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 [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil

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AliceBannie
Alice



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MessageSujet: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyDim 27 Fév 2022 - 18:33
Usson, le 17 mars 1167


Alors, nous avons un accord ?

L'air nonchalant, Alice enleva le premier bouton de sa chemise, ses yeux verts plantés dans ceux de son interlocuteur. À gestes lents, mais terriblement réfléchis, elle se pencha un peu plus en avant, un sourire espiègle sur ses lèvres rouge sang. L'homme, âgé d'une trentaine d'années, se contenta de hocher la tête, alors qu'il avait perdu de vue le regard de la bannie, concentré sur un paysage qu'il jugeait plus intéressant. Seul le tambourinement de la pluie contre le toit perturbait le temps suspendu entre Alice et sa victime. L'averse jouait des notes régulières, installait une ambiance sonore que la jeune femme se plaisait à utiliser. Un cadre froid qu'elle s'était fait une joie de réchauffer, d'un sourire trop appuyé ici, d'une pause intelligemment placée là. Et sa partie n'était pas terminée. Elle fit glisser ses doigts sur la table branlante, caressa distraitement la bourse pleine de pièces qu'elle concédait à son partenaire, joua sensuellement avec le lien qui fermait cette dernière... Avant qu'un violent, mais discret coup de genou ne s'écrase contre le sien. Les poings serrés, Talanah lui lançait un regard noir, l'une de ses explicites expressions qui se passait de mots. Alice lui répondit d'un éloquent haussement d'épaules, avant de pousser la bourse vers l'homme et de se relever d'un bond, cassant l'enchantement pour de bon.

Parfait ! Vous avez tout à gagner à prêter votre navire de temps à autre...

Elle lui offrit un clin d’œil ravissant.

D'autres ordres suivront.

Sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, ni sans lui laisser prendre conscience de son nouvel engagement, Alice s'en détourna, Talanah sur ses talons. Derrière elles, la porte de la bicoque claqua, poussée par un vent impétueux. Les bannies eurent tout juste le temps de rabattre leur chaude capuche avant d'être rincées. Elle ferma les yeux et, à la différence de sa comparse qui se protégeait vainement le visage en levant son bras, Alice accueillit avec entrain le déluge qui inonda son visage, s'infiltra dans ses vêtements, refroidit sa peau.

T'es vraiment pas drôle, t'sais, asséna-t-elle à Talanah, sans lui accorder un regard.

Le ciel était noir de pluie ; le soleil, levé depuis peu, n'était pas parvenu à percer cette sombre couverture. Malgré le temps maussade et l'heure matinale, Usson sortait peu à peu de sa léthargie. On entendait les claquements secs du côté de la forge, on sentait les odeurs enivrantes en provenance de la boulangerie et surtout, on percevait déjà les ordres aboyés aux alentours de la caserne – qu'Alice et Talanah prirent grand soin d'éviter. Elles avaient beau ne pas être marquées, il était préférable de faire profil bas ; compromettre leur mission n'était pas envisageable.

Hé ! Me r'garde pas comme ça !

Pour toute réponse, la rousse leva les yeux au ciel avant de croiser les bras sur sa poitrine, l'air mécontent.

Fais pas ta vierge effarouchée ! T'sais peut-être pas parler, mais j'ai entendu dire que tu savais utiliser ta langue...

Elle évita souplement un coup de coude rageur, rit de bon cœur et posa une main amicale sur l'épaule de la muette. Une semaine plus tôt, Griffith l'avait sommée de rallier quelques personnes dont il avait les noms, au prix de quelques pièces appétissantes et de sourires enjôleurs. Si Alice aimait pister un convoi pendant des heures, se dissimuler dans les buissons et attaquer les aventuriers stupides qui y participaient, elle appréciait également ces missions plus personnelles que le maître de guerre lui confiait à l'occasion. Non marquée, elle jouissait d'une liberté dont peu de bannis pouvaient se targuer. Pour l'accompagner dans cette entreprise, elle avait choisi Talanah, l'unique femme de son escouade. Aucune vilaine marque ne gâchait ses avant-bras, et surtout – surtout – elle ne parlait pas. Quoi de mieux pour voyager ?

Par les putains d'Anür, s'écria-t-elle, je crève de faim ! On s'f'rait bien un vrai repas, avant de rentrer, non ?
Pour une fois, les deux comparses trouvèrent un accord et obliquèrent vers l'auberge en pressant le pas.

Proches de la bâtisse pourvue d'un étage, Alice grimaça en notant la fumée qui s'étiolait dans le vent. Avec ce temps de merde, ils ont allumé un feu. Elle s'arrêta, avisa un instant les volutes se disperser sous la puissance de la pluie, perçut le regard interrogateur de la muette.

Quoi ? J'pensais juste...

Avec un peu de chance, c'est seulement dans les cuisines.

Elle crut lire de la pitié dans les prunelles dorées de Talanah, voulut répliquer une remarque bien sentie, mais n'en eut pas le temps. La rouquine ouvrit la porte à la volée, dévoilant une salle pourvue d'un large comptoir et de quelques tables et bancs posés ici et là. La pièce était sombre, faiblement éclairée par l'âtre que le tavernier robuste alimentait de nouvelles bûches. D'horribles crépitements chuchotaient dans l'auberge ; ils se mêlaient aux rares discussions des groupuscules attablés.

Un premier coup d'épaule ne suffit pas à la dépêtrer de son cauchemar, le second l'arracha pour de bon au foyer. Avec insistance, Talanah lui indiquait un homme assis à l'une des petites tables. De petits yeux rusés derrière de vieilles bésicles, des cheveux filasses sur un corps trop maigre... Les bannies le reconnurent instantanément.

Par chance – les Trois, Quatre, Cinq qu'importe – l'avaient placé à l'extrémité de l'auberge. Loin du feu. Parce qu'Alice ne pouvait décidément pas restée planter au milieu de la pièce, elle adopta une démarche sensuelle, apposa de nouveau son masque alors qu'elle laissait tomber la capuche de sa pelisse. Sans s'annoncer, elle s'installa sur le banc en face du Goupil, son menton posé dans ses doigts fins.

Arsène, si j'me trompe pas ? fit-elle, alors que Talanah s'asseyait à côté d'elle. T'était de passage à Ventfroid ?

Les allées et venues du vieux renard entre le village des bannis d'abord, Ventfroid ensuite, n'étaient pas rares.

Comment va blondie ? railla-t-elle, alors qu'elle empruntait une gorgée de la chope du contrebandier.


Dernière édition par Alice le Mer 1 Juin 2022 - 19:06, édité 1 fois
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Le Goupil



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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyLun 28 Fév 2022 - 22:10

« Renart le Renard »
17 mars 1167

Particulièrement courte, la nuit du contrebandier s’était exceptionnellement interrompue de bonne heure, tant il était resté grisé par l’alcool, les jeux et les rires, entretenus jusque tardivement. Après quelques heures de sommeil, il avait dégringolé l’étage de l’auberge avec un certain aplomb, bien décidé à laisser le Labret derrière lui pour poursuivre un périple qu’il adaptait au gré de ses caprices.

Les pires cauchemars du renard n’auraient pu le préparer au déluge qu’il découvrit en ouvrant si volontairement la porte de la taverne. La luminosité, à l’extérieur, demeurait limitée tandis que le ciel semblait incroyablement bas et d’humeur chagrine. Dehors, tout n’était que boue et flaques rythmant un clapotis continuel.

Aussi rapidement dégonflé qu’un soufflet, l’enthousiasme du marchand vacilla devant cette entrée qu’il quitta pour regagner l’intérieur, plus chaud, plus accueillant, plus inspirant pour l’artiste capricieux qu’il était, dans l’attente interminable d’une amélioration. Alors, d’ici à ce que cette lueur d’espoir se profile, le renard entreprit ce qu’il faisait le mieux : boire.

Presque dissimulé dans un coin de l’auberge, où les murs protégeaient son dos et où les ombres le préservaient de bougies et âtres trop radieux pour ses yeux épuisés, le contrebandier vit ainsi défiler quelques individus qui se répartirent fort modestement la place dans des chuchotements quasi studieux. Chaque entrée ne faisait pourtant que rajouter à sa peine : cependant que toutes et tous s'avançaient, ruisselant, Le Goupil se figurait les précieuses minutes perdues si loin d'un lit.

En cela, les deux dernières arrivantes et leurs vêtements trempés et dégoulinants ne changèrent pas la donne. Elles innovèrent néanmoins en s’approchant de lui et lui arrachèrent même un haussement du sourcil droit. Le brigand ne comprit la raison de cette venue que lorsque l’une des deux – la brune – se dévoila.

Assurément, il la connaissait. Mais d’où ? Les paupières du marchand se plissèrent davantage, en quête d’un visage lui ressemblant parmi un océan de souvenirs épars, noyés dans l’alcool. Rien n’y fit, mais la jeune femme l’aiguilla d’elle-même.

— Ventfroid, répéta-t-il dans un murmure.

Inspiré par l’emploi d’un nom suranné, le sourire du roublard étira ses lippes. Des bannies. Décidément, il les attirait.

