Marbrume


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 Terminé | Un supplice après l'autre | Critès

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Joséphine de LéonFille d'Anür
Joséphine de Léon



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MessageSujet: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyLun 27 Juin 2022 - 19:32

29 avril 1167
Le Labourg,
Petite rue peu fréquentée

Cette journée de la fin du mois d’avril était radieuse. Désirant fuir la monotonie du Temple des Trois, Joséphine avait profité de la première occasion qui s'offrait à elle pour s'aérer l'esprit. Lorsque sa camarade Mathilda, qui était souffrante depuis quelques semaines, lui avait demandé si elle voulait bien aller porter quelques pièces à sa famille, la jeune femme avait tout de suite accepté.

La grand-mère et le fils de Mathilda vivaient dans une vieille petite maison mal entretenue au coeur du Labourg. C'était la dernière famille de son amie, la Fange lui ayant volé le reste de son entourage. Pour subvenir aux besoins de son petit Paulin, âgé de trois ans, Mathilda l'avait confié à sa propre grand-mère et était devenue une fille d'Anür le temps de trouver une situation plus confortable.

Joséphine avait donc passé son début d'après-midi avec la vieille et le gamin, leur situation précaire lui faisant mal à coeur. Les quelques pièces qu'elle remit à la grand-mère redonna le sourire à cette dernière, qui allait enfin pouvoir remplir le ventre du garçonnet et lui acheter de nouvelles braies à sa taille. Après un long moment de convivialité, Jo leur promit que l'état de Mathilda allait vite s'améliorer, alors qu'elle n'en avait honnêtement aucune idée. Sa mission accomplie, la jeune femme repartit le coeur un peu plus léger et un petit sourire aux lèvres.

Vêtue d'une robe très sobre couleur lavande, la fille d'Anür avait attaché ses cheveux en une longue et épaisse natte parsemée de petites fleurs violettes. Serrant son châle autour d'elle, elle traversait d'un pas rapide le quartier mal famé tout en gardant la tête baissée. Elle se sentait mal à l'aise dans ce genre d'endroit, d'autant plus qu'elle n'avait pas emporté avec elle la petite dague que son frère lui avait donné quelques années plus tôt. De toute manière elle n'avait jamais réellement su s'en servir correctement, songea-t-elle.

Passant devant une taverne, elle longea ensuite une petite rue pendant quelques minutes avant de s'apercevoir que trois ivrognes venaient à sa rencontre.

- Eh ma mignonne ! l'interpella-t-on Viens par là !

Joséphine tourna la tête en leur direction. Depuis qu'elle avait quitté l'allée principale, elle n'avait pas croisé grand monde. Les trois gaillards qui sortaient probablement de la taverne la regardaient avec un regard lubrique et elle pressa le pas en les ignorant. Le plus grand des trois la rattrapa aisément et la saisit par le bras en la plaquant contre un mur de pierre.

- Alors qu'est-ce qu'on a là ? T'as l'air bin' bonne ma jolie !
- Lâchez-moi ! répondit Joséphine en essayant de se dégager.

Les deux comparses du grand chauve les avaient rejoints. La main crasseuse de bougre la serrait avec force et Joséphine paniqua, se voyant déjà laissée pour morte dans cette rue sordide. Soudain, elle regretta d'avoir quitté la sécurité du Temple. Elle regretta d'avoir trouvé cette journée si agréable. Tout lui échappait à présent.

- Belle prise Pierrot ! commenta le petit gros.
- On va s'la partager c'te gueuse ! enchaina le barbu.

Le dénommé Pierrot adressa à Jo un sourire affublé de trois dents jaunâtres et d'une haleine fétide. Les relents d'alcool lui donnaient la nausée. L'homme se pencha sur Joséphine pour l'embrasser. Les bras maitrisés, la jeune femme fit pour se défendre le seul réflexe qui lui vint à l'esprit. Décidée à ne pas crever dans cet endroit sans protester, elle asséna à son agresseur un violent coup de genou en plein dans ses parties intimes. Immédiatement, le lascar la lâcha et se plia en deux de douleur.

- Sale putain ! articula-t-il dans sa douleur.

Sans demander son reste, Joséphine le laissa effondré sur le sol et se mit à courir, misant que les tigres étaient peut-être trop imprégnés pour marcher droit et la suivre. Elle fit erreur. Les deux autres ivrognes la rattrapèrent aussitôt. Le barbu la jeta violemment au sol.

- A L'AIDE !!! hurla la rousse, réalisant qu'elle n'allait pas pouvoir se tirer de cette mauvaise posture.

Elle se débattit avec ses pieds et ses petits poings d'une manière hargneuse mais dans la finalité peu efficace. Malgré tout, elle toucha le petit gros au tibia et il recula d'un pas.

- GOURGANDIIIIIIIINE !! cria à pleins poumons le barbu, furieux qu'une femme leur résiste.

Avant qu'elle n'ait eu le temps de se relever, le barbu se rua sur elle en lui assénant des coups de pieds violents, une lueur dangereusement meurtrière dans le regard. Vite remis de ses émotions, le petit gros rejoint son comparse et la frappa également avec une violence vengeresse. Recroquevillée au sol, ses joues l'albâtre maculées de larmes, la jeune femme encaissait les coups en gémissant, sans parvenir à faire quoi que ce soit d'autre. Tout compte fait, elle songea qu'elle aurait du les laisser prendre leur plaisir et s'en aller. Ce qui était une tentative de viol se transforma en tentative de meurtre. La douleur s'était emparée d'elle sans qu'elle n'ait le moyen de se défendre. Le temps sembla se suspendre, elle avait l'impression d'être frappée depuis une éternité. Joséphine n'avait aucune envie de mourir ici, maintenant. Mais sa souffrance prenant le dessus, elle ferma les yeux en priant pour que ça se termine bientôt.


Dernière édition par Joséphine de Léon le Dim 3 Juil 2022 - 19:54, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyLun 27 Juin 2022 - 21:48
Le labourg était l'autre quartier miséreux de Marbrume. La criminalité y était moins élevée que dans le Goulot, mais ce n'était quand même point ce quartier que Critès aurait choisi pour une promenade de santé. On y voyait les mêmes miséreux en haillons, les mêmes chiens et chats maigres errants qui tôt ou tard termineraient dans l'assiette, et les murs des maisons y suintaient la misère. S'il était venu ici avec le jeune aspirant Arnaud, c'était pour y porter quelques secours sur la demande d'une guérisseuse. Une épidémie de dysenterie, sûrement provoquée par la consommation d'une eau point assez purifiée, vu l'état des égoûts, sévissait et touchait particulièrement les enfants. Seul le temple possédait des réserves suffisantes d'herbes médicinales pour soigner cette maladie avant qu'elle ne fasse mourir ses victimes de déshydratation.
L'aspirant Arnaud avait de bonnes connaissances médicales et avait donc préparé un remède basique qui serait efficace ; ensemble, ils en avaient distribué autant de doses qu'ils le pouvaient.
Maintenant, il était plus que temps de rentrer ; le jour touchait à sa fin et le soleil de fin d'après-midi parait le ciel d'une lueur orangée qui tranchait avec les ombres des bas-quartiers sans leur ôter leur aspect sinistre ; Rikni était toute prête à éveiller les cauchemars pour torturer ceux qui s'étaient trop écartés du droit chemin. Aussi Critès entraîna-t-il rapidement son compagnon vers le quartier du temple, espérant l'atteindre avant qu'un manteau sombre ne recouvrît totalement la cité.
C'est alors qu'un hurlement déchira le silence.
Et Critès crut que l'on venait de lui poignarder le coeur.

