Nouvelle réunion de crise [Rosen x Desmond x Victor]

Nouvelle réunion de crise

Rosen feat Desmond et Victor

14 avril 1667
Manoir Rougelac

C’est le moment de vérité je crois, celui où l’ont se dit que tout peut définitivement s’écrouler. Aux portes de la cité, si je me fais arrêter, je saurais pourquoi. C’est après une grande inspiration que les portes se présentent à moi.

Ce premier barrage, je le passe plutôt bien. Arrivée à l’esplanade, nouveau coup de pression ; mais là encore, je passe toujours sans que l’on m’arrête. Soulagement.

Et nous arrivons chez Victor dans la matinée, après un passage éprouvant dans les rues de capitale. Les mouches sur ma route, je les ai plutôt bien évitées. Avec discrétion et sang froid, je crois, même si elles me donnent encore des angoisses.

J’essaie d’éviter de me faire remarquer ou reconnaître, même si j’ai décidé d’assumer tout ce qui pourra arriver. Je ne veux pas attirer les regards sur moi.

Nous nous présentons donc Desmond et moi devant l'entrée, et nous demandons que le Gouverneur de Sombrebois soit averti de notre visite. C’est assez mal à l’aise que je me tiens, penaude et le regard rasant le sol, pour ne pas dire peu fière, et tout sauf bavarde, à l’image de ces derniers temps.

Je suis épuisée et plus que tourmentée, et pour l’amour du ciel, qu’il ne me provoque pas ! C’est bien la dernière chose dont j’ai envie que de m’amuser à la moindre joute verbale ou de me faire ridiculiser. Mais la situation est assez critique pour qu'il s'en passe, j'ose espérer.

D’ailleurs, j’espère que nous réussirons à avoir un échange constructif, si échange je suis capable d’alimenter. Je n’ai pas très bavarde depuis que nous sommes repartis du Labret et j’ai toujours ce fâcheux mutisme qui a tendance à me retomber sur le coin de la gueule de manière imprévue.

Desmond pourra attester du mal qu’il a eu dernièrement à me délier la langue…. Cette langue que j’aimerais bien couper. Je suis sûre que la solution se tient là et que je n’aurais plus tous ces ennuis. Enfin, il faudrait me couper les doigts aussi afin que je ne puisse plus écrire le moindre mot. Enfin !

Je compte sur Desmond pour prendre la parole lorsque nous sommes en face de Victor, mais bordel, je ne sais pas pourquoi, je sens que je vais ajouter sa langue sur la liste de celles à couper !

Je fais donc une rapide révérence peu gracieuse à notre hôte du jour que je ne suis pas même capable de regarder, me demandant si je n’aurais pas dû parler moi même.

Non en fait, je ne me le demande pas. Ce que je me demande, à la seconde même où sa muraille s’apprête à ouvrir la bouche, c’est pourquoi j’ai eu la suprême connerie de le laisser parler. Une connerie de plus à ajouter sur la pile.

Ah, Rosen, Rosen… ma pauvre fille, je me demande bien ce que tu va devenir. De toute manière il n'y a pas grand chose à lui apprendre, j'imagine qu'il sait déjà tout ou presque.

Le voyage entre Usson et la dernière capitale de l’humanité se passe bien et je suis toujours content de pouvoir me reposer, la ville est le seul endroit du monde entier où les Fangeux, sauf cas exceptionnel, ne peuvent pas entrer. La ville est toujours aussi animée et beaucoup de gens parle de la reconstruction de Balazuc, certains pariants même sur la survie du nouveau bourg, ce qui est un peu inquiétant.

Comme me l’a demandé Rosen, je l’ai amené dans la demeure du comte de Rougelac, elle m’a demandé de lui expliquer la situation, et c’est bien ce que je compte faire. Nous sommes rapidement mis en présence du noble et j’espère qu’il sera de bonne humeur, la baronne fait une révérence et moi un salut main sur le cœur, comme il sied à un chevalier allié à un sang-bleu de plus haut rang. Bien sûr, comme j’ai perdu mon titre, j’aurais dû faire plus d’effort, mais je devrais récupérer ce dernier dans peu de temps, alors autant ne pas changer mes habitudes.

Une fois les formalités faites, je suis les instructions du compte, s’il nous permet de nous asseoir, ou pas et je lui indique en souriant :

Bien le bonjour, comte, cela faisant longtemps.

