moins amusée ou volontaire.

- Vous vous entretuez même quand la mort est à votre porte, et vous avez placez l’ignorance au centre de vos croyances. Ce n’est pas difficile de se sentir supérieur aux enracinés. lança-t-il sans répondre à la question de fond, ce qui lui accorda un gloussement de Priscilla.

- Il a pas tort sur ce coup-là ! Dit-elle amusée par la répartie de leur tout jeune colis. Elle observa le dé qui s’était arrêté et eut un regards surpris. Elle le fit tournoyer de nouveau, bien avec moins d’habitude que Goupil.

- Il s’appelle Hön, et il est plus propre que toi, ce qui n’est pas difficile. Deux. Ajouta-t-il alors que le dé s’arrêtait.



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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyJeu 2 Déc 2021 - 9:41

« Le corbeau et le renard »
À l’instar de Priscilla, il avait été, sinon déstabilisé, au moins interloqué par ce « quatre » avancé par l’enfant. Il n’en fallut pas plus pour titiller la curiosité du renard, cependant qu’il écoutait la Bannie d’une oreille distraite, ses yeux rivés sur le morveux, comme pour le percer à jour. Comptait-il un mot en particulier ? Le nombre de questions posées ? À rebours ?
Paradoxalement, ce fut lorsque le gamin entreprit de lui répondre à son tour qu’il détourna le regard pour le porter sur le dé. Se pourrait-il… ?

Lorsque les quatre marques apparurent sur la face immobile du cube de bois, les lippes du contrebandier s’étirèrent davantage. Si Priscilla n’avait pas pris l’initiative de relancer le jeu, il l’aurait assurément fait.
Les deux encoches lui inspirèrent un éclat de rire.

— Bordel de merde ! s’exclama-t-il spontanément, dommage qu’il faille te livrer à un autre et que tu ne puisses pas me supporter de surcroît, sans quoi… j’aurais bien besoin de ce tour de passe-passe en taverne.

Ce gamin, qui avait manifestement voulu être trouvé, qui n’avait aspiré qu’à cela, détenait-il un don d’omniscience ? Cela expliquerait cette étrange anticipation et certaines informations en sa possession, qui échappaient peut-être à Priscilla elle-même, en dépit de quelques mois partagés dans une autre vie.

Le Goupil déplia ses jambes dans un soupir rêveur, afin de s’asseoir enfin convenablement, puis poussa son broc vers la jeune femme, sans quitter l’objet des yeux ni justifier son geste.
Finalement, il s’était décidé : il n’aimait pas ce qu’il avait ingurgité, alors autant en faire profiter quelqu’un qui saurait déguster cet indescriptible breuvage avec tout le modeste entrain qu'il pouvait susciter.

— Veux-tu que je la retrouve ? s’enquit-il en observant son interlocutrice par-dessus ses bésicles, l’arme, j’entends… Ou la fille, peut-être ? ricana-t-il dans un sourire plus large, ne serait-ce que pour… lui rappeler qu’elle possède une chose qui ne lui appartient pas ? Ce serait, disons, une façon de remercier ta compagnie jusqu’à vos frontières et d’excuser mon dernier passage sans t’avoir ramené quoi que ce soit. Ça, et mon aspect ô combien négligé, tiens, car nous savons tous que les marais regorgent de bains aux senteurs délicates. Je n’ai donc aucun motif pour justifier cette apparence, qui me rend plus sale que ce cher Hön, n’est-ce pas ? supposa-t-il en détournant néanmoins les yeux sur l’enfant.

Puisque l’un des poignards de Priscilla lui manquait sans qu’elle ait toutefois pris la peine d’aller le chercher, c’était sans doute que le problème ne tenait pas tant à sa volonté qu'à sa capacité de le récupérer. Cette fille, dont la belle blonde s’était potentiellement entichée, devait ainsi être hors de sa portée – même s’il ne s’expliquait pas encore comment elle avait pu un jour être accessible. La liberté de mouvement de son interlocutrice restait grande, tant les marais étaient vastes, mais plus la concentration d’humains était importante au sein des hameaux, plus la Milice y était ancrée, astreignant la tueuse au monde hostile où la Fange pullulait.

La détentrice du poignard devait probablement se trouver à Sombrebois ou Marbrume. En des lieux où il pouvait se rendre impunément pour fureter. Car ce n’était pas la gentillesse qui avait pressé sa question, pas plus qu’elle ne le poussait à proposer ce service. Seule la curiosité guidait son comportement, en l’instant.
À quoi pouvait donc bien ressembler cette mystérieuse égarée, manifestement reconduite sur le droit chemin pour retrouver son foyer ? Qui était-elle, pour avoir piqué l’intérêt de la Bannie et gagné sa confiance au point de la convaincre de se délester d’une arme qui la définissait pourtant ? Si Priscilla avait ainsi prêté son poignard, c’était probablement parce qu’elle avait l’assurance qu’on le lui rendrait. La fille reviendrait à elle, pour une raison ou pour une autre… Et c’était précisément ce qui le titillait le plus.

Pour l'heure, il vouait néanmoins toute son attention à l'objet de sa venue.

— Manifestement, je n’ai pas le droit de savoir d’où tu tiens tes vastes connaissances, petit donneur de leçons… Soit.

Dans un large sourire, les griffes du renard s’étirèrent jusqu’au dé pour le saisir, puis le faire tourner au creux de sa paume, prisonnier de ses longs doigts. Cette fois, pourtant, au lieu de lancer le cube sur la table, il le jeta en l’air, le rattrapa au vol, puis le déposa sur le dos de sa main libre, sans dévoiler le résultat. Le rictus au coin de ses lippes trahissait un amusement certain, au moins aussi prononcé que la lueur de défi dans l’azur de ses iris, dardés sur le garçon.

