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 Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]

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Eumond BellegueuleAssassin
Eumond Bellegueule



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MessageSujet: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyMar 22 Fév 2022 - 23:18
Le Goulot, 3 Avril 1167

C’est pas simple, de débarquer dans une nouvelle cité. Plus de repères, plus d’habitudes, plus de contacts. J’dis pas que je regrette d’avoir quitté Allange, pour sûr. Pour c’qui m’attendais là-bas si j’y été resté un peu plus, j’préfère mille fois devoir m’refaire un réseau, une réputation p’tit à p’tit, que d’servir de becquetance à un troupeau d’morbacks crasseux aux yeux d’merlan frit. Très peu pour moi. Et remettre les pieds sur un rafiot en dehors d’une galère pareille, c’est niet.

Ça fait plusieurs mois que j’suis arrivé en Marbrume, c’est vrai, mais pour l’instant j’ai vivoté de p’tits turbins presqu’honnêtes, histoire d’apprendre deux-trois noms d’gars fiables, et quelques pourvoyeurs de contrats. Prendre la température, en somme. Ça peut paraître long pour certains, mais faut dire aussi qu’la traversée m’a tout r’tourné, malade comme un chien à dégobiller tripes et boyaux rien qu’en y r’pensant, mais aussi quand j’repense aux moments où… Brrr… J’en frissonne un instant, comme un idiot au milieu d’la ruelle, de discrets effluves marins dans les narines, puis j’me reprends vite, histoire de pas passer pour un glandu. Manquerait plus qu’ça !

Sorti d’bonne heure de la piaule que j’ai louée dans l’Goulot, j’me suis pris à flâner dans les ruelles sans véritable objectif hui, comme un gars d’la haute. Bon, on peut pas dire qu’à l’allure j’fasse illusion, pour sûr, mais dans l’attitude, j’suis pas des plus attentifs, contrairement à mon habitude. Secouant la tête, j’avise un peu les environs, histoire de m’repérer, et… Ben on dirait que j’suis paumé. J’ai pris l’habitude de parcourir la basse cité, pourtant, mais faut croire que j’la connaissais pas encore, cette contre-allée. Et cette petite place, elle m’dit rien non plus. Bah, je hausse les épaules et j’avance tranquillement. C’est pas comme si j’risquais ma peau en plein jour, tout au plus une bousculade et une culbutée la tête la première dans c’mélange de boue, d’ordures et d’excréments qui sert de sol dans l’coin. Pas la première ni la dernière fois qu’ça arriverait, à vrai dire. Le tout, dans ces situations-là, c’est d’rester concentré pour bien entendre les carrioles et pas s’faire prendre par surprise au détour d’une ru….


Merde.

Rien entendu? Pas écouté. Rien vu? Trop tard, manifestement. Rien renversé ? Au fond, je m'en carre. Garder sa cont’nance, surtout. Pas respirer tout de suite. Prendre appui sur un bras pour se r’dresser, s’essuyer la gueule de l’autre gant, et là, reprendre une grande inspiration. Rouvrir les yeux aussi, pour pas paraître encore plus con. Se redresser, en douceur, l’air de rien. Ne pas fuir d’un air gêné, ça s’rait pire. Et maintenant seulement, préparer son plus fleuri chapelet d’injures pour…

« Bordel à cul du sang d’ses morts ! Qu’est-ce qui m’a foutu… »

Les derniers mots s’étranglent dans ma gorge alors que je croise un millier d’regards. Bon peut-être pas, mais bien plusieurs dizaines d’yeux vitreux à ma hauteur, alors que je suis encore à genoux. Là ça s’explique.

« Oh. C’était ça l’odeur alors. J’vous ai pas entendue. »

Là j’me sens benêt, comme quand M’man m’grondait d’avoir soufflé une miche de pain à l’auberge sous l’nez du proprio. J’pourrais l’incendier, la menacer, jurer comme un charretier, qu’ça réglerait pas l’problème en m’rendant ma dignité envolée. De toute façon ça sort pas, là. Coupée, la chique. Elle r’viendra plus tard, comme à chaque fois. Et comme le disait l’Vieux Rolf à Allange : « Mieux vaut être indigne mais vivant, que mort dignement ».

Prenant appui de mes gants maculés sur la charrette de la commerçante, je m’relève pour lui faire face, tentant de garder le peu d’contenance qu’il peut me rester en cet instant. Surtout qu’il faut l’avouer, ce p’tit bout d’femme est agréable à l’œil, et ça, ça a tendance à m’embrouiller un peu l’esprit. C’est plus facile de traiter avec des soudards, des couturés, ça distrait moins. Enfin en général. J'réfléchis vite à un truc sensé à dire, vue la situation.


« C’est marrant, vot’ carriole sent presque pas dans l’quartier, quand on n’a pas l’nez d’sus. »

Le pire dans tout ça, c’est qu’j’ai pas becqueté depuis la veille au soir, alors j’ai un sacré creux à la place du bide.

« Et… C’est quoi vos tarifs ? Pour la poiscaille, j’entends. »

Et de lâcher un sourire goguenard par là-dessus, content de mon effet pour détourner en vitesse l’attention d’ma situation. J’en oublierais presque moi aussi que j’ai encore la figure amplement maculée d’immondices. L’Vieux Rolf disait aussi que « l’ridicule tue pas », et en soit il a pas tort. Bon, y disait aussi qu’fallait jamais chercher l’poissonnier, mais ça j’ai jamais bien compris pourquoi.


Dernière édition par Eumond Bellegueule le Sam 2 Avr 2022 - 8:39, édité 2 fois
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Mariotte
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyMer 23 Fév 2022 - 13:56
C'est dur. Oui, j'avoue parfois, même pour moi c'est pas simple à encaisser c'qui se passe, les mauvaises ventes, les sous qui partent pour acheter le bois d'chauffage, les mauvaises pêches, quelqu'sale voleur qui me choure mon meilleur poisson, et me v'là bien embêtée pour trouver d'quoi manger. Mais ça, ils peuvent toujours aller s'brosser ceux qui voudraient me voir crever de faim ou de froid : c'est pas d'main la veille que je lâcherai l'affaire ! Alors je m'suis résolue à aller vendre mon poisson dans l'Goulot. Vraiment, c'est pas un coin où j'aime traîner, mais décidément, mes poissons sentent trop fort, même pour le Labourg, pis qui n'tente rien n'a rien, j'vas pas rester comme ça les bras croisés à attendre que les sous m'tombent dans l'bec, ah ça, l'vieux père m'aurait bien rossée si j'avais osé faire ça d'vant lui, pis c'est pas mon genre de toute façon, pas comme la vieille tante Hélène qui s'tournait les pouces à longueur de journée le cul vissé sur son tabouret, comme l'aut' là, vous savez, la belle-mère d...

- Par le cul d'Rikni ! C'est bien un monde de renverser mes paniers comme ça, 'spèce de jeanfoutre ! On t'a jamais dit d'pas bailler aux corneilles ?

Ah si j'm'attendais ! Un salopard est rentré dans ma charrette violemment, et v'là mon poisson rendu par terre, dans la boue, enfin, si on peut appeler ça d'la boue bien sûr, je m'demande bien comment que j'pourrais le récupérer maintenant ! J'suis sacrément énervée, et j'le regarde se relever, mes poings sur les hanches, la poitrine gonflée.

- L'odeur ! L'odeur qu'y m'dit ! Serait-y délicat des narines ce m'sieur là ?

Puis... Il se remet droit, et alors j'le vois, tout couvert de boue et de merde, me faire une proposition qui m'plaît davantage. Ah, ça oui, si on commence à parler d'tarif, moi ça m'va très bien. Je lui lance un clin d’œil avant d'me mettre à rire devant sa trogne.

- Mes... tarifs hein ? Tu t'imagines que j'vends autre chose que mes sardines ? T'as pas les yeux dans ta poche hein ! Pour la poiscaille, j'crois ben que tu vas avoir du mal à m'payer, mais sait-on jamais ? Qu'est-ce que tu as à m'proposer, toi ? Surtout pour ce panier qu'est par terre, là, avec la dizaine de maquereaux foutus ?