- A L'AIDE !!!


Cette voix, il ne l'avait entendue que quelques fois ; pourtant, il l'aurait reconnu entre mille. Cette voix appartenait à une personne que jusqu'à présent, il n'avait fait que maudire ; et pourtant, à cet instant, le timbre trahissait une telle détresse qu'il en sentit une profonde peur lui balafrer l'estomac.

- Allez cherchez un milicien !!! ordonna-t-il vivement au prêtre apprenti. VITE !
- Mais, mais, père Critès, vous n'allez pas y aller tout seul ? protesta Arnaud.
- Je peux me battre, répliqua Critès en montrant le poignard à sa ceinture. Comme tu le vois, je suis armé. Fonce !

Le garçon hocha la tête et fila aussitôt comme une flèche. Quand à Critès, il partit comme le vent, se laissant guider par les cris qu'il entendait. Une voix bourrue d'homme retentit notamment, hurlant une insulte.
Enfin, il arriva devant la ruelle d'où provenaient les hurlements. Il vit alors deux individus, un petit gros et un homme grand et barbu, qui passaient la jeune femme rousse à tabac. Ils y allaient si fort que Critès en eut mal pour elle.
Une violente fureur le saisit et il comprit qu'il allait tuer ces deux ordures. Dague au poing, il s'élança.

- LACHEZ-LA !

Ivre de rage, il brandit sa dague, près à la planter. Mais il n'avait rien d'un combattant ; aussi, le grand barbu l'intercepta-t-il aisément.

- Eh bien, qu'est-ce qui t'arrive, le cul béni ? demanda-t-il avec un ricanement. Pourquoi t'es si agressif ? On peut partager, hein ?

Il lui plia le poignet, lui faisant lâcher l'arme. Critès hurla de douleur. Cependant, il n'avait pas perdu son objectif de vue. Savoir Joséphine en danger lui conféra une résistance qu'il n'aurait jamais cru posséder et il projeta violemment pied dans le tibia de l'homme qui tentait de le maîtriser, le faisant crier à son tour de souffrance. L'instant d'après, il lui décochait un violent coup de poing dans l'estomac, le faisant se plier en deux avant de lui déchaîner une grêle de coups.
Ce fut ainsi que Critès faillit avoir le dessus dans cette bagarre, mais c'était sans compter le petit gros qui saisit sa chance et se mit à le frapper à son tour :

- Non mais tu veux quoi, le cul béni ?

Une grêle de coups tomba sur Critès. Un poing atterrit en plein milieu de son visage, il sentit du sang lui partir du nez. Pendant ce temps, l'homme barbu saisit la dague qu'il avait lâchée.

- Et si on l'faisait saigner, c'cureton ? Tu crois que son sang est rouge comme le nôtre, ou arc-en-ciel ? Paraît qu'ils sont bénis des trois, j'ai toujours eu envie d'vérifier...
- Bah a priori, c'est rouge, ricana son compère. Mais vas-y, ouais, saigne-le comme un cochon et après on se tapera sa p'tite pute ! HA, HA, HA !
- MILICE ! hurla soudain une autre voix. Arrêtez immédiatement.
- Foutrebois, la milice ! FUYONS !

Trois hommes en cape verte venaient d'arriver, suivi de près par l'aspirant Arnaud. Tandis qu'ils s'élançaient à la poursuite des deux ivrognes, le jeune prêtre apprenti se précipita vers Critès :

- Père Critès ! Père Critès ! Rien de cassé ?
- Je vais très bien, rétorqua Critès qui comprimait sa manche contre son nez pour stopper son saignement. Occupez-vous plutôt de Joséphine ! Elle va bien ?
- Qu... ah oui, bien sûr, répondit le jeune aspirant en se penchant aussitôt sur la pauvre fille d'Anür dont la robe était toute déchirée. Ca va, Madame ? Pouvez-vous vous lever ?
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Joséphine de LéonFille d'Anür
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyLun 27 Juin 2022 - 23:16
La douleur irradiait tout son corps, la submergeant. Elle ne parvenait plus à réfléchir, ne savait plus où elle était ni ce qui lui arrivait. Poupée de chiffon sous les assauts des sévices infligés par les deux inconnus, Joséphine était complètement à la merci de ses agresseurs. Elle avait cessé de crier à présent. Elle ne ressentait plus les coups, comme si elle n'avait plus conscience de son propre corps. Elle n'entendait plus que les bruits sourds des membres qui frappaient sur la coquille vide qu'elle était. C'était comme si elle n'était plus dans la réalité, Jo avait l'impression d'assister à la scène vue de haut sans rien maitriser. Etait-ce cela, mourir ?

C'est alors qu'elle l'entendit. Cette voix devenue familière, inoubliable. Cette voix qui l'obsédait. Qui ne pouvait pas être réelle pourtant. C'était impossible, Critès n'était pas là, pas pour elle. Il ne le serait jamais, il la méprisait : il le lui avait dit. Mais il y avait sa voix si grave et imposante. Peut-être était-elle en train de rêver. Oui, c'était sûrement cela.

- Cri...tès... murmura-t-elle.

Joséphine avait imploré les Trois de mettre fin à son supplice et les Dieux l'avaient entendue. Tout d'un coup, son passage à tabac cessa. Sous le choc, la jeune femme resta au sol, sans bouger. Seules les larmes coulaient à flot sur ses joues. Et le sang, aussi, un peu. Elle n'osait pas ouvrir les yeux. Elle n'osait rien faire. Reprenant conscience peu à peu, la fille d'Anür entendit le tumulte autour d'elle.

Il y avait des bruits d'acier, de coups, d'insultes, de cris. La réalité était bruyante. Joséphine était effrayée, elle ne comprenait pas ce qu'il se passait. Alors elle se décida à ouvrir les yeux. La lumière du jour qui n'était pas encore tombé l'agressa et elle mit un peu de temps à s'y habituer. Depuis le sol, elle vit deux paires de jambes détaler au loin et trois autres paires les poursuivre.

- Occupez-vous plutôt de Joséphine ! Elle va bien ?

Cette voix... Elle était si réelle. Si proche. Joséphine cracha du sang par terre et roula sur le côté en grimaçant pour se tourner vers cette voix si hypnotisante. Ce n'était pas un rêve. Il était là. Pour elle ?! Elle le fixa intensément, essayant de reprendre ses esprits. Voir Critès ne l'y aidait pas. Troublée, elle se demanda ce qu'il faisait là sans comprendre. Si c'était lui que les Trois avaient envoyé sur son chemin pour lui venir en aide, les Dieux avaient un sens tout particulier de l'humour. La jeune femme réalisa alors que le prêtre se compressait le nez avec sa manche tâchée de sang. Il était blessé...

- Ca va, Madame ? Pouvez-vous vous lever ?

La voix masculine qui lui était inconnue la ramena davantage à la réalité en la faisant sursauter. Debout devant elle, un jeune homme la regardait avec ses trois yeux. Non quatre. Non deux, il n'avait que deux yeux. Hagarde, elle le regarda un instant sans répondre, le temps que l'image qu'elle avait de lui devienne plus nette.

- Je... Oui... bredouilla-t-elle.

Joséphine prit un instant pour étudier mentalement son corps. Sa tempe droite la lançait violemment et un léger flot de sang troublait sa vue. Le goût de sang dans la bouche lui signifia qu'elle avait la lèvre inférieure fendue. Tout le reste de son corps lui faisait mal, semblant engourdi. La délicatesse de sa peau avait cédé à certains endroits, tout comme sa robe en lambeaux dont la couleur lavande était parsemée de rouge à présent. Mis à part une multitude d'hématomes qui allaient se former et ses côtes qui lui faisaient mal à chaque nouvelle respiration, la jeune femme n'eut pas l'impression d'avoir de graves blessures.

Elle eut néanmoins du mal à se lever et lâcha un gémissement de douleur lorsque le jeune homme l'aida à se lever puis supporta son poids d'un seul bras pour la maintenir debout. La tête lui tournait et elle avait du mal à trouver l'équilibre. En réfléchissant, elle n'aurait su dire où elle n'avait pas mal. Très choquée, Joséphine pleurait toujours machinalement. Les larmes roulaient le long de son visage sans qu'elle ne puisse les maitriser. A vrai dire, elle avait à peine conscience qu'elle pleurait en continu.

- Vous êtes blessé. souffla-t-elle d'un air soucieux en dévisageant Critès, comme si c'était la seule chose qui importait dans cette mésaventure.
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyMar 28 Juin 2022 - 10:03
Critès continua d'appuyer fort sur son nez pendant que Joséphine récupérait doucement de son agression, soutenu par l'aspirant Arnaud. Enfin, finalement, le saignement parut s'arrêter. Il entendit alors la fille d'Anür s'inquiéter de lui. Cela le toucha plus qu'il ne voulut l'admettre. Elle avait pourtant pris bien plus cher, comment pouvait-elle ainsi se préoccuper plus de lui que de son propre état ?

- Ca va, répliqua-t-il d'un ton un peu bourru. Un petit coup sur le nez, rien de méchant.

Il s'approcha d'elle, une lueur soucieuse et sincère luisant dans ses prunelles d'ambre :

- Vous par contre... Je crois qu'ils vous ont frappée à la tête. Il faut aller au dispensaire et vite.

Il vit qu'elle vacillait :

- Le temple n'est plus très loin d'ici, lança-t-il à l'aspirant Arnaud. Elle a l'air incapable de marcher, je vais la porter.
- D'accord, répondit aussitôt le jeune prêtre qui continuait de soutenir Joséphine dont le teint devenait de plus en plus crayeux.
- Pas de discussion, ajouta Critès d'un ton ferme en prenant tendrement la jeune femme à la taille. Vous êtes sur le point de vous évanouir, ma fille. Vous ne tiendrez pas.

Il la souleva aisément et se dit qu'elle était plus légère encore qu'il ne l'avait imaginé. Evidemment, malgré le fait que le temple fût favorisé au niveau de la nourriture, les quantités devaient parfois être juste suffisantes. Par les Trois, elle avait tellement de sang sur elle ! Il se demanda si elle avait d'autres lésions internes, que l'on ne pourrait guérir. Sa gorge se noua. C'était la plaie sanglante à la tempe qui l'inquiétait le plus. Il avait hâte de la confier à un prêtre guérisseur, lui-même ne connaissant que les bases.
Ils se mirent en route. La tête de la jeune femme était à présent bien calée sur son torse et ce contact chaud et doux l'ennivra, en dépit de la situation.

- Tenez bon, lui souffla-t-il à l'oreille d'une voix douce. Vous ne risquez plus rien. On arrive bientôt en lieu sûr.

Par les dieux, il ne s'était vraiment pas rendu compte à quel point elle pouvait être fragile et vulnérable. Il avait envie de la protéger contre le monde entier. De faire subir les pires tortures aux deux misérables qui avaient osé la malmener ainsi. Il resserra légèrement son étreinte autour d'elle, comme s'il voulait la cacher devant tous. Comme s'il voulait devenir pour elle une forteresse imprenable, où jamais plus, on ne la maltraiterait. Il pouvait sentir qu'elle tremblait légèrement. Etait-elle encore en train de pleurer ? Il ne pouvait pas le voir, mais ce n'était pas impossible, elle était si choquée...
Dans tous les cas, Critès semblait avoir tout oublié. Oublié que la dernière fois que la jeune femme et lui s'étaient croisés, il y avait eu que des menaces et des insultes. Aussi bien de son côté à elle que du sien. Qu'il la méprisait, parce qu'elle était une de ces maudites catins que l'on nommait Fille d'Anür. Qu'elle le détestait, parce qu'il avait fait brutaliser l'une de ses camarades. Tout ceci, maintenant, n'avait plus d'importance, parce qu'elle était blessée, sûrement encore terrifiée, et qu'elle avait besoin de lui.
Et lui aussi, se rendait compte qu'il avait besoin d'elle, qu'il le voulût ou non. Qu'il ne pouvait supporter qu'il lui advînt du mal.
Le coeur si dur et si impitoyable de Critès retrouvait enfin un peu d'humanité.
Grâce à une pécheresse.
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Joséphine de LéonFille d'Anür
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyMar 28 Juin 2022 - 11:19
Le sol semblait s'agiter sous les pieds de la jeune femme et sa vision se brouillait de temps à autre. Elle entendit la voix de Critès dire à l'autre qu'il allait la porter. Joséphine s'agita légèrement, manquant de tomber. Elle regarda le prêtre avec des yeux pleins de terreur, comprenant que Critès lui faisait peur en dépit de tout. La dernière fois qu'ils s'était vus, elle avait bien cru qu'il allait la frapper. Il n'en avait rien fait, mais il avait été le commanditaire d'horreurs plus graves encore sur la personne de son amie Eléa. Joséphine n'en avait pas dormi pendant plusieurs nuits.

- Ce n'est...

...Pas nécessaire ne put-elle achever. Critès l'interrompit sans lui laisser l'occasion de continuer à protester, lui parlant d'une voix douce mais ferme. Une vague d'effroi la parcourue. Et si le prêtre avait aussi organisé cette agression ? Comme la dernière fois, il avait peut-être cherché à se venger de Joséphine avant de s'imposer en sauveur. Cette idée la troubla. La rousse repoussa ses pensées : dans son état elle ne pouvait résonner clairement.

L'imposant prêtre la prit dans ses bras avec autant de délicatesse que s'il fait cueilli une fleur. Joséphine se laissa faire, se rendant compte qu'il avait raison : elle n'était pas en état de marcher et ne pouvait rester dans cette ruelle indéfiniment. Elle passa ses petits bras meurtris autour des larges épaules de l'homme de foi. Elle aurait voulu qu'il ne la lâche plus jamais. Regardant par dessus son épaule, elle vit l'endroit où elle avait été ruée de coups. Les pierres de la rue étaient teintées d'un peu de rouge et parsemées de petites fleurs violettes qu'elle avait pris tant de soin à accrocher dans ses cheveux plus tôt dans la journée.

Ils commencèrent à marcher. La jeune femme laissa sa tête choir contre le torse de son sauveur, se laissant bercer par la cadence de ses pas. La chaleur qui émanait de son corps était réconfortante. Serrant ses mains sur le tissu de la tenue du prêtre, la rousse écouta les battements rapides et réguliers de son coeur. Ce son l'apaisa et elle cessa peu à peu de pleurer. Au bout d'un moment, l'homme resserra son emprise sur elle en lui murmurant des paroles réconfortantes. Joséphine n'était pas inquiète. Elle se sentait maintenant déjà en lieu sûr lorsque les bras du prêtre la maintenaient contre lui de cette façon. Oubliant son appréhension au sujet de Critès, la jeune femme s'avisa qu'elle n'avait besoin d'être nulle par ailleurs.

Elle n'eut pas l'impression de rester consciente tout le long du trajet. La douleur la faisait geindre de temps à autre mais elle sentait que le temps présent lui échappait. Fermant les yeux, elle se laissa aller dans les bras qui la portaient, emportée par la douleur qui la submergeait.

*
* *

Joséphine reprit connaissance quelques minutes plus tard lorsqu'elle sentit la chaleur du corps de Critès s'éloigner d'elle. Les mains imposantes de l'ecclésiastique l'avait déposée dans un lit froid qui lui parut bien inconfortable comparé à son torse. La douleur la fit à nouveau grimacer. Regardant autour d'elle, la jeune femme s'avisa qu'ils étaient seuls, le compagnon du prêtre étant probablement allé quérir un guérisseur.

- Vous m'avez sauvé la vie, finit-elle par articuler en le regardant dans les yeux, se demandant encore comment tout cela pouvait bien être réel.

La jeune femme ne savait exactement ce qu'elle devait penser de cette situation, et la douleur lancinante qui l'accaparait l'empêchait de trop réfléchir. Derrière Crtiès, elle vit arriver vers elle un prêtre guérisseur. L'homme fronçait les sourcils, l'air préoccupé. La gorge de Joséphine se noua alors qu'elle s'empêchait d'éclater à nouveau en sanglots. Elle était encore terrifiée. Reportant son attention sur l'homme qui l'avait sauvée, la fille d'Anür se perdit dans son regard ambré si réconfortant. L'espace d'un instant, ses tourments s'évanouirent. Joséphine lui agrippa l'avant-bras pour qu'il reste près d'elle.

- Ne me laissez pas. S'il vous plait. implora-t-elle doucement.

Elle avait agit de manière instinctive. Critès l'avait secourue de ce mauvais pas et l'avait portée jusqu'ici. La jeune femme était incapable de réfléchir plus loin pour le moment. La présence du prêtre était rassurante et lui permettait de se raccrocher au temps présent. Elle avait besoin de lui, plus que jamais.
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyMar 28 Juin 2022 - 18:06
Il avait respiré le parfum ennivrant et floral de ses cheveux lorsqu'il l'avait enfin déposé sur un lit du dispensaire. Un pincement se faisait sentir en son coeur alors qu'il voyait le sang séché sur son visage. Par les Trois, ces brutes avaient sûrement cherché à la violer...
Ce n'est point là le châtiment adéquat, pour une fille d'Anür ? lança une voix mesquine dans sa tête.
Pour une fois, il la fit taire. Non, non, non, non. Pas Joséphine. A elle, il ne pouvait laisser arriver une telle chose. Elle était si douce, si innocente...
Innocente ?
A quel envoûtement était-il donc soumis ? Pourquoi était-il incapable de voir qu'il était en train de se faire manipuler par cette créature de luxure ?
A cet instant, elle ouvrit ses beaux yeux si clairs et il en oublia toutes ses pensées. Son regard était si implorant.

- Vous m'avez sauvé la vie, dit-elle à cet instant.

Il ne répondit rien. Il n'attendait pas de remerciement. Tout ce qu'il voulait, c'était qu'elle aille mieux. Et vite.
Le guérisseur arriva à cet instant. Critès jugea qu'il était temps de partir. Mais à ce moment-là, elle le retint et l'implora de rester.
Il crut avoir mal entendu ; comment pouvait-elle souhaiter ainsi sa compagnie, même sous le coup de la reconnaissance ? Ne le haïssait-elle pas ? Ne lui avait-elle point dit à quel point il était un individu méprisable ? Ah, les femmes !
Mais puisqu'elle le souhaitait, il n'avait rien à y redire.
Et puis... Son coeur se gonflait de bonheur à cette pensée.

- Je ne bouge pas d'ici,
dit-il doucement.
- Ca tombe bien, père Critès, vous allez pouvoir m'aider, dit le guérisseur. Il faut que nous bandions sa tête et cela ira plus vite si vous me passez les bandages au fur à mesure.
- Bien sûr mon frère, tout ce que vous voudrez, répondit aussitôt Critès.

A eux deux, ils lavèrent donc les blessures de la jeune femme. Il fallut lui retirer le haut de sa robe. Critès faillit jurer. Il y avait plusieurs énormes ecchymoses. Le guérisseur les palpa rapidement, non sans arracher un gémissement à sa patiente.

- Ce n'est pas cassé, déclara-t-il. Elle a de la chance. Mais il va nous falloir beaucoup d'onguent pour la soulager.
- Ou... oui, j'imagine, dit Critès en détournant le regard.

Si les côtés de son thorax étaient bleuis, les seins de la jeune femme restaient immaculés et beaux ; Critès avait failli laisser des pensées inadéquates l'envahir. Bigre, lui aussi pouvait être vil pécheur lorsqu'il s'y mettait. Comment pouvait-il penser à cela alors que cette femme était dans une telle détresse ? Il laissa le guérisseur appliquer lui-même le baume, tant il était troublé. Enfin, l'homme acheva sa tâche.

- J'ai d'autres malades à aller voir. Pouvez-vous rester près d'elle ?
- Je le ferai, répondit le prêtre.
- Bien, alors je vous laisse.

Elle avait les yeux fermés. Pris d'une soudaine tendresse, Critès saisit délicatement l'une des longues boucles rousses pour l'ôter de son visage. Ce geste lui était venu si naturellement qu'il en fut d'autant plus troublé.
Que les Trois me maudissent, j'ai l'impression de me comporter comme un époux avec sa femme, songea-t-il.
Mais elle ne l'était pas. Et ne le serait jamais. S'il devait épouser quelqu'un, ce serait sûrement une femme comme Sixtine.
Mais il n'était pas prêt à penser à cela maintenant. Tout ce qu'il voulait, maintenant, c'était prier les Trois pour que Joséphine se remît vite. Qu'elle puisse de nouveau se mettre en colère contre lui et l'insulter, si c'était ce qui devait se produire. Il la laisserait faire. Il ne lui dirait rien. Il serait beaucoup trop heureux qu'elle soit suffisamment en forme pour faire même cela.
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyMar 28 Juin 2022 - 23:01
Elle n'aurait su expliquer pourquoi la présence de Critès l'apaisait. Pourquoi lui, après tout ce qu'il s'était passé entre eux. Une partie de Joséphine avait pourtant peur de lui, redoutant à chaque instant qu'il s'en prenne à elle d'une manière assez fourbe. Voilà qu'elle remettait tout en question. Elle avait prié les Trois dans cette ruelle, et de toutes les âmes vivantes c'était Critès que les Dieux avaient envoyé. Cela ne pouvait être un pur hasard.

Le prêtre lui annonça rester auprès d'elle et la jeune femme laissa échapper un petit soupir de soulagement. Elle ne voulait pas se retrouver seule avec le guérisseur, qu'elle ne connaissait pourtant pas, par ailleurs. Après ce qu'elle avait vécu, elle ne pouvait envisager que son sauveur s'éloigne d'elle maintenant. Pour la première fois depuis son agression, elle esquissa un faible sourire, les lèvres pincées. S'il restait près d'elle, tout irait bien.

Le guérisseur parlait de son état à Critès comme si elle n'était pas présente dans la pièce pour les entendre. De toute façon, elle encore un peu trop sonnée pour bien suivre la conversation. Joséphine avala une décoction de plantes au goût douteux dans le but d'atténuer sa douleur. Puis les deux prêtres s'occupèrent en premier lieu de son visage, lui bandant le crâne pour soigner sa tempe qui la lançait encore. S'il était réputé pour ses talents, le guérisseur ne l'était en revanche pas pour sa douceur.

Sans trop de délicatesse et sans se soucier de sa pudeur, il dénuda la moitié de son corps pour examiner l'étendue de ses blessures. Joséphine se mordit la lèvre pour ne pas crier lorsqu'il lui palpa les côtes dans des gestes habiles mais douloureux. Il annonça à Critès qu'elle n'avait pas de fracture et la fille d'Anür fut soulagée. De graves blessures étaient la dernière chose dont elle avait besoin. L'onguent qu'appliqua le guérisseur la soulagea beaucoup, si bien qu'elle ne s'offusqua pas que sa poitrine soit à la vue des deux prêtres. De toute façon tellement d'hommes avaient déjà vu ses seins qu'elle ne se formalisa pas sur ce fait. Le respect de sa pudeur n'était pas une priorité.

Joséphine ferma les yeux, épuisée de toute cette mésaventure. Elle entendit Critès dire au guérisseur qu'il allait rester auprès d'elle, alors elle était relativement apaisée. Jo ne savait pas si elle s'était assoupie quelques minutes seulement ou plusieurs heures. Quand elle rouvrit les yeux, il lui fallut un instant pour assimiler tout ce qu'il lui était arrivé. Sa douleur s'était légèrement atténuée sans disparaitre pour autant. Elle grimaça en se redressant et prit conscience que le prêtre ténébreux était toujours à son chevet.

- Vous êtes resté commenta-t-elle, une lueur de soulagement dans la voix.

Elle le fixa intensément, s'avisant qu'il était vraiment bel homme lorsqu'il n'était pas trop occupé à la couvrir d'insultes et de mépris. Le regard ambré de l'homme était posé sur elle et Joséphine sentit une tendre chaleur l'envahir. Il était resté là veiller sur elle. Elle avait encore du mal à comprendre pourquoi il s'était mêlé de cette histoire.

- Pourquoi êtes-vous venu à mon secours ? demanda-t-elle finalement.

Un "merci" aurait été beaucoup plus approprié, mais le comportement de Critès attisait trop sa curiosité. Il ne la supportait pas, il lui avait souhaité les pires atrocités. Alors pourquoi la secourir ? Cela dépassait l'entendement de Joséphine. La seule raison qu'elle trouvait à Critès était la même que pour Eléa : il avait convaincu les ivrognes de s'en prendre à elle pour la purifier. Elle ne trouvait pas d'autres explications.

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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyMer 29 Juin 2022 - 18:34
Critès resta auprès de Joséphine tout le temps qu'elle dormit. Au point que mère Inès vint même lui apporter un bol de bouillon et l'intimer au repos. Ceux qui connaissaient un peu le père Critès furent impressionés par cette dévotion particulièrement, car si effectivement, le prêtre portait souvent secours aux blessés et aux malades, il était rare de le voir s'attarder à leur chevet.
Mais il ne pouvait se résoudre à bouger. Il redoutait qu'elle ne guérît pas. La plaie à la tête lui avait semblé profonde sur le coup et il avait déjà vu des gens, en apparence sur la voie de guérison, s'éteindre subitement après avoir subi ce genre de blessure.
La nuit était en effet fort avancée lorsqu'elle s'éveilla enfin. Elle sembla heureuse qu'il fut resté. Puis, elle posa la question qu'il redoutait.

- Pourquoi êtes-vous venu à mon secours ?


Ah, Joséphine... C'était une bonne question. Il n'avait pas la réponse. Il pouvait dire qu'il n'avait fait que son devoir de prêtre, mais il savait que cela allait bien plus loin. S'il n'avait fait que son devoir, il ne serait sûrement pas resté près d'elle jusqu'à maintenant. La vérité était qu'il avait souhaité plus que tout veiller sur elle et qu'il voulait même continuer. Il voulait passer du temps avec elle même par la suite. Cela faisait si longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi apaisé auprès d'une autre personne... Aussi, finit-il par répondre :

- L'aspirant Arnaud et moi étions dans le quartier pour distribuer des herbes médicinales aux enfants. Une épidémie de dysenterie fait rage dans le quartier depuis la huitaine dernière et ils en sont les principales victimes. Nous avons entendu les cris et nous sommes venus. Bref... J'ai simplement fait ce que n'importe qui aurait fait dans cette situation.


Il ajouta :

- J'imagine que vous étiez là-bas pour rendre visite à de la famille ou des amis ? Si vos proches ont des enfants, dîtes-leur de prendre garde à l'eau des puits de l'est. Apparemment, la contamination serait venue de là.

Il était sincèrement soucieux, à cet instant. Si Critès avait perdu son coeur pour aimer le peuple de Marbrume dans son entièreté, les jeunes enfants bénéficiaient toujours du peu de compassion qu'il lui restait, car il les considérait comme les victimes innocentes des péchés des adultes. Lorsqu'il en voyait mourir de faim ou de maladie, un relent de peine lui surgissait.
Se rendant compte qu'il poussait un peu trop loin la conversation à cause de sa gêne, il ajouta :

- Pardonnez-moi, je deviens bavard et il faut ménager vos forces. Comment vous sentez-vous ?


Dernière édition par Critès Dombreciel le Jeu 30 Juin 2022 - 12:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyMer 29 Juin 2022 - 22:39
Avec autant d'attention qu'il lui était possible vu son état, la jeune femme écouta la justification de Critès sur sa présence au Labourg. Elle ne doutait pas de sa parole, jusqu'ici il ne lui avait jamais menti. Malgré tout elle ne pouvait s'empêcher de trouver la coïncidence qu'ils se soient tous les deux retrouvés au même endroit étrange. Et si, sous prétexte de faire une bonne action, il l'avait suivie malgré tout ? Elle n'arrivait pas à chasser cette éventualité de son esprit.

- C'est terrible ! répliqua tout de même la jeune femme en fronçant les sourcils d'un air soucieux. J'espère que les enfants se remettront rapidement grâce à vos soins.

Malheureusement les plus jeunes étaient aussi les êtres les plus fragiles de ce monde. Voilà que même l'eau leur était néfaste. Elle repensa au joyeux petit Paulin qu'elle avait rencontré ce matin et pria rapidement les Trois pour qu'il soit épargné par la maladie. Aucun enfant ne devrait vivre ces tourments.

Joséphine s'attarda un instant sur les traits charismatiques de Critès, se demandant comment il pouvait être à la fois celui qui soignait des enfants des bas-quartiers et celui qui terrorisait intentionnellement une fille de joie par pure haine. Le détester aurait été tellement plus simple s'il n'avait été que cruauté. Mais le prêtre était au fond de lui un homme bon. Qui plus est, il l'avait sauvée d'un mauvais pas. Malgré le mépris dont il avait fait preuve la dernière fois à son égard, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir irrésistiblement attirée vers lui. L'ambivalence de ses sentiments la préoccupait. C'était à ne plus rien y comprendre.

- J'étais allée m'assurer que la famille d'une amie qui est souffrante ne manque de rien. Je leur transmettrai votre conseil.

Joséphine jugea inutile de mentionner que ladite amie était une Fille d'Anür. La rousse savait que le père Critès méprisait son ordre sans demi-mesure et elle n'était pas en état de supporter une nouvelle effusion d'injures maintenant.

Lorsque le prêtre lui demanda comme elle se sentait, Joséphine prit un instant pour réfléchir à la question pourtant simple. La douleur était toujours présente bien qu'elle se soit considérablement amoindrie. Sa tête ne tournait plus mais sa bouche était pâteuse et elle se sentait légèrement nauséeuse. Elle essaya de chasser de son esprit les images de son agression : il lui faudrait du temps pour se remettre de son passage à tabac. Elle ne voulait pas se montrer faible aux yeux de Critès : qu'il l'ait vue dans un aussi sale état la préoccupait déjà assez.

- Mieux, dit-elle, refusant d'avouer au prêtre qu'elle avait mal. Je suppose que j'ai eu de la chance que vous soyez intervenu à temps...

Sentant d'un coup les larmes lui monter aux yeux, sa gorge se noua et elle darda son regard bleu sur l'homme d'un air désespéré. L'émotion des derniers évènements surgissait sans prévenir. Le sentiment que Critès puisse en être responsable n'aidait en rien. Il lui avait dit qu'elle méritait une pénitence et qu'il la méprisait. Elle avait vu de quoi il était capable lorsqu'il avait fait en sorte de tourmenter Eléa. Depuis cette rencontre, Joséphine avait été sur ses gardes, redoutant à chaque instant qu'un bougre vienne s'en prendre à elle également. L'angoisse de ses longues journées et nuits de doute, à attendre son châtiment, prenait le dessus sur sa raison.

- Et maintenant mon père ? Allez-vous me laisser en paix à présent que vous vous êtes vengé de moi ? Pensez-vous que j'ai suffisamment souffert ?

Elle l'avait questionné de but en blanc, la voix tremblante. Sa voix n'était pas accusatrice, mais plutôt suppliante. Critès avait forcément tiré les ficelles de son agression. Le prêtre avait accaparé ses rêves suite à leur première rencontre et hantait ses cauchemars depuis la seconde. Si elle avait comprit qu'elle ne pouvait parvenir à le sortir de son esprit, elle ne pouvait en revanche pas supporter les menaces qu'il avait fait planer au-dessus de sa tête. Elle se sentait prête à éclater en sanglots. La noirceur dont il pouvait être capable lui faisait peur. Et pourtant, quand il l'avait portée dans ses bras, elle ne s'était jamais sentie autant à sa place que sa tête contre son torse.
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyJeu 30 Juin 2022 - 12:50
Elle semblait aller mieux. Elle avait visiblement la force de parler et Critès en sentit un profond soulagement l'envahir. Jusqu'au moment où elle posa cette question :

- Et maintenant mon père ? Allez-vous me laisser en paix à présent que vous vous êtes vengé de moi ? Pensez-vous que j'ai suffisamment souffert ?

Comment... Et il réalisa soudain. Elle avait peur de lui. Elle savait la responsabilité qu'il avait eu dans le traitement qu'avait subi son amie Eléa et elle n'arrivait pas à se détacher de ce qui s'était passé ce jour-là. Elle était persuadée qu'il lui avait fait la même chose, que ces ivrognes dans cette maudite taverne n'était pas qu'une coïncidence.
L'idée qu'elle puisse le regarder avec cette crainte dans les yeux, qu'elle puisse vouloir le fuir... Cela lui causa une telle douleur dans la poitrine qu'il en battit des paupières, sentant presque des larmes lui monter aux yeux. Mais il ne pleurait plus depuis bien longtemps.
Il ne pouvait lui reprocher son attitude. Elle était une fille d'Anür, comme les autres. Pourquoi serait-elle différente ? Pourquoi aurait-il eu plus d'égards pour elle ? Il ne savait même pas lui-même pourquoi il se comportait si différemment avec elle. Il ne comprenait pas plus qu'elle. Il aurait voulu lui hurler qu'elle n'avait rien à craindre de lui, mais il craignait hélas, de ne pas être crédible. Lui qui était si bon orateur, l'accusation sous-jacente de la prostituée venait de lui ôter toute parole. La honte et la culpabilité déferlaient maintenant en lui comme une tempête, pour la première fois depuis bien longtemps. Il s'était rendu indigne d'elle par son attitude.
Indigne d'elle ? Par les Trois, mais à quoi pensait-il exactement ?
C'était une fille d'Anür. Il ne pouvait l'aimer. Il ne devait que la haïr. Tout comme elle le haïssait, le craignait. Il ne méritait que cela, de toute façon.

- Je...

Rien à faire, il était sans voix, ne parvenait pas à prononcer les mots qui auraient pu la rassurer, et n'avait pas le courage de s'excuser, de reconnaître une bonne fois qu'il n'aurait peut-être pas dû agir comme il l'avait fait vis-à-vis de sa camarade. Surtout qu'il ne pouvait pas garantir qu'il ne le referait jamais si c'était là la façon la plus efficace de faire quitter le temple à ce corps de courtisanes. Il était incapable de renoncer à ses convictions, aussi extrêmes et brutales soient-elles, car c'était la seule chose que laquelle il avait pu s'appuyer pour continuer à vivre quand la fange lui avait pris Flora. Le fait de savoir que tout était la faute des pécheurs et des sectaires avait rendu un but à sa vie et il ne pouvait se séparer de tout cela. Sa haine et sa colère lui avaient permis de survivre.

- J'étais là pour les enfants, finit-il par dire d'une voix presque inaudible. C'était vraiment pour les enfants. Il y en a déjà une dizaine qui sont morts. Je ne voulais pas qu'il y en ait d'autres... Il n'a d'ailleurs pas été facile de convaincre les hauts-prêtres de me laisser prendre des remèdes dans le dispensaire... Ils sont aussi soumis au rationnement, vous comprenez... J'ai demandé à l'aspirant Arnaud de m'accompagner. On ne s'est pas quitté... Vous pouvez lui demander...

Lui qui ne se justifait d'ordinaire devant personne...
Il n'avait même pas explicitement tenté de dire qu'il n'y était pour rien dans son agression, car elle savait qu'il ne la croirait pas. Et peu importait, cela ne changeait rien dans l'absolu, compte tenu de ce qu'il avait fait à Eléa.
Cependant, ce qu'il ignorait, c'était que les quelques phrases qu'il venait de laisser échapper suffisaient pourtant à trahir son innocence ; on voyait que sa seule et unique priorité ce jour-là avait été l'épidémie de dysenterie ; il n'aurait clairement pas pu organiser une embuscade en même temps.
Soudain, une ultime phrase jaillit de sa gorge :

- Vous avez raison. Je vous ai fait trop de mal même si j'ai tenté de réparer aujourd'hui. Je ne vous ennuierai plus jamais...


Après cette phrase, il se leva, gardant la tête baissé. Il valait sûrement mieux qu'il parte. Elle avait eu beau souhaité sa présence, cela avait été parce que visiblement, elle n'avait pas les idées claires. Maintenant, elle s'était souvenue qu'elle le détestait, qu'il n'avait fait jusqu'à présent que la menacer et lui faire du mal, et qu'il valait mieux qu'elle se tienne le plus loin possible de lui. Tôt ou tard, le feu de la guerre renaîtrait entre eux, car leurs différences de conviction étaient trop grandes.
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyJeu 30 Juin 2022 - 21:14
Critès garda un moment le silence suite à sa question. Cherchait-il ses mots pour se trouver une excuse et se dédouaner ? Allait-il inventer un infâme mensonge pour la persuader qu'il n'y était pour rien et que seuls les Dieux étaient responsables de la nuisance qu'elle avait vécu ? Elle le regardait attentivement, en attente de sa réponse.

Puis elle se rendit compte qu'elle l'avait peut-être blessé. Il était injuste d'accuser quelqu'un sans la moindre preuve. Elle avait conscience de ce dont il était capable, mais Critès restait un prêtre estimé du Temple. Jo redoutait d'avoir éveillé sa colère, ce n'était pas ce qu'elle recherchait. Contre toute attente l'homme de foi ne semblait pas énervé et se justifia d'une manière que Joséphine jugea très sincère et certainement peu habituelle venant d'un homme comme lui. Elle ne l'avait jamais entendu proférer de mensonges et était certaine que s'il avait été à l'origine de son agression il ne le lui aurait pas caché. La fille d'Anür se sentit trembler, en proie à sa propre culpabilité.

- Attendez père Critès ! le retint-elle alors qu'il s'était levé pour s'en aller.

Elle ne voulait pas qu'il parte. La jeune femme réalisa qu'en dépit de tout, elle se sentait attachée à lui. Il n'était pas que terreur, son comportement le lui avait déjà prouvé. Peut-être que s'il parvenait un jour à voir en elle plus loin que la fille d'Anür qu'elle était, il en arriverait à ne plus la mépriser. Joséphine avait du mal à dire pourquoi c'était si important pour elle. Elle avait toujours détesté que des personnes ne l'apprécient pas. A part son frère Simon, sa famille ne l'avait d'ailleurs jamais beaucoup aimée. Elle ressentait donc égoïstement le besoin de combler ce manque d'amour en étant estimée par tous ceux qu'elle rencontrait. On ne pouvait pourtant pas plaire à tout le monde.

- Je suis navrée, je ne voulais pas vous blâmer.

Elle se mordit la lèvre inférieure, tiraillée entre les sentiments qu'elle éprouvait. Joséphine s'en voulut de s'être excusée. Sa crainte avait tout de même de quoi être légitime après ce qu'il s'était passé entre eux. Pourtant l'idée que sa peur l'ait poussée à accuser sans preuves un homme innocent l'emplissait de culpabilité. La jeune femme ne savait plus très bien où elle en était, et se sentit obligée de se justifier. Embarrassée, elle détourna le regard et son visage adopta soudain une teinte pivoine.

- C'est seulement que... Enfin depuis la dernière fois... J'étais persuadée que... vous vouliez vous en prendre à moi, bafouilla-t-elle timidement.

Joséphine n'osa pas lui dire que l'angoisse l'avait tiraillée au point de lui en couper l'appétit et de la priver de sommeil. Elle se retenait de fondre en larmes et cet effort réveilla la douleur sur ses côtes. Posant une main juste sous son sein dans une petite grimace douloureuse, la noble tenta de ne pas y penser et se concentra sur la suite de ses paroles.

- Mais je n'aurais pas dû laisser ma crainte prendre le dessus et vous accuser sans raison.

La jeune femme trouva le courage de relever la tête et de chercher à nouveau son regard ambré si particulier.

- Je vous suis vraiment reconnaissante de m'avoir secourue. ajouta-t-elle avec sincérité.
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyJeu 30 Juin 2022 - 22:31
La rousse se confondit en excuses, mais Critès n'arrivait pas à se sentir mieux. Il ne la comprenait plus. Qu'est-ce qu'elle voulait de lui ? Il aurait dû l'envoyer sur les roses avec une remarque bien acerbe. Mais il ne pouvait s'y résoudre, pas tant qu'elle serait dans ce lit, malade, vulnérable.
Il l'écouta donc sans rien dire, se contentant de garder les yeux baissés. Lorsqu'elle le remercia de nouveau, il eut enfin le courage de lever la tête.
Elle était belle avec cet incarnat pourpre sur les joues. Soudain, les mots lui vinrent, sans même qu'il eût à y réfléchir. Et dans un élan, il revint s'asseoir sur le lit. Puis, soudain, il caressa l'une de ces joues qui avaient rougi en murmurant :

- Je suis désolé de m'être montré si... dur avec vous. Vous êtes... différente. Je... ne comprends juste pas...

Il était vraiment perdu et ne s'en cachait plus. Il regardait Joséphine avec un mélange de crainte, de doute et de culpabilité. Et il ressentait aussi une surprenante tristesse. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il était incapable de détester cette fille d'Anür. Et surtout, pourquoi elle dégageait tant de bonté et d'innocence malgré ses lourds péchés. Il parvint à articuler :

- Jamais je ne pourrai vous faire de mal. Et jamais je ne pourrai laisser quelqu'un vous en faire, non plus... Ces vermines, dans la ruelle... j'avais envie de les tuer pour avoir posé les mains sur vous.

Il marqua une pause :

- Depuis que la fange est arrivé... je me sens maudit, perdu. Ces engeances ont pris ma femme, ils l'ont déchirée sous mes yeux. Et une semaine plus tard, on m'a expliqué que c'était les purificateurs qui les avaient fait entrer dans la ville... Des croyants, comme vous et moi, des infâmes pécheurs qui se cachaient parmi nous depuis le début... N... n'importe qui peut en être un. On... ne peut plus faire confiance à personne. Et à côté de cela, peu à peu, nos prêtres tolèrent de plus en plus les écarts, les nobles deviennent de plus en plus corrompus et culottés, la population meurt de faim et c'est le chaos partout. Il faut que l'ordre reviennent à Marbrume, Joséphine, d'une façon ou d'une autre et... un corps comme celui auquel vous appartenez... C'est la porte ouverte à tous les abus et une offense aux Trois.


Il ajouta :

- Mais peut-être... avez-vous raison. Je peux mépriser votre ordre... Mais peut-être ne suis-je pas... obligé de vous mépriser vous... C'est vrai, je n'y arrive pas... Vous êtes si... douce... et vous n'avez pas l'air... avide et vénale comme certaines des vôtres que j'ai côtoyées...

Son coeur craquelait, et il ne pouvait plus s'arrêter. Il avait l'impression de se noyer. D'un seul coup, toutes ses émotions lui échappaient. Il acheva :

- Je... ne sais plus que croire et que penser... C'est compliqué... Je sais juste qu'à cet instant, vous paraissez avoir besoin de moi... et que j'ai moi aussi besoin de vous.

Ayant dit, il détourna le regard d'elle, restant assis, figé comme une statue. Il mourrait d'envie de la reprendre dans ses bras. En fait, il mourrait d'envie de rester tout contre elle, tout simplement. Cela faisait fort longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi bien près d'une personne. Il voulait juste que le temps soit suspendu, le temps de cette trêve. Car il ne pouvait pas croire réellement qu'il allait pouvoir cesser de s'opposer à elle. Il voulait détruire son ordre, et elle ne tolérerait pas cela. Ils ne pourraient jamais totalement se comprendre. Et elle resterait une pécheresse, qu'il le voulût ou non, il ne savait comment la mettre sur le chemin de la rédemption. La seule chose qu'il savait, c'était qu'il ne pourrait pas recourir à la violence pour la purifier.
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyVen 1 Juil 2022 - 13:37
Elle sentit les doux doigts de Critès caresser sa joue et ferma les yeux en savourant ce contact qui éveillait en elle tant de sensations plaisantes. Et pourtant ce geste lui semblait interdit, comme s'il existerait toujours entre le prêtre et elle une barrière invisible érigée par leurs convictions respectives. Il s'excusa et la jeune femme sentit des larmes perler au travers de ses longs cils. Jamais elle n'aurait imaginé qu'il prononce ces mots et qu'il se montre si doux avec elle.

La situation prenait un tournant pour le moins inattendu. Joséphine se demanda même si ce n'était pas le vilain coup qu'elle avait reçu à la tête qui la faisait délirer. Voilà que le colosse lui ouvrait une partie de son coeur, lui avouant une vérité qui devait beaucoup lui coûter. Diable, s'était-il entiché d'elle ? Peut-être pas, mais il tenait à elle, c'était une certitude. Le coeur serré, elle l'écouta sans l'interrompre, se demandant si tout cela était bien réel ou juste le fruit de son imagination.

Elle savait que Flora lui avait ressemblé puisque Crtiès en avait été chamboulé lors de leur première rencontre. Joséphine s'imagina un corps comme le sien, déchiqueté en menus morceaux jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien sous les yeux ambrés de l'homme de foi. Le passage de Flora sur cette terre avait laissé pour unique trace une fêlure profonde chez l'homme qui l'avait tant aimée. Joséphine comprit que sa défunte épouse n'avait connu que l'homme bon et que le monstre qui s'était éveillé en Critès n'était que le reflet de sa douleur de l'avoir perdue.

La bouche de Joséphine s'assécha. Elle n'avait jamais vu des Fangeux de près et ne pouvait concevoir l'impuissance que cela devait être de voir sa moitié être massacrée sous ses yeux. A présent, elle comprenait mieux pourquoi le prêtre était si ambivalent. Il avait perdu foi en l'humanité. Avec douceur, elle posa une main sur la sienne et la serra avec bienveillance. La rousse avait de la peine pour lui : il était seul face à sa méfiance du monde depuis des années. Effectivement, cela avait de quoi remplir votre coeur de noirceur.

- Oh Critès..., souffla-t-elle en en oubliant le titre de sa fonction.

Cette fois-ci, ce fut elle qui perdit ses mots tant elle était troublée par toutes ces confidences inattendues. Elle qui avait d'ordinaire la langue si bien pendue, elle fut étonnée de ne rien trouver à dire. Elle aurait aimé lui dire combien elle était navrée que la vie lui ait volé ce qu'il avait eu de plus précieux. Elle aurai aimé ajouter que le monde n'était peut-être pas aussi impur qu'il aimait le penser. Enfin, elle aurait aimé lui dire combien elle était touchée qu'il se confie à elle de la sorte et qu'il lui dise ne pas pouvoir la détester. Voilà qu'il lui disait ce qu'elle avait toujours voulu entendre de sa bouche et qu'elle se rendait compte que cela ne serait jamais suffisant. Ils étaient trop différents. Elle lâcha sa main dans un petit mouvement de recul.

Une vague de culpabilité et de désespoir l'envahie. Ils se méprenaient tous les deux. Contrairement à ce qu'elle voulait faire penser, Joséphine n'était pas différente des autres. Elle n'était pas aussi pure qu'elle le laissait paraître. La jeune femme avait elle-même profané son âme et il n'existait pas de crime aussi odieux à ses yeux. Ses mains étaient salies par le sang de son propre père qu'elle avait versé. Joséphine devait vivre avec la responsabilité de la mort de son paternel sur la conscience. Vile créature, elle n'avait même pas assumé ses actes, laissant son frère endosser ce crime. Non, elle n'était pas douce et innocente. Le prêtre avait raison depuis le début : elle n'était qu'une infâme pécheresse qui n'avait pas droit au repenti.

Elle aurait tellement voulu être autre chose à ses yeux qu'une âme égarée. Elle n'était pas qu'une fille d'Anür effectivement, elle était aussi une meurtrière. Jamais elle ne pourrait avouer cela à Critès. L'idée de lui mentir la répugnait, mais était-ce un réel mensonge que de garder son passé pour soi ? Après une telle confidence, il ne la regarderait plus jamais de la même façon. Jo voulait qu'il la voit toujours comme à cet instant précis : comme si son existence comptait pour lui. S'il apprenait qu'il s'était trompé à son sujet, il en souffrirait. La dernière chose qu'elle souhaitait, c'était que l'âme du prêtre ne devienne encore plus sombre.

- Merci de ne pas me haïr. Je ne mérite certainement pas autant de bienveillance de votre part, mais je ne puis me résoudre à ce que vous me détestiez.

Elle avait l'impression d'être une brebis égarée et que le prêtre allait se perdre en chemin s'il cherchait à la ramener vers le troupeau. Joséphine avait détourné le regard, en proie à une grande confusion entre ce qu'elle désirait au fond d'elle-même et ce qui serait le mieux pour eux deux. C'était comme s'il n'y aurait jamais de bonne solution à son problème, la fille d'Anür se sentait perdue.
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MessageSujet: Re: Terminé | Un supplice après l'autre | Critès   Terminé | Un supplice après l'autre | Critès EmptyDim 3 Juil 2022 - 19:41
Voilà qu'une petite main fine venait de se poser sur sa paume. Voilà que son coeur se mettait à trembler en entendant la jeune femme rousse l'appeler seulement par son prénom. Voilà qu'un doux baume se répandait en son coeur et qu'il ne pouvait que se laisser envahir par cette douce sérénité qui le gagnait.
Mais pourtant, cet instant fut bien trop bref au goût de Critès, et déjà, la jeune fille d'Anür retirait sa main.

- Merci de ne pas me haïr. Je ne mérite certainement pas autant de bienveillance de votre part, mais je ne puis me résoudre à ce que vous me détestiez.

Ca alors. Pour la première fois depuis qu'il la connaissait, elle montrait de l'humilité, elle qui le défiait tant les deux dernières fois qu'ils s'étaient croisés ! Se pouvait-il qu'elle fût plus près du chemin de la rédemption qu'il ne l'avait imaginé ? Mais elle avait pourtant soutenu vouloir rester dans l'ordre des filles d'Anür ! Comment pouvait-elle être aussi contradictoire ?
Et pourtant, il ne doutait plus avoir en face de lui une créature qui pouvait encore retrouver la lumière des Trois. Il ne savait simplement point par quelle épreuve il lui faudrait passer pour cela. Il se contenta donc de lui dire :

- Je ne puis détester une femme à l'âme aussi bonne que la vôtre, Joséphine. Votre humilité prouve que vous pouvez encore connaître la rédemption. Mais il vous faudra rester forte et lutter probablement contre vous-même tôt ou tard.

Il préféra ne pas lui dire que sa rédemption passerait obligatoirement par quitter l'ordre des Filles d'Anür, car il savait que cela ne ferait que provoquer un conflit, et après ce qu'elle avait vécu aujourd'hui, elle n'en avait pas besoin. Il fallait d'abord qu'elle se soigne. Il se contenta de prendre l'une de ses mains entre les siennes et de lui embrasser le bout des doigts :

- Je vous conduirai vers la lumière quand l'heure sera venue. Mais dans l'immédiat, il faut vous reposer. Vous avez été suffisamment éprouvée aujourd'hui.

Au moins, cela lui laisserait du temps pour réfléchir...

Une fois qu'elle se fût rendormie, il la quitta. Mais il revint tous les jours prendre de ses nouvelles jusqu'à ce qu'elle fût rétablie. Après cela, cependant, il prit le parti de l'éviter ; en effet, il ne savait que faire. La tendresse instinctive qu'elle lui inspirait se disputait avec sa conviction qu'elle restait une pécheresse, bien que sur la voie de la repentance et qu'il ne pourrait la sauver sans la persuader de quitter l'ordre des filles d'Anür ; et il ne savait comment lui parler. Il ne savait comment lui expliquer. Et il y avait toujours ce passif à cause d'Eléa. Par les Trois, il savait qu'il n'aurait jamais dû s'y prendre comme cela. Sur le moment, l'idée avait paru bonne, mais elle avait eu des conséquences pour ainsi dire inattendues. Joséphine ne le craignait peut-être plus, mais elle continuerait sûrement à éprouver de la méfiance à son égard.
Il devait donc peser soigneusement le pour et le contre avant de se lancer dans cette nouvelle mission qu'il pensait être la sienne, que de sauver Joséphine du péché et d'elle-même ; et dans le même temps, il devait continuer à oeuvrer de son mieux dans sa carrière de prêtre, et avancer dans sa relation avec Sixtine.
Oui, c'était ce qu'il avait de mieux à faire avant de quoi que ce fût de stupide.

FIN DU RP
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