— Me diras-tu, en ce cas, qui tu es vraiment, Gaël ? Moi, par exemple, je suis un faible vieillard crasseux, qui passe son temps à fuir et semble se rattacher à la croyance que les autres font de même... récita-t-il comme une leçon trop bien apprise, et si tu ne devais être que Gaël, m’expliqueras-tu alors pourquoi les êtres exceptionnellement éclairés, tels que toi, se plaignent sans cesse de notre ignorance, sans nous enseigner les connaissances utiles à sa dispersion ? Oh, laisse-moi deviner. Nous, qui nous entre-déchirons en toutes circonstances, n’en sommes pas dignes. C’est ça, ô grandeur céleste ?

Si sa réplique trahissait autant de dédain que de provocation, Le Goupil accordait pourtant une certaine attention à l’enfant. Même s’il ne nourrissait plus qu’un intérêt modeste envers l’humanité, il parvenait encore à concéder à certains individus un relief que la majorité ne possédait pas. Dans cette veine, le morveux était prometteur ; aussi brillant qu’il pouvait devenir insupportable, sûrement. De fait, puisque le renard avait déjà expérimenté combien les connaissances du gamin pouvaient lui nuire, il avait pleinement conscience de jouer avec le feu, en posant ainsi ce genre de questions.
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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyVen 3 Déc 2021 - 1:46



8 Mai 1167.
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Gaël baissa les yeux en s’apercevant qu’il était devenu le centre de l’attention des deux adultes avec son petit tour, comme si il prenait tout juste conscience de ce qu’il venait de faire sans la discrétion nécessaire. Il se remit à se triturer les doigts la tête presque penchée sur la table sans rien dire de son utilité dans une taverne, pas même une remarque cinglante comme on aurait pu s’y attendre. Ce qui ne le fit pas échapper à la lueur de convoitise qui s’était soudain allumée dans les yeux de la bannie.
Il fallut que Goupil lui adresse la parole plusieurs secondes pour qu’elle cesse de le fixer et s’aperçoive qu’on l’interpellait. Elle se saisit sans gêne du verre offert et y bu avec avidité, sans sembler rien éprouver des effets du puissant breuvage. Elle sourit au renard d’un rictus bien moins amène que les précédents.

- Pas touche à mes proies Goup’. Ton offre est généreuse, un peu trop même ! Et puis tu sais un autre type d’oracle qui ne se spécialise pas dans les jeux de taverne m’a annoncé il y a peu que je la retrouverais sur ma route, et mon arme avec. Alors je ne voudrais pas gâcher le plan qu’à prévu le destin pour cela. Je m’ennuie bien assez comme cela. Mais puisque tu te proposes si gentiment… il y a bien quelqu’un que je voudrais que tu retrouves, un type, un milicien. Son nom est Monclar, je ne connais pas son prénom. Mais si tu pouvais me trouver son groupe, voir sa caserne, Je serais très très reconnaissante. dit-elle sans expliciter plus avant ce qu’elle entendait par cette reconnaissance. Sans doute pour attiser la curiosité bien ancrée de son interlocuteur tant l’expertise de Priscilla concernée des domaines différent, qu’il s’agisse de privé ou de travail.

L’enfant resta renfrogné plusieurs secondes après que son « protecteur » ne l’ai interrogé, tant et si bien que l’on pu croire qu’il avait choisit de se murer dans le silence pour le reste de la soirée mais un puissant courant d’air pénétra dans la salle, faisant claquer un volet bien fragile et s’ébrouer l’animal à plume.
L’enfant se mit à parler d’une voix dont les nuances enfantines avaient disparu, même si le timbre était inchangé. Il n’y avait plus de bouderie, plus de colère, pas même cet humour agacé que pratiquait le renard.

- Me suis-je déclaré éclairé, fils de la ville ? T’ai-je reproché autre chose que tes lacunes ? Et si j’acceptais de partager avec toi une sagesse suffisante pour que tu trouves toutes les connaissances que tu mérites, voudrais-tu réellement l’entendre ?

Le garçon tourna lentement la tête vers lui, son œil bleu presque blanc se posant sur lui avec une intensité qui provoqua un étrange fourmillement dans le corps du Goupil, comme de se retrouver dans le champ de vision d’un prédateur.
Ce n’était qu’un enfant, rien qu’un enfant, pourtant le silence venait de se faire complet dans la pièce, et du coin de l’œil Arsène pu voir sa compagne glisser sa main dans son dos sans aucun doute pour retrouver la prise réconfortante de son arme unique. Il n’y avait aucune agressivité dans le ton du garçon et pourtant, une soudaine envie de courir titilla l’esprit du passeur, comme si une flèche allait jaillir de la bouche de son petit colis pour lui percer le cœur.

- Penses-tu que me faire deviner un dé t’aidera à percer à jour notre différence ? Ou peut-être attends-tu une preuve qui te permettra de m’ignorer ? En te convaincant assez fort que tu me détestes, autant que tu te détestes ? Ce n’est pas ma voix que tu veux fuir, uniquement la tienne. Si tu veux ma connaissance, je te l’accorderais, il ne t’en coutera qu’un seul et unique prix. Celui du pardon. Que tu devras obtenir de celle qui ne devrait pas te l’accorder. poursuivit Gaël en tendant sa main lentement vers celle de Goupil toujours posée sur la table, recouvrant le dé. Il voulut sans doute ôter la sienne, mais celle-ci resta sourde à ses ordres mentaux et les doigts de l’enfant rentrèrent en contact avec sa peau, chaud, bouillant, brûlant, comme de l’or fondu qui pénétrait sa chair sans qu’il soit incapable de hurler sa douleur, et cet œil bleu qui grandissait, grandissait encore jusqu’à emplir la pièce, le ciel, l’univers, tout excepté lui.