Il s’est passé en effet un mois depuis notre dernière rencontre, et je continu :

La baronne de Sombrebois a souhaité que je prenne la parole pour raconter les derniers évènements advenus dans le bourg. Elle a subi un traumatisme qui l’empêche de parler couramment, comme vous le savez sans doute.

J’attends l’accord de notre hôte, avant de continuer, il voudra sûrement que nous soyons seuls afin que j’expose toute l’affaire. Victor a toujours été intelligent, bien plus que moi en tout cas et je ne doute pas qu’il saura faire preuve de prudence, après tout, c’est un comte et il s’est tiré sans problème d’une affaire politique, alors que moi, j’ai subi un bannissement temporaire.

Fort occupé ces derniers jours à la mise en place d'une intrigue diligentée par sa nouvelle alliée qui n'était autre que la favorite de la reine Eugénie, en la personne de Félia de Vertchemin, le Comte de Rougelac s'était, depuis son retour à la capitale, quelque peu désintéressée des événements en cours sur la place forte des marais, bien que certaines rumeurs courraient. Seulement, Victor ne s'en était pas plus inquiétée, l'homme préférant s'appuyer sur des faits que sur des on dit.

Mais ce matin du 14 avril, à quelques jours d'un événement qui allait très probablement asseoir son influence dans la cité, ces retrouvailles inattendues avec la Baronne de Sombrebois et son allié le chevalier déchu Desmond de Rochemont, allaient certainement laisser un goût amer dans la bouche du Gouverneur du Sud.

Apres avoir été dérangé dans son office de bon matin, il se présenta à la porte de son manoir, tombante nez à nez avec ces deux personnalités de Sombrebois. Un seul coup d'oeil à Rosen suffit au sang-bleu à comprendre que cette visite n'allait pas être une simple formalité, l'attitude effacée de la baronne semblait tout indiquer qu'il s'était passer des choses peu réjouissantes. Seulement, comma a son habitude, mieux valait attendre quelques explications avant de réagir. Se rappelant à son serment d'accueillir la Baronne lors de son pacte passé avec la reine et le roi, Rougelac guida le duo jusqu'à un boudoir, sommant la gouvernante de préparer une collation pour ses invités qu'il installa face à son fauteuil sur un canapé.

Laissant le chevalier prendre la parole, le mondain restait silencieux, fixant par moment le fantôme de Rosen, une moue intriguée et suspicieuse s'affichant finalement sur son visage avant de reporter l'exclusivité de son attention sur la seule personne à s'être exprimée.

- C'est toujours un plaisir de vous revoir mon ami. Je puis toujours espérer vous revoir redorer votre titre de chevalier.

Il fini par croiser ses bras, adressant un regard entendu à la Muraille avant qu'enfin il ne reporte son regard, cette fois ci inquisiteur sur la personne de la blonde muette.

- Je vous en prie mon ami, expliquez moi ces "derniers évènements" dont j'ai bien peur, ne vont pas me réjouir. J'ai ouïe dire certaines choses, mais je ne me formalise point sur des rumeurs. C'est fâcheux car vous tombez tout deux dans une période fort chargé pour moi, l'Esplanade requérant plus que jamais ma présence dans quelques affaires ô combien importantes. Quoi qu'il en soit, vous restez les bienvenus, tant que vous restez dans les bonnes grâces de la couronne.

Qu'est ce que Rosen avait bien pu faire encore ? Victor n'allait pas pouvoir la protéger éternellement et si traumatisme il y avait, son petit doigt lui disait déjà qu'elle n'était certainement pas une simple victime, Victor avait comprit depuis un moment déjà que la Baronne s'attirait les ennuis par manque de remise en question et il avait déjà tenté par le passé de la secouer.

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Rosen feat Desmond et Victor

Paf

« Aïe ! »

Mais pour l’amour du ciel, faites le taire ! Je me rends compte que j’aurais mieux de prendre la parole au lieu de laisser ce crétin l’ouvrir lorsque ma main finit, dans un geste mal contrôlé, dans mon œil dans une claque douloureuse. Je voulais la porter à mon front, mais j’ai aussi mal dosé la puissance que la trajectoire.

Fichtre. Traumatisme ? Je vais lui en donner du traumatisme à ce sombre crétin s’il continue à dire n’importe quoi ! Mais il est pire que moi ! D’accord, je prends la bonne résolution de ne plus le laisser parler à l’avenir !

