Mais qui a tué Martine ?

Marbrume
Le Labourg
3 mai 1167

Encore un jour se levait sur la planète Marbrume. Gauhar sortait doucement de ses rêves et entrait dans la danse comme toujours. Il était six heures du matin, il avait dormi toute la nuit. Il s'était encore couché trop tard à prier et s'en rendre sourd. Encore ...

Il y avait tant à faire alors que l'horizon se colorait au gré de la course ascendante du soleil. Ce jour était celui où il devait rendre visite aux filles de la rue des Cent Pas. Oh ce n'était pas le vraie nom de cette rue. On l'avait surnommé ainsi car on y trouvait des femmes de tous âges, racolant les badauds pour gagner quelques piécettes en échange de ce qui leur restait de vertue. Chacune avait une histoire sordide à raconter pour qui s'y intéressait un temps soit peu. Ici une orpheline qui n'avait d'autre choix pour nourrir ses jeunes frères. Là une ancienne couturière qui avait du fuir avec sa famille quelques années plus tôt et qu'elle avait vu se faire dévorer un par un pendant le trajet. Ici encore, une fille-mère que sa famille a renié et mis à la rue car elle ne représentait plus une dot assez importante. Entre chiens errants et rats détalants, les pauvresses se livraient à une véritable compétion dont le prix était juste un morceau de pain à demi-rassis qui leur assurerait de survivre jusqu'au lendemain. Et ainsi allait leur triste vie. Au moins, le ciel n'était pas chargé de nuages gris aujourd'hui.

Remontant la rue dans la mélasse qui débordait des pavés mal entretenus, Gauhar s'arrêtait de temps à autre devant les bougresses, tentant de les réconforter comme il le pouvait, le plus souvent en leur donnant un peu de viande séchée qu'il avait put récupérer au marché la veille. Au coin d'une auberge qui n'était rien de plus qu'une simple maison de passe qui n'en portait pas officiellement le nom, le regard du prêtre fut attiré par un tas de caisses effondré. Bien que peu de choses fussent rangés en bon ordre dans le coin, un tel capharnaüm était inhabituel. Il s'approcha prudemment, plissant les yeux pour essayer de distinguer les alentours. C'est là qu'il la vit. Une main ensanglantée dépassait du tas de bois moisi. Il rejoignit le corps en quelques grandes foulées avant de s'accroupir. La mort était une amante fidèle pour les filles du quartier mais la présence de sang prouvait que ce n'était pas la faim ou quelques maladies vénériennes qui avaient fait leur office.

Le visage crispé dans une grimace effrayée de la jeune femme et la plaie béante qui dessinait un second sourire en travers de la gorge confirmèrent les pires suspicions de Gauhar. Il peina à reconnaître cette gamine qui n'avait pas plus de vingt ans. Il crispa les mâchoires, creusant des sillons profonds au coin de ses yeux avant de se relever en soufflant. Il secoua la tête en s'éloignant. Il lui fallait de l'aide pour extirper le corps de son sarcophage sordide de bois. Lorsqu'il émergea de la pénombre qu'offrait les bâtiments tout proches, il aperçut des manteaux verts tenant des molosses en laisse. Il grogna dans sa barbe. Un des chiens reniflait dans sa direction et d'ici à ce que les maîtres fassent des conclusions hâtives, il n'y avait pas loin. Il dut prendre les devants. Levant les bras et faisant des grands gestes en direction des miliciens, Gauhar leva les sourcils et adopta un visage contrit en criant.

Hé !!! Hé là !! Miliciens !! C'est ... C'est Martine ! Venez m'aider !

Il était rare que l'on demande à Héléna de patrouiller au Labourg. Non pas parce que l'hendoise était une femme. Non pas parce que le quartier était jugé bien trop dangereux pour elle, mais seulement parce qu'il s'agissait du secteur de Beaudreuil et Vergt, tous deux cloués au lit…

-C'est la courante ! s'était écrié leur coutilier, ce matin-là, afin de justifier l'absence du duo infernal qui, il fallait le dire, n'était pas vraiment apprécié par les autres membres de la brigade.

Voilà pourquoi Héléna fut assignée à cette tâche ce jour-là. Tâche qu'elle effectuerait aux côtés de Bertrand de Chiny, un homme peu bavard mais extrêmement compétent. Ce dernier était accompagné de Bomal, un molossoïde au museau court et à la carrure imposante. Il ressemblait énormément à son frère Hector, mais Bomal arborait une fourrure bien plus sombre que celle de son jumeau. Si sombre que le chien n'était qu'à peine visible en pleine nuit, raison pour laquelle il était formé actuellement à l'infiltration, même si son dressage n'en était encore qu'à ses balbutiements. En attendant, il complétait parfaitement le travail d'Oslo plus taillé pour la course et la recherche que pour l'attaque sournoise.

Tout en marchant, Héléna se surprit à penser que Bomal et de Chiny se ressemblaient énormément. En effet, le brigadier était un homme trapu au visage couvert d'un duvet noir de jais plutôt épais et n'arborait aucune seule et unique expression : la morosité.