- Veux-tu deviner ce qu’il y a sur ce dé Arsène ? Non ? Alors découvrons-le ensemble. ordonna la voix impérieuse de Gaël sa main pivota pour révéler la face du dé qui avait un mot inscrit sur elle, un seul et unique mot, un prénom.

Ambre.

Enfin le Goupil parvint à hurler et son dos percuta quelque chose alors qu’on l’interpellait.

- Hey Goup’ ! dit la voix de Priscilla qui l’observait par-dessus la table, l’air soucieuse alors qu’il avait chuté au sol, les quatre fer en l’air. Ça va ?

Assis non loin l’enfant l’observait en silence, les sourcils froncés, l’oiseau à ses côtés. La bannie fit le tour de la table pour l’aider à se redresser alors que plusieurs rire moqueur accueillaient la chute du passeur. Toujours soucieuse, Priscilla le questionna.

- T’as joué avec le dé et tu t’es effondré. Depuis combien de temps tu n’as pas mangé ou dormi réellement dis-moi ?


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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptySam 4 Déc 2021 - 8:46

« Le corbeau et le renard »
Le Goupil avait résulté du néant. D’une vie brisée, de sentiments piétinés, d’erreurs impardonnables, de regrets étouffants, de souffrances atroces. Il était né adulte, mais pas accompli. Grand, mais pas fort. Sans attaches, et donc sans limites.

Pour en être issu, le néant n’aurait pas dû l’effrayer. Au contraire, il aurait dû lui être agréable, comme s’il retournait dans le giron d’une mère jamais incarnée.
Loin de lui être plaisant, ce vide, au-dedans comme au-dehors, avait cependant réveillé quelque chose en lui.

Une parodie d’être humain.
Disloqué, bafoué, humilié, relégué au plus profond du conscient – peut-être même au-delà de l’inconscient –, prisonnier, broyé, dans l’espoir qu’il s’épuise et s’éteigne un jour.

Jamais le renard n’avait expérimenté la fragmentation éparse de son environnement ; ces pans qui disparaissaient les uns à la suite des autres. Les voix une à une étouffées, les senteurs peu à peu estompées, les présences annihilées, les meubles volatilisés, les murs éclatés, le ciel déchiré, le sol béant.
La solitude absolue. La vulnérabilité parfaite. Dans le noir. Dans le blanc. Ou peut-être dans le bleu.

En somme, Le Goupil n’avait jamais ressenti l’effondrement du monde.
Arsène l’éprouvait pour la deuxième fois.

Il revivait le gouffre au creux de ses entrailles, la vacuité vorace, qui absorbait tout ce qu’il y avait de beau et de plaisant pour ne plus maintenir qu’horreurs et tourments en surface. Il renouait avec ce froid glacial à l’intérieur de son être, avec l’impression tenace d’être victime d’une mort insidieuse, lancinante, qui le laisserait pourtant tristement indemne à son réveil.

Modeste délivrance que le retour à la réalité, de fait, à l’instant de heurter le sol de son dos, dans un hurlement d’outre-tombe.

Perdu le temps d’une fraction de seconde, le contrebandier chercha des repères autour de lui, posa malencontreusement son regard sur l’enfant et endura le choc d’un interminable frisson le long de son échine.

Il ne remarqua pas immédiatement le soutien apporté par Priscilla, s’en débarrassa d’un geste brusque lorsqu’il s’en rendit compte, comme un animal, plein d’une ingratitude sauvage, remercierait le sauveur l’ayant délivré d’un piège qui le maintenait jusqu'alors captif.

— Qui...

Qui es-tu ?

Alors qu’il fixait encore Gaël, la question était restée suspendue aux lèvres du marchand dans un réflexe salvateur. Après tout, cette interrogation n’était-elle pas la source de sa triste déchéance préalable ? Il avait commis l'erreur de sous-estimer l'enfant pour sa jeunesse et regrettait presque, à présent, chaque provocation qui l'avait conduit jusque-là.
Avait-il été le seul à expérimenter ce phénomène ? Priscilla et les autres avaient-ils vu la même chose que lui ?

Soudain, le marchand baissa les yeux sur ses mains effilées, contempla leur dos, leur paume, chercha la trace d’une brûlure, d’une énième cicatrice, d’une marque, d’un sceau qu’il avait senti s’imprégner au cœur de ses tissus et de son sang.
Mais son épiderme demeurait vierge de toute blessure.

Dans un soupir, les doigts filiformes du Goupil s’étirèrent sur son visage, se frayèrent un chemin entre sa peau devenue blême et ses bésicles, afin de masser son faciès et, par là même, chasser les cauchemars conservés en mémoire.
Ses griffes ne firent pas deux allers-retours sans se planter superficiellement dans la chair.

Lorsque le renard retira ses mains, lorsqu’il parut ainsi reprendre contenance, un sourire tordait de nouveau ses lèvres. Il n’avait pourtant rien à voir avec ceux esquissés jusque-là, trahissait toute l’hypocrisie qu’il incarnait, toutes les peines qu’il avait à préserver ces apparences entretenues par habitude, par réflexe, par dépit ou par désespoir.

Ce rictus gauche livrait la lutte intestine entre ce qu’il avait été jadis et ce qu'il était à présent.

— Tu dois avoir raison, Scilla... marmotta-t-il sans parvenir à détourner les yeux de l’enfant, je fatigue. Où peut-on se reposer, dans ce bouge ?

S’il n’y avait eu le crépuscule et la Fange au-dehors, nul doute que Le Goupil serait parti sur-le-champ pour se débarrasser de ce colis devenu trop encombrant, quitte à devoir donner raison à cet insupportable morveux en fuyant effectivement.