Je prends une grande inspiration avant d’annoncer alors d’une voix fatiguée :

« Ce que Se…. ce que Desmond souhaitait exprimer, je rectifie en regardant le colosse de travers, c’est que je suis excessivement éprouvée par les derniers événements survenus. »

Tenant à respecter ma bonne résolution, je reprends donc une fois installée, après une profonde inspiration.

« C’est… c’est devenu le chaos à Sombrebois. »

Je prends une gorgée de vin pour faire une pause, me redonnant du courage pour la suite.

« La châtelaine est partie et il se trouve que j’ai quelques problèmes… je crains que l’on n’en ait après moi et qu’on cherche à me nuire. »

Je me demande bien pourquoi l’on se donne cette peine, je me démerde très bien toute seule pour ça. Je me saborde comme personne, je crois…

« J’ai retrouvé le corps de Hector, bifurquai-je finalement après un moment de réflexion. Il est mort, et enterré dans le caveau familial à présent. »

Je reprends une gorgée afin de ne pas me laisser submergée par mes propos. Les bonnes grâces de la couronne... Je ne suis pas sûre de les avoir. Mais les ai-je déjà eu au moins ? Voilà qui serait bien étonnant.

« Pour revenir à la châtelaine… J’ai voulu la retenir, mais c’est tellement le merdier qu’elle n’a rien voulu savoir. J’ignore bien de quoi le futur sera fait pour Sombrebois, mais je vais faire mon possible pour rattraper la situation. »

Oui, c’est facile, quand on est suspecté du meurtre de son époux, de celui d’une famille et que l’on a dû avouer avoir été lié à des sectaires malgré soi. Rien que ça, oui… et je n’ai aucune idée de comment me départir de tout ce bordel, et je ne sais plus qu’ajouter à présent que je l’ai informé vaguement de la situation.

Je voudrais lui dire que j’aimerais que Roxanne revienne, que j’aimerais de l’aide, mais ça ne servirait à rien. Il m’a par ailleurs déjà fait comprendre de me démerder par le passé, alors… au moins lui aurais-je fait un résumé de la situation. Je vais me débrouiller seule... Je n'ai besoin de personne après tout.

« Et sinon, quand pensez-vous passer à Sombrebois ? Peut-être que la visite du gouverneur remettrait un peu d’ordre et rassurerait en ces temps troublés. »

Je crois que cela fait un bon moment... et que ce n'est pas près de changer. Mais l'espoir fait vite.

Au grand étonnement du Comte de Rougelac, voilà que la baronne de Sombrebois rompit le silence, prenant ainsi de cours le chevalier Rochemont qui s'était voulu porte parole jusqu'à présent de la blonde. Tout portait à croire que le duo face à lui avait bien du mal à accorder ces violons. Le chaos s'était installé sur la place forte à entendre Rosen et pour couronner le tout, la châtelaine Roxanne aurait quitter les lieux ? Tout ces éléments semblaient inquiétant pour la stabilité de la région des marrés. Et contre toute attente, voilà que la baronne affirmait vouloir mettre tout en œuvre pour rattraper la situation ?

Tout ceci n'était pas clair et Victor n'allait surement pas prendre argent comptant les explications de la baronne à la crédibilité fragile. Lui aussi ignorait de quoi l'avenir serait fait pour Sombrebois et d'ailleurs il n'en tirait aucunement les ficèles. Sa récente mise au point avec la proche collaboratrice de la reine avait eu le mérite également de lui faire comprendre où était ses priorités et ses marges de manœuvres. Bien entendu, le Gouverneur n'allait pas informée sa fragile allié du réel échiquier politique qui était en place et de fait que son titre de Gouverneur avait un caractère plus symbolique qu'administratif et de pouvoir. Se frottant sa courte barbe songeur, Rougelac observa tour à tour ses deux interlocuteurs.

- Vous me mettez dans une situation délicate. Je n'ai point reçu de contre ordre à vous accueillir en ma demeure. Seulement, je reste pied et poing lié aux décisions prises en plus haut lieu. D'autant que la période est mal choisit pour quitter mes affaires à la capitale. Pour être transparent avec vous, il me faudra consulté mes contacts à la cours royale pour décider d'un éventuel déplacement à Sombrebois.