Sa découverte arracha un sourire à l'hendoise. Un rictus qu'elle s'empressa de dissimuler afin de ne pas avoir à le justifier. Et puis, ils étaient là pour travailler et non pour s'amuser de quelques broutilles, même si elle doutait fortement que son collègue sache réellement s'amuser. Ils évoluaient ainsi en silence, tout en observant les alentours afin de discerner le moindre petit problème. Au détour d'une ruelle, Oslo se figea, pour mieux humer l'air ambiant avant de coller sa truffe au sol.

Les brigadiers n'eurent aucunement besoin d'échanger le moindre mot, ils savaient. Le lupoïde avait flairé une piste qu'il leur faudrait suivre.

Et c'est là qu'ils l'entendirent :

-Hé !!! Hé là !! Miliciens !! C'est ... C'est Martine ! Venez m'aider !

La voix grave, mais étrangement éraillée par ce qui ressemblait fortement à de la panique, qui les héla appartenait à un vieillard dont la droiture ne semblait pas exprimer son âge.

-Que se passe-t-il ? demanda calmement la brigadière. Qui est Martine ? Que lui est-il arrivé ?

Oslo toujours la truffe au sol vint contourner le vieil homme pour mieux le renifler. Mais, visiblement, ce dernier n'avait guère d'intérêt pour le chien qui continua sa route en prenant la direction d'une ruelle adjacente.

-Elle est là-bas ? interrogea la jeune femme bien que sa question n'appelait point de réponse.

L'aboiement d'Oslo résonna dans tout le quartier. Il avait trouvé quelque chose .. Ou plutôt quelqu'un : Martine, sans nul doute.

La petite troupe rejoint la scène macabre. Oslo s'était tout naturellement couché près du corps de la malheureuse pour mieux indiquer sa position.

-Garde, lança De Chiny à Bomal qui obéit aussitôt en allant se placer à l'entrée de la petite impasse pour empêcher les curieux d'approcher.

-Par les Dieux, que s'est-il passé ici ? s'exclama la jeune femme avant de se retourner vers le vieillard. Vous la connaissiez visiblement, pourriez-vous me dire qui vous êtes ? Quel lien entreteniez-vous avec la victime ? Auriez-vous une idée de ce qui luinest arrivé ?

Répondant à l'appel du prêtre, le duo de miliciens s'approcha, précédés par leurs molosses.

Que se passe-t-il ? Qui est Martine ? Que lui est-il arrivé ?

Une des bêtes se rua en avant, truffe contre le sol, reniflant de façon sonore et dépassa Gauhar sans un regard. Il perdait moins de temps que sa maîtresse et ses questions idiotes.

Elle est là-bas ?

Elle paraissait tellement obsédé par ses questions qu'elle n'attendait même pas les réponses que pouvait lui apporter le barbu. Gauhar se contenta de hocher la tête alors que le chien aboyait plus loin dans la rue. Il avait trouvé le corps lui aussi. La jeune femme se précipita à l'appel de son compagnon à quatre pattes tandis que le milicien postait son clébard à l'entrée de la ruelle. Il était presque amusant de voir les badauds lorgner de loin à la vue de la bête qui gardait l'entrée. Des moutons tenus en respect par un chien. Si la situation n'était pas aussi dramatique, Gauhar se serait esclaffé. Il s'avança vers le corps sans vie qui demeurait au fond de l'allée.

Par les Dieux, que s'est-il passé ici ? Vous la connaissiez visiblement, pourriez-vous me dire qui vous êtes ? Quel lien entreteniez-vous avec la victime ? Auriez-vous une idée de ce qui lui est arrivé ?

Le prêtre leva les mains, paumes visibless dans un geste visant à calmer la rafale de questions dont il était assailli. Il plissa son front, donnant l'impression d'être désarmé et ému par le spectacle de cette ribaude à la gorge tranchée.

Je ... Je me prénomme Gauhar. Je suis prêtre et j'oeuvre dans ces rues pour m'occuper des plus démunis. Vous pouvez demander aux habitants du quartier, ils me connaissent bien.

Voilà qui devrait suffire en guise de présentation. Il s'approcha de la milicienne et vint s'accroupir auprès du cadavre avant de poursuivre.

J'offre nourriture et soin à ceux et celles qui en ont le plus besoin. Cette petite, je la connaissais autant que les autres travailleuses du quartier. Une pauv'gamine à qui la vie n'a pas fait de cadeau et qui faisait ce qu'elle pouvait pour s'en sortir.

Le vieux prêtre gardait son équilibre en s'appuyant sur sa crosse, faisant voyager son regard de la plaie béante qui lacérait le cou de Martine au visage anxieux de la milicienne. Peut-être qu'elle n'avait jamais été confronté à la mort de si près, elle paraissait pourtant assez vieille pour l'avoir cotôyé comme tout habitant de cette contrée. Il continua à parler de la victime en donnant toutes les informations qu'il avait sur elle.