La vieille Lucie m'a bien conseillé de pas gueuler trop fort dans c'quartier, mais j'suis pas trop sûre de comprendre pourquoi, parce que dans la vie, c'est toujours celui qui aboie l'plus qui y gagne, ça marche à tous les coups. J'commence à aller ramasser les maquereaux aux yeux blancs, enfin plutôt marronnasses maintenant, faudrait pas qu'un chat errant vienne les becqueter pendant qu'on discute gros sous quand même, mais c'est un truc pire qui s'produit ! Bien pire ! Un gamin tout crasseux à moitié nu, que j'ai pas entendu arriver, attrape deux poissons de ses deux p'tites mains squelettiques et s'échappe aussitôt.

Impossible de lui courir après en laissant ma charrette là, alors j'lui gueule dessus au cas où ça l'ferait rev'nir sur sa décision.

- Si tu les bouffes tu vaudras pas mieux qu'un Fangeux, salopiaud ! J'espère qu'ça te foutra la chiasse pendant sept fois sept jours !

Non mais ! Il disparaît au coin d'un mur, j'crois bien que c'est foutu. Par contre... Ouais, par contre j'crois bien avoir attiré l'attention de quelques autres âmes en peine dans ce coin, des espèces de carcasses faméliques qui m'regardent avec un air mauvais.
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Eumond BellegueuleAssassin
Eumond Bellegueule



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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyMer 23 Fév 2022 - 20:35
C'est qu'elle aurait du répondant, la petiote! Ça m'plait pas outre mesure d'me faire incendier comme ça, mais j'me rends vite compte qu'en fait elle râle sur tout et n'importe quoi, n'importe qui surtout, même le chiard qui lui choure une paire de poiscailles bien avancées. Le pire dans tout ça c'est qu'elle fait pas mine de s'indigner d'la perte, plutôt de lui souhaiter qu'ils soient aussi comestibles qu'ils paraissent. Finalement, j'me d'mande c'qu'est l'pire entre la boue et ça.


« J'crois que j'préfère encore la boue, finalement. Y’a d’quoi faire diète un mois, une fois l’un d’entre eux englouti, non ? En s’vidant par les deux bouts, j’entends. »


Direct, comme un cri du cœur. En même temps j’m'en carre un peu d'froisser une inconnue gueularde comme ça. J'avise un peu l'attention qu'son cirque nous a fournie. Une vraie petite foule de curieux qui s'rassemble en un rien de temps des ruelles attenantes. Ça a beau être d'la bouffe bien passée, faut croire qu'ça trouvera des ventres pas difficiles sans souci, dans l'coin. Je m'permets un petit sifflement appréciateur.

« M'est avis qu't'aurais jamais imaginé avoir autant d'clients qu'ce jour, en v'nant ici. Bon, par contre pas sûr qu'y'ait beaucoup de bons payeurs dans l'lot, priorités, tout ça... »

Goguenard, j'commence à reculer de quelques pas, curieux d'voir comment la drôlesse qui s'égosille compte s'en dépatouiller.

« Paraît qu'faut jamais faire poireauter le client, non? J'm'en voudrais d'm'interposer entre eux et toi. »

Et j'observe tranquillement la flopée d'affamés s'approcher, très curieux d'la tournure qu'tout ça va prendre. Y'a pas que des tendres, dans l'lot, j'reconnais quelques trognes de gars pas fins, pas sûr qu'ils s'arrêtent à la bouffe, ni même qu'ce soit c'qui les a attirés.


« En fait, j’crois que l’tit gars a bien eu raison d’se carapater vite fait. Et c’est pas tant l’Fangeux qu’y craignais, j’crois. Ils doivent pas tous êt’ v’nus pour la bouffe, faut croire.»

J’m’installe à califourchon sur un tonneau vide, ou c’qu’il en reste, puis commence à sortir ma dague pour la faire tournoyer dans ma main, histoire de décourager un ou deux péons qui zyeutaient dans ma direction d’un œil torve. P’t-être juste affamé, en soit, mais j’veux pas prendre le risque d’être pris au dépourvu. J’avise alors au milieu d’la foule deux-trois gars qu’on l’air bien mieux portants qu’le reste. Pas v’nu pour la cargaison on dirait. Ou pas pour la même, en tout cas. Gast. Autant ça m’f’rait marrer d’voir la poiscaille du bout d’femme disparait’ en deux-deux, autant j’pensais pas à c’t’heure-là qu’ça attirerait d’telles enflures. Non pas qu’j’me sente responsable, elle s’est fourrée toute seule dans c’pétrin en braillant à tout va comme une truie qu’on égorge.

« J’crois qu’y’en a un ou deux qu’on pas rendu grâce à Serus d’puis un moment, dans l’lot, z'ont les couilles bien pleines, ça doit les démanger par là. A moins qu’ils aient d’autres idées en tête, qu’est-ce j’en sais. »

J’dodeline un peu du chef, hésitant un instant entre ajouter que’que chose ou filer en douce respirer un air frais ailleurs, genre bien loin d’là. J’sais pas, faut croire qu’j’me suis l’vé du bon pied. Ou qu’les Quatre ont décidé qu’la situation m’titille plus les tripes qu’à l’habitude. Ou alors… Ouais, j’crois qu’elle m’rappelle quelqu’un… J’sais pas encore qui, mais y’a un ti que’que chose. Crénom, v’là-t-y pas qu’j’verse dans l’sentimental, maint’nant ? Par les balloches ratatinées d’Etiol, on est pas rendu !

J’soupire un coup avant d’me décider, sans attendre qu’la situation tourn’ vinaigre. Chier. T’as gagné, mon couillon, j’fais un pas. Pas un grand, hein, faut pas déconner non plus, une ouverture. Un trou d’souris où s’faufiler si b’soin.


« Mes tarifs à moi sont pas donnés, mais j’suis pas sûr qu’t’aies bien l’choix. On a un accord ? »
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Mariotte
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyVen 4 Mar 2022 - 11:21
J'suis dans d'beaux draps, et l'aut' qui en rajoute ! J'crois bien avoir le sens de l'humour mais ça, j'aime pas trop quand on met en doute la fraîcheur de mes poissons, et encore moins quand je sais qu'c'est vrai, parce que c'est des histoires qui font fuir les clients, mais il faut bien dire que la clientèle actuelle est pas vraiment d'celle qui donne envie... Tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant d'te mettre à causer qu'elle me disait ma vieille mère, mais pour une fois, j'crois pas avoir dit trop d'bêtises et j'vois pas trop pourquoi ce petit monde semble aussi menaçant. Ça m'a pas l'air d'être avec des mots que j'vais réussir à les calmer, ils me rappelleraient presque cet espèce de géant d'il y a quelques jours et que j'espère bien n'pas revoir de sitôt d'ailleurs, d'ailleurs en parlant d'ça s'il avait cané ça arrangerait bien mes affaires... 'Fin, il avait dans ses yeux ce même air à la fois pas gentil, et pourtant envieux, un drôle de regard que je saurais pas décrire, mais un regard qui m'plaît pas du tout, c'est tout c'que j'peux en dire.

J'ai bien envie de m'en aller vite fait, mais laisser là ma charrette, c'est abandonner mes chances de gagner des sous. Sans réfléchir, je glisse la main sous mon tablier pour vérifier que mon étui est toujours là. Sentir les manches des couteaux est rassurant. J'ai peur, mais au moins j'ai mes lames. Et l'aut' là, il continue son babillage en jouant avec sa dague, j'suis sûre que pour un peu, il se curerait les dents avec, histoire de continuer à montrer combien il en a rien à faire de tout c'bordel.

- Tu fais bien d'préciser qu'tu sais pas c'qui les démange, j'allais te d'mander comment qu't'avais eu cette information mon gars !