— Tu me vois dans l’obligation de te contredire, sombre beauté : Arsène est mort, déclara-t-il en récupéra sa chope pour la lever à l’adresse de son interlocutrice, vive Le Goupil !

Dans un ricanement, le renard avala une gorgée avant de reposer bruyamment le récipient sur la table, le faisant ensuite glisser vers la rousse, comme pour l'inviter à trinquer à son tour.
Par mimétisme, l’animal ancra alors un coude osseux à la surface du bois, contorsionna son poignet et appuya son menton au creux de sa paume. Les bésicles dardées sur ce regard vert aux reflets précieux, comme pour en apprécier la valeur, l'homme s’obstinait à sourire.

— J’ai porté quelques présents aux démunis, en effet, admit-il en plissant les paupières d’un air rieur, mais éclaire-moi : qui est blondie ? Les blondes ont beau être moins communes que les brunes... Quoiqu’elles ne rivalisent pas avec la rareté des rousses, évidemment, ajouta-t-il en adressant un rapide coup d’œil à la partenaire silencieuse de son interlocutrice, je disais donc, les blondes sont moins communes que les brunes, et pourtant… J’en ai au moins deux en tête. Du reste… n’êtes-vous pas censées être aussi bien renseignées que moi ? Ne me faites pas croire que votre forteresse en ruines est suffisamment grande pour que vous ne vous croisiez pas fréquemment...

Réprimant un bâillement, le contrebandier dévia ses doigts sur sa joue, la gratta songeusement du bout des griffes.

— Tant qu’à m’éclairer : et si vous me rappeliez vos noms ? Je ne me souviens déjà pas du sobriquet de toutes les femmes avec qui je couche, mais alors celles avec qui je ne couche pas… c’est peine perdue. C’est bien la seule certitude que je crois avoir vis-à-vis de vous deux, d'ailleurs : on ne s’est pas côtoyé intimement.

Du moins l’espérait-il.


Dernière édition par Le Goupil le Jeu 17 Mar 2022 - 12:38, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyJeu 3 Mar 2022 - 14:57
Rond comme une barrique à c't'heure. Elle était belle, la vie de contrebandier. Entre affaires luxueuses et luxurieuses, il s'adonnait à ses propres plaisirs, sans se préoccuper des petites gens qui gravitaient autour de lui. Alice savait qu'Arsène n'avait pas toujours été aussi amer ; sa vie avait basculé lorsqu'il avait perdu son fils dans les marais. Elle n'avait pas assisté à la scène, mais les échos de la tragédie avaient résonné dans les quatre coins du village des bannis. Chacun avait son fardeau à porter, un passé tortueux à subir. Il n'était pas question pour la bannie de s'apitoyer sur le sort de cet escroc rabougri ; elle avait sa propre merde à gérer, celle des autres ne la concernait pas.

Amusée à l'évocation de son nom de scène, elle haussa un sourcil et lui répondit du tac au tac :

Le Goupil, hein ? T'as choisi ce surnom parce que tu t'crois rusé, ou parce que t'as une queue touffue ?

Elle aurait entendu rire Talanah si cette dernière en était capable. Au lieu de quoi, un rictus déforma les lèvres de la rouquine avant qu'elle ne lève les yeux au ciel en secouant la tête, comme si elle avait besoin de chasser cette mauvaise blague. La chope d'Arsène l'y aida sans aucun doute ; la muette la vida d'un trait et la repoussa avec désinvolture devant son propriétaire.

Évoquer les conquêtes du renard n'intéressait guère Alice. Néanmoins, plus elle l'entendait parler, moins elle comprenait comment Priscilla avait pu apprécier ne serait-ce que passer quelques instants entre les jambes du contrebandier. Talanah n'avait pas non plus aimé son commentaire au sujet de sa chevelure et l'avait fusillé du regard à l'instant même où il avait terminé sa phrase, regrettant – Alice en était persuadée – de ne pouvoir lui répondre d'un vocabulaire des plus fleuris. Heureusement pour elle, sa comparse ne rencontrait pas ce genre de limite.

Oh non, lui rétorqua-t-elle sans se départir de son sourire. Je ne relèche pas les restes de Pri-sci-lla.

L'évocation de son prénom suffirait sans nul doute à lui rafraichir la mémoire. Du reste, elle n'était pas étonnée qu'Arsène ne se souvienne guère de son prénom. La noiraude avait pour habitude de rester à l'écart – qu'est-ce qu'ils avaient tous à se rassembler autour d'un feu ? – et elle n'avait encore jamais dû traiter d'affaires avec ce binoclard rachitique.

Enfin, elle s'en détourna lorsqu'elle aperçut le tavernier, ayant repris sa place derrière le comptoir. D'un signe de la main et d'un sourire enjôleur, elle l'invita à leur table afin de commander. Si personne n'avait entendu son estomac gargouiller, elle ne plaisantait pas lorsqu'elle affirmait qu'elle était affamée.

Deux repas et deux bières pour la rouquine et moi ! Et une pour lui ! Qu'c'est agréable, de tomber sur de vieux amis, hein !

L'aubergiste dévisagea le trio. Une ambiance étrange les enveloppait, une atmosphère qui n'avait rien d'amicale, sans pour autant être hostile ; l'hypocrisie crépitait en rythme avec les flammèches. Que l'aubergiste ait perçu cette tension ou non, il eut l'intelligence de se contenter de hocher la tête et de repartir vers les cuisines.

Du pouce, Alice indiqua sa camarade.

J'te présente Talanah. Et moi...

Elle darda à nouveau ses yeux verts sur les bésicles du Goupil.

Je suis Alice. Égorgeuse pour notre chef bien-aimé, murmura-t-elle en se penchant vers l'avant.

Elle lui octroya un clin d'œil ravissant.

Alors Ars', quels présents nous as-tu amenés ? J'aime les bijoux, ajouta-t-elle en passant une main dans ses cheveux, dévoilant une boucle d'oreille sophistiquée plaquée d'or, qui, il était clair, n'était pas censée lui appartenir.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyLun 7 Mar 2022 - 23:07

« Renart le Renard »
Parce qu’il subsistait peut-être en lui une once de bonté, parce qu’il ne présumait jamais des mauvaises intentions de ses interlocuteurs ou pour une tout autre raison mystérieuse, le renard avait laissé le bénéfice du doute à cette Alice.
En effet, il arrivait ponctuellement que de vieilles connaissances échappent le prénom de cet homme à présent disparu. La plupart du temps, une rectification dissipait tout malentendu ; la conversation reprenait alors son cours normal et il suffisait à l'interlocuteur de ménager un effort intellectuel moindre pour substituer à tout « Arsène » un sobriquet d’actualité.

Au regard de la pluie qui avait entravé ses plans de bon matin, le roublard aurait cependant dû comprendre que les heures à venir ne livreraient qu’une succession de déconvenues. Ce tête-à-têtes à trois ne faisait que le confirmer, alors qu’il réalisait combien la Bannie était d’un autre genre. De ceux qui, quoi que l'on dise, ne faisaient jamais que ce qu’ils souhaitaient.

En dépit de la déplaisance que lui inspira ce constat, le contrebandier n’en perdit pas pour autant son sourire. Il écouta, observa, patienta, s’obstina quelques secondes dans un silence propice aux réflexions. La journée promettait d’être longue, il n’en doutait plus.

— Talanah et Alice. Enchanté, prétendit-il sans le penser une seconde, égorgeuses, donc… Pour la peur censée accompagner ce nom, faut-il que je chie immédiatement dans mes braies, ou peut-on remettre cela à plus tard ? ironisa-t-il dans un rictus persistant.

D'un mouvement lent, le contrebandier se recula pour mieux toiser les deux femmes d’un peu plus loin, le dos appuyé contre le mur froid de l’auberge. Du majeur droit, il rehaussa ses bésicles sur son nez, puis croisa ses bras maigres sur son torse.

— J’ai toujours eu grand-peine à comprendre ce procédé consistant à donner un nom et une activité, comme si celle-ci nous définissait… Quoique c’est peut-être le cas. Éclairez-moi : est-ce un processus d’intimidation ? Comme une manière de dire que vous êtes Alice et Talanah, mais pas seulement. Qu’il vaut donc mieux se tenir à carreau ? À moins qu’il ne s’agisse d’une identification. Vous ne seriez à présent plus que ce que Griffith a fait de vous, fantasma-t-il en haussant un sourcil, ça va, je ne froisse personne en l’évoquant ? J’ai encore le droit de prononcer son nom, ou ma bouche est-elle trop impure pour ce faire ?

Solitaire depuis toujours, le roublard avait bien du mal à comprendre comment l'on pouvait rallier un seigneur pour se mettre sous ses ordres. Peut-être se leurrait-il en s’imaginant simple exécutant de Griffith, de Léon ou d’autres, mais au moins disposait-il d’une liberté que ces jeunes femmes avaient abandonnée – sûrement de bon cœur – à leur chef bien-aimé.

— Tiens, en parlant d’appellation : ne te méprends pas, ce n’est pas moi qui ai choisi Le Goupil. Je n’ai fait qu’emprunter ce nom à un homme inspiré... J’aurais pu lui préférer Orchidoclaste, Faraud, Forban… J’ai même eu droit à un « Fot-en-cul », une fois, se souvint-il en se grattant le cou du bout des ongles, le problème avec ces alias, c’est qu’ils sont finalement assez répandus, selon la propension des gens à insulter leurs semblables.