Car, assurément, il ne dormirait pas non plus cette nuit, et très certainement pas davantage les prochaines.

Pas tant que ce détestable gamin serait à ses côtés.
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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptySam 4 Déc 2021 - 16:12
8 Mai 1167.
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Après l’étrange événement de la taverne, Priscilla avait acceptée de guider le Goupil et son protégé vers un lieu où dormir. Ses jolis yeux n’avaient cessé de flamboyer d’interrogation sur tout le trajet, mais sa bouche n’avait pas émis un seul son. Que cela soit pour satisfaire sa curiosité ou pour se plaindre du comportement peu amène du passeur à son égard.

S’il existait une règle immuable parmi les bannis c’était bien celle de ne pas se mêler de la souffrance des autres, ou de l’alternative qu’ils avaient trouvée pour la combler. Pas sans y avoir été invité. Bien sûr, Goupil n’était pas un banni, alors elle aurait aisément pu passer outre cette règle mais… non.

Après un détour pour leur dégoter une demi miche, de l’eau et du poisson salé, elle les mena jusque dans l’une des ailes de la forteresse. On pouvait voir ça et là des traces de travaux en cours bien que peu avancé pour redonner un peu de tenue à l’endroit, mais la plupart des couloirs étaient abandonné et saccagé après presque trois années sans vie.
Parfois de longues traces d’un rouge sombre sur un mur rappelaient comment l’endroit avait chuté par le passé.

Elle leur dégota une chambre qui avait dû appartenir à des domestiques assez prestigieux pour ne pas dormir dans le quartier réservé aux petites mains, mais trop peu pour prétendre à une suite. Les endroits étaient en grandes parties vide, et les cadre de lit avaient depuis longtemps pourri pour s’écrouler et être entassé dans un coin, leur emplacement occupé par des couches bourrée de paille à même le sol accompagné de leur couverture effilochée mais garanti sans puce par la bannie.

Après avoir coulé un regard sur le garçon, Priscilla avait indiqué une double porte un peu plus loin dans le même couloir, rappelant son offre au Goupil, même si son expression trahissait le peu de foi qu’elle mettait dans cette tentative.
Pas assez perspicace pour comprendre de quoi il retournait, mais bien assez pour voir l’attitude fermée de son interlocuteur. Elle haussa les épaules et les salua tout deux, ce qui lui valu un signe de tête du garçon qui était allé ouvrir une fenêtre donnant sur la cour qu’ils avaient arpenté plus tôt et savouraient visiblement, en compagnie de Hön, l’air frais du soir.
La femme les laissa seuls non sans un dernier regard curieux que la porte finit par dissimuler avant d’être totalement close. Ses pas s’éloignèrent dans le couloir, et quand ils ne furent plus audibles, Gaël pris la parole, toujours penchée sur la fenêtre, ses pieds tendus sur les pointes.

- C’est une femme d’honneur. Et elle est quelqu’un de bien. Quelqu’un de bien qui fera sans doute beaucoup de mal à l’avenir. Quand elle sera complète. dit-il en se laissant retomber sur ses talons. Sa voix avait retrouvé ses intonations d’enfant, et une profonde lassitude. Il tourna la tête vers le Goupil, mais ne chercha pas à accrocher son regard, fixant obstinément ses pieds comme de crainte d’être grondé.
L’oiseau pris son envol dans la cour, les laissant seul.

- Je ne cherche pas d’ennemi. Je ne t’aime pas et tu ne m’aimes pas. lança-t-il d’un ton presque hésitant, si ce n’est timide. Je n’aurais pas dû te chercher querelle, ou te juger pour ton passé. Je dois atteindre la ville. Et tu es le seul prêt à m’y aider. D’ici là je me plierais à tes directives sans me plaindre. Mais… je n’ai pas l’habitude de devoir compter sur une personne que je ne connais pas. Laisse-moi un peu de temps, d’accord ?

Il releva les yeux enfin vers Goupil, et malgré l’étrangeté de ses pupilles, il n’y avait à cet instant qu’un gamin de quelques hivers à peine, terrorisé et perdu dans un monde visiblement bien trop grand pour lui et qui malgré tout essayé de se comporter comme un adulte. On aurait presque pu le croire sur le point de pleurer, mais il se tourna de nouveau vers la fenêtre pour observer le vol de son compagnon.



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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyDim 5 Déc 2021 - 8:52

« Le corbeau et le renard »
La crispation des membres du renard, la fausseté palpable de son rictus et son inhabituel silence prolongé trahissaient une tension présente dans chaque parcelle de son corps. Ainsi, Le Goupil suivit docilement Priscilla dans la forteresse sans même songer à laisser libre cours à sa curiosité, tant ses sens restaient focalisés sur le garçon, tant il se refusait à lui présenter son dos ou à le quitter des yeux, ne serait-ce qu’un instant.
De cette mission, il ne sortirait pas indemne. Pour se sentir déjà profondément égratigné, il en était à présent convaincu.

Loin de lui apporter un quelconque soulagement, la disparition de Priscilla et cette solitude partagée avec l’enfant et son gardien lui firent l’effet d’un piège, de mâchoires se refermant sur lui.
Taiseux, comme il l’avait été depuis qu’ils avaient abandonné la taverne, Le Goupil perdit jusqu’à son rictus tordu, dans ce semblant d’intimité. Comme s’il n’y avait aucune apparence à préserver face au morveux. Comme s’il n’y avait plus rien à cacher.

Son immobilisme souffrit un tressaillement lorsque la voix du gamin s’éleva de nouveau. Ce ne fut toutefois pas tant ce qu’il avoua – parce qu’il était lui-même convaincu que Priscilla était une femme bien en dépit de ses actes passés, ou futurs, une fois qu’elle aurait, sans doute, retrouvé son poignard manquant –, que la façon dont il le fit, qui réveilla cette frayeur sourde.
Son timbre ne laissait plus transparaître cette assurance, cette implacable supériorité ressentie par l’homme, tantôt. Il ne restait plus une trace de ce qu’il avait vécu ou rêvé. Plus aucun indice.