Ah ça oui, il fait l'beau, perché sur son tonneau avec sa dague, pendant qu'moi j'dois gagner ma croûte au milieu de ce foutoir qu'il a déclenché en rentrant dans ma charrette ! J'sais pas ce qui m'retient de prendre un poisson pour le baffer avec, ptêt bien que c'est c'qu'on appelle le teint d'survie ? Parce que oui, j'commence à avoir peur, mais pas question de l'montrer tout d'suite : la rue c'est comme un poulailler, dès qu'il y en a une pour montrer un signe de faiblesse, les aut' se jettent dessus pour la battre à mort. Alors quand cet espèce d'escroc au grand pif me propose son aide, j'hésite quand même. Je le regarde, et faut bien dire qu'il est pas bien agréable à r'garder ; mais je regarde les pouilleux de l'autre côté, ils sont pas plus agréables à l’œil. N'empêche que la question, elle est vite répondue, surtout quand je commence à m'sentir vraiment coincée. Plus moyen d'sortir de ce trou à rat sans rouler sur quelqu'un avec ma charrette. Et quequ'chose me dit que ça serait pas une bonne idée.

- D'accord, d'accord ! Ton prix sera l'mien... Mais crois pas pouvoir êt' trop gourmand non plus, tu sais pas à qui t'as affaire ! je lui lance, avant de me retourner vers les autres clients. Et vous 'aut', messieurs, j'me doute bien que la nourriture est bien chère et qu'vous n'avez pas grand chose en poche ; vous avez certainement pas d'énergie à gâcher à vous battre pour une malheureuse sardine hein ? J'vous fais un prix : vous bousculez pas, et j'vous assure que ces poissons, vous trouverez pas moins cher ailleurs ! Mais si l'un d'vous essaie de m'la faire à l'envers, vous verrez de quel bois j'me chauffe !

J'vois alors s'avancer un grand gaillard qui paraît un peu plus remplumé qu'les autres. Drôle de tête, mine patibulaire. Bordel j'ai peur. Il s'arrête juste devant moi et croise les bras.

- Moi c'est pas ta foutue pêche qui m'intéresse. J'voudrais bien savoir à quel bois tu t'chauffes ma jolie, parce que moi et mes compagnons, on s'les pèle. Et ta chariotte là, m'est avis qu'elle flamberait sacrément bien. A moins qu't'aies une autre proposition à nous faire pour nous réchauffer ? Un sourire goguenard fleurit sur sa sale figure.

Moi, à ces mots, mon sang ne fait qu'un tour. Ma charrette ! Flambée ! C'est hors de question ! J'attrape la première chose qui me vient sous la main sans réfléchir, et j'le frappe au visage de toutes mes forces avec. Bien évidemment, c'est un poisson, ça n'y paraît ptêt pas, mais un aiglefin ça pèse son poids, puis j'crois que le lascar a pas eu l'temps de la voir venir celle-là : il n'a rien fait pour l'esquiver. Sa tête part de côté, et il garde l'air sonné pendant un instant. Un court instant, mais qui sonne l'heure de la débâcle générale : la dizaine de gueux qui attendaient jusqu'ici patiemment se jette sur ma charrette et commence à s'battre à celui qui emportera le plus de poissons.
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Eumond BellegueuleAssassin
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyVen 4 Mar 2022 - 20:37
J’ai un peu d’mal à comprendre pourquoi la drôlesse prend pas ses jambes à son cou avant d’prendre la tangente, histoire de s’éviter bien des tracas, mais y’a que’que chose qui la r’tient dans l’coin, c’est clair. Alors qu’la foule s’approche de plus en plus avidement d’la petiote, certains guidés par leur bide, d’autres par des intentions moins louables, elle reste bien campée là, prête à vendre chèrement sa peau et sa marchandise. Littéralement. J’suis admiratif, alors je siffle pour marquer l’coup.

« Et ben, j’en connais pas beaucoup qui tiendraient comme ça, même dans la Garde d’Allange. Surtout dans la Garde d’Allange, à vrai dire... »

Le bout d’femme accepte mon offre. Bien. Au moins elle est pas aussi inconsciente que bornée, c’est déjà un bon point pour elle. Je saute de ma barrique pour atterrir sur mes pieds, et j’commence à m’approcher d’la chariote, l’air de rien. Un ou deux regards de travers m’sont adressés, mais fixent vite leurs pieds en avisant l’éclat du métal froid qu’je tiens en main. Pas question d’me laisser redire par deux couillons affamés qu’ont rien pigé à la situation et veulent juste s’remplir la panse à tout prix. Ceux-là, tant qu’ça dégénère pas, j’peux en faire mon affaire, les t’nir en respect, j’pense. Les deux-trois gaillards qui sont pas là pour sa poiscaille ont l’air du genre plus coriace, par contre. Ça va d’mander un peu plus de finesse pour les envoyer caguer sans qu’coup férir, mais pas impossible. Suffit d’savoir comment manier ces lourdaux-là.

*SBAFF*

J’ouvre bien grandes mes mirettes pour m’assurer qu’j’ai pas la berlue. Par les mamelles d’Anür, mais qu’est-ce qu’elle vient d’me faire la poissonnière, là ? Non non, j’rêve pas, elle vient d’aviser le balourd l’plus proche et d’l’aquiger avec une de ses plus grosses poiscailles. Une belle avoinée, pour sûr, d’autant que l’drôle s’y attendait pas, mais là j’doute pouvoir régler ça sans larder un quidam, maint’nant qu’elle les a ben échauffés. D’ailleurs, on dirait qu’c’est l’signal de départ d’une razzia sur la charrette, les apeurés se sentent pousser des ailes avec l’effet d’foule. Il est temps d’faire retomber la température ici-bas. Bon. Plan B.

J’avise un des couillons qui restent concentrés sur la vendeuse plutôt qu’son stock, du genre pas trop attentif à c’qui l’entoure quoi, encore un génie qu’aligne plus deux mots dès qu’il voit une blonde. Facile à r’pérer, vu qu’il se baisse pas pour prendre sa part dans la cargaison. Pas très fute-fute, le bige. D’apparence aussi peinard que possible, j’me faufile dans la cohue, atterrissant juste à ses côtés. Et j’tente de lui larder l’ flanc, du genre « cadeau d’la maison », avant d’reculer.

C’qui a d’bien avec les plans sans accroc, c’est qu’ça s’déroule toujours comme prévu du début à la fin. Mais là c’en est pas un d’plan sans accroc. Loin d’là, j’dirais, même. D’une le gars tourne la tête au dernier moment et m’fixe. Pas terrible niveau discrétion, mais bon, il a pas l’air d’réagir, donc la lame part, direct entre les côtes. Enfin
aurait dû partir, parce qu’au dernier moment un môme affamé m’fonce dans les pattes et manque me faire cabaner. C’qu’est sûr, c’est qu’mon coup a pas touché au but, loin d’là. Le bige avise l’acier, mais n’a pas l’temps réagir alors qu’un mouvement d’foule nous sépare. Encore heureux pour moi. Bon, lui pense moins à la fille, pour sûr. Objectif à moitié rempli, on va dire ?

J’me laisse porter par la marée humaine, qui m’amène rapidement vers la carriole, et l’type le plus avide. J’essaie d’barboter que’ques poissons pour les lancer dans la foule et créer un mouvement inverse, mais peine perdue, à peine j’arme le bras qu’ma paluche s’retrouve vide comme ma caboche un lend’main d’biture. Merde. J’improvise.

J’passe par-dessus la carriole, franchissant les trois pas qui m’séparent du lourdaud entreprenant, encore un peu sonné par le coup qu’il a r’çu. Un instant plus tard le pèlerin dit bonjour à cinq pouces d’acier entre les côtes. Il tousse et s’écroule. J’recule d’un pas en direction d’la charrette, me rapprochant d’la fourgueuse de fretin. Le pote du type qu’j’ai planté semble avoir suivi l’manège, et gueule à un troisième larron que’que chose du genre
« il a lardé Jeannot, l’affreux ! ». C’qui a pour effet d’faire paniquer une partie d’la foule, qui reflue dans les ruelles attenantes. Et d’mettre en évidence les deux péquenots bien campés sur leurs pieds, qu’ont sorti leurs saignoirs respectifs, la mine patibulaire, alors qu’ils dépassent le troisième larron, affalé dans la fange, le souffle court. Faut dire, une lame dans l’poumon ça aide guère, en général. L'affreux. J'le r'tiens, l'corniaud, il perd rien pour attendre.