Les yeux clairs du renard se détournèrent sur le tavernier lorsqu’il apporta les trois bières commandées, sa seule présence astreignant le bandit à un silence courtois qu’il meubla d’un sourire presque poli. Le rictus s’étira aussitôt l’aubergiste éloigné.

— J’ignore comment va Scilla : je ne suis pas entré dans la forteresse. Ça ne faisait pas partie de l’arrangement, précisa-t-il en s’interrompant de nouveau lorsque les plats arrivèrent, cette fois, quant aux termes de celui-ci, il consistait en la livraison de… biens que vous n’êtes pas forcément en mesure de vous procurer par vous-mêmes. Tu comprends, il est plus intéressant de recourir à un contrebandier pour des objets inaccessibles, plutôt que pour des choses à votre portée. Ô, si on me le demande, je vous apporterai des bijoux avec plaisir, mais ce serait jeter par les meurtrières le peu de monnaie d’échange dont vous disposez pour… rien, puisque vous pourvoyez manifestement très bien à ce genre de besoins, lui fit-il remarquer dans un sourire trop affable pour être sincère, tu l’auras compris : pas de perles, boucles, bracelets, donc. La Griffe a préféré des arbalètes.

Le marchand s’approcha de nouveau de la table pour saisir sa chope, but une gorgée, la reposa en tâchant de réfréner l’ardeur d’un rictus qui menaçait de trop s’étendre. Sans doute le contrebandier aurait-il mieux fait de se bâillonner pour plus d’efficacité.

— J’ai eu affaire à un dénommé Edvin, quand je me suis rendu à Ventfroid, annonça-t-il en réprimant un gloussement, Scilla, lui, vous deux… Bientôt, votre chef bien-aimé choisira ses recrues au berceau, s’imagina-t-il avant de dresser l’index de sa main droite, comme pour prévenir toute interruption, quoiqu’il me faut vous concéder plus de crédibilité que n'en possède le garçonnet. Enfin, Talanah, tout du moins, à cause de la balafre. Toi, tu fais encore un peu trop… lisse, Al', présuma-t-il dans un sourire, la cicatrice à son front se mouvant alors au gré d'un haussement du sourcil droit.


Dernière édition par Le Goupil le Jeu 17 Mar 2022 - 12:38, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyDim 13 Mar 2022 - 19:31
Alice dévisageait Arsène sans broncher. Le renard pouvait palabrer autant qu'il le voulait sur les fonctions et les soumissions, la bannie n'en avait rien à secouer. Elle n'avait aucune envie de l'éclairer. Pour elle, la situation était claire : si elle avait fourni sa position hiérarchique, c'était uniquement pour que le contrebandier sache à qui il avait à faire. À priori, Alice s'était fourvoyée à ce sujet : l'homme n'avait que faire de son statut et, pire, il s'amusait à s'en moquer ouvertement, raillant Griffith et son organisation. Seuls les doigts pâles entourant fermement la chope de bière trahirent la colère croissante qui s'emparèrent de l'égorgeuse. Le roublard avait beau fréquenter les exilés depuis des années, il n'en saisissait pas les liens. Comment aurait-il pu ? Électron libre ivre et retors, il gravitait autour d'eux, obtenant ce qu'ils désiraient en échange d'autres services. Les bons comptes font les bons amis, disait le proverbe. Mais Alice n'avait pas d'amis. En revanche, elle aimait les jolis comptes.

J'me fiche que tu dises son nom. Lui attire juste pas d'emmerdes.

Elle embrassa la salle du regard, une manière éloquente de lui signifier qu'il valait mieux que personne dans le hameau paisible et insipide ne sache ce qui se tramait à Ventfroid. Le Goupil se trompait sur toute la ligne : la Griff n'avait rien fait d'Alice. Non, elle s'était faite toute seule. Elle avait pris ses choix, assumé ses décisions. Le chef de guerre l'inspirait : il lui avait donné un nouveau but, avait renouvelé sa motivation à l'égard de ceux qui lui avaient tout pris. Aussi le défendrait-elle toujours ; il incarnait tout ce qu'elle désirait. Une menace sourde s'exprimait dans ses prunelles émeraudes, des étincelles en rehaussaient ses nuances, prêtes à déverser toute sa colère si le contrebandier allait trop loin. Déjà, elle abhorrait son sourire nonchalant et ses gestes lents, ses traits désinvoltes et ses yeux rieurs.

Les nouvelles chopes posées devant eux ne suffirent pas à apaiser la tension qui flottait dans l'air. Un genou effleura timidement le sien : les remontrances muettes de Talanah. Sa comparse avait raison : il fallait qu'elle se ressaisisse. Il n'était pas question que ce maigrelet lui fasse perdre son sang-froid. Se recomposant un sourire, elle but une nouvelle gorgée alors, qu'enfin, elle obtenait l'unique réponse recherchée : ainsi le roublard avait livré des arbalètes. Certainement pas une arme pour Alice, mais elle savait que plusieurs de ses camarades en feraient un bon – mauvais – usage.

Dommage, roucoula-t-elle. J'aime me servir moi-même, mais j'suis jamais contre un cadeau ou deux.

Elle risqua un coup d’œil du côté de l'âtre et de son foyer ronflant ; au prix d'un effort sans commune mesure, elle était parvenue à l'ignorer depuis qu'elle s'était assise face au Goupil. Ce risque n'avait que trop duré. Rassurée cependant par les crépitements inoffensifs, Alice reporta son attention sur son interlocuteur. Une furieuse envie de lui faire ravaler son sourire la saisit, mais elle n'en fit rien. Elle aurait dû, vu les conneries qui dégoulinèrent de ses lèvres craquelées. Trop lisse ? Le regard appuyé de la rouquine à ses côtés lui permit de garder contenance. Aussi la bannie se contenta-elle de lui lancer un regard froid brûlant de haine avant de boire une longue et lente lampée. Qu'il insultât Griff passait encore. Mais personne, par tous les putains de dieux, ne la qualifiaient de « lisse ». Pas sans conséquence. Le contrebandier ne connaissait rien des supplices qu'elle avait endurés, des marques à jamais gravées dans son dos ; relief hideux et honteux.

Comme ton môme, Ars', enlevé au berceau...

Ses lèvres s'ourlèrent en un rictus cruel.

Comment s'appelait-il, déjà ?

Son ton mielleux suintait d'un venin qu'elle se plaisait à manier. Une goutte ici, une goutte là ; jamais mortel, toujours douloureux.

Ah ! Voilà l'homme de la situation ! s'exclama-t-elle en apercevant les assiettes fumantes entre les mains de l'aubergiste.

Elle ne laissa guère le temps au renard de répliquer du tac au tac, fauchant son plat des paluches du tavernier, avant que ce dernier n'ait le temps de le déposer sur la table bancale. Mais elle priait, oh oui, elle priait elle-même pour que sa remarque ait fait mouche, pour que ce renard rusé se sente un peu moins futé. Elle prit un malin plaisir à l'ignorer et préféra offrir un monologue à Talanah en complimentant l'onctuosité du jus de viande et les arômes de thym dans son assiette.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyJeu 17 Mar 2022 - 22:18

« Renart le Renard »
Lorsque les bésicles croisèrent le regard haineux et glacial de la bannie, Le Goupil comprit avoir titillé, à son insu, une blessure encore trop fraîche. La suite du propos ne fit que le confirmer, cependant qu’il était de nouveau ramené de force en une époque révolue dont il ne gardait plus guère que des souvenirs épars.

Comment s’appelait cet être qui l’avait un jour accompagné, avant, disparu sans plus laisser de traces en emportant une part de lui – un autre lui ? – dans les marais ?

Le sourire figé du renard persista à ses lèvres comme sa tête s’inclinait doucement sous le poids du passé.
D’aucuns prétendaient que la meilleure défense était l’attaque. Pour qu’elle se risque ainsi à cette ultime provocation, c’était qu’elle n’était pas aussi lisse qu’il l’avait cru au premier abord. Mais où, alors, se trouvait la blessure ? Dissimulée sous les vêtements, comme la plupart des griffures superficielles qu’il arborait lui-même ? Ou était-elle davantage une meurtrissure de l’âme, plus profonde, insondable – de celle qu’il avait surmontée en l’occultant ? Comment souffrir de quelque chose qui n’existe pas ?

Son nom, il ne s’en souvenait plus.

Un ricanement secoua ses épaules. Nerveux, de prime abord, il se mua en un éclat de rire presque franc. Toujours aussi détestablement souriant, le roublard redressa la tête, rehaussa ses bésicles du bout du majeur, arqua le sourcil droit.

— J’aime ta répartie, concéda-t-il sans ambages.

