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 Des braises du mensonge

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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyDim 19 Juin 2022 - 19:27
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

Nulle coupe, nul couteau, nulle assiette, vola en direction de Lazare de Malemort. Euryale demeura prostrée dans cette même attitude rigide, distante. Le poing gauche toujours en appui sur la table aux arabesques nordiques, elle fixait obstinément le Comte, ou peut-être ne le voyait-elle plus à travers le tourbillon parasite de ce voile aqueux qui ne voulait céder. Elle était indifférente au chagrin, aux larmes de repentir de son ancienne nourrice et désormais dame de compagnie, dont elle percevait les hoquets nerveux, les reniflements mouillés. Il lui était intolérable que cette femme, au terme d’une trentaine d’années d’un lien étroit, quasi maternel, eut osé lui celer des faits si graves, si ignominieux.

- Je souhaiterais que Madame Dufresne soit raccompagnée à l’hôtel. Sauriez-vous accéder à ma requête, monsieur le Comte ? pria-t-elle soudain, rompant le silence de cette voix éraflée qui avait abruptement perdu de son timbre. Si quelque révélation doit être faite ici, en ce lieu, je ne veux d’autres oreilles que les nôtres.

Ajouta-t-elle et son regard se libéra de l’objet entêté de son examen pour fuser vers le jeune Clovis.

- Madame-… couina Jehanne, le visage livide d’incrédulité, ses mains serrées autour du mouchoir que le valet de chambre venait de lui léguer. Il n’est pas conv-…

Exhalant un soupir sec, la Baronne de Malefreux ferma les yeux, sa poitrine se soulevant sous le joug de l’inspiration, fébrile, qu’elle s’imposait pour apaiser les battements affolés de ce métronome qui cognait tel un tambour contre sa cage thoracique. L’impatience et la contrariété la rongeaient. La vieille gouvernante se tut d’elle-même, résignée. Euryale finit par se rasseoir à son tour, le dos raide, attendant que l’on décide du sort de la Dufresne avant que le cœur de ce sujet brûlant ne soit abordé.
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Lazare de Malemort



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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyLun 20 Juin 2022 - 3:12



Des braises du mensonge | Printemps 1167

La requête de la Montecler résonna à mes oreilles comme une symphonie entêtante, des notes subtiles de rancune et de colère sur une sonate au vibrato glacial. Plus encore que les suppliques étranglées de la Dufresne, heurtée par la requête incongrue de sa maîtresse, je m’appliquai à en savourer chaque mot dans un soupir retenu au sommet de mes sinus. Un morceau de hareng encore dans la bouche, appréciant la saveur salée et fumée d’un poisson frais, mes lombaires rencontrèrent le semi-dossier de mon siège assez peu confortable somme toute. Tandis que je naviguai dans les eaux troubles des océans lactescents et refusai de m’y soustraire, j’usai du corps poinçonné de ma cuiller pour faire tinter le cuivre de mon hanap. Un timbre aigu et caverneux maintint un écho suffisant pour alerter Clovis quelques pas derrière moi, se présentant avec tous les hommages qui m’étaient dus. Le jeune homme ne se permit aucune question, sachant pertinemment que je l’appelais pour une raison qu’il me serait donné de dévoiler en temps voulu. Ainsi, il lui aura fallu attendre que je termine ma bouchée de salade froide pour enfin faire savoir ma requête.

Faites mander messire de Guéramé. Qu’il raccompagne madame Dufresne à ses quartiers.
Immédiatement, monseigneur.

En un éclair, le crin mi-long aux reflets bruns du serviteur s’échappa par la coursive courant le long de la bâtisse. Le silence qui s’ensuivit fut propice à un peu plus de dégustation de ma part, plutôt affamé par les repas frugaux que je me réservais en temps normal. Rationner mes repas n’avait pas pour objectif de surveiller ma ligne, bien que mon âge avançant aurait pu me mener à gagner en charge pondérale, mais bien à économiser autant d’écus que je le pouvais, et autant de nourriture qu’il m’était possible de conserver en fûts d’or blanc. Ce faisant, je réclamais que l’on me serve de nouveau en reginglard, tout qualitatif puisse-t-il être, et laissais la liberté à la Montecler d’en faire autant bien que je ne soupçonne qu’elle ait peu vocation à troubler son esprit en un moment aussi critique.