La réponse semblait clair. Rougelac ne bougerait pas de l'Esplanade si l'on ne l'y autorisait pas. Qui puis est, il manquait d'information pour se forger sa propre opinion sur les faits troublants qui semblaient tourmenter la place forte des marais. D'ailleurs, comment pouvait-il faire confiance à Rosen qui depuis toujours semait le désordre ? D'autant qu'elle ne s'expliquait pas réellement quand à la teneur des évènements survenu à Sombrebois. Ainsi, il préféra reporter son attention sur Desmond dont la loyauté n'était plus à faire, même si il pouvait par moment manquer de discernement.

- J'aimerais votre avis mon ami. Madame la baronne évoque le chaos, mais lequel ? Qui voudrait lui nuire et pourquoi ? Quelle raison à poussé la châtelaine à partir ? Beaucoup de question, peu de réponse, j'ai besoin d'en savoir plus. Si l'on me permet de rétablir un semblant d'ordre, je dois connaître l'ensemble des détails de cette affaire ? Mais je ne vous cache pas que je devrais également enquêter de mon coté avant de prendre une décision.

Il finit par reporter son attention sur Rosen, le regard suspicieux.

- Mais je puis m'interroger sur un point, dores et déjà. Qui mieux qu'Alaric pourrait rétablir le calme dans la région ? N'a-t-il pas été nommé chef de la garnison de Sombrebois ? Il serait peut-être judicieux pour moi de lui envoyer un pigeon afin de connaître la situation sur le terrain. Je suis de toute manière sollicité à la capitale pour au moins une dizaine de jours.

Victor nous accueille chaleureusement comme à son habitude et je n’ai pas le temps de commencer à lui répondre que Rosen, prend la parole. Elle semble s’être bien remise et ma présence n’est plus guère utile. Je pense que le séjour à Usson lui a vraiment fait du bien, à moins que ce soit le plaisir de revoir Marbrume, je ne sais guère.

Comme d’habitude, il y a de nombreuses choses que je ne comprends pas, mais elle donne quelques informations comme la localisation de la dernière demeure de son mari. Mais le rôle de la Châtelaine est toujours aussi obscur pour moi, elle était censée être une simple dame de compagnie et on dirait, d’après les paroles que j’ai entendues, que c’est elle qui va décider de l’avenir du petit village.

Le comte, après ses explications, semble ne pas vouloir apporter son soutien inconditionnel à la Noble et me demande mon avis, je lui réponds franchement :

J’avoue être un peu surpris, la baronne de Sombrebois m’a demandé de l’accompagner, car elle avait du mal à parler, mais ce ne semble plus être le cas, et je devrais vous laisser.

Je regarde Rosen, puis Victor avant de continuer :

Toutefois, comme vous me l’avez demandé, je ne vois pas de quel chaos, la baronne parle. Les travaux de reconstructions se passent bien, votre logement devra être prêt d’ici trois semaines environ. Il sera bien sûr spartiate, mais fonctionnel. Concernant la sécurité, nous n’avons pas eu à déplorer une seule perte de vie humaine à cause de bandit ou de fangeux, même si j’ai entendu parler d’un convoi qui a été attaquer.

Je réfléchis une seconde à la suite, comme il a évoqué la question d’Alaric, je lui en parle donc :

Les gardes du bourg ont été renforcés par la milice et un gradé de cette dernière est même présent à demeure. Concernant la nourriture, pour la première fois depuis bien longtemps, les habitants ne meurent pas de faim grâce aux nombreuses caravanes venant de la capitale et que ma Guilde escorte régulièrement.

Maintenant, j’évoque cette fameuse affaire :

D’après ce que je sais, la baronne a été averti, je ne sais comment, où se trouvais le corps et sans rien dire à personne, elle est partie sans aucune préparation. Elle est revenue quelques jours plus tard escortée par la Châtelaine et après une discussion où je n’étais pas présent, cette dernière est partie en direction de la capitale. Plus tard, j’ai escorté la baronne qui, excessivement éprouvée par les derniers événements survenus, avait besoin de repos. Nous avons passé quelques jours au Labret chez des connaissances, puis une fois qu’elle c’était suffisamment reprise, elle a souhaité que nous passions vous voir.

Voilà, j’ai pas mal de blanc dans mon récit, mais c’est bien normal et je pense avoir fait le maximum.

