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 Repentances et psalmodies (Gyrès x Izyldée)

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MessageSujet: Repentances et psalmodies (Gyrès x Izyldée)   Repentances et psalmodies (Gyrès x Izyldée) EmptySam 17 Sep 2022 - 11:52
"Gyrès, mon bon Gyrès, ne vois-tu rien venir ?"

"Je ne vois rien d'autre que le soleil qui poudroie", répondis-je, las, à mon interlocuteur.

Assis là face à la fenêtre de l'austère chambre, je me retrouvais à jouer le guetteur. Je n'accomplissais point cette tâche si rabaissante et ennuyante pour mon propre plaisir, mais pour celui du mourant agonisant dans son lit.

Depuis plusieurs jours maintenant, je me tenais au chevet de mon simple et unique ami, le jadis si fringuant poète Pierre de Lucain. Je ne décelais plus en lui l'étonnante vitalité qui l'animait par le passé ; mon pauvre camarade était aujourd'hui terrassé par un mal obscur, un mal insidieux qui le rongeait depuis voilà plusieurs mois. Autrefois homme bedonnant et heureux, il était devenu cadavérique et morne.

Etrange chose que la mort, qui frappe hasardement le miséreux et le bien portant. Elle vient nous rappeler de la plus insistantes des manières, à nous, pauvres hommes qui nous croyons grand, la petitesse de notre condition. "Souviens toi que tu n'es qu'un homme", soufflait l'aurige à l'oreille du général victorieux, du temps de l'ancienne Illion. L'esclave modeste rappelant à l'arrogant triomphant que la Fortune est une dame bien capricieuse et cruelle. Bambin le matin, macchabée le soir ; beau au berceau, laid au tombeau. Etrange chose que l'existence humaine, si éphémère et frivole. Les Dieux immortels, là-haut perchés, doivent bien rire de nous, jouets fragiles entre leurs mains diaboliques.

L'ambiance mortifère pesant en ce lieu me clouait les lèvres. Nos rares discussions ne portaient que sur le passé, les temps jadis, heureux et insouciants ; mais au lieu d'éveiller en moi une nostalgie bienheureuse, ces conversations n'éveillaient que la tristesse du bonheur perdu. Quand mon vieil ami m'adressait désormais la parole, c'était pour me répéter, en boucle et en boucle, la même phrase :

"Gyrès, mon bon Gyrès, ne vois-tu rien venir" ?

Alors j'attendais, patiemment, de voir quelque chose. Ou plutôt, quelqu'un.

Car auparavant hédoniste chevronné, l'ancien aède s'était soudainement découvert une foi religieuse vivace, attisée par la peur de l'au-delà. Lui qui délaissait le Temple et ses sornettes était devenu le plus fervent des bigots. Serus était d'ailleurs devenu son idole de prédilection, pour une raison qui, pour le moment, m'échappait ; peut-être que la lubricité du dieu champêtre éveillait en lui des souvenirs de sa vie passé ?

J'attendais donc quelqu'un, "son seul rayon de lumière en ces temps glauques, où les nuages noirs s'amoncellent" (et moi ? Qu'étais-je ? Une ombrelle ?). Une femme. Une prêtresse, dévouée justement au culte de Serus, dont il s'était entiché par aventure. Je dois avouer que j'étais fortement intrigué en mon for intérieur de la nature de cette relation inopinée : la dévouée servante des Trois était-elle sa maîtresse, sa catin ? Ou exerçait-elle sur lui quelconque influence spirituelle, comme le curé sur ses ouailles ? Penser que mon ami puisse se retrouver embrigadé par l'un de ces marchands d'espoirs m'irritait au plus haut point. Lui qui, par pieuse dévotion, avait offert nombre de ses biens au Temple, était-il devenu le jouet d'une voleuse dissimulée sous une bure ?