Ce constat crispa les mâchoires du contrebandier, referma ses poings osseux. Le froncement de ses sourcils paracheva un tableau de méfiance et de colère, lorsque les yeux de l’enfant croisèrent son regard.
Le Goupil n’avait que faire du malheur des autres. Il ne s’en émouvait pas, s’en amusait au contraire. Ce soir, pourtant, il n’avait plus goût à aucune distraction.

— Quatre jours, marmotta-t-il enfin.

Sans quitter sa marchandise des yeux, le contrebandier esquissa plusieurs pas en arrière, recula contre le mur, qu’il longea ensuite jusqu’à l’angle. Avec lenteur, son corps s’affaissa, ses grandes jambes se plièrent pour accueillir ses interminables bras, au sommet de genoux pointus.
Ainsi parqué dans un coin, la pièce lui semblait encore trop petite pour le ménager de toute attaque sournoise.

— Quatre jours. À peine plus, je l’espère, répéta-t-il d’une voix étrangement calme, après quoi ni toi ni moi ne nous reverrons plus. Jamais, poursuivit-il sur un ton à mi-chemin entre constat et promesse, alors mange et repose-toi, parce que nous allons marcher jusqu’à Usson. Vite. Et aussi longtemps que durera le jour.

Le marchand aurait pu reprendre l’enfant en lui affirmant qu’il se trompait : ce n’est pas qu’il ne l’aimait pas, il l’abhorrait. Son âge, son apparence, ce qu’il recelait en lui, qui savait et menaçait. Tout lui inspirait autant l’horreur que le dégoût. Il aurait également pu rectifier cette croyance naïve que le morveux semblait avoir, selon laquelle il serait prêt à l’aider, voire à le protéger, alors que sa présence et son rôle ne s’expliquaient que parce que Léon l’y avait contraint en l’appâtant avec maestria.
Le Goupil aurait pu l’enjoindre à assumer ses actes, ses provocations – un temps amusantes – et le jugement qu’il avait porté sur lui – véridique –, mais s’était abstenu.
Le contrebandier aurait pu le rassurer en concédant qu’il n’était pas davantage habitué à composer avec quiconque, encore moins avec un être atypique, manifestement doté d’étranges pouvoirs en mesure de le terrasser, au moins psychologiquement. Il aurait pu le tranquilliser quant à cet ennemi qu’il semblait redouter, à ce temps d’adaptation humblement sollicité, pour balayer la lueur d’incertitude, la fragilité qu’il avait surprise, plus tôt, dans les yeux du mioche.

Les poings du renard se fermèrent de nouveau. C’était sans doute cette vulnérabilité factice qui le dérangeait le plus : discerner une faille sincère dans un regard qu’il avait éprouvé dans une tout autre mesure. Comment avait-il pu oublier d’être prudent, au seul prétexte que son interlocuteur n’était qu’un gamin ?

L’homme plissa soudainement les paupières. Et s’il n’avait baissé sa garde que parce que Gaël était un enfant et rien de plus ? Le morveux avait-il eu seulement conscience de ses propres actes, dans la taverne ? Il avait presque fait part de regrets quant à ses provocations, quant à ses remarques désuètes, mais avait tu l’évocation de ces connaissances promises en échange d’une immixtion dans la vie d’un mort. Et si le garçon n’était qu’un instrument ? Le prophète d’une puissance que Le Goupil peinait à conceptualiser, tant sa foi était ébranlée depuis plus d’un an ? Mais alors… où le môme aurait-il acquis pareil pouvoir ? Était-ce ce que Léon cherchait ? Comment aurait-il pu en entendre parler ? Qu’envisageait-il de faire d’un tel don ?

D’innombrables répliques, questions et commentaires lui traversèrent l’esprit, mais il demeura silencieux et immobile dans le coin de la pièce. Quelque chose s’était brisé en lui. Deux pans de sa personnalité qui ne se ressouderaient sans doute qu’à la livraison du môme.
D’ici là, et puisqu’il n’y avait plus aucune comédie à jouer, il n’y avait pas davantage d’efforts à fournir. Discuter apparaissait superflu, d’autant plus superficiel qu’il n’échangeait jamais avec sa marchandise, faute de trouver en principe en elle un interlocuteur quelconque. Réduits drastiquement, ses services se limiteraient à l’acheminement, comme initialement convenu. Dans l’attente, il resterait sur ses gardes et éveillé tant que le lui permettrait son corps.

Quatre jours. Une moitié à pied. L’autre à cheval.
Si peu. Si long.


Dernière édition par Le Goupil le Mer 8 Déc 2021 - 19:18, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyDim 5 Déc 2021 - 20:59
12 Mai 1167.
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L’enfant se contenta d’hocher la tête, silencieux, visiblement conscient qu’il n’obtiendrait rien d’autre de cet homme qui s’était volontairement enfermé dans sa propre coquille de méfiance et d’autocritique. On ne pouvait pas passer à travers une carapace sans la briser de force. Et même s’il en avait été capable, pourquoi l’aurait-il fait. Il finit par se glisser dans sa couche, tournant le dos à l’angle où s’était réfugié son guide. Et si ni l’un ni l’autre ne dormi sans doute beaucoup cette nuit-là, ils se levèrent sans se plaindre quant à l’aube, leur guide temporaire vint frapper à la porte pour les mener en bordure de territoire de Ventfroid.
Priscilla leur dit adieux et se détourna d’eux à quelque lieu de là après avoir suggéré un itinéraire au Goupil loin des derniers signalement de fangeux par les éclaireurs.