Nouvelle réunion de crise

Rosen feat Desmond et Victor

« Aïe ! »

Il faut vraiment que j’arrête ça… que j’arrête de le laisser l’ouvrir, aussi. Ça serait bien je crois… Je suis dépitée. Je ne sais pas comment il a pu apprendre autant de choses en étant absent et repartant du bourg avec moi à peine arrivé, mais bon. Allez savoir…

En tout cas, si je me demandais vers qui Desmond pencherait, il paraît bien qu’il prend très à coeur son rapport à Victor. Je crois que je devrais me méfier un peu plus de lui encore…

Et après il ose me dire que je peux tout lui dire… Ben voyons, oui, tout lui dire pour qu’il puisse vite aller cafarder ce sale traître ! Dire qu’il sait pour… bordel, je crois que j’ai vraiment du soucis à me faire.

Ah, il font la paire tous les deux. L’un aussi stupide qu’un manche à balai et l’autre toujours à chercher son intérêt. Évidemment, il se montre prudent, le bougre. Rien d’étonnant à tout cela.

« Excusez-moi une seconde, dis-je alors en me levant pour tourner le dos à Victor, assis en face de moi et Desmond, pour me tourner vers ce dernier afin de lui marmonner discrètement en sourdine de sorte qu’aucun son ne sorte de ma bouche, mais que lire sur mes lèvres soit assez simple : Tu veux bien la fermer sombre abruti ! »

Le bras levé index en l’air, je le regarde sérieusement de travers, et j’espère qu’il va témoigner d’un peu plus de délicatesse à mon égard, même si ce crétin ne se rend probablement même pas compte qu’il est en train de me porter préjudice. A moins qu’il s’en rende compte plus qu'il ne veut bien le laisser entendre…

« Je… je ne sais plus ce que je voulais dire... », prétexté-je alors en me retournant vers Victor. Ah si ! »

Je me retourne à nouveau vers Desmond, levant un peu plus mon index en l’air que j’avais laissé s’abaisser en m’adressant à mon hôte.

« Le chaos… vous n’avez certainement pas eu le temps de le constater, puisqu’à peine votre arrivée à Sombrebois, nous en sommes repartis. »

Et toc !

Je reprends ensuite place sur le divan pour m’adresser une fois de plus à Victor.

« Je vous prie de m’excuser, j’ai du mal à me concentrer en ce moment… l’esprit ailleurs… Je disais donc que Desmond ne pourra malheureusement pas vous renseigner, puisqu’il était absent. Et quand je parle de chaos, c’est à un autre niveau que celui auquel Desmond de Rochemont s’imagine. Ainsi donc, tout ce qu’il a pu vous dire n’est plus ni moins ce que vous avez dû déjà entendre par les rumeurs, puisque c’est de là qu’il tient ces informations. »

Je regarde un instant Desmond d’un air…. Fatigué je dirais, ni plus ni moins, avant d’à nouveau me tourner vers Victor.

« Si vous voulez des renseignements fiables, je vais vous en donner : J’ai quelques ennemis semble-t-il, qui ont cherché à me piéger de la plus grossière des façons. La situation à quelque peu dérapé et contrairement à ce que vient de vous dire votre muraille, il y a eu des morts, Victor. La châtelaine n’a plus su que penser de tout cela, il faut dire que j’ai causé malgré moi un sacré bordel en fonçant tête baissé sans réfléchir. Je le regrette, je puis vous l’assurer, mais hélas, nul ne saurait revenir en arrière. Alors elle a préféré revenir ici à la capitale le temps j’imagine de faire la lumière sur toute cette histoire. J'ose espérer de tout cœur qu'elle reviendra. »

C’est du moins la cause principale, j’imagine, même si avoir à me supporter tout ce temps a fini par, elle aussi, lui devenir insupportable visiblement. La goutte de trop, comme on dit. C'est mon lot je crois... ce qui se révélait être un véritable plaisir autrefois se trouve dorénavant être devenu une véritable malédiction !

« Le bourg n’est pas en guerre… voyons ! Je ne vous demande pas de rétablir l’ordre d’une révolution sanglante, mais de venir apaiser les esprits là où je les ai malencontreusement échaudés. Une simple apparition de votre part pourrait rassurer les gens. Je crois que les Sombreboisiens se sentent abandonnés de leurs dirigeants avec tout ça. Vous êtes le gouverneur. Et puis, le baron est mort. Ne pensez-vous pas que votre présence pour venir apporter votre soutien moral au bourg serait une bonne chose ? »

Cela devrait pourtant paraître naturel à n’importe qui, mais pas au Rougelac… évidemment. Je peux relever en passant qu’il a glissé sur le sujet de Hector de façon assez… décevante ? Certes, je ne m’attendais pas à un apitoiement de quelque genre que ce soit, mais il aurait au moins pu faire l’effort de me poser quelques questions et de me présenter ses condoléances. M’enfin !