"Gyrès, mon bon Gyrès, ne vois-tu rien venir ?"
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IzyldéePrêtresse de Serus
Izyldée



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MessageSujet: Re: Repentances et psalmodies (Gyrès x Izyldée)   Repentances et psalmodies (Gyrès x Izyldée) EmptyVen 23 Sep 2022 - 4:02
Quand elle venait ici, Izyldée se remémorait toujours sa première rencontre avec le poète. Homme de culture, d’histoire et de littérature, il lui avait d’abord parut fort détestable avec ses grandes manières, ses grandes phrases et son manque de respect pour la Trinité. Et pourtant, ils n’avaient de cesse de se croiser, bien avant qu’Izyldée ne soit prêtresse ; elle ne pouvait pas assurer qu’ils étaient amis depuis bien longtemps, mais lorsque la santé de l’homme se dégradé pour des raisons inconnus, la prêtresse se sentit concernée. Elle ne mentait jamais sur ce qu’elle pensait et ne cherchait pas spécialement à réconforter les mourant ; peut-être que cela faisait partie de son charme intellectuel, quelque part. La jeune femme aimait accompagner, préparer. Elle apprit à Pierre de Lucain quelques psaumes, des mots d’Ordres sans que cela ne soit des mots de Passe, non pas pour soulager une quelconque souillure de l’âme, mais pour garder intact la flexibilité de leurs esprits.

Aujourd’hui n’était pas bien différent des autres jours où la prêtresse se rendait sur l’esplanade, dans cette résidence qu’elle avait apprécié au fil du temps et des conversations. Comme à chaque fois, la jeune femme amena quelques plantes médicinales qu’elle confia à l’un des serviteurs.

« Monsieur vous attend dans sa chambre », dit-il en oubliant de la prévenir qu’un autre invité était déjà là.

Izyldée resplendissait de simplicité. Le hasard de son ruban bleu tressait quelques mèches brunes qui finissaient en boucles autour de ses épaules, épousant le vêtement clair qu’elle portait et les quelques bijoux de bois autour de son cou et de ses poignets. Ses grands yeux gris virevoltaient dans les alentours, retenant chaque nouveauté, comme chaque ancienneté. Quand enfin elle ouvrit le battement de la porte, l’air était délicatement imprégné de l’odeur d’une petite bougie parfumée. Izyldée y rajouta malgré elle la fragrance des plantes qu’elle portait par habitude, de la poussière de jasmin qui provenait des jardins du Temple. Elle ne se doutait nullement que son arrivée avait du être notée par l’inconnu-invité, et se figea immédiatement lorsqu’elle en aperçut la silhouette. Sans se montrer agressive, sa voix resta douce tandis que son corps se montrait distant.

« Mon cher Pierre, j’ai demandé à votre serviteur de nous faire du thé avec les plantes que j’ai emmené. Qui est donc votre ami ? Un noble de votre entourage ? » demanda-t-elle en cachant mal sa suspicion.

Car si les yeux étaient les reflets de l’âme, c’était l’âme d’Izyldée qui débordait au moindre battement de cils.





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MessageSujet: Re: Repentances et psalmodies (Gyrès x Izyldée)   Repentances et psalmodies (Gyrès x Izyldée) EmptySam 24 Sep 2022 - 20:49
De mon poste d’observation, je constatais l’arrivée, dans l’auguste cour du domaine de Lucain, de la femme tant attendue. A mon grand dam, il m’était impossible de discerner les traits de cette dernière au travers de la vitre opaque et poussiéreuse de la morne chambre. D’une voix maussade et peu réjouie, j’annonçais la nouvelle à mon ami, alors blotti au fond du simple drap blanc recouvrant son sobre lit ; sa respiration au rythme lent, qui battait tel un métronome, était le seul son brisant le silence assourdissant pesant sur la pièce.

« Elle est arrivée. Celle que tu attends. »

« Oh, bien, bien. Voilà une bonne chose », me répondit-il d’un ton étonnamment enthousiasmé. Son visage, dont la pâleur n’avait rien à envier à celle d’un mort, semblait avoir repris soudainement d’étonnantes couleurs.

Quel charme exerçait donc l’incongrue nonne, pour ainsi ramener les presque morts à la presque vie, à la simple rumeur de son nom ? Je décelais là quelconque étrangeté qui ne me plaisait guère. N’y tenant plus, à la fois animé par la curiosité et par la cruelle impression de perdre l’estime d’un ami cher, je fus emporté par la colère soudaine m’agitant. Je me surpris à me lever d’un bond de mon observatoire pour toiser de toute ma hauteur mon camarade de chant, lui assénant vélocement les mots suivants :

« Quelle mouche t’a donc piquée ? Pourquoi te lier ainsi à ceux que tu as toujours fui ? »

Mon irascibilité semblait surprendre le sieur de Lucain, qui, accoutumé à l’ambiance macabre pesant en sa chambrée, n’avait plus l’habitude des joutes enflammés dans lesquelles il brillait autrefois.

« Tu n’as pas changé, mon bon Gyrès », tonna-t-il d’une voix caverneuse ; « toujours tempétueux et rugueux dans tes mots. Dis, et réponds sincèrement, toi qui te dis ami de la sagesse : penses-tu que l’on se souviendra de moi, une fois trépassé ? Récitera-ton encore mes sonnets lors des tournois, des festivités ? M’aura-t-on oublié d’ici demain, d’ici un siècle ? »

« Quelle question ridicule. Tes hexamètres et tes alexandrins par tous sont enviés ; tous les seigneurs et toutes les dames de Langres quémandait autrefois ton art si raffiné, capable d’émouvoir le plus inculte des roturiers. »

« Plus personne ne se soucie des poètes, aujourd’hui. Que reste-t-il à conter, à célébrer ? L’apparente tranquillité dans laquelle nous nous languissions s’est effondrée. Qu’est donc la gloire, comparé à l’Eternité ? Nous ne sommes qu’un bref soupir dans la coulée des flots du Temps. Vanité des vanités, tout est vanité… excepté l’Amour des Dieux. C’est cet amour divin qui accorde l’immortalité à l’âme, et non pas l’éphémérité des honneurs terrestres, comme tout deux nous l’eûmes cru jadis. Pourquoi consacrer son existence à courir après des titres qui ne sont que des mots, quand le Salut et l'Eternel s'offrent à nous ? »

« Sont-ce là tes mots ? Ou sont-ce ceux qu’ont placés ta sainte catin dans ta bouche ? »

Mon interlocuteur n’eut point le temps de répliquer à la témérité orageuse qui était la mienne, car nous fûmes coupés en notre dispute par l’irruption impromptue de Celle-Qui-Était-Attendue.

Je dois dire que cette soudaine apparition était entourée d’une aura salvatrice, au vu du point de non-retour sur lequel était engagé la conversation musclée que je tenais avec mon ami. Je pu, du moins, observer de mes yeux l’objet de notre discorde en personne : la religieuse n’était point vilaine, il est vrai. Plutôt coquette, élégante, certainement ravissante. Je tenais enfin entre mes mains celle que je soupçonnais d’avoir détourné mon ami de son hédoniste philosophie.

La manière détournée à laquelle la prêtresse s’adressait à ma personne n’était point aux us de l’étiquette ; cette franche brutalité rompant les conventions trahissait quelque peu la mauvaise surprise que constituait, à ses yeux, ma présence.

« Ah ! Izyldée ! Vous tombez bien, ma chère ; je me languissais de votre arrivée. Je vous présente mon ami, Gyrès, comte de la Boétie, « Prince des Poètes », comme il aime lui-même s’appeler dans toute son arrogance de paon. Nous nous sommes connus, il y a longtemps, lorsque je séjournai en sa contrée. »

« Ma dame… ravi de faire votre connaissance », dis-je à mon tour d’une voix mielleuse et peu enthousiasmée, tout en m’inclinant dans une modeste révérence.

Je jaugeais d’un œil suspicieux la nouvelle venue, ce qui ne manqua pas d’échapper au poète malade.

« Laissez-nous un instant, mon bon ami ; j’ai à m’entretenir avec notre invitée. »

J’étais surpris face au ton sentencieux qu’employait le grand de Lucain à mon égard, chose qu’il n’eut jamais fait auparavant. Mais, face à une telle insistance, et estimant ma présence malvenue, je décidais de me retirer.

« Très bien. J’attendrai dans le grand salon… Prenez le temps qu’il vous faudra. »

Tout en sortant d’une démarche fière et hautaine, réhaussant ma soyeuse tunique rouge vive, je saluai une dernière fois dédaigneusement la dénommée dame Izyldée avant de franchir le seuil de la triste chambre.
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