J’avise vite faite la jeunette, qui tient encore bien fermement sa poiscaille, et semble peu décidée à filer dans les ruelles sans d’mander son reste. C’est qu’elle a l’air d’y t’nir, à sa cargaison…


« Trop compliqué d’attendre, hein ? Avec tout l’bordel qu’tu m’as fait, les tarifs viennent de flamber, ma chérie. Et pas sûr que d’l’oseille en bonne et due forme suffise. Mais on taillera l’bout d’gras une fois sortis d’là. Tu peux pas lâcher ta carriole, qu’on décanille à toute bringue ? Ils m’plaisent moyen, tes prétendants. Et manquerait plus qu’le Guet rapplique, même si c’est pas fréquent par ici.»
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Mariotte
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyDim 6 Mar 2022 - 21:55
C'est un foutoir monstrueux autour de ma charrette, vraiment j'comprends pas pourquoi c'genre de choses m'arrive tout l'temps, j'crois bien qu'j'ai la poisse et je devrais ptêt aller au temple plus souvent, parce que les dieux m'ont clairement pas à la bonne.

J'essaie d'écarter les mendiants d'ma charrette en gueulant et en tirant les bouts d'tissus qui m'viennent en main, mais rien à faire, j'crois bien que c'est foutu. J'ai à peine le temps de m'dire ça qu'j'entends qu'ça gueule encore plus fort à côté, je m'redresse et je vois l'escroc qui m'parle de partir ! Partir ! Il réclame un paiement et après il me demande de partir ! On marche sur la tête, c'est moi qui vous l'dis ! Mais... Mais il a pas tort c'te pendard, si la milice arrive, je sens qu'ça va pas m'plaire, oh ça non, et quand je m'retourne, que je vois qu'les deux gars ont sorti leurs couteaux, j'sens aussi qu'ça va encore mal se finir cette histoire. Alors quitte à fuir, j'décide de tout faire pour sauver ma charrette, et j'leur balance une dernière provocation, histoire d'êt'sûre qu'elle sera pas transformée en p'tit bois pour chauffer ces couillons-là.

- Ouais, si vous voulez mon cul v'nez l'chercher, raclures de barques mal dégrossies !

J'ai pas attendu la fin d'ma tirade pour relever le bas d'ma robe d'une main, et j'décampe sans plus attendre dès qu'j'ai fini. La peur m'fait pousser des ailes faut croire, j'crois bien qu'j'ai rarement couru aussi vite, quoique, j'suis pas sûre, ya bien la fois où des fripouilles en avaient voulu à ma bourse, ou à aut'chose, je m'souviens plus, et surtout on a pas trop eu l'occasion de leur d'mander, mais bon, ça, moi, j'demande pas toujours aux gens c'qu'ils veulent hein, souvent c'est pas des choses jolies jolies alors pourquoi que j'prendrais l'temps de d'mander, vraiment ça n'a ni queue ni tête de vouloir savoir ce genre de choses, et moi j'aime pas trop ça m'poser des questions.

J'ai pris la première ruelle venue, sans m'soucier de savoir si Gros-Pif me suivait ou pas, son couteau est bien pratique mais j'ai peur qu'il ce qu'il va me d'mander en échange, alors si je le semais par la même occasion, ça m'arrangerait sacrément. Encore une fois, ces gars-là sont bien plus grands qu'moi, alors va falloir êt' malin. Et surtout, savoir où j'vais... Sauf que j'connais pas bien le Goulot, c't'un trou à rat où j'évite de m'montrer, justement pour éviter ce genre d'emmerdes puantes. Faut qu'j'arrive à me rapprocher des quartiers que j'connais. Par chance, je sais qu'ici ça mène tout droit à la grand'rue des Hytres... Le hic c'est que, une ligne droite, ça n'arrange pas mes affaires du tout. Et si j'tourne dans une impasse, je suis foutue. Alors j'continue à courir aussi vite que j'peux, mais je sens une boule très désagréable s'former au creux d'ma poitrine, ça s'rait trop con d'finir comme ça dans une ruelle pour deux abrutis dégoûtants, et surtout mourir pauvre, ah, ça non, j'veux pas ! Par chance, allez savoir pourquoi, ptêt que les dieux m'en veulent pas trop, ya un attroupement au milieu de la rue, je fonce dedans, me faufile entre les gens, bouscule le troubadour d'un coup de hanche et poursuis mon chemin en attirant moultes vociférations. J'espère bien qu'pendant qu'ils seront occupés à m'gueuler dessus ils bloqueront le passage aux suivants. Avec un peu de chance, ils les lyncheront ptêt aussi tant qu'à faire ?
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Eumond BellegueuleAssassin
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyLun 7 Mar 2022 - 22:45
Un temps j’me d’mande si elle entrave que’que chose à c’que j’lui dis, alors qu’elle reste à vainement r’pousser les affamés pour protéger sa poiscaille, alors qu’les lourdauds commencent à s’rapprocher dangereusement. Elle a pas froid aux yeux, pour sûr, mais ce s’rait presque à croire qu’elle attend d’pied ferme les balèzes avec leurs coutelas, armée d’sa gouaille et d’son fretin !

Au dernier moment c’pendant elle aguiche les lourdauds avant d’décaniller, filant comme une flèche en direction d’une ruelle plus éclairée. Ni une ni deux j’me lance à sa suite, pas question d’moisir ici en risquant d’me faire trouer juste pour ses beaux yeux – voire même dans c’cas précis pour sa carriole puante -, j’voudrais pas rester sur l’carreau plusieurs jours et louper du turbin avec la Mahaut. Les contrats qui nous concernent sont pas les plus fréquents, on est plusieurs à transiter par l’échoppe d’la couturière, alors c’est au plus leste pour choper la besogne qui s’présente le premier. Juste avant d’filer, quand même, un dernier cadeau au bige qui m’a dans l’collimateur. J’me baisse pour tâter la boue à mes pieds, cette fange qui schlingue bien, que j’saisis à plein gant, et lui en barbouille la face allègrement, tout en esquivant au dernier moment sa lame qui prenait une fâcheuse direction, avant d’décaniller.

Tout ça pour dire qu’si la donzelle est vivace, j’suis pas en reste, dans l’idée faire aussi gaffe à mon cul qu’au sien. J’la vois foncer sur un des passages les plus larges du Goulot, direct vers Bourg-Levant. Etiol l’étouffe ! J’peste en essayant d’suivre son train, qu’est sacrément rapide, la bougresse ! Elle s’faufile tantôt à gauche, tantôt à droite, c’qu’est pas une mauvaise façon d’faire, mais… Trop droit. Trop évident. Et si elle croit qu’des gars dans c’genre vont s’arrêter au bout du quartier, elle s’fourre le doigt dans l’œil jusqu’au derche. S’ils arrivent à la suivre, même s’ils agissent pas sur l’moment, elle est grillée.

J’la vois bousculer un bêleur et son trèpe agglutiné autour, belle manœuvre ! Qui m’fournit la diversion attendue. J’glisse à sa suite juste avant qu’la foule se r’ferme, le temps qu’elle a perdu à s’frayer un chemin m’permet d’clore l’écart, et d’venir choper son poignet pour la tirer dans une ruelle juste après l’attroupement.