Peu m’en chaut à vrai dire. Ce n’est pas comme si j’attendais quoi que ce soit de ce type. Ce serait déjà bien s’il n’a rien à voir avec la mort de mon époux et tout le tintouin, soit dit en passant… Oui, je me méfie de tout et de tout le monde à juste titre.

« Vous pouvez envoyer un pigeon si vous le souhaitez... Mais je doute que vous ayez beaucoup plus d’informations. Il se trouve qu’Alaric aussi était absent… Et je ne sais même pas s’il est rentré au bourg actuellement. »

Hélas pour le mondain, il devra se contenter de mon témoignage pour le moment.

« Si vous avez l’occasion de recroiser Roxanne du Val d’Asmanthe prochainement, puisque vous avez un contact régulier avec la cour que vous allez consulter sous peu… dites lui que Sombrebois a besoin d’elle et que la baronne souhaiterait son retour. »

J’ignore toujours le sort qui peut bien m’attendre. Si l’on finira par m’arrêter ou me faire exécuter. Peut-être juste me déchoir de mon titre, comme l’autre imbécile de nigaud. Mais qu’importe. La vérité, c’est que le bourg a vraiment besoin d’être repris en main par une personne stable. Personne qui n’est pas moi de toute évidence.

Je grignote un petit morceau de nourriture du bout des dents, pensive. J’espère que la situation finira par s’arranger…

Le Comte de Rougelac adoptait une attitude des plus prudente. La visite inopinée des deux sang-bleu avait de quoi lui faire craindre le pire quand à la situation que vivait le bourg de Sombrebois depuis son retour à la capitale. De fait, le mondain avait tout crédit à chercher à analyser la situation et il n'allait pas se priver d'entendre les différents point de vu, d'autant qu'il était à présent de notoriété public de ne pas faire confiance à la baronne en proie depuis longtemps à des troubles de personnalité et d'identité. La jeune femme n'avait jamais réellement accepté d'endosser un titre qui ne lui revenait pas de sang et sa présence dans ce contexte tendu était à nouveau une preuve qu'elle n'avait pas encore tirer les leçons du passé.

Ainsi, Victor écouta religieusement le chevalier déchu et malgré les apparences et ce qu'on pouvait en juger, la transparence et la spontanéité dont il faisait preuve était un gage de confiance que Rougelac ne pouvait encore accorder à Rosen qui cherchait perpétuellement à cacher des choses. D'ailleurs, après le discours de Desmond, voilà que la blonde cherchait à reprendre la main mise sur les débats et comble du sort, elle semblait se porter en contradiction sur certains points avec ce protecteur du moment.

Les choses devenaient aussi intéressantes qu'inquiétantes et si Victor éludait de son esprit l'aspect de l'affaire concernant la mort du baron Hector c'est évidemment que cet élément n'entrait à aucun moment en jeu dans l'équation complexe de la situation. Ce qui retenait finalement la plus grande partie de son attention était la retraite de la châtelaine jusqu'à la capitale, elle qui, de ce qu'il avait comprit suite à certains échanges au plus proche du pouvoir, était le personnage qui devait administrer sous couverture la place forte des marais. Ainsi, c'était bien vers Roxanne que devait se tourner le gouverneur de Sombrebois afin d'obtenir de réelles réponses et certitudes.

Tout portait à croire qu'aucune autorité ne chapotait actuellement la vie du bourg et c'était une information grave si elle s'avérait exacte. Soucieux, le Comte frottait à nouveau pensivement sa barbe. Toujours silencieux, il fixa Desmond de Rochemont un court instant, lui montrant d'un regard sa gratitude avant de laisser glisser son regard vers Rosen qui avait tout l'air d'encore et toujours se montrer maladroite et cachottière, il n'y avait qu'à se rappeler de ce moment, dos tourner à Victor, probablement pour donner quelques consignes à son protecteur un peu trop bavard au goût de la blonde. Même s'il n'avait su en cerner les agissements réels, Rosen n'avait en rien était naturel sur ce sujet.

