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 Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran]

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Apollin de FierchantBaron
Apollin de Fierchant



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MessageSujet: Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran]   Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran] EmptyVen 27 Mai 2022 - 9:49
L'Esplanade, 20 septembre 1165

Il est un temps pour le deuil. Il est un temps pour la colère. Un temps pour le chagrin. Pour l’amertume. Pour les regrets. Mais il est également un temps pour repartir de l’avant, car le monde continue de tourner lorsque nous sommes à l’arrêt, et que se cloîtrer trop longtemps finit toujours par être contre-productif. C’est en tout cas ce que se répétait ces derniers temps le baron d’Ocreval, et ce qu’il commençait à marteler à ses enfants, comme pour se convaincre en même temps qu’eux de cette absolue nécessité de réapparaître à la cour. Et qu’importe si l’engouement n’y était pas, seules les apparences comptaient, et ce ne serait pas la première fois qu’Apollin donnerait le change sans l’entrain chevillé au corps. Plus d’une année s’était désormais écoulée depuis la chute du domaine, et si le baron était en de rares occasions apparu à la cour du Duc de Sylvrur, lesdites apparitions s’étaient révélées bien moindres qu’elles n’auraient dû pour entretenir l’intérêt des aristocrates marbrumiens sur les mises élaborées au sujet desquelles la famille de Fierchant était réputée, et qui ne manquait pas d’allonger le carnet de commandes de son contremaître à chaque occasion.

Or donc, en plusieurs mois de discrétion, les commandes commençaient à s’amenuiser, et l’homme de confiance du baron avait, après nombre ronds de jambes tant il savait le caractère délicat de la situation, tiré la sonnette d’alarme à ce sujet. Néanmoins Apollin avait accueilli la nouvelle avec bien plus de mesure qu’il ne l’aurait attendu, et ce pour une raison qui avait échappé au plébéien : si le chagrin du baron était tout authentique, et qu’il lui avait réellement fallu plusieurs mois pour se remettre de ces nouvelles pertes, le noble n’avait pas eu besoin d’une année et demie pour se reprendre en main et penser aux intérêts de la famille, le poids des responsabilités recréant bien vite la chape habituelle sur ses épaules. Il l’avait néanmoins feint. Ceci pour une raison particulièrement pragmatique : créer à nouveau l’attrait, l’engouement, la passion pour les brocards et autres étoffes fines produits par ses ateliers. Car Fierchant avait dû au cours des derniers mois faire face à une raréfaction des matières premières, les stocks sauvés lors de la fuite du domaine s’amenuisant à mesure que le temps passait, et la perte du Labret dans le même temps ayant coupé toutes ses sources. Le baron avait alors pris la décision radicale d’immobiliser tous ses stocks restants, et rester des plus discrets au cours des derniers mois, toujours dans cet objectif d’éblouir d’autant plus la cour lors de sa réapparition minutieusement organisée. S’il avait participé très sobrement aux réunions concernant la reprise Labret, il avait laissé la main à ses deux fils à ces occasions.

Alors, l’imposant baron avait attendu son heure, laissant le soin à son contremaître, le brave et expérimenté Octave – à la loyauté sans faille en direction de la famille depuis maintenant plusieurs décennies – décliner nombre de commande, plusieurs mois durant. Puis commencer à en accepter et honorer certaines, au compte-goutte. Dans un choix toujours savamment pesé par Fierchant, au cas par cas, dans une volonté politique toujours pensée de favoriser les Sylvrur et leurs fidèles partisans. Initialement discrètement, puis de manière plus marquée, même si les tentatives de commandes restaient toujours bien supérieures aux livraisons finalement honorées.

Finalement, l’occasion parfaite s’était présentée : une réception tenue par l’inénarrable comte d’Ycelles, un partisan clairement affiché du pouvoir en place. Ainsi qu’un homme de goût, comme le démontraient les nombreuses mises et apprêtements que sa famille avait pu commander aux ateliers d’Ocreval au cours des années écoulées. Et dont malheureusement nombres avaient dû se perdre lors de la chute du comté, au grand désespoir de l’homme et de sa famille. Aussi lorsque l’invitation pour l’événement mondain lui arriva, Apollin décida qu’il était temps. Et assurément, au vu de la préparation que le baron souhaitait réaliser en vue de cette occasion, la quinzaine qui venait allait se révéler particulièrement chargée, tant pour l’épicurien baron que pour sa maisonnée. Car il allait devoir mettre pratiquement tout le monde à contribution, famille comme employés. A l’exception de l’atone petite figure chérubine qu’était Garance, l’ensemble de ses enfants seraient du voyage, et le Fierchant comptait bien faire forte impression, afin de rappeler le savoir faire de ses couturières et brodeuses. Et c’est en pleine confection de leurs tenues, un verre de vin à la main, qu’Apollin devisait en cet instant avec son impétueux benjamin.


« Vous voyez, mon fils, aussi importante que soit la lutte contre ces engeances du Banni que sont les Fangeux – et notez bien que je participe à ma manière à l’effort de guerre, je vous prie -, il est également d’une importance cruciale pour le Duc de maintenir l’illusion d’une certaine normalité à la Cour. D’un certain espoir pour un retour à la normale. Car si les familles nobles perdaient espoir en l’avenir, c’est l’ensemble de la société qui s’effondrerait, dans l’impossibilité de maintenir une hiérarchie stable, sans plus personne pour diriger le Peuple dans la bonne direction. Oh, je sais bien que le Temple pourrait un temps y pourvoir, mais n’oublions alors pas que la majorité des prêtres influents sont issus de l’aristocratie, ce qui reviendrait à mon point précédent. »

Apollin fit une brève pause pour déguster une gorgée du nectar, en fin connaisseur, puis reprit, non sans avoir tancé son fils qui semblait mal à l’aise dans cette posture et tenait avec grand peine en place.

« Or donc, comme je le disais au départ, maintenir l’illusion de normalité nécessite de poursuivre réceptions et festivités à un rythme régulier – sans pour autant que celles-ci ne soient vides de sens, ou ne puissent abriter de temps à autre une réunion privée sur un point stratégique et urgent, en huis clos. Cessez donc de gigotez, jeune homme. Vous n’avez plus cinq ans, et devriez être rompu à cette exercice, depuis le temps.

- Mais, Père, cette empotée ne fait que me perforer l’épiderme de ses aiguilles !

- Cela n’en renforce que plus mon point : ceci n’arriverait pas si vous vous teniez plus tranquille, Loric. Vous ne me ferez pas croire qu’une habile couturière comme Isabeau pourrait soudain devenir malhabile, et ce uniquement à votre encontre. Voilà, ainsi redressé, vous avez bien meilleure allure. Isabeau, ma petite, vous voudrez bien aller chercher ce brocard azur filé d’or ? Je crois que ceci sera fort belle impression sur notre cher Loric. »

*****

La descente du carrosse fût pour le moins laborieuse. Tout autant qu’en avait été la montée, à dire vrai, mais au moins cette dernière n’avait-elle pas eu de public autre que la maisonnée. Et tous avaient eu la décence de ne formuler aucune remarque à l’intention du patriarche sur ses difficultés à se mouvoir, plus prononcées qu’à l’habitude. Tenant difficilement debout, Apollin semblait en effet plus lourdement s’appuyer sur sa canne ouvragée qu’à l’accoutumée, et difficilement tenir en place, exhortant avec une pointe d’agacement ses fils et sa bru à sortir à leur tour, et ne pas perdre plus de temps que nécessaire à ré-apprêter leurs mises.

La montée des marches parut un calvaire au baron, qui fit néanmoins nombre d’efforts afin de limiter au mieux la boîterie qui s’était emparée de sa jambe au réveil, en lien avec une nouvelle crise de podagre. Crise que le faisait en cet instant souffrir terriblement, néanmoins le remède proposé par ses mires avait de sérieux désagréments, qui n’étaient pas compatibles avec le fait d’assister à une réception. Fierchant attendrait donc le lendemain pour le débuter, et s’était résolu à prendre sur lui pour la soirée. Il se devait néanmoins de précéder ses enfants pour l’arrivée, ou tout du moins souhaitait absolument s’y astreindre, quand bien même il dût serrer les dents lors de l’ascension du perron du Comte d’Ycelle. Repoussant le bras secourable de Foulques, le seigneur d’Ocreval souffla bruyamment à chaque marche, ignorant du mieux qu’il pût le regard des portiers d’Ycelle. Reprenant son souffle, le baron dont le faciès avait viré à l’écarlate sous l’effort attendit non sans une certaine exaspération que les serviteurs de leur hôte les accueillent officiellement puis les guident vers la réception en question, ce qui permis à son teint de reprendre petit à petit une teinte qui jurerait moins sur la teinte de son costume.

Car afin d’éblouir, le noble avait porté une attention particulière à la mise de chaque membre de sa maisonnée ayant fait le déplacement. Les riches brocards azur filés d’or que portaient les hommes permettaient de rappeler les armes de la maison, alors que sa belle-fille était parée d’une robe toute en soie ouvragée, aux teintes bien plus chaudes, avec nombre de jupons et volants, une pièce particulièrement complexe. Tout serait fait pour émerveiller l’assemblée, attirer l’œil, créer l’envie, le besoin. Et c’est pourquoi Apollin de Fierchant d’Ocreval attendit bien le dernier moment, que son entrée soit annoncée dans la réception, pour s’avancer. Il voulait être certain de son effet, bien encadré de ses fils, et s’assurer que les regards se tourneraient, appréciateurs. Que les murmures se répandraient. Que l’on parlerait de leurs tenues, et que l’on se souviendrait ainsi de la finesse de la sériciculture d’Ocreval.

Le plus droit possible, lourdement appuyé sur sa canne, Apollin savoura cet instant. Ce soir, l’on parlerait de la maison de Fierchant, et de la soie d’Ocreval. Il ne lui restait plus qu'à s'épancher en mondanités afin de faire profiter au maximum de convives de sa présence, et de la vue de ces brocards raffinés. Le baron commença alors ses pérégrinations au milieu des invités, prenant le temps de saluer chacun, d'échanger un mot agréable, ou un trait d'esprit avec les aristocrates les plus modestes, s'attardant un peu plus longtemps avec les membres les plus influents de la communauté. L'aînée de la famille devait être déjà sur place en compagnie de son époux, mais le père ne l'avait pas encore aperçut, et continuait à saluer les membres présents. Au bout de quelques minutes, cependant, Fierchant commença à tancer son benjamin, qui avait pris un peu de retard.


« Et bien, Loric, ne traînez point trop, il nous reste nombre de convives à saluer. Je vous aurais cru plus prompt à éviter les... Loric? Qui fixez-vous donc ainsi? Ce n'est guère convenable, vous le savez bien pourtant! »
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MessageSujet: Re: Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran]   Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran] EmptyLun 4 Juil 2022 - 20:28
Réputé pour ses qualités autant que pour ses défauts, le Comte d'Ycelle était également connu pour la démesure inhérente aux soirées qu'il organisait dans un cadre toujours fastueux. Majestueusement parés d'or et de lumières, sa résidence de l'Esplanade accueillait alors toute l'élite d'une cité affamée par la Fange. Les plus grands noms de l'Esplanade se pressaient ainsi aux portes de la somptueuse demeure. Ils s'y agglutinaient presque, invitation dignement brandie devant eux pour témoigner de leur éminence. C'est qu'il fallait sans aucune doute justifier d'orgueilleuse ascendance pour oser se tenir sur les marches de la bâtisse longtemps considérée comme la plus vaste de l'Esplanade. C'est également qu'il fallait entériner l'expédience d'un titre, la supériorité d'une caste et l'extravagante dépense engagée pour se pavaner dans les très beaux salons du manoir d'Ycelle.
Bien sûr, les Sabran n'avaient pas manqué répondre favorablement à l'invitation réceptionnée quelques jours plus tôt. L'occasion était trop belle et évidemment attendue pour ce qu'elle offrait de commodités. Il fallait donc se montrer, s'exhiber pour aider à l'ambition du Comte et surtout offrir l'opportunité aux galants de constater la valeur d'une marchandise parée de ses plus beaux atours. Une robe au tombé majestueux, dont le prix - absurdement élevé - aurait suffi à nourrir une famille entière pendant plusieurs jours. Des bijoux étonnamment sobres, mais dont les pierreries accrochaient la lumières des candélabres pour scintiller et attirer l'oeil. Et une allure travaillée, façonnée, taillée dans ce que certains s'osaient à estimer comme un diamant.

Hermance de Choiseul n'était pas peu fière. Modeste, tout du moins en apparence, elle s'obligeait pourtant à la retenue pour ne pas dire l'éloge de sa progéniture déjà remarquée. Esmée, en effet, venait de faire son entrée dans le monde et si Icare de Sabran n'avait pas encore convenu d'une alliance matrimoniale pour sa première née, la rumeur faisait d’ores et déjà mention d'âpres négociations en cours. Des tractations qui peinaient à aboutir alors que les enchères, disait-on, frôlaient l'indécence sinon l’outrage. Force était alors d’admettre que le Comte de Sabran était exigeant. Il voulait le meilleur pour sa fille, mais avait également des attentes et d’évidents projets qu'il n'entendait certainement pas revoir à la baisse. Ses détracteurs l’affirmaient alors avec une certaine morgue, le natif avait les dents longues.
La concurrence n’en restait pas moins rude et le moindre faux pas se payait souvent doublement au sein d’une société rompue à l’exercice du pouvoir, et de ses travers. Sans être ignorante de ces pratiques et intrigues, Esmée voulait croire en sa chance. Ce fait nouveau, qu’elle n’avait pas imaginé possible avant de croiser la route d’un Chevalier désargenté, était une indéniable épine dans le pied assuré de son père. Une contrariété qui venait contredire et malmener ses plans, alors même qu’Icare s’osait à tempérer l’irraisonné d’un béguin estimé passager.

Luynes… Esmée n’avait plus que ce nom à la bouche et les commères de l’Esplanade n’avaient pas manqué se saisir de l’aberration pour dire leur critique. Il avait alors fallu jouer des coudes et œuvrer dans l’ombre pour éviter la présence du « misérable » lors des plus éminentes soirées mondaines. Le drame aurait été de voir la Vicomtesse s’afficher officiellement au bras du noble bélitre. Fort heureusement, les dieux en soient loués, la milice extérieure avait besoin de volontaires et le Luynes n’aspirait qu’à faire ses preuves. Un fait que le Comte de Sabran n’avait pas manqué exploiter à son avantage pour garder le « coureur-de-dot » à distance de sa fille. Cette dernière, tout juste âgée de seize ans, en souffrait invariablement quand, à l’heure des danses, son regard ne trouvait pas à accrocher le toupet blond du téméraire. Fallait-il alors lui laisser cette qualité qu’Esmée parvenait à dissimuler son désappointement derrière un éclatant sourire.

Pour autant et derrière cette façade lissée de bienséance, la jeune femme s’inquiétait. À l’extérieur de la cité-refuge et aux abords de ses murs, le Mal rôdait. Les plus récents récits faisaient d’ailleurs mentions d’effroyables carnages, quand l’étude avait conclu à l’indéniable supériorité des monstres nés du Fléau. Ainsi la Fange s’invitait dans les plus anodines conversations pour assombrir le regard habituellement lumineux de la noble et témoigner de son supplice. Ses prunelles peinaient alors à conserver leur éclat pétillant, quand bien même les discussions se voulaient passionnantes et animées. Toute une éducation bientôt n’y suffirait plus, alors qu’Esmée passait d’un groupe de convives à un autre seulement pour conserver son image intacte.

Par chance, l’habitude savait parfaire le geste pour le rendre naturel, tandis que les mots se succédaient sans surprise. La parole demeurait la même. « Monsieur », « Un plaisir », « Évidemment ». Hermance sur les talons et le plus souvent en cheffe d’orchestre, Esmée s’inclinait, acquiesçait ou souriait avec grâce. Le jeu était celui des apparences et si elle n’y excellait pas encore, la toute jeune Vicomtesse de Sabran s’y montrait incontestablement douée. Aussi, lorsque sa mère se lança à l’assaut d’un nouveau cercle d’invités parmi lesquels se trouvait leur hôte, la demoiselle lui emboîta le pas sans sourciller.

- Monsieur d’Ycelle ! Hermance salua convives et maître de maison dans un même sourire. Permettez que je vous présente ma fille, Esmée. Nouvelle révérence, nouveau sourire. La jeune femme était rompue à l’exercice et sa mère ne s’en trouvait que plus enchantée. Esmée me confiait tout à l’heure son plaisir à se trouver ici. Elle me confessait également son admiration. J’avoue sans difficulté devoir m’accorder avec son sentiment. Quelle fête, Monsieur ! Quelle soirée ! Quelle réussite ! Et ce monde… ! Soyez certain que mon époux aurait apprécié être présent. Hermance soupira, avant de poser une main sur l’avant-bras du Comte pour ajouter au dramatique de ces mots. Son expression navrée se mua toutefois en un masque de surprise, quand son regard se posa sur la silhouette ronde d’une figure visiblement connue. Grands Dieux, ne serait-ce pas le Baron d’Ocreval ?

Ycelle acquiesça dans une exclamation ravie, avant de se faire devoir de céder aux impératifs de l’Etiquette. Ainsi, le bras qu’il offrit à la Choiseul la mena vers cet invité inattendu, mais vraisemblablement espéré.



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MessageSujet: Re: Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran]   Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran] EmptyMar 12 Juil 2022 - 0:22
Poussant un bref soupir d’exaspération, le Baron d’Ocreval décida de laisser Foulques et son épouse prendre les devants et se mêler aux convives, quand il lui incombait de ramener à lui l’attention de son fils benjamin, ce qu’il fit de la manière la plus rapide qui fût : s’avançant de quelques pas, le vieil homme se campa aussi droit que possible à côté du plus jeune, et plaça alors le bout de sa canne directement sur le pied du distrait, portant brièvement une partie non négligeable de son poids en cette direction, avant de faire habilement glisser la canne sur le cuir de la botte pour venir la reporter directement sur le parquet en chêne massif de la salle de réception. Surpris autant qu’endolori, Loric poussa un bref cri de douleur en sautillant sur place quelques instants, avant de se reprendre et lancer un regard chargé d’incompréhension à son paternel. Sans attendre qu’il ne formulât sa question, Apollin le rappela à l’ordre, expliquant par la même occasion l’origine de son mécontentement.

« Jeune homme, vous conviendrez en premier lieu que lorsque votre père vous parle, il est indispensable d’être attentif. Non, n’aggravez pas votre cas, et laissez-moi donc finir, voulez-vous. Or donc disais-je, l’éducation dont vous avez été pourvu devrait s’être rappelée à vous lorsque vous avez benoitement fixé votre attention sur l’un ou l’une des convives, et n’avez depuis lors cessé de fixer cette personne, sans aucun égard pour les convenances. Tout du moins osé-je espérer qu’il s’agissait au moins de convive, et non de domestique, auquel cas votre tort n’en serait que plus conséquent. Mais… » Le ventripotent noble baissa le ton, soudain conscient de mouvement dans la périphérie de son champ de vision « nous reprendrons ensuite. Tâchez de faire bonne figure, désormais. »

En effet, quelques personnes, et non des moindres, semblaient s’approcher d’eux, et il était tout bonnement impensable pour le baron de faire mauvaise impression à ce trio. Car comme le comprit bientôt son fils, l’hôte de cette réception était tout bonnement venu à leur rencontre, accompagné de deux charmantes personnes, dont une ne lui était pas inconnue. Arborant immédiatement une mine ravie, le Fierchant attendit néanmoins que la petite troupe fût suffisamment proche pour entamer la conversation sans héler ses interlocuteurs, ce qui eût pu passer pour une certaine grossièreté qu’il se garderait bien d’arborer en telle soirée mondaine. Se tournant pour bien faire face aux arrivants, le baron s’appuya fermement sur sa canne ouvragée, le pommeau venant s’incruster fortement dans sa paume, afin que le noble pût s’incliner tour à tour devant ses interlocuteurs, débutant évidemment par son hôte du soir, pour terminer par la timide figure qui se tenait quelques pas en retrait. Son visage rosit sous l’effort, mais le seigneur d’Ocreval chercha à ne rien laisser paraître de l’effort qui lui coûtait en cet instant, privilégiant l’Etiquette au détriment de quelques tourments qui l’incommoderaient au cours de la nuit suivante.

« Monsieur d’Ycelle, mon bon ami, j’ai été fort flatté de recevoir invitation à pareille soirée, et ma constitution me le permettant actuellement, je n’aurais failli à vous visiter sous aucun prétexte ! Je note néanmoins que vous n’avez point tardé à vous trouver excellente compagnie que voici. Mes hommages, Madame de Choiseul. Vous me voyez ravi de pouvoir profiter de votre compagnie dès le commencement de cette soirée, qui s’annonce donc sous les meilleurs auspices ! Mais il ne me semble pas avoir déjà eût l’occasion de croiser l’exquise damoiselle que voici ! Pour autant, sans chercher à me perdre en allégations, la ressemblance qui vous caractérise toutes deux semble difficilement laisser place au doute quant à une filiation certaine ! Bien plus évidente, j’en ai bien conscience, qu’il n’y paraîtrait de prime abord entre moi-même et mon benjamin que voici, Loric. »


Il était certes véridique qu’un monde semblait séparer l’adipeux baron de son jeune et athlétique fils. Le fils était brun là où le paternel avait depuis longtemps blanchi. Elancé lorsque son père dépassait allègrement le quintal. Le regard céruléen de sa défunte mère là où le baron était pourvu d’yeux bruns. Pour autant certains traits, certaines attitudes ne trompaient pas, comme la paire de fossettes se creusant aux commissures des lèvres lorsque l’un comme l’autre souriaient, ou cette manière de discourir avec les mains.

Le nom du jeune homme, prononcé avec plus d’insistance, avait pour objectif de ramener à l’instant l’attention du fils sur la teneur de la conversation. Attention qui semblait de nouveau s’être fixée, bien qu’un peu plus discrètement, sur la jeune femme qui accompagnait la Comtesse. Mais qui fût plus aisément captée que lors de la précédente tentative, bien que légèrement à retardement. Aussi le jeune homme s’inclina-t-il bien bas tour à tour devant les interlocuteurs de son père, s’y reprenant à deux fois avant de retrouver en fluidité.


« Mes hom.. hommages, Monsieur d’Ycelle. Madame de Ch..Choiseul. Mademoiselle. Vous me voyez très honoré de faire votre connaissance. »

Un bref instant il sembla que le jeune homme allait tourner plus cramoisi que son paternel, si cela eût été possible, surtout lorsqu’il manqua écorcher le nom de la Comtesse, mais se rattraper lui permit d’enchaîner et retrouver une contenance. L’erreur n’échappa cependant pas à son paternel, qui décida ainsi de prendre les devants.

« J’espère que vous pardonnerez la fatigue qui étreint ce jeune homme, et semble entraver quelque peu son habituelle vivacité d’esprit : mes fils reviennent tout juste hier d’une patrouille dans les marais avec la milice de notre bon duc, ce qui semble encore accaparer ses pensées. Mais je ne doute pas qu’il saura bien vite se montrer plus vif, et capable de mener une conversation digne de ce nom ! »

Partant d’un grand éclat de rire, Apollin s’assurait ainsi que toute maladresse du jeune homme puisse être vue par ses interlocuteurs avec la bienveillance due à ceux qui participaient activement à l’effort de guerre. Mais se jura intérieurement de tancer abondamment son puîné dès la soirée achevée, une fois rentrés au domicile. Tel comportement était tout bonnement inacceptable en société !
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MessageSujet: Re: Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran]   Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran] EmptyVen 15 Juil 2022 - 17:14
Le Baron d'Ocreval avait le rire communicatif, une mine bonhomme et un physique rondouillard qui aidaient à le rendre sympathique. Ainsi armé d'inestimables atouts, surtout au sein de la belle société, il pouvait espérer détourner l'attention et contrevenir aux petites maladresses de son fils. Pour autant, Hermance de Choiseul n'avait pas manqué remarquer le regard quelque peu trop appuyé que le jeune Loric avait posé sur sa fille. Elle en sourit, convaincue que ce fait - assurément anodin - lui serait un jour utile. Cependant et pour l'heure, la Comtesse de Sabran se voulait surtout agréable et polie. Ainsi laissa t-elle le soin à leur hôte d'échanger quelques bon mots avec le baron, avant de saluer son départ d'une gracieuse révérence.

Les années aidant à parfaire ses manières d'un indéniable charisme, il n'était pas question de critiquer cette entorse à l'Étiquette. Hermance connaissait le jeu des mondanités au point d'en devenir maîtresse avisée. Elle avait d'ailleurs eu l'occasion d'en domestiquer chaque règle et se faisait aujourd'hui devoir d'en montrer l'exemple à sa première née. Le sourire entendu qu'elle adressa au noble replet en témoignait, la Choiseul savait et elle avait compris l'exutoire stratagème pour ce qu'il devait débarrasser leur échange de gêne.

- Ah ! Mon Cher Baron, vous nous aviez manqué ! Et je regrette ces événements qui vous ont cruellement tenu éloigné des mondanités. Elle appuya son propos d'une profonde inclinaison du chef pour dire son évidente compassion. Respectueusement souligné de silence, son hommage se couronna d'un soupir, avant qu'elle ne reprenne la parole d'un ton plus pétillant. J'ai alors grand plaisir à vous retrouver en si bonne forme. D'autant que c'est là l'occasion parfaite pour effectivement vous présenter ma fille, Esmée.

Ainsi interpellée, la jeune femme se fendit d'une protocolaire et très élégante révérence. Comme à chaque fois, sa mère apprécia le geste d'un oeil d'experte. Elle en nota la mesure et la grâce, l'amplitude et la joliesse, mais constata également les doigts légèrement crispés sur le précieux tissu de la jupe.

- Monsieur de Fierchant. Monsieur. L’honneur tout comme le plaisir de cette rencontre me sont indéniablement partagés. Salua t-elle avec une savoureuse courtoisie, avant de s'offrir la fantaisie d'une remarque bienveillante. Aussi permettez que je m'ose à prétendre que fatigue est bonne, lorsqu'elle témoigne de courage. Soufflés dans des harmoniques teintées de vénusté, ces mots surtout adressés au jeune homme voulaient éteindre ce qu'il pouvait rester de confusion. Toutefois, leur portée s'étiola dans le brouhaha des conversations alentours avant même que la rosière ne se redresse.
- Voilà une indiscutable vérité ma chère. Il n'est d'ailleurs pas surprenant de constater nos valeureux éreintés. Deux mois de couvre-feu et tout autant de jours sacrifiés à la traque des félons qui ont voulu s'en prendre à notre Duc... La milice a eu fort à faire.

Hermance opina du chef tout en se remémorant le triste et le scandaleux des événements qui avaient endigué la liesse éprouvée à l'occasion des festivités estivales. Cible d'un attentat fomenté par quelques dissidents, le Duc avait manqué être assassiné à l'occasion d'une mutinerie organisée au Labret. Les représailles évidemment justifiées - tout du moins pour ceux qui n'en furent pas les victimes - avaient obligé à l'annulation de la plupart des rencontres mondaines. À l'Esplanade, bals et salons s'étaient alors tenus en journée ou à huis clos. Une contrariété dont la Comtesse de Sabran se serait passée, alors que sa fille venait de faire son entrée dans le monde.

- Souhaitons donc cette triste période enfin révolue. Pourvu que tous les traitres aient été débusqués.

Bien que sincère, le propos avait cela de discutable qu'il trouvait sa principale motivation dans l'oisiveté. Hermance de Choiseul, en effet, appréciait le clinquant des fêtes pour ce que leur tapageur lui offrait aujourd'hui d'échapper au funeste de ses réflexions. L'apparition de la Fange avait tout particulièrement éprouvé sa foi et sa pensée autrefois pondérée. La mondaine s'épanouissait alors dans l'excès. Achats compulsifs, dépenses déraisonnables et acquisitions inutiles faisaient ainsi son quotidien, quand elle ne pouvait occuper ses journées à d'autres tâches.
Cible de sa très maternelle attention, Esmée se voyait démesurément gâtée. La jeune femme trouvait cependant dans ces élans immodérés l'expression d'une indicible crainte. Une peur dont l'émotion glaçante voulait étouffer tout espoir et qui, plus cruelle que la mort, revêtait le linceul de la folie. Il n'y avait alors rien à faire, sinon acquiescer. La toute jeune Vicomtesse le fit avec déférence. Doctement et sans se laisser distraire par les premières notes d'une musique qui voulait officiellement ouvrir le bal annoncé.


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MessageSujet: Re: Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran]   Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran] EmptySam 16 Juil 2022 - 11:32
Les propos de la Comtesse tirèrent à l’imposant baron une expression bien étrange, figée un bref instant dans un assemblage de sourire poli et de regard empli d’une tristesse profonde. Puis le masque habituel de sa bonhommie joviale se rappliqua profondément sur ses traits, effaçant toute trace de ce fugace et étrange mélange.

« Votre sollicitude me touche au plus au point, Madame de Choiseul, soyez-en assurée. Et l’exquise damoiselle qu’est votre fille aura à n’en point douter su tirer parti d’une telle source d’exemplarité pour s’épanouir pleinement, et briller en société par la suite. »

Aussi nettement qu’une prédiction, les propos du noble se vérifièrent l’instant d’après, la jeune femme témoignant tant d’une politesse exemplaire que d’une prévenance fort à propos en vue de rassurer la maladresse du jeune Loric de Fierchant. Le patriarche inclina respectueusement la tête et le buste en réponse à la jeune Esmée, et eût l’agréable vision de son propre fils se courbant également sans commettre d’impair cette fois-ci. Le puîné semblait avoir retrouvé un minimum de contenance, ce qui était rassurant pour la suite des échanges mondains de la soirée. Hermance rebondit ensuite rapidement sur les propos de son enfant, vantant les mérites des jeunes nobles participant à l’effort de guerre, en une période qui avait été assurément riche en événements. Le baron opina vigoureusement du chef, trop content de pouvoir vanter les mérites de ses deux fils, et particulièrement du dernier présent à ses côtés en cet instant.

« Je ne puis qu’approuver vos propos, mesdames. En ces temps troublés, le Duché a grand besoin de jeunes hommes volontaires, prêts à donner de leur temps comme de leur personne pour renforcer le champ d’action de la Milice, et s’assurer de la stabilité du Morguestanc face aux menaces. Il eût été impensable pour mes fils de se soustraire à leur devoir de lige envers le Duc de Sylvrur, alors même qu’une atteinte directe à notre suzerain a été planifiée et orchestrée dans l’ombre par de vils faquins avides de chaos. Et je dois confesser qu’en d’autres temps, je les eus rejoints avec fierté dans cette tâche, tant ai-je pris l’affront d’un tel acte de manière personnelle ! »

Le baron s’offusquait véritablement de telles manœuvres à l’encontre du Duc, qu’il tenait sincèrement en haute estime. De tels actions étaient impensables dans son esprit, fragiliser l’autorité qui maintenait la dernière cité encore debout était d’une stupidité crasse, et avait donc la capacité à la mettre aisément hors de lui et fulminer. Mais principalement en comité privé. Ici, au cours d’une réception avec de multiples invités, le Fierchant se contint, prenant garde à afficher une contenance des plus affables. Nul besoin d’aller déclencher une déplaisante conversation sans préambule, aussi le seigneur d’Ocreval porta-t-il grande attention à ne pas se focaliser trop longtemps sur un tel sujet, et embraya-t-il rapidement sur quelques propos plus convenus.

« Fort heureusement semblerait-il que ces battues répétées, aussi risquées puissent certaines avoir été, aient finalement porté leurs fruits, et permis de mettre une grande partie de ces menaces hors d’état de nuire, et le reste en déroute. Charge à nos braves miliciens de maintenir l’ordre désormais, que puisse reprendre le cours normal des choses. Les affaires en ont été par trop affectées ces derniers temps, à mon grand dam.»

Devisant ainsi, le petit groupe progressait tranquillement en direction de la réception principale, saluant à plusieurs occasions d’autres convives, alors que la conversation reprenait régulièrement sur de plus légers sujets, comme la prédilection d’Apollin, les soieries. Sujet dont il savait évidemment la Dame de Choiseul friande. Et c’est véritablement pris au dépourvu qu’il vit son fils profiter d’un temps mort entre deux sujets de discussion, alors qu’un nouveau morceau entraînant était entamé par l’orchestre, pour s’avancer légèrement et prendre la parole, à l’adresse de la Comtesse de Sabran.

« Madame la Comtesse, souffririez-vous que je profitasse de l’agréable mélopée que voici afin de proposer à votre estimée fille de me confier en tout bien tout honneur sa main en vue de rejoindre les danseurs ? Si cette dernière y consent, bien évidemment. »

Sidéré par l’outrecuidance de son puîné, bien qu’il lui eût toujours connu un tel caractère, le patriarche de Fierchant en fut quelques instants décontenancé, mais se reprit bien vite. L’audace caractéristique du jeune homme pourrait bien servir les affaires de la famille, en cet instant, puisqu’il avait tout simplement fait fi d’une partie de l’Etiquette qui l’encombrait pour formuler cette proposition, tout en la tournant de manière à permettre un refus de l’une comme l’autre. En cas de réponse par la négative, le baron pourrait toujours tancer le jeune Loric pour sa fougue par trop développée au détriment des manières. Mais en cas d’accord… tel manœuvre ainsi en public ne manquerait pas attirer l’attention de certains, tout comme de faire virevolter les exquis brocards de la maison de Fierchant au milieu de l’assemblée, au vu et au su de tous…
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MessageSujet: Re: Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran]   Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran] EmptySam 30 Juil 2022 - 0:43
Bien souvent, le succès et la réussite se présentaient comme les enfants de l'audace. Rarement fallait-il cependant admettre que le trop plein d'assurance en venait parfois à frôler l'effronterie. S'agissant de Loric de Fierchant constat avait été dressé de son aplomb. Le jeune homme tenait indubitablement du hardi et ce trait de caractère, que d'aucuns ne considéraient qu'en qualité, le démarquait de ses pairs. Le nobliau n'en pouvait pas moins se prévaloir d'une éducation sans faille pour lisser le tableau de sa témérité. Aussi tenait-il sans doute bien davantage de son père, que ce que leurs physiques désappariés ne laissaient à croire.
Le Baron d'Ocreval, s'il n'était pas connu pour sa belle apparence, se présentait indéniablement comme un homme de tête. Un meneur dont l'allure soignée et travaillée forçait évidemment l'admiration, mais qui savait également tenir ses affaires d'une main de maître. Bien sûr, les soieries et brocarts de ces aristocratiques marchands avaient fait la notoriété de leur famille. Personne à Marbrume n'était assez sot pour ignorer ce fait. Cependant, si la qualité des textiles et le savoir-faire des ateliers Fierchant avaient aidé à la résonance de leur nom, ces nobles là pouvaient aussi se prétendre exercés.

Au regard qu'elle glissa en direction du patriarche bedonnant, il était évident qu'Hermance de Choiseul s'accordait avec le fond de sa pensée. Toutefois et contrairement à lui, la Comtesse n'entendait pas laisser un quelconque choix à sa fille. L'opportunité était trop belle pour la laisser filer. Sur la piste réservée aux danseurs et au bras du jeune Loric, Esmée se trouverait au centre de l'attention. Cette évidence, gonflée des murmures qui avaient salué le retour des Fierchant à la cour, s'appuyait également sur les regards qui en avaient apprécié la valeur. C'est que les nobles sériciculteurs savaient jouer de leurs atouts.
Oriflamme d'une élégance qu'aucun oeil avisé ne saurait contredire, le brocart tissé d'or qui avait servi à la confection de leurs tenues tenait du remarquable. Hermance en avait d'ailleurs estimé le précieux d'un coup d'oeil d'experte, avant d'en considérer le remarquable du bout de ses doigts gantés. L'étoffe était tout simplement splendide et cette merveille, indéniablement mise en valeur par le physique athlétique du puiné, amènerait tous les regards à se poser sur lui, et sur le couple qu'il formerait avec la jeune Vicomtesse de Sabran.

- Quelle idée exquise ! S'exclama t'elle d'une voix trop enjouée. Faites-donc jeune homme. Esmée adore danser. Je pense que vous ne pourriez lui faire plus plaisir qu'en lui offrant l'opportunité de tournoyer au milieu des autres convives. N'est-ce pas ?

La question posée seulement pour recueillir le consentement de la jeune femme, n'entendait souffrir d'aucun refus. Esmée s'inclina donc en une profonde révérence, avant d'acquiescer du bout des lèvres. Ainsi prosternée, tête et regard baissés, elle attendit que Loric lui offre son bras pour se redresser. Sa main survola la galanterie d'un frôlement vaporeux et trouva à se poser délicatement sur le poignet cerclé d'une patte de boutonnage brodée. Instinctivement, ses doigts s'invitèrent dans le dessin ouvragé de fil d'or, afin d'en souligner la perfection. Les Fierchant ne laissaient visiblement rien au hasard.
Son visage se pencha légèrement, tandis que ses yeux d'ambre s'autorisaient un regard vers son cavalier. Jusque là, elle n'avait pas pris le temps de l'observer. Au ton de sa voix et à l'aune de ses quelques maladresses, elle l'avait deviné jeune. Elle le découvrait finalement à peine plus âgé qu'elle. Ce constat amena un sourire rassénéré sur ses lèvres précédemment pincées. À cela pouvait-elle aussi ajouter qu'il avait l'air avenant. Ses traits, plus fins que ceux de son père, n'étaient pas dépourvus de charme et quand bien même leurs lignes ne le figuraient pas comme un idéal, Loric n'en restait pas moins séduisant.

Sans doute avait-il eu l'occasion de s'en rendre compte. Son pas, en effet, n'était pas celui de l'irrésolu qui manque d'assurance. Le Fierchant, au contraire, avait la démarche fière et affirmée. Un maintien impeccable qui s'aidait d'un tempérament énergique pour se faire prévenant. À ses côtés, la Vicomtesse de Sabran ne pouvait que s'afficher dignement. Elle l'admettait avec amertume, tandis que son coeur en venait à se serrer. Instinctivement, son menton se redressa pour permettre à son regard de parcourir la foule des convives. Aucun éclat de soleil ne trouva cependant à accrocher ses yeux d'or. Sur un soupir tout juste retenu, elle admit de se faire raisonnable.
Son pied menu et joliment serti dans un soulier d'apparat effleura la piste de danse. Elle savait le regard de sa mère posé sur elle. Tout aussi sûrement qu'elle connaissait ses attentes et se doutait bien sûr de ce que la rumeur affirmerait dans les jours à venir. Alors résignée à ne pas s'en faire la martyre, Esmée décida de seulement profiter de l'instant présent. Les musiciens saluèrent sa bénéfique résolution d'un autre accord et quand ils entamèrent les premières notes d'une nouvelle danse, la Sabran s'employa à seulement faire honneur à l'impudent courage de son cavalier.

Quant à Hermance, les yeux effectivement rivés sur le couple que formait sa fille avec le jeune Fierchant, la Comtesse de Choiseul se pencha vers son homologue pour chuchoter.

- Alors mon cher Baron ? Qu'en dites-vous ?

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Apollin de FierchantBaron
Apollin de Fierchant



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MessageSujet: Re: Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran]   Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran] EmptyMer 3 Aoû 2022 - 23:35
Fort heureusement pour le paternel Fierchant, la Comtesse de Choiseul ne prit pas ombrage de l’audace de son jeune et impétueux fils, et au grand étonnement du premier accéda à la requête du second. Gardant au mieux sa contenance, le baron se félicita bien vite de l’opportunité qui s’offrait céans à sa famille, sous réserve que son puîné ne se ridiculisât pas devant l’assemblée d’une maladresse ou d’un manquement flagrant à l’étiquette. Si le jeune homme avait depuis longtemps fait montre d’une certaine agilité, ainsi que d’une adresse à l’épée appréciable pour limiter les craintes du patriarche lorsque ses fils sortaient en mission en compagnie de la milice extérieure, il avait souvent rechigné lors des leçons d’étiquette, de bienséance, et le seigneur d’Ocreval suspectait qu’il en eût esquivé un certain nombre, passés sous silence par son précepteur d’alors par crainte de réprimandes.

Pour autant, c’était peut-être ce soir cet état de fait qui avait œuvré en faveur de la maisonnée pour leur apporter une occasion de briller, de se mettre en avant autant que l’avait souhaité le vieil homme en investissant les lieux, aussi ce dernier n’en tiendrait-il pas rigueur à son fils. Néanmoins ne pouvait-il pas se départir d’une certaine appréhension, qu’il ne tenait qu’à lui de tempérer, voire de diluer en s’appliquant à d’autres ouvrages sociaux dans le même temps. Ce que la Comtesse lui offrit sur un plateau en venant se porter à sa hauteur, alors que les deux jeunes gens entamaient leur délicat ballet au rythme des instruments. Penchant légèrement la tête de côté afin de lui répondre, le baron coula un regard en coin vers son interlocutrice sans trop se tourner afin de pouvoir continuer à surveiller les réactions de l’assemblée tout en poursuivant la conversation. Non par dédain, bien évidemment, tout le contraire même, tant il avait l’assurance que la Dame de Choiseul marquait la même posture en cet instant, et les portait les mêmes regards.


« Vous me voyez fort gré d’avoir aussi gracieusement rattrapé l’entrain par trop enthousiaste de mon effronté Loric, Comtesse. Le jeune homme est impétueux, et en oublie parfois de tenir son rang, ce qui a pu me causer quelque embarras par le passé. Ce n’est pas un mauvais bougre pour autant, et des plus francs. »

Temporisant la suite de sa réponse le temps d’apprécier d’un regard avisé les premiers pas du couple impromptu tout comme l’apparition de certains regards intrigués dans la foule, particulièrement de certaines têtes bien connues, le baron d’Ocreval afficha un sourire satisfait tout en poursuivant.

« Cette opportunité bénie des Trois devrait aisément permettre de rappeler à tous la finesse des étoffes d’Ocreval, tel un écrin venant sublimer le joyau brut mais déjà fort raffiné que votre charmante enfant constitue déjà. Notre agréable hôte aurait presque de quoi se plaindre de ne point constituer plus longtemps le centre de l’attention, ne croyez-vous pas ? »


Dans le même temps, le jeune Loric n’en revenait pas d’avoir su surmonter tel sentiment qui l’avait un temps paralysé et lui avait fait perdre ses moyens. Il en manqua rester éberlué lorsque la charmante Comtesse avait accédé à sa requête, mais l’euphorie du moment lui donna des ailes, et s’inclinant élégamment face à la jeune femme en quête de son assentiment tacite, en réponse à la gracieuse révérence dont l’ingénue vicomtesse le gratifia, avant de lui tendre son bras, ainsi que la convenance l’exigeait. Se dirigeant alors d’un pas assuré en directement de la piste de danse, le puîné des Fierchants prit garde à ne point se précipiter pour autant, tant afin de ne pas démontrer d’empressement qui eût été fort malvenu, qu’afin de profiter de cet instant de grâce à son paroxysme.

Car s’il captait de lourds regards dans leur direction, sans forcément en saisir tous les tenants et les aboutissants, le jeune homme se sentait transporté par l’instant, peu accablé par certaines œillades pourtant lourdes. D’un naturel plutôt fin, il avait bien saisi de manière innée l’exposition qu’apporterait ses virevoltes au centre de la salle pour le véritable chef d’œuvre textile de la maisonnée qu’il avait revêtu pour l’occasion. Tout comme il avait pu d’une œillade dérobée au cours du bref trajet constater l’apparente placidité de la jeune Esmée. Pour autant, il ne mesurait assurément pas autant que son père l’ampleur que pouvait prendre le symbole d’une telle danse partagée avec la fille du Comte de Sabran, les implications de tels instants. Ou tout du moins ne cherchait-il point à s’en encombrer l’esprit, désireux de profiter pleinement de l’instant présent. Aussi lorsqu’il eut pris la mesure des premiers accords de la nouvelle mélodie, le fier Loric se mit-il à en rang avec les autres cavaliers, alors que leurs partenaires faisaient de même en face. Puis, d’un salut initial raffiné, le jeune aristocrate entama-t-il la danse, marquant quelques hésitations lors des premiers pas, peu coutumier du fait, mais se reprenant rapidement une fois lancé, alors que les rangs se rapprochaient puis s’écartaient régulièrement. Et c’est lors de ces brefs croisements que le fils Fierchant s’arma d’un courage toujours plus ardent, à la limite de la fougue, pour glisser proposition après proposition quelques phrases à l’oreille de sa cavalière d’un soir, lui faisant part de quelques réflexions qui se formulaient dans son esprit.


« Grand merci, ma damoiselle… de m’avoir accordé cette danse… Vous avez illuminé une soirée… qui semblait s’annoncer morne et terne… J’ose simplement espérer… ne pas avoir contrarié vos intentions… en vous dérobant à Madame votre mère… faisant il est vrai part… à cette occasion… d’un certain égoïsme… sans m’assurer… du plaisir partagé… d’un tel moment. »
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MessageSujet: Re: Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran]   Se parer de son habit de lumières pour briller en société [Esmée de Sabran] EmptyDim 14 Aoû 2022 - 15:05
Un énigmatique sourire vint étirer les lèvres de la Comtesse. Le jeune Fierchant avait manqué de tact, cela ne faisait aucun doute. Impétueux, téméraire et peut-être bien un peu naïf, il avait cependant fait les affaires de son père. Fierté familiale très largement convoitée et commentée, la soie d'Ocreval avait fait la réputation tout autant qu'elle avait contribué à faire la fortune des aristocrates. La conjoncture actuelle, avariée et gangrenée par la Fange et ses misères, n'avait pu qu'être désastreuse pour le commerce. Les biens et les richesses manquaient. Plus précieuses que les joyaux ou le brocart, les denrées alimentaires et autres matières premières faisaient aujourd'hui les affaires. Mais tout cela, tout ce chamboulement, ne durerait pas. Hermance de Choiseul en était convaincue.

La plupart de ses pairs la considérait comme perdue. Désaxée au regard de la situation dramatique dans laquelle se trouvait l'humanité. La Choiseul, en effet, avait pris le parti d'acquérir tout ce qu'elle pouvait de bijoux, de bibelots et d'oeuvres d'art que d'aucuns considéraient désormais comme inutiles. Elle l'avait fait avec une volonté à ce point farouche, que la folie lui avait finalement été attribuée comme qualité. Aujourd'hui en possession de valeurs acquises en son nom propre, l'épouse du trop "populaire" Comte de Sabran se persuadait avoir oeuvré pour l'avenir. Viendrait ce jour où une toile de maître retrouverait toute la mesure de sa vraie valeur. En attendant, acquérir quelques chef d'oeuvre au prix d'une bouchée de pain constituait, de son point de vue, un très bon investissement.

- Voyons mon cher, votre Loric ne peut être qu'un homme de bien. En cela, j'en suis certaine, il est votre très digne fils. Elle laissa un temps de silence ponctuer sa phrase avant de reprendre d'un ton moins explétif, mais non moins flatteur. Et puis, soyons honnêtes, il aurait été triste d'étouffer tout cet entrain alors qu'il en vient à servir nos objectifs respectifs. Vous voulez exhiber votre savoir-faire et je tiens à voir ma fille au centre de l'attention.

Le regard qu'elle coula en direction du ventripotent baron se voulait éloquent.

- Souhaitons que cette association trouve alors d'autres occasions de porter ses fruits. Non ?

La Choiseul ne pouvait avoir qu'une idée derrière la tête. Cependant, si elle avait lancé son appât dans la conversation, il était évident que son époux ne devait pas être au fait de ses manigances. Icare de Sabran se voulait être un homme de tête. Sa réputation le prétendait proche du pouvoir ducal et prêt à tout pour gravir les marches qui lui permettraient de s'assoir à la droite du Sylvrur. Pour ce qui concernait son épouse, Hermance de Choiseul était souvent estimée comme effacée. Bien sûr, la mondaine savait briller en société. Cependant, son amitié avec la très regrettée Annolisa Sandre de Malemort lui valait quelques détracteurs qu'elle s'employait à contredire dans l'apparence.

- Quoiqu'il en soit et pour en revenir à votre puiné, si ma mémoire est bonne, il a le mérite de faire sourire Esmée ce qui, de vous à moi, n'était pas chose évidente à réaliser ce soir.

Elle releva le menton et le pointa en direction du couple de danseurs. Sur la piste, entourés d'une nuée d'autres convives, les jeunes gens semblaient effectivement évoluer avec une certaine complicité. C'est sans doute qu'Esmée avait le caractère facile, tout du moins en apparence. La Vicomtesse de Sabran savait ses obligations et si elle avait été sommée de taire sa franchise jugée déplacée, elle ne s'était jamais illusionnée sur ce que devait être son rôle. Belle et silencieuse, soumise et obéissante, une dame de qualité n'avait que le choix de s'adapter. Esmée veillait alors à parfaitement jouer la partition apprise depuis son plus jeune âge. Elle le faisait d'ailleurs avec l'aisance de l'habitude. Chose qui finalement lui valait d'avoir l'attention de quelques prétendants inattendus. Elle n'en restait pas moins jeune. Trop, sans doute, au regard de ce qu'il lui faudrait affronter un jour sur la scène des mondanités. Hermance avait souhaité la voir s'endurcir. Elle l'avait même espéré. L'enfant avait malheureusement grandi avec son trop plein d'espoirs et de rêves, et finalement Esmée s'était révélée pugnace dans ce qu'elle avait de candide.
En comparaison du jeune Loric, se montrait-elle alors douce et délicate. Attentionnée au point de parfois guider ses gestes, tout en lui laissant croire qu'il menait la danse. Et le jeune homme ainsi rassuré prenait de l'assurance. Ainsi chuchotait-il à son oreille pour lui dire quelques confidences qu'elle accueillit d'un bienveillant sourire.

- Nulle inquiétude, Monsieur. Au contraire. Ma mère disait vrai. J'aime danser. Et elle le faisait avec grâce, s'offrant parfois la liberté d'une fioriture pour parachever un geste dans l'élégance. Son regard pourtant démentait tout ce qu'elle affirmait et tandis qu'un nouvel accord de notes lui permettait de glisser quelques nouvelles paroles à l'oreille du Fierchant, elle demanda d'une voix presque soufflée. Vous êtes donc milicien ?

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