Depuis combien de temps avait-il oublié ? Des mois qu’il ne comptait plus. Et combien, avant Alice, avaient jugé pertinent d’évoquer l’innommé et l’innommable pour lui témoigner une compassion jamais sollicitée et dont il n’avait cure ? Tout ce à quoi il avait aspiré, en ces temps lointains, personne n’aurait pu le lui restituer. Ni les hommes ni les dieux.
Chaque parole prétendument réconfortante, chaque mièvrerie adressée, chaque larme factice versée dans un simulacre de peine partagée, quand bien même personne ne pouvait et ne pourrait jamais comprendre, avaient été autant d’affronts. Pis, des assauts qui s’ajoutaient au désespoir et aux remords. Des attaques qui avaient égratigné ses fortifications, l’avaient contraint à capituler, reculer, céder du terrain jusqu’au déni. Jusqu’à l’oubli.

Comme d’autres, Alice disposait des informations, mais ne savait pas s’en servir. Le contrebandier ne connaissait qu’une personne qui en soit capable. Or, son instinct l’en gardait éloigné.

— Il semblerait que je me sois fourvoyé, s’amusa-t-il dans un haussement d’épaules nonchalant, si je lis entre les lignes, la petite Al’ n'est peut-être pas aussi lisse qu’il n’y paraît, quand bien même elle ne le porte pas sur son ravissant minois. Dont acte.

Lentement, le marchand étira ses longs doigts autour de sa chope et l'amena à ses lèvres pour en boire quelques gorgées. Comme il reposait le godet sur la table, son corps se laissa lourdement retomber en arrière.

— J’aime les joutes verbales. Égratigner l’autre dans son égo, gratter les cicatrices mal refermées, provoquer, agacer, titiller… C’est un passe-temps, admit-il en frottant sa joue barbue du plat de la main, tu sais te défendre, je sais surenchérir… J’ai tapé au hasard, tout à l’heure, mais je viserai juste à l’avenir, si cette conversation perdure, l'avertit-il sans une once d'agressivité dans la voix, alors je vais évoquer un nouveau sujet et te laisser libre de prendre piste. Si tu le fais, on pourra abandonner les discussions fâcheuses et profiter d’un échange à peu près sain. Si tu ne le fais pas, je considérerai que tu préfères la guerre à la paix, auquel cas il ne faudra pas te plaindre d’affronter une autre tête brûlée.

Comme pour marquer un changement dans la conversation, Le Goupil abandonna sa posture, se rapprocha de la table pour y croiser les bras, favorisa ainsi une atmosphère propice aux confessions et aux messes basses.

— Même si je meurs d’envie de lui demander si le chat qui lui a griffé la gueule lui a aussi dévoré la langue, annonça-t-il en adressant un coup d’œil et un sourire à Talanah, je pressens que la formulation et le sujet sont propices à quelques conflits, alors… Si vous me disiez plutôt ce qui vous amène par ici, hm ?
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyDim 20 Mar 2022 - 18:08
Alice darda ses yeux émeraudes sur le renard alors qu'il se laissait aller à un éclat de rire qui, semblait-il, était moins hypocrite que les précédents, si du moins Arsène était capable d'être franc. La bannie nota dans un recoin de son esprit que le contrebandier n'était pas indifférent face à ses dires. Oh, elle aurait préféré le blesser ou, peut-être même, provoquer une colère sombre malgré les conséquences que cette dernière auraient pu provoquer. Mais un rire, ce n'était pas trop mal ; cet éclat avait eu le mérite d'éclipser pour un bref instant la nonchalance peinte sur ses traits tirés. Une satisfaction qu'afficha ouvertement Alice sur ses lèvres rouge sang, tandis qu'elle trempait avec désinvolture un quignon de pain dans son assiette. Certes, Arsène savait désormais qu'elle cachait effectivement quelques blessures, mais il n'en connaissait – et n'en connaitrait jamais – les origines. Et, soyons clairs, quel mortel arpentait encore ces terres maudites sauf et intacte ?

La jeune femme n'avait que faire de l'avertissement à peine voilé qu'il lui adressa ensuite. Elle ne cilla pas, ne quitta pas ses bésicles des yeux, comme s'il lui parlait de la plus idiote des anecdotes. Elle laissa ses couverts en travers de son assiette encore à moitié pleine et déposa son menton entre ses doigts, démontrant tout l'intérêt qu'elle témoignait désormais à ses dires. Elle concédait volontiers que les paroles du Goupil faisaient écho à ses propres pensées : jamais Alice ne se lassait de tourmenter une âme ou deux, de titiller quelques blessures ouvertes. Elle aimait les joutes verbales – il fallait bien que ces lointains cours de rhétorique servent à quelque chose – autant que les querelles physiques, tant qu'elle les remportait. La solution étant de jouer uniquement lorsque l'on était certain de gagner... Son instinct lui souffla que le contrebandier était un adversaire redoutable sur ce terrain-là – une confession qu'elle ne lui avouerait jamais.Et puis, par-dessus tout, elle ne voulait pas créer d'ennui au chef de guerre : qu'elle apprécie ou non le roublard, il demeurait un allié de choix pour les bannis.

Talanah ne se crispa même pas à la pique lancée par le Goupil. Mieux : bien qu'elle fut loin d'être sourde, elle l'ignora purement et simplement, picorant dans son assiette son maigre dîner de la journée. Alice l'observa du coin de l’œil, mais ne discerna pas une once de colère ou de rancune à l'égard du Goupil ; la muette avait entendu bien pire, avait subi des atrocités bien plus douloureuses qu'une petite provocation. La noiraude savait qu'elle devrait être capable de faire preuve d'autant de détachement : elle se laissait encore trop souvent emportée par ses émotions.

Elle est muette, c'tout, conclut Alice.

Mimant sa comparse, elle recommença à manger, écrasant paresseusement ses patates dans un jus de viande aromatisé. À défaut de quantités minuscules, sa pitance avait le mérite d'être goûtue, un fait rare qui méritait d'être souligné. Elle prit son temps pour répondre au contrebandier, mâchouillant et buvant sans aucune grâce. Pas parce qu'elle ne savait pas ce qu'elle pouvait lui détailler ou non, parce qu'il lui fallait au moins ces quelques minutes pour chasser définitivement son envie de répartie salée, pour enterrer la hache d'une guerre qu'elle ne pouvait pas gagner. Du moins pas aujourd'hui.

Discuter avec d'honnêtes hommes, finit-elle par répondre, après avoir reposé sa chope sur la table.

Elle défit lentement le cordage qui maintenait sa pelisse, dévoilant un peu plus la chemise de lin qu'elle portait en-dessous.

C'est fou comme quelques pièces...

Elle rejoua l'exacte scène qu'elle avait proposé au pêcheur un peu plus tôt, laissant ses doigts caresser le premier bouton de son vêtement avant de le détacher et de jouer avec le second.

Peuvent convaincre n'importe qui.

Ce fut à son tour d'éclater de rire. Un rire qui aurait pu être mélodieux et communicatif, si ses notes sarcastiques n'en brisaient pas tous les jolis effets. Alice bascula sa tête en arrière, passa une main dans ses cheveux, les yeux rivés sur le plafond.

Mais tu le savais déjà, hein Ars' ?

Elle se redressa brusquement avant de secouer la tête, ses boucles d'oreilles volées dansant dans ses cheveux décoiffés.

Griffith m'a demandé d'effectuer cette mission car je peux me montrer... persuasive.

Son assiette terminée, elle la repousse vers le centre de la table et, s'assurant que sa comparse avait également achevé son repas, elle fit claquer ses doigts à l'intention de l'aubergiste. Dehors, la pluie n'avait pas cessé et s'écoulait encore en de froides averses. Un clapotis doux aux oreilles de la bannie adoucissait l'atmosphère de la taverne, se mélangeait aux crépitement du foyer.

Fourrant ses mains dans les poches de sa pelisse, la jeune femme en ressortit une petite boîte en bois, que l'humidité avait commencé à mordiller. Avec délicatesse, elle ouvrit le petit couvercle et laissa rouler trois dés sur sa paume. Faits de bois également, ils étaient marqués d'une ribambelle de chiffres, certains ayant plus de face que d'autres. Appréciant leur toucher et le murmure de leurs parois frottant les unes contre les autres, elle se rappela sa première partie, alors qu'elle était encore clouée au lit. Ombre ne lui avait pas donné le jeu officiellement, mais là où elle était désormais, elle n'en avait plus besoin.

Une partie ? proposa-t-elle, amusée. Le perdant paye le repas.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyMer 23 Mar 2022 - 10:44

« Renart le Renard »
L’eau et le feu, songea-t-il en observant les deux bannies. L’une semblait, en surface, calme comme la mer par un temps clair et ensoleillé, quoiqu’il la devinât, en profondeur, aussi impitoyable que ces courants invisibles à l’origine de bien des disparitions. L’autre se montrait embrasée, impétueuse, exaltée, prompte à grogner et mordre sans préliminaires. Une apparence agressive, incisive, rendant difficilement accessible ce que recelaient les tréfonds de l’âme, à moins que… de cette âme, il ne restât que des cendres.

Le renard fut surpris – ni agréablement ni désagréablement – de constater qu’Alice préférait une trêve à la persistance d’un conflit stérile. Comme promis, le contrebandier s’en accommoda néanmoins et prit acte de ce choix d’un simple rictus en coin, qu’il conserva jusqu’à ce qu’elle lui rejoue manifestement un numéro éprouvé à d'innombrables occasions. Inexorablement attiré par les mouvements de doigts graciles, le regard du roublard égratigna le premier bouton défait, avant de s’égarer sur le second.
À la fois rôdé à ce genre de simagrées et toujours aussi sensible aux charmes féminins, Le Goupil sentit ses lèvres frémir au passage d’un sourire plus franc qui se mua, à l’instar de son interlocutrice, en un éclat de rire se voulant sincère.

— Je plaide volontiers coupable. Je suis un homme faible… ce qui relève du pléonasme, n’est-ce pas ?

Son vice se révéla avec d’autant plus de clarté qu’une lueur d'intérêt raviva le bleu de ses yeux, lorsque la bannie versa, dans le creux de sa main, le contenu d’une petite boite usée livrant trois dés. Restreignant un frissonnement le long de son échine, le marchand acquiesça.

— Avec plaisir… Mais je serais sans doute mieux inspiré de vous offrir immédiatement les repas, concéda-t-il avec un réalisme qui le laissait pourtant de marbre.

Lui restait-il seulement de quoi rétribuer le tavernier pour ses services ? Il en doutait. À ce constat, le roublard tendit l’oreille, soupira brièvement d’entendre encore le clapotis de l’eau au-dehors. S’il devait s’éclipser sans payer, il lui faudrait endurer l’humidité et le froid.
Au moins l’aubergiste ne le poursuivrait-il probablement pas dans de telles conditions.

— À toi l’honneur, l’invita-t-il galamment en disposant son menton dans la paume de l’une de ses mains, comme Alice semblait le faire si souvent, hm… Finalement, je dois être un piètre homme d’affaires, prétendit-il soudainement, La Griffe n’a jamais pris la peine de m’envoyer des... femmes persuasives. Il n’est pourtant pas sans savoir qu’il pourrait économiser quelques sous, ce faisant… J’aime saisir ce que l’on m’offre.

Les lippes de l’animal frémirent de nouveau, cependant que ses paupières se plissaient de malice.

— Quoique… Quelque chose me dit que tes honnêtes hommes n’ont pas obtenu ce qu’ils escomptaient, supputa-t-il en se frottant songeusement le menton, tout compte fait, Griffith m’a peut-être à la bonne.

Un nouveau ricanement l’anima comme il récupérait les dés pour les jeter à son tour. Habitué à ce genre de distractions – habitué à perdre, par ailleurs –, le renard avait développé une certaine habileté dans le domaine, même si elle ne lui garantissait aucunement la victoire. Il ne s'agissait en effet pas tant de jeux de manches que d’une aisance à lire les valeurs et ainsi comprendre, en un tourne-main, s’il était ou non en fâcheuse posture. En d’autres termes, le contrebandier réalisait rapidement – en tous cas plus rapidement que son adversaire – s’il devait tricher pour espérer gagner.
Son premier lancer fut de ceux-là : ridicules, les chiffres obtenus lui inspirèrent un coup de genou sous la table, suffisant pour la faire sensiblement tressauter et ainsi modifier le positionnement des cubes de bois. Lorsque le roublard avisa les nouvelles sommes, son rire retentit derechef : il venait de perdre deux unités.

— Oh bon sang, soupira-t-il, un air pourtant satisfait au visage, je ne me lasserai jamais de constater combien je peux être malchanceux… Passons, s'amusa-t-il dans un gloussement, le fait est que je n’ai pas de quoi payer le repas et l’aubergiste n’est pas très enclin à faire crédit, alors... médita le contrebandier en se reculant pour étirer ses longs bras, j’imagine qu’il va falloir une petite diversion pour l’occuper, le temps qu’on se faufile à l’extérieur. Des idées ? Une… bagarre, de bon matin ?
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyDim 27 Mar 2022 - 12:04
Qui aurait cru que t'étais galant, Ars' ? s'exclama Alice.

La bannie avait aimé la lueur d'intérêt dans les yeux clairs du renard, de même que le sourire un peu plus franc qui avait fleuri sur ses lèvres, à mesure que ses doigts se promenaient sur les deux premiers boutons de sa chemise. Oh, elle n'imaginait pas berner le contrebandier de cette manière : elle avait compris à ses mots précédents et son regard rusé qu'il n'était pas aisé de se jouer du Goupil, même en usant de ses charmes. Pour autant, elle avait remarqué qu'il n'était pas complètement insensible à ses atouts, un point qu'elle nota soigneusement dans son esprit et qu'elle décida de jouer dans la seconde, afin d'en éprouver les limites.Tâchant de s'accaparer toute son attention, jouant d’œillades et d'une gestuelle éloquente, elle en profita pour échanger deux dés, un tour facile à reproduire, dissimulé par l'ombre de sa main englobant la petite boîte. C'est que grâce au couvercle de cette dernière, elle avait volontairement masqué à son adversaire un quatrième dé, truqué, dont les faces étaient pourvues de chiffres élevés. Plus léger, il n'émettait pas le même son lorsqu'il ricochait contre les autres. Un son qu'une oreille inexpérimentée n'aurait jamais découvert ; Alice jouait avec ce set depuis des mois, elle en reconnaissait toutes les mélodies.

Griffith m'offre pas, le détrompa-t-elle.

La jeune femme déposa le récipient sur la table dans lequel elle avait abandonné l'un des cubes complètement normaux. Ayant pris soin de refermer le couvercle, elle s'assurait que le Goupil n'avait rien vu du stratagème. De toute façon, il avait bien plus attirant à regarder.

Je saisis ce que l'on m'doit, ajouta-t-elle d'une voix suave.

Ponctuant sa phrase, elle fit rouler les dés sur la table ; comme prévu, un joli score s'afficha sur leurs faces, alors qu'un franc sourire illuminait son visage.

Et qu'est-ce qui t'fait dire ça ? demanda-t-elle en plongeant ses yeux verts dans les siens.

Dans le même temps, elle récupéra les dés éparpillés et d'un rapide tour de main, fit glisser son précieux dans la manche de sa chemise, avant de passer la boîte au Goupil afin qu'il les mélange les trois cubes ordinaires à son tour. Le résultat de son tirage fut minable. La bannie pouffa : même sans son stratagème, elle aurait gagné haut la main. La noiraude ne s'offusqua même pas du coup de genou sous la table, à peine perceptible, mais qui eut le mérite de faire basculer les dés, pour une somme plus dérisoire encore. À nouveau, elle s'esclaffa et but une longue gorgée de sa chope, amusée sincèrement par la partie. Même Talanah esquissa un sourire, alors qu'elle n'appréciait guère ces jeux d'ivrogne.

Fière d'elle et sans aucune honte, elle laissa tomber sur la table le cube de bois truqué, qui s'en vint rouler parmi ses congénères. Elle laissa le contrebandier comprendre la manœuvre dont il avait été la victime, avant de décréter, l'air narquois et d'un ton théâtral :

Dire que j'aurais même pu m'en passer...

Elle rit de bon coeur.

Malgré le temps exécrable, il régnait une ambiance agréable dans l'auberge. Si le tavernier avait ressenti une tension palpable au début de leur rencontre, les sourires et éclats de rire qui en émanaient à présent pouvaient le rassurer : n'était-ce pas là réellement trois amis qui étaient heureux de se retrouver à l'une de ses tables ?

Alice arqua un sourcil puis afficha une mine boudeuse, ses bras croisés sur sa poitrine. Comment ça il n'avait rien pour payer ? Elle comprenait mieux sa fausse amabilité de toute à l'heure, ainsi que sa vaine tentative pour remporter la partie. La bannie tourna la tête vers la fenêtre : l'averse n'avait pas décoléré. Même si la pluie ne la dérangeait pas – que du contraire – elle ne pouvait pas sciemment reprendre la route vers Ventfroid. Elle toisa la rousse qui lui répondit d'un geste de la tête : la muette n'était pas non plus encline à passer sa jolie frimousse dehors.

Une bagarre, hein ? Mais j'préférerais que l'type m'apprécie, fit-elle en désignant l'aubergiste du menton.

Elle serait sans doute amenée à faire affaire à plusieurs reprises dans le hameau d'Usson ; mieux valait ne pas se faire virer de la seule enseigne correcte du patelin.

T'as combien de pièces ? demanda-t-elle de but en blanc, signifiant qu'elle avait une idée bien précise derrière la tête.

Elle laissait ainsi sous-entendre qu'ils pouvaient combiner leurs pécules respectifs... Même si elle ne comptait absolument pas laisser la moindre piécette dans les paluches du cuisinier. Sans compter, elle ramassa l'argent déposé par le Goupil.

T'as pas écouté ce que je t'ai dit ? lui dit-elle avec un large sourire. Il est si facile de persuader...

Elle n'attendit pas de réponse et se leva. Par habitude, elle fit claquer ses bottes crottées sur le sol, afin d'attirer l'attention et, d'une démarche lascive, gagna le comptoir où elle s'appuya.

De leur position, Talanah et Arsène ne pouvaient entendre ce que la bannie racontait à l'aubergiste. La rouquine, cependant, connaissait suffisamment les habitudes de sa comparse pour en deviner le sens. Elle leva les yeux au ciel en entendant Alice minauder, mais sourit malgré elle, amusée par la situation. Les sous offerts par le renard furent posés sur le bar, rapidement échangés par une chope destinée non pas à la jeune femme, mais au tenancier. « Pour vous remercier » avait dû susurrer Alice. « Celle-là est pour vous » La noiraude se hissa sur le comptoir et croisa ses jambes, sembla rire à quelque blague idiote que l'homme lui avait racontée. Espiègle, elle attrapa la godet de son nouvel ami et la porta à ses lèvres, tout en faisant signe à ses deux compagnons, comme si elle parlait d'eux au tenancier. Talanah leur répondit en agitant mollement la main ; ce n'était pas l'aubergiste qu'elle fixait, cependant. Vive et précise, Alice avait profité de ce bref moment d'inattention pour verser dans le breuvage quelques graines séchées et moulues, un dépôt herbacé dont la rousse ignorait le nom, mais dont elle reconnaitrait bien vite les effets. Surtout vu la dose que la noiraude avait employée. Enfin, cette dernière regagna ses comparses. Elle se laissa tomber lourdement sur le banc, après un dernier clin d’œil à l'aubergiste.

Quel homme, cet Arthur, s'exclama-t-elle, l'air joyeux. Mais un peu mou...

Taquine, la bannie passa une main dans ses cheveux désordonnés.

Il m'a l'air fatigué...

Elle sourit. D'ici à ce qu'il s'endorme sur son comptoir, la pluie se serait peut-être arrêtée.

Une idée pour passer l'temps ?
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyVen 8 Avr 2022 - 14:03

« Renart le Renard »
Faisant fi de la mine ennuyée de la bannie, Le Goupil se saisit du quatrième dé tout juste apparu aux côtés de ses trois semblables. Un rapide coup d’œil à chacune des faces força un sourire. Ainsi donc, elle avait jugé utile de tricher... N’avait-elle donc pas connaissance de la malchance du contrebandier pour estimer nécessaire ce genre de recours ?

— Pas grand-chose, admit-il sans lever les yeux du cube de bois.

D’un geste nonchalant, il fouilla l’une de ses poches pour en sortir à peine quelques sous. La nuit avait été divertissante, si l’on se fiait au petit pécule dépensé par le roublard en un trop court laps de temps.

Son regard quitta enfin le jeu pour se reporter sur Alice. Les paupières plissées derrière ses bésicles, l’homme l’observa ainsi dérouler un numéro décidément trop bien rodé. Un roulement de hanches, quelques boutons trop prompts à se défaire au moindre effleurement et, à n’en pas douter, une voix de velours pour endormir les sens du tavernier. Un costume de séductrice, pourtant naïve lorsqu’il le fallait, presque innocente dans ses battements de cils.
Fallait-il être aveugle pour ne pas discerner l’intérêt d'un tel comportement, lorsque l'on n'était pas suffisamment attrayant pour expliquer l’approche de pareille créature ? À moins que le tenancier soit de la même espèce que le marchand : de ceux qui voyaient les fils de la toile et décidaient pourtant de s’y laisser prendre.

— Quel talent... la félicita-t-il, un sourire au coin des lippes comme elle revenait s’installer en face de lui, je n’ose songer au nombre de fois où il t’a fallu perfectionner chaque geste et chaque attitude. Du beau travail, assurément.

Les doigts arachnéens de l’animal s’ouvrirent pour délivrer le dé truqué qui roula paresseusement.

— Tu ne crains pas qu’un joueur acharné, qui s’obstinerait à vouloir gagner, découvre ta supercherie ? s’enquit-il en désignant le cube du menton, j’ai bien conscience qu’il est facile de persuader, mais cette technique n’a-t-elle pas ses limites ?

Les bésicles du renard écumèrent les tables jusqu’à trouver un objet digne de son intérêt. Après un clin d’œil à l’adresse de ses deux comparses, il déplia sa grande carcasse, s’éloigna le temps de saisir ce qui s’apparentait à un simple plateau de bois, puis regagna sa place.

— D'ici à ce que ce cher Arthur s’endorme tout à fait, grâce à un tour de passe-passe qu’il te faudra me conter, je vous propose un dringuet, suggéra-t-il en posant, entre eux, le support sur lequel avait été dessiné un damier grossier, pour rappel, chaque joueur choisit une couleur, le noir ou le blanc, sur laquelle il doit lancer trois dés en une seule fois. Élémentaire, n'est-il pas ? C’est une activité de chance et d’adresse dans laquelle il reste difficile de tricher… mais puisqu’il n’y aura pas vraiment de mise, ce ne sera pas nécessaire, tu ne crois pas ?

Amusé, le roublard sourit et, d'un mouvement de tête, invita les deux jeunes femmes à décider qui de l’une ou l’autre commencerait la partie.

— À titre informatif, j’entends profiter de la fatigue passagère du tavernier pour aller jeter un œil à sa réserve de tord-boyaux, avant de m'éclipser. Oh, pas pour le voler, bien sûr, anticipa-t-il en levant ses grandes mains, comme pour montrer patte blanche, uniquement par curiosité… J’aime fureter là où il ne faut pas.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptySam 16 Avr 2022 - 11:01
Alice mima un salut d'artiste en réponse aux félicitations du Goupil. Elle ramassa ensuite les dés éparpillés sur la table et les glissa dans leur boîte, veillant à fermer cette dernière avec douceur. Le jeu avait servi à de nombreuses reprises et, à n'en pas douter, était plus vieux que la jeune femme ; elle y accordait pourtant une valeur sentimentale idiote, de sorte qu'elle en prenait le plus grand soin.

Ça peut arriver, admit-elle, sans pour autant se départir de son sourire. Mais dans c'cas... La défaite est une meilleure victoire, susurra-t-elle.

La gente masculine était pourvue d'une fierté foutrement mal placée ; leur égo surdimensionné les empêchait de perde quoi que ce soit, d'autant plus contre une femme. Alors, souvent, il fallait ruser, prétendre la défaite pour s'assurer la victoire. Oh, Alice aimait gagner, terriblement. Au début, il lui avait été difficile d'user de ce stratagème, employant moult moquerie et autres railleries, dans le simple but de ridiculiser un peu plus son adversaire. Mais le renard avait raison : elle avait dû adopter d'autres combines afin de contourner les dangers potentiels. Alors elle avait appris les fausses notes volontaires, les mauvais lancers de dés, une malchance qui soutirait des exclamations de joie et provoquait une meilleure humeur qu'elle exploitait à la perfection : un accord passé, un verre offert, un service rendu.

Curieuse, elle l'observa déposer un nouveau plateau de jeu entre eux, reconnut le dringuet et, du pouce, fit coulisser le couvercle de son précieux étui. Si elle connaissait les règles, elle n'y avait cependant jamais pris part : il s'agissait avant tout d'un jeu d'adresse et il lui était bien plus difficile, voire impossible, de tricher. Même s'il n'y avait plus aucune mise, la bannie ne comptait pas perdre une seule partie face au contrebandier. Alice se tourna vers Talanah qui lui répondit d'un soupir, avant de lui désigner le plateau d'un geste désinvolte, signifiant que la noiraude pouvait commencer ; elle ne semblait guère intéressée par la partie, préférant toiser les clients de l'auberge, comme si elle était capable de mémoriser leur visage d'un regard appuyé.

Tu pourrais participer de temps en temps, hein ! la sermonna-t-elle, avant de soupirer et de récupérer les trois dés – le truqué aurait été inutile cette fois – et de les remuer entre ses doigts. T'as peur de perdre ? la provoqua-t-elle.

Elle savait pourtant que cette technique était vaine avec la rouquine. Talanah était douée pour se dissimuler dans les ombres ; avec le temps, elle avait appris à transformer son mutisme en véritable force. Les gens avaient tendance à l'oublier et personne n'aimait faire la conversation à quelqu'un qui ne vous répondrait pas. Alice n'en avait eu cure : elle avait de nombreuses fois déclamer de longs monologues à la rouquine, comme si elle s'était adressée à un mur. Si la démarche était profondément cruelle, elle avait appris à interpréter le regard de sa camarade, à traduire ses gestes et ses remontrances muettes. Ainsi étaient-elles devenues amies, si du moins ce terme revêtait un quelconque sens pour les deux bannies.

Pas pour voler... Mais pour goûter, peut-être ? lui proposa-t-elle, espiègle. Noir, ça m'va bien, non ? ajouta-t-elle, les yeux rivés sur le damier.

Sans faire durer le suspens plus longtemps, elle lança les dés, en essayant de viser les carrés de la couleur mentionnée. Alice n'avait insufflé aucune force à son poignet, afin que les dés ne tombent plus qu'ils ne roulent sur les cases espérées. Sur les trois, deux atterrirent sur des cases noires, tandis que le troisième roula malencontreusement entre deux cases, annulant donc son résultat. Pour une première, ce n'était sans doute pas un mauvais lancer, mais elle pesta par habitude et croisa les bras sur sa poitrine.

À toi, Ars', fit-elle, impatiente de découvrir son résultat.