- Bien, bien. Vos différentes interventions m'amènent à devoir consulter la châtelaine ainsi que le chef de la garnison de Sombrebois. Pour l'heure, vous êtes les bienvenus en ma demeure. Je vous offre le gîte et le couvert. Je vous informerais de mes décisions lorsque cette situation se serait éclaircit.

Un coup d'oeil vers Rosen.

- Car vous, chère baronne, ne me dites pas tout. De plus, si comme vous le dites, le bourg est abandonné de ces dirigeants, cette faute vous incombe en priorité. Je vais vous reformuler un conseil, que j'ai cherché à plusieurs reprise à vous offrir. Il est temps pour vous d'accepter votre titre et des obligations qui incombent à vos fonctions. Quitter le bourg sans déléguer votre pouvoir est une erreur, je dirais même une lourde faute, quelque soit le motif de votre congé. Je ne puis que vous suggérer de changer d'attitude et faire profil bas si d'aventure vous deviez être jugé par nos supérieurs. Nous avons tout deux signé un contrat, certes différent, mais qui nous oblige à droits et devoirs, ne l'oubliez jamais.

Une fois de plus, il reporta son attention vers la Muraille.

- Je ne puis que vous remercier d'avoir escorté cette imprudente durant son périple. Je saurais faire remarqué cet acte loyal envers la couronne à qui de droit. j'espère que vous regagnerez rapidement votre titre et votre réputation. Je suis ravi d'entendre que votre guilde sécurise les convois vers Sombrebois. J'aurais plaisir à visite ma demeure de fonction en votre si fiable compagnie.

Un dernier mouvement de tête de part et d'autre.

- Avez-vous quelque chose à rajouter l'un ou l'autre avant que je ne me retire un moment en mon office pour rédiger mes correspondances pour Alaric et Roxanne du Val d’Asmanthe ? Ma gouvernante vous conduira ensuite vers vos appartements.

Nouvelle réunion de crise

Rosen feat Desmond et Victor

Il y a des fois où j’aimerais juste disparaître. Je me sens prise entre deux feux – sinon plus – et je ne peux rien répondre de satisfaisant pour me défendre. C’est le genre de position inconfortable l’on s’en doute bien, mais je suis vraiment lasse de tout ça et c’est peut-être la dernière chance de faire quelque chose pour arranger la situation, pour ne pas dire ma situation.

C’est déjà un miracle que j’aie encore la tête sur les épaules… qu’on se le dise. Je me retiens donc de lever les yeux au ciel, ce qui serait aussi stupide que malvenu. Je me retiens aussi de regarder Victor de travers ou de faire la moindre réflexion, même lorsqu’il me surnomme ‘l’imprudente‘ ou qu’il m’accable.

Un peu de respect merde… Je pourrais hausser les épaules à vrai dire, ce qui est fait est fait. Mais je me retiens également.

« Pas tout dit… certes. Que voulez-vous donc savoir de plus ? La façon dont j’ai déterré mon mari à Ménèrbes ? Le nombre d’insectes qui grouillait dans sa dépouille ? La nuit que j’ai passé après ça ? Ou peut-être la façon dont la châtelaine m’a traitée à l’aube, devant tout le monde, comme si j’étais un criminel en fuite… Ou encore la façon dont j’ai été surveillée de près par la milice au château à mon retour ? je demande sans impertinence, juste exaspérée. Bon sang ! Votre homme de main vous a fait un rapport complet que j’ai rectifié. Nous vous avons dit l’essentiel. Oui, quelqu’un est venu me parler de Hector visiblement dans l’espoir que je manque assez de discernement comme ce fut le cas pour m’y précipiter. Moi même, je suis loin de tout comprendre au traquenard qui m’est tombé dessus, voyez-vous... Tout est flou. C’est un peu l’ennui parce que maintenant, on pense que j’essaie de faire assassiner tout le monde. J’ignore bien ce qui m’attend, mais je ferai avec. En attendant… Je repars demain à la première heure pour Sombrebois et je me sens mieux à présent pour reprendre mes fonctions au sein du bourg et rattraper tout ce qui pourra l’être en me comportant de manière plus réfléchie. »

Encore faut-il qu’on me laisse les conserver après tout ce merdier… Des droits et des devoirs… Je n’ajoute rien lorsqu’il nous demande si nous avons quelque chose à ajouter, et me repose une bonne partie de la journée.