« Par là, s’tu veux bien arrêter les conneries deux s’condes. »

Sans attendre sa réponse, j’l’entraîne dans des venelles plus sombres, moins fréquentées, et lui fait rapidement passer une porte, après deux croisements. Pour atterrir dans une pièce enfumée, sentant l’graillon, la crasse, la bière frelatée, un peu l’moisi aussi, et un fond d’gerbe, pour être honnête. Probablement un des pires bouges d’la cité, pour sûr, mais sans doute là où les autres l’attendront la moins, donc l’un des lieux les plus sûrs pour elle à c’t’heure. Enfin, pour que’que minutes, pas plus, le temps qu’certains réguliers des lieux avisent son minois et décident d’agir.

Mais là, on a un peu d’temps pour souffler, alors j’plante mon r’gard dans çui d’la drôlesse, ahanant que’ques instants avant d’me r’mettre. Sans lui lâcher l’poignet, faudrait pas qu’elle s’carapate encore dans la mauvaise direction ! Puis j’m’adresse à elle, passablement bassiné par la situation, mais j’me dis qu’elle y est pas pour grand-chose, dans l’fond. C’est juste parti du fait d’afficher son minois au Goulot, c’qu’était pas une brillante décision, au départ.


« Une belle foulée, pour sûr. Mais t’aller filer en vitesse vers chez toi non ? C’genre de gars t’aurait pas rattrapé, j’dirais, juste suivie d’loin, tant qu’tu files en ligne droite, le temps qu’tu t’rassures d’plus les voir, et d’aviser ensuite où tu crèches. Pour rev’nir plus tard, en ayant ameuté tout l’troupeau. Et là… en tout cas, c’est c’que j’aurais fait à leur place. Alors qu’là, ils viendront pas t’chercher d’sitôt. Bon, en même temps on va pas rester ici longtemps, j’crois, s’tu veux pas avoir d’aut’ drôles après tes miches. On va passer par derrière, d’accord ? »

J’relâche seulement maintenant ma poigne, en lui indiquant la porte du fond. J’lâche une cuivrée au tenancier au passage, qui opine du chef. L’habitude. Il nous a pas vu, et il rabattra son caquet au soulard qu’aurait envie d’l’ouvrir en cas d’question. Une fois d’nouveau dehors, j’hausse un sourcil en proposant une idée qui vient d’me traverser l’esprit.

« Si on s’y prend dare-dare, on pourrait presque récupérer ta charrette, si elle est bien lège maint’nant. En coupant par les contre-allées, tu d’vrais pouvoir ensuite r’joindre le quartier d’la milice, histoire de souffler un peu, et t’faire oublier. »

La pression retombant un peu, je tâte un peu mon flanc droit d’où diffuse une sensation de chaleur étonnamment familière. Et merde. C’est pas très profond, mais ça commence à élancer, et à teinter ma chemise sous mon cuir. J’essaie d’appuyer discrètement ma main d’ssus pour faire un peu pression, le temps qu’ça s’tarisse un peu. P't-êt' il faudra qu'j'aille faire r'coudre ça par Mahaut tantôt.


« Du coup, tu veux faire comment ? Oh, et pour le prix, vu qu’j’ai p’t-êt’ été mêlé à la perte de ton gagne-pain du jour, j’me doute que t’auras pas d’quoi allonger l’artiche dans l’heure. Mettons qu’tu m’devras un service, sans poser d’question, l’moment v’nu.»
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Mariotte
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyMar 8 Mar 2022 - 21:58
J'sens tout à coup qu'on m'attrape le poignet, par réflexe je tire, mais la poigne est sacrément ferme, puis avant que j'me mette à hurler je vois qu'c'est Gros-Pif, alors je ferme ma gueule et j'le suis. J'l'aime vraiment pas lui, pas efficace pour un rond, puis l'a l'air taiseux et j'aime pas ça non plus, mais dans c'genre de situation faut croire que j'ai pas trop l'choix, alors j'le suis jusque dans une foutue taverne qui pue encore plus que la Sardine Souriante, c'qu'est pas un mince exploit si vous voulez mon avis, parce qu'là-bas ya des chiures de rats un peu partout, alors j'ose pas imaginer c'qui sent comme ça ici, j'aimerais pas y traîner trop longtemps surtout que...

- Ya pas d'temps à perdre à v'nir boire des bières dans une situation pareille ! C'est bien les hommes ça, comme si qu'l'alcool allait régler tous vos problèmes ! j'arrive à lui souffler entre deux respirations. J'sens déjà mon coeur qui s'calme et mes pieds qui trépignent de r'partir au plus vite, mais c't'imbécile me tient encore le poignet.

- Vers chez moi ! T'm'as pris pour un oisillon d'la dernière pluie ou quoi vieille carne ? J'ai fait l'erreur une fois, j'recommencerais plus jamais ! T'sais, ya des gens qui font bien plus peur que toi et...

Oh ! Il vient de m'lâcher et de m'indiquer une sortie ! J'prends pas l'temps de continuer à lui r'monter les bretelles, parce que moi j'veux juste me tirer d'ici et plus jamais revoir sa trogne, ni celles de ses collègues qui nous courent après. J'pousse la porte sans attendre, mais j'reconnais toujours pas la ruelle, j'suis paumée. Quel quartier d'merde pour les affaires, j'ai pas d'aut' mots ! Puis, j'ai beau faire la maligne, j'en mène pas large, alors j'préfère causer, parce qu'au fond, j'sens bien que je suis pas dans une bonne situation du tout, il m'fait un peu peur tout d'même c'te gars-là. Un truc dans sa dégaine qui m'dit qu'il aurait autant d'scrupules que moi à m'rouler dans la farine quoi. Et encore, m'rouler dans la farine c'est une expression, j'veux dire par là qu... Soudain j'ai l'oreille qui s'dresse en entendant le mot "charrette". Il a une solution, il connaît l'quartier... Alors même si j'fais la grimace quand il m'parle d'la milice, j'hésite pas une seconde avant de hocher la tête vigoureusement. Il est p'têt pas si inutile au final !

- T'admets qu'c'est toi qui m'as fait perdre mes poissons, j'aime ça. Tu t'doutes bien que...

Et merde. J'dois encore compter sur lui pour retrouver ma charrette, c'est p'têt pas l'moment de discutailler le prix. Pis, tant qu'il croit que j'peux lui payer ses services, il m'fera pas d'mal. Je crois. Sinon... Alors j'préfère le laisser croire... Des choses.

- 'Fin ouais. Pas d'oseille de suite, un service plus tard. Ça m'va. Bon, tu fous quoi à t'tâter là, t'es trop vieux pour courir c'est ça ? C'est terrible d'vieillir, on perd son souffle, pis on perd ses dents, après c'est les yeux, on s'met à puer d'la gueule et on finit par caner tout seul dans sa merde. Faut pas s'laisser aller comme ça, moi j'dis !

J'le laisse me guider jusqu'à la place où j'ai abandonné à contrecœur ma charrette. J'aime de moins en moins c'fichu quartier et je longe les murs, essayant d'me faire aussi discrète qu'une souris, donc j'parle pas, même si ça m'démange furieusement. C'la dit, si j'voulais vraiment passer inaperçue, faudrait que j'me barbouille de gadoue, et que j'déchire ma robe, et p'têt même que j'devrais me faire deux ou trois cicatrices au visage, histoire de m'fondre dans le paysage, mais j'ai certainement pas envie d'ça moi, comment que j'pourrais me trouver un preux chevalier blanc un jour si j'suis défigurée et laide à faire peur ? Non, vraiment, c'est des drôles d'idées qui m'traversent l'esprit, l'est grand temps de mettre les voiles.

On arrive à la place maudite, des sales gosses sont en train d'jouer d'ssus, tout crasseux et maigrelets. Plus d'poissons dessus, plus d'paniers, et ils vont m'l'abîmer ma charrette ! J'les vois sauter dessus, se suspendre aux brancards, faire tourner les roues, j'suis à deux doigts de leur lâcher un chapelet d'insultes, mais vu c'qu'il s'est passé tout à l'heure, j'préfère me ret'nir, alors j'm'arrête là, et j'cogite, c'qui m'demande un certain effort.
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyVen 11 Mar 2022 - 13:20
Toujours ce même foutu caractère de cochon, on dirait, à lancer piques puis m’écouter. Bon le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle a pas les deux pieds dans l'même sabot, pour sûr ! Je siffle entre les dents quand elle jacasse sur l'avinage ambiant. Non pas qu'elle ait tort, en soit. Mais l’entendre piailler dans l’bouge alors que j'veux faire profil bas, ça m'arrange pas des masses. Bon par contre elle a l'air assez dégourdie, au final. Ou tout du moins elle s'est déjà faite traquer jusqu’à sa piaule et semble avoir ret'nu la leçon.