Elle paraissait être une aventurière dans l'âme. Je ne compte plus les récits qu'elle me fit sur ses aventures en forêt, à la plage, au port ou près de la rivière. Elle paraissait avoir vécu mille vies malgré son jeune âge. Pauvre Martine.

Il secoua la tête en étirant ses lèvres dans une grimace triste. Il resta un instant silencieux, observant la peau devenu blanche et sa robe de jute couverte de sang. Il papillonna des paupières avant de tourner son regard vers la milicienne, comme sortant d'un mauvais rêve.

Je l'ai trouvé comme ça, il y a à peine deux minutes et j'ai appelé au secours immédiatement.

Il se gratta la joue perplexe, avant de confier à mi-voix.

Des catins qui meurent, dans le coin, il y en a parfois. De la chaude-pisse et autres saloperies liées à leur métier. Mais là, c'est la première fois que je vois quelque chose comme ça. Elle s'est presque fait décapiter la pauvre.

Il baissa à nouveau les yeux vers ce qui restait de Martine. Fini les histoires de Martine au marché, Martine à l'auberge et Martine derrière la grange ... C'est alors qu'il remarqua un détail.

Vous avez vu ça ? Qu'est-ce que c'est ?

Sur la pulpe des doigts et sous les ongles de la putain, une sorte de croûte verdâtre avait crouté comme du sang. Pourtant, Gauhar était formel, il n'avait jamais vu de sang vert, même chez les Fangeux. Peut-être que la milicienne aurait une idée.

Oslo s'est couchée près du cadavre, la tête posée sur ses pattes avant. Du coin d'oeil, il observait les humains qui se trouvaient fort occupés. Sa maîtresse discutait avec le vieil homme maigre tandis que le second brigadier lorgnait le cadavre d'un oeil torve comme s'il craignait de voir la pauvre femme se jeter sur lui. Cela pouvait bien paraître étrange, mais, après tout, ce genre de chose pouvait arriver…

La milicienne comprit bien vite que son empressement habituel avait quelque peu agressé le vieil homme. Cela se voyait, elle se mordait la lèvre supérieure avant de prendre un air désolé. Héléna prit donc grand soin d'écouter le vieillard sans l'interrompre. Après tout, le prêtre avait quelques explications à livrer.

ACette fameuse Martine était donc une prostituée. Une pauvre fille que la société avait abandonnée. Évidemment, les catins existaient depuis toujours, ou presque. Néanmoins, la misère amenée par la fange avait poussé de nombreuses femmes à rejoindre cette caste. Le Labourg n'était pas un quartier sûr, plus encore pour cette population particulièrement vulnérable. Tout le monde se fichait du sort de ces femmes… Si bien que l'hendoise en vint à se demander si ses supérieurs se donneraient la peine d'ouvrir une enquête. Sans doute allaient-ils noter, quelque part dans leurs petits papiers, qu'une péripatéticienne avait été égorgée dans le quartier. Simplement pour le côté exceptionnel que le prêtre venait également de souligner… Mais rien de plus.

Vous avez vu ça ? Qu'est-ce que c'est ?

Interloquée, les brigadiers se rapprochèrent du corps.

-Je ne saurai dire, soupira la jeune femme avant de saisir délicatement la main du cadavre pour observer cette fameuse croûte de plus près. Serait-ce de la terre ? De l'argile peut-être… mais verte ?

-De la vase demanda son coéquipier avant de s'adosser contre le mur.

-Je ne connais pas la ville aussi bien que toi, mais je suis presque sûre qu'il n'y a pas d'étang dans le quartier, rétorqua l'hendoise avant de se redresser. Il y a autre chose d'étonnant par ici…

-Quoi ?

-Et bien, tu ne vois pas ?

Le brigadier haussa les épaules, ce qui agaça fortement sa coéquipière qui préféra se tourner vers le clerc.

-Outre cette croûte verdâtre, ne trouvez-vous pas que cela manque de sang ?Avec une plaie pareille, le sang de cette pauvre fille devrait recouvrir le sol hors, ce n'est pas le cas. Il n'y a qu'une petite flaque juste ici, dit-elle en désignant l'espace sous le corps. La fameuse flaque était ridiculement petite. Elle n'a peut-être pas été tuée ici. Sauriez-vous me dire où vivait et travaillait cette pauvre femme? En trouvant le lieu du crime nous pourrons possiblement en savoir plus sur cette... Substance.

Sujet: Re: Mais qui a tué Martine ? Jeu 5 Jan 2023 - 18:15

Les deux miliciens se penchèrent au-dessus du corps froid de la catin pour inspecter ce que le prêtre désignait de son index.

Je ne saurai dire. Serait-ce de la terre ? De l'argile peut-être… mais verte ?
De la vase
Je ne connais pas la ville aussi bien que toi, mais je suis presque sûre qu'il n'y a pas d'étang dans le quartier. Il y a autre chose d'étonnant par ici…
Quoi ?
Et bien, tu ne vois pas ?

Gauhar observait les deux agents s'échanger des stichomythies et des regards intrigués comme dans une mauvaise comédie avec une certaine circonspection. Il était leur seul public et ce n'était pas du genre à s'adonner à l'hilarité attendue devant un tel spectacle. Il baissa la tête pour observer les traits crispés de la jeune femme qui formait son masque de mort. Pauvre petite !