De retour de son emplette, Isméon prit la charge de Clovis et s’assura de rendre à la Dufresne ses effets personnels, puis de la confier – enfin – au charmant Guéramé qui s’apprêtait à la conduire à son domicile. Mes salutations à son égard furent des plus spartiates, n’ayant pas cœur à suinter d’hypocrisie entre mes murs. L’on apporta la volaille en sauce et ses racines de salsifis, rares mets qu’il était encore possible de cultiver sans la vendre à prix d’or. Et enfin, la quiétude retomba. Non point celle des choses bien faites, non point même celle du soulagement de ne plus être épiés, mais celle, lancinante et poignante d’un suspense qui n’a que trop duré pour l’un de nous.

Je vous écoute, madame, s’il est quelque détail dont vous souhaitez avoir connaissance.

Valets disparus, ne resta là qu’un espace négatif qui n’appelait guère à être comblé entre nous. Ce huis-clos refermait ses murs sur nos silhouettes graves, et s’en vint taire enfin nos confidences tel un autel à l’égard de nos secrets.



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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyLun 20 Juin 2022 - 8:24
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

Le départ de la vieille gouvernante se fit dans un mutisme empreint d’une froide indifférence. La déception, la tristesse, froissaient l’ovale délicat de la Baronne d’un réseau discret de ridules nerveuses. Lorsque la décision fut actée et que le couperet tomba de la bouche barbue du Comte, Jehanne Dufresne quitta son siège d’un bond aussi vif et sec que le permettait son opulente physionomie, retrouvant le masque de la dignité en l’espace d’un battement de cils. Ses doigts boudinés ajustèrent la guimpe immaculée autour de sa tête, tamponnèrent les vestiges de ses pleurs sur ses joues carmin et abandonnèrent, le geste blasé, le carré de tissu désormais souillé de ses larmes et de ses humeurs nasales sur la table. Avant de se caler dans l’ombre du charmant chevalier de Guéramé, elle se fendit d’une révérence faussement obséquieuse à l’égard de Lazare de Malemort, car lorsqu’elle se redressa, poitrine bombée et front altier, son regard bistre l’agressa d’un javelot assassin. A son attitude méprisante qui caracolait à la surface de ses yeux bouffis par les sanglots qui l’avaient assaillie, il était désormais consigné dans son cervelet qu’elle le tenait pour responsable de l’éclosion de cette discorde entre sa maîtresse et elle. Préservant le silence qui hantait l’atmosphère sous tension, la vieille femme pivota sur ses talons et suivit Geoffroi de Guéramé.

Euryale patienta que l’écho des pas de ce couple dépareillé cessât tout à fait pour s’émouvoir d’un geste. Ses doigts longs, fins, au derme d’albâtre, agrippèrent le hanap rempli d’eau fraîche pour le porter à ses lippes au pli stressé. Elle en but une rasade qui eut l’heur’ de la désaltérer, et avec une lenteur maîtrisée qui aurait pu paraître interminable si le temps ne semblait pas déjà s’être arrêté entre ces deux protagonistes que tout avait l’air d’opposer. Sur ces entrefaites, la volaille et ses légumes furent servis. Elle se força à grignoter quelques bouchées, couteau et fourchette dilapidant la chair blanche, odoriférante d’herbes, avec une entêtante minutie ; d’une part pour faire honneur à son hôte, malgré l’insolite conjoncture ; d’autre part pour occuper ses mains le temps que cessent leur tremblement. Une dernière de ces tendres bouchées mastiquée péniblement et ingurgitée, elle déposa les couverts de part et d’autre de l’assiette, se permit une nouvelle gorgée d’eau avant que le hanap de cuivre soit à son tour délaissé, sa base tintinnabulant imperceptiblement sur le plateau de bois. Un profond soupir anima sa poitrine qui se souleva – presque – voluptueusement tant elle semblait étroitement incarcérée dans la gangue de sa lugubre toilette. Un frétillement de ses paupières diaphanes et ses iris d’opale assombrie revinrent harceler cet horizon à la mante smaragdine, pour s’y percher sans ciller.

- Vous avez-… évoqué des portes demeurées closes par ordre du roi. entama-t-elle de son timbre grave, cassé, son menton oscillant vers lui comme pour appuyer ses propos, tandis que sa senestre cajolait en une danse agacée la serviette chiffonnée qu’elle avait ramenée sur la table. Je sais ma mémoire-… me faire souvent défaut. Or je n’ai guère le souvenir que monsieur mon père eut nourri quelque inimitié pour que Son Altesse en arrive à cette extrémité. Et la seule question qui me vient à l’esprit, monsieur le Comte, est : pourquoi ?
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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyLun 20 Juin 2022 - 16:09



Des braises du mensonge | Printemps 1167

Il fut toutefois un instant, bref, où je dus contempler la féroce nécessité de la supprimer sur le chemin de son retour. Un tel regard plein de rancune ne me signifiait rien qui vaille, mais je comptais pour l’heure sur la Baronne de Malefreux pour apaiser cette tension ou s’en charger elle-même à son retour à l’hôtel de sa défunte famille. Préoccupé toutefois par le contenu encore fumant de mon écuelle, je m’attelai à grignoter le temps de percevoir la rumeur cliquetante d’un verrou qui se referme sur l’atmosphère mutique, vestige de nos derniers échanges. La bouche encore pleine de volaille marinée, je levai une mire scrutatrice aux éclats de jadéite sur la silhouette désormais bien maigre, bien esseulée, de la veuve Montecler. Et celle-ci de me solliciter de nouveau, avec une interrogation pour le moins cohérente au regard de sa longue absence. En effet, elle n’aurait pu comprendre les tenants et aboutissants de l’opposition féroce que se vouaient Sylvrur et Sarosse. Ma cuiller retrouvait le confort du bois sec près de mon auge, et moi celui de mon dossier. Coudes sur les accotoirs de bois sans renfort rembourré, je liai mes doigts entre eux dans des entrelacs chaotiques n’ayant guère de motif régulier.

Pourquoi… répétai-je posément, ma tête basculant sensiblement en arrière pour libérer mon faciès d’une mèche dissidente venue harceler ma pommette. J’évoquais nos amis mutuels, quelques instants plus tôt. À leur tête Cyras, comte de Sarosse, fervent opposant politique de Sigfroi de Sylvrur ; un ami cher avec qui feu votre père commerçait régulièrement et devait, je le pense, fort bien s’entendre. Les satires de Cyras à l’encontre de Sylvrur, ses sabotages réguliers, ses tentatives de le renverser, nous étions tous au fait de ces exactions lorsque nous n’y participions pas nous-mêmes.

Je ravalai un instant mon souffle, paupières closes et chef abaissé par un songe parasite venant frapper mon estomac et raidir ma nuque. Mes pouces se jouaient l’un de l’autre, affrontés par la pulpe ou repoussant leurs cuticules, le geste nerveux bien que discret lorsque j’anticipais le récit à venir. Mon torse se gonfla sous l’air aux fumets caramélisés que je lui insufflais, inspirant un courage qu’il ne m’avait pas souvent été donné de démontrer, n’ayant jusqu’alors jamais eu à justifier cet évènement à voix haute.

Tous rejoignirent le pas de Marbrume, et nombreux furent ceux à se presser contre les battants, lorsque Sigfroi réclama à son rival des excuses sincères, mais surtout le genou à terre. Ce à quoi il se soumit, passées de longues minutes de cris et d’effroi.

Un soupir, presque un rire empreint de nervosité, nasal. Le nœud dans ma gorge gagnait en férocité, mes phalanges claircies trahissant la tension courant mon échine et mes épaules que je forçais à la rectitude. Mes lèvres soudainement sèches se comprimaient d’anxiété, retenant dans leur geôle de chair les mots trop abrupts qui me venaient à l’esprit en éclairs destructeurs. La rage était vive, la colère brûlante, la haine viscérale. Et le chagrin de frapper encore, après deux années d’un quotidien morne duquel je m’étais accommodé, ma vengeance inassouvie me rappelant à mes promesses dans un recoin de mes souvenirs.

Sigfroi ne s’exécuta pas. Sur son ordre, les Portes du Crépuscule restèrent hermétiques. Et l’orgueil terrassé de Cyras ne suffit pas à le convaincre de ne pas condamner les nôtres, pas plus que leurs suppliques. Pas plus que les miennes. La Fange…

Instinctivement, incapable de contenir la pénibilité de ces réminiscences, je me relevai d’un bond, ce qui éjecta mon siège dans un fracas assourdissant. La table elle-même, aussi lourde et massive soit-elle, trembla sous mon mouvement, sans doute m’étais-je même cogné dans la manœuvre, mais n’en ressentis pas la douleur. Quelques pas fomentés de côté, je passai ma paume sur mon visage et enfermai un peu plus longtemps mes palabres dans le carcan de mes dents. Je me souvins de cette fraction de seconde – peut-être fut-elle plus longue – où repoussé au fond de ma conscience, le démon jeta son fiel à mon égard. Je sentis un murmure m’échapper, dont la souvenance s’évapora aussitôt, mais qui figea l’entièreté de ma silhouette. Il me fallut quelques minutes de quiétude pour le vaincre et reprendre possession de mon enveloppe…

… La Fange, oui. La Fange frappa peu après. Vos gens, leurs gardes, les miens, décimés tant par les crocs de ces infâmes créatures que les flèches des archers marbrumiens. Et c’est ainsi que périrent les nôtres, devant le despotisme d’un tyran désormais roi.

Je ne pouvais faire autrement que cracher ce titre comme s’il m’avait brûlé la langue, et m’y avait laissé un arrière-goût infect de pourriture.



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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyLun 20 Juin 2022 - 22:41
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

L’incrédulité, palpable sur ce visage dont les traits fins étaient capables de jouer sur tout une gamme d’expressions s’opposant tour à tour, la tint un instant coite. Son regard humide s’écarquillait à mesure qu’elle était informée sur ces accointances que son père entretenait avec ce Comte de Sarosse, jusque-là parfait inconnu. Le récit que son hôte détaillait avec minutie sous son front froissé de concentration mettait en avant un cortège de personnages, chacun jouant son propre rôle : du traître à la parole donnée aux victimes de ce jeu de pouvoir cruel. Elle ne put empêcher son imagination, sous le fouet infatigable des mots crachés difficilement par le Comte, de faire éclore ces scènes de tuerie, de carnage… et de s’approprier l’épilogue sanglant qui vit la mort cruelle et injuste de son lignage. Et de tant d’autres innocents.

Quant à Lazare de Malemort, plus le récit s’approchait de sa lugubre conclusion, plus il semblait perturbé. Toute sa sombre physionomie se tendait d’une rage vivace, en attestait la tension avide qui l’étreignait jusqu’à sa gorge s’étranglant d’un souffle de rire contraint. Sans joie. Et lorsque l’homme déserta son assise d’un sursaut abrupt, le siège basculant vers l’arrière dans un heurt bruyant, Euryale s’ébranla d’un violent tressaillement qui provoqua sa propre désertion de sa chaise. Les pieds de cette dernière grincèrent d’une sèche musicalité sur les lattes cirées du parquet, tandis que la veuve Montecler s’évadait d’une retraite prudente vers le seuil de la salle à manger. Ses mains moites, pâles feux follets, dansèrent jusqu’aux plis de son bliaud qu’elles agrippèrent nerveusement, tandis que le Comte s’enivrait dans ses propres réminiscences, sa propre douleur.

Jugeant, au terme de plusieurs minutes égrenées, qu’elle ne risquait pas de devenir la cible collatérale d’un cauchemar que semblait revivre son hôte dans les affres terribles de ses songes silencieux, Euryale finit par rompre sa fixité de pierre pour franchir la distance qui la séparait du ténébreux personnage. D’un regard fébrile, mâtiné d’une urgence qu’elle ne s’expliquait pas, elle guetta la présence de l’aiguière de vin blanc dont s’était servi Clovis. La dénichant sur un guéridon esseulé, elle s’en empara et, dans un silence tendu, électrique, compléta la coupe de cuivre de Lazare du breuvage jaunâtre. Une fois son forfait achevé, le hanap dans sa senestre, elle esquissa un pas supplémentaire vers lui.

- Monsieur le Comte… murmura-t-elle, troublée, ses mâchoires se crispant sur une déglutition stressée tandis qu’elle lui tendait le hanap de sa main menue.
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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyMar 21 Juin 2022 - 2:29



Des braises du mensonge | Printemps 1167

Je me trouvais là, sur nos remparts, échappant de peu à l’assaut de mes terres. Là, à quelques mètres des deux fils DeConques, de Sance, Cyras, sa nombreuse progéniture dont la jeune fiancée de mon propre fils, mon épouse,... Et ce misérable pourceau, ce cuistre de Sylvrur d’assister à leur exécution par péché d’orgueil !

Je savais mon ton monter, la rocaille de ma tessiture rouler comme un glissement de terrain, un éboulement qui s’ébrouait d’un souffle impudique de dédain et de mépris. Je captais contre ma poitrine la frappe méthodique et emballée d’un tambour de guerre, dont l’onde résonna jusqu’à ce fourmillement au bout de mes doigts fermés en un poing vengeur. Il m’était même ardu de le desserrer, jointures apâlies, lorsque je portai mes deux mains agitées de remous dans mon crin noirâtre et épais. Ces intrus bagués de pierreries comme rares possessions de fortune s’insinuèrent dans les rais filamenteux de ma chevelure pour en démêler parfois un nœud inopportun, et en coiffèrent la totalité contre ma nuque. Face à un mur tant littéral que métaphorique, je m’égarais en songes tout en esquissant les contours de l’orfèvrerie maçonne ayant bâti cette résidence, mes ongles désespérément accrochés aux coutures soulignant mes épaules dans une posture prostrée. Cette dernière s’affadit peu à peu néanmoins, alors que je relâchais enfin leur emprise crispée et les abandonnais à mes côtés.

Il me fallut un temps d’introspection pour remarquer l’approche discrète de la Baronne qui me tendit mon propre hanap – comme je le déduisis d’un regard par-dessus mon épaule – secoué de quelques répliques sismiques. Le temps de déglutir, aussi, d’enfouir autant que faire se put l’éclat colérique qui harcelait encore mes pupilles et en fendait la toile enténébrée dans ses cachots de malachite. Deux sentinelles au garde-à-vous scrutant tant le contenu pourtant bien assez odorant pour être reconnaissable que ce serviteur inattendu et ses opales moirées d’humidité et de trouble. Le mouvement lent, je mus une patte épaisse pour m’emparer de cette offrande tout en m’assurant de lui présenter mes respects dans le même élan.

Je vous remercie…

J’en réprimais un autre soupir, portant mon majeur entre mes sourcils indubitablement froncés comme pour en effacer les rides du lion creusées par l’agacement, d’un frottement lent. Ma gorge sèche me tirailla pour toute supplique, assoiffée d’un vin dont je l’abreuvais l’instant suivant, bien qu’il soit assez sur pour l’agresser un peu plus. Mes esprits rassemblés derrière des iris passablement éteints sous l’ombre de leurs auvents, et j’ajoutai, volubile à ce propos.

L’occasion m’est rare d’évoquer cette nuit en des termes tout juste à la hauteur de l’affront, tant l’on se plie à l’euphémiser. Nombreux sont ceux à avoir péri de ses suites pour avoir exprimé leur désaccord ou même leur opinion sur le sujet, et je ne dois ma vie qu’aux services particuliers que je puis rendre à notre royaume. J’ai toutefois conscience de la fragilité de ma position.

C’était un cadeau empoisonné que je léguai à la veuve Montecler, de ces savoirs interdits dont il ne fallait échapper le moindre mot au risque d’être pendu haut et court en place publique. Toutefois, la savoir baigner dans l’ignorance n’aurait guère servi mes intérêts, pas plus qu’il n’aurait été souhaitable de la voir s’amanteler d’odieux mensonges. Mon dos opposé au portrait foudroyé de mes proches défunts, je fomentai un quasi demi-tour qui me positionna face à la Baronne, mais le chef hissé vers le seul vestige devant lequel je pouvais encore me repentir, en l’absence de dépouille à honorer. Ma paume s’ouvrit pour pointer mes doigts paresseux vers cette peinture datée et la présenter.

…Annolisa Sandre de Malemort était prégnante de mon puisné lorsqu’elle périt en tentant vainement de protéger notre héritier. Votre défunt père fut l’une de leurs dernières lignes de défense, sans le réaliser je gage, toutefois je préfère voir là l’ultime preuve de sa bravoure et de ceux ayant tiré leurs armes au clair contre cette engeance du mal.

Je parachevais ainsi mon récit sur une touche d’un optimisme cynique.




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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyMar 21 Juin 2022 - 20:10
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

La veuve Montecler patienta, figée telle une statue marmoréenne, observant l’homme dans l’ombre frémissante de la dentelle ténébreuse de ces cils. Se sachant ignorée en cet instant par les javelots olivâtres du Comte, tant ce dernier s’enlisait dans les méandres tortueux de ses souvenirs cruels, Euryale s’attarda à croquer ce profil d’airain d’un regard opiniâtre, où ne flottait aucune espèce de gêne. Ou de honte. Ainsi avait-elle toujours été, avant que son univers ne bascule : avide d’observer les physionomies qui dansaient à sa portée, d’en décortiquer l’humeur contrainte, le sentiment celé, le rire hypocrite, la moindre parcelle d’émotion… dans le tressaillement d’une mâchoire, dans le soubresaut d’une pupille, dans le trémolo de la voix, dans la dilatation d’une narine. Au grand dam de sa mère qui, au temps révolu de sa prime adolescence, trouvait ses manières impertinentes et inconvenantes. La voix de son hôte monta d’une octave, l’extirpant des élucubrations de son esprit tiraillé, et harcela l’espace qui les séparait d’un grondement à la semblance d’un orage lointain, mais toujours menaçant. Les larges mains s’élevèrent pour plonger dans l’écume noirâtre de sa tignasse ; des mains si brunes, si torturées de ces étranges stigmates arithmétiques qui en cisaillaient les rudes phalanges, et dont la présence des bagues chargées de pierres précieuses n’empêchait pas le regard de s’y attarder.

Sa senestre fut alors libérée du hanap de cuivre et s’évada vers les lèvres anoblies de poils drus du Comte. Le vin fut ingurgité d’une traite, et sa tirade, aussi maussade que tourmentée, reprit, tandis qu’il désignait cette défunte épouse, sa silhouette et ses traits éventrés qu’elle devinait autrefois magnifiques, hantant la toile d’un tableau sur lequel le Comte en personne avait sans doute rejeté sa fureur, son chagrin… et dont il n’avait pu se résoudre à se séparer. Euryale leva une mire hésitante, encore harcelée d’humidité, vers la peinture abîmée, à la limite de la crainte courtoise. Une larme traîtresse, unique, roula, souillant le derme velouté de sa joue, sans qu’elle ne pût la retenir. Et de lâcher, de sa voix cassée.

- Je compatis, et partage votre douleur.

Il n’était nullement question d’aborder la disparition de son propre époux, et de leur fils unique. Bien que la veuve Montecler fût touchée par les confidences, aussi intimes qu’impromptues, que le Comte venait de lui céder, elle ne comptait pas renchérir sur ce sensible sujet. Elle n’avait pas le souci ardent de combler un vide, un manque social, aussi avéré fut-il, en tentant de partager avec lui une épreuve commune dans une confession réciproque qui aurait pu les rapprocher, et leur insuffler un courage mutuel. Non. Elle l’écoutait simplement, respectueuse, se faisant le réceptacle de ces aveux déchirants.
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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyMer 22 Juin 2022 - 2:04



Des braises du mensonge | Printemps 1167

Ba-dum. Ba-dum.

Les impulsions sanguines en torrents rubescents traversaient mon corps comme un galet fendrait l’air pour se heurter en ricochet à la surface miroitante d’une mer d’huile. Chaque heurt double, maître et servant sur la gamme bien maigre de leur tonalité, succédait au précédent et employait mes tempes comme peau de tambour. La vinasse dont l’effluve fort et entêtant harcelait mes narines accentua plus avant l’écho itératif et sourd de cette mélodie tant oppressante qu’invitant à la poursuite d’une aventure indicible. Au creux de mes viscères, un magma féroce éclatait en bulles sulfureuses libérant leurs promesses belliqueuses à l’approche de ma gorge se faisant porte de bienséance et de prudence. Sur le dos de ma dextre abaissée courut une série de picots électrisants que je devais à un avenir peut-être utopique où s’abattait le couperet de la justice sur la nuque du traître, du despote, du monarque de pacotille. Mon souffle retenu s’abattit en ouragan sur ces espoirs embryonnaires que je ne considérais pas plus vains que ceux de voir un jour la Fange repoussée.

Voici la teneur de ce que l’on a pu vous celer depuis lors, et l’allure du Duché que vous avez retrouvé.

Une maigre gorgée de vin, puis une autre, s’enchaînèrent comme deux jumelles missionnées pour troubler mes sens et m’épargner la dysenterie des eaux impropres. Les runes découpées en arêtes pâles et irrégulières sur le vélin hâlé de mes phalanges s’exposèrent une fois de plus à la curiosité maladive des guetteuses cristallines amantelées d’ardoise. Le stigmate d’un torturé, dont le traumatisme vivace ne cessait d’agacer les souvenirs heureux, eux-mêmes reclus contre les portes de son équilibre mental fort précaire ; tous prêts à être dévorés par le diable impitoyable sommeillant dans les marécages nébuleux de son esprit. La tension de mes dents s’assurant d’encaisser l’âpreté de mon breuvage fermenté creusa mes joues déjà ombrées par la saillance de mes pommettes. Et plutôt que d’imprimer de nouveau le portrait déchiré de cette famille aujourd’hui inexistante contre mes rétines, les lames aiguisées de ces disques verdoyants s’en vinrent mettre en joug ma voisine troublée. Je me réjouis silencieusement qu’elle restât mutique, que ses lèvres maigrelettes vibrant d’une émotion sincère ne s’animassent d’aucune mélodie supplémentaire. La Baronne ne m’inspirait pas encore assez de sympathie pour que je me soucie véritablement de son émoi à propos d’un évènement parfaitement opaque pour qui n’y assistât pas. M’aurait-elle évoqué son naufrage depuis Hendoire qu’il m’aurait été tout aussi ardu d’exprimer le moindre sentiment. Non, ces confidences ne furent qu’une façon pour moi de faire rebondir mon amertume sur une chair plus tendre que celle de mes murs froids.

Il est indélicat de ma part de servir plus de causes à votre deuil que de mets à ma table, j’en conviens ; néanmoins une plaie purulente se doit être cautérisée une bonne fois pour toutes. Que vous dire davantage sur ces circonstances, autrement qu’elles restèrent impunies. À moins que je ne puisse vous éclairer sur d’autres sujets controversés.

Ma rage se délitait à mesure de souffles composés et mesurés, laissant dans son sillon profond les cendres de ma lassitude face à l’humiliation. Mon poing clos juché contre ma hanche, la posture peu nobiliaire, l’autre effectuait de discrètes pirouettes armé de son hanap de cuivre et de préciosités, dans lequel naquit un tourbillon.



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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyMer 22 Juin 2022 - 20:44
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

Euryale en avait assez vu, et entendu, pour ce jour d’hui. De la mort de ses parents, aux circonstances détournées par les menteries d’une Jehanne Dufresne, elle en avait noirci les pages déjà torturées de son esprit. A présent, tous ces êtres disparus, qui avaient fait partie de son quotidien lointain au domaine de Malefreux, erraient tels des spectres exhumés de leur tombeau, réclamant une légitime réparation afin que leur âme pût enfin trouver le repos. Elle ne pouvait ignorer les sentences graves du Comte, que chaque syllabe martelée, chaque intonation rugueuse, chaque soupir maîtrisé, appelaient à la vengeance. D’un frénétique battement de cils, la veuve Montecler poursuivit son avide exploration avant que son œil implacable ne batte en retraite pour se percher sur la danse oscillatoire et hypnotique que la sombre manique de son hôte imposait à son hanap de cuivre délesté de quelques gorgées de vin.

Ses épaules étroites s’affaissèrent imperceptiblement sous le poids d’un sentiment d’impuissance qu’elle ressentit abruptement ; l’impuissance face à ces hautes sphères de la noblesse qui avait tout pouvoir et toute latitude sur autrui, qui donnaient d’une main et reprenait de l’autre à l’envi. Euryale s’écarta, tournant le dos au Comte pour s’éloigner de quelques pas lents, à l’esquisse songeuse, préoccupée. Elle s’immobilisa alors, la senestre recroquevillée en un poing fermé. Le Temps égrena ses grains impitoyables dans son sablier avant qu’elle ne décide de se retourner, dévisageant l’homme, la tête à peine penchée sur le côté.

- La plaie, vous l’avez rouverte en me révélant la vérité, monsieur le Comte. fit-elle, ses sourcils se fronçant dans un jeu fébrile, expressif, une lueur de sombre détermination palpitant soudain à la surface de ces deux miroirs d’argent rivés sur l’homme. Je ne crois pas en la justice divine, et d’ici à ce qu’elle frappe le coupable, nous serons morts et enterrés, ou dévorés par les Fangeux. Peu lui importait en cet instant, entre ces murs dénués d’oreilles indiscrètes, de lui révéler son incontestable manque de foi. La lassitude, la colère et le chagrin, entamaient le pourtour de ses paupières diaphanes d’une ombre violacée. J’espère juste-… être aux premières loges lorsque viendra le temps pour lui de payer pour ses odieux crimes.

C’était là une formulation qui sous-entendait qu’elle pourrait être une alliée potentielle.

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Lazare de MalemortComte
Lazare de Malemort



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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyVen 24 Juin 2022 - 1:11



Des braises du mensonge | Printemps 1167


La Baronne reprit ses aises, errant sur les planches usées d’un parquet qui aurait assurément besoin d’un peu de cirage. Du coin de l’œil, je l’observai fomenter chaque pas comme un puits de songes pesants laissé dans son sillage tourmenté et remarquai la tension dans son poing clos, captatif de sa colère mutique dont l’énergie se referme en son sein. Celle d’avoir été bernée, je gage, par les minauderies de la Dufresne qui s’était vue ôter le privilège de la côtoyer ce jour-là. Au terme de ses divagations sur les nœuds grinçants, la Montecler se plante tel un piquet en travers de la salle à manger humant encore les plats servis et désormais refroidis tout comme l’atmosphère depuis notre bref élan d’archéologie de comptoir. Je m’apprêtai déjà à rejoindre ma place pour y abandonner le hanap vidé de son essence alcoolisée quand elle se retourna pour me jeter une œillade de biais et m’accuser d’avoir moi-même rouvert une plaie qui, il est vrai, n’existait pas tout-à-fait. Je ne pus confesser ce péché que par le prisme d’un sourire en demi-teinte et d’un souffle nasal un brin cynique qui m’échappèrent aussitôt. Je devais le lui accorder, je n’avais pas fait dans la dentelle, et avait assurément ruiné les efforts de mes cuisiniers sur ce banquet qui ne s’annonçait certes pas glorieux, mais un minimum travaillé.

Recouvrant ma place en bout de table, je m’avançai sensiblement sur mon trône pour apposer l’angle de mes coudes contre le rebord de ce plateau hendoirien. Doigts entrelacés dans une tresse irrégulière ayant sauté un brin sur deux, je portais ce cortège natté contre mon menton et ôtais la herse au liseré de cils noirs des deux joyaux smaragdins avides d’entendre ce que la veuve avait à me dire de plus. Peut-être la fixai-je plus que de raison, lorsque son pessimisme fit écho à celui qui se terrait sous ma dignité comme un rat éviscéré, nauséabond, porteur de pestilence. Pourtant, c’est un regain colérique, un élan vengeur qui émana de ses dernières déclarations, comme la promesse certaine qu’elle se tiendrait à mes côtés si nous en venions à fomenter de nouveaux complots non pas en le nom des Sarosse, mais en celui de tous ceux ayant été lésé par sa tyrannie aiguë.

Si moi-même ne vivais guère assez longtemps, je m’assurerai que vous ayez une place de choix en tribune.

Avais-je seulement le pouvoir de lui promettre une telle chose ? Il m’était un étrange sentiment de sérénité, une source claire ayant enfin éructé d’un cairn inerte et érodé par le temps, à l’idée de m’en fixer l’objectif. Après tout, ne méritait-elle pas – ne méritions-nous pas – de voir le bourreau de nos aimés cesser son règne indicible bâti sur sa couardise ? Et s’il me fallait périr dans cette brûlante poursuite, quelle importance au regard du monde tel qu’il se montrait depuis lors ? Je m’en pris à ce morceau de volaille froide comme s’il s’était agi du roi lui-même, le déchiquetant avant que Clovis, cet abominable garçon sans défaut, n’approche d’un pas félin pour me proposer un morceau encore chaud. Ce que je proposai en écho à ma dernière invitée, afin que l’on partage un déjeuner sur des notes plus chaleureuses, quelles que soient ses envies. Nous pouvions aborder Hendoire, où je tâcherais de lui cacher la nature de mes rencontres avec les autochtones de ce duché. Nous pouvions aborder mes autres voyages, les siens peut-être. Ou bien ses aspirations si le ciel contemplait l’éventualité d’ôter la Fange liant nos chevilles comme autant de fers rouillés éraflant notre peau délicate.

Et si l’envie lui prenait de quitter mes appartements, imprégnés de la fragrance funeste de mes aveux macabres, le chevalier de Guéramé se ferait un plaisir de la raccompagner en son ostel. Tout du moins, je ne lui en aurais pas laissé le choix, et il aurait été bien mal avisé de me contrarier. Ses alternatives étaient sans fin, mais je tenais quoi qu’il arrive à profiter de ces mets bien trop rares pour se permettre de cracher sur leur présence.



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MessageSujet: Re: Des braises du mensonge   Des braises du mensonge - Page 2 EmptyVen 24 Juin 2022 - 8:26
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Des braises du mensonge | PRINTEMPS 1167

Cette dernière sentence lâchée fut accueillie par un jeté de menton fier, aux effluves d’entendement muet. Euryale demeura prostrée, debout, près de l’autre extrémité de la table, à observer de ses prunelles d’opale, tels des scalpels d’acier froid, son hôte opérer sa mutique vengeance sur la misérable volaille à la chair roide et refroidie. C’était là une maigre compensation à sa douleur mais au moins était-elle acertainée, en son for intérieur, qu’une page venait de se tourner et qu’une autre s’imposait, encore vierge des noirs tracés et ratures de l’histoire qui se poursuivait et qui, ce jour d’hui, prenait un nouveau tournant. Et lorsque le jeune valet de chambre refit son apparition, tel un pantin obéissant sorti de sa boîte, pour présenter à son maître une part de viande plus chaude, la veuve Montecler s’ébranla d’un tressaillement songeur et se joignit au Comte. Et si la suite de ces déroutantes convivialités fut plus légère, Euryale n’en préserva pas moins une certaine distance courtoise, la boue nauséabonde de ces révélations ne cessant de tournoyer sous son crâne auréolé de sa mante ténébreuse. Elle partagea volontiers, non sans une certaine retenue cajolée par le voile du deuil, l’expérience vécue au Duché d’Hendoire auprès de feu son époux ; elle évoqua Malefreux, et sa modeste scierie. Et d’autres sujets qui eurent l’heur’ de l’éloigner de ses contrariantes pensées.

Plus tard… fut-elle alors escortée par le chevalier Geoffroy de Guéramé jusqu’à son hôtel où une joute verbale d’un autre acabit allait la confronter avec sa vieille gouvernante, Jehanne Dufresne.

[FIN]

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