Une question de vie ou de mort

Non mais sérieux qui m’a fichu une empotée pareille ? C’est ce que je pense pendant que je porte sur mon épaule Mirari, une toute nouvelle recrue. La mission était simple, escortée une prêtresse du Temple dans le Labourg pour une œuvre de charité. J’avais pris deux membres de ma Guilde dont la jeune mercenaire avec moi pour l’aguerrir un peu et surtout accompagner la représentante des Trois partout où elle ira. En plus, elle est originaire de ce quartier pourri.

La mission s’était bien passée et alors que nous allions sortir dans ce trou miteux, elle marche sur un piège à loup ! Oui, le genre de truc qui traîne dans la forêt et qui a été abandonné sur place. Heureusement pour elle, le ressort fonctionnait mal et ne pas trop amoché, j’ai d’ailleurs pu l’ouvrir, mais si on ne l’amène pas très vite chez un rebouteux, elle risque quand même de perdre sa jambe.

C’est donc après avoir laissé la prêtresse au troisième membre de ma petite équipe que je me mets en quête de soigneur. Heureusement que mon « paquet », connaît bien les lieux et malgré la douleur elle me guide vers une certaine Freya.

J’arrive donc devant une petite maison et j’entre d’un seul coup, ne perdant pas mon temps à frapper à la porte. Je vois des plantes un peu partout, un établi et un coin avec un matelas pour les blessés. J’y dépose donc la jeune femme et je crie :

Il y a quelqu’un ? Je ramène un blessé !

J’espère que la rebouteuse est bien chez elle, car cela ressemble plus à un genre de cuisine aménagée en petite infirmerie qu’un véritable atelier. En-tout-cas, je la laisserai faire ses soins et lui donner toutes les potions qu’elle souhaite, tant qu’elle la sauve, car je déteste perdre mes gens aussi bêtement.

Freya était occupée à faire sécher des racines de roseaux, elle était allée en récupérer plusieurs la veille, dans les marais, mais elle ne s'était pas attardée plus que nécessaire. Elle redoutait à chaque fois de quitter les murs protecteurs de Marbrume et de s'aventurer au-dehors. Oh, elle était consciente que les abords de la cité devenaient plus sûr de jour en jour, du moins, c'était ce que les rumeurs racontaient. Apparement, il y avait même des citoyens qui avaient eu le courage de récupérer des demeures là-bas. Bien qu'elle vive dans un quartier douteux, elle ne s'imaginait pas quitter un jour les remparts de Marbrume. Les fangeux la terrorisaient bien assez que pour qu'elle réfléchisse à deux fois avant de sortir. Afin de se fournir en plante, elle tentait le plus possible d'acheter à divers commerçants du Labourg. Mais elle ne pouvait pas sans cesse se permettre de dépenser de la nourriture ou bien des vêtements afin de se procurer les plantes dont elle avait besoin. Sa situation n'avait rien de simple, mais avait-elle seulement le choix ?

Elle ouvrit la petite fenêtre qui donnait sur la rue et rejoignit son atelier. L'endroit où elle résidait ne contenait que deux pièces. La première, celle où l'on arrivait après avoir poussé la porte, se trouvait être son échoppe et par la même occasion, son infirmerie de fortune. La pièce n'était pas bien grande, mais Freya était parvenue à la rendre fonctionnelle. Cette pièce lui servait également de cuisine, un feu ouvert se trouvant dans le coin gauche. Elle prit les racines et les accrocha au plafond de la mezzanine qui surplombait une partie de la pièce et qui lui servait également de lit. Elle retourna ensuite dans l'autre pièce, qui faisait office de petite réserve, mais également d'un second atelier pour ses préparations plus complexes. Elle saisit des feuilles de cresson des fontaines et se mit à les hacher finement à l'aide de son couteau. Alors qu'elle commençait à rassembler les fouilles coupées dans un tissu, elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir brutalement et se figea.