Ce n’est que lorsqu’ils furent à nouveau seul que Hön refit son apparition en faisant des larges cercles au-dessus de leurs têtes. Il finit cependant par retrouver sa place coutumière sur l’épaule de l’enfant qui sembla retrouver un peu de joie de vivre à cet instant.
Malgré tout, Gaël se tint à sa promesse et ne fit plus montre d’aucun excès de zèle ou de volonté de confrontation. Il appliquait à la lettre les rares mots ou consigne que lui lançait le renard sans se plaindre, même quand son regard exprimait son agacement. Il sembla par deux fois vouloir rétablir la discussion après qu’ils eurent atteint Usson, posant des questions sur l’endroit et ses habitants, même s’ils ne firent que traverser. Mais l’aspect sibyllin des réponses étouffèrent sa curiosité dans l’œuf.

Des miliciens les arrêtèrent une fois sur la route les séparant de Conques, mais Arsène avec son talent habituel monta tout une explication improvisée sur leur voyage en père et fils pour négocier un transport d’orge et de l’oiseau dressé pour guetter les bandits ou les fangeux. Son petit compagnon s’adapta à l’histoire à la perfection, presque trop. Une fois débarrassé, ils purent reprendre le voyage et leur jeu du silence.
Il n’y a qu’en approchant de la ville que Gaël commença à faire montre de nervosité, au point de ralentir le pas quand ils découvrirent les hauts murs en franchissant l’une des dernières collines.
Comme convenu, ils rencontrèrent le passeur de la guilde sur une plage à quelques kilomètres des murs, sous la forme d'un vieillard et de sa barque qui leur fit contourner les portes pour se glisser discrètement entre deux navire de pêche le long d'un quai. L'enfant eut le réflexe malheureux de s’accrocher à la manche du renard quand ils s'avancèrent entre les hangars bondés, regardant les dizaines, centaines de gens, qui déambulaient ici et là, comme s’il avait du mal à envisager que tant d’âme puisse être réunie dans un si petit espace.

Il lâcha prestement le tissu et baissa les yeux en s’apercevant du regard posé sur lui par son silencieux compagnon. Ce qui ne l’empêcha pas d’exprimer son inquiétude par tous les pores de sa peau. Ils n’avaient parcouru qu’une poignée de rue avant d’être abordé par la guilde qui les mena jusqu’à la cour intérieure d’une petite taverne du Labourg. Le couturé se tenait là, installer à une table écoutant un barde chanter l’histoire d’une jouvencelle éprise d’un bandit, un classique parmi les classiques.
Bien qu’il ne bondît pas de sa chaise à leur arrivée, il fut aisé de percevoir l’avidité et l’impatience qui illuminèrent ses prunelles quand il tourna la tête vers eux et posa ses yeux sur l’enfant et l’oiseau. Mais en bon gestionnaire d’affaires qu’il était, c’est bien avec le goupil qu’il choisit de s’entretenir en premier lieu afin de mettre fin à cet étrange contrat. Son œil perçant s’attarda sur le visage fermé, mais il ne s’embarrassa pas de curiosité. A peine eut-il la politesse de proposer un verre à son invité d'un vague geste de la main.

- Alors, quel prix vais-je devoir payé pour lui ? demanda-t-il en désignant Gaël d’un mouvement du menton, comme s’il s’agissait d’une simple caisse de marchandise. L’enfant ne sembla même pas s’en apercevoir, restant dans l’ombre du Goupil. Qu'a négocié l'albinos ?



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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyJeu 9 Déc 2021 - 10:13

« Le corbeau et le renard »
Le renard se laissa davantage tomber sur sa chaise qu’il ne s’y assit vraiment. Face à Léon, il poussa un interminable soupir, surprit l’avidité dans le regard du géant – celle-là même qu’il avait constatée chez Priscilla, lorsque l’enfant avait partagé son don encore mal défini –, puis reporta enfin son œil apathique sur le morveux.
Depuis qu’ils avaient franchi les portes de Marbrume, jamais le gamin ne l’avait à ce point collé, allant jusqu’à initier un contact, fût-il fugace. À croire qu’en dépit de la nécessité de se rendre dans la cité, il ne s’y trouvait pas tout à fait à son aise… Sauf à ce que Le Couturé lui réserve un sort peu enviable. Pourtant, au regard des efforts qu’il avait fallu dispenser pour trouver et ramener ce colis, cela paraissait peu probable.
Peu probable, mais pas impossible.

— Les marchands, marmonna le contrebandier.

Soudain, il se souvint ne plus être dans les mêmes circonstances que ces derniers jours. Il n’était plus seul en compagnie de l’enfant, à qui il n’avait adressé que des ordres ou recommandations lapidaires. Il n’était plus en présence de Priscilla, qui n’avait cure du masque qu’il arborait selon ses humeurs et déboires. Il était face à Léon. Au cœur de la cité ; de ce vaste monde de faux-semblants où il convenait de jouer pour tromper les autres ou se tromper soi-même.
Alors, comme il s’y était prêté face à ces miliciens un peu trop suspicieux, croisés sur le chemin les menant à Conques, il consentirait encore à ce simulacre de comédie.

En dépit de son épuisement, Le Goupil força un gloussement et un sourire, comme la flamme d’une bougie s’efforcerait de flamboyer dans ses derniers instants, cependant qu’il ne resterait presque plus rien de la mèche.

— La Griffe entre dans la danse et entend tisser des liens commerciaux avec mes confrères, développa le contrebandier, il attend de toi que tu te portes garant et les exhortes à élargir leurs horizons, afin d’oser le négoce avec les Bannis. En contrepartie, l’albinos, comme tu dis, s’est engagé à protéger des raids tout marchand ou convoi non surveillé qui cheminerait jusqu’à son fief.

