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 Deux psylles dans un nid de vipères [Esmée]

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Marin de LuynesChevalier
Marin de Luynes



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MessageSujet: Deux psylles dans un nid de vipères [Esmée]   Deux psylles dans un nid de vipères [Esmée] EmptyMer 3 Aoû 2022 - 19:25
— « Au nom de la Baronne d’Auvrechet : le Baron de Luynes, son épouse Marie-Anne de Luynes, et leurs fils, Louis Thibault Henry de Luynes et le Chevalier Marin Thibault Henry de Luynes, sont solennellement conviés aux festivités qui se dérouleront ce 16 février. » La Baronne est bien aimable de nous convier, mais je dois bien avouer que je ne suis plus surprise par ces invitations. Surtout lorsqu’on m’en informe avant même que la missive arrive… soupira-t-elle un peu exaspérée d’avoir à s’apprêter pour une énième sortie en compagnie d’un cavalier qui aimait moins danser que se remplir la panse. Ses doigts agiles replièrent la lettre soigneusement. Son amour pour le papier, le parchemin et le velin était bien trop grand pour qu’elle ne puisse se résoudre à jeter quelque message au feu. Elle gardait tout ce qu’elle recevait dans un coffre de ses appartements, et se plaisait parfois à admirer la calligraphie de certains messages, jusqu’aux petits mots laissés par son cadet lorsqu’il s’absentait. Marin le savait et s’appliquait toujours sur ses lettres lorsqu’il en avait l’occasion.

— Se pourrait-il, par un bien heureux hasard, que la Comtesse de Choiseul ait été conviée de vive voix pendant que tu courtisais sa fille dans un certain parc ?

A ce stade, il était bien inutile de contester ses intentions. Depuis qu’il avait rencontré Esmée, il avait fait des pieds et des mains pour la croiser aussi souvent que possible. Cela l’avait parfois, souvent, amené à jouer de son sourire, et de ses belles paroles, pour être invité à des réceptions où le nom de Luynes n’était pas assez prestigieux pour être inscrit sur la liste très restreinte des convives. Toutefois, depuis qu’ils comptaient un chevalier dans leur famille, jamais les de Luynes n’avaient été autant sollicités.

— Il est possible que la Comtesse ait discuté avec la Baronne de Chanteloup d’éventuelles festivités à venir.

Sa mère soupira, exaspérée, consciente que son enfant chéri lui échappait totalement, mais refusant de le considérer comme un homme. Il en avait l’air, mais pas toujours le comportement. Elle ne pourrait jamais oublier le gamin capricieux qu’il avait été, prêt à tout pour obtenir un jouet dont il se lasserait finalement.

— L’amour n’est pas un jeu, Marin. Tu ne peux pas t’inviter chez les Sabrans, dans leur vie, courtiser leur fille, alors que tu joues dans d’autres arrières-cou —

— Il suffit ! coupa-t-il brusquement en se levant. Je ne veux plus entendre vos insinuations. Marin ne partageait aucun trait physique avec son géniteur, d’aucun aurait même pu douter de sa paternité, mais leur expression de rage et de mépris était identique en tout point. La lèvre supérieure se relevait de manière asymétrique sur ses dents serrées, les narines se fronçaient en formant les mêmes sillons nasogéniens, ses sourcils fondaient vers l’avant pour assombrir ses orbites et son regard azure devenait aussi noir que celui de son père. L’espace d’une seconde, Marie-Anne se figea de surprise, les lèvres pincées, avant de se rappeler que ce petit insolent, qui se donnait des airs, était sorti d’elle aussi inoffensif qu’une poupée de son, et incapable de subvenir à ses propres besoins. Elle se leva à son tour, la tête haute.

— Crois-tu que personne n’en sait rien ? C’est ce que tu voulais, non ? s’exclama-t-elle en jetant la lettre aux pieds de Marin. Être invité partout ! Maintenant que tu es le sujet favori de tes demoiselles, elles n’ont toutes que ton nom à la bouche !

Marin lui tourna le dos et mis ses mains sur sa propre nuque comme pour essayer d’y puiser son sang-froid. Sa mère n’était pas du genre à inventer des ouï-dires ainsi, si des rumeurs lui étaient remontées aux oreilles, il devait en trouver la source et la tarir avant qu’elle ne lui porte préjudice. Il était hors de questions que ses efforts pour attirer les faveurs d’Esmée soient réduit à néant à cause de quelques idiotes.

— Je me fais du souci pour toi, Marin, ajouta-t-elle avec douceur. Je ne sais pas réellement ce qu’il se passe, mais les rumeurs vont bon-train. Le Comte de Sabran est un homme puissant. Si tu entaches l’honneur de sa fille par amusement, ou si tu la blesses, il va t’anéantir et personne ne s’y opposera.

— Vous avez raison, Mère, admit-il. Marie-Anne se sentit soulagée, mais que pour un instant. Quand il tourna la tête de profil, son œil était rancunier. Vous ne savez rien. Mais ne vous inquiétez pas. Je ne m’attends pas à ce que vous vous opposiez à qui que ce soit d’autre que moi.

Il sortit sans se retourner.
Les enfants sont ingrats, particulièrement envers leur mère. Ils chercheront toujours à prouver leur indépendance tandis que leurs parents ne pourront s’empêcher de vouloir les protéger de tout. Il semblait à Marin que sa mère avait abandonné tous ses instincts lorsque son époux avait pris en charge l’éducation de Louis et qu’en retour, elle avait reporté tous ses efforts sur son dernier enfant, jusqu’à parfois l’étouffer. Elle voulait l’empêcher de souffrir, de commettre des erreurs et donc d’en apprendre. En contrepartie, Marin était devenu téméraire et insolent pour pouvoir échapper à l’étreinte maternelle. Leurs querelles n’étaient pas fréquentes, mais elles étaient toujours explosives. Elles se terminaient généralement aussi vite qu’elles commençaient, et nécessitaient toujours que Marin fuit la scène pour s’aérer. Moins que la fuite, la marche lui permettait d’évacuer sa colère et de prendre du recul. Il devait trouver l’origine de ces rumeurs et y mettre un terme.

16 février 1166

Finalement, la Baronne d'Auvrechet avait renoncé à faire un banquet, au vu de la liste interminable des invités. Elle avait plutôt opté pour un bal mémorable plus tard dans la soirée où des amuse-bouches et des desserts seraient présentés sur des tables. Le choix du masque avait été difficile. Il fallait qu’il couvrît suffisamment son visage pour ne pas qu’on ne le reconnût, mais qu’il fût ouvert sur le dernier tiers du visage pour lui permettre de prendre part au banquet sans avoir à l’enlever. En outre, il était hors de question qu’il dilapidât ses économies pour un accessoire, il repartit donc avec une acquisition simple, mais qui remplissait ses conditions. Le masque de bois avait l’avantage d’être plus léger et moins onéreux que ceux en métal, il avait été peint d’un jaune doré qui laissait voir la texture du matériau dans lequel il avait été sculpté. Le reste de sa tenue était noire et assez sobre. Il aurait pu être n’importe qui, du moins c’est ce qu’il espérait. Car avant de trouver Esmée, il avait une ou deux choses à régler. Beaucoup de convives étaient déjà là lorsqu’il était arrivé, ce qui lui permit de se fondre dans la foule et de prêter l’oreille en glissant autour de petits groupes de discussion déjà formés. La musique restait douce pour permettre les bavardages puisque le bal n’avait pas encore commencé et attendait ses invités les plus demandés.

— C’est une soirée idéale pour les romantiques, vous ne trouvez pas ?
— Vous voulez plutôt dire, pour la débauche ! Vous pourriez embrasser n’importe qui, personne ne s’en offusquerait, même vous, vous n’aurez aucune idée de qui vous avez embrassé !
— Sottises ! Je reconnaîtrai les baisers de mon… elle mit sa main sur sa bouche, comme si elle avait manqué de révéler un détail non-négligeable sur son identité, les baisers de mon galant d’entre mille !
— Peut-être, mais les reconnaîtriez-vous s’il en embrassait une autre ?
— Oh !


Une vague de rire s’éleva alors que la concernée s’offusquait et cherchait à sauver sa dignité. Marin s’écarta. Un masque ne suffirait pas à dissimuler la personne qu’il cherchait. Ses yeux sautaient d’une coiffure à l’autre, s’attardaient sur des cheveux camouflés par des châles ou un couvre-chef jusqu’à ce qu’il trouvât une mèche blonde ou brune et s’en détourne. La rouquine qu’il cherchait était forcément ici, elle était à toutes les soirées mondaines. C’était elle qui s’était débrouillée pour qu’il ait des invitations régulières, et si dans les premiers mois, elle avait espéré avoir des contreparties, elle était maintenant si amère qu’elle s’efforçait de reprendre ce qu’elle lui avait donné ; une existence dans les soirées mondaines. A n’en pas douter, elle était à l’origine de ces ragots. Il faut dire qu’elle n’avait pas eu à beaucoup pousser pour lancer ses commérages ; Marin était gentilhomme et charmant, il suffit à la vipère de mettre en lumière quelques intentions polies, de les surinterpréter, et voilà que l’engouement de quelque demoiselle avide de romance s’enflammait plus vite qu’une étincelle sur un fétu de paille. Crétin qu’il était, il s’était amusé de cette attention, en avait abusé sans vergogne, mais toujours dans un seul but ; grappiller quelques instants de plus aux côtés de la belle Esmée. Il aurait dû s’occuper de cette vouivre avant qu’elle ne fasse son nid, car maintenant, tout Marbrume grouillait de ses vipéreaux. Une main vint prendre son bras sans qu’il ne le proposât alors que le début d’une mélodie s’élevait au-dessus des voix. Chacun chercha un partenaire.

— Vous m’invitez à danser ; j’accepte.
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MessageSujet: Re: Deux psylles dans un nid de vipères [Esmée]   Deux psylles dans un nid de vipères [Esmée] EmptySam 13 Aoû 2022 - 13:50
D'acier sculpté et d'argent ciselé, le masque de la Sabran sublimait ses mystères dans l'allégorie d'une charmille de fleurs. Elle le portait alors sobrement, sans que la fioriture de ses arabesques en pétales n'en vienne à se couronner de couleurs ou de joyaux. Ainsi souligné de simplicité, l'or de ses yeux se perdait dans la contemplation de la scène mondaine. Les convives étaient nombreux. Adonisés de plumes, de roselet ou de bijoux, leurs atours voulaient rivaliser d'audace pour ici se démarquer dans un flot chamarré de tissus, d'opulence et bien souvent d'exubérance. À l'inverse, Esmée misait le lauréat de sa singularité sur une sobre élégance. À son cou, ni diamant ni saphir, aucune parure sinon un voile nûment brodé de roses en bouton et de perles argentées. Il recouvrait ses épaules et glissait sur ses bras délicats pour en sublimer la pâleur. Une blancheur révérée et estimée qu'à l'Esplanade les nobles osaient afficher comme le parangon de leur précellence. Digne, malgré les rumeurs et les moqueries qui, dans son sillage, voulaient dire la calomnie.
Ils avaient été nombreux à s'amuser de sa probable misère. La Vicomtesse de Sabran, finalement, avait misé sur le mauvais cheval. Sa dot, heureusement, continuait de garantir son intérêt. Tout comme le faisait sa filiation. S'attirer les faveurs du Comte de Sabran en courtisant son aînée tenait du bon sens et les caudataires étaient aussi nombreux qu'avisés. Esmée avait alors été jugée trop jeune, quand le Luynes s'était vu garantir une réputation de "casse-coeur". Un surnom agrémenté d'anecdotes et de rires dont la jeune femme avait immanquablement fait les frais.

Plusieurs jours s'étaient alors écoulés depuis leur dernière rencontre, dans les jardins épandus aux pieds du palais ducal. Une période obscurcie par la méchante humeur de Lubin, toujours vexé d'avoir été défait, mais également assombrie par la tempétueuse colère du Comte. Hermance, plus que tout autre, en avait fait les frais et si elle participait ce soir aux festivités organisées par la Baronne d'Auvrechet, son époux se tenait cette fois à ses côtés. Le change ainsi donné comme un rappel à l'ordre, la présence du Comte de Sabran devait figurer la silencieuse menace du talion. Pure personnification de la devise familiale, Icare de Sabran s'affichait tel un protecteur farouche et sa participation au bal, exhibée dès la première danse, voulait mettre un terme aux injurieuses spéculations. Il était le garant de l'honneur familial et cautionnait celui de sa fille. Si quelqu'un voulait y porter atteinte, d'une manière ou d'une autre, il aurait affaire avec lui.

Esmée se rendait bien compte de tout ce que cela impliquait. Naïve, mais pas idiote, elle avait saisi les enjeux d'une telle démonstration, comme elle avait compris les raisons qui avaient motivé la décision de son père. Pour autant et malgré tout, la jeune femme ne souhaitait pas prêter attention aux ragots. Le coeur déjà lourd et la pensée trouble, elle se perdait dans l'exégèse de ses propres sentiments. Ainsi les mots de leur dernière discussion en venaient à se faire l'écho d'un autre échange. Quelques phrases anodines, un raisonnement assujetti à l'oppressif de considérations devenues poignantes et des espoirs livrés dans l'intimité d'une rencontre aux allures inoffensives.

Un soupir mourut sur la ligne chagrinée de ses lèvres. Dans cet océan de mascarades, le flot des convives voulait la noyer. Bêtement avait-elle cru pouvoir le reconnaître. Plus naïvement encore, avait-elle espéré qu'il la trouverait. Sa mise n'était pas celle d'une courtisane - jamais - et si la remarquable sobriété de sa robe voulait confronter les regards, elle savait sa propre richesse débattue sinon contestée. Même le prestigieux des brocarts d'Ocreval n'y changerait rien. Une pensée amusée n'en anima pas moins ses traits alors qu'elle se rappelait sa rencontre avec le trop téméraire Loric de Fierchant. Une once de gaieté dans l'abîme éprouvant de ses tergiversations qu'elle savoura jusqu'à relever les yeux sur un tableau assassin.
Bruit de pluie contre le verre de la fenêtre, effluves versatiles d'un parfum aux arômes pourtant familiers... Un apanage entier de mots, de sourires et de senteurs voulut se mêler aux premières notes d'une carole. Néanmoins figé dans la déception, son regard l'obligeait à voir et à considérer le couple qui venait de se former devant elle. Au creux de sa poitrine, les battements de son coeur se suspendirent. Sa respiration s'éteignit. Silencieuse et à bout d'espoir, elle demeura interdite avant qu'un nouveau souffle de vie n'en vienne à se glisser dans le creux de son oreille.

La lumière et les sons refluèrent. Sourire amusé et regard espiègle d'un serpent au milieu des fleurs... Elle considéra sa proposition d'un oeil sibyllin. "Une danse... Toutes ses danses..." Ne les avait-elle pas déjà offertes au caprice d'un autre ?
Un instant suspendu dans le remord, son geste en vint finalement à se délier et alors qu'elle se fendait d'une profonde révérence, ses doigts glissèrent dans la paume amicalement tendue.

"Une danse... Toutes ses danses... "

...mais pas celle-ci.
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