Instinctivement, elle retint sa respiration et serra plus fortement son couteau dans sa main. Il n'était pas rare que des voleurs ou des hommes mal intentionnés s'introduisent dans les demeures des femmes seules. Freya n'osait imaginer ce qui pourrait arriver s'il y arrivait une telle chose un jour. Mais il faisait encore jour, elle doutait donc qu'il s'agisse de cela. Pourtant, ses clients prenaient toujours la peine de toquer avant d'entrer. Une grosse voix retenti ensuite dans le silence, explicitant la raison de cette entrée brutale. La rousse pénétra rapidement dans la pièce principale à la mention d'un blessé. Elle se stoppa un instant face à la montagne de muscle qui se trouvait en face d'elle, mais son instinct de guérisseuse reprit rapidement le dessus et son regard se tourna vers le corps qui était allongé sur la couchette de fortune. Il s'agissait d'une femme, jeune, dont la jambe saignait fortement.

La jeune femme salua l'homme d'un signe de tête respectueux, ayant rapidement compris qu'il n'avait pas l'allure de ses clients habituels. Une chose était certaine, il avait bien plus l'allure d'un chevalier ou d'un mercenaire, que d'un manant du Labourg.

— Messire.

Dit-elle d'une voix calme avant de s'approcher de la jeune femme. Son visage lui disait bien quelque chose, elle devait l'avoir vu plusieurs fois, mais impossible de retomber sur son prénom. Freya voyait tellement de monde qu'elle avait des difficultés à retenir le nom de ses clients et de ses patients. Elle mit sa main sur la tête de la jeune femme et ferma les yeux un moment, avant de se concentrer sur sa jambe. La fièvre l'avait déjà gagnée, réaction au choc qu'elle avait dû subir avec sa jambe. Freya plissa les lèvres en voyant les vilaines entailles que la blessée avait. Elle dégagea délicatement le pantalon et coupa une partie de ce dernier, mettant à l'air libre la blessure. Elle jeta un regard derrière elle avant de se lever afin d'aller chercher des lignes humides propres.

— Que s'est-il passé ?

Elle saisit une pile de linge immaculé et mit une casserole pleine d'eau sur le feu. Ensuite, elle s'en alla saisir du fil et une aiguille qu'elle disposa sur la petite table située à côté de la couchette de la blessée.

Je vois arriver d’une autre pièce, une rousse avec un tablier. Elle est petite, plutôt jolie avec des formes là où il faut et habillé de couleur vive. Je constate également qu’elle un bandeau, sûrement la propriétaire des lieux. Elle a l’air plutôt jeune et je me demande si elle est bien compétente dans son métier. Sans doute que non, vu l’endroit qui lui sert d’atelier. Toutefois, je n’ai pas d’autre chose que de lui faire confiance et quand elle me demande des explications après avoir regardé mon employé, je lui réponds en toute honnêteté :

Elle a marché sur un piège à loup qui s’est refermé sur sa jambe.

Je lui précise même, car les rebouteux aiment bien cette information :

Cela est arrivé, il y a une dizaine de minutes, elle a perdu connaissance à peu près à ce moment et…
Comme si c’était un signal, la mercenaire ouvre les yeux d’un seul coup et commence à vouloir se redresser. Bien évidemment, je l’en empêche un peu brutalement et je lui dis d’un ton qui n’admet aucune contradiction :

Interdiction de bouger, si tu meurs, tu es viré.

Elle fait alors une chose que je déteste et elle se met à pleurer, bredouillant :

Je suis tellement désolé, chef, mais j’ai cru voir le reflet d’une arme, alors je me suis rapproché et…

Je la regarde durement et je lui dis :

J’aurais dû aussi être plus attentif à toi, tu es encore une bleue. Maintenant, reste immobile, la guérisseuse va sauver la jambe et tout ira bien.

Je me tourne d’ailleurs vers cette dernière et je lui indique :

J’ai de quoi payer, alors faites ce qu’il faut, s’il vous plaît. Je peux vous aider, j’ai l’habitude de ce genre de chose.

Vu mon passé de chevalier, j’ai participé à de nombreuses batailles et tenir une personne pour l’empêcher de s’enfuir pendant qu’un médecin recoud la chair à vif après une blessure à l'épée, est ma grande spécialité.

À l'explication de l'homme concernant l'origine de la blessure sur la jeune femme, Freya ne put retenir une grimace. Les pièges à loups n'étaient pas bien grands, mais ils pouvaient faire de gros dégâts. Si le piège avait blessé un animal avant d'avoir blessé la jeune femme, des risques d'infections graves étaient à prévoir. Il fallait également prendre en compte la rouille et autres saletés présentes sur ce piège. Freya n'était pas certaine que la blessée s'en sorte sans séquelles, cependant, elle ferait de son mieux pour la soigner. Elle hocha donc de la tête avant de regarder ce dont elle aurait besoin comme plante. L'homme continua son explication, lui donnant de plus amples informations sur la manière et le moment où cela s'était produit. 10 minutes, oui, l'herboriste pouvait décréter qu'il l'avait amené assez tôt que pour qu'elle puisse aider considérablement la blessée, mais il ne fallait plus tarder.

Elle s'en alla regarder la casserole remplie d'eau qui se mettait doucement à fumer et à bouillir, c'était parfait. Elle saisit rapidement une seconde casserole, tandis que la blessée se réveillait. L'homme avait un ton puissant, il lui interdit de bouger sous peine de se faire virer. Freya nota qu'il devait certainement s'agir de son chef s'il se permettait de lancer une menace pareille. La jeune femme se mit alors à pleurer, s'excusant et tentant d'expliquer le pourquoi du comment elle s'en retrouvait là. Freya les laissa discuter un moment, désireuse de ne pas s'impliquer dans une discussion qui ne la concernait pas. L'homme semblait éprouver certains remords et il semblait également mettre une grande confiance en Freya. Celle-ci retint une grimace, elle espérait de tout cœur sauver la jambe de la malheureuse, mais parfois, le sort en décidait autrement.

Il se tourna alors vers et à la mention de l'argent, elle balaya l'air de la main. La suite de sa phrase lui fit cependant hausser un sourcil d'intérêt. S'il pouvait l'aider, elle ne cracherait assurément pas dessus.

— N'ayez crainte Messire, nous parlerons du paiement en temps voulu. Je me dois d'abord de sauver cette jeune femme. Je vous prie de bien vouloir me pardonner pour les ordres que je vous donnerais Messire, mais votre aide sera la bienvenue.

Elle se tourna ensuite vers la femme et lui adressa un sourire rassurant.

— Quant à vous, cessez de pleurer et tenez vous tranquille si vous ne voulez pas aggraver la situation.

Elle s'en alla remplir la seconde casserole d'eau et la déposa sur le feu également. Elle saisit la première afin de la ramener près de la couchette. Ensuite, elle alla près de son atelier afin de prendre quelques feuilles d'orties, elle déposa ces dernières dans la seconde marmite, tandis qu'elle revenait au chevet de la blessée. Elle plongea les linges dans l'eau chaude et se mit à laver consciencieusement la blessure. Plus elle nettoyait et plus elle voyait distinctement les trous formés par les dents du piège. Heureusement, la jeune femme n'avait que quatre trous de chaque côté de la jambe, dont deux n'étaient pas trop profonds. Les deux autres s'étaient enfoncés assez profondément, Freya espérait que l'os n'avait pas été touché. Tandis qu'elle continuait de nettoyer, elle parla à l'homme.

— Voulez-vous bien aller près de l'atelier et saisir le morceau de bois disposé que la première étagère à droite, ainsi que la bouteille transparente située sur la seconde étagère ?

Elle jeta un coup d'œil à la seconde marmite et vérifia que l'eau se mettait bien à bouillir. Une fois qu'elle aurait nettoyé la plaie et l'aurait recousue, il lui faudrait du lierre terrestre et du carex pour le traitement de fond.

À ma grande surprise, la question de l’argent ne semble guère intéressée par la rebouteuse. C’est pourtant un élément central dans la vie des gens du peuple. Elle semble donc différente de la plèbe, mais je n’ai guère le temps d’y penser, car elle souhaite me donner des ordres ! Je hoche la tête, après tout, c’est moi qui lui ai indiqué que je l’écouterai.

Elle parle ensuite un peu à la mercenaire blessée et après avoir fait diverses concoctions auxquelles je ne comprends rien, elle commence à la soigner. À un moment, elle me demande de lui apporter des trucs et je me dépêche de le faire, lui tendant les éléments au fur et à mesure. À la fin, elle commence à recoudre et je lui dis :

Une petite minute, s’il vous plaît.

Je sors une petite flasque d’alcool de cerise, venant d’une petite ferme du Labret et l’ouvrant, je fais boire une bonne gorgée à la jeune femme, qui me remercie d’un sourire bien faible. Je n’ai plus qu’à m’adresser à la chirurgienne improvisée :

C’est bon, vous pouvez continuer.

Je retiens la patiente pour éviter qu’elle bouge, la douleur devant être très forte. Moi qui ai une grande résistance à la souffrance, j’ai toujours eu du mal à comprendre que l’on puisse autant faire pour éviter d’avoir mal. J’attends donc que tous les soins sont terminés, puis je vois que la mercenaire s’est évanouie, ce qui est sans doute la meilleure chose à faire.

Je peux donc demander à la doctoresse :

Quel est votre pronostic ?

J’espère qu’elle pourra remarcher, j’ai pris du temps pour la recruter et j’ai moult convois à protéger. Je ne peux pas me permettre d’avoir du personnel en moins. J’attends donc qu’elle me réponde puis je conclus :

Une fois sorti d’ici j’irai faire une offrande au Temple, pour que les Trois la protège.

L'homme se montre d'une étonnante efficacité, lui apportant ce qu'elle demandait sans broncher. Ce qui était plutôt rare pour les nobles. Si tant était qu'il s'agissait d'un noble, mais au vu de ses habits, il ne pouvait en être autrement. Ou peut-être était-il sous la protection d'un noble. Dans un cas, comme dans l'autre, ce genre de personne avait du mal à se plier aux ordres d'une personne d'un rang inférieur. C'était assez déconcertant que pour qu'elle le notifie et surtout, qu'elle n'oublie pas à quel point l'homme avait été serviable. Freya se rendit d'ailleurs compte qu'elle ignorait l'identité des deux individus, après tout, cela n'avait pas été essentiel dans un premier temps. Revenant rapidement à ce qu'elle faisait, elle entendit le chevalier prendre la parole et lui demander d'attendre. La rousse fronça les sourcils, s'apprêtant à lui dire qu'il était important qu'elle recouse rapidement les blessures afin que le saignement puisse cesser et que le risque d'infection du sang puisse être éloigné. Mais elle compris rapidement pourquoi il lui avait demandé d'attendre. Il fit boire à la blessée un liquide d'un rouge écarlate et à l'odeur qui se dégageait de la bouteille, il devait s'agir d'alcool. Des notes de cerises flottaient également dans l'air, adoucissant l'odeur plus prononcée de l'alcool.

Une fois sa tâche exécutée, il lui donna l'autorisation de continuer et elle hocha de la tête. Elle essaya de travailler rapidement et efficacement, navrée de la douleur qu'elle causait à la pauvre jeune femme. L'homme la maintenait, facilitant grandement le travail de l'herboriste. Freya n'était pas spécialisée dans les chirurgies, mais elle savait se débrouiller et connaissait les bases. Ce ne serait pas du grand art et la fille en garderait des cicatrices, mais au moins, elle aurait une occasion de conserver sa jambe. Après ce qui sembla être une éternité, elle termina le dernier point et appliqua immédiatement un onguent cicatrisant sur les plaies. Elle s'essuya le front avec sa manche et poussa un long soupir.

Elle se redressa et s'étira avant d'observer la jeune femme. Cette dernière s'était évanouie et elle dormait à présent. Elle était tout aussi en sueur que l'herboriste, mais c'était bien plus dû à la fièvre, qu'à l'effort et la concentration. L'homme reprit alors la parole, lui demandant son pronostic.

— Eh bien... C'est assez difficile à dire Messire. Je crains de ne pas pouvoir vous donner une réponse exacte pour le moment. J'ai fait du mieux que j'ai pu afin de recoudre ses blessures. Elles étaient saines, mais j'ignore si une quelconque maladie s'est insinuée dans son sang. Il faudra attendre au moins demain pour que je puisse vous donner un pronostic concluent. Pour l'instant, je vais la garder ici, je prendrais soin d'elle et je vais essayer de faire baisser sa fièvre.

Freya hésita un moment avant d'aller se servir un verre d'eau.

— Si la fièvre tombe et que ses blessures ne gonflent pas, je pense qu'elle survivra.

Elle bu son verre d'un coup avant de s'en resservir un nouveau, elle se tourna ensuite vers l'homme.

— Désirez-vous quelque chose à boire Messire ?

Il mentionna ensuite son intention de se rendre au temple afin d'aller prier les trois. Freya marqua son approbation d'un sourire.

— Je suis persuadée que cela ne pourra que l'aider. Les trois sont miséricordieux et je suis persuadée qu'ils ne laisseraient pas une âme innocente mourir de cette façon si son heure n'est pas venue.

La rebouteuse, comme tous les médecins que j’ai croisés au cours de ma vie, reste prudente sur son diagnostic, préférant attendre le jour d’après, bref elle ne se mouille pas. Elle me propose ensuite à boire et je sors ma propre flasque même celle-ci est vide ! Mirari a tout bu ! C’est incroyable, on veut aider les gens et ces derniers vous poignardent dans le dos en buvant tout votre alcool ! Je suis donc obligé de dire à la jeune femme :

Je veux bien de l'eau, merci.

J’attends qu’elle me serve et je réponds à sa question sur le Temple, hochant la tête devant ses pensées qui rejoignent les miennes.

Je retournerai à ma guilde cherchée le nécessaire puis j’irai au Temple dans la soirée. Maintenant, parlons de votre paiement, je peux vous payer en pièce ou si vous le préférez en nature. Je suis Desmond de Rochemont, le fondateur de la Guilde des Boucliers de Marbrume et notre spécialité, c’est l’accompagnement des convois entre la capitale et les différents villages. Je dispose donc d’un peu de couvertures, de meuble et autres biens que je troc ensuite.

Vu l’état de son atelier, ce ne serait pas du luxe. Il fait quand même bien miteux, même s’il est rangé. Je me demande d’ailleurs si le fait qu’elle n’ai pas voulu parler d’argent ne cache pas autre chose et je lui dis :

Bien sûr, si vous êtes mal à l’aise avec les chiffres, vous pouvez m’envoyer votre mari et je négocierais avec lui.

Vu son âge, elle est sans aucun marié. Elle est de plus jolie, ce qui ne gâche rien. Elle devrait avoir cinq ou six enfants, vu qu’elle semble fertile avec des hanches assez larges. Bref, c’est vraiment dommage qu’elle fut une fille du peuple, car c’est exactement le style de femme que je cherche. Dès que j’aurais retrouvé mon titre, je pourrais reprendre ma quête d’une épouse.

Le noble lui répondit par l'affirmative à la mention d'une boisson, il désirait un verre d'eau. Tandis qu'elle s'occupait de le servir et lui tendre un verre, il reprit la parole. Révélant ainsi son identité ainsi que sa fonction. Elle se trouvait donc bel et bien face à un noble, Desmond de Rochemont, elle mémorisa le nom sachant d'avance qu'il s'agissait là d'une aubaine. Après tout, peu de nobles s'aventuraient aussi loin au sein des bas-quartiers de Marbrume, préférant demeurer dans leurs demeures vierge de toute crasse et de toute délinquance. Freya trouvait étrange qu'il se soit aventuré jusqu'à sa pauvre demeure, mais peut-être cela avait-il été le choix de la blessée. Oui, cette explication était assurément la plus plausible. Freya ne doutait pas qu'il existe d'autres herboristes ou apothicaires au sein de Marbrume et bien plus réputés qu'elle. Il désirait parler de son paiement, ce avec quoi la rousse était d'accord. Maintenant que la vie de la blessée n'était plus en jeu, ils pouvaient désormais parler librement du paiement.

Il détailla son atelier avant de l'informer que si elle avait des difficultés avec les chiffres, elle pouvait tout aussi bien faire appel à son mari. Elle retint de justesse une grimace à la mention de ce dernier. Oh, elle était certaine que si Achille avait été encore vivant, jamais il ne l'aurait laissée ainsi discuter avec un autre homme. Il se serait chargé de tout, tandis qu'elle serait restée dans l'ombre, sans jamais se montrer. Achille avait toujours été extrêmement jaloux et ne supportait pas que d'autres pose le regard sur elle, cela avait d'ailleurs été l'origine de bon nombre de disputes. Chassant ces pensées de son esprit, elle répondit au noble.

— Je suis en charge des négociations, mon mari est décédé il y a deux années.

Elle fit une pause avant d'ajouter.

— Paix à son âme.

Elle n'en pensait pas un mot, mais jamais elle ne l'aurait admis à voix haute. En réalité, elle espérait qu'il pourrissait dans les tréfonds de l'enfer, que les trois lui pardonnent. Elle priait chaque jour pour que son âme ne soit pas entachée par les pensées terribles qu'elle avait à l'égard de son défunt mari.

— Je préfère le paiement en nature, je ne dirais pas non à une couverture et un meuble de rangement supplémentaire. Ceci étant, si vous possédez des bocaux de stockage, ou bien du miel, je ne cracherais pas dessus également.

Elle avait été vaguement formée aux chiffres durant son enfance, son père avait tenu à la familiariser avec ces derniers puisqu'elle devait également tenir la boutique. Mais désormais, et surtout au sein du Labourg, il était bien plus sûr de posséder des objets et des meubles que de l'argent. Cela tentait moins les voleurs et puis cela lui était également bien plus utile dans l'immédiat.

J’apprends que son mari est mort, puis elle commence à négocier. Je réfléchis quelques secondes puis je lui dis, lui tendant la main, comme j'ai appris à le faire depuis ma déchéance temporaire :

Marché conclus.

Puis je complète :

Je suis désolé pour votre mari.

Je n’ose pas lui demander pour les enfants, j’ai commis assez de bourde comme cela pour aujourd’hui. Je bois simplement mon verre et je lui annonce :

Voilà comment je vois les choses, demain je fais venir une charrette avec deux de mes mercenaires, pour la ramener à mon quartier général, situé dans les Faubourgs. Vous les accompagner pour choisir les biens dont nous avons discuté et ils vous les ramènent. Cela vous convient ?

Je pense qu’il s’agit de la requête la plus raisonnable que je puisse faire. J’attends donc sa réponse, tout en retournant voir la blessée et je la fouille doucement pour prendre son épée courte et ses éventuelles dagues. Une arme est quelque chose qu’il est mauvais de mettre dans toutes les mains. Une fois ma besogne réalisée et avoir entendu la jeune femme, je lui indique :

En attendant demain, vous avez besoin d’aide pour elle ? Je parle d’ingrédient pour un repas, d’une couverture, ce genre de chose.

J’ai vraiment l’impression qu’elle n’a pas le minimum nécessaire, je m’en explique d’ailleurs :

C’est quand même étonnant que vous restiez dans ce quartier. Vous avez l’air compétente, puisque Mirami est encore en vie, c’est d’ailleurs elle qui voulait absolument que vous la soignez.

Personnellement, je pense que c’est son défunt mari qui est partit dans l’autre monde en lui laissant des dettes. Ou alors elle a plusieurs enfants, dont elle doit s’occuper. Pourtant, je n’ai pas entendu de pleur et l’endroit est bien rangé. Bref, je n’ose pas aller trop loin dans sa vie privé, cela ne me regarde pas.

L'homme lui tendit la main avant de dire "marché conclu". Ravie d'avoir pu faire affaire aussi facilement, Freya tendit sa main à son tour et sera la sienne.

— Parfait.

Il lui présenta alors ses condoléances pour son mari et la rousse se contenta de hausser des épaules. Elle ne voyait pas bien l'intérêt de mentir éhontément en feignant une tristesse incommensurable. Elle ne ressentait rien de tout cela alors ne rien dire était la meilleure solution, il interpréterait cela comme il le voudrait. Heureusement pour elle, il n'insista pas et se mit à lui expliquer la manière dont il voyait les choses pour le lendemain. Son petit programme établi ne posait aucun problème à l'herboriste, si ce n'était un seul point.

— Cela me semble parfait, mais avez-vous un guérisseur ou bien un apothicaire au sein de votre guilde ? Ou tout du moins, quelqu'un qui saura quelle plante lui donner si son état chute à nouveau ?

Freya s'enquérait toujours de l'état de ses patients, en vérité, elle n'oubliait jamais le visage d'un patient. Elle aimait savoir si tout s'était bien déroulé et si ses soins avaient bien fonctionné. Oh, elle avait déjà perdu des patients, mais ces derniers étaient soit déjà bien trop malade que pour qu'elle ne puisse faire autre chose que soulager leur douleur, soit n'avaient pas suivi ses recommandations. Elle en gardait cependant toujours un sentiment amer d'échec et la rousse détestait échouer dans son métier. Desmond lui demanda ensuite si elle aurait besoin d'aide pour la blessée et Freya regarda la silhouette endormie avant de secouer négativement la tête. Elle avait tout le nécessaire pour un patient dans sa réserve.

— Non, cela ne sera pas nécessaire, ne vous en faites pas. Je prendrais bien soin d'elle jusqu'à demain.

La réflexion qu'il lui fit ensuite, lui tira un sourire amusé.

— Vous me flattez Monseigneur. Il est vrai que je commence à être connue au sein du Labourg, mais je crains de ne pas encore bénéficier d'assez de moyens pour m'établir autre part. Je suis partie de rien et j'ai créé cela.

Dit-elle en englobant la petite maisonnette d'un geste des mains.

— Je ne vous mentirais pas en vous disant que je suis parfaitement satisfaite de ma situation, le Labourg n'est pas un endroit facile et être une femme veuve ici n'a rien d'une partie de plaisir, mais la vie en elle-même n'est désormais plus une partie de plaisir. Je ne suis pas à plaindre, j'ai un toit au-dessus de ma tête et j'ai un repas tous les soirs, cela me suffit pour le moment.

Avec un autre sourire elle pencha la tête sur le côté avant de continuer.

— Je vous remercie cependant de votre sollicitude Monseigneur.

La jeune femme hausse les épaules et je comprends ainsi que cela fait très longtemps que son mari est mort et qu’ils n’ont pas dû se fréquenter beaucoup. Ce qui explique sûrement l’absence d’enfant. Et c’est sa fidélité envers son époux défunt qui la pousse à ne pas se trouver un autre amoureux. C’est quand même beau tout cela.

Quand elle parle de soin complémentaire, je lui dis en toute honnêteté :

Non, nous n’avons pas de guérisseur.

J’ai failli en recruter une, mais elle est partie pour convenance personnelle et je ne l’ai jamais revu. En-tout-cas, elle prend bien les choses, car ma réflexion sur l’état de sa boutique n’était pas vraiment un compliment. Cela se voit qu’elle est partie de rien, pourtant, elle garde le moral, c’est l'essentiel .Elle pense même à me remercier avec un sourire !

Je la regarde droit dans les yeux et je lui dis en toute sincérité :

Décidément, vous êtes une femme pas banale.

Ça, c’est un compliment, à sa place, je suppose que je serais en train de dépouiller les gens pour remonter la pente au plus vite. C’est pourquoi je réfléchis un peu, puis je lui demande :

Que diriez-vous de venir faire les soins pendant quelques jours ? Un ou une de mes employés peuvent venir vous chercher et vous ramener chaque matin. Le bâtiment que je possède a une arrière-salle qui sert d'infirmerie, j’avais prévu le coup en cas de blessé.

C’est à la fois une idée rapide et pratique. J’ai des éclairs de génie qui me viennent de temps, comme des fulgurances. Ce sont sûrement les Dieux qui me chuchotent à l’oreille. Pour enfoncer le clou, je lui précise :

Pour cinq visites, je vous payerai un grand meuble supplémentaire, qu’en pensez-vous ?

Je souris car je suis un habile négociateur doublé d’un véritable génie !