La fièvre du jeu la gagnait déjà. Elle but une gorgée de sa chope, découvrit avec effroi que cette dernière était presque vide et jura en la redéposant sans ménagement sur la table. Au moment où les cubes de bois roulèrent à nouveau, Talanah détourna son attention, une tape sur l'épaule. Alice releva son visage du damier : au comptoir, Arthur baillait à s'en décrocher la mâchoire. Elle sourit, devina sans mal qu'il luttait pour garder les yeux ouverts et enregistrer la commande du client qu'il avait en face de lui. Et parce qu'il était un imbécile, il crut qu'avaler une nouvelle lampée du breuvage offert l'aiderait sans doute à le réveiller. Grossière erreur. Mais il était encore trop tôt... Quelques parties de dringuet seraient nécessaires avant qu'ils puissent s'éclipser dans sa réserve.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyLun 2 Mai 2022 - 9:01

« Renart le Renard »
D’un signe de tête, le renard approuva les choix de ses partenaires de jeu – celui de Talanah, de ne manifestement pas participer ou, à tout le moins, de passer son tour, comme celui d’Alice de privilégier les cases noires. Ses bésicles s’attachèrent ensuite à contempler ce qui, selon toute vraisemblance, s’apparentait à un modeste lancer, mais qui trahissait en vérité une recherche de la stratégie la plus adéquate pour triompher. Si des doutes avaient pu subsister après l’emploi du dé pipé, à présent, le marchand avait acquis la certitude que son adversaire était de cette espèce qui ne se nourrissait que de victoires, sans se soucier des moyens pour y parvenir.

— Tu devrais peut-être les poser sur le damier, la prochaine fois... s’amusa-t-il en capturant les trois cubes de bois au cœur de ses griffes.

Un temps encore, les yeux de verre scrutèrent les faits et gestes des deux femmes. L’horreur sur le visage de la brune, comme elle contemplait le fond de sa chope, l’indifférence sur celui de la rousse, comme elle observait ceux qui ne la voyaient pas. Lorsque chacune détourna le regard de la table en dépit de son lancer, manifesta une confiance infime en lui – sauf à ce qu’il s’agisse de négligence –, les lippes du renard s’étirèrent sur un constat : que l’occasion fût bonne pour tricher à son tour.
Lorsque les minois lui firent de nouveau face, son sourire demeurait, figé sur une figure au menton pointu, calé au creux d’une paume osseuse. Un haussement du sourcil droit paracheva l’esquisse de l’insolence.

— J’imagine que vous ne me croirez pas, si je prétends ne pas avoir truqué le résultat, ricana-t-il en désignant, d’un coup d’œil, le plateau où trois cases blanches étaient marquées, et pourtant...

Son gloussement se mua en un rire estompé au cœur de son torse, cependant qu’il se relevait encore. L’une de ses pattes s’étira sur la table, égara ses doigts arachnéens dans les chopes creuses pour les saisir simultanément.

— Sens-toi libre de t’entraîner le temps que j’aille rafraîchir la mémoire de notre tavernier favori, suggéra-t-il dans un ultime affront.

Avec sa nonchalance habituelle, Le Goupil gagna le comptoir où il posa les trois contenants avant de soupirer. Bien entendu, le marchand n’escomptait pas rivaliser avec les talents de comédienne d’Alice, pas plus qu’il n’entendait jouer dans la même catégorie qu’elle, d’ailleurs – car il lui semblait, aussi étonnant que cela puisse paraître, que le propriétaire de l’auberge n’était guère sensible à son charme naturel.
C’est donc dans l’esbroufe que le roublard misa. Au moyen d’une compassion feinte et de grands gestes, il parvint manifestement à convaincre l’esprit embrumé du tenancier que les trois bières prétendument commandées plus tôt ne leur avaient toujours pas été servies, poussa le vice jusqu’à suggérer qu’une autre gorgée de son breuvage chasserait ce trouble momentané auquel l’homme semblait en proie, initia lui-même le remplissage des chopes pendant que ce bien brave Arthur levait le coude.

Un sourire détestable aux lèvres – de ceux qui trahissent toute la fierté que l’on tire à réaliser ou énoncer quelque chose de mesquin –, le renard regagna tranquillement sa place, les trois godets désormais pleins, comme de nouveaux clients entraient dans l’auberge.
Indubitablement, ce fut un cliquetis familier qui, le premier, incita le roublard à porter ses bésicles sur les derniers arrivants. Le vert caractéristique de leur uniforme se trouvait difficilement reconnaissable, ainsi souillé par la pluie, mais l’équipement à la ceinture de cette grappe de miliciens ne laissait planer guère de doutes quant à leur nature.

Placidement, le contrebandier retrouva son banc, déchargea ses mains sans jamais se départir de son rictus. Son regard parcourut la salle, suivit l’avancée des militaires jusqu’au comptoir, revêtit un pli rieur.

— Et d’eux, mesdames... souhaitez-vous être appréciées ? gloussa le marchand avant de boire une gorgée.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyLun 9 Mai 2022 - 14:20
La voix désinvolte d'Arsène ramena Alice à la réalité. La bannie ne contint pas la grimace qui ourla ses lèvres pleines lorsqu'elle constata le lancer pour le moins réussi de son adversaire du jour. Néanmoins, qu'il se sentît obligé de préciser qu'il n'avait pas triché révéla aux oreilles de la noiraude qu'il s'agissait là de tout l'inverse. Elle lui lança un regard noir lorsqu'il la provoqua une nouvelle fois, emportant avec lui les chopes vides ; au moins avait-il une bonne idée.

C'est ça, va remuer ta queue au comptoir, maugréa-t-elle en s'emparant des dés.

Certes, il n'y avait aucune mise, aucun enjeu particulier, si ce n'était passer le temps en mauvaise compagnie, mais Alice détestait perdre, d'autant plus face à cet énergumène suffisant. Elle grommelait encore des injures à son encontre, s'attablant à effectuer de meilleurs lancers comme le contrebandier le lui avait conseillé, lorsque ce dernier reparut enfin, leurs godets remplis de la bière tant attendue. Alice avait à peine observé le manège joué par son comparse, certaine qu'il obtiendrait ce qu'il désirait dans tous les cas. Le Goupil n'était clairement pas né de la dernière pluie ; la bannie l'avait compris dès leurs premiers échanges. Si elle préférait ardemment le ridiculiser à son tour, elle ne pouvait nier qu'en certaines circonstances, elle ne pouvait nier l'intérêt de le compter parmi ses... Alliés, ou du moins, ses hommes d'affaire. Griffith était loin d'être un idiot : s'il comptait sur le Goupil, c'est que ce dernier était suffisamment compétent pour remplir les différentes missions que le chef de guerre lui avait confiées. Et Alice était suffisamment intelligente pour ne pas discuter les choix de son supérieur ; les provoquer un peu, en revanche, n'était pas interdit.

Malheureusement, la donne changea avec l'arrivée de nouveaux clients, vêtus d'une armure reconnaissable à des lieues à la ronde ; Alice sentit la mauvaise humeur la gagner, son poignard fixé à sa ceinture, caché sous sa lourde pelisse, commença à la démanger. Les miliciens étaient sa proie favorite : il y en avait toujours quelques uns pour escorter les convois attaqués, pour étancher sa soif revancharde. Armée, milice, c'était du pareil au même pour la bannie : ils avaient changé de nom, mais n'avaient guère changé leurs procédures. Peut-être la noiraude ne saurait-elle jamais si ces soi-disant soldats avaient effectivement condamné Arence afin d'éradiquer la fange... Ainsi que tous les habitants de la citadelle. Mais à son avis, il n'y avait guère de fumée sans feu : les rumeurs, bien qu'enjolivées et sculptées par l'exagération et l'imagination de badauds curieux, avaient souvent un fond de vérité. Ainsi les miliciens étaient devenus la cause de tous les malheurs de la jeune femme ; elle se faisait un plaisir d'être leur pire cauchemar, lorsque, dissimulée dans l'ombre des fourrés, elle leur ôtait leur vie, comme leurs congénères lui avaient tout pris autrefois.

Non, répondit-elle, un sourire carnassier sur les lèvres. J'préfère être redoutée.

Elle ponctua sa phrase d'une longue lampée qui lui permis de rafraîchir la désagréable sensation de sueur froide qui étreignait sa poitrine et voilait ses sens. Le regard ferme de Talanah la convainquit de se tenir tranquille, malgré l'envie quasi irrépressible de commettre un amusant massacre. Sont trop nombreux pour moi, fut l'argument qui l'emporta, couplé au fameux Ne foire pas ta couverture, ne déçois pas Griffith qui lui permit de rester assise sur son banc inconfortable et de se contenter de les lorgner du coin de l'oeil.

La petite troupe s'impatientait face à un Arthur désemparé ; le tavernier remplissait les chopes trop lentement à leur goût, baillait à s'en décrocher la mâchoire, manqua de faire tomber l'un des godets sur le responsable du groupe et essuya plusieurs reproches d'une mine affligée, incapable de comprendre pourquoi, par les Trois, était-il si las et maladroit aujourd'hui. Par chance, les soldats n'étaient guère plus perspicaces que l'aubergiste et, une fois tous servis, ils s'installèrent à une large table, près du feu.

C'pas avec ces connards qu'on va pouvoir s'promener dans la réserve, pesta-t-elle.

Ni s'éclipser sans fournir quelque piécette une fois qu'Arthur aurait sombré pour de bon. Quoique... à leur tour, les gardes avaient sorti dés et cartes et, déjà, des rires gras s'élevaient depuis le fond de la salle. Pas sûr qu'il remarque leur départ.

Franchement énervée, Alice repoussa le plateau de dringuet et rangea les dés dans leur boîte. Elle n'avait plus envie de jouer. La bannie soupira, puis dévisagea le Goupil, se souvint qu'à défaut d'un jeu de dés, elle pouvait toujours s'amuser avec son compagnon d'infortune.

Et toi Ars, ils t'aiment bien les verts ? T'as pas envie de jouer d'tes charmes, pour qu'on puisse passer en douce, Tal' et moi ? lui demanda-t-elle, tout sourire.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyJeu 19 Mai 2022 - 20:01

« Renart le Renard »
Une oreille à table, un œil au comptoir, le renard suivait deux scènes distinctes sans se départir de son rictus. Pour lui qui s’estimait tiers au conflit opposant les bannis au Roi, il était pour le moins distrayant d’observer la réunion de deux ennemis naturels, sans que chacun en ait pleinement conscience. La crédulité des uns, la tension des autres. Autant de sources d’amusement pour le roublard.

— La visite de la réserve semble désormais compromise, en effet, concéda le contrebandier en buvant une nouvelle gorgée.

Sans qu’il n’ait son mot à dire, la partie de dringuet le fut également, comme Alice repoussait le plateau et rangeait ses dés. Quant à identifier l’origine d’un tel comportement, Le Goupil hésitait encore entre la petite frustration d’avoir potentiellement perdu contre lui, la perspective de ne pas pouvoir facilement gagner et la proximité des miliciens.
Soupirant à son tour, quoique d’un air plus désinvolte, le marchand dégusta le reste de sa bière avant de daigner enfin répondre à son interlocutrice ; comme s’il savourait chaque seconde écoulée dans cette tension malaisante, quand d’autres en souffraient au contraire.

— S’ils ne m’aiment pas nécessairement, ils ne me détestent pas non plus. Je fais en sorte de me montrer discret en leur présence, admit-il en lorgnant brièvement sa chope désormais vide, sans trop de difficultés, je pourrais donc très certainement couvrir votre départ, mais… qu'aurai-je à y gagner ? Il faudra que j'y réfléchisse. Après tout, frayer avec les miliciens, lorsque l’on n’est pas de cette race, n’est jamais recommandé.

Par-dessus les verres de ses bésicles, ses yeux contemplaient alternativement les deux jeunes femmes. Un sourire étira finalement ses lèvres, cependant que sa carcasse se dépliait avec lenteur.

— Bien. Je vais occuper ces messieurs le temps que vous vous éclipsiez… À ce qu’il paraît, il est bon de prendre soin de ses débiteurs, gloussa le renard en battant des paupières, au plaisir de vous revoir, mesdames.

Il s’en fallut de peu pour que l’animal n’assoie pas son ascendant momentané d’une caresse sur le crâne des demoiselles, comme il s’écartait pour rejoindre les miliciens d’une démarche mollassonne.

Feignant à merveille une ivresse excessive, Le Goupil accusa un atterrissage gauche à la tablée des hommes, renversant par là même le contenu d’une chope sur l’un des soldats. La réaction fut unanime : tels des ressorts trop bien huilés, ils se redressèrent d’un bloc, grondant, menaçant le marchand, improvisé couard navré. Un numéro décidément trop bien rôdé dans lequel l'énergumène excellait : se confondre en excuses, prétendre les meilleures intentions pour rattraper une apparente bévue à grand renfort de gestes trop larges pour ne pas être malhabiles.
Le contrebandier s’obstinait tant à vouloir essuyer la bière échouée sur l’uniforme du milicien, tandis que celui-ci s'évertuait au contraire à le fuir comme la peste, que les regards demeuraient irrémédiablement rivés sur eux. Il en manquait pourtant un, ensommeillé, que l'ivrogne se chargea d’apostropher afin de parfaire l’ouverture ménagée à ses comparses éphémères.

— ARTHOUR ! cria-t-il à l’adresse du tenancier, à qui il arracha un sursaut, COUHILLERE !

S’il n’était pas exclu que sa déchéance n’émeuve pas les verts et lui vaille une bonne rouste, pour lui passer l’envie de boire et de subvertir la quiétude de figures incontestables de l’autorité, le renard se gaussait pourtant déjà du trouble jeté dans la petite auberge.
Même brisé, il en rirait. Peut-être, d'ailleurs, avec les deux bannies, un jour prochain.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil   [Terminé] Vulpem et circenses Ft. Le Goupil EmptyMer 1 Juin 2022 - 19:05
Dans le même temps qu'elle lançait un regard noir au contrebandier, un grognement irrité s'échappa de ses lèvres. Bien sûr qu'il exigerait quelque chose en échange du service rendu. Alice exécrait son sourire, répugnait à l'idée de devenir sa débitrice. Pourtant, le Goupil n'attendit pas de réponse de sa part ; déjà l'homme se levait et enfilait son costume d'ivrogne d'une démarche claudicante, une attitude qu'il n'avait plus besoin de répéter. Dents serrées et front plissé, la noiraude se redressa à son tour et, d'une mouvement vif, attrapa le bras du vieux renard. D'une poigne ferme, elle l'arrêta dans son élan, contourna le banc et se positionna face à lui, ses yeux verts lançant des éclairs. Elle avait envie de lui cracher à la figure qu'elle ne lui devait rien, mais qui allait-elle convaincre ? Certainement pas Arsène, et certainement pas elle-même non plus.

Ricane pas trop, Ars'...

Son attitude pour le moins agressive et impulsive n'était pas passée inaperçue auprès des autres clients. Quelques têtes s'étaient tournées vers le trio, attendant avec une curiosité malsaine la suite de leur entrevue. Ils n'avaient pu entendre leur discussion, mais avaient perçu le grincement désagréable du banc violemment repoussé, de même que la tension soudaine qui s'était installée entre les deux interlocuteurs. Alice avait beau avoir purement ignoré les remontrances muettes de sa partenaire, elle ne pouvait continuer de faire fi des spectateurs opportunistes qui les dévoraient du regard, simplement à cause de sa fierté mal placée. Ses lèvres s'ourlèrent d'un sourire mauvais, tandis qu'elle collait sans pudeur son corps à celui du contrebandier.

Tâche de rester en vie, le temps de réclamer ta dette, lui susurra-t-elle au creux de son oreille.

Elle lâcha son bras, caressa sa joue d'une douceur qui ne lui seyait guère, avant de reculer enfin et de lui adresser un baiser volant qui vint clôturer leur échange. Elle fit mine de se rasseoir, puis, d'une signe de tête, une fois les visages détournés, enjoint la rouquine à s'éclipser. Cette dernière n'avait cessé de la toiser avec sévérité, les bras croisés sur la poitrine, un pied frappant nerveusement le sale plancher de la taverne.

Marchant à reculons, Alice observait le jeu du contrebandier, s'amusa – presque – de ses pitreries, se moqua de la contrariété des miliciens. Lorsqu'Arsène interpella Arthur, elle comprit qu'il s'agissait de l'ouverture tant attendue. Elle aurait aimé continuer de contempler le spectacle, mais Talanah, agacée et fatiguée, l'entraîna vers l'extérieur sans lui demander son avis, d'une prise autoritaire sur son poignet. Histoire de ne pas – encore – attirer l'attention, la noiraude réprima la protestation qui manqua de franchir ses lèvres. En revanche, elle laissa couler un véritable flot d'injures lorsque la pluie s'abattit sur sa chevelure. En hâte, elle rabattit le capuchon de sa pelisse.

Putaaaaaaain... râla-t-elle en descendant les premières marches de l'établissement.

Il ne pleuvait plus à verse, mais le soleil ne pointait toujours pas le bout de son nez à l'horizon. De toute façon, elles ne pouvaient plus patienter : en se mettant en route maintenant, elles parviendraient à Ventfroid avant la tombée de la nuit. Si elles attendaient plus longtemps, elles n'étaient pas certaines d'atteindre leur destination à temps.

Quoi ? rétorqua-t-elle à sa comparse qui ne la quittait pas des yeux. Ça vaaaaa ! On n'a pas eu d'ennui !

Talanah lui répondit à l'aide de gestes, certains plus éloquents que d'autres afin de lui démontrer son mécontentement.

Fous moi la paix, Tal', grogna-t-elle. Il m'a juste gavé, c'tout...

Alice fourra ses mains en poche, sa tête baissée. Des mèches de cheveux s'échappaient du capuchon malgré son amplitude et se plaquaient contre son visage. Leurs pas provoquaient des bruits de succion désagréables sur le sol détrempé.

Mais j'dois avouer... J'comprends ce que Griffith lui trouve, murmura-t-elle.

Un sourire en coin radoucit les traits de Talanah.

J'voulais juste dire qu'il est utile !

Oui, Arsène avait son utilité. Et il était terriblement doué pour mener ses petites affaires, autant que pour faire l'abruti devant quelques soldats. Mais c'était la vie qu'Alice avait choisie désormais : s'entourer de personnes utiles, plutôt que de personnes de confiance. Jusqu'à présent, cette décision ne lui avait pas trop mal réussi.
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