Une fois dans la ruelle, elle est déjà plus réceptive on dirait, surtout quand j’parle de sa carriole. Faut dire que même si elle déboule dehors comme une dératée, elle zyeute partout comme si elle était perdue. Manifestement le Goulot c'est mon secteur, pas l’sien. Même si elle râle encore pour le principe, elle valide le marché et va suivre, c'est l'principal. J'bronche pas quand elle se fout d'ma gueule à tâter mon flanc. Au moins j'suis sûr qu’mes entrailles ont pas été trifouillées par la lame et vont pas tomber pendant qu'on marche. Des tripes d'Eumond à la marbrumiennes, sans façon ! mais y'a quand même un détail à régler avant d’filer par les ruelles.


« Ton nom. Que j'aie pas à faire jouer mes contacts ensuite pour mettre le grappin d’sus le moment v'nu. Et si tu mitonnes, j'te r’trouverai quand même. Et ce sera plus long pour moi, mais plus douloureux pour toi. »

Toujours prendre une assurance, dans un contrat oral comme ça. Parce que si faut que j'passe par la Mahaut, et qu'elle doit elle passer par ses contacts à elle, c’est pas la même histoire. Et y'aurait deux perdants dans l'histoire, c'qui m'emballe guère.

On file ensuite dans une enfilade d’allées et venelles plus glauques les une que les autres, sans filer en ligne droite évidemment, histoire de pas croiser d'mauvais bougres et d’éviter qu'on nous colle au cul sans effort. Manquerait plus d'avoir fait tous ces détours pour que pouic ! Mais à c't'heure ça a l'air d'aller, que’ques matois nous a visent au passage, parce que la paire doit détonner, mais dans plus. Et pour les plus hardis, leur reflet dans ma lame mi-défourraillée les refroidit vite fait.

Une fois arrivés à destination – ou rev'nus au point d’départ, selon comment on voit les choses – on voit vite fait que sa charrette a tenu l'coup, même si elle a cabané sous la foule. Et que des mômes l'ont investie comme leur nouvelle place-forte, et sont en train d’en tester la résistance de toutes les manières possibles, les sales gosses. La poissonnière, elle, elle l’ouvre pas, étonnamment. D'ailleurs elle a presque pas causé du trajet, c'qui paraît étrange quand j'pense à nos premiers échanges. En soit ça m’arrange, remarque, mais j'peux pas m’empêcher d'lâcher un sifflement appréciateur.


« Ben on dirait bien qu't'entraves vite, en fait. Dans l'Goulot si tu jactes t’attires l’attention. Et si t'as pas d’quoi faire retomber les ardeurs, ben… tu t'fais bouffer par plus vigoureux, ou tu d’décanilles. »

Je sors rapidement ma dague, que j’lance en direction d'la carriole de la rouquine, en gueulant un bon coup.

« Bon les chiards, la fête est finie, r'tournez mendigoter pour vot'quignon ailleurs, plutôt qu'balocher comme des nobliauds qu'ont rien d’autre à fout' ! »

Le fer, y'a pas à tortiller, ça cause toujours à tout l’monde. Ma lame va s'ficher dans l'bois avec un bruit sourd, et mon bagoule achève de convaincre les mômes de décamper. J'avance pour récupérer ma dague et la renfourrailler à sa place. Puis j'regarde un peu la petiote inspecter sa charrette et essayer d'la remett' dans l’bon sens, avant d'lui filer un coup d'paluche dans son entreprise.

« Bon, prête à faire le grand tour ? Et par où du coup, la Milice ou l'Port ? Ou ailleurs, pour c'que j'en sais. »

J'attends d'avoir sa direction pour commencer à la guider en continuant que'ques détours, histoire d’éviter le grabuge. Faudrait pas retomber sur les costauds d’tout à l'heure, tant qu’à faire !
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Mariotte
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyVen 11 Mar 2022 - 17:26
J'ai un p'tit moment d'hésitation, mais alors petit hein, parce qu'il y a pas à tortiller en fait.

- Moi c'est Mariotte ! T'as jamais entendu parler d'moi ? D'où tu sors mon gars ? La Vive qu'on m'appelle parfois, parce que j'te pique sans qu'tu l'viennes voir ! Et toi ? Parce que ça marche dans les deux sens Gros-Pif, ta figure elle est facile à r'connaître de toute façon, et moi aussi j'ai quelqu'contacts si tu veux tout savoir, même si ça y paraît pas parce que j'suis sacrément maligne, tu sais ?

Toute façon, pas l'choix, pis on verra bien pour le paiement, il oubliera ptêt, ce genre de gars-là ça en a pas beaucoup dans l'ciboulot, comme les poissons, suffit d'agiter un hameçon avec un asticot et ils changent d'idées aussitôt.

'Fin bon, malgré tout, j'dois bien admettre qu'il est efficace et qu'il connaît l'quartier. Quelqu'un qui sait s'faire respecter quoi, ça j'aime bien, m'serait presque sympathique s'il en avait pas après mes sous. Arrivés sur la place maudite, pas b'soin de m'casser la nénette des heures, il met un terme aux piaillements des gosses en un seul lancer de dague, ça m'coupe la chique. Un gars utile, pour sûr. N'empêche que ses honoraires, ils m'font sacrément peur. Alors j'évite de lui dire quoi qu'ce soit et j'm'en vais remettre ma charrette droite en pestant.

- Le port hein ? C'pas plutôt toi qu'essaierais de m'faire dire où que j'habite ? Non, non, non, direction la caserne, t'façon j'ai plus aucun poisson, on pourra rien m'dire ! Non parce que tu sais, les miliciens, hein, yen a des pas finis, comprennent pas qu'les affaires, c'est les affaires ! Bon, c'par où alors ? J'me débrouillerais bien toute seule mais puisque t'es là j'vais pas m'en priver.

J'me mets à le suivre en poussant ma charrette, pis soudain, alors qu'on commence à s'éloigner de la place, un éclair de génie me saisit. J'me mets à le dévisager d'un air suspicieux.

- Mais dis donc... Tout ça, ça m'paraît trop gros. Tu renverses ma charrette, et comme de par hasard, v'là ces gars qui se pointent. Comment que j'peux savoir qu't'es pas associé à ces truands là ? Si ça s'trouve vous avez monté toute l'histoire juste pour m'faire cracher mes sous ! Si j'en avais, bien sûr... C'est... C'est de l'extorquation ! J'pourrais bien t'dénoncer à la milice pour ça tu sais ? Oui oui, c'est arrivé à c'pêcheur, là, François qu'il s'appelait j'crois bien, l'avait un gros bateau, pis des p'tits gars pour la pêche, et yen a un des deux qui s'est imaginé qu'le François il gagnait gros, alors il a fait toute une histoire avec la gamine d'son patron puis une histoire de gosse et d'couteau, j'ai pas tout bien compris, mais c'qu'est sûr c'est qu'maintenant le gars il est en prison et l'François il est sacrément riche et sa gamine elle est mariée à l'aut' pêcheur. Ouais, essaie pas d'me faire le même coup, parce que moi aussi, j'ai l’œil !
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Eumond BellegueuleAssassin
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyVen 11 Mar 2022 - 22:50
J’peux pas m’empêcher d’lâcher un grognement après sa fanfaronnade, genre « la drôlesse est une figure locale ». Qu’est-ce que j’en sais, moi, qu’la p’tite poissonnière elle est connu d’un ou deux péquenauds ? Et qu’est-ce que j’m’en carre, aussi ? Au final, ça m’fait une belle jambe d’apprendre ça. Et le surnom finaud qu’elle pense m’avoir trouvé arrange rien. C’est qu’elle s’croit spirituelle, la p’tiote, par les balloches ratatinées d’Etiol ? J’éructe bien avant d’cracher au sol un bon glaviot des familles.

« Si tu l’dis. Moi c’est Eumond. Mais si tu m’cherches, tu peux toujours demander Bellegueule. Ça marche aussi. Et c’est bien plus cocasse, non ? »

J’lâche un bref sourire goguenard. Ce surnom qui m’suit depuis que’ques années, j’l’ai haï. Vraiment. Mais une fois qu’j’en ai pris mon parti et qu’j’ai commencé à en jouer, ça a rendu les choses bien plus simples. Faire rire soi-même plutôt qu’laisser rire de soi. En plus, ça a tendance à rendre les gens moins méfiants. Alors pourquoi s’faire suer à effacer un nom pareil, quand ça peut même servir au taff ?

Proposant deux trajets différents parmi d’autres pour sortir du Goulot, j’vois qu’elle tique, sans trop comprendre pourquoi. Faudrait voir à c’qu’elle commence pas à trop m’prendre le chou, la rouquine, là.

« J’ai dis où qu’tu veux y’aller, ma mignonne, j’cherche pas à jouer les rabatteurs. Donc si c’est chez les bleus, c’est chez eux, pas d’blème. En route. »

Et voilà qu’deux rues plus loin elle r’met ça. Genre elle vire parano, mais sévère. Comme si j’étais d’accointance avec les aut’ lourdaux, alors qu’on s’est lardé l’un l’aut’ ? Elle entrave que dalle à la situation, la matoise. Ça commencerait à m’les briser sévère, par les Quatre !

« Rikni m’les bouffe ! Si c’était pour tirer du jonc d’tout ça, tu crois qu’tu s’rais encore en train d’gambader avec ta carriole, là, plutôt qu'attachée d'ssus à attendre le client suivant ? Ou qu’j’aurais laissé l’aut’ larder mézigue ? ça sert à quoi, l’oseille, si j’canne dans l’affaire ? En plus de pas avoir un poil de flair pour supporter l’infection ambulante de ta charrette et sa cargaison t’es bouchée ? Franchement, tu tiens vraiment à tes miches, pour m’faire suer comme ça alors que j’t’oriente à travers le Goulot ? M’poucave aux gardoches, t’en as d’autres des bonnes comme ça ? Qu’t’as pas l’air de bien piger la fleur que j’te fais, là, à pas t’planter là dans l’instant. On a passé un marché. Chacun sa part à faire. Et moi j’respecte les marchés. Toujours. Maint’nant si tu veux rev’nir d’sus, j’peux filer, hein. Et rapp’ler les aut’, qui s’f’ront un plaisir de t’retrouver, et d’oublier nos p’tits différents, tous en chien qu’ils s’ront rien que d’revoir ton p’tit minois. C’est comme tu veux, ma belle ! »

J’suis à deux doigts d’mettre mes menaces à exécution. Mais une vague impression, un p’tit que’que chose me r’tient encore. Maint’nant, si elle m’envoie encore caguer sans détour, ben j’vais pas non plus la t’nir par la main jusque chez les bleus pour ses beaux yeux !
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Mariotte
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyLun 14 Mar 2022 - 21:53
Bellegueule. C'nom lui va bien ouais, mais c'est l'genre de nom qui m'fait pas sourire, surtout quand on m'l'annonce avec un sourire comme ça. Fait plus peur qu'aut'chose si vous voulez mon avis. Puis d'un coup, allez savoir pourquoi, il s'met à craquer ses braies et à s'énerver. Ça, j'm'en fiche un peu, c'pas la première fois qu'on m'dit d'la fermer parce que j'parle trop, comprenez, yen a beaucoup ils veulent juste rester dans l'silence parce qu'ils savent pas causer et s'montrer polis alors ils vous disent de pas tant causer puis eux-même ils s'taisent et là, ça d'vient triste à mourir, on s'ennuie, on fait son boulot sans rien dire, 'fin bref, c'pas une vie quoi.

Mais dans tout ça, c'qui m'fait vraiment peur, c'est quand il menace de m'attacher à la charrette et d'rappeler les autres, ça, j'ai la chair de poule. Alors j'la ferme, et j'continue à avancer en silence, même si j'peux pas m'empêcher d'faire la moue. L'est pas méchant c'te gars-là, au fond, on est pareils lui et moi. A quelques p'tites choses près, et c'est bien ça qui m'fait l'plus peur. Respecter les marchés, à d'autres ! Un marché, c'est toujours en l'avantage du plus offrant, et pour l'instant, j'ai pas un rond sur moi, 'fin, à part deux sous et un quignon d'pain que je réservais pour le troc, mais j'ai plus d'poissons ! J'ai bien mes couteaux et ma charrette, mais ça, faudra m'passer sur le corps pour que j'les cède, foi d'poissonnière ! Alors, histoire d'assurer l'coup autant que possible, j'marmonne tout bas :

- Ouais, c'est bon, j'vais pas te balancer d'toute façon. Les verts, c'est qu'des embrouilles. Pas foutus d'bien faire leur boulot.

Et puis j'continue à le suivre en silence, ou à peu près, parce que faut dire que les roues en bois c'est pas discret discret comme bruit, même dans la gadoue des ruelles du Goulot. En silence, mais seulement pour un moment, parce que ça m'turlupine beaucoup tout d'même.

- Dis donc... Quel genre de service qu'tu pourrais bien vouloir me d'mander ? Pas que j'peux pas en rendre, loin d'là, mais j'me demande quand même... Ptêt bien que quelques piécettes feraient l'affaire à la place, non ?
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Eumond BellegueuleAssassin
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyMar 15 Mar 2022 - 22:50
J’crois qu’mon coup d’sang la calme un peu, parce qu’elle pipe mot pendant tout un temps par la suite. Mes esgourdes la bénissent alors et commencent à s’remettre un peu, pendant qu’on enchaîne plusieurs ruelles, en évitant les axes les plus bondés, et les plus directs, mais comme j’pouvais l’escompter ça dure pas. A croire qu’elle a b’soin d’babiller pour s’assurer qu’elle est en vie, la drôlesse ! Cette rouquine a l’air d’avoir un peu d’jugeotte, finalement. Au moins elle a bien pigé qu’on peut pas s’fier à ces trouffiers, mais j’lui dis pas que j’sais ça en connaissance de cause.

« Ouais. T’façon ces trouffions, c’est soit des vieux bricards magouilleurs, soit des bleu-bites frais et nigauds. Y’a pas grand monde correct dans l’lot. »

Le silence retombe pendant que’que temps encore après, où elle a pas tort de pas moufter quand j’vois ceux qu’on croise. Attirer leur attention en braillant ce s’rait pas l’meilleur plan dans l’coin. On commence à s’rapprocher d’la caserne quand elle s’décide enfin à discutailler prix. Çui d’mon aide tantôt. Une question avisée, qui montre une fois d’plus si b’soin était qu’la petiote en a dans l’ciboulot. Ouais, clair qu’elle pourrait avoir son utilité dans l’futur, si j’l’effraie pas trop. Voir qu’on pourrait y trouver tous deux not’ compte, selon.

« Ecoute la Mariotte, j’vais pas t’conter des craques. Avec ton minois altèque et ta gouaille de refourgueuse, j’pourrais avoir b’soin d’un coup d’paluche d’une manière ou d’une autre dans l’exécution d’un contrat à v’nir. Ça pourra être des infos à un moment donné. Ou ta charriote au bon endroit au bon moment. Allez, p’têt’ un peu d’gringue à un planton, une fois, à la limite. Mais j’te d’manderai pas d’trousser tes jupes pour mes mirettes. Enfin j’pense pas. Et si vraiment c’était un gros service par rapport au jour d’hui, ben… on verrait.»