Derrière les bésicles, ses prunelles azurées guettèrent la réaction du colosse qui lui faisait face. Assurément, la guilde était puissante, mais Le Couturé parviendrait-il à encourager les commerçants avec suffisamment d’engouement pour qu’ils risquent leur vie sur le trajet les conduisant à Ventfroid ? Après tout, en se livrant à cette entreprise, ces hommes et ces femmes encouraient le trépas à tout instant de leur tractation : si La Griffe ne tenait pas parole et si les autorités surprenaient leurs petites affaires avec les Bannis.

Peut-être Léon devrait-il les menacer de mort à son tour, afin de rééquilibrer les forces. La question que chacun devrait se poser serait alors la suivante : qui ne faut-il assurément pas décevoir ? De manière sous-jacente, cela revenait à réfléchir à l’exécution la moins souhaitable.
Serait-ce celle infligée par Griffith, à la tête des Égorgeurs – ce qui suggérait une idée du sort attendu, bien que le renard ait assisté à un autre spectacle ? Celle promise par la milice, a priori limitée par la corde ou le billot ? Celle que la Fange pourrait réserver sur le chemin en dehors des remparts – mais à laquelle plusieurs commerçants se confrontaient déjà ? Ou celle que leur destinait Léon ?
Entre le fléau et Le Couturé, un dilemme existait. Peut-être un séjour dans les égouts et une brève vision de cette charmante petite salle, où ce monstre de muscles exerçait son art, presseraient le choix des plus indécis.

Préservant encore un temps ce silence momentanément retrouvé, le renard reporta son regard sur Gaël. S’il s’était écouté, sans doute aurait-il perçu une pointe de regret à s’être comporté avec lui comme il l’avait fait ces derniers jours. Peut-être aurait-il même pu sentir ce poids au fond de son estomac, trahissant une certaine forme de peur difficilement identifiable, qu’il ne se réservait pourtant pas à lui-même.

Mais Le Goupil restait sourd.

— Voilà le prix de l’enfant, conclut-il en songeant un instant à l’appréciation de cette marchandise atypique.

Comment négocier une chose dont on ignore tout ? Gaël avait-il été surévalué ? Sous-évalué ? Tout dépendait de l’usage auquel Léon le destinait. Un mystère qui titillait la curiosité de l’intermédiaire, mais qui ne le pousserait pas à hasarder une interrogation – à laquelle Léon ne répondrait de toute façon pas. Car s’il était pétri de défauts, il fallait au moins reconnaître au renard une certaine rigueur dans la gestion de ses affaires. Jamais il ne posait de questions sur les colis transportés ou les raisons qui justifiaient ces commandes. Son rôle se limitait à la satisfaction du client.

Il n'avait que faire de savoir qu'ils s’entre-tuaient tous ensuite, avec les armes qu’il leur fournissait.

— Maintenant, si tu es contenté et n’y vois pas d’inconvénients, Léon, un bain m’attend. Ainsi qu’une sieste pour… hm... les deux jours à venir, je dirais.

Le contrebandier entrelaça ses doigts osseux et étira ses longs bras au-dessus de sa tête. Il était à ce point éreinté qu’il ne songeait même plus à cette sobriété endurée depuis plusieurs jours, bien des fois regrettée sur le trajet néanmoins. Cette semaine à jeun de vices aurait pu constituer un renouveau, le point de départ d’une vie meilleure, d’une reprise en main.
Une idée qui ne traversa pas une seconde l’esprit obscur du renard.

— Ah si, avant de vous abandonner : toi qui as des yeux et des oreilles partout… tu saurais dans quel coin je peux trouver un milicien dénommé Monclar ?

Manifestement, l’épuisement ne suffisait pas à lui faire perdre ses vieux réflexes : jamais Le Goupil ne manquait une occasion d’obtenir ce qu’il souhaitait. Or, Léon était un excellent moyen de gagner du temps dans cette petite recherche qu’il entreprendrait après s’être remis en jambe.
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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyDim 12 Déc 2021 - 3:55
12 Mai 1167.
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Le Goupil n’eut pas même besoin de pousser plus avant son explication pour que l’esprit de Léon se mette instantanément en éveil. Son front se barra d’un pli plus perplexe que soucieux et son regard s’égara dans le vague tandis qu’il mesurait toutes les implications de cette demande, n’écoutant les ajouts fait par le passeur que d’une oreille, bien qu’attentive. Il s’était attendu à pas mal de chose, même des foutrement tordue, mais il dût bien admettre qu’il avait sous-estimé Griffith. Un sourire étira ses épaisses lèvres.

- Quel sale enfoiré perspicace ! dit-il d’une voix où perçait plus d’admiration que de colère.

La manœuvre pouvait paraître saugrenue. Et à toute autre époque, un pied de nez si évident au pouvoir en place aurait sans aucun doute provoqué une réaction brutale, surtout avec le gant de fer qu’était ce bon roi Sylvrur. Mais c’était l’époque de la fange, l’époque de l’audace. Comme lui qui avait fait main basse sur tout une part de la ville en jouant le statu quo de la destruction mutuelle assurée en cas de graves révoltes dans la cité. La griffe avait choisit de devenir une épine profondément enfoncée dans le pieds qui pouvait l’écraser. Une épine qu’il faudrait déloger par des moyens que le roi répugnerait à fournir.

Oh bien sûr la pression augmenterait probablement sur les marchands quand on s’apercevrait de la fuite de capitaux. Il y aurait même une ou deux saisies de plus chaque semaine pour rappeler qui porter la couronne. Mais les gens assez stupide ou courageux pour parcourir les routes par choix étaient bien plus rare qu’on ne pouvait le croire et le commerce bien trop fragile pour se permettre un effondrement qui pousserait à la mort ou à la colère des milliers d’âmes affamées.
Le circuit du Labret devait perdurer et même se renforcer, et cela, même si la boucle se rallongeait pour atteindre Ventfroid.

Le plus troublant dans tout cela, ce n’était pas tant l’éclair de génie de la griffe, qui déstabiliserait le pouvoir en place en plus de renforcer sa propre légitimité autant sur les bannis que sur tous les exclus ou opposé à la couronne. C’était plutôt la stupidité apparente de cette dernière. Il savait de source sûre que le boucher d’Arence avait tenu la vie du chef des bannis et de sa clique dans la paume de sa main il n’y a pas si longtemps et qu’il avait laissé passer sa chance. Ou plutôt qu’il ne l’avait pas saisi.
Morn de Sarssel était un sale cabot vicieux, mais un cabot fidèle. Alors si il avait reçu la consigne de ne pas écraser briser cette épine, c’était forcément de Sigfroi, ce même Sigfroi qui allait stupidement se retrouver en porte à faux avec un commerce qu’il ne pouvait ni approuver ni stopper sans prendre d’énorme risque.

Alors soit cet odieux connard était un imbécile qui avait eu beaucoup de chance ces trente dernières années, soit quel chose de pourri se tramait là-haut, et c’est lui et sa guilde qui étaient trop stupide pour s’en apercevoir.
Une possibilité inquiétante, mais excitante. Il allait devoir presser certains plans et réfléchir à tout cela plus intensément. Il répondit distraitement.

- Va dans le bouge de ton choix, c’est moi qui offre. Je connais la fratrie Monclar. Je crois bien qu’il y en a un dans la milice interne, passe voir un des gars du port dans un jour ou deux, il aura l’info pour toi.

Bien qu’une lueur d’intérêt passât dans ses yeux, elle céda bien vite face à celle pour le garçon. Les affaires du goupil étaient à lui seul, tant que rien ne lui indiquait qu’il devait s’y intéresser. Il fit un geste pour lui dire de prendre congé. Mais Gaël fini par se retourner sur sa chaise pour lui lancer.

- Viendra bientôt une heure où même lui devra écouter ! Si tu n’y parviens pas d’ici là, tu perdras bien plus que tu ne le crois possible. Le corbeau qui enlace le bouclier, tu devras le trouver et comprendre !

Puis il se retourna sur sa chaise et laissa son peu enclin protecteur retourner à son quotidien trouble. Sur certaines routes, ils se croisaient à nouveau, sur d’autres ils étaient morts bien avant que cela n’arrive. A quoi bon des adieux ou un aurevoir ?
Lorsqu’ils furent seuls, le colosse se pencha vers lui.

- Quelles nouvelles des prairies du nord ? lui demanda Léon, d’un ton où perçait un mélange d’appréhension et d’impatience.

- Des mauvaises, j’en ai peur. Un de ses agents est déjà ici, il nous faut le trouver et l’abattre avant qu’il n’ait fait trop de dégâts. Répondit la voix trop adulte qui jusque là n’avait existé que dans la vision d’un homme perturbé. Gaël fit lentement rouler le dé entre ses doigts.





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MessageSujet: Re: [Convocation]Avance vers moi, découvre toi   [Convocation]Avance vers moi, découvre toi - Page 2 EmptyVen 17 Déc 2021 - 22:14

« Le corbeau et le renard »
Figé, le sourire faux du renard persista après l’exclamation du colosse.
Il ne sut trop s’il y avait davantage d’amusement derrière, ou plus encore de cette étrange admiration que deux grands rivaux pouvaient nourrir l’un envers l’autre. Ce constat lui rappela cette pensée qu’il avait eue, il y a plusieurs mois, en échangeant avec Edvin : cette impression de ce qu’une alliance entre Le Couturé et La Griffe renverserait probablement tout.
Mais pouvait-il seulement y avoir une entente ? N’y aurait-il pas toujours cette méfiance latente, cette préférence immanquablement donnée au groupe originel, qui rendrait toute tentative d’union destinée à l’échec, à terme ?

— Mes remerciements, Léon. J’y serai.

Avec l’exagération qui teintait chacun de ses gestes, Le Goupil se releva, puis improvisa une révérence à l’adresse de cet homme qu’il savait si efficace et qui le lui démontrait systématiquement. Une phrase avait d’ailleurs suffi à lui apporter une information qu’il ne possédait pas encore, jusque-là. Une fratrie. Qui sait ? Peut-être la demande de Priscilla réclamerait-elle un peu plus de temps que ce qu'il avait initialement présagé.

Avant même que le géant esquisse un mouvement pour le congédier, le contrebandier comprit qu’il ne cristallisait plus l’attention de son interlocuteur et n’en obtiendrait plus rien. Il lui avait suffi de constater combien le regard de Léon s’était davantage embrasé, à l’instant de se reporter sur le colis.

Dans un rictus tordu, le renard glissa ainsi ses mains dans ses poches et tourna les talons lorsque son employeur l’éconduisit enfin officiellement... Mais alors que ses pensées vagabondaient vers ce qui l’attendait à présent, reléguaient bien loin la présence même de l’enfant, celui-ci se rappela à lui dans un dernier présage ou avertissement – Le Goupil n’aurait su dire. Déstabilisé dans son élan, il rumina ces énièmes paroles mystérieuses et incompréhensibles, en retint presque malgré lui la substance, puis reprit une marche inconsciemment interrompue.

Il quitterait ainsi ce bouge pour en gagner un autre, où il s’écroulerait dans un lit dans l'attente de renouer avec une vie d’excès trop longtemps mise entre parenthèses, à son goût.

Car après tout… qu’avait-il à perdre ?


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