Au moment du coucher, je fouille ma besace pour chercher mon petit sac d’herbes données par Marie-Ange afin de m’aider à dormir ce soir. Ayant du mal à le retrouver, je fouille un peu plus et mon cœur se serre dans ma poitrine au détour d’une poche. Ce mouchoir…

C’était celui avec lequel Roxanne avait bandé ma plaie. J’ignore pourquoi je ressens soudain des angoisses. Ce n’est pas de la peur... c’est… c’est quelque chose d’incompréhensible.

Rosen ne semble pas être très heureuse de mon intervention, car elle se tourne vers moi, et même si je ne comprends pas tout car elle marmonne pas mal, ce ne sont clairement pas des compliments, alors que mon résumé est assez proche de la réalité et que j’ai caché toute la partie concernant ses bourreaux.

J’écoute ensuite la jeune femme exposer sa propre version des faits, imaginant être la victime d’une sorte de cabale, avec des ennemis qu’elle ne m’a jamais désignés, mais que je suppose être les mêmes qui l’ont kidnappé par le passé. Elle demande ensuite à Victor d’intervenir, en tant que Gouverneur, puis en tant que messager, ce qui risque de ne pas lui plaire, ce dernier rôle n’étant clairement pas au niveau du comte.

Victor en tout cas, nous écoute sans nous interrompre et décide de consulter avant de prendre une décision définitive. Il parle également d’un contrat, chose que mon interlocutrice n’a jamais évoquée, et je m’en demande bien les termes. J’ai droit à quelques compliments et je m’incline pour montrer que je suis et reste toujours son allié, tout en espérant que les choses que je lui ai cachées sur l’histoire de la baronne ne vont pas lui nuire sur le long terme.

Mais ce n’est pas fini, car Rosen rajoute quelques éléments sur son périple et nous informe qu’elle repart demain, à l’aube pour le bourg. Il me reste encore quelques affaires à traiter ici et je l’informe :

Je vais vous faire escorter par six de mes hommes, ils vont attendront à la porte des Anges, au niveau de l’entrée de l’Esplanade pour que vous puissiez voyager en sécurité, ils vous apporteront également une monture fraîche avec une charette.

Celles que nous avons utilisées sont épuisées et il ne serait pas prudent de les utiliser pour un tel voyage. Je me tourne ensuite vers notre hôte pour lui indiquer :

Je n’oublie pas la bonté dont vous avez fait preuve à mon égard lors de notre premier entretien. Je reste à vos côtés et si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous pouvez faire appel à moi.

Je suis sincère dans mes propos, c’est Victor qui m’a permis de redevenir Chevalier en m’octroyant l’appuie de sa famille, et cette marque de confiance, cela compte beaucoup pour moi.

La prudence du Comte face à la situation l'obligeait donc à consulter les autres protagonistes intervenant ou ayant intervenu sur la place forte des marais. Face à l'attitude perplexe mais non moins franche du Gouverneur du Sud, la baronne de Sombrebois fini par donner quelques détails et éléments de réponses sur certaines ombres s'affichant à cet inquiétant tableau avant que la Muraille clos les débats pour laisser à disposition de Rosen une escorte afin qu'elle puisse rallier les marais en toute sécurité.

Mais voilà, face à la gravité des faits, Rougelac devait rapidement réagir et obtenir des directives avant que la blonde ne quitte son Manoir à l'aube de la prochaine journée. Ce faisant, il adressa un regard entendu aux deux protagonistes, peu désireux d'émettre la moins remarque qui aurait pu semer la moindre discorde. Non, il etait nécessaire de temporiser et surtout garder un œil sur la Baronne.

- Bien, reposez-vous. Mon personnel se tiendra disponible durant votre court séjour.

Une légère révérence de circonstance et le Comte prit congé afin de se hâter à rédiger d'importantes correspondances qui devaient partir dans l'heure depuis son office. Un pigeon Portant une missivefut alors préparé à quitter la demeure du Comte a l'Esplanade pour rejoindre le Bourg de Sombrebois dont le destinataire n'était autre qu'Alaric, tandis qu'un coursier se chargeait d'apporter une seconde missive sous forme d'une lettre cachetée en la résidence de la chatelaine du Val d’Asmanthe.