On prend à un dernier croisement, et v’là qu’on est en terrain plus calme. Vraiment pas loin d’la caserne. P’t-êt’ un poil trop pour moi, d’ailleurs, mais bon, j’ai pas fait d’grabuge récemment donc ils devraient pas m’avoir trop à l’œil j’crois. On peut même aviser un ou deux gusses en t’nue au bout d’la venelle, en train d’piétiner. J’la stoppe d’un geste et j’lui montre.

« Tu vois, j’t’avais dit jusque chez les plantons, les v’là dans l’coin. J’renie pas les marchés, sinon qu'Etiol m’bouff’rait les entrailles. Et qu’Serus me conchie aussi si c’était l’cas ! Parce que dans l’métier, si tu t’tiens pas aux marchés et aux contrats, tu r’poses p’us sur rien, on peut plus s’fier à toi, et t’as plus d’turbin. Alors la parole, ça s’tient, quitte à jurer par le con d’Anür si faut ! »

Et un p'tit sourire en coin pour appuyer mes dires, histoire de faire bonne mesure.
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyDim 20 Mar 2022 - 18:11
L'est pas trop causant, pour sûr. Mais au moins maintenant, j'suis fixée. Serait-y un poil honnête celui-là ? Ça m'paraît pas si cher payé par rapport à c'qu'il a pu m'éviter comme ennuis. Mais ça, j'lui dirai pas, d'ailleurs, qu'est-ce qu'il a fait, hein ? Il a provoqué les gars là-bas en en plantant un, puis m'a juste guidée dans l'Goulot en fait. Allez, un peu d’esbroufe en f'sant déguerpir les gamins, mais ça j'aurais pu l'faire toute seule aussi. Non, vraiment, j'lui dois pas tant qu'ça, mais ya quand même quèqu'chose qui me retient de marchander, et j'ai du mal à m'retenir de sourire.

- T'as pas les yeux dans ta poche hein ? J'sais bien que j'suis jolie, mais ça m'fait plaisir qu'il y a encore des gens honnêtes pour le reconnaître ! J'suis sûre qu'ta figure doit ouvrir pas mal de portes aussi, Bellegueule...

Par contre, ça lui ouvrira certainement pas les cuisses des donzelles. Ptêt que s'il causait un peu plus... Mais tout à coup, mon oreille se tend.

- Qu'est-ce t'as dit là ? Avant d'parler d'Serus qui chie et d'jurer par Anür ? Etiol, Etiol, Etiol, ça m'dit bien quelque chose... Foutrebleu ! Ce serait-y pas l'dieu des étrangers ? Ou...

Ou pire ! Les sectaires ! Nom de d'là ! Faut faire quelque chose ! On peut pas l'laisser en liberté çui-là ! Oui, oui, une pendaison, propre, vite fait, bien fait ! En plus, ça m'arrangerait bien de pas avoir à remplir ma part de son foutu marché à la mords-moi-le-noeud, comme s'il les respectait à la lettre, m'a pris pour qui encore... Mais c'est pas la question. J'vois bien qu'il y a deux verts là-bas, au bout d'la rue, alors sans réfléchir, j'ouvre grand la bouche pour m'mettre à gueuler.

- Ya un foutu hérétique par ici ! V'nez l'prendre avant qu'il s'enfuie c'te gougnaffier d'gros pif !

Bien sûr, moi j'fais pas l'moindre geste pour l'arrêter, chacun son boulot, j'suis déjà pas bien sûre d'avoir eu raison d'gueuler publiquement comme ça, ptet que j'aurais dû l'dénoncer en secret mais comme j'suis pas bien sûre de l'recroiser non plus... D'ailleurs, après ça, j'ai ptet même tout intérêt à plus le recroiser du tout, comme l'aut' espèce de chevalier d'l'aut' jour. J'veux d'mal à personne moi, mais j'me r'trouve toujours dans les ennuis ! Misère !


Dernière édition par Mariotte le Sam 26 Mar 2022 - 20:30, édité 1 fois
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Eumond BellegueuleAssassin
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MessageSujet: Re: Le nez dedans, on relativise toujours [terminé]   Le nez dedans, on relativise toujours [terminé] EmptyVen 25 Mar 2022 - 18:12
La v’là qui s’sent flattée d'mes palabres, à croire que j'ai touché une corde sensible. Comme quoi parler du minois ça paye, même si c’était qu’un point dans tout mon topo. J’espère quand même qu’elle en a ret’nu une partie, parce que j’manquerai pas d’le lui red’mander, son service. Mais voilà qu’elle parle plutôt des portes que ma trogne à moi ouvre. Ça décroche un léger sourire goguenard, parce qu’elle croit pas si bien dire.

« Pas les mêmes que la tienne, en tout, ça c'est sûr ! »

Puis la v'là qui s’tend à nouveau alors que j'l'assure d'ma bonne foi pour respecter un marché, si c’est pas croyable ça ! A croire qu'elle est dans sa mauvaise période, la drôlesse ! Elle m'avait pas paru si prude jusque là, pourtant. C’pas comme si j’blasphémais comme un Fangeux, quand même ! Ça m'défrise la raie quand elle s'met soudain à brailler et s'agiter en direction de deux plantons postés un peu plus loin, alors j'essaie d'la bâillonner pour la faire taire et la ram’ner à la raison. J’viens quand même de lui sauver ses miches, à l’aut’ couillonne ! Mais la petiote est plus vive qu'une anguille, plus glissante que ses maudites poiscailles, et s’faufile entre mes pognes pour partir en direction des gardes, en continuant à bêler comme un âne en rut.

Je peste en tentant de la rattraper avant qu'elle attire les troufions, mais c’est peine perdue, v'là qu’ceux-là avisent mézigue et commencent à m’prendre en mire et s'rapprocher. Pas vite, mais ils ont l’air de pas m’lâcher. Alors j’gueule un bon coup à l’aut’ chieuse avant d’décaniller.


« S’pèce de béni oui-oui coincée du cul, vous êt’ bien tous les mêmes, vous-aut’ marbrumiens ! C’est pour ça qu’elle pue, vot’ foutue cité ! Crois pas qu’c’est fini, la Mariotte ! Tu m’dois, et j’récupère toujours mon dû ! Et tu viens pas d’arranger les choses, là ! Y’aura des intérêts ! J’te r ‘trouverai ! »

J’crache un bon glaviot par terre histoire de m’donner une contenance, puis j’demande pas mon reste et j’tourne le dos aux bleusailles qu’avancent toujours vers moi. Au rythme auquel ils vont, ils ont pas l’air pressés d’m’alpaguer, c’qui fait bien mes affaires. P’t-êt’ que ma tête leur revient pas, ou p’t-êt’ qu’ils ont bouffé un truc pas frais, genre un poisson d’la gonzesse, et qu’ils sont en train d’ret’nir leur coulante à grand-peine. En tout cas, après un dernier geste du doigt dédié à Etiol en direction d’la gamine j’me carapate dans les ruelles pour rev’nir vite fait dans l’Goulot. Vu leur engouement j’me fais pas trop d’souci, d’ici que’que minutes ils arrêteront d’me filer l’train et j’pourrais rev’nir à mes occupations. Voir passer chez la Mahaut discuter chiffons et contrats. Il s’ra toujours temps d’trouver par où la Mariotte crèche, et d’lui faire payer la note. Elle perd rien pour attendre, celle-là !

Une fois bien planqué, un bon quart d’heure plus tard, j’commence à souffler, et à cogiter sur tout c’qui vient d’se passer. J’essaie d’piger un peu c’qui m’a fait bouger, au tout début. J’arrive pas bien à comprendre c’qui m’a ému, au départ. Et puis à force je tilte. Son r’gard et ses expressions, sa mauvaise foi… tout ça ça m’a rendu nostalgique du bon vieux temps. Mais d’y a vraiment genre, longtemps. La p’tiote, j’crois qu’elle m’rappelle M’man.
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