-Outre cette croûte verdâtre, ne trouvez-vous pas que cela manque de sang ? Avec une plaie pareille, le sang de cette pauvre fille devrait recouvrir le sol hors, ce n'est pas le cas. Il n'y a qu'une petite flaque juste ici. Elle n'a peut-être pas été tuée ici. Sauriez-vous me dire où vivait et travaillait cette pauvre femme? En trouvant le lieu du crime nous pourrons possiblement en savoir plus sur cette... Substance.
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La remarque de la milicienne était sensée et sortit Gauhar de son silence amère. Il se gratta le sommet du crâne du bout des doigts en pinçant les lèvres, tout à sa réflexion.

Eh bien ... Travailler ... Son bout de rue n'est pas loin d'ici.

Il se redressa de toute sa hauteur en grognant légèrement. Ses articulations protestèrent en se déployant, lui rappelant que l'âge n'était pas le compagnon le plus clément. Il tendit son bras vers le bout de la ruelle avant de poursuivre.

Les filles ont toutes un "territoire" si je peux le tourner ainsi. Martine tapinait un peu plus au sud, à quelques pâtés de maison. Je peux vous montrer si vous voulez.

Il jeta un nouveau regard à la tenue croûté de sang de la victime et à la peau boursouflée et violacée qui entourait la plaie qui lui barrait la gorge.

En revanche, aucune idée de où elle vivait. Pas très loin je suppose. Mais les filles ont tendance à ne pas emmener de clients chez elle.

Il tourna son regard vers la milicienne, impassible, presque didactique dans le ton.

Une façon de ne pas mélanger vie et travail, je crois ... Elles sont souvent proches d'une auberge ou de recoins discrets pour faire leur besogne à l'abri des regards curieux.

Il remarqua un des corniauds qui reniflait avec méfiance les mains de la défunte. Gauhar l'indiqua d'un coup de menton en interrogeant ses deux compagnons.

Et lui ? Il ne saurait pas suivre la piste de cette ... euh ... vase comme l'a dit votre collègue ?

Sujet: Re: Mais qui a tué Martine ? Ven 6 Jan 2023 - 11:27

-Et lui ? Il ne saurait pas suivre la piste de cette ... euh ... vase comme l'a dit votre collègue ?

La question du prêtre arracha un sourire à l'hendoise. Ce dernier semblerait probablement déplacé en pareille circonstance, mais la brigadière ne parut guère s'en soucier.

-Cela m'étonnerait, il y a bien trop peu de matière pour suivre une piste. Il en faudrait une plus grande quantité. Oslo est un pisteur né, il est très compétent lorsqu'il s'agit de reconnaître l'odeur de la mort et du sang, c'est d'ailleurs pour cela qu'il nous a conduit jusqu'ici, expliqua-t-elle calmement. Il pourrait néanmoins reconnaître l'odeur de cette substance si elle se trouve ailleurs.Mais cela risque d'être difficile.

En effet, Martine avait dû parcourir ce quartier de long en large et en travers. Cela rendrait donc la tâche d'Oslo particulièrement difficile puisqu'il s'agirait de différencier une odeur plus récente d'une plus ancienne. Et si un chien plus âgé et plus entraîné que lui avait de fortes chances de réussir, Oslo rester un jeune canidé encore en pleine formation. Il faudrait donc l'accompagner et l'aider dans cette tâche en trouvant un point de départ afin de discerner le début de la piste. Il faudrait également trouver un objet appartenant à la victime qui ne comprendrait pas cette fameuse odeur de sang et de cadavre.

-Nous devrions commencer par interroger ses connaissances… Ne serait-ce que pour savoir si Martine avait des problèmes ou si ce meurtre est issu d'une mauvaise rencontre.

Le prêtre leur avait ainsi expliqué que Martine, tout comme ses homologues, travaillait généralement près des auberges où elles devaient probablement trouver leurs clients. Il semblait donc logique de commencer par là.

- Où se trouve l'auberge la plus proche de son "territoire" ? demanda l'hendoise, une main sur le menton. Si elle travaillait plus au sud, je suppose que son point de chute se trouverait par là-bas, ainsi que les filles travaillant dans la même zone qu'elle. Peut-être auront-elles des choses à nous apprendre …

Peut-être pourrait-elle également leur dire où et avec qui vivait Martine. En trouvant son domicile ils trouveraient également les affaires lui appartenant et comprenant son odeur ainsi que celle d'un éventuel meurtrier. Ils pouvaient également se rendre plus au sud, là où se trouvait le "territoire" de Martine…

- Quoi qu'il en soit il faut bien commencer par quelque part. Il faudrait également prévenir la milice intérieur afin d'offrir un peu plus de respect et d'intimité à cette pauvre fille.

-J'men charge, grogna le brigadier. J'crois que la coutilerie de Bernier est affectée à ce secteur. J'vais les prévenir, attendez moi ici.

Elena hocha lentement à la tête en guise d'acquiescement. De nouveau, elle observa le corps de la pauvre Martine en se demandant si sa mort avait été plus difficile que le reste de son existence. Était-ce une libération ?

- Comment vivait-elle ? Avait-elle des ennemis ? demanda-t-elle au prêtre sans pour autant le regarder. Elle aurait aimé pouvoir comprendre cette jeune femme. Savoir ce qu'elle avait vécu, avec qui. Trouver rapidement qu'il y avait voulu du mal, qu'il avait tué. Pourquoi ? Comment ?

Elle laissa le temps au clerc de répondre avant de lui demander :

- Je sais bien que cela ne se fait pas mais, vous voudriez-vous nous accompagner ? Je pense que ces personnes seraient plus en confiance avec vous. Elles vous connaissent et vous font probablement confiance… Cela nous ferait gagner un temps précieux.

L'idée qu'un tel monstre puisse courir dans les rues la rendait malade. Aussi préférait-elle mettre toutes les chances de son côté.
Quelques instants plus tard, la fameuse coutilierie vint les rejoindre. Comme ils l'avaient deviné, les miliciens ne s'intéressérent point au sort de la catin et se contentèrent de débarrasser la ruelle de son corps. Ils emmenèrent la pauvre Martine et la placèrent à l'arrière d'une carriole avant de déverser plusieurs seaux d'eau sur les tâches de sang pour les faire disparaître…Comme si rien ne s'était passé. Puis, sans un mot ni même un regard pour le prêtre et les brigadiers, ils quittèrent les lieux.

- Bien, on y va ?

Sujet: Re: Mais qui a tué Martine ? Mar 10 Jan 2023 - 14:38

La question du prêtre au sujet des talents de limier du canidé trouva vite une réponse.

Cela m'étonnerait, il y a bien trop peu de matière pour suivre une piste. Il en faudrait une plus grande quantité. Oslo est un pisteur né, il est très compétent lorsqu'il s'agit de reconnaître l'odeur de la mort et du sang, c'est d'ailleurs pour cela qu'il nous a conduit jusqu'ici. Il pourrait néanmoins reconnaître l'odeur de cette substance si elle se trouve ailleurs.Mais cela risque d'être difficile.

La jeune femme semblait connaître son affaire, bien mieux que Gauhar qui ne s'intéressait que peu aux clébards. Déjà que son rapport aux humains n'était pas exceptionnel, alors les bestioles ...

Nous devrions commencer par interroger ses connaissances… Ne serait-ce que pour savoir si Martine avait des problèmes ou si ce meurtre est issu d'une mauvaise rencontre.

Gauhar se contenta d'acquiescer silencieusement en hochant la tête.

Où se trouve l'auberge la plus proche de son "territoire" ? Si elle travaillait plus au sud, je suppose que son point de chute se trouverait par là-bas, ainsi que les filles travaillant dans la même zone qu'elle. Peut-être auront-elles des choses à nous apprendre …

Le sud se trouvait ... Au sud. Le vieux barbu lança un regard incrédule à la milicienne. Il ne se voyait pas apprendre les points cardinaux aussi tôt le matin, dans une ruelle moisie, devant le cadavre égorgé d'une fille de joie. Elle ne lui laissa pas le temps de soupirer qu'elle surenchérissait immédiatement, donnant le temps au prêtre de hausser les épaules en guise d'accord.

Quoi qu'il en soit il faut bien commencer par quelque part. Il faudrait également prévenir la milice intérieur afin d'offrir un peu plus de respect et d'intimité à cette pauvre fille.
J'men charge. J'crois que la coutilerie de Bernier est affectée à ce secteur. J'vais les prévenir, attendez moi ici.

La jeune femme enchaînait les paroles à toute vitesse, prenant visiblement les choses au sérieux.

Comment vivait-elle ? Avait-elle des ennemis ?

Les yeux de Gauhar s'écartèrent un peu plus, entrouvrant la bouche sans qu'aucun son ne parvint à s'échapper de sa gorge. Il y avait visiblement un malentendu. On l'appelait Père mais il n'était pas celui de la catin. Il finit par secouer la tête en levant la main qui n'était pas refermé sur son bâton.

Je ... Je l'ignore. Elle me racontait quelques unes de ses aventures lorsqu'elle venait prendre une écuelle à la soupe populaire que je faisais servir, mais je ne connais pas tous les détails de sa vie ...
Je sais bien que cela ne se fait pas mais, vous voudriez-vous nous accompagner ? Je pense que ces personnes seraient plus en confiance avec vous. Elles vous connaissent et vous font probablement confiance… Cela nous ferait gagner un temps précieux.

Confus, Gauhar songea pendant un bref instant à répondre par la négative et à se débarasser de cette corvée, mais le regard insistant de la milicienne qui le transperçait et la perspective de paraître louche aux yeux de la milice acheva de le convaincre.

Eh bien ... Oui, si vous pensez que ...
Bien, on y va ?
O... Oui, par ici.

Un petit sourire rida le visage du prêtre qui se mit à avancer après avoir lancé un dernier regard au collègue de la jeune femme qui partait de son côté. Quelques yeux se dirigèrent vers le trio que formait le prêtre, la milicenne et le chien qui marchait la truffe au vent. Marchant d'un bon pas, Gauhar tourna le visage vers la jeune femme.

Nous y serons en quelques minutes. Avec un peu de chances, il y aura quelques filles qui finissent leur nuit sur la route.

Et la chance fut de leur côté. Ils tournèrent dans une rue perpendiculaire et avançèrent vers le sud pour voir une femme ronde, d'une trentaine d'année, aux cheveux bouclés et blonds. La désignant du doigt, le prêtre s'écria.

Brigitte est une des taulières du quartier ! Elle aide les nouvelles filles à trouver un territoire et sait souvent beaucoup de choses. Contre une piécette, elle peut se révéler une vraie commère.

Ils s'approchèrent de la prostituée qui arboraient des cernes, témoins de sa nuit agitée.

Mon Père ?
Bonjour, Brigitte ! Aurais-tu vu Martine hier soir ?

La catin jaugea la milicienne d'un oeil torve, mal à l'aise de devoir parler face à un uniforme.

Qu'est-ce qu'elle a fait la p'tite ? Et pourquoi qu'vous trainez avec la milice ?

Le prêtre se tourna vers la milicienne, grignant des sourcils pour lui faire comprendre de s'éloigner un peu. Il ne s'attarda pas pour vérifier qu'elle s'éloigner un peu et revint à son échange avec Brigitte.

Elle n'a rien fait de mal. Tu sais où est sa piaule ?

Elle se contenta de pointer discrètement le premier étage d'une maison aux murs noircis par la pluie aux coins de la rue. Gauhar observa silencieusement la bâtisse, aussi triste que les autres bâtiments du quartier. Avant de se diriger vers la chambre de Martine, il glissa à la vétérane.

Merci, Brigitte. Tu devrais rentrer te coucher, la nuit semble avoir été longue. Nous nous verrons en fin de semaine, à la soupe.

Sujet: Re: Mais qui a tué Martine ? Jeu 26 Jan 2023 - 12:20

Après avoir salué ses collègues, l'hendoise entreprit de suivre le pauvre clerc qu'elle avait, de toute évidence, bousculé. L'empressement de la jeune femme pouvait souvent déranger les autres, plus particulièrement les plus âgés d'entre eux. Et même si elle n'en dit rien, Héléna s'en voulait de presser ainsi un pauvre vieillard. Malgré tout, ses remords attendraient encore un peu car le temps était compté. Il fallait absolument retrouver le meurtrier de cette pauvre Martine avant que l'idée ne lui prenne de recommencer.

Évoluant aux côtés du clerc, la milicienne gardait le silence. Son attention se portait tout autour d'eux, comme si quelque chose ou quelqu'un pouvait surgir de l'ombre pour bondir sur eux. Oslo semblait chercher quelque chose en usant de son flair tantôt en collant sa truffe au sol, tantôt en la relevant. Héléna aurait tant aimé pouvoir entendre les pensées de l'animal afin de mieux comprendre son raisonnement. Peut-être imaginait-elle plus qu'elle n'en savait sur les canidés. Après tout, Oslo avait très bien plus flairer l'odeur d'une saucisse, d'un ivrogne ou bien d'un congénère.

Au bout de quelques minutes, le prêtre s'arrêta pour désigner une femme blonde et dotée d'un bel embonpoint.

-Brigitte est une des taulières du quartier ! Elle aide les nouvelles filles à trouver un territoire et sait souvent beaucoup de choses. Contre une piécette, elle peut se révéler une vraie commère, lança le vieillard avant d'avancer dans la direction de la prostituée.

Une discussion débuta entre le clerc et la catin. Néanmoins, comme elle l'avait prévu, la présence de la milicienne fut rapidement un problème. La jeune femme s'éloigna donc, sans rechigner, afin de les laisser poursuivre leur conversation. Elle se plaça ainsi, quelques mètres plus loin, se plaçant de côté pour ne pas déranger simplement avec un regard mal interprété. Oslo s'assit à son côté, venant quémander une caresse que son acolyte lui offrit aussitôt. Du coin de l'œil, la milicienne observait la scène et lorsque le prêtre vint la rejoindre, l'hendoise l'accueillit en souriant légèrement.

- C'est là que vivait Martine ? lui demanda-t-elle en chuchotant, ne désignant la bâtisse que d'un mouvement de menton. Est-ce que Brigitte a vu quelque chose ou quelqu'un de suspect

Sujet: Re: Mais qui a tué Martine ? Lun 30 Jan 2023 - 16:27

De retour auprès de la milicienne et son limier, Gauhar fut acueilli par un sourire timide et des questions.

C'est là que vivait Martine ? Est-ce que Brigitte a vu quelque chose ou quelqu'un de suspect
Au premier, oui.

Il se contenta de secouer la tête pour répondre à la deuxième question. Le prêtre leva les yeux vers la fenêtre qu'avait désigné la catin aux formes voluptueuses. Il se gratta l'arrière du crâne, incertain de vouloir entrer dans ce bâtiment branlant qui n'inspirait guère confiance. Il lança un regard incrédule à la milicienne avant de déclarer.

Eh bien ... Allons-y ?

Après un bref échange de regard, s'interrogeant silencieusement sur qui ouvrirait la marche, Gauhar s'avança vers la porte d'entrée. Il la poussa pour découvrir un petit escalier au bout d'un couloir étroit. Une unique porte fermée fendait le mur de gauche -probablement là où vivait le logeur. Gauhar dépassa la parte et se mit à grimper les marches qui grinçèrent sous ses pas. Une fois, sur le palier, un nouveau petit couloir s'étira devant le prêtre et sa compagne. Il avança en faisant claquer son bâton sur le parquet. Ils arrivèrent devant la porte de ce qui devait être la chambre de la défunte.

Vous avez vu ?

Le prêtre pointa la serrure éventrée de son index légèrement tordu. Le vieil homme se redressa légèrement, empoigna son bâton avec un peu d'appréhension et poussa la porte pour révéler un spectacle qui le fit écarquiller les yeux. L'odeur métallique du sang assaillit les narines de Gauhar. Ce qui paraissait être les litres de sang séché éclaboussaient les murs de la petite pièce qui se trouvaient dans un capharnaüm sans nom. Plus étrange encore, cette substance verte que le compagnong de l'hendoise avait indentifié comme de la vase, suintait depuis le lit pour former une flaque sur le sol. Dans un souffle, Gauhar laissa échapper un juron.

Par le Damné, qu'est-ce que c'est que c'bordel ?

Ce fut en silence que l'étrange duo se dirigea vers le fameux bâtiment, et silencieux ils le restèrent jusqu'à ce qu'ils pénétrèrent dans la petite chambre de la victime.

-Vous avez vu ?

La brigadière acquiesça en silence, la serrure avait été forcée avec fureur, ce qui ne lui disait rien qui vaille. La jeune femme se saisit alors de sa hache, fit signe à son chien d'entrer le premier avant de le suivre.

À l'évidence, ils venaient de trouver la scène du crime. Du sang recouvrait les murs et le plancher usé. Les quelques meubles avaient été renversés, les affaires de la victime se trouvaient éparpillées sur le sol… À vrai dire, sans cette substance étrange sur le lit de la pauvre Martine, l'on aurait pu croire à un cambriolage ayant mal tourné.

- Oslo, cherche ordonna la brigadière tout en s'agenouillant près du lit pour observer de plus près cette fameuse "vase".

Le canidé éternua vivement avant de se détourner de la chose… Visiblement, l'odeur de cette substance ne devait pas être très naturelle.

-Par le Damné, qu'est-ce que c'est que c'bordel ?
- Vous jurez, mon père. Voilà qui est bien inconvenant, lâcha la milicienne par réflexe. Comme si elle cherchait à chasser ses propres craintes avec une plaisanterie possiblement déplacée. Cela dit, je n'ai aucune idée de ce que pourrait être cette chose… Mais ce n'est certainement pas de la vase, soupira-t-elle tout en se saisissant de son mouchoir.

Du bout de sa hache, l'hendoise récupéra un peu de cette mixture étrange avant de la placer dans le tissu. Un herboriste pourrait peut-être les aiguiller… ou bien un alchimiste. Elle en connaissait justement une...Ceci fait, la jeune femme ordonna alors à son chien de renifler çà et là afin de trouver une odeur qui ne serait pas celle de la victime.

- Quoiqu'il en soit, mettre cette pièce dans cet état n'a pas pu être discret. Il y a forcément quelqu'un dans ce bâtiment qui a attendu ou vu quelque chose… Nous devrions commencer par interroger le voisinage. Ensuite, j'apporterai cet échantillon à une connaissance dit-elle en désignant son mouchoir. Peut-être saura-t-elle ce que c'est …

Était-il judicieux d'entraîner un pauvre prêtre plus loin dans cette bien sombre affaire ? Probablement pas…

- Je vous remercie sincèrement pour l'aide précieuse que vous nous avez apportée aujourd'hui, mon père. Néanmoins, mieux vaudrait pour vous de rentrer au Temple. J'ai bien peur que cette affaire soit bien plus dangereuse que nous puissions l'imaginer et je ne voudrais pas vous entraîner là-dedans…

Le calme de la scène fut brusquement troublé par les aboiements d'Oslo…Ces derniers furent aussitôt suivis par des bruits de pas pressés provenant des escaliers. Ils avaient été observés.

Le canidé se précipita aussitôt à la suite du fuyard, sitôt enjoint par la brigadière. L'individu venait de quitter le bâtiment et se serait sans doute évanoui dans la nuit si ce dernier n'était pas poursuivi par un chien de la milice. Héléna quant à elle se trouvait loin derrière, mais ne quittait pas son compagnon des yeux. Celui-ci la conduisit jusque dans une impasse où il venait de coincer un jeune garçon qui ne devait pas avoir plus de douze ans.

- Qui es-tu ? lui demanda la milicienne essoufflée. Pourquoi est-ce que tu as pris la fuite ?

- J'm'appelle Urbain, m'dame. J'venais juste voir ma mère… Vot' chien m'a fait peur.
- Ta mère ? Qui est-ce ?
-Ma mère, c'est Martine m'dame. Ça f'sait trois jours que j'l'avais pas vu. Alors j'm'inquiétais…Vous savez où elle est vous ?

Soucieuse, la brigadière ne répondit pas. Elle n'avait jamais été douée pour annoncer les mauvaises nouvelles… De plus, elle ne pouvait pas non plus être certaine que ce gamin dise la vérité.

- Viens avec moi…

La jeune femme le conduisit alors jusqu'au père Gauhar…

-Mon père, ce jeune garçon s'appelle Urbain et affirme être le fils de Martine, lui lança-t-elle tout en espérant que le prêtre puisse lui venir en aide.

Vous jurez, mon père. Voilà qui est bien inconvenant. Cela dit, je n'ai aucune idée de ce que pourrait être cette chose… Mais ce n'est certainement pas de la vase.

Etiol soit loué, elle n'avait pas relevé qu'il avait pris à témoin le Banni à tête de Corbeau. Un blasphème plus que suspect pour qui se revendiquait être un représentant des Trois sur la terre des mortels. Elle s'attela à ramasser l'étrange substance du bout de son arme avant de déclarer, la mine concernée.

Quoiqu'il en soit, mettre cette pièce dans cet état n'a pas pu être discret. Il y a forcément quelqu'un dans ce bâtiment qui a attendu ou vu quelque chose… Nous devrions commencer par interroger le voisinage. Ensuite, j'apporterai cet échantillon à une connaissance. Peut-être saura-t-elle ce que c'est …
En effet, voilà qui a du faire un sacré boucan.

Le grand barbu observait les projections de sang qui formaient une mosaïque morbide sur les murs. La voix de la milicienne l'interpela, le sortant de sa contemplation.

- Je vous remercie sincèrement pour l'aide précieuse que vous nous avez apportée aujourd'hui, mon père. Néanmoins, mieux vaudrait pour vous de rentrer au Temple. J'ai bien peur que cette affaire soit bien plus dangereuse que nous puissions l'imaginer et je ne voudrais pas vous entraîner là-dedans…

La voix grave du chien l'empêcha de répondre. La bête démarra en trombe en beuglant, poursuivant un fuyard qu'il n'eut le temps de voir mais qu'il entendit dévaler les escaliers à toute vitesse. La jeune femme suivit son limier sans un mot de plus et Gauhar se retrouva bientôt seul dans la pièce sinistre. Il n'était pas un fin enquêteur et même s'il savait parfaitement que la violence faisait parti du quotidien de tous les habitants des bas-quartiers, il ne parvenait pas à comprendre pour quelles raisons on s'était tant acharné sur cette pauvre Martine. Il fit un tour sur lui-même, perdu au milieu de cet chambre, puis ouvrit le tiroir d'une petite commode dans un coin sans qu'il ne sache réellement pourquoi. Quelques vêtements étaient soigneusement pliés à côté de quelques pages de vélin et d'un fusain. Elle aimait dessiner, il s'en souvenait bien. Il prit les feuillets, fébrile, observant les différents portraits couchés sur le papier. Il se dirigea alors au dehors, avant de descendre les escaliers lorsque la milicienne réapparut, tenant par la main un mioche.

Mon père, ce jeune garçon s'appelle Urbain et affirme être le fils de Martine.

Les yeux du prêtre s'étréçirent en entendant la révélation. Il saisit le fusain qui pendait au ruban qui maintenait les feuillets ensemble et écrit rapidement sur le premier portrait avant de les tendre à l'hendoise. Il plia les genoux pour mettre son visage au niveau de celui du jeune garçon, souriant et parlant doucement.

Le fils de Martine, hein. Qu'est-ce que tu fais ici, mon petit ?
Je ... Comme j'disais à la Dame, je viens voir ma mère, j'ai pas d'nouvelles depuis longtemps.
Oui, bien sûr. Je comprends bien. Mais elle t'a confiée au Temple, si ma mémoire est bonne. Non ?
Euh ... Oui, Mon Père.
Et pourtant tu n'es pas au Temple.
Non, Mon Père.
Il va falloir remédier à cela !

Gauhar redressa les sourcils, amusé par la situation et la réaction coupable de l'enfant qui baissait les yeux. Son sourire s'estompa lorsqu'il releva le regard vers la milicienne. Martine était bavarde, très bavarde. Sa vie comportait peu de secrets pour quiconque prenait la peine de l'écouter. Elle avait encore de l'espoir, pensait que sa condition de putain n'était que temporaire et qu'elle aurait un jour un "vrai travail" et qu'elle pourrait "fonder une famille avec un beau rouquin" à qui elle donnerait cinq enfants. Sur le feuillet, l'écriture resserré du prêtre traçait des mots qui était pour lui une certitude. "Elle n'a pas d'enfant".