Cube par-dessus tête

L'homme agitait les bras en projettant de grandes gerbes d'eau dans tous les sens.

Les flots sombres et les parois du gouffre se teintaient de lueurs verdâtres étranges qui découpaient des ombres menaçantes à travers l'écume.

Battant des bras et des pieds, il parvint à ramener son visage à la surface, prenant de grandes inspirations avant de s'enfoncer à nouveau à cause de ses mouvements désordonnés.

Tout en haut du puits qu'il avait dégringolé, il pouvait apercevoir la silhouette trapue coiffée de bois monumentaux qui le toisait en grattant le sol. Le cerf finit par se détourner et disparaître.

Ne restait que l'homme et les flots noirs ...

Quelque chose frôla sa jambe ... Une masse noire qui ressortait au milieu de cette lueur maladive qui enrobait les alentours.

Une nouvelle fois, la chose fit vibrer l'eau sur le flanc de l'homme.

La lumière qui provenait du trou d'où il était tombé s'ombscurcit et un claquement d'aile annonça l'arrivée d'un oiseau au plumage noir qui croassa avant de descendre en planant en cercle.

Quelque chose dans l'eau le frola une fois de plus ...

Sur le bord de l'étendue d'eau, l'oiseau aux plumes d'ébène se posa en croassant. Il jaugea l'homme d'un regard circonspect en dodelinant de la tête.

L'eau frémit une fois encore, révélant un aileron menaçant qui rida la surface en s'approchant de l'homme qui s'agitait pour rester à la surface. Le volatile poussa un cri strident, comme pour avertir du danger.

La bête dans l'eau heurta le malheureux avant de s'enfoncer une nouvelle fois dans l'obscurité des flots. Anesthésié par son environnement, il ne remarqua pas tout de suite le nuage rouge qui commençait à colorer l'eau autour de lui.

Qu'importe ce qui louvoyait ici, la bête s'amusait avec sa proie. Elle commençait à en avoir assez de faire chavirer l'homme et se mettait à y goûter. Ce n'avait été ici qu'un coup de semonce. La prochaine attaque serait probablement plus douloureuse ... Voir fatale ...

Le volatile se nettoyait le plumage paisiblement depuis le bord de pierres noires qui entourait la mare dans laquelle pataugeait l'homme et son bourreau. Il cessa en redressant la tête et en ébouriffant les plumes de son cou, avant de croasser une fois encore.

Près de la berge, à l'opposé de l'oiseau, l'aileron menaçant réaparaissaitt en creusant un sillon de mauvaise augure sur la surface.

Etait-ce sa dernière heure ? Sa dernière chance de survivre ?

Avec l'énergie du désespoir, l'homme se déplaçait dans l'eau sombre en faisant voler de larges éclaboussures tout autour de lui. Le formidable oiseau au plumage noir le jaugeait en dodelinant de la tête. Il semblait s'interroger sur cette forme vociférante qui se démenait dans les flots.

Le condamné atteint le bord juste à temps. L'aileron qui ridait la surface liquide s'enfonça au dernier moment pour disapraître dans les ténèbres aqueux. L'homme toussait, râlait, respirant profondément en faisant un raffût comparable à un soufflet de forge.

Au centre de cet étang aux dimensions floues, l'aileron réapparut. Tel le tranchant d'une hache fantastique, il émergea avant de trancher une fois de plus la surface qui vacillait sous l'estocade.

L'oiseau se mit à battre des ailes pour prendre un peu de hauteur. Dans un froissement de plumes, il se dirigea vers l'homme qu'il saisit entre ses pattes avec une délicatesse incongrue pour une créature de cette taille aux abords si montrueux. Il souleva sa proie avant de s'élever de nouveau vers l'entrée de ce gouffre dans lequel l'homme avait été projeté un peu plus tôt.

Une gueule émergea des flots, béante et hérissée de dents démesurées. La mâchoire claqua pour révéler la difformité d'un requin écorché qui retomba dans l'eau sombre tandis que l'homme et son sauveur à plumes continuaient de gagner de la hauteur. La lumière qui perçait timidement depuis l'ouverture se fit de plus en plus intense à mesure que l'énorme volatile battait des ailes.

Elle s'intensifia ...

Encore et encore ...

Et encore ...

L'homme prit une inspiration semblable à celle qu'il avait prise en sortant la tête de l'eau. À défaut de bêtes monstrueuses, de foules en colère qui beuglaient leur haine ou de flots couleur d'encre, il ne trouva que le plancher de l'auberge. Quelques gouttes de pluie tambourinaient contre le volet de la chambre et la lumière d'un bougie, presque entièrement consumée, vacillait au-dessus d'un bougeoir débordant de cire.

HRP: