Marbrume


-45%
Le deal à ne pas rater :
PC Portable LG Gram 17″ Intel Evo Core i7 32 Go /1 To
1099.99 € 1999.99 €
Voir le deal

Partagez

 

 [convocation] La fille qui parle

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



[convocation] La fille qui parle Empty
MessageSujet: [convocation] La fille qui parle   [convocation] La fille qui parle EmptyDim 19 Juin 2022 - 20:25
22 Mai 1167.
[convocation] La fille qui parle Gdxl
Une belle nuit se posait lentement sur la cité après une journée qui était annonciatrice de l’été prochain. Loin, dans le firmament, la voûte céleste, siège des trois, était parsemée de minuscules perles luisantes comme un tapis d’un bleu profond sur lequel aurait éclaté un splendie collier, dont l’énorme joyau sphérique aurait donné la lune.

Sur l’Esplanade, la fraicheur du soir avait amplement ragaillardi la population et de nombreuses petites soirées improvisées s’était donc organisées ça et là. Des instruments de musique, à vent, à corde, petits, grands, vieux, récents, jouaient des airs de plus en plus enjoués et discordant à mesure que le temps passait. Cela faisait bien longtemps que les domaines nobles n’avaient pas connu une période d’espoir comme celle-ci. Oh, loin été l’époque du faste quotidien, jusqu’à outrance le plus souvent. Mais la crainte des pires jours s’estompait lentement dans les demeures à mesure que le labret et les villages extérieur se renforçaient et par la même, renforçaient la cité.

Alors la détente et la joie se refaisaient un petit nid, fragile certes, mais confortable. D’autres en revanche, restaient plus volontiers focalisé sur l’avenir que sur le moment présent. C’est sans doute pour cela qu’à une heure si tardive, Aliénor Montfort de Brieu, plutôt que de faire la fête, noircissait d’encre feuilles et carnets afin d’affermir ses affaires et donc sa position au sein de la cité. Courriers de créances, livres de comptes, contrats, cadastres, tout cela défilait sous ses doigts avec bien plus de minuties que ceux des artistes sur leurs instruments. C’était là sa musique à elle, la composition qu’elle jouait tout en la rédigeant.

Du moins jusqu’à ce qu’un bruit dissonant ne vienne en perturber le rythme presque parfait. Un petit cri ou peut-être plutôt un grognement frustré attira son attention, mettant fin de manière frustrante à l’avancement de sa partition. Dans le jardin juste sous sa fenêtre, une forme sombre et rouge s’agitait courant de gauche à droite comme si elle était poursuivie par quelque chose, ou qu’elle poursuivait chose. Et en effet, en y regardant bien, on pouvait s’apercevoir malgré les ténèbres, qu’un papillon ou peut-être une mite vue l’heure, voletait de-ci de-là dans le petit jardin, requérant toute l’attention de l’étrange intrus, dont les bras d’une extrême pâleur jaillissaient hors d’une cape à capuche d’un rouge pâle. La distance et la nuit empêchaient de se faire une idée précise de cette personne mais la taille, plutôt malingre semblait indiquer bien plus probablement un enfant, ou une femme assez petite.

Après avoir manqué de peu de s’écrouler dans l’herbe suite à un dérapage violent, l’intrus bondit et s’empara au vol de sa « proie » faute de termes plus adapté à ce qui se passait là. Quand Aliénor se rendit dans les jardins pour mettre au clair l’étrange évènement, la personne était toujours au même endroit, un étrange et désagréable bruit de mastication lui parvint à travers le tissu et la distance. Ce n’est que quand ses pas quittèrent le gravier du chemin pour se poser sur l’herbe que l’inconnu sembla s’apercevoir que quelqu’un s’approchait comme si c’était l’absence de bruit et non sa présence qui l’alerta. Elle tourna vivement la tête vers elle.

Elle, car il s’agissait visiblement d’une femme, ou plutôt d’une fille. Son apparence, surement la plus étrange qu’il n’ait été de voir à la noble rendait difficile toute estimation. Treize ? Peut-être quatorze ? Pas plus de seize en tout cas… quoi que. Étrange. Le mot était la définition même de cette personne. Plus pâle que de la neige, on l’aurait cru fait de porcelaine, la seule couleur de sa peau étaient dû aux épaisses veines bleue visible à travers l’épaisseur diaphane de son épiderme. Dans la pénombre ces dernières semblaient presque luire. Son nez était percé en plusieurs endroits par des broches d’or, et un anneau de la même qualité pendait entre ses narines. Des cheveux d’un blanc gris presque bleu tombaient en épaisses tresses sur ses épaules. Si larges que leur longueur aurait certainement trainée au sol une fois défaites. Un étrange petit sourire naquit sur les lèvres translucides. Cela fut rapide, mais l’on eu cru bien voir une petite patte disparaitre entre celles-ci.

- La dame qui compte vient voir la fille qui parle ? Questionna-t-elle, la surprise teintant sa voix cristalline. C’est pourtant la fille qui parle que devait venir voir la dame qui compte. Pourquoi donc est-ce ainsi ? Ça ne va pas ainsi ! Ou est-ce que ça va ?

Elle se redressa, confirmant s’il le fallait sa petite taille puisqu’elle ne dépassait pas le buste de la noble.

- La fille qui parle peut donc parler à la dame qui compte ?



HRP:


Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 30 Juin 2022 - 0:31, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Aliénor Montfort de BrieuComtesse
Aliénor Montfort de Brieu



[convocation] La fille qui parle Empty
MessageSujet: Re: [convocation] La fille qui parle   [convocation] La fille qui parle EmptyMer 29 Juin 2022 - 22:58
Un cri s’arracha au silence de la nuit. Une faible lueur chancelante, - une bougie comprit-elle-, abîmait les murs de quelques ombres ondoyantes. Peu à peu, sa vision devint plus nette, à mesure que le sommeil s’éloignait. La tâche qui la surplombait pris bientôt les traits tirés d’inquiétude de Clothilde, qui la secouait encore par les épaules. Ses beaux yeux bruns, où se reflétait la flamme rougeoyante posée négligemment sur la table de chevet, n’exprimaient plus que l’angoisse ; une peur indicible bientôt soulagée par le papillonnement de ses propres paupières, chassant ainsi les derniers démons qui se terraient dans la pénombre. Elle était trempée de sueur et sa gorge la brûlait, comme si elle s’était brisée la voix à force d’hurler. Elle n’était pas loin de la vérité, elle le savait bien. La honte s’empara de son ventre, alors qu’elle tenta de balbutier des mots inintelligibles, à la fois reconnaissante et profondément chagrinée, repoussant avec douceur les mains agrippées à ses clavicules. Un mutisme pesant retomba sur la chambre, tandis que des pas s’éloignaient du pas de sa porte. Elle eut à peine le temps de deviner les larges silhouettes de ses gardes, visiblement eux aussi soulagés qu’il n’y ai rien de grave. En son for intérieur, elle les remercia de leur discrétion, de ne pas être entrés et surtout, de quitter le plancher sitôt assurés de sa sécurité. Elle aurait bien voulu que son amie en fasse autant, mais Clothilde de Beaumont ne l’aurait jamais entendu de cette oreille et demeura assise là, sur le rebord de l’épais lit, alors que l’air était à peine perturbé par quelques crépitements chaleureux, à peine audibles.

« — Ça a recommencé.
Je sais. »

Aliénor n’ajouta rien à cela. Que pouvait-elle bien dire ? Ces cauchemars, ça faisait des années qu’elle les subissait, nuits après nuits. C’était pire il y a deux ou trois ans, depuis les choses s’étaient améliorées ; assez du moins pour ne plus hurler dans son sommeil, à en réveiller chaque habitant de la maisonnée. Elle se contentait souvent de quelques moments paniqués, de sursauts ou encore de nuits agitées. Mais cette fois-ci, elle n’avait pas eu le contrôle, sur rien. Ses pupilles grises se dilatèrent de terreur en repensant aux horreurs qui arpentaient ses rêves. Ces créatures informes et morbides qui rendaient chaque jour plus dur que le précédent. Son amie dû sentir le frisson qui parcouru sa peau, car sans attendre son reste, elle l’enlaça dans une étreinte toute protectrice et apaisante. Elle ne la questionna pas ; elle ne le faisait plus depuis des années. La Comtesse s’était toujours réfugiée dans le silence, quand bien même elle l’eut mis au supplice. Elle n’avait jamais rien révélé de ses tourments. Seuls les meubles silencieux étaient témoins des atrocités qui saignaient son âme ; et personne n’en saurait jamais rien. Le calme était revenu, et dans des gestes qui étaient presque devenus une habitude avec le temps, sa commensale la sortie doucement du lit, changea sa robe de nuit en jetant l’autre dans un coin, brossa longuement ses cheveux jusqu’à ce que le regard gris redevienne humain – c’était là les mots qu’elle avait employés un jour pour parler de la semi-catatonie qui suivait toujours de près ses cauchemars. Elle ignorait qu’à chaque coup de brosse, elle se remémorait. Elle s’obligeait à se souvenir de chacun des détails. Elle se faisait souffrir sciemment. Car elle se l’était juré.
Si personne ne le saurait jamais, elle n’oublierait pas pour autant.

Le lendemain fût aussi difficile qu’attendu. La migraine avait occupé une partie de sa journée, si bien qu’elle avait été exécrable avec à peu près tout et tout le monde. Mais s’ils remarquèrent son humeur de chien, ils s’employèrent à faire comme si de rien n’était, - sûrement sur l’ordre de Clothilde. Cette femme était décidemment trop bonne pour elle, et elle se sentait par mille fois redevable. Pourtant la Montfort, trop fière pour le reconnaitre, se contenta de grogner quelques mots passablement sympathiques lorsqu’elles se retrouvèrent pour les repas. Elle savait que la Beaumont l’avait veillé une bonne partie de la nuit après l’incident, et quand elle la crut endormie, s’en était retournée à ses appartements. Mais Aliénor était restée éveillée tout le restant, attendant le jour en ressassant, trop angoissée de toute façon pour s’autoriser à se reposer. Dès les premiers rayons, elle fit appeler une femme de chambre, qui s’occupa de la préparer avec soin avant de s’atteler à défaire ses draps et joindre à la masse de tissu sa chemise de nuit. Le Temple n’avait même pas sonné la première prière quand elle s’enferma dans son bureau, ne le quittant que pour manger. On l’avait invité au soir à un repas, dans l’une des demeure voisine. Clothilde avait insisté pour qu’elles s’y rendent toutes deux, mais Aliénor n’avait aucune envie de se mêler à la foule, pas plus que de devoir jouer son rôle de Comtesse Vierge. Bottant en touche, elle avait quand même poussé son amie à s’y rendre, à grand renfort d’excuses qu’elle ne comprendrait de toute façon pas.

Et lorsque le moment qu’elle redouta le plus arriva, - c’est-à-dire lorsque la lune fût levée et haute dans le ciel -, elle était toujours penchée sur ses larges livres comptables, annotant toutes les dépenses presque frénétiquement. Une tâche d’encre tenace sur le majeur, elle travaillait avec intérêt et acharnement pour oublier la fatigue qui meurtrissait chacun de ses os. Ses oreilles étaient sourdes au tohubohu de l’Esplanade, bien qu’elle eut maudit ces inconscients une fois ou deux, à travers ses dents. Comment pouvaient-ils seulement festoyer ? L’idée même de ces danses, de ces repas fastueux lui tordit les boyaux, assez au moins pour bouder la tisane qu’on lui avait fait porté avec un mot délicat : « Je ne rentrerai pas tard. C. ». Elle soupira longuement, alors qu’elle parachevait sa page, apposant son sceau à l’aigle bicéphale sur une des commandes. Elle avait besoin de se lever et d’air frais. Aussi, dans un geste qui lui parut douloureux, elle se leva jusqu’à la grande vitre et l’entrebâilla pour laisser la petite brise de printemps jouer dans les très rares mèches rebelles. C’est à ce moment-là qu’elle la vit. Une enfant, à la toison immaculée, qui courrait dans son jardin. Sa petite voix cristalline enjouée remontrait jusqu’à elle, alors qu’elle l’observait depuis son bureau chasser un pauvre papillon. Une part d’elle-même s’insurgea que l’inconsciente eut pénétré dans sa propriété sans autorisation, mais l’autre… Oui, l’autre sentit son cœur se serrer devant tant d’innocence. Ce n’était qu’une enfant.

Elle sortit de la pièce, informant Armand et Jean de l’intrusion. Gênés et passablement agacés que personne n’eut rien vu, ils devancèrent leur maîtresse avec des mines peu aimables. Ils s’arrêtèrent à distance respectable, une distance, elle l’espéra, qui cacha sa mine décomposée en découvrant la gamine. Il lui était impossible de deviner son âge, mais cela importa peu ; elle lui inspira un dégoût véritable alors que se dévoiler une peau diaphane, des yeux laiteux et l’accoutrement de la jeune fille. Avait-elle vu qu’elle portait des cheveux plus blancs que la neige ? Pourquoi n’avait-elle pas réagit ? On aurait dit une enfant née de la lune elle-même, parfaite dans les ténèbres et les horreurs qu’abritait la nuit. Un frisson glacé parcouru l’échine d’Aliénor elle qu’elle tenta de se donner bonne contenance, car malgré tout, oui malgré tout, cet enfant l’intriguait. Elle ne l’avait jamais croisé auparavant. Pire encore, comment avait-elle pu passer au vu et au su de tous ? Comment était-elle parvenue jusqu’à l’Esplanade, jusqu’à son jardin, jusqu’à elle… Car visiblement, la gamine étrange et inquiétante la connaissait. Du moins, c’est ce qu’elle pensa de prime abord. Puis s’avisant de sa question, elle aurait tout aussi bien pu parler de n’importe qui ici-bas, quand bien même elle n’aurait pas saisi le double sens du titre qu’elle lui accorda. Elle resta immobile, un instant. Puis s’avisant des alentours, finit par lâcher, à mi-voix.

« — Pas ici.
Les apparences, encore et toujours. C’était peut-être un futur client qui avait envoyé cette… chose, quoi qu’elle puisse être. Et si tel était le cas, aucun de ses fabuleux voisins n’avait à entendre ce qui allait se dire. Et si ce n’était pas un messager – bien qu’elle en douta puisqu’elle était venue pour s’adresser à elle -, au moins ne la questionnerait-on pas sur l’immondice qui souillait son perron. Sous le regard prudent mais désapprobateur de ses gardiens, ils prirent le chemin de quelques pas qui les séparaient de la maison. Là, une fois à l’abris, elle bifurqua sur sa droite, dans le petit salon où on s’empressa d’allumer davantage de candélabres. Elle n’autoriserait pas la gamine à aller plus loin, et les hommes d’armes restèrent plantés non loin.
Parlez, je vous écoute. Et déclinez donc votre identité, et celui de votre commanditeur », sa voix était sèche et impérieuse. Elle avait enfilé le masque qu’elle abhorrait, celui qu’elle s’imposait à elle-même, celui de la Comtesse Vierge.
Revenir en haut Aller en bas
Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



[convocation] La fille qui parle Empty
MessageSujet: Re: [convocation] La fille qui parle   [convocation] La fille qui parle EmptyJeu 30 Juin 2022 - 17:58
22 Mai 1167.
[convocation] La fille qui parle Gdxl
L’inconnue qui frôlait les limites de l’humanité de par son apparence autant que par sa manière de s’exprimer, trottina derrière Aliénor d’un pas guilleret étroitement encadrée par les deux hommes d’armes qui la gardaient soigneusement à l’œil. Mais elle n’avait d’yeux que pour le dos élancé de la noble comme émerveillée. Arrivées dans le petit salon et malgré le ton autoritaire, « l’invitée » faute de meilleur terme, pris un temps qui pouvait paraître infini aux impatients pour s’asseoir sur l’un des petits canapés et en caresser les tissus avec un plaisir fait d’un ravissement sincère qui semblait la rajeunir encore.
Elle fut si longue à répondre, que les deux hommes se tendirent un peu plus. Elle ouvrit la bouche juste avant que l’un d’eux n’ose une remarque, le coupant dans son élan avec une précision surprenante.

- La fille qui parle n’a plus d’identité, elle n’en a pas besoin. La fille qui parle, parle… expliqua-t-elle avec le ton de l’évidence. Elle parle pour celle qui vient. Oui… celle qui vient pour…

Un long et violent frisson la parcouru, pas de celui qui cache un froid nocturne, mais plutôt de ceux qui agite notre corps sous la douleur et qu’on retient trop longtemps son hurlement. L’évènement prit fin avec la même spontanéité qu’il n’avait débuté et la jeune fille poursuivit.

- La fille qui parle, parle mais mal avec ceux comme la dame qui compte. Celle qui vient à besoin de la dame qui compte. Les… affaires. Parvint-elle à hoqueté après une goulée d’air profonde. Elle inspira une nouvelle fois et sembla retrouver un peu de son calme enfantin.

- Un ami de sa maîtresse a une vielle mine de fer et d’argent impur. De terre non exploitée, non soumise. Sur le sol que vous appelez Labret. La fille qui parle ne peut pas engager les hommes, elle ne peut pas les faire creuser le sol, elle ne peut pas vendre la pierre dure. La ville qui respire n’aime pas la fille qui parle. La fille qui parle a besoin de la dame qui compte.

Plongeant sa main dans sa manche, elle s’attira le regard suspicieux des hommes, mais ne sortit finalement qu’un rouleau cacheté qu’elle fit glisser sur la table avant d’ôter vivement ses doigts comme si le bois l’avait brûlé.
Le cachet de cire représenté du blé se mêlant à un bouclier, une armoirie qui n’évoquait rien à la comtesse, du moins rien de précis. Elle put le faire sauter sans peine et déroula le document. Au contraire des propos de la jeune fille, celui-ci était limpide. Un contrat précis et détaillé rédigé d’une plume soigneuse qui expliquait la volonté d’exploitation d’une mine désaffectée depuis au moins trois décennies.

Tout y était, le nombres d’homme nécessaire, la quantité supposée de la production, la taxe royale en matière brute, un taux raisonnable de bénéfice envisagé et un pourcentage encore à préciser sur les gains brut ou après-vente pour le ou la gestionnaire. Car c’était là le thème du contrat, l’engagement d’un gestionnaire qui assurerait l’établissement et l’entretien de toute la chaine commerciale avec la cité.

Un rôle parfaitement adapté pour une dame qui compte… Ne restait donc sur ce contrat presque parfait d’apparence qu’à indiquer sa signature et sa somme pour se retrouver en charge d’une affaire florissante, même en oubliant les parts de gâteau revenant au roi et au propriétaire. Un certain Cafrey Tork d’après le contrat. Un nom qui n’avait rien de noble, peut-être la petite bourgeoisie ?
La chose assis sur son canapé continuait de la regardait béatement sans rien dire, visiblement attentive de ses réponses, comme si elle allait lui dire quelque chose de très important.


Revenir en haut Aller en bas
Aliénor Montfort de BrieuComtesse
Aliénor Montfort de Brieu



[convocation] La fille qui parle Empty
MessageSujet: Re: [convocation] La fille qui parle   [convocation] La fille qui parle EmptyLun 11 Juil 2022 - 22:30
Aliénor passa ses yeux une fois, puis deux sur les belles lettres manuscrites, dans un silence à peine dérangé par la présence de l’étrange enfant. Elle fronça les sourcils quelques fois, et son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle avait du mal à y croire, à ce contrat. Car, quoiqu’elle l’eut inspecté sans relâche, l’affaire lui paraissait parfaitement en règle ; on lui avait laissé des avantages certains, où elle pouvait soustraire une grasse commission de sa gestion. Mais à toute chose sa place, c’était bien trop beau pour être crédible. Oh sûrement que la présente proposition était vraie, et tout à fait correcte. Mais la jeune Comtesse avait beau être fraîche dans le monde du commerce, elle n’en n’ignorait pas moins qu’à grands avantages s’astreignaient des inconvénients plus grands encore. Pour sûr, il y avait une sombre histoire derrière tout cela, sinon pourquoi envoyer cette immonde créature à sa porte ? S’il avait s’agit d’un compromis tout à fait régulier, pourquoi le détenteur de la mine serait passé par cette amie qui n’avait ni nom ni visage ?

Les questions se bousculaient dans sa tête sans qu’aucune ne trouva jamais de réponse, pas même dans les yeux laiteux de la sorcière, assise sagement sur le divan, les jambes battant avec insouciance l’air libre. Elle avait envie de signer ce papier, d’accepter la charge pourtant la raison la ramenait à des préoccupations d’importance : elle ne pouvait se permettre un tel pari sur la simple visite fortuite d’une gamine inconnue, avec un contrat vaguement aux normes et un commanditeur parfaitement inconnu. Si ce messire était réellement partie prenante d’un tel joyau au milieu du Labret, pourquoi ne pas en avoir fait l’excavation plus tôt ? Et pourquoi se terrer dans cet anonymat ? Oui, elle en était certaine à présent : si les choses avaient été honnêtes, c’est avec Cafrey qu’elle serait en train de converser, et sûrement pas au beau milieu de la nuit.

Elle gratta sa gorge, cherchant des mots justes pour obtenir d’avantage d’information de la malheureuse enfant-de-la-nuit, avant d’abandonner presque aussitôt. Il était clair que la Créature n’avait rien de plus à offrir que ce bout de vélin, et les maigres informations qu’elle avait déjà livré. Elle n’était qu’une messagère sortie des ténèbres, rappelant insidieusement à la Montfort dans quel univers elle naviguait à présent. Les troubles ne lui faisaient plus peur depuis l’enfance et ses yeux ne s’étaient-ils pas habitués à l’obscurité ? Alors, sûre d’elle-même – autant qu’elle pouvait s’en convaincre du moins -, elle replia délicatement le contrat et le tint fermement dans sa paume. Derrière, ses chevaliers semblaient plus prompts à égorger leur invité qu’à écouter un traitre mot de ce qu’elle allait dire, et elle était ravie ; au moins assurerait-il sa sécurité si la mangeuse de papillons en venait à se rassasier de sa propre chair. A moins qu’elle ne préféra goûter de sa peur ? Faisant bonne figure, le menton haut, elle demeura forte et fière.

« — Le contrat me parait véritable mais… Elle fit tourner sa chevalière symbole de l’état de nerf dans lequel la mettait celle-qui-parle. Je ne puis le signer en l’état. J’aimerai rencontrer votre maîtresse, aussi preste que possible, de jour, dans l’endroit de son choix.
Elle s’humecta ses lèvres asséchées par les choix qu’elle devait prendre à une vitesse folle. Au moins était intransigeante sur un point : elle ne s’engagerait en rien sans avoir vu de ses yeux la terrible femme qui avait une écriture si soignée, et sans y avoir apposé des conditions tout aussi limpides. Elle se ferait aucun pari à son désavantage. Ni aujourd’hui, ni jamais. Elle se recula à la petite table qui avait servi quelques jours plus tôt à son entrevue avec Mederich. Le coupe-papier était toujours posé là, de même qu’un petit nécessaire à lettres qu’elle utilisait peu, surtout réservé à la correspondance de Clothilde. Alors, s’installant sans un mot de plus, elle rédigea dans une calligraphie appliquée un petit mot à la destination de sa future interlocutrice. Il lui fallut plus de dix bonnes minutes pour parfaire le tout, jetant au sol ses brouillons sans ménagement. Il finirait le soir-même à la flamme. Lorsque la Comtesse Vierge fût satisfaite, elle apposa un cachet de cire sur lequel elle n’apposa aucun sceau. Il servait juste à sceller le contenu, pour que, le réceptionnant, la concernée sache qu’il n’avait été dénaturé par personne. Ni lu, ni modifié. Elle se leva et tendu le pli.
Allez maintenant. Retournez à la nuit qui vous a porté et faites-moi savoir la réponse. »
Elle ne lui rendit pas le contrat.

La lettre en question:
Revenir en haut Aller en bas
Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



[convocation] La fille qui parle Empty
MessageSujet: Re: [convocation] La fille qui parle   [convocation] La fille qui parle EmptyLun 1 Aoû 2022 - 17:19
24 Mai 1167.
[convocation] La fille qui parle Gdxl
Voilà deux jours qu’était repartie l’étrange créature à l’apparence de jeune fille torturée. La demande d’Aliénor avait semblé la bouleverser, comme si la simple idée de repartir bredouille faisait planer sur elle la crainte d’un châtiment divin. Elle s’était tortillée de longue seconde sur son assise en cherchant probablement une réplique pour relancer la conversation, mais devant l’intransigeance de la maîtresse des lieux, ou peut-être d’une soudaine prise de conscience, elle avait renoncé. Se dressant sur ses pieds, elle s’était contentée d’un « bientôt » laconique, avant de prendre congé sous le regard attentif de l’un des chevaliers. Elle avait disparu dans les ténèbres de la rue aussi aisément qu’une ombre malgré son voyant accoutrement.

Si l’événement avait sans doute occupé une partie des pensées de la comtesse la journée suivante, cela avait finit par passé pour se ranger dans cette boite que chacun possède en lui-même afin d’y entreposer les moments d’incongruité de sa vie. Peut-être même souhaitait-elle que cette rencontre ne débouche sur aucune autre ? Que le sentiment d’écœurement provoqué par cette rencontre s’estomperait jusqu’à ne devenir qu’un souvenir sans saveur et sans force lui permettant de se convaincre elle-même de la non pertinence de son ressenti. Oui, peut-être Aliénor Monfort de Brieu voulait-elle simplement pouvoir oublier tout cela.

Fut-ce le froid étonnant pour la saison qui la réveilla ou bien la soudaine sensation d’une présence auprès d’elle ? Une présence qui lui effleurait la joue. Quand elle ouvrit les yeux une femme se tenait là, assise tout auprès d’elle à même sa couche. Si la caresse sur sa peau était douce et chaude, elle ne dégageait rien de la bienveillance de Clothilde quelques jours plus tôt. Non, elle était trop… différente. La surprise qui lui monta dans la gorge dans un possible cri fut interrompu par la pression de la paume sur ses lèvres dans un geste délicat mais impérieux.

- Allons, allons. Vous faire remarquer à présent ne ferait que conduire à une fin que vous ne désirez que peu, croyez-moi. Et puis, n’est-ce pas vous qui m’avait autorisé à choisir le moment qui me siérait pour notre rencontre ? Demanda l’inconnue avec amusement.

Malgré ses efforts pour acclimater ses yeux à la pénombre, la comtesse ne parvenait pas à faire le point sur le visage de son interlocutrice, comme si toute la partie haute de son visage était en proie à des ténèbres que même le regard le plus aiguisé n’aurait sut percer. Seule des lèvres rouge parée d’un beau sourire étaient visible à ses yeux.

- Comment l’avez-vous formulé déjà ? Ah oui, « Retournez à la nuit qui vous a porté ». Et bien je suis la nuit et je serais celle qui apporte la réponse. Poursuivit-elle en ôtant lentement la main de ses lèvres effleurant une dernière fois sa joue de la pointe de ses doigts.

A leurs passage, Aliénor put sentir des ongles d’une longueur surprenante, même pour la classe nobiliaire, d’une forme étrangement pointue, presque acérée qui lui firent l’effet de griffes, arrachant à son échine un frisson involontaire dont l’inconnue ne sembla pas s’apercevoir ou alors choisit d’ignorer. Saisissant la petite chandelle éteinte sur la table près du lit, celle-ci se releva et s’éloigna vers la fenêtre qui laissait entrer un pâle clair de lune. Bien qu’elle s’arrêtât avant que l’éclairage ne donne sur son visage, la noble put tout de même détailler son corps avec plus de facilité.

Elle portait une robe que même les plus audacieuses voir provocantes jeunes femmes de l’Esplanade n’aurait osé vêtir de crainte qu’on ne traite leur indécence avec sévérité. Pour autant, celle-ci ne révélait rien de vraiment poussé, mais c’était plus la matière brillante et moulante comme une seconde peau qui brisait les limites de la pudeur. Faites d’une seule pièce grise à première vue, elle enserrait la poitrine en laissant gorge et épaules à nu pour venir se refermer bas dans le dos grâce à des attaches étranges qui aurait pu rappeler les vertèbres d’une colonne faites d’or massif. A la pointe de ce squelettique motif, s’étirait une brodure dorée qui suivait l’élargissement progressif de la robe jusque là en fuseau jusqu’à devenir une véritable traine derrière elle, dont le tissu finissait sur un arc d’or décoré de trois pointes. Une à chaque extrémité, la dernière, plus longue, au centre. Cette pièce aurait sans aucun doute faire un bruit conséquent en trainant sur le sol, qui aurait du la réveiller bien avant qu’elle ne puisse approcher du lit. Mais rien. Ni en approchant, ni en s’éloignant.

Un tour de bras et un bracelet long sur l’avant-bras droit finissait de parfaire le personnage avec le même aspect osseux. Des bijoux d’un or parfait, là aussi. Par une fine chaine, la pointe du bracelet se liait à une bague au majeur de l’inconnue. De long cheveux d’un gris qui aurait du accompagner une personne plus âgée mais d’une beauté et d’une qualité indéniable, pendaient jusque bas dans son dos. Si l’ensemble était dérangeant, il fallait bien admettre que l’harmonie de celui-ci dégager d’une certaine beauté.

- Le sentez-vous Comtesse ? Demanda son invitée non-désirée en humant l’air tel un loup en chasse. Le sang coule là-dehors… une parodie de pouvoir mise au service d’une enfant turbulente qui se croit digne d’éloge… Bientôt viendra le temps de la leçon. C’est d’une tristesse que je peine à supporter de voir que les années n’enseignent rien aux vôtres, les accumulerait-on pendant un millénaire.

Elle sentit, plus qu’elle ne vit son regard se poser à nouveau sur elle.

- De quels points souhaitiez-vous m’entretenir Madame ?


HRP:
Revenir en haut Aller en bas
Aliénor Montfort de BrieuComtesse
Aliénor Montfort de Brieu



[convocation] La fille qui parle Empty
MessageSujet: Re: [convocation] La fille qui parle   [convocation] La fille qui parle EmptyMer 19 Oct 2022 - 17:58
La nuit était un moment particulier où, se mêlant aux ténèbres, les superstitions prenaient vie. Alors on chantait les sabbats, on buvait les potions, et les dévots s’angoissaient de fermer leurs yeux, de crainte de ne jamais les rouvrir. Oui, la nuit était un moment cauchemardesque, un chaos de mœurs allégées et d’infâmes blasphèmes ; l’heure des sorcières et des monstres même humain, se terrant dans les tavernes glauques de la basse-ville. Le bleu d’encre s’étirait comme une chappe pesante sur la cité endormie, à peine éclairé d’étoiles blanchâtres et d’une lune pleine aux rayons blafards. Les adultes pourtant cessaient un jour de craindre le soir et le noir. Naïvement, tous espéraient que les fantômes de leurs peurs les plus intimes ne soient qu’un fantasme, une chimère imaginaire. Tous se croyaient plus forts que ce qui se tapit et rôde dans la pénombre. Mais leur aveuglement sans faille coutait bien souvent leur perte. Elle-même avait oublié l’étrange inquiétude des morales enfantines, de ces contes perdus. Elle avait oublié la nécessité de craindre le monstre terré sous son lit, d’observer la plus minutieuse des inspections pour ne pas se faire surprendre.
Elle avait oublié que les monstres ne dorment jamais.

Le sang battait dans ses tempes comme si l’on sonnait la charge, et ses yeux incrédules peinaient à se faire à la faible lumière. Dormait-elle depuis longtemps ? Qui était donc à son chevet ? Ce n’était certes pas Clothilde, et la terreur la paralysa complètement. Elle se sentait nue, désemparée dans cette pièce soudainement trop vaste et trop étroite à la fois, dont la seule porte paraissait hors de portée. Elle n’aurait guère le temps de courir pour s’échapper ; mais échapper à qui ? Désorientée, elle aurait voulu crier, pourtant aucun son ne parvint à sortir de la prison de ses dents. La menace – car bien qu’elle demeurait vivante, elle se savait pas sauve pour autant – était réelle, tangible, et si proche d’elle qu’elle pouvait sentir l’odeur de son corps. C’était une femme, une femme magnifique aux cheveux de cendres. Magnifiquement dangereuse. Tout chez elle transpirait le péril pour quiconque s’approchait, et quoique sa voix fut douce, Aliénor Montfort de Brieu était tétanisée. On avait pénétré chez elle, et pire encore ! L’humiliation allait jusqu’à la violation de ce qu’elle avait de plus intime, le seul endroit où elle s’autorisait encore d’être Aliénor. Un havre gâté par cette présence étrangère, mystique, monstrueusement cauchemardesque. Un cauchemar ayant revêtu la plus douce des apparences pour le plus funeste des destins.

Elle avait su s’introduire ici, sans qu’aucun de ses gens ne l’arrête. Peut-être étaient-ils tous morts, là, au dehors de cette foutue porte décidemment bien trop lointaine. Et à mesure que l’idée faisait son chemin, la Comtesse n’avait d’autre choix que d’accepter la terrible fatalité : elle était impuissante face aux caprices de l’invitée. Et par les Trois, elle n’avait pas envie de mourir ainsi. D’ailleurs pourquoi devait-elle mourir ? L’esprit confus par le sommeil peinait à se remettre en ordre convenablement. Elle s’efforça de respirer lentement, et peu à peu le brouillard se leva ; elle reprenait contenance, son corps lui obéissant à nouveau. Elle se redressa sur sa couche, ses longs cheveux d’or cascadant sur ses épaules à peine couverte par sa robe de nuit. Son visage passa de la stupeur à l’expression la plus détachée qu’elle puisse offrir après un tel réveil ; le résultat ne devait guère être concluant mais au moins fit-elle l’effort de se rendre plus présentable. Après tout, la Créature de la Nuit disait vrai. C’était elle qui avait demandé audience. Elle avait simplement une autre conception de ce genre de rendez-vous.

Alors, maintenant en pleine possession de ses moyens – ou presque – elle l’écouta avec attention alors que la lune faisait briller l’or qui ceignait quasi chaque partie de son corps. De l’or qui lui sembla véritable ; à en juger par l’accoutrement, ce cauchemar de chair et de sang avait de beaux moyens, bien plus qu’elle-même à présent. Elle parlait avec détachement et un mépris profond, bien qu’elle ne sut réellement décrypter ses paroles. Quel sang ? Qui était donc la jeune fille dont elle parlait ? Et elle, qui était-elle ? Ces questions lui brulaient les lèvres mais elle avait appris à restreindre sa curiosité ; ou tout du moins à agir avec prudence. Car si la panique l’avait quitté, elle avait toujours cet étrange apriori, et un très mauvais pressentiment. Lentement, elle se glissa hors de son drap pour s’asseoir aussi droite et digne qu’elle l’aurait fait dans d’autres circonstances. Elle tenta d’ignorer qu’elle était parfaitement impudique dans son habit du soir, faisant monter un peu de rose à ses joues, et s’éclaircit finalement la gorge serrée par la peur tenace.

« — C’est exact, mais j’imaginais une rencontre bien plus… conventionnelle. Elle s’étonna de la stupidité de son propos lorsque le visage de l’enfant-papillon lui revint en mémoire. Les choses étaient bien trop étrange pour que cela finisse bien ; bien trop étrange aussi pour être conventionnelle. Pire, la Comtesse Vierge avait remué la vase putride cachée au cœur de la dernière place forte du Royaume. Elle jouait certainement avec des forces qui la dépassaient, et qui lui vaudraient à coup sûr l’échafaud. Elle déglutit péniblement, tirant un peu sur le tissus pour qu’il la couvre un peu mieux.

Votre… Messagère a laissé entendre que vous connaissiez assez de moi pour me croire intéressée par l’accord que vous m’avez remis. Et si ce n’est pas entièrement faux, vous devez aussi savoir que j’aime à connaitre les gens avec qui je traite. Alors, Madame, vous qui savez tout ou presque de moi, qui avez pénétré ma maison et mes appartements à mon insu, puis-je savoir qui vous êtes ? Elle était calme comme les froids matins de l’hiver, glacée comme la surface des lacs à l’aube. Elle se releva de son lit avec précaution, débout face au Mauvais-Rêve. Qu’attendez-vous de moi, vous qui semblez mépriser les miens ? Ne me croyez pas naïve, Madame. Car je sais que celui qui participe au gain participe aussi à la perte. Je ne me lancerai pas aveuglément dans une affaire qui remue les créatures de la Malnuit. »
Revenir en haut Aller en bas
Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



[convocation] La fille qui parle Empty
MessageSujet: Re: [convocation] La fille qui parle   [convocation] La fille qui parle EmptyJeu 20 Oct 2022 - 17:25
24 Mai 1167.
[convocation] La fille qui parle Gdxl
L’inconnue ne rit pas à la remarque de l’occupante des lieux, mais quelque chose dans son attitude, peut-être un subtil haussement d’épaules, ou une inclinaison de la tête peut-être, signala son amusement à la remarque de la noble. Toutes deux avaient en effet conscience que rien ne prédisposé cette étrange femme à prôner la conventionnalité lors d’un rendez-vous.
Mais au moins pouvait-elle admirer la sagacité de son interlocutrice qui enchaina avec une certaine virtuosité sur sa bévue pour entreprendre la reprise de contrôle de la situation, au moins dans la discussion. En l’écoutant, l’inconnue se mit à se déplacer dans la chambre baignée de nuit. Elle ne donnait point l’impression d’observer quoi que ce soit, ni le l’élégant mobilier, ni les peinture, ni l’agencement ne semblait l’intéresser d’une quelconque façon. Elle errait, faute d’un meilleur terme, simplement.

Plus étrange encore, sans doute par un effet d’optique dû aux sens encore engourdis de la Comtesse mélanger à des ombres qui devait être plus profondes qu’elles ne le semblaient, son « invitée » paraissait par moment se fondre entièrement dans celles-ci pour rejaillir de l’autre côté, comme une flaque d’eau se mêlant à une autre. Pas un reflet de ses bijoux, pas une sensation de mouvement, juste les ténèbres. Impression renforcée par la manière dont ces ombres semblaient s’accrocher à la trainée de sa robe un instant de trop.

- Pour beaucoup comme notre charmante connaissance commune, je suis « Celle qui vient », car je n’ai pas de nom. Je n’ai pas de titre, je ne porte pas le sang d’une lignée que vous appelez noble, pas de famille. Je n’ai ni terre, ni domaine. En réalité, si l’on s’en réfère à ce qui définit qui est une personne dans votre monde fait des règles et de cases. Je n’existe tout simplement pas. Et pourtant je suis là. Juste devant vous. C’est cocasse ne trouvez-vous pas ? Cela rends la réponse à une aussi simple question étrangement compliquée…

La femme dodelinât de la tête, évoquant la danse d’un serpent près à attaquer, elle semblait réfléchir à la question d’un point de vue purement technique. Pourtant la suite de sa réponse prit le choix de la philosophie pour se développer.

- Mais si j’en crois la suite de votre questionnement, ce n’est pas tant mon statut existentiel qui vous importe. Mais plutôt une sorte nuance morale que vous espérez me voir ajouter à mon portrait pour vous convaincre que cette affaire qui fait notre bénéfice à toutes deux rentre dans le cercle des vertus ? Suis-je une gentille ? Suis-je une méchante ? Être dans le bon camps ? Des concepts typiquement humains. Aussi mensonger que sans substances. Un tour de passe-passe qui vous permet d’agir en toute impunité, justifiant le mauvais par une volonté de bon. Prenons votre exemple Comtesse. Malgré votre prétention à la froideur et au calcul, aux décisions difficiles si ce n’est cruelles…

Elle l’entendit inspirer profondément comme pour capter son odeur.

- Malgré tout cela, une part de vous reste persuadée que vous êtes au fond de vous, du bon côté. Que vous possédez malgré tout une morale qui vous ferait prendre le bon choix quand le mauvais serait pourtant à votre bénéfice. Je me demande ce qu’en penserait Monsieur Valvert. Lui qui vous haït tant… Il rêve de vous étrangler alors que vous continuez de l’appeler Hector avec ce petit ton d’amitié doucereux qui ne cache que peu le mépris que vous lui portez. Sa colère viscérale à votre égard en fit-elle un méchant ? Où se trouve la frontière ? Qui la dessine ? Questionna-t-elle d’un ton qui n’appelait en soi pas de réponse, son raisonnement tenant plus de la réflexion établie que d’une volonté évident de débat.

- Ce que j’attends de vous c’est que vous continuiez ainsi, à choisir arbitrairement où se place votre moralité en fonction de ce que vous avez à gagner. Vous n’avez pas à craindre de moi ou de nos affaires ce que les plus affaiblis ont à craindre de vous quand vous êtes celle qui tends sa main, pour prendre, non pour aider, malgré vos mots élégants. Une fois que vous aurez signé ce contrat, vous aurez tout le loisir de fouiner pour tenter de mettre à jour un quelconque subterfuge de ma part, après tout, vous en aurez le pouvoir aussi bien légal que financier en tant que gestionnaire. Faites fouiller les chariots, auditer le site, examiner les revendeurs, retrouver le propriétaire nommé de l’endroit. Peser chaque gramme. Vous ne me surprendrez pas à interférer avec vos recherches. Vos efforts seront vains car il n’y a rien dans ce marché qui puisse vous nuire plus que n’importe quelle entente avec l’un de vos semblables. Moins devrais-je dire sans fausse modestie. Je ne goûte que peu vos jeux de trahison et de mensonge. Assurez-vous que la part qui me revient ne soit pas lésée par votre ambition ou celles de vos semblables avec qui vous choisirez de faire affaire de ces nouveaux biens et vous n’aurez à craindre ni ma colère ni une quelconque justice ou punition à laquelle vous accordez de l’importance ici. N’est-ce pas correct ?

Après une énième disparition dans les ombres, la femme reparue étonnamment près, presque assez pour qu’elle distingue les traits de son visage, mais rien à y faire, même en se concentrant obstinément dessus, elle ne parvenait pas à en distinguer les détails. La femme aux cheveux gris repris, plus amusée.

- Ou peut-être essayez-vous de me demander ce que je compte faire de ma part des bénéfices ? N’est-ce pas quelques peu dépasser là les prérogatives que je vous propose ? M’offrirez-vous un regard sans entrave sur vos livres de comptes, les officiels comme les officieux ? Une équivalence de ce que vous souhaitez obtenir de moi ? La Malnuit avez-vous dit ? Auraient-elles réellement plus à se reprocher que celles diurne ? Revenez-vous encore à du bien et du mal ?

Au bout d’une seconde elle ajouta quelque chose qui aurait pu paraître être la suite de son questionnement au vu de la continuité de son ton. Mais elle changea complètement de sujet.

- Alamecia. Si vous souhaitez me voir affubler d’un nom, celui-ci en vos bien un autre. C’est le nom qu’un poète à un jour donné à ce que je suis, comme Celle qui vient pour les vôtre. Je le trouve d’une certaine élégance pas vous ? Dans le langage moderne, vous le traduiriez sans doute par « l’Inéluctable ».

Elle bascula soudain la tête sur le coté comme pour écouter un son venu de la fenêtre. La comtesse elle, n’entendit rien à par sa propre respiration.

- Intéressant… Tu es là… murmura-t-elle avant de reporter son attention sur la noble.

- Qu’espérez-vous m’entendre dire ce soir ? Que nous gagnons du temps.


Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



[convocation] La fille qui parle Empty
MessageSujet: Re: [convocation] La fille qui parle   [convocation] La fille qui parle Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
[convocation] La fille qui parle
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Marbrume - Forum RPG Médiéval Apocalyptique :: ⚜ Cité de Marbrume - L'Esplanade ⚜ :: Quartier noble :: Résidences de la noblesse